Vous êtes sur la page 1sur 274

1

OBJECTIFS
Ainsi exposées ces notes de cours, nous avions voulu qu'à la fin l'étudiant soit capable de:
1. Faire le diagnostic des pathologies chirurgicales digestives courantes
2. Connaître la conduite à tenir devant ces affections
3. Faire face aux urgences chirurgicales digestives en procédant aux actes salutaires
pouvant sauver le patient: réanimation, etc. …
4. Orienter précocement le patient dans la bonne direction par son examen physique
suffisamment précis et ces connaissances de la symptomatologie et de l'évolution des
affections chirurgicales digestives
5. Connaître les difficultés et les possibilités de complications des affections
chirurgicales digestives et comment les prendre en charge.

CHAPITRE I : AFFECTIONS DE LA PAROI ABDOMINALE


1. Herniologie
2. Eventration

Chapitre II : Les grands syndromes chirurgicaux du tube digestif


1. Le drame abdominal
2. Les traumatismes abdominaux
3. Les péritonites aiguës
4. L'occlusion intestinale aiguë
5. Les pathologies chirurgicales de l’appendice
6. Le diagnostic et traitement des hémorragies digestives

Chapitre III : Les pathologies chirurgicales régionales

1. Le péritoine et sa pathologie
2. L’œsophage
- Les notions générales de l'anatomie, l'histologie et la physiologie de l’œsophage
3. L'estomac-duodénum
- Rappels
- Maladies ulcéreuses gastroduodénales
- Tumeurs gastriques
- Complications après chirurgie gastrique
4. L’intestin grèle
- Infarctus du mésentère
- Ischémie intestinale aigue
- Fistules intestinales du grèle
- Tumeurs de l’intestin
5. La vésicule biliaire et les voies biliaires
6. Le foie
- Traumatisme
- Abcès hépatique
7. Pancréas et rate
- Rate
8. Le côlon
9. Chirurgie des hypertensions portales
10. La proctologie
2

CHAPITRE I : AFFECTIONS DE LA PAROI ABDOMINALE


I. HERNIES

1. Généralités
2. Etranglement herniaire
3. Variétés topographiques des hernies
- Hernies inguinales
- Hernies crurales
- Hernies ombilicales acquises
- Hernies de la ligne blanche

II. EVENTRATIONS

1. Eventrations spontanées
2. Eventrations traumatiques
3. Indications thérapeutiques
3

I. HERNIES

GENERALITES

Définition.- Caractérisée par l’issue des viscères abdominaux et pelviens hors des parois
abdomino-pelviennes, la hernie typique ou spontanée survient en dehors de tout traumatisme par
suite de dispositions spéciales congénitales ou acquises.

Est dite congénitale non seulement la hernie qui existe à la naissance, mais encore toute hernie
qui, aussi tardive que soit sa date d’apparition, peut être considérée comme en rapport avec un
arrêt de développement de la paroi.

Est dite acquise la hernie qui se crée elle-même un chemin dans une région plus spécialement
affaiblie.

INTRODUCTION

Les hernies constituent une des causes les plus fréquentes de consultation en pratique médicale
générale. Dans les milieux les moins favorisés sur le plan médical, leur incidence est élevée et on
rencontre de nos jours des formes historiques allant au-delà de genoux en Afrique comme il y a 20
ans.

En Afrique Noire et plus particulièrement en République Démocratique du Congo, plusieurs


publications font état d’une fréquence remarquable des hernies dans des services de chirurgie
générale. Elles font effectivement partie de la pathologie chirurgicale journalière et il nous a
4

semblé intéressant de rapporter notre expérience à ce sujet.

Les hernies traumatiques, les éventrations post-opératoires ne sont pas au sens strict du mot des
hernies (cf. Eventrations).

Nous éliminerons aussi du cadre de cette étude les hernies internes (hernies rétro-péritonéales,
hernies à travers l’hiatus de Winslow), qui appartiennent au chapitre de l’occlusion intestinale.

Chez certains sujets, les hernies constituent une infirmité génante, mais ne donnent lieu à aucun
accident appréciable: on les dit alors simples ou réductibles. Chez d’autres hernieux, des
complications apparaissent qui dépendent soit de l’irréductibilité de la hernie, soit de lésions
atteignant les différents plans de la région malade: la hernie est dite compliquée.

HERNIE SIMPLE (OU REDUCTIBLE)

Toute hernie présente des caractères communs anatomiques aussi bien que cliniques et se trouve
soumise à des règles générales de thérapeutique.

Anatomie pathologique

La dissection opératoire montre qu’une hernie est constituée par un trajet anatomique, des
enveloppes et un contenu.

Trajet.- Le trajet est tantôt réduit à un simple orifice, à un anneau musculo-aponévrotique,


comme dans les hernies de la ligne blanche, tantôt c’est un véritable canal, comme pour les
hernies inguinales et les hernies crurales: dans ce cas, le trajet présente deux orifices placés l’un
profondément du côté du péritoine (orifice interne), l’autre à la surface sous la peau (orifice
externe). La hernie, lorsqu’elle parcourt un trajet véritable, peut traverser la paroi soit
obliquement (hernie oblique interne ou externe),soit perpendiculairement à elle (hernie directe).

Le point rétréci au niveau duquel la hernie quitte l’abdomen est le pédicule.


On distingue: la pointe de hernie (engagement dans l’anneau interne), la hernie intertistitielle
(située dans l’épaisseur de la paroi), la hernie complète (où l’orifice externe est franchi).

Enveloppes.- Il faut décrire l’enveloppe propre de la hernie, le sac et les enveloppes externes, qui
représentent les plans anatomiques plus ou moins modifiés refoulés par le sac et se disposant
autour de lui.

Le sac herniaire.- Il est formé par le diverticule péritonéal qui s’est engagé dans le trajet
herniaire et qui renferme les organes prolabés. Dans les hernies acquises, le sac est dû à la
locomotion du péritoine, qui glisse facilement sur la face profonde de la paroi grâce à la laxité du
tissu cellulaire sous-séreux. Dans les hernies congénitales, c’est avant la naissance que le sac
péritonéal a déjà glissé au dehors, où il formait une poche annexée à la grande poche péritonéale.
Dans certaines variétés de hernies (hernies ombilicales, par exemple), on admet que le sac
adhérant à l’anneau fibreux se constitue surtout par distension du diverticule péritonéal primitif,
ce qui explique sa minceur et sa fragilité.

La MORPHOLOGIE du sac herniaire est variable (rond cylindrique, conique, etc...), mais le sac
présente toujours une partie rétrécie et profonde par laquelle il se continue avec le péritoine: le
5

collet, une partie terminale renflée, le fond, une partie intermédiaire plus ou moins étendue, le
corps.

La surface externe du sac est entourée d’une enveloppe celluleuse plus ou moins épaisse et
vasculaire, surtout au niveau du collet.

La surface interne, de couleur blanc rosé, analogue à celle du péritoine normal, se modifie, du fait
de la sclérose, dans les vieilles hernies, où elle apparaît blanchâtre ou grisâtre et se revêt
d’adhérences qui l’unissent aux viscères herniés. La paroi du sac s’épaissit, et des taches noires ou
brunâtres, parfois même des plaques fibro-calcaires s’y forment.

Au niveau du collet, la séreuse se fronce pour s’engager dans l’anneau inextensible de la paroi.
Progressivement, dans les hernies anciennes, le collet, de souple et déplissable devient rigide,
fibreux, inextensible et adhère à l’anneau fibreux avoisinant.

La structure du sac est celle du péritoine. Le sac est composé d’une seule couche séreuse; la
couche cellulo-fibreuse qui lui est juxtaposée n’en fait pas partie. C’est une couche adventice qui
est toujours séparée de la couche séreuse par un plan de clivage, que l’on doit utiliser dans la
dissection du sac pour éviter tout suintement sanguin.

Il est classique de décrire les anomalies du sac:


1. ANOMALIES PAR DEFAUT: absence complète ou partielle du sac
2. ANOMALIES PAR EXCES: ce sont les sacs à collets multiples (en sablier, en chapelet), qui se
voient souvent dans les hernies inguinales congénitales; les sacs à cloisonnements longitudinaux,
rares, qui aboutissent à la formation de sacs secondaires parallèles au sac principal.

Assez souvent s’observent des bosselures à la surface du sac, amorces de véritables diverticules
qui forment des logettes accessoires communiquant avec la cavité principale du sac par des
orifices rétrécis, causes possibles d’étranglements à l’intérieur du sac. Ceci se voit surtout dans les
hernies ombilicales de l’adulte.

Enfin, on peut observer des sacs multiples. Il s’agit alors de deux sacs munis chacun d’un collet
comme c’est le cas dans la hernie inguinale congénitale du type propéritonéal.

3. ANOMALIES PAR MODIFICATIONS PATHOLOGIQUES SPECIALES.- Ce sont les sacs


déshabités. Tantôt le sac est petit, étroit et, bien que communiquant avec le péritoine, ne contient
rien: il est fréquent de le trouver caché par un important lipome préherniaire qui le masque.
Tantôt le sac est déshabité parce que le collet s’est oblitéré par des adhérences. Rarement, dans ce
cas, le sac s’oblitère totalement. Le plus souvent, les adhérences ne s’établissent qu’au niveau du
collet, et, les parois sécrétant un liquide séreux (analogue à la sérosité péritonéale), un kyste
sacculaire se développe.

Enveloppes externes.- Elles sont constituées par les différents plans anatomiques de la région
plus ou moins modifiés, épaissis et fusionnés dans les vieilles hernies.

Les couches celluleuses et aponévrotiques sont souvent infiltrées de graisse (lipome pré-
herniaire), et des bourses séreuses, véritables hygromas, peuvent se développer dans le tissu
cellulaire.

Contenu.- L’intestin grêle, ou le côlon, l’épiploon constituent le contenu habituel des hernies.
Dans les hernies ombilicales embryonnaires, tous les viscères, sauf le pancréas peuvent se
6

rencontrer. En dehors de l’intestin et de l’épiploon, d'autres organes comme la vessie, les annexes,
peuvent pénétrer dans les sacs herniaires.

Fréquence.- Infirmité très commune, la hernie est plus fréquente chez l’homme que chez la
femme (quatre hommes pour une femme), et la proportion des hernies varie avec les différents
âges de la vie: très fréquente pendant la première année de la vie, la hernie se raréfie ensuite
jusqu’à l’adolescence, puis suit une progression constante au cours de l’âge moyen de la vie pour
atteindre son maximum à la vieillesse et décroitre ensuite pendant l’extrême vieillesse.

Tous les facteurs susceptibles de provoquer l’affaiblissement de la paroi abdominale et la ptose


des viscères sont autant de causes prédisposantes à l’apparition des hernies; c’est ainsi qu’agissent
les grossesses répétées, l’obésité, les maladies aiguës ou chroniques, qui s’accompagnent
d’amaigrissement rapide et de déficience musculaire.

Dans la période de restrictions alimentaires que nous avons traversée pendant toutes les guerres
civiles, on a remarqué une augmentation importante du nombre des hernies: on a incriminé
l’amaigrissement, la fonte musculaire et graisseuse et certaines altérations de la qualité des
muscles d’ordre vitaminique.

Les pulmonaires chroniques, les constipés, les prostatiques, chez qui l’effort s’ajoute à un état
général souvent précaire, sont prédisposés aux hernies.

Il n’est pas rare de noter, chez les sujets atteints de ces différentes affections, un aspect particulier
du ventre: ventre plat et mou des gens fatigués, ventre en besace des obèses, ventre à triple saillie
de Malgaigne ou double distension de l’aine de Berger des prédisposés héréditaires.

Cause déterminante.- Il n’y en a qu’une: l’effort, qui résulte de la contraction énergique du


diaphragme et des muscles de la paroi. L’effort peut être brusque et violent. Il est parfois atténué
mais répété, et souvent il s’effectue dans une fausse position. Sous l’influence de l’effort, la
pression s’accroît à l’intérieur de la cavité abdominale, principalement dans la région sous-
ombilicale; l’intestin fuit dans les parties déclives et s’il rencontre un canal préformé, ou un point
faible quelconque, il s’extériorise.

Mécanisme.- Le mécanisme est variable suivant qu’il s’agit d’une hernie congénitale ou d’une
hernie acquise.

Dans la hernie congénitale, il existe un sac préformé et le rôle de ce sac est capital. Habité parfois
dès la naissance, ce sac peut rester vide pendant longtemps, jusqu’à ce que, sous l’influence d’un
effort, les viscères viennent s’y engager: ceci explique que des hernies peuvent ne se manifester
que tard dans la vie tout en étant des hernies congénitales.

Dans ce type de hernies, la paroi musculo-aponévrotique est souvent de bonne qualité: c’est la
malformation congénitale qui est, avant tout, responsable de la hernie.

Les hernies acquises sont de mécanisme plus complexe en apparence.

La hernie acquise est le plus souvent ce qu’on appelle une hernie de faiblesse, survenant chez des
sujets à paroi déficiente, et l’effort ne joue dans son apparition qu’un rôle occasionnel. C’est la
hernie des vieillards, des affaiblis, des malades: c’est une maladie et non point un accident.

ETUDE CLINIQUE
7

Les hernies se traduisent en clinique avant tout par des signes physiques. En effet:

LES SIGNES FONCTIONNELS sont, en général, très discrets. La plupart des hernies sont même
absolument indolentes, et c’est le plus souvent pour une saillie anormale apparue dans une zone
herniaire que le malade vient consulter. Toutefois, certaines hernies sont douloureuses: c’est le cas
des hernies épigastriques, ainsi que de certaines pointes de hernie. Les hernies d’un certain
volume sont souvent les mieux tolérées.

Les signes physiques ne font, en pratique, jamais défaut. Il est nécessaire de pratiquer l’examen
du hernieux, d’abord debout puis couché.

L’examen en position debout est indispensable, car certaines hernies se réduisent spontanément
dans le décubitus. Il est même parfois utile de faire marcher un peu le sujet, de le faire tousser
pour que le sac se remplisse et que la hernie apparaisse.

La tumeur herniaire, dans les cas typiques, forme une saillie, sessile et arrondie, régulière ou
bosselée.

L’examen du sujet couché permet de palper la hernie, d’en apprécier la consistance rénitente et
élastique (contenu intestinal), molle et irrégulière (épiploon).

Sonore à la percussion lorsqu’elle contient de l’intestin, la hernie est mate dans les cas où le sac
ne renferme que de l’épiploon.

Fait capital, la tumeur herniaire se continue dans le ventre par une portion rétrécie, le pédicule,
que l’on palpe aisément.

On recherche ensuite la réductibilité de la hernie. Les hernies de moyen volume se réduisent


aisément, mais, pour les grosses hernies, la réduction nécessite certaines précautions; on doit
essayer de réduire lentement et progressivement en commençant non pas par le fond, mais par le
segment herniaire voisin du pédicule, où se trouvent les parties engagées les dernières. Il est
souvent utile d’utiliser la position déclive de Trendelenburg:on arrive ainsi fréquemment à réduire
de grosses hernies que le malade croyait irréductibles.

Au cours de la réduction, on obtient parfois quelques notions utiles sur la nature du contenu;
gargouillement qui atteste la présence d’intestin, sensation de frémissement au palper qui
témoigne de la fuite de l’épiploon.

L’examen d’un hernieux ne doit pas se limiter à l’examen de la hernie. Il faut apprécier l’état de la
musculature pariétale, de façon à prévoir les possibilités de cure chirurgicale: on demandera au
sujet de contracter ses muscles abdominaux pour juger de leur qualité. Puis, le faisant mettre
debout, on recherchera s’il existe le classique ventre à double saillie, témoin de la déficience de la
paroi.

Enfin, un examen complet est indispensable: examen de l’appareil respiratoire, de l’appareil


génito-urinaire, etc... Ce n’est qu’après avoir établi le bilan du malade qu’on pourra poser
l’indication thérapeutique.

Diagnostic
8

Le diagnostic de hernie est en général très facile et, dans ce chapitre de généralités, nous nous
bornerons à indiquer d’une façon très théorique les erreurs possibles: ou bien la hernie est de petit
volume, peu accessible (pointe de hernie), et l’on risque de la méconnaître; ou bien la tumeur
herniaire est visible et palpable, mais, du fait de son irréductibilité, on la prend à tort pour une
tumeur superficielle (lipome); ou bien, par une erreur inverse et lourde de conséquences, on croit
à une hernie alors qu’il s’agit d’un abcès froid symptomatique d’une lésion vertébrale ou
pelvienne latente.

Evolution

La plupart des hernies, abandonnées à elles-mêmes, augmentent de volume avec l’âge et mettent
les malades sous la menace de nombreux accidents et notamment de l’étranglement herniaire.

Peut-on parler de guérison pour les hernies ? Jamais, en tout cas, chez l’adulte, où seul le
traitement chirurgical peut amener la guérison.

Mais, chez l’enfant, il semble que certaines hernies puissent guérir par le port d’un bandage: le
fait n’est pas contestable pour les petites hernies ombilicales du jeune enfant. On a dit aussi que
certaines hernies inguinales congénitales pouvaient guérir chez l’enfant au-dessous de dix ans, par
oblitération du canal péritonéo-vaginal. Mais ce n’est pas là une éventualité fréquente, et l’on
demeure sceptique sur ces soi-disant guérisons, à en juger par le nombre de ces sujets dits guéris
et qui, à l’occasion du moindre effort, font, quelques années plus tard, une hernie inguinale.

Traitement

Dans le traitement des hernies, une seule possibilité thérapeutique se présente: on traite
chirurgicalement la hernie par résection du sac et réfection de la paroi; c’est la cure opératoire
(terme préférable à celui de cure radicale).

ETRANGLEMENT HERNIAIRE

Définition.- La complication la plus grave qui puisse survenir au cours de l’évolution des hernies,
l’étranglement herniaire, est caractérisée par la constriction serrée de l’intestin ou de l’épiploon à
l’intérieur d’un sac herniaire; beaucoup plus rarement d’autres organes, trompes, ovaires, peuvent
être étranglés.

C’est une constriction permanente qui gêne la circulation sanguine et arrête le cours des matières:
elle entraîne, si la réduction opératoire n’est pas pratiquée d’urgence, des accidents de sphacèle
(gangrène intestinale ou épiploïque) et des accidents d’occlusion qui aboutissent à la mort par
péritonite ou par septicémie.

Toutes les hernies peuvent s’étrangler, mais ne rentrent pas dans cette étude les étranglements des
hernies internes, qui seront étudiés à un autre chapitre.

Etiologie

Fréquence.- C’est l’accident le plus fréquent de l’évolution des hernies. 7,4 % des malades
arrivent dans notre service dans ce tableau d'étranglement herniaire.

Causes prédisposantes tenant au porteur de la hernie.- Age.- C’est surtout chez l’adulte et le
vieillard que l’étranglement s’observe. Cependant il n’est pas rare avant la vingtième année. Chez
9

l’enfant, il s’agit le plus souvent d’étranglements légers du fait de la souplesse des anneaux
séreux du canal péritonéo-vaginal. L’étranglement vrai existe cependant, il se voit presque
exclusivement chez le nourrisson et surtout dans les six premiers mois de la vie.

Sexe.- L’étranglement herniaire est plus fréquent chez la femme (deux tiers des cas). Cette
différence peut s’expliquer par la plus grande fréquence, chez la femme, des hernies crurales, dont
on sait la tendance à s’étrangler.

Causes prédisposantes tenant à la hernie.- Siège de la hernie,- Ce sont les hernies crurales qui
donnent le plus pourcentage d’étranglements (50 à 60 p. 100), car ce sont des hernies peu
volumineuses et présentant un anneau fibreux serré, toutes conditions favorables.

L’étranglement est à peu près d’égale fréquence dans les hernies inguinales et ombilicales

Age de la hernie.- La hernie peut exister déjà depuis plus ou moins longtemps quand
l’étranglement apparaît. Mais on a insisté sur la fréquence relative des étranglements d’emblée:
c’est surtout le cas des hernies inguinales congénitales et des hernies crurales, ces dernières
existant souvent sous forme de petites hernies à sac déshabité et méconnues de leur porteur avant
que ne survienne la complication.

Volume de la hernie.- Ce sont les petites hernies qui s’étranglent le plus facilement, car ce sont
celles qui répondent à des anneaux fibreux encore résistants. L’étranglement est plus rare dans les
grosses hernies et reconnaît alors le plus souvent un mécanisme particulier d’occlusion
intrasacculaire par brides.

Causes déterminantes.- Il n’y a qu’une cause déterminante: l’effort (sous toutes ses formes),
mouvement violent, soulèvement d’un fardeau, etc ... Rappelons que, chez le vieillard, les efforts
de toux sont parfois responsables de l’étranglement.

Anatomie pathologique

Nous envisagerons d’abord les causes anatomiques de l’étranglement, puis les lésions du sac
herniaire et de son contenu.

Causes anatomiques de l’étranglement.- Il en existe deux principales: 1. les anneaux fibreux


naturels; 2. le collet du sac.

1. Les anneaux fibreux.- Ils jouent un rôle plus ou moins important suivant le siège de la hernie.

Dans les hernies crurales, le rôle de l’anneau fibreux est essentiel: l’arcade crurale, le ligament de
Gimbernat et le ligament de Cooper forment un anneau fibreux très rigide et difficilement
extensible.

C’est sur le bord tranchant du ligament de Gimbernat que l’intestin vient se couder et former un
éperon.

Le rôle de l’anneau fibreux semble secondaire dans les hernies inguinales: il est rare qu’il soit à
lui seul responsable des accidents. Le plus souvent, l’anneau inguinal superficiel s’est laissé
distendre et n’a plus grande action sur les viscères. Toutefois, chez les sujets jeunes, à paroi
solide, à anneau inguinal étroit, il est possible de voir une petite hernie, sous un effort violent,
s’étrangler au niveau de l’anneau.
10

Les anneaux fibreux exercent en principe une compression circulaire; mais, en fait, la striction
souvent ne s’effectue que par une partie de l’anneau: c’est le cas dans la hernie crurale, où les
vaisseaux n’offrent pas de résistance en dehors, et c’est également le cas lorsque l’épiploon hernié
forme matelas et s’interpose d’un côté entre l’intestin et l’anneau.

2. Collet du sac.- Son rôle est capital dans certains cas, notamment dans les hernies inguinales.
C’est ainsi que, dans les hernies congénitales, l’orifice profond du canal péritonéo-vaginal forme
un diaphragme qui est responsable de la striction, diaphragme serré, très difficile à dilater. Parfois
à la striction par le collet s’ajoutent des étranglements multiples intrasacculaires à travers
plusieurs anneaux de Ramonède.

Dans les hernies acquises, ce n’est qu’à la longue que le collet devient un agent d’étranglement.
Sous l’influence du port du bandage, se développe une sclérose qui épaissit le collet, le rétracte et
le rend inexistensible et rigide.

Souvent, ailleurs, le collet du sac et l’anneau fibreux deviennent solidaires en adhérant l’un à
l’autre, et l’étranglement résulte de leur action combinée.

3. Causes plus rares d’étranglement.- Nous rappellerons la possibilité, rare d’ailleurs,


d’étranglement dans un sac propéritonéal; dans certaines hernies congénitales, le sac développé
entre le péritoine et les muscles peut être seul étranglé, tandis que le sac occupant la place
habituelle dans le trajet ne l’est pas.

ETRANGLEMENTS INTRASACCULAIRES.- Ils sont dus à des diaphragmes qui mettent en


communication la cavité principale du sac avec un diverticule, soit, plus souvent, à une
agglutination d’anses dans le sac. Ces agglutinations d’anses sont fréquentes dans les grosses
hernies ombilicales et inguinales. Il s’agit de hernies anciennes, irréductibles, qui ont présenté des
poussées d’étranglements incomplets: des brides se sont développées entre les anses incarcérées,
des adhérences sont venues souder les anses les unes aux autres, et, finalement, ce sont de
véritables occlusions par brides ou par agglutination qui se développent dans ce type de hernie.

Lésions du sac herniaire.- Lorsqu’on opère une hernie étranglée, après incision des plans
superficiels, on tombe sur un sac globuleux, tendu, de coloration rougeâtre, brun foncé ou ardoisé,
se disséquant facilement.

Quelquefois, on trouve, avant de tomber sur le sac, un lipome préherniaire plus ou moins
enflammé ou de faux kystes présacculaires.

Mais, fait essentiel, dans l’immense majorité des cas, le sac contient du liquide. Il faut donc
inciser les parois du sac avec prudence, mais arriver jusqu’au liquide interposé entre les parois du
sac et l’intestin.

Lésions de l’intestin.- Phénomènes macroscopiques.- Lésions in situ.

A l’intérieur du sac d’une hernie étranglée, se trouve de l’intestin, le plus souvent de l’intestin
grêle, beaucoup plus rarement du gros intestin.

La longueur de l’anse étranglée est en règle assez réduite (10 à 20 centimètres dans la hernie
crurale, 20 à 30 dans la hernie inguinale).

Parfois seul le bord de l’intestin est étranglé (pincement latéral).


11

Dans les grosses hernies inguinales ou ombilicales, la quantité d’intestin contenue dans le sac est
parfois considérable (1 mètre ou davantage).

La gravité des lésions de l’intestin dépend, bien entendu, de l’horaire de l’intervention, mais il
dépend surtout du mode d’étranglement. C’est ainsi que la gangrène intestinale apparaît
rapidement dans les étranglements serrés (hernie inguinale congénitale) ou dans les cas de
coudure sur vive arête (hernie crurale avec intestin coudé sur l’arête tranchante du ligament de
Gimbernat). Elle sera plus longue à apparaître dans les vieilles hernies inguinales, où
l’étranglement, d’abord peu serré, se complète à la longue sous l’influence de l’oedème et de la
distension de l’intestin. Elle sera plus rapide dans les cas où l’intestin seul se hernie que dans les
entéro-épiplocèles, l’épiploon, par sa spasticité, protégeant un certain temps l’intestin contre une
striction trop serrée.

On décrit schématiquement trois périodes évolutives à ces lésions de l’intestin.

PREMIER PERIODE: stade de congestion.- La gêne de la circulation de retour entraîne de la


distension veineuse et de l’oedème des parois intestinales. En même temps, l’anse étranglée est le
siège d’une hypersécrétion intense et très rapidement présente une distension paralytique.

A l’ouverture du sac; l’anse est tendue, de couleur rouge vineux: ses parois sont épaissies
A ce stade, les lésions sont réversibles: après la levée de l’agent d’étranglement et l’aspersion au
sérum chaud, l’anse revient’ bien, et on peut sans crainte la réintégrer.

Toutefois, on a pu, rarement il est vrai, observer, dans des cas où les lésions paraissaient bénignes,
des infarctus post-herniaires continuant à évoluer vers la nécrose après la levée de l’étranglement.

DEUXIÈME PERIODE.- Elle correspond à l’aggravation des lésions et notamment à la


formation, au niveau du sillon d’étranglement, de grave dégâts anatomiques.

TROISIÈME PERIODE: stade ultime de gangrène et de perforation.- C’est au niveau du sillon


d’étranglement que débute la gangrène: c’est toujours là qu’elle est maxima.

L’intestin sur le point de se gangréner présente une coloration brun noirâtre piquetée de points
jaunâtres; après l’épreuve longtemps prolongée du sérum chaud, de telles anses suspectes ne
reprennent pas une couleur rouge vif de bon aloi; elles restent flasques minces, et le péristaltisme
ne s’y rétablit pas.

Enfin, au stade évolutif ultime, ces plaques escarrifiées tombent et entraînent une rupture partielle
ou totale de l’anse. La perforation est tantôt unique et large, tantôt ce sont des perforations
multiples et punctiformes en écumoire.

Lésions du mésentère et de l’épiploon.- Le mésentère est plus ou moins épaissi par l’oedème, les
veines en sont dilatées, puis thrombosées. Il est friable, ce qui explique les désinfections
mésentériques que l’on peut observer: soit spontanées, soit provoquées par des manoeuvres
brutales.

Les mêmes lésions s’observent sur l’épiploon: congestion, oedème avec thrombose, puis sphacèle
s’y succèdent.

Lésions de l’intestin en amont et leur retentissement sur le péritoine abdominal.- Peu modifié
dans les premiers instants de l’étranglement, le segment intestinal afférent se laisse distendre,
12

après une phase plus ou moins longue de lutte. Ce segment intestinal est alors dilaté,
congestionné, contrastant avec le segment sous-jacent à l’étranglement, qui est pâle et affaisé.

A côté de ces phénomènes qu’on retrouve dans toutes occlusions aiguës, il importe de retenir
qu’au niveau de l’anse afférente se développent très vite des ulcérations sus-stricturales qui
favorisent la migration des bactéries dans la cavité péritonéale et qui peuvent aboutir à des
véritables perforations. Ce fait est lourd de conséquences: en présence d’une anse gangrenée, il ne
faut pas limiter l’étendue de la résection au segment sphacélé, mais on doit toujours réséquer un
segment plus ou moins long du bout afférent, de façon à emporter tout le territoire suspect.

Nous décrirons rapidement deux variétés spéciales et rares d’étranglement herniaire.

Le pincement latéral.- Etranglement dans un orifice herniaire du bord libre de l’intestin sans
obstruction complète de sa lumière, le pincement latéral ne se voit que dans les hernies à orifice
étroit et à sac de faible volume. Le pincement latéral constitue en somme une hernie partielle
étranglée, et l’étranglement se fait d’emblée dans un sac qui, normalement, était vide. Dans
l’immense majorité des cas, le pincement latéral s’observe dans les hernies crurales; on en a
quelquefois trouvé dans des hernies inguinales.

C’est le plus souvent l’iléon, puis le jéjunum, rarement le gros intestin, qui subissent un
pincement latéral.

Les lésions observées sont sensiblement les mêmes que dans les hernies complètes: congestion,
formation d’un sillon, plaque ecchymotique occupant toute la surface pincée, puis gangrène et
perforation. Mais on n’observe que rarement des lésions à distance, et la circulation des matières
et des gaz n’est pas interrompue. A l’ouverture du sac, le pincement latéral se caractérise par une
masse sphérique rouge vineux ou noirâtre, qu’on prendrait facilement pour un deuxième sac.
Lorsque l’anneau est débridé et l’anse extériorisée, on a l’impression qu’il s’agit d’un diverticule
de l’anse, mais très vite, le picement latéral réduit, l’intestin reprend son aspect normal, et le
pseudo-diverticule disparaît.

Le pincement latéral évolue comme un étranglement habituel, mais on a beaucoup insisté sur la
rapidité de la gangrene dans cette forme d’étranglement, que l’on peut attribuer à l’absence, dans
le sac, de mésentère jouant le rôle de coussinet élastique.

Etranglement rétrograde de l’intestin. – C’est une éventualité très rare: une anse en W est
engagée dans le sac herniaire et s’étrangle. La partie intermédiaire reste dans le ventre et peut être
seule sphacélée, alors que les deux anses situées dans le sac paraissent peu malades.

Physiologie pathologique

La nécessité d’intervenir d’urgence en présence d’un étranglement herniaire s’explique par les
données suivantes:

1. Il s’agit d’une occlusion

Occlusion haute le plus souvent (iléon ou jéjunum), d’où un retentissement rapide sur l’état
général: on connait le syndrome humoral de l’occlusion intestinale aiguë et la véritable
intoxication qui en résulte. Dans l’occlusion par hernie étranglée, les troubles humoraux sont
toujours importants et justifient une rééquilibration électrolytique correcte.
13

2. A côté de l’intoxication de l’organisme, il se produit une véritable septicémie à point de départ


intestinal se propageant surtout par voie lymphatique. Le colibacille, les anaérobies passent dans
la circulation générale, et on peut ainsi expliquer les complications infectieuses pulmonaires
observées après l’opération (congestion, broncho-pneumonie) et les lésions rénales et hépatiques
qui peuvent entraîner la mort de l’opéré, surtout lorsque l’intervention a été tardive.

3. Il ne faut pas oublier, enfin, qu’une hernie étranglée évolue fatalement vers la gangrène et la
perforation, d’où péritonite généralisée ou, plus rarement, phlegmon pyostercoral.

Mécanisme de l’étranglement herniaire

La mésentère pénétrant avec la hernie se plisse au niveau du pédicule, formant un coin à base
intestinale et un coin à base abdominale s’opposant par leurs sommets au niveau du collet; le coin
à base intestinale, sous l’influence de l’élasticité du méso, tendrait à rentrer dans l’abdomen et
déterminerait ainsi l’occlusion des deux bouts intestinaux au niveau du collet.

En réalité, à côté des phénomènes mécaniques, interviennent des phénomènes vasculaires dont le
rôle est prédominant. Une anse plus volumineuse que d’habitude franchit le collet sous l’influence
d’un effort. Elle reste dans le sac (aucune force ne tendant à la ramener dans le ventre). Les
phénomènes vasculaires interviennent alors dans cette anse incarcérée par une striction modérée
au niveau du collet.

D’abord, gêne de la circulation de retour (par aplatissement des veines), d’où oedème qui exagère
la striction, puis gêne de la circulation artérielle, qui explique l’acheminement vers la gangrène.

Symptômes

Début.- Il s’agit:
1. Soit d’un malade qui se savait porteur d’une hernie: réductible ou irréductible;
2. Soit d’une hernie qui se produit et s’étrangle d’emblée.

Dans tous les cas: une douleur vive au niveau de la hernie est le premier symptôme. Rapidement,
des coliques, des nausées apparaissent, parfois un vomissement.

Stade d’étranglement confirmé.- c’est la phase de phénomènes mécaniques et réflexes, où les


signes locaux existent seuls et attirent l’attention.

Signes fonctionnels.- La douleur qui siège au niveau de la hernie est vive, pénible. Le sujet
accuse souvent, en outre, des coliques abdominales.

Vomissements et nausées sont précoces et constants dans les premières heures. Alimentaires et
muqueux d’abord, puis verdâtres et bilieux, ils deviennent fécaloïdes tardivement.

L’arrêt des matières et des gaz est un signe important, mais il peut manquer: soit qu’il y ait eu une
selle par vidange de bout inférieur, soit qu’il y ait de la diarrhée (pincement latéral).

De toute façon, la douleur combinée à l’arrêt des gaz constitue le signe capital de l’étranglement.

Signes généraux.- La température est normale ou basse; le pouls rapide, bien frappé, régulier; le
facies un peu anxieux, et le sujet présente souvent une légère agitation. Dans l’ensemble, l’état
général est excellent.
14

Signes physiques.- A l’inspection de la région herniaire, on note, d’emblée, une voussure plus ou
moins nette au niveau de la hernie; l’abdomen est rétracté au début mais rapidement il se
ballonne. Le péristaltisme est rarement observé.

A la palpation, la tumeur herniaire est dure, tendue, douloureuse, irréductible. Il n’y a ni


gargouillement, ni impulsion à la toux.

La douleur est plus nette au niveau du pédicule.

A la percussion de la hernie, on note une matité due au liquide épanché. A cette période,
n’existent que des signes locaux; c’est la période chirurgicale qu’il ne faut pas laisser passer, car,
dans certaines hernies, les lésions intestinales se constituent très rapidement (hernies crurales).

Evolution.

Les accidents vont progresser rapidement si on n’opère pas.


L’évolution vers la mort se fait soit par septicémie, au milieu du tableau classique (hoquet,
vomissements fécaloïdes, altération du facies, troubles cardiaques), en deux ou trois jours dans
l’algidité et le collapsus, soit par péritonite généralisée fréquente dans les hernies crurales
(péritonite putride, avec un minimum de signes abdominaux).

L’évolution vers la guérison est la règle, à condition qu’on opère précocement. Mais il faut savoir
que des complications peuvent survenir après l’intervention:
- Complications générales (pulmonaires surtout, phlébites, etc.);
- Complications locales (hémorragies intestinales: précoces ou tardives)
- Accidents d’occlusion: soit précoce (bride oubliée, persistance du sillon, adhérences);
tardive: par sténose intestinale.

Exceptionnellement, la guérison d’une hernie étranglée peut survenir par réduction spontanée
(surtout chez le nourrisson, sous l’influence du bain chaud).

Quant au phlegmon pyostercoral, il ne constitue pas une guérison vraie, car l’anus spontané
comporte deux dangers considérables;

Si les adhérences au niveau du collet ne sont pas suffisantes: c’est la péritonite.

Si l’anus siège sur le grêle, il entraîne une dénutrition rapide. De plus, la difficulté de la cure de
cet anus vient encore aggraver le pronostic.

Formes cliniques

A côté de la forme typique, il y a place pour un certain nombre de variétés cliniques. On peut
décrire:

a) Suivant l’évolution.

Des formes suraiguës.- Ces cas répondent aux petites hernies marronnées avec étranglement très
sérré, généralement crurales.

D’emblée, des symptômes graves apparaissent (douleurs vives, vomissements rapidement


fécaloïdes, intoxication générale précoce).
15

La mort en trente-six ou quarante-huit heures est fatale si on n’opère pas. Parmi ces formes
suraiguës, il faut isoler:
1. Le choléra herniaire.- Les symptômes gastro-intestinaux sont ici très marqués (vomissements
incessants, diarrhée incoercible avec hypothermie, urines rares, pouls rapide).

L’intoxication et la désydratation sont extrêmes.

La mort dans l’algidité survient rapidement (vingt-quatre à trente-six heures). Ce tableau


correspond le plus souvent aux cas de pincement latéral.

2. Les formes nerveuses.- Formes hypertoxiques où dominent le délire, les crampes musculaires,
les contractures tétanoformes des extrémités; parfois de véritables crises convulsives réalisent la
forme éclamptique.

Des formes subaiguës.- Elles sont assez rares et réalisent le tableau classique de l’engouement ou
de la péritonite herniaire des classiques. Elles se voient surtout dans les hernies volumineuses
(ombilicales, inguinales) et répondent à des étranglements de type anormal (étranglement
intrasacculaire, volvulus herniaire, etc).

Le type en est la grosse hernie ombilicale chez une femme obèse qui, de temps en temps, ressent
une sensation de pesanteur au niveau de la hernie, avec nausées, vomissements.

La hernie devient plus tendue et un peu douloureuse au palper; il y a arrêt des matières et des gaz.

Sous l’influence du repos, de la glace, les accidents cessent, mais ils vont se répéter, et un jour
survient un étranglement serré qui nécessitte l’intervention d’urgence.

Des formes latentes.- Ce sont des formes souvent très graves, car elles risquent d’être
méconnues, et leur étranglement est serré.

Elles se voient chez les sujets affaiblis et les vieillards.

Les signes fonctionnels sont vagues (constipation tenace, quelques vomissements, arrêt des gaz
peu net).

Il est indispensable d’explorer systématiquement les orifices herniaires, car le malade ne souffre
pas spontanément de sa hernie.

En outre, il s’agit souvent de petites hernies peu visibles (surtout si l’individu est gras).

b) Des formes suivant le contenu.- Si l’intestin grêle se rencontre habituellement dans la hernie
étranglée, on peut voir du gros intestin occuper le sac herniaire ou l’épiploon, et, dans ce cas, les
symptômes sont moins accentués, l’évolution plus lente, la gravité moindre.

Néanmoins, il faut toujours opérer d’urgence, sous peine de voir l’épiploon se sphacéler.

c) Des formes suivant le siège.- L’étude en sera faite avec les différentes variétés des hernies.

Diagnostic

Toute hernie douloureuse qui ne rentre pas doit être considérée comme étranglée et opérée.
16

Il faut ne pas méconnaître une hernie qui existe.

En présence d’une occlusion, il convient de penser à la possibilité d’une hernie étranglée, et il faut
explorer les trajets herniaires et penser à la possibilité d’une hernie crurale, d’une hernie inguinale
réduite par taxis ou d’une hernie de siège rare.

Il ne faut pas prendre pour une hernie ce qui n’est pas, c’est-à-dire croire à une hernie crurale
alors qu’il s’agit d’une adénite de Cloquet ou d’une varice enflammée de la saphène interne, d’un
testicule en ectopie avec orchite.

Il faut distinguer; un varicocèle douloureux avec phlébite, un kyste du cordon et un testicule en


ectopie avec orchite, d’une hernie inguinale.

Nous rappelons que, dans l’engouement, il existe une légère impulsion à la toux, pas de douleur
nette au pédicule et une tension moindre.
Mais pratiquement, en cas de doute, on doit toujours opérer avec la crainte qu’il ne s’agisse d’un
étranglement vrai.

Traitement

Toute hernie devenue brusquement irréductible avec douleur et vomissements doit être opérée
d’urgence. Tout au plus, chez le nourrisson, peut-on donner, si l’on voit l’enfant au début des
accidents, un grand bain chaud. Mais on ne doit pas s’attarder, et, si la hernie ne se réduit pas au
bout de quelques minutes, il faut opérer. Jamais le taxis ne doit être tenté.

I.- Traitement chirurgical.

Il comporte quatre temps principaux:


- La découverte du siège de l’étranglement;
- La levée de l’étranglement;
- Le traitement des lésions viscérales déjà produites;
- La cure opératoire de la hernie qui a causé l’étranglement.

ANESTHESIE

TECHNIQUE

1. La découverte du siège de l’étranglement.- Après incision habituelle pour chaque variété de


hernie et découverte du sac, on procède à la libération du sac et on fait une incision prudente de sa
paroi.

Le sac ouvert, du liquide s’échappe qu’on éponge pour protéger les parties molles avoisinantes
(parfois la hernie est sèche et il faut faire attention de ne pas blesser l’intestin en ouvrant le sac).

2. Levée de l’étranglement.- Il faut alors poursuivre la section du sac de proche en proche,


sectionner le collet à ciel ouvert.

Dans certains cas: hernie crurale, par exemple, on peut être obligé de débrider en sectionnant le
Gimbernat ou l’arcade crurale.

S’il s’agit d’un hernie ombilicale, on doit passer par le péritoine au delà du collet, ce qui permet
de s’attaquer à la cause de l’étranglement par voie rétrograde.
17

3. Traitement du contenu de la hernie.- C’est le temps le plus délicat et le plus important.

a) L’épiploon, congestionné et infarci, parfois gangrené, sera réséqué largement.


b) L’intestin.- Il faut l’examiner avec soin et juger de sa vitalité. L’anse intestinale sera bien
extériorisée, afin de voir non seulement le sillon d’étranglement, mais aussi l’intestin en amont et
en aval. L’anse enveloppée dans un champ intestinal imbibé de sérum chaud sera aspergée de
façon continuelle par un filet de sérum chaud. On la maintiendra ainsi sous champs humides
pendant cinq à dix minutes.
On a préconisé aussi les aspersions alternées de sérum et d’éther, et l’injection de novocaïne (sans
adrénaline) dans le mésentère.

Quel que soit le procédé utilisé, trois cas peuvent se présenter:


- L’intestin n’est sûrement pas gangréné;
- L’intestin est gangréné;
- L’anse est seulement suspecte.

a) L’intestin n’est pas gangréné.- La région du collet est rougeâtre.

L’anse est rouge vineux, rouge noirâtre, mais elle n’est pas dépolie, et surtout elle se recolore, se
contracte sous l’influence du sérum. Ses parois sont épaisses.

Il faut réintégrer simplement cette anse et terminer par la cure opératoire de la hernie.

b) L’intestin est gangréné.- La plaque de gangrène se reconnaît à son dépoli, à sa coloration


grisâtre ou feuille-morte, à l’absence de toute réaction vitale après irrigation chaude.

Le traitement variera avec l’étendue de la gangrène.

1. La gangrène est limitée à une ou plusieurs petites plaques distantes les unes des autres.

On les enfouira sous une suture séro-musculaire, faite perpendiculairement au grand axe de
l’intestin pour ne pas rétrécir son calibre.

2. La gangrène est étendue.- l’opération logique est la résection intestinale (l’entérectomie)


suivie d’entérorraphie immédiate. Elle supprime la lésion infectée, rétablit le cours des matières et
permet de guérir en un seul temps le malade.

Si l’on fait une résection, il faut donc toujours rétablir immédiatement la continuité intestinale.
Voici les points essentiels de la technique:
- Résection large (surtout en amont) pour suturer en tissus sains.
- Entérorraphie termino-terminale ou latéro-latérale par sutures.

La résection avec entérorraphie est une opération grave du fait de l’état des malades (de 30 à 40 p.
100 de mortalité).

Aussi certains chirurgiens pensent-ils que la résection sans entérorraphie (avec anus contre nature)
peut être indiquée dans certains cas exceptionnels:
- Grand âge du malade;
- Très mauvais état général;
- Longue durée de l’étranglement;
- Impossibilité d’estimer les limites de la gangrène
18

- Les cas où la gangrène intéresse le côlon.

c) L’intestin est simplement suspect de gangrène.- On ne peut le réduire sans danger.

On estime que ces anses suspectes doivent être traitées comme si elles étaient gangrénées.

L’entérectomie suivie d’entérorraphie immédiate est la méthode de choix.

-stercoral.- Il faut débrider largement ce phlegmon.

Si l’état général le permet, on peut faire précéder cette incision d’une entéro-anastomose de
dérivation (faite par laparotomie) pour faciliter la cure spontanée de l’anus contre nature, qui est
ici inévitable.

VARIETES TOPOGRAPHIQUES DES HERNIES

1. HERNIES INGUINALES

Définition et variétés.- La hernie inguinale, la plus fréquente de toutes les hernies est formée par
l’issue des viscères abdominaux à travers le canal inguinal.

Il faut en distinguer deux types qui s’opposent au point de vue pathogénique, anatomo-
pathologique, clinique et thérapeutique: la hernie oblique externe, hernie acquise ou congénitale,
et la hernie directe, hernie acquise.

1. La hernie oblique externe, la plus fréquente, sort de l’abdomen par la fossette inguinale
externe et parcourt le trajet oblique de dehors en dedans, du canal inguinal, trajet creusé dans la
paroi et qui répond à la voie suivie par le testicule lors de sa migration vers le scrotum.

Tantôt la hernie se fait à l’intérieur du canal péritonéo-vaginal resté en totalité ou en partie


perméable: le sac est par conséquent inclus au centre du cordon. C’est la hernie congénitale vraie,
celle du premier âge.

Tantôt les viscères repoussent devant eux l’infundibulum péritonéal, qui, au niveau de l’orifice
inguinal profond, représente le vestige du canal péritonéo-vaginal. C’est la hernie oblique dite
acquise parce qu’apparue tardivement, mais, en réalité, c’est là aussi une variété de hernie
congénitale, puisqu’elle s’amorce à la faveur d’une disposition congénitale du péritoine.

Ces hernies congénitales vraies et congénitales apparues tardivement sont des hernies obliques
externes, intrafuniculaires, qui, au point de vue clinique, peuvent descendre dans les bourses et
qui, au point de vue thérapeutique, nécessitent l’isolement et la résection du sac, temps opératoire
indispensable qui doit précéder la réfection de la paroi.

2. La hernie acquise, hernie directe ou hernie de faiblesse, caractérisée:


- au point de vue anatomique: par sa production au niveau d’un point faible: son collet
est situé en dedans de l’artère épigastrique, au niveau du point faible de la paroi
postérieure: la fosse inguinale moyenne;
- au point de vue clinique: c’est une hernie de l’adulte; elle ne descend jamais dans les
bourses; elle est souvent bilatérale;
- au point de vue thérapeutique: le sac étant sessile, on se borne à la réfection de la paroi
inguinale.
19

La hernie tout à fait exceptionnelle qui se fait au niveau de la fossette inguinale interne (hernie
oblique interne ou vésico-pubienne) mérite une simple mention.

Etiologie.- Nous n’insisterons pas sur l’étiologie de la hernie inguinale: l’étiologie générale des
hernies lui est applicable, c’est dire qu’une série de facteurs jouent un rôle dans son apparition:
insuffisance musculaire de la paroi abdominale, d’où la fréquence de la hernie chez les obèses à
mauvaise paroi, au ventre en besace, aux anneaux inguinaux élargis, amaigrissement, altérations
muscuculaires (liées peut-être à des carences en protéines et en vitamines).

Nous rappellerons le rôle nocif de la pression abdominale exagérée par l’effort (travaux de force,
grossesses répétées, affections pulmonaires chroniques, lésions prostatiques, etc...).

A côté de cette étiologie commune à toutes les variétés de hernies, nous signalerons la fréquence
relative des hernies inguinales droites après appendicectomie: ces hernies seraient dues surtout à
la poussée abdominale anormale par l’épiploon adhérent (adhérences épiploïques contemporaines
de la crise appendiculaire ou consécutives à elle) et, en second lieu, à l’affaiblissement de la paroi
par le traumatisme musculo-aponévrotique direct créé par l’opération et à la parésie des muscles
par lésion nerveuse.

Anatomie pathologique.

Il faut étudier : la hernie oblique externe, la hernie directe, et réserver un chapitre à l’étude de la
hernie inguinale chez la femme.

1. Hernie oblique externe

Nous envisagerons: son trajet, ses connexions, le sac.

Trajet.- Il revêt plusieurs variétés répondant aux stades successifs de son évolution:
- Pointe de hernie; qui siège à l’orifice profond;
- Hernie intrapariétale ou interstitielle, qui est dans le canal inguinal;
- Hernie inguino-pubienne, ou bubonocèle, qui fait saillie à l’orifice inguinal superficiel;
- Hernie funiculaire, qui descend à la racine des bourses avec le cordon;
- Hernie inguino-scrotale, qui occupe le scrotum,

Dans ces deux derniers cas, la hernie a deux collets:


- l’un, interne, répondant à l’orifice profond du canal inguinal;
- l’autre, externe, à son orifice superficiel.

Telle est la hernie des jeunes.

Mais, dans le cas de hernie ancienne et volumineuse:


- le trajet herniaire se dilate, se redresse;
- les deux orifices se trouvent en regard l’un de l’autre;
- les deux collets tendent à se superposer par disparition du trajet en chicane normal.

Ces vieilles hernies obliques externes sont des hernies secondairement directes à trajet rectifié.

De toute façon, fait capital: le collet du sac est toujours situé en dehors de l’artère épigastrique.
20

Ses connexions.- AVEC LES PAROIS DU TRAJET INGUINAL, il se produit: un


agrandissement de l’orifice superficiel du canal par écartement des pilliers; un réfoulement vers le
haut du bord inférieur en arceau du tendon conjoint.

AVEC LES ELEMENTS DU CORDON, en règle, le sac est intrafuniculaire, à l’intérieur de la


fibreuse commune, en plein cordon.

- Il est toujours infrafuniculaire, dans la hernie congénitale vraie, où le sac n’est autre que
le canal péritonéo-vaginal, et il contracte des rapports fixes avec les autres éléments du cordon.

- Il est presque toujours intrafuniculaire dans la hernie oblique externe de l’adulte où le


sac est constitué par le refoulement graduel de l’infundibulum péritonéal correspondant à l’orifice
profond du canal, mais parfois il est extrafuniculaire.

Dans le cs de hernie congénitale vraie, les éléments du cordon, dans la partie extra-inguinale, sont
situés sur le flanc postéro-interne du sac; dans le trajet inguinal, ils sont en bas et en arrière,
parfois faisant saillie dans l’intérieur du sac qui leur forme un véritable méso.

D’où la nécessité d’une dissection soigneuse pour éviter de blesser le déférent.

Dans les variétés tardives, le sac est dans une position variable vis-à-vis des éléments du cordon
qu’il dissocie ou rejette à la périphérie.

Le sac.- Nous envisagerons:


- le sac de la hernie congénitale vraie et ses variétés;
- le sac de la hernie oblique externe acquise.

a) Le sac des hernies congénitales.- C’est le conduit péritonéo-vaginal resté complètement ou


partiellement perméable.

Ce sac séreux sera toujours très mince, souvent adhérent aux éléments du cordon.

Deux facteurs viendront déterminer la variété et l’aspect de la hernie:


Les anomalies du canal péritonéo-vaginal;
Les anomalies de la migration testiculaire.

RAPPEL ANATOMIQUE.- Cul-de-sac de la grande séreuse prolongé jusqu’aux bourses, le canal


paritonéo-vaginal s’oblitère après la naissance. Passé le premier mois, l’oblitération est la règle.

Mais des anomalies fréquentes s’observent: persistance de la perméabilité partielle ou totale chez
l’enfant et même chez l’adulte:
- soit canal complet: anomalie péritonéo-vaginale;
- soit canal incomplet ne communiquant pas avec la vaginale: anomalie
péritonéo-funiculaire;
- soit cul-de-sac infundibuliforme.

D’où deux variétés principales de hernies:


1/- la hernie testiculaire, où les viscères viennent au contact du testicule;
2/- la hernie péritonéo-funiculaire, où l’intestin n’occupe que la portion haute du canal péritonéo-
vaginal.

De plus, l’accolement du canal péritonéo-vaginal ne se fait pas d’emblée dans toute son étendue.
21

Il se resserre par points, ce qui qui détermine des rétrécissements valvulaires compartimentant le
canal:
- Un rétrécissement à l’anneau interne;
- Un rétrécissement à l’anneau externe;
- Un rétrécissement au tiers moyen de la partie funiculaire;
- Un rétrécissement à l’union de la partie funiculaire et de la vaginale testiculaire.

Ces rétrécissements ont une grande influence: sur la forme du sac herniaire; sur l’évolution
clinique de la hernie. Chez l’enfant, le canal est large, les valvules peu résistantes, l’étranglement
est donc rare; chez l’adulte, les rétrécissements sont résistants et l’étranglement d’emblée est
d’observation courante.

Entre les rétrécissements se trouvent des espaces libres dilatables: le vestibule rétro-pariétal;
l’ampoule funiculaire et la poche péritesticulaire.

Trois faits caractéristiques de la hernie congénitale en découlent:


a) La coexistance fréquente de la hernie avec des kystes du cordon;
b) La forme bi ou multiloculaire que peut revêtir la hernie;
c) La production de variétés nombreuses dans cette classe de hernies:

1. Hernie péritonéo-vaginale (testiculaire); l’intestin est au contact du testicule.


2. Hernie enkystée de la vaginale : le sac proémine dans la vaginale distendue par une
hydrocèle;
3. Hernies funiculaires: ici, la vaginale est close et le cul-de-sac péritonéo-vaginal est
oblitéré plus ou moins haut.

De nombreuses sous-variétés peuvent s’observer.


- soit hernie funiculaire reliée à la vaginale par un cordon cellulo-fibreux (ligament de Cloquet) ou
par un cordon volumineux et creux;
- Soit hernies avec kystes intermédiaires à la vaginale et au sac, pouvant donner les types suivants:
kyste funiculaire relié à une hernie par un canal; hernie tangente à un kyste ou plongeant dans son
intérieur; séries de kystes en chapelet au-dessous du sac; sac descendant sur la paroi antérieure ou
postérieure du kyste et kystes secondaires inclus dans le kyste principal ou dans le sac.

VARIETES EXCEPTIONNELLES.- Elles coïncident généralement avec l’ectopie du testicule.


Ce sont les hernies avec clivage des plans pariétaux.

1. Hernie inguino-superficielle, avec son sac entre téguments et grand oblique liée souvent à
l’existence d’un testicule ectopique bloquant l’orifice inguinal superficiel;

2. Hernie inguino-interstitielle; le sac se développe entre grand oblique et petit oblique.

Ce sac est formé par la dilatation de l’ampoule intra-inguinale du canal péritonéo-vaginal, liée le
plus souvent à la position ectopique du testicule retenu dans le trajet inguinal;

3. Hernie inguino-propéritonéale; le sac est bilobé, deux poches le constituent; l’une superficielle,
occupant le trajet inguinal; l’autre profonde, pro ou sous-péritonéale interposée entre la paroi et le
péritoine décollé.

Cette poche propéritonéale résulte de la distension du vestibule du canal péritonéo-vaginal, le


testicule en ectopie bloquant l’orifice profond du canal.
22

b) Le sac de la hernie oblique externe acquise.- Il est soit intrafuniculaire (cas de beaucoup le
plus fréquent), soit extrafuniculaire (cas rare).

De toute façon, le sac est beaucoup plus épais que dans la hernie congénitale et surtout on
n’observe jamais de hernie testiculaire.

Le sac peut être plus ou moins développé, réalisant:

- la pointe de hernie; la hernie interstitielle; le bubonocèle; la hernie funiculaire.


2. Hernie inguinale directe

C’est une hernie se faisant à travers la fossette inguinale moyenne, en dedans des vaisseaux
épigastriques, en dehors du cordon fibreux de l’artère ombilicale, juste en regard de l’anneau
inguinal.

Hernie acquise, apparaissant tardivement (après quarante ans).

Trajet.- La hernie se produit au point faible par suite de l’insuffisance musculaire et de


l’abondance de la graisse sous-péritonéale, qui viennent affaiblir une zone d’interruption normale
des plans musculaires.

Le point faible est tantôt peu étendu, tantôt très large, suivant que le tendon conjoint est très ou
peu étalé.

Trois caractères anatomiques distinguent la hernie directe:


1. Le sac et ses enveloppes;
2. Le pédicule;
3. Les rapports avec l’artère épigastrique et cordon.

1. Le sac.- Il est comparable à celui de la hernie crurale. Ses enveloppes sont constituées de trois
couches;

Le péritoine; le plan du tissu cellulo-adipeux sous-séreux; une couche externe fibreuse formée par
le fascia transversalis.

2. Le collet.- Il est remarquable par sa largeur. Le sac est globuleux, sessile, d’où la rareté de
l’étranglement dans ce type de hernie:

3. Les vaisseaux épigastriques sont en dehors du collet du sac, ce qui permet de distinguer à coup
sûr la hernie directe des vieilles hernies obliques externes à trajet rectifié.

Le cordon n’a pas de connexions étroites avec le sac: le sac est toujours extrafuniculaire; le
cordon s’en sépare très aisément, mais la vessie peut lui adhérer.

Evolution anatomique.- La hernie inguinale a une évolution anatomique variable suivant son
contenu: l’étranglement est toujours à craindre. Rare chez l’enfant, dont le canal péritonéo-vaginal
est large et souple, il est fréquent chez l’adulte et causé soit par le collet, soit par l’anneau
inguinal.

En dehors de l’étranglement (intestinal ou épiploïque), les lésions de mésentérite, d’épiploïte, les


adhérences rendant la hernie irréductible sont d’observation courante.
23

3. Hernie inguinale chez la femme

Le canal inguinal chez la femme est conformé sur le même modèle que celui de l’homme, mais il
est de dimensions plus réduites, et il contient, au lieu du cordon, le ligament, qui peut, sans
danger, être supprimé au cours de la cure radicale de la hernie.

Normalement, le canal inguinal est fermé au niveau de son orifice externe par un bouchon
adipeux.

Chez certains sujets, le péritoine qui passe devant l’orifice inguinal profond se déprime, forme un
cul-de-sac qui peut descendre jusqu’à la grande lèvre; c’est le canal de Nuck, homologue du
processus vagino-péritonéal de l’homme.

Trajet de la hernie.- C’est toujours une hernie oblique externe.

Sac herniaire.- Il est très variable: on retrouve la hernie complète ou hernie de la grande lèvre, la
hernie inguino-intestitielle, la hernie inguino-propéritonéale et la hernie enkystée de Cooper, où
l’intestin plonge dans un vestige kystique du canal de Nuck.

Le ligament rond adhère toujours intimement au sac.

Contenu.- L’intestin grêle et l’épiploon se rencontrent le plus souvent dans ces hernies. Parfois,
l’ovaire, la trompe occupent le sac.

Symptomatologie.

Nous prendrons pour type: une hernie congénitale inguino-scrotale, vue chez un adulte jeune.

Symptômes fonctionnels.- Le hernieux vient, se plaignant d’une grosse tuméfaction dans la


région inguino-scrotale.

Un peu de gêne, un peu de pesanteur, quelques troubles digestifs vagues sont les seuls signes que
le sujet accuse.

Examen.- Il doit être pratiqué d’abord sur le malade debout, puis couché. Il faut préciser le type
de la hernie et l’état de la paroi.

A l’inspection, on remarque, soulevant le trajet inguinal, une tuméfaction qui présente une
obliquité en bas et dedans et qui continue dans la région scrotale, distendant plus ou moins dans la
bourse correspondante.

La palpation permet de délimiter une tumeur qui est de consistance variable: tantôt molle, dans le
cas de contenu intestinal; tantôt pâteuse, si le contenu est épiploïque.

Cette tuméfaction présente à la palpation une limite inférieure arrondie, nette.

Au contraire, en haut et en dehors, à la partie supérieure, elle se continue par un pédicule plus ou
moins épais vers l’orifice inguinal profond.

A la percussion, elle est habituellement sonore, fait dû à la présence d’intestin.


Cette sonorité peut manquer si le contenu est constitué par de l’épiploon.
24

On recherchera les signes caractéristiques de la hernie:

1. LA REDUCTIBILITE: par manoeuvres, sur le sujet couché, on tentera de réduire dans le


ventre le contenu de la hernie par des pressions digitales au niveau du collet. On voit, peu à peu,
le contenu rentrer dans le ventre et la tuméfaction diminuer de volume; cette réduction
s’accompagne d’un gargouillement caractéristique si la hernie contient de l’intestin.

2. L’IMPULSION ET L’EXPANSION A LA TOUX.- Si, la hernie réduite, on fait tousser le


malade, on la voit se reproduire: quand elle est reproduite, si on fait tousser, elle augmente de
volume (expansion).
Il faut vérifier ensuite le type de la hernie: pour cela, la hernie une fois réduite, on coiffe le doigt
de la peau du scrotum, et on pénètre dans l’orifice inguinal superficiel. On doit sentir l’épine
pubienne qui en est le repère.
On se rend compte ainsi que la hernie est bien inguinale.

Le tracé de la ligne de Malgaigne confirme ce fait. La hernie se trouve au-dessus de l’arcade


crurale.

Il faut essayer de voir et de contrôler le trajet oblique du sac herniaire et surtout d’apprécier l’état
de la paroi (pour pouvoir poser une indication thérapeutique et un pronostic).

Pour cela: mettre le doigt dans l’anneau; apprécier sa largeur (parfois l’orifice est si large que
deux doigts peuvent y pénétrer); faire tousser pour voir si le grand oblique se contracte. Surtout,
mettre la main à plat sur la région inguinale, faire contracter la paroi en faisant asseoir le malade;
on peut ainsi juger de l’état de la musculature abdominale (muscles larges et grand droit).

Il est nécessaire de terminer par l’examen de l’appareil épididymo-testiculaire et par l’examen de


la région inguinale opposée, car il est possible d’observer des hernies bilatérales.

Avant de prendre une décision thérapeutique, on doit s’assurer que le sujet n’est pas un tousseur
habituel (bronchite chronique, emphysème, etc.) et qu’il ne présente pas d’affection urinaire
(rétrécissement urétral, hypertrop

Evolution.

Progressivement, si la hernie n’est pas maintenue par un bandage, elle augmente de volume,
remplissant tout le scrotum, et elle peut descendre à mi-cuisse et même plus bas. Des lésions
d’oedème chronique pseudo-éléphantiasique du scrotum apparaissent alors, et des ulcérations
cutanées déclives ne sont pas exceptionnelles aux points de frottement des vêtements.

Ce sont des hernies qui, suivant l’expression classique, ont perdu droit de domicile dans
l’abdomen. Encore, y a-t-il la matière à discussion et, en dehors des cas où un âge trop avancé et
une déchéance organique très grave contre-indiquent tout intevention, l’opération doit être
proposée dans ces hernies géantes. Au prix de quelques petits artifices de technique, on parvient à
opérer facilement ces malades et à leur refaire une paroi suffisamment solide.

Mais, le plus souvent, des complications interviennent au cours de l’évolution des hernies.

Complications.

a) Irréductibilité.- Elle s’explique soit par des phénomènes inflammatoires intra-sacculaires, soit
par des adhérences au niveau du collet.
25

Il est bon d’examiner debout et couché, au besoin en position de Trendelenburg, ces hernies
irréductibles.

A ces variétés de hernies irréductibles appartiennent:

1. Les grosses hernies, dont le contenu a perdu droit de domicile dans l’abdomen et dont la cure
est une opération délicate;
2. Les hernies dites par glissement: contenant du gros intestin.
b) Engouement.- Il se caractérise par des troubles digestifs, mais sans douleur nette au collet du
sac. Il est sage d’opérer de façon préventive, d’urgence, comme s’il s’agissait d’un étranglement.

c) Etranglement.- C’est la grosse complication de la hernie inguinale. Nous nous bornerons à


faire mention des particularités de l’étranglement des hernies inguinales.

Une hernie inguinale peut s’étrangler à tout âge.

Chez l’enfant, il s’agit, le plus souvent, d’étranglements légers (cédant à l’anesthésie ou au bain
chaud), en raison de la souplesse des diaphragmes séreux du canal péritonéo-vaginal. Toutefois,
l’étranglement vrai existe; il se voit presque exclusivement chez le nourrisson et surtout dans les
six premiers mois de la vie.

Chez l’adulte, l’étranglement s’observe, en général, chez des sujets qui connaissent l’existence de
leur hernie, mais il n’est pas rare de rencontrer des étranglements d’emblée, notamment dans les
hernies congénitales.

Ce sont, en général, des hernies de petit volume qui s’étranglent. L’étranglement est plus rare
dans les grosses hernies. Certaines hernies directes peuvent s’étrangler, mais le fait est
exceptionnel.

Rarement, c’est un étranglement par anneau fibreux; ceci ne se voit que dans les petites hernies
chez des sujets jeunes, à paroi musclée, à anneau inguinal étroit.

Le plus souvent, l’étranglement est dû au collet du sac; soit par un des diaphragmes de Ramonède
dans les hernies congénitales, soit par sclérose et rétraction du collet dans les hernies acquises.

Plus rarement, l’étranglement se produit par des brides ou des adhérences agglutinant à l’instant:
ceci ne se voit que dans les vieilles et volumineuses hernies inguinales.

Dans l’ensemble, les lésions intestinales ou épiploïques évoluent moins rapidement dans
l’étranglement des hernies inguinales que dans les étranglements par anneau fibreux dont le type
est représenté par l’étranglement crural.

Par ailleurs, l’épiploon est souvent engagé en même temps que l’intestin dans le sac et contribue à
rendre moins sévère la constriction exercée par le collet.

En clinique, l’étranglement d’une hernie inguinale se reconnait aisément: rares sont les formes
suraiguës qui restent l’apanage des hernies crurales; les formes latentes ne s’observent pour ainsi
dire jamais.

Chez l’enfant, il est fréquent d’obtenir la réduction spontanée par bain chaud.
26

Chez l’adulte, les formes subaiguës se voient dans les grosses hernies: la hernie devient plus
tendue et un peu douloureuse au palper, en même temps qu’il y a arrêt des matières et des gaz.
Sous l’influence du repos, de la glace, on peut voir ces accidents disparaître au bout de vingt-
quatre ou trente-six heures, mais leur répétition est la règle, et, un jour, survient l’étranglement
serré que rien ne semblait faire prévoir.

d) Contusion herniaire.- Les hernies inguinales peuvent, au cours d’une contusion de l’abdomen,
être atteintes par le traumatisme (cf. Contusions de l’abdomen et Généralités sur les hernies).

FORMES CLINIQUES.

DES HERNIES OBLIQUES EXTERNES.

1. Suivant le degré .- Tous les degrés de hernie peuvent s’observer; de la simple pointe de hernie
souvent difficile à percevoir (même en engageant le doigt dans l’anneau inguinal et en faisant
pousser) jusqu’à l’énorme hernie scrotale.

2. Suivant le contenu: grêle, épiploon, gros intestin, appendice, tels sont les viscères que l’on
rencontre le plus souvent.

3. Nous signalerons quelques variétés spéciales: la hernie avec hydrocèle; parfois hernies enkystée
de la vaginale: la hernie avec kyste du cordon; la hernie avec diverticule herniaire: superficiel,
intertitiel, propéritonéal et la hernie inguinale coexistant avec une hernie crurale.

4. Hernie inguinale de la femme.- Elle est relativement rare. Il s’agit d’une hernie intrapariétale,
souvent difficile à distinguer d’une hernie crurale, soit d’une hernie descendant dans la grande
lèvre. De toute façon, le pronostic post-opératoire est excellent: après cure radicale, on n’observe
pas de récidives.

5. Suivant l’âge

a) HERNIE DU NOURRISSON.- Il s’agit soit d’un prématuré (d’où retard de développement),


soit d’un enfant né à terme, qui, au bout de deux à trois mois, présente une tuméfaction dans
l’aine; celle-ci peut se prolonger jusque dans les bourses. En règles, elle est assez facilement
réductible. Il faut faire porter à l’enfant un bandage: sinon, en laissant la hernie libre de sortir du
ventre, on observe des troubles qui retentissent sur l’état général (mauvaises digestions,
vomissements fréquents).

Parfois la hernie est irréductible: il s’agit alors souvent de grosses hernies avec aplasie de la paroi
qu’il faudra opérer en sachant d’ailleurs que les récidives sont fréquentes.

La hernie du nourrisson peut se compliquer d’étranglement.


L’agent d’étranglement est le collet du sac.

Avant d’opérer, on doit mettre l’enfant dans un bain chaud et l’y laisser de vingt à trente minutes;
en pressant doucement sur la hernie, on obtient souvent la réduction.

b) CHEZ L’ENFANT, il convient de signaler la coexistence fréquente de la hernie avec l’ectopie


testiculaire.

A partir de l’âge de six ans, le bandage ne guérira plus la hernie, il faudra donc opérer.
27

c) CHEZ L’HOMME AGE, nous rappellerons les énormes hernies inguino-scrotales,


secondairement directes, dont la cure est particulièrement délicate.

HERNIE DIRECTE

Elle s’oppose à la hernie congénitale oblique externe, non seulement par ses caractères
anatomiques, mais encore par ses caractères cliniques.

En effet, elle ne forme pas un relief allongé et cylindrique au niveau du trajet inguinal,
parallèlement à l’arcade crurale et descendant plus ou moins bas vers le scrotum.

C’est une saillie globuleuse arrondie, demeurant, malgré son développement, au-dessus et sur les
côtes de la racine de la verge, vers l’épine du pubis, et atteignant presque la ligne médiane.

Souvent bilatérale, elle encadre la base du pénis de deux saillies hémisphériques.


En explorant le trajet herniaire, le doigt refoule la hernie dans le ventre directement d’avant en
arrière (la réduction se fait d’habitude sans gargouillement); si l’on fait pousser le malade, la
tumeur se reproduit d’arrière en avant.

C’est une hernie de faiblesse apparaissant chez l’adulte d’un certain âge après quarante ans, à
mauvaise paroi, chez les obèses.

Elle ne tend pas à s’étrangler.

HERNIE OBLIQUE INTERNE

C’est une hernie de faiblesse, très rare: elle se voit chez le vieillard. Elle se fait dans la fossette
inguinale interne entre ouraque et artère ombilicale.

Elle nécessite une déficience musculo-aponévrotique considérable.

DIAGNOSTIC

Il se pose dans des conditions différentes, suivant la variété de hernie.

1. Une hernie intestitielle sera aisément différenciée d’un testicule en ectopie, d’une tumeur du
cordon, d’un kyste du cordon.

Chez la femme, il importe de reconnaître un kyste du canal de NÜCK, un lipome de la grande


lèvre. Rappelons que chez la femme, surtout lorsqu’elle est obèse, la discrimination entre hernie
inguinale et hernie crurale n’est pas toujours aisée.

2. La hernie est inguino-scrotale.- On reconnaît aisément l’hydrocèle vaginale à sa consistance,


à sa limite supérieure nette, qu’aucun pédicule ne relie au trajet inguinal, à sa translucidité enfin.

Parfois, il y a coexistence de hernie et d’hydrocèle: de toute façon, l’aspect clinique est


caractéristique.

Pour les hernies irréductibles, le diagnostic de la nature du contenu herniaire est important.

Il est intéressant pour le chirurgien de savoir, avant d’opérer, si les adhérences responsables de
l’irréductibilité sont de nature inflammatoire et imposeront un pénible travail de libération.
28

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Il convient de l’envisager :
- dans la hernie inguinale simple chez l’homme; dans la hernie de l’enfant, associée ou non à une
ectopie; dans la hernie de la femme; dans les hernies volumineuses; dans les hernies étranglées.

a) Hernie inguinale simple.- Le traitement chirurgical est le traitement de choix.


Chez l’enfant au-dessus de six ans, on doit opérer. Chez l’adulte et chez le vieillard, les
indications sont basées sur la résistance générale du sujet, sur le volume de la hernie et sur la
qualité de la paroi.

Constituent des contre-indications à l’opération: un mauvais état général (cardiopathie, diabète,


néphrite chronique, etc...), les affections pulmonaires chroniques (bronchite, tuberculose, etc...),
certaines maladies urétro-vésicales ou prostatiques (rétrécissement de l’urètre, adénome
prostatique, etc...). De même, l’âge du sujet entre en discussion: on n’opèrera pas les grands
vieillards, surtout lorsque l’état de la paroi est tel que la récidive apparaisse comme fatale.

Des raisons locales peuvent également constituer une contre-indication à l’intervention: mauvais
état de la paroi (double distension de l’aine, ventre à triple saillie), adiposité excessive qui
complique l’intervention.

Mais, en dehos de ces cas bien spéciaux, on devra toujours proposer la cure opératoire de la
hernie.

PRINCIPES DE LA CURE OPERATOIRE.- Pour avoir la chance d’être radicale, la cure


opératoire doit porter:
1. Sur le sac, qu’il faut toujours supprimer en liant le pédicule le plus haut possible afin d’éviter la
persistance d’un infundibulum. Toutefois, dans la hernie directe, il n’y a pas de sac à réséquer;
2. Sur le trajet: il est impossible de le supprimer chez l’homme, puisqu’il faut laisser la place au
cordon qui le traverse, mais on doit s’arranger pour ne laisser au cordon que le minimum de place
indispensable.

Intervention facile et sans danger, la cure opératoire de la hernie inguinale exige néanmoins une
asepsie impeccable, une minutieuse hémostase et une parfaite connaissance des plans
anatomiques. Rappelons que l’anesthésie loco-régionale est largement suffisante dans la plupart
des cas.

PROCEDES OPERATOIRES.- Ils sont multiples, mais, en fait, les divergences ne portent que sur
des détails de technique.

Dans la hernie inguinale congénitale (oblique externe), après ouverture large du canal inguinal, de
bout en bout, on dissèque le sac mis à nu par l’incision de la fibreuse commune. Le sac doit être
disséqué soigneusement des éléments du cordon, auquel il peut adhérer assez intimement.
Lorsqu’il est entièrement libéré, aussi haut que possible et sous le contrôle de la vue, on le
transfixe par un fil que l’on noue de part et d’autre au ras du collet. Puis on résèque la portion du
sac sous-jacente à la ligature. Il peut y avoir intérêt, dans le cas où le moignon du sac n’a pas
tendance à rentrer spontanément, à le fixer en haut et en dehors à la face profonde de la paroi
(manoeuvre de Barker).
29

Il faut alors reconstituer un canal inguinal solide en deux plans. Il est nécessaire de refaire la paroi
postérieure en abaissant le tendon conjoint sur l’arcade de Fallope et la paroi antérieure en
suturant les deux lèvres du grand oblique.

Mais où doit-on mettre le cordon spermatique? On peut le mettre tout à fait en avant des deux
plans reconstitués: c’est le procédé de Halsted, où le cordon est sous-cutané. On peut, à l’instar de
Forgue, faire passer le cordon en arrière du conjoint. En fait, ces deux procédés aboutissent à faire
sortir directement par un seul orifice le cordon de l’abdomen; la poussée viscérale, s’exerçant
directement en ce point, amorce la récidive.

Seul le procédé de Bassini, qui rétablit le trajet en chicane du canal inguinal, refait un trajet
résistant d’autant mieux à la poussée des viscères abdominaux qu’il est plus oblique. Il consiste à
abaisser le conjoint à l’arcade, puis le cordon spermatique est remis en place, et devant lui la
suture de l’aponévrose du grand oblique reconstitue la paroi antérieure.

En faisant le Bassini, il faut avoir soin de ne pas traumatiser le cordon, pour éviter les hématomes.
Il faut, par ailleurs, fermer aussi serré que possible l’orifice inguinal superficiel.

Dans la hernie directe, la conduite à tenir varie suivant qu’il y a un sac muni d’un pédicule, auquel
cas on doit réséquer ce sac en ayant soin d’en fermer au besoin par un surjet la base souvent large,
ou qu’il n’y a pas de sac (cas habituel); dans cette seconde éventualité, on se borne à reconstituer
la paroi. La reconstitution de la paroi doit, comme dans la hernie oblique externe, être faite par le
procédé de Bassini.

Dans la cure opératoire de la hernie inguinale, l’usage de fils non résorbables est recommandable
notamment pour le plan profond.

FAUTES OPERATOIRES.- Nous ne ferons que les rappeler; une mauvaise dissection du sac,
surtout dans les hernies congénitales, a pu être cause de la section du déférent.

La blessure des vaisseaux (artères et veine fémorale, vaisseaux épigastriques) est possible lors de
la réfection de la paroi postérieure du canal. Elle s’évite facilement si l’on prend soin de tendre
l’arcade avant de la charger sur l’aiguille.

La vessie a pu être blessée, surtout dans les hernies directes. En tirant trop sur le sac, on risque de
l’attirer et de la prendre dans la ligature du pédicule.

b) Hernie de l’enfant (avec ou sans ectopie).- Dans la hernie de l’enfant, c’est le traitement du
sac qui diffère de ce que l’on fait chez l’adulte. Le sac est, en effet, intimement adhérent aux
éléments du cordon; si l’on veut l’en séparer, on risque de blesser des vaisseaux. Aussi
Ombrédanne recommande-t-il de se borner à fermer l’orifice supérieur du sac (soit par ligature
directe, soit par fermeture en bourse au moyen de points faufilés) et à oblitérer le sac (sans le
décortiquer), en le retournant comme on retourne une vaginale dans la cure de l’hydrocèle
vaginale.

Le coexistence d’une ectopie ne complique pas le traitement de la hernie: il faut disséquer le sac
aussi haut que possible, puis procéder à l’orchidopéxie.

c) Hernie de la femme.- Chez la femme, la cure opératoire est très simplifiée. Le ligament rond
peut être réséqué en même temps que le sac herniaire: il faut alors en fixer l’extrémité à la paroi
profonde du canal inguinal. Si on respecte le ligament rond, on peut néanmoins fermer
complètement et hermétiquement le canal inguinal en deux plans.
30

d) Hernies volumineuses et hernies du gros intestin.- Dans ces hernies volumineuses, qui
peuvent contenir une partie du gros intestin, le chirurgien peut se trouver aux prises avec des
difficultés importantes. La hernie contient, en général, une énorme masse d’épiploon enflammé
qu’il faudra réséquer. Cette résection permettra de diminuer d’ne façon notable le volume du
contenu et favorisera grandement la réduction du reste. Mais il ne faut pas hésiter, si les
adhérences épiploïques sont serrées, à s’aider d’une hernio-laparotomie (c’est-à-dire: à ouvrir le
péritoine au delà du collet) pour placer les ligatures assez haut dans l’abdomen: on peut alors
sectionner l’épiploon haut et enlever la partie adhérente par voie rétrograde.

Les adhérences intestinales sont fréquentes: tantô


tantôt d’adhérences inflammatoires. Les adhérences charnues naturelles qui fusionnent le gros
intestin hernié et le sac ne constituent pas un obstacle sérieux: il suffit de chercher le plan de
clivage; on effectue ainsi un véritable décollement colo-pariétal de haut en bas et de dehors en
dedans qui permet de mobiliser le segment de gros intestin hernié et adhérant au sac.

Lorsqu’il s’agit d’adhérences inflammatoires, les difficultés de réduction peuvent être grandes: il
faut essayer de libérer les anses agglutinées. On y parvient, en général, sans dégâts, à condition
d’être prudent: toutefois, certains cas d’adhérences extrêmement serrées peuvent rendre nécessaire
une résection intestinale.

Pour toutes ces manoeuvres de réduction, la position inclinée en Trendelenburg est d’un grand
secours.

La libération du sac risque d’être très hémorragique en raison des adhérences avec la fibreuse
scrotale, et on peut observer d’énormes hématomes des bourses. On évitera ces hématomes en
supprimant le temps de libération du sac et en laissant celui-ci dans les bourses. On se bornera à
liberer la partie supérieure, inguinale, du sac, aussi haut que possible et à la fixer par un point de
Barker.

Il faut reconstituer une paroi solide, ce qui n’est pas toujours facile. Le procédé de Bassini
s’impose et on s’assure que le cordon est à l’étroit. S’il s’agit d’un malade âgé et consentant, on
peut fermer complètement le canal, après section du cordon (avec ou sans castration
complémentaire).

Pour reconstituer une paroi solide, il est nécessaire, dans de tels cas, de prendre un point d’appui
inférieur solide; en l’espèce, le ligament de Cooper. On amarrera au Cooper le tendon conjoint à
l’aide de fils non résorbables.

Quand les tissus de la paroi sont tout à fait insuffisants, on est obligé d’avoir recours à une
autoplastie: le mieux est d’utiliser un fragment ou une lanière de fascia lata pour combler la
déficience pariétale. Actuellement des mèches synthétiques sont d'usage courant.

Si nous avons insisté sur les difficultés de la cure de ces volumineuses hernies, c’est qu’en fait il
peut être indiqué de les opérer. D’une part, l’étranglement, lorsqu’il se produit dans ces hernies
géantes, est un accident redoutable. D’autre part, la plupart de ces hernies sont irréductibles; le
bandage ne peut donc leur être appliqué, et elles constituent une très pénible infirmité.

Il semble donc qu’il y ait intérêt à opérer à froid de telles hernies, sous réserve, bien entendu, qu’il
n’y ait pas de contre-indication majeure (âge très avancé, malades obèses, tousseurs, prostatiques,
etc...).
31

e) Hernies étranglées.- Il s’agit presque toujours de hernie oblique externe. Il faudra donc
débrider le collet du sac, en dehors, pour éviter l’épigastrique. Ce débridement doit, en principe,
se faire après ouverture première du sac.

L’opération simple dans la hernie inguinale banale devient laborieuse et grave quand la hernie est
volumineuse, surtout lorsque des résections intestinales étendues s’imposent (gangrène
intestinale).

Résultats de la cure opératoire.- Ils sont bons: toutefois il ne faut pas oublier la possibilité de
récidives, surtout chez les malades âgés, ou en cas de paroi déficiente.
Chez les enfants, les résultats éloignés sont excellents, et l’on est autorisé à parler à cet âge de
cure radicale.

Chez l’adulte jeune, les résultats éloignés sont aussi très bons quand l’opération a été bien faite et
que l’on a reconstitué avec soin le canal inguinal après résection haute du sac. Les récidives sont
plus fréquentes dans les hernies directes (14 p. 100) que dans les hernies obliques externes (2 p.

la suture profonde, emploi de fils de suture à résorption trop rapide, suppuration de la plaie
opératoire. Chez les sujets âgés, surtout lorsqu’ils sont obèses, la récidive est fréquente, même si
l’on a fait une suture soignée et aseptique: c’est, en effet, de la qualité des tissus que dépend le
succès opératoire.

HERNIE CRURALE

La hernie crurale sort de l’abdomen au-dessous de l’arcade crurale, à travers la partie interne de
l’anneau crural.

Rappel anatomique.- L’espace compris entre l’arcade crurale en avant, le ligament de Gimbernat
en dedans, le bord supérieur du pubis tapissé par le ligament de Cooper en arrière et en dehors la
bandelette, constitue l’anneau crural et est occupé de dehors en dedans par l’artère, la veine
fémorale et les lymphatiques profonds (vaisseaux et ganglions de Cloquet). De la gaine vasculaire
se détachent les cloisons sagittales qui séparent les unes des autres: l’artère, la veine et les
lymphatiques.

La loge lymphatique entonnoir crural est obturée à la partie supérieure, au niveau de l’anneau
crural, par le fascia transversalis, qui descend jusqu’à la crête pectinéale.

En pratique, les hernies crurales se font par l’entonnoir crural: les viscères abdominaux ne
peuvent s’engager dans les loges artérielle ou veineuse parce que ces loges sont entièrement
remplies par l’artère et la veine fémorales et aussi parce que ces vaisseaux adhèrent assez
étroitement par l’intermédiaire de la gaine vasculaire aux parties correspondantes de l’anneau
crural. Mais l’intestin peut soit refouler, soit déchirer le septum crural et descendre dans la loge
lymphatique.

Anatomie pathologique

Il faut étudier le trajet herniaire, le sac et son contenu, enfin, les rapports du sac.

HERNIES COMMUNES.

Orifice.- C’est la partie interne de l’anneau crural.


32

Trajet.- La hernie sort par cet orifice et chemine sous le fascia cribriformis dans l’infundibulum
crural, puis, en général, elle traverse le fascia cribriformis et, se coiffant du fascia superficialis,
elle s’étale dans le triangle de Scarpa. Parfois, elle suit un trajet rétrograde remontant vers l’arcade
crurale, au-dessus de laquelle elle va se loger: parfois, elle descend, au contraire, plus ou moins
bas, vers la cuisse.

Mais, de toute façon, elle conserve toujours un pédicule étroit.

On distingue classiquement: la pointe de hernie, qui dépasse à peine l’anneau crural; la hernie
incomplète ou interstitielle, qui est sous-jacente au fascia cribriformis; la hernie complète, qui a
passé à travers ce fascia.

Sac.- Il est formé par le péritoine.

Il est arrondi, mais toujours bien pédiculé; le pédicule répond à l’anneau crural. Le sac est coiffé
du tissu fibreux du septum crural, qu’il refoule et déprime. Dans la hernie complète, le fascia
superficialis forme autour du sac un second feuillet engainant. Mais surtout il existe très
fréquemment en avant du sac, des formations capables d’induire en erreur: d’une part, un lipome
préherniaire; d’autre part, un ou plusieurs kystes (hygroma préherniaire).

Contenu.- L’intestin grêle, l’épiploon souvent adhérents, sont les hôtes habituels de cette hernie.
Parfois, c’est une partie seulement d’une anse grêle qui est herniée dans le sac.

Exceptionnellement, on y rencontre le caecum, l’appendice, les annexes.

Rapports du sac.- Il faut insister sur les rapports vasculaires du collet du sac. Des vaisseaux
l’entourent: la grosse veine fémorale en dehors, qui risque d’être blessée, soit au cours de la
libération du sac si on ne le dissèque pas de près, soit au cours de la fermeture de l’anneau si l’on
n’a pas soin de la récliner en dehors; les vaisseaux épigastriques en haut; derrière le ligament de
Gimbernat se trouve l’anastomose épigastrique, obturatrice parfois volumineuse.

Enfin le sac lui-même est parfois proche de la crosse de la veine saphène interne.

Par ailleurs, on ne doit pas oublier la proximité du collet du sac et de la vessie; il est fréquent,
lorsqu’on attire le pédicule de la hernie, d’entraîner la corne vésicale qui se trouve exposée.

Telle est la hernie crurale commune. On peut observer quelques variétés légèrement différentes:
les hernies de gros volume (souvent retrouvées en milieu rural), les hernies de petit volume
(fréquentes), les hernies déshabilées, qui peuvent s’oblitérer et se transformer en kystes.

HERNIES RARES

Elles ne diffèrent de la forme banale que par l’anomalie de leur trajet et de leur orifice de sortie.

1. Anomalies de l’orifice de sortie.

a) Hernie crurale prévasculaire.- Dans ce cas, la hernie s’engage par la partie externe de l’anneau
en avant des vaisseaux fémoraux;

b) Hernie à travers le ligament de Gimbernat (hernie de Laugier).

2. Anomalies du trajet.
33

a) Hernie pectinéale. - Située tout d’abord dans le canal crural, cette hernie perfore l’aponévrose
pectinéale et se loge entre celle-ci et le muscle pectiné;
b) Hernie multidiverticulaire, dans laquelle le sac multilobé forme plusieurs prolongements,
traversant des orifices distincts du fascia cribriformis;

c) Hernie en bissac

Le sac offre ici un diverticule sous le fascia cribriformis et un autre sous la peau au niveau
du fascia superficialis.

Il faut enfin rappeler la coexistence fréquente d’une hernie crurale avec une hernie
inguinale [distension de l’aine de Paul Berger].

De toutes ces hernies rares, seule la hernie prévasculaire mérite une courte description.

Encore appelée hernie crurale externe ou hernie de la gaine des vaisseaux, la hernie
prévasculaire se caractérise au point de vue anatomique par un orifice herniaire très large et
prévasculaire, qui contraste avec le collet toujours étroit de la hernie commune.

Le sac est dans la gaine des vaisseaux et, après dissection, les vaisseaux sont à nu dans la
plaie. Parfois, d’ailleurs, le sac est amarré aux vaisseaux par de courtes branches artérielles ou
veineuses.

La fermeture de l’anneau crural offre dans cette variété de hernie des difficultés sérieuses.

Etude clinique.

Fréquence.- La hernie crurale est bien moins fréquente classiquement que la hernie
inguinale (3.2% des hernies dans nos statistiques personnelles). Toutefois, actuellement, la
fréquence de cette hernie s’est accentuée, et proportionnellement le nombre des hernies crurales
s’est accru plus que celui des hernies inguinales.

Sexe.- C’est surtout une hernie de la femme; elle est plus rare chez l’homme.

Age.- C’est une hernie de l’âge adulte, et c’est de quarante à cinquante ans qu’on l’observe
le plus souvent.

Etiologie.- Toutes les causes de relâchement de la paroi abdominale seront autant de


causes favorisantes (obésité, grossesses).

C’est une hernie acquise, de faiblesse. Aucune disposition congénitale ne favorise sa


formation.

Symptomatologie.

Au point de vue clinique, on peut distinguer deux éventualités:

1. La hernie passe inaperçue et ne se révèle cliniquement que lors de sa grande


complication: l’étranglement herniaire;
34

2. La hernie se manifeste cliniquement sans être compliquée, et on peut alors en décrire


deux types cliniques, suivant qu’elle est réductible ou irréductible.

a) Hernie réductible.- C’est la hernie crurale banale de moyen volume. En général, aucun
symptôme fonctionnel ne la révèle; la hernie est silencieuse. Parfois, la malade se plaint de vagues
douleurs à la racine de la cuisse, douleurs qui s’accroissent par la mise en extension de la hanche.

Pour l’examen de la hernie, on doit placer la cuisse en légère abduction et en extension.

Dès l’inspection, à moins que la malade ne soit très grasse, on remarque une tuméfaction
ovalaire ou arrondie siégeant à la partie supérieure et interne du triangle de Scarpa, sous l’arcade
crurale.

La palpation en précise: la consistance molle ou pâteuse, suivant la nature du contenu


(entérocèle ou épiplocèle); la forme arrondie, bien limitée; l’indolence à la pression et à la
mobilisation latérale.

Ce qui est essentiel, c’est de rechercher l’existence du pédicule herniaire; on le perçoit, en


général, sous forme d’un gros cordon à direction postérieure, et le doigt qui l’entoure va sentir
immédiatement en dehors de lui les battements de l’artère fémorale.

On recherchera également l’impulsion et l’expansion à la toux, puis on essaiera de réduire.


La réduction dans ce type de hernie s’effectue, en général, facilement avec ou sans
gargouillement, suivant que le sac contient de l’intestin ou de l’épiploon.

La hernie une fois réduite, on engagera le doigt aussi loin que possible, et on percevra
l’orifice de l’anneau crural sous l’arcade de Fallope, en dedans des battements de l’artère
fémorale.

Théoriquement, la hernie est sonore si elle contient de l’intestin; elle est mate à la
percussion si elle recèle de l’épiploon. Ce signe est d’ailleurs souvent difficile à apprécier en
raison du petit volume de la tumeur herniaire.

b) Hernie irréductible.- Fréquemment, en clinique, la hernie crurale, bien que non


étranglée, va se présenter sous la forme de hernie irréductible. Chez une femme se plaignant de
l’existence d’une petite tumeur au niveau de l’aine, l’examen montre que cette tumeur est arrondie
avec un pédicule situé au contact des battements de la fémorale. Mais elle ne se réduit pas. Il
s’agit soit d’épiplocèle adhérente et, dans ce cas, on a pu noter l’existence de quelques petites
poussées aiguës et d’une sensibilité au niveau du collet, soit de lipome préherniaire, soit de petits
kystes présacculaires, soit d’une hernie déshabitée.

c) Variétés rares de hernies crurales.- Elles sont le plus souvent une découverte
opératoire. Toutefois, la hernie prévasculaire mérite une courte description clinique.

Elle s’observe, en général, après les maladies longues et cachectisantes qui favorisent
l’hypotrophie des muscles de la paroi abdominale. On a signalé aussi, dans les antécédents de ces
malades, l’existence de luxation congénitale de la hanche, de séquelles de coxalgie.

C’est une hernie qui se voit plus souvent chez l’homme et qui coexiste souvent avec une
hernie inguinale.
35

Les troubles fonctionnels sont absents ou très minimes. On a pourtant signalé des troubles
de compression veineuse (oedème, cyanose), ainsi que des crampes et des fourmillements dans le
membre inférieur.

Cliniquement, la tuméfaction herniaire est nettement visible: elle est volumineuse et étalée
en largeur. La réduction, en raison des grandes dimensions de l’orifice herniaire, est
habituellement facile.

Après réduction, on s’aperçoit que le pédicule est directement en avant des vaisseaux.
Ces hernies sont ordinairement très bien supportées, et l’étranglement y est rare et tardif.

Evolution.

L’accident le plus commun et le plus grave que l’on puisse observer est l’étranglement. La
mortalité de la hernie crurale étranglée (10 à 20 p. 100) est supérieure à celle de la hernie
inguinale. C’est également d’ailleurs la hernie crurale qui donne le plus gros pourcentage
d’étranglement (50 à 60 p. 100), parce qu’il s’agit de hernies peu volumineuses et présentant un
anneau fibreux serré. C’est dans ces hernies que s’observe le plus souvent le pincement latéral de
l’intestin.

Caractères particuliers à l’étranglement herniaire crural, la hernie est petite et risque d’être
méconnue à l’examen clinique; les lésions intestinales se développent rapidement, car
l’étranglement est serré (striction par arête fibreuse).

L’étranglement se déclare tantôt au niveau d’une hernie dont l’existence était connue,
tantôt au niveau d’une hernie méconnue, comme cela est fréquent chez les femmes grasses, tantôt,
enfin, la hernie se produit et s’étrangle d’emblée.

Des symptômes, nous ne retiendrons que la difficulté chez les obèses de percevoir la
hernie lorsqu’elle est de petit volume et la nécessité de soigneusement rechercher la douleur au
niveau du collet, car elle peut manquer au niveau du fond du sac.

L’évolution est très rapide; ce sont des hernies où la gangrène se constitue très vite. Le
phlegmon pyo-stercoral et la péritonite diffuse emportent rapidement les malades si l’opération
n’est pas pratiquée d’urgence.

C’est dans les hernies crurales que s’observent les formes suraiguës de l’étranglement
herniaire qui répondent souvent à des pincements latéraux de l’intestin (choléra herniaire).

Les formes subaiguës sont assez rares, mais importantes à connaître, car elles sont
insidieuses. Ce sont des formes véritablement ambulatoires. Il s’agit, en général, de malades qui
depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois, se plaignaient de douleurs abdominales survenant
par crises avec nausées, et qui viennent consulter pour des phénomènes analogues à peine plus
accentués. On trouve à l’examen clinique une petite hernie marronnée, et il faut songer à la
possibilité d’un étranglement, rechercher l’existence de constipation, d’un arrêt des gaz et surtout
d’une douleur au niveau du pédicule herniaire. De telles hernies doivent être opérées d’urgence:
on aura souvent la surprise de découvrir à l’ouverture du sac un intestin gravement lésé, voire
même une anse en voie de perforation. Retarder la décision opératoire, c’est s’exposer au risque
de voir des accidents très graves évoluer brutalement (phlegmon pyo-stercoral, péritonite, etc...).

Diagnostic.
36

Il se pose différemment suivant que la hernie est ou n’est pas étranglée.

1. Hernie non étranglée.- La première question qui se pose est la suivante.

Est-ce une hernie ?- Si la tumeur du Scarpa est molle et réductible, le diagnostic de hernie
est, habituellement, facile. On distinguera aisément un abcès froid qui est mat, fluctuant, et dont
l’origine iliaque ou pottique est, en général, facilement mise en évidence.

La dilatation ampullaire de la crosse de la saphène, molle, sans pédicule se réduisant par


simple pression du doigt sans gargouillement, se reproduisant dès que la compression cesse, est
facile à reconnaître. Elle coexiste souvent avec d’importantes varices du membre inférireur.

Si la tumeur est irréductible, en pratique, le seul diagnostic à éliminer est celui


d’adénopathie crurale: il est parfois difficile et la recherche d’une cause locale ou générale
susceptible d’expliquer l’adénopathie reste souvent infructueuse. En cas de doute, le risque de
laisser évoluer un étranglement insidieux justifie l’intervention exploratrice.

Est-ce une hernie crurale ? - Telle est la seconde question qui se pose. Il n’est pas
toujours facile, surtout chez la femme, de distinguer le siège exact de la hernie. On écartera le
diagnostic de hernie inguinale en se basant: sur le siège de la tumeur herniaire par rapport à la
ligne de Malgaigne qui joint l’épine iliaque antéro-supérieure à l’épine du pubis, sur la direction
du pédicule qui se dirige en arrière (tandis qu’il est oblique en haut et en dehors dans la hernie
inguinale), sur la perception des battements de l’artère fémorale en dehors du collet de la hernie.

2. Hernie étranglée .- Le diagnostic n’est pas toujours facile.

Sans parler de l’exceptionnelle orchite d’un testicule en ectopie crurale, la phlébite de


l’ampoule de la saphène et l’adénite aiguë du ganglion de Cloquet peuvent être parfois discutées;
dans la phlébite de la saphène, il n’y a pas de pédicule prolongeant, sous l’arcade, la masse
perçue. L’adénite aigue sera diagnostiquée par les signes inflammatoires (fièvre, frissons,
empâtement local) et l’existence d’une porte d’entrée dans le territoire lymphatique
correspondant. Mais certains signes parfois surajoutés, tels que la présence d’un cordon
lymphangitique douloureux simulant un pédicule herniaire, peuvent induire en erreur, erreur
d’ailleurs inoffensive puisqu’elle pousse à l’intervention.

Traitement.

Le bandage est inapplicable à la hernie crurale, en raison de la mobilité de la région et de


la fréquence des hernies irréductibles. Seul le traitement chirurgical permet la cure de cette hernie.
L’indication d’opérer est pour ainsi dire constante. La tactique opératoire varie suivant que la
hernie est ou n’est pas étranglée; aussi envisagerons-nous séparément chacune de ces éventualités.

Traitement chirurgical de la hernie crurale non étranglée.

On a proposé de très nombreux procédés. Le point technique essentiel, celui qui décide de
la stabilité du résultat, c’est l’oblitération parfaite du canal crural. La seconde indication qui
conditionne le succès de la cure opératoire, c’est la résection haute du sac.

L’oblitération parfaite du canal crural est l’indication la plus difficilement réalisable, et


ceci explique la multiplicité des procédés opératoires imaginés. Il faut parvenir, pour obturer
l’anneau, à affronter la paroi antérieure et l’arcade crurale à la surface pectinéale.
37

Les procédés anciens (Berger, Delagenière) ont cédé le pas aux procédés modernes, qui
sont basés sur la nécessité de prendre comme point fixe le ligament de Cooper et de réaliser un
double plan pour obturer l’anneau crural:
1. un plan fibreux superficiel (arcade crurale fixée à l’aponévrose pectinéale);
2. un plan musculaire profond (tendon conjoint abaissé et suturé à la crête fibreuse du Cooper).
Cette méthode du double plan peut être réalisée par voie haute, inguinale ou par voie basse,
crurale.

Voie basse (voie crurale).- Il faut, pour avoir un bon jour opératoire, inciser le Gimbernat
en totalité, ce qui permet de lier le sac très haut.

Après incision des plans superficiels, on isole le sac herniaire, qu’on dissèque jusqu’à
l’anneau.

Puis, après section de l’arcade ou incision du Gimbernat, la région devient accessible; on


peut isoler le sac au delà de son collet, l’ouvrir, traiter son contenu, l’exciser après ligature.

Réclinant l’arcade fémorale en haut, il est facile de refouler le péritoine, de dégager aux
ciseauz courbes la crête pectinéale mettant à nu les fibres nacrées du Cooper. Le tendon conjoint
bien dégagé peut alors être abaissé et suturé sur le Cooper; la seule précaution à prendre, mais
capitale, c’est que l’opérateur maintienne pendant le passage des fils et notamment du fil le plus
externe, la veine fémorale écartée et protégée par l’index. La suture conjoint-Cooper a tout intérêt
à être faite avec des fils non résorbables (crins, lin). Le plan superficiel sera réalisé en abaissant
l’arcade sur l’aponévrose du pectiné.

Voie haute (inguinale).- Ses avantages.- Elle est plus apte à permettre une résection haute
du sac; elle rend plus facile le traitement du contenu du sac; elle permet enfin une fermeture solide
de l’anneau fibreux sous le contrôle de la vue.

Technique.- Incision du trajet inguinal parallèle à l’arcade: ouverture du canal par incision
du grand oblique. Découverte du bord postérieur de l’arcade crurale.

Puis incision du fascia transversalis parallèlement au bord postérieur de l’arcade, après


avoir récliné en haut le cordon; la graisse sous-péritonéale traversée, on tombe sur le péritoine.

Ouverture du sac. Il faut alors attirer le sac dans la place inguinale. Manoeuvre qui
d’ailleurs n’est pas toujours aisée (sac adhérent, anneau fibreux serré, épiploon adhérent au fond
du sac). En pareil cas, on a le recours de manoeuvre de part et d’autre de l’arcade en disséquant la
lèvre inférieure de l’incision cutanée.

Pour obturer l’anneau, une suture à deux plans permet de fixer au ligament de Cooper, le

le bord postérieur de l’arcade.

Que choisir ? Ce choix se subordonne, pour une part, aux données anatomiques de la
hernie et, pour une autre, à l’expérience technique de l’opérateur.

La méthode inguinale qui permet une résection haute du sac et une fermeture à double
plan de l’anneau présente, dans certains cas, des difficultés sérieuses: chez les femmes très obèses,
on travaille en profondeur, la recherche et l’ouverture du péritoine sont malaisées, l’abondance de
la graisse sous-péritonéale et l’hémorragie des veinules gênant la netteté de ce temps, l’extraction
du sac est contrariée par sa surcharge graiseuse, ses adhérences et l’étroitesse du collet.
38

La voie crurale élargie n’a pas ces inconvénients et semble devoir s’adapter à la majorité
des cas, notamment aux cas défavorables (obésité, sac volumineux, etc ...)

Nous ne dirons qu’un mot de certains procédés, qui ne trouvent leur indication que dans
les hernies très volumineuses ou de trajet atypique (hernies prévasculaires, par exemple). Dans de
telles éventualités, la fermeture de l’anneau par la suture en double plan peut paraître insuffisante,
et on a préconisé des myoplasties (par lambeau emprunté au pectiné ou au moyen adducteur),
etc….

Résultats.- Les résultats éloignés sont très bons, en général. On note à peine 1 à 2 p. 100
de récidives. La récidive, en pratique, ne s’observe que dans les hernies d’un certain volume ou
dans les hernies prévasculaires, toutes hernies à large pédicule s’observant surtout chez les sujets
âgés ou dans des cas de distension de l’aine.

Traitement chirurgical de la hernie crurale étranglée.

Bien que certains restent partisans de la voie d’abord inguinale dans la hernie étranglée en
raison des facilités qu’elle donne pour la libération des organes herniés et le traitement du contenu
du sac, la majorité des auteurs ont recours à la voie crurale, élargie qui, bien menée
techniquement, permet l’ouverture première du sac sans que le liquide septique pénètre dans le
ventre, le maintien de l’anse étranglée, la levée de l’agent d’étranglement et une réfection solide
de la paroi en double plan.
Le diagnostic d’une hernie repose sur le seul examen clinique.
Une hernie non compliquée est peu douloureuse (gène ou pesanteur), réductible,
impulsive et expansive à la toux.
La hernie inguinale est située au dessus de la ligne de Malgaigne, tandis que la
hernie crurale est située au-dessous de la ligne de Malgaigne.
Dans la hernie congénitale (oblique externe), le trajet est oblique externe en dehors
de l’artère épigastrique. Dans la forme acquise (directe), le trajet est en dedans de
l’artère épigastrique.
La hernie inguinale est très fréquente chez l’homme.
La complication essentielle des hernies est l’étranglement dont le traitement est une
urgence chirurgicale.
Le traitement des hernies est chirurgical.
Toute hernie crurale diagnostiquée doit être opérée du fait du risque élevé
d’étranglement.
Il ne faut jamais tenté de réduire une hernie étranglée depuis plus de trois heures.

LES HERNIES OMBILICALES ACQUISES

Sous ce titre, sont à étudier les hernies de l’enfant et les hernies de l’adulte.

Hernies ombilicales de l’enfant.

Il n’y aurait pas lieu de décrire ces hernies isolément si elles ne présentaient pas une
évolution toute différente des hernies de l’adulte.

Etiologie.- C’est, en général, dans les premiers mois qui suivent la naissance
qu’apparaissent ces hernies. Elles sont un peu plus fréquentes chez les garçons que chez les filles.

Des causes prédisposantes les favorisent: le mauvais état général, le rachitisme; c’est ainsi
que les enfants rachitiques à gros ventre présentent souvent des hernies ombilicales. Elles sont, on
le sait, particulièrement fréquentes chez les enfants de race noire à abdomen proéminent.
39

On a incriminé aussi un mauvais état local: amaigrissement, relâchement de la paroi.

La cause déterminante, c’est l’existence du point faible ombilical, dont l’occlusion


complète ne se fait que trois ou quatre mois après la naissance.

Anatomie pathologique et pathogénie.- Au niveau de la hernie, le revêtement cutané est


complet et normal et la hernie est due à l’absence d’occlusion de l’anneau fibreux. Il s’agit d’une
aplasie limitée au plan musculo-aponévrotique. L’anneau est congénital: il existe dès la naissance.
Puis, au bout d’un temps variable, il se laisse forcer par les viscères sous l’influence de la poussée
abdominale incessante du nourrisson.

Rappelons que, chez l’enfant, l’ouraque et les vaisseaux ombilicaux transformés en


cordons fibreux s’engagent jusqu’au centre de l’anneau ombilical et se terminent dans la cicatrice
cutanée de l’ombilic.

L’anneau ombilical est grillage dans sa moitié inférieure par un trident protecteur constitué
par l’ouraque flanqué des deux artères ombilicales.

La moitié supérieure de son aire ne laisse passer que le cordon de la veine ombilicale. La
hernie ombilicale s’engage , en général, au centre de la moitié supérieure de l’anneau, où elle
forme une saillie arrondie et lisse.

Si le trident inférieur et la veine ombilicale sont entraînés par la progression de la hernie,


la tumeur herniaire prend un aspect multilobé.

Rarement, on observe chez l’enfant la hernie oblique apparaissant au-dessus de la veine


ombilicale (équivalente à la hernie ombilicale de l’adulte engagée par le canal de Richet).

Dans la poche herniaire constituée par la peau de l’ombilic et le péritoine qui lui adhère
intimément, on ne trouve, en général, que de l’épiploon. L’intestin ne s’y rencontre que si la
hernie est volumineuse.

Etude clinique.- La hernie ombilicale de l’enfant est une petite tumeur, plus ou moins
hémisphérique, déplissant la cicatrice ombilicale, du volume d’une noisette.
La hernie sort à l’occasion des cris, des efforts et se tend à ce moment.
Elle est facilement réductible.

Etiologie.

Beaucoup moins fréquentes que les hernies inguinales et plus fréquentes chez nous (8 %)
que les hernies crurales, les hernies ombilicales, qui représenteraient 8,2 % des hernies, viennent
au deuxième rang des statistiques personnelles des hernies. On les observe plus souvent chez la
femme que chez l’homme. Chez l’homme, la hernie ombilicale est souvent associée à des hernies
inguinales congénitales doubles. Il est probable que ces hernies de l’adulte sont des hernies de
l’enfance que l’on croyait à tort guéries.

Chez la femme, ces hernies sont l’apanage des femmes grasses, à parois abdominales
relâchées par des grossesses multiples, à tissus déficients. Ce sont des hernies de faiblesse.

Etude clinique
40

Schématiquement, on peut décrire deux types de hernies:

1. Les petites hernies, qui sont souvent mal tolérées, entraînant des troubles réflexes
divers: douleurs, élancements à la pression, coliques, pesanteur gastrique, constipation, etc... Il est
possible que ces phénomènes douloureux, lorsqu’ils apparaissent par crises, soient dus à des
pincements ou à des irritations du ligament rond du foie.

Les petites hernies, lorsqu’elles se développent chez une femme grasse, ne sont pas
toujours visibles, et seule une palpation soigneuse peut les déceler.

Si la hernie est plus volumineuse, elle se traduit par une saillie arrondie, nettement visible
en position debout et de profil. Au pôle inférieur de cette saillie, se remarque la cicatrice
ombilicale déplissée.

D’habitude, ces petites hernies sont réductibles, mais très rapidement l’irréductibilité
partielle ou totale apparaît. A la longue, elles augmentent de volume.
2. Les hernies volumineuses forment des tumeurs souvent énormes, à contours
irréguliers, à revêtement cutané aminci, rougeâtre ou violacé, unilobées ou bilobées, le plus
souvent incomplètement ou pas du tout réductibles. Elles peuvent atteindre des proportions
monstrueuses et retomber en besace plus ou moins bas sur le ventre (hernies en tablier).

La palpation permet d’y reconnaître des zones de consistance inégale, les unes molles, les
autres bosselées et dures, qui répondent à des noyaux d’épiploïte.

Complications.

Aucune hernie n’est plus sujette à des complications variées. En dehors de l’étranglement
qui constitue la plus fréquente complication, il en est d’autres que nous passerons en revue:
complications cutanées, péritonite herniaire, rupture spontanée des enveloppes, etc...

1. Etranglement.- Moins fréquent que dans les hernies inguinales, l’étranglement


s’observe surtout dans les hernies volumineuses chez des femmes obèses et âgées. Parfois
étranglement sur arrête vive par la partie inférieure de l’anneau, c’est le plus souvent un
étranglement endo-sacculaire: car le sac forme un véritable assemblage de diverticules et de
poches secondaires séparés par des orifices étroits à bords tranchants. L’intestin adhérent est
coudé, pincé ou tordu entre ces orifices et les brides épiploïques.

Dans les hernies de petit volume, c’est un étranglement aigu, à marche rapide, par
l’anneau ombilical. Tous les signes classiques de l’étranglement herniaire (hernie dure, tendue,
douloureuse, vomissements, arrêt des gaz) s’y observent: la gangrène s’installe vite et, si l’on
n'opère pas, la mort survient rapidement.

Plus souvent, il s’agit de hernies volumineuses où les accidents d’étranglement se


déroulent suivant un type très particulier: chez une femme obèse, la hernie devient tendue et
irréductible, en même temps qu’apparaissent des nausées et qu’il existe de la constipation. Le
repos, la glace sur le ventre calment souvent cet orage. On dit: engouement, on accuse un
processus adhérentiel intrasacculaire, la torsion temporaire d’une anse herniée. Ces accidents
peuvent se répéter: un jour arrive où les symptômes d’engouement ne s’amendent pas et
l’étranglement se constitue lentement. La tumeur devient dure, luisante, tendue, empâtée. La
douleur n’est pas très vive, les vomissements sont tardifs.

L’évolution devient alors rapide, l’état général s’affaiblit et le pronostic est très sombre.
41

Si l’engouement est plus fréquent dans les hernies ombilicales que dans les autres hernies,
on se souviendra qu’il conduit presque sans transition à l’étranglement et qu’on ne doit pas
différer l’intervention.

2. Complications cutanées.- L’eczéma, voire même de véritables ulcérations, peuvent


s’observer. Des poussées de lymphangite, des phlegmons de la région se développent parfois.
C’est dire la nécessité de préparer soigneusement la peau avant d’opérer les grosses hernies
ombilicales.

3. Péritonite herniaire.- Ce qu’on désigne sous ce nom, c’est, en réalité, la poussée


d’épiploïte herniaire très fréquente dans les volumineuses hernies ombilicales.
Rougeur de la peau, oedème et empâtement de la tumeur dont l’irréductibilité s’accuse, telle en
est la traduction clinique.

4. Rupture spontanée des enveloppes.- Par suite de la distension extrême du sac


herniaire, la peau et le sac mal vascularisés deviennent très friables et l’on peut, rarement
d’ailleurs, observer la rupture spontanée des enveloppes. Cette rupture se réalise soit par
ulcération du sac consécutive à des excoriations de la peau, soit par éclatement au cours d’un
effort sur un sac herniaire surdistendu.

C’est une complication redoutable qui s’accompagne d’une péritonite rapidement mortelle
si l’on n’intervient pas.

5. Néoplasmes herniaires.- Un cancer du côlon ou de l’estomac propagé à l’épiploon peut


compliquer une hernie ombilicale, et, chez un sujet présentant des symptômes de néoplasie
colique ou gastrique, la présence dans la hernie d’une masse dure, irrégulière, est particulièrement
éloquente.

Pronostic.

Si le pronostic dépend en partie du volume et de l’irréductibilité de la hernie, il dépend


surtout de l’état général du malade et de son adiposité. Chez les femmes grasses, à mauvais coeur,
à fonctionnement rénal déficient, le pronostic d’une hernie ombilicale doit toujours être réservé.

Traitement.

Il convient de l’envisager successivement pour les hernies non compliquées


d’étranglement, puis pour les hernies étranglées.

1. Hernies non étranglées.

Le bandage ne constitue qu’un mauvais palliatif. Il ne peut s’appliquer qu’à une hernie
entièrement réductible, et il ne la maintient qu’imparfaitement.

On ne le prescrira qu’en cas de contre-indication opératoire: âge avancé, état général


médiocre.

Avant de se décider à l’opération, un examen complet du futur opéré s’impose: on


s’assurera de l’état du coeur, des poumons, des reins. On choisira le mode d’anesthésie en
fonction de l’état général du malade.
42

Principes de l’intervention.- En raison de l’adhérence du sac à la peau, le sacrifice de la


peau et donc de l’ombilic s’impose (omphalectomie). La hernie elle-même étant souvent
irréductible, il est dangereux d’aborder directement le sac, car on risque de blesser les viscères
adhérents. Il faut ouvrir le sac par voie rétrograde après ouverture du péritoine à distance, ce qui
rend beaucoup plus facile la libération du contenu.

Une vaste incision elliptique à grand axe transversal circonscrit à distance la hernie. On
incise, suivant ce tracé, peau et graisse jusqu’à l’aponévrose. Puis, progressivement, au ras de
l’aponévrose, on détache la graisse en se dirigeant vers le collet herniaire. Lorsqu’on a ainsi
circonscrit et pédiculisé le collet, on n’ouvre pas le sac d’emblée. On incise d’abord l’aponévrose
sur la ligne médiane à quelque distance au-dessus (ou au-dessous) de l’anneau, puis le péritoine
est ouvert. Sous le contrôle de la vue, on peut alors ouvrir le sac de la profondeur à la superficie.
On traite ensuite le contenu comme pour toute hernie, puis on résèque le sac au ras de l’anneau.

Il reste à fermer la brèche. C’est facile dans les hernies de petit et de moyen volume.
L’obturation de l’anneau s’obtient par suture transversale des lèvres de l’incision péritonéale, puis
suture transversale ou verticale de l’incision aponévrotique. Il est prudent d’utiliser pour cette
suture des fils non résorbables, et il est préférable de pratiquer une suture en paletot.
Dans certains cas, la brèche à obturer peut être d’un diamètre considérable. Certains
artifices ont été utilisés: greffes de fascia lata, prothèses perdues (plaques de caoutchouc, filet
souples à mailles d’argent, etc...) et actuellement des mèches synthétiques.

Résultats.- Les résultats immédiats sont bons, à condition de n’opérer que des cas
judicieusement choisis. Toutefois, il existe une faible mortalité opératoire due surtout à des
complications pulmonaires.

Les résultats éloignés sont très bons quand la suture de la paroi a été faite avec des fils non
résorbables et qu’il n’y a pas eu d’accidents infectieux du côté de la paroi.

2. Hernies étranglées.

L’anesthésie loco-régionale est, bien entendu, préférable.


Les principes directeurs de la cure opératoire sont les mêmes. L’omphalectomie s’impose.

Le pédicule de la hernie sera soigneusement isolé par section circonférencielle de la paroi


autour de l’anneau. On peut ainsi extérioriser d’un bloc le sac et son contenu avant même de
l’ouvrir. Puis on ouvre le sac prudemment après protection soigneuse et en quelque sorte hors du
ventre.

S’il existe des lésions de l’intestin, on les traitera comme il a été dit au chapitre
Etranglement herniaire.

La fermeture de la brèche comporte une suture du péritoine et de l’aponévrose en un plan.

Le pronostic de ces hernies étranglées est grave: car toutes les manoeuvres opératoires se
font au milieu de l’abdomen: s’il y a infection au cours de ces manoeuvres, la péritonite diffuse
sera difficilement évitable.

L’âge des malades, leur obésité, leurs tares organiques pèsent lourdement dans la balance.
Par ailleurs, on peut être amené à faire une résection large du grêle ou du côlon. Cette résection
impose dans le cas du côlon, l’anus artificiel in situ, et cela en un siège peu favorable.
43

Cette gravité de l’opération au stade d’étranglement doit inciter à opérer plus précocement
les malades et à intervenir notamment devant la simple menace d’étranglement.

HERNIES DE LA LIGNE BLANCHE

Définition.- On désigne sous ce nom les hernies produites à travers les fibres d’entre-
croisement de la ligne blanche. Il est classique de les diviser en trois groupes d’après leur siège:
1. les hernies épigastriques;
2. les hernies juxta-ombilicales;
3. les hernies sous-ombilicales, qui sont exceptionnelles.

1. Hernies épigastriques.

Sont à éliminer de cette étude les éventrations spontanées ou traumatiques, ces dernières
accidentelles ou post-opératoires.

Données anatomiques.- Les hernies épigastriques sont de beaucoup les plus fréquentes
des hernies de la ligne blanche: ceci se comprend aisément, car c’est au-dessus de l’ombilic que
les muscles droits ont leur écartement maximum et que la ligne blanche est large, tandis qu’au-
dessous de l’ombilic la ligne blanche est très étroite.

Formée par un entrecroisement très complexe des tendons aponévrotiques des muscles
larges de l’abdomen dans son segment xipho-ombilical, par une intrication plus simple au-dessous
des arcades de Douglas, la ligne blanche présente surtout dans son segment xipho-ombilical des
orifices de nombre et de dimensions variables. Les uns (4 à 5 de chaque côté) siègent sur le bord
interne des muscles droits et laissent passer des vaisseaux et des filets nerveux provenant des cinq
derniers espaces. Les autres sont dus à l’issue de simples pelotons adipeux sous-péritonéaux.

Toutes ces déhiscences des fibres de la ligne blanche constituent autant de points faibles,
amorces possibles de hernies.

Anatomie pathologique.- Siège .- La hernie, unique le plus souvent, siège au niveau du


tiers inférieur de la ligne blanche (dans son segment susombilical).

Orifice.- L’anneau répond à l’un de ces orifices que nous avons décrits. Quadrilatère à
l’état normal, il ne tarde pas à s’arrondir, se transformant en véritable anneau fibreux, qui n’atteint
que rarement la dimension de la pulpe de l’index.

Cet orifice n’est pas situé exactement sur la ligne médiane: il est légèrement latéralisé et le
plus souvent à gauche.

Le sac est le plus souvent précédé d’un lipome sous-péritonéal à pédicule mince et dont la
portion élargie s’étale dans le tissu cellulaire sous-cutané. Ce lipome, qui paraît jouer un grand
rôle dans l’amorce de la hernie en lui préparant la voie par distension de l’orifice aponévrotique,
peut exister seul: il constitue alors toute la hernie (hernie graisseuse), dont le sac est absent.

Le contenu est le plus souvent représenté par de l’épiploon. Ce n’est que très rarement que
l’on peut rencontrer dans ces hernies de l’intestin ou un segment de côlon transverse.

Le ligament rond du foie entre très souvent dans la constitution de ces hernies; son
tiraillement, son pincement sont souvent responsables des douleurs observées.
44

Etiologie.- La hernie épigastrique est relativement rare: on la rencontre surtout chez


l’homme, à l’âge adulte. Le rôle du lipome sous-péritonéal préherniaire est capital dans sa
production, mais la malformation congénitale représentée par une aplasie plus ou moins marquée
de la ligne blanche favorise le développement de la hernie.

Il s’agit donc de hernies acquises, mais dont une dispostion congénitale facilite
l’apparition.

Etude clinique.- Deux aspects bien différents se rencontrent:

Forme non douloureuse.- Ce sont des malades qui viennent consulter parce qu’ils ont
découvert une tumeur épigastrique, qui tend à augmenter de volume.

On constate alors l’existence d’une saillie épigastrique souvent de petit volume masquée
par un pannicule adipeux qui peut la dissimuler, et c’est la palpation qui permet de la reconnaître
et de percevoir, un peu en dehors de la ligne médiane, un petit orifice à bords tranchants. Le
malade debout, la hernie se voit mieux. Souvent la hernie est irréductible et facilement palpable.

Forme douloureuse.- C’est le cas le plus fréquent. Le malade vient consulter pour des
troubles fonctionnels. Il se plaint de phénomènes douloureux: pesanteur, tiraillements
épigastriques, parfois douleurs en ceinture avec ou sans irradiations à la base du thorax.
Exacerbées par la pression, les efforts, ces douleurs, qui surviennent parfois par crises,
s’exagèrent après les repas et peuvent s’accompagner de nausées et de vomissements.

Localement, il s’agit de petites hernies, passant parfois inaperçues, non réductibles. Seule
une palpation attentive permettra de découvrir la petite nodosité sessile, fixe et irréductible, au
niveau du creux épigastrique.

Si bien qu’en fait ces douleurs semblent pouvoir être rapportées à trois causes:
1. Tantôt le lipome se comporte comme un véritable tubercule sous-cutané douloureux;
2. Tantôt, et c’est la cause la plus fréquente, le ligament rond, tiraillé, attire le foie en bas
et entraîne les phénomènes douloureux:
3. Tantôt, enfin, une affection gastrique concomitante (ulcère, néoplasme) est responsable
des douleurs.

En somme, tout malade porteur d’une hernie épigastrique devenue douloureuse devra être
soigneusement examiné au point de vue d’une lésion possible des viscères de la partie supérieure
de l’abdomen.

L’évolution de ces hernies est rarement compliquée: l’étranglement y est exceptionnel.

Diagnostic.- il peut être difficile pour les petites hernies graisseuses qui risquent d’être
méconnues chez un sujet adipeux.

Par ailleurs, on se rappelera, en présence d’une hernie épigastrique douloureuse, la


possibilité d’une lésion gastrique concomitante et l’intérêt d’un examen radiologique de l’estomac
et du duodénum.

Traitement.- La contention par bandage est illusoire: aussi doit-on proposer l’intervention
dans les hernies douloureuses et dans les hernies d’un certain volume. Il est prudent, surtout s’il
existe des phénomènes douloureux, de vérifier l’état de l’estomac et du duodénum au cours de
l’opération.
45

Principes de l’intervention.- Il faut enlever le lipome préherniaire, réséquer le sac quand


il en existe un. Il est nécessaire, lorsque le ligament rond a glissé avec la hernie, de le libérer et de
le refouler en évitant de le prendre dans les sutures.

L’anneau, en général, étroit, est ensuite fermé facilement par suture directe des bords avec
des fils non résorbables.

Ce ne serait que dans le cas de hernies très volumineuses qu’on serait obligé de recourir à
des procédés autoplastiques (transplantations aponévrotiques notamment).

2. Hernies juxta-ombilicales.

La hernie juxta-ombilicale est celle qui se fait par un orifice voisin de l’ombilic, mais
cependant distinct de l’orifice ombilical.

L’orifice peut être sus ou sous-ombilical ou latéral: il siège à moins de deux centimètres de
la cicatrice ombilicale.
Parfois simple hernie graisseuse, cette hernie acquiert souvent un gros volume.

Au point de vue clinique et thérapeutique, la hernie juxta-ombilicale se confond avec la


hernie ombilicale: elle peut en présenter toutes les complications, et son traitement consiste en la
cure radicale dont la technique ne diffère pas de celle utilisée pour les hernies de la ligne blanche.

3. Hernies sous-ombilicales.

Ce sont des hernies exceptionnelles, ce qui tient à ce que les muscles droits, en cette zone,
sont très rapprochés l’un de l’autre. Ne rentrent pas, en effet, dans ce cadre, les éventrations sous-
ombilicales par diastasis des droits si fréquentes après des grossesses répétées et les éventrations
post-opératoires.

Les hernies sous-ombilicales ont un orifice analogue à celui des hernies épigastriques. Cet
orifice siège le plus souvent à 4 centimètres de l’ombilic, point faible de la ligne blanche sous-
ombilicale. Elles ne se développent jamais plus bas.

Ce sont, au point de vue clinique, des hernies qui ne s’accompagnent pas de symptômes
fonctionnels bien marqués.

Leur traitement s’inspire des mêmes règles que celui des hernies des autres orifices de la
ligne blanche.
46

2. EVENTRATIONS

Toutes les lésions décrites sous ce terme ont un point commun: la déficience de la paroi
permettant la protrusion des viscères abdominaux.

On distingue deux types d’éventration:


1. Les éventrations spontanées, véritables affaissement de la paroi;
2. Les éventrations traumatiques (accidentelles ou chirurgicales).

Nous étudierons également dans ce chapitre l’éviscération aiguë post-opératoire.

1. EVENTRATIONS SPONTANEES

Elles peuvent être congénitales ou acquises. Elles sont dues à des aplasies de la paroi
abdominale qui se révèlent soit dès la naissance, soit plus tard dans l’enfance ou à l’âge adulte.

a) Eventration du nouveau-né.- Nous nous bornerons à rappeler que de véritables arrêts


de développement de la paroi abdominale antérieure peuvent s’observer chez le nouveau-né; ce
sont les hernies ombilicales du nouveau-né (type embryonnaire ou foetal) et l’écartement
congénital de la ligne blanche.

b) Eventration de l’enfance.- Elles revêtent trois types cliniques différents: ou bien elles
surviennent au cours d’un syndrome rachitique; ou bien elles apparaissent à la suite d’une
poliomyélite; ou bien c’est sans cause apparente que l’éventration se manifeste, et on la rattache à
une lésion congénitale.

1. Eventration rachitique.- Elle apparait soit chez les tout petits, soit chez des enfants de
cinq à dix ans.

Elle siège au niveau de la ligne blanche; elle est sus-ombilicale, sous-ombilicale ou xipho-
pubienne.

Chez ces enfants rachitiques à abdomen distendu et mou, on peut déprimer la ligne
médiane entre les muscles droits, dont les bords internes sont écartés par une fente plus ou moins
large.

2. Eventrations paralytiques.- Consécutives à une poliomyélite aiguë de l’enfance, ces


éventrations sont rares. Elles siègent sur l’une quelconque des parois antéro-latérales de
l’abdomen.

Lorsque l’enfant pousse ou crie, une partie de l’abdomen se gonfle comme un ballon, et au
cours des mouvements respiratoires, se soulève plus fortement que l’autre. La région paralysée est
nettement flaccide à la palpation. L’examen électrique fait la preuve de la paralysie.

L’évolution de cette forme d’éventration, liée à celle de la maladie causale, relève de son
traitement.

3. Eventrations congénitales.- Il est habituel de les décrire sous le nom de hernies


ventrales par arrêt de développement ou laparocèles. Il s’agit d’une aplasie d’un segment
musculo-aponévrotique de la paroi dont l’origine congénitale semble vraissemblable.
47

Elles siègent au niveau des parties latérales de l’abdomen, en dehors des droits, dans
l’espace limité par le rebord costal, l’arcade crurale, la masse sacro-lombaire et le bord externe
des droits.

Ces éventrations sont volumineuses, sessiles. A leur niveau, la paroi est très mince, les
muscles ont presque complètement disparu: on sent, au niveau de leur base, un rebord saillant qui
limite l’orifice de sortie de l’éventration.

Le contenu de ces laparocèles est formé d’épiploon et d’intestin. En raison de la largeur de


l’orifice, l’étranglement intestinal y est exceptionnel.

c) Eventrations de l’adulte et du vieillard.- En dehors des éventrations paralytiques par


lésions radiculo-médullaires (tabès) ou par atteinte des nerfs périphériques (paludisme, goutte,
diabète), qui sont très rares, l’éventration s’observe surtout chez les vieillards ou chez les femmes
ayant eu de nombreuses grossesses.

Chez les vieillards ptosiques ou obèses, des éventrations parfois énormes peuvent
apparaître en rapport avec une déficience de la paroi et coexistant avec des hernies multiples.

L’éventration des femmes multipares, véritable diastasis des muscles droits, survient le
plus souvent après des grossesses multiples (souvent gémellaires ou compliquées d’hydramnios).
Ces éventrations sont dues à ce qu’après l’accouchement la paroi musculo-aponévrotique,
distendue par la grossesse, ne reprend ni sa tonicité, ni son épaisseur normales.

Cette lésion s’observe surtout chez les femmes grasses à parois flasques, à tissus de
mauvaise qualité, comme le prouve la coexistence habituelle de prolapsus génital ou de ptoses
multiples.

Cliniquement, ces malades accusent des douleurs, des sensations de pesanteur, de


distension et parfois des troubles gastro-intestinaux.

L’examen couché montre un abdomen flasque, tantôt gros, tantôt mince et vergeturé.

Si l’on fait asseoir la malade sur son lit, sans lui laisser prendre d’appui avec ses mains, on
voit apparaître, tendue du xiphoïde au pubis, une tumeur allongée verticalement plus ou moins
saillante, sonore le plus souvent.

On peut insinuer les doigts sur la ligne médiane, dans une véritable tranchée dont les
berges sont formées par les droits: le diastasis entre ces deux muscles peut atteindre 8 à 10
centimètres.

L’évolution en est variable. On assiste parfois à une véritable stabilisation des lésions et le
port d’une ceinture permet à la malade de mener une vie normale.

Parfois, l’évolution est progressive: l’éventration augmente de volume et les troubles


fonctionnels s’accroissent.

2. EVENTRATIONS TRAUMATIQUES

De loin les plus fréquentes, elles peuvent être: accidentelles, opératoires ou mixtes.
48

Eventrations accidentelles.

Elles sont consécutives à l’effraction de la paroi musculo-aponévrotique. Les plaies


pénétrantes de l’abdomen, les plaies pariétales en séton, non explorées, fournissent un important
contingent d’éventrations.

Les éventrations accidentelles peuvent apparaître aussi à la suite de plaies avec vaste perte
de substance (plaies de l’abdomen par éclat d’obus) ou à la suite de contusions abdominales avec
rupture sous-cutanée de la paroi.

Il faut isoler une variété très spéciale: l’éventration paralytique, qui peut aussi s’observer à
la suite de certaines opérations. Accidentelle, elle succède à des plaies qui ont entraîné la section
des derniers nerfs intercostaux (plaies pénétrantes de la base du thorax ou de la région lombaire).

Anatomie pathologique.- Dans l’éventration accidentelle, l’épiploon, sous l’influence de


la poussée abdominale, s’introduit à travers l’hiatus pariétal: il est bientôt suivi de l’intestin.
Progressivement, les viscères refoulent les plans sus-jacents, les dissocient, les écartent et
finissent par soulever la peau. Ces éventrations ont tantôt un sac péritonéal, tantôt pas de sac, et
l’intestin est alors directement situé sous des téguments souvent très amincis.

Dans l’éventration paralytique, on observe une dégénérescence des muscles larges de


l’abdomen, qui, au niveau du territoire paralysé, sont flasques et amincis.

Etude clinique.- L’éventration accidentelle se reconnaît facilement: sous une cicatrice


mince, aplatie, on remarque une saillie plus ou moins volumineuse, réductible le plus souvent
avec ou sans gargouillement et, à sa place, le doigt s’engage dans un anneau plus ou moins large.

Parfois la réduction est difficile ou impossible et on a la sensation d’une tumeur dure,


mate, un peu irrégulière.

Les complications et notamment l’étranglement, qui n’est pas rare, doivent faire proposer
au porteur de l’éventration l’intervention chirurgicale.

Les éventrations paralytiques ont un aspect différent: elles se traduisent dans la position
debout ou à l’effort par une voussure, parfois très étalée, dans l’hypochondre, la fosse iliaque ou
le flanc. La palpation permet de sentir une large zone dépressible circonscrite par un anneau
musculaire net formé par les fibres non touchées par la paralysie.

Eventrations post-opératoires

Elles sont très fréquentes. On les observe aussi bien dans la pratique civile qu’en temps de
guerre.

Elles se rencontrent en chirurgie de guerre avec prédilection, pour les raisons suivantes:
septicité des plaies, délabrements pariétaux importants avec sections musculaires et nerveuses,
incisions de débridement atypiques, fréquence des accidents pulmonaires, évacuations hâtives,
etc...

Dans la pratique civile, elles sont devenues relativement rares, depuis que l’on apporte
plus de soin à la réfection des parois. Elles s’observent encore à la suite de réparations pariétales
importantes (mauvais affrontement des différents plans, résorption rapide du catgut, etc...)
49

Mais, surtout, on les voit survenir après suppuration de la plaie opératoire (hématomes
pariétaux infectés) et particulièrement à la suite d’opérations septiques qui ont nécessité un
drainage prolongé: le drainage par mèches, par Mickulicz, semble particulièrement nocif.

Certaines incisions paraissent jouer un rôle favorisant: incisions transversales ou verticales


de l’hypochondre pour la chirurgie hépatique, incision du type Jalaguier pour appendicite à chaud,
médianes sous-ombilicales pour lésions suppurées du petit bassin. En pratique, l’éventration est
due à l’écartement des lèvres pariétales par le système de drainage utilisé et à la sclérose de la
paroi consécutive à la suppuration. Cette bande de tissu fibreux n’offre qu’une barrière
insuffisante à la poussée des viscères et, dès que le malade se lève, l’éventration est fatale.

Anatomie pathologique.- La cicatrice cutanée est mince, étalée, blanchâtre. Elle fait une
saillie plus ou moins importante.

Sur la peau, on trouve un tissu cicatriciel qui est soit fibro-séreux lorsque le péritoine
double le sac, soit uniquement fibreux lorsque le péritoine s’arrête au niveau du collet.

A l’intérieur du sac, on trouve l’intestin et l’épiploon, qui sont soit libres, soit adhérents.
Parfois des brides cicatricielles en pont cloisonnent la poche et constituent l’amorce de futurs
étranglements par brides.

Le volume de l’éventration est très variable: à côté des larges éventrations qui intéressent
toute la longueur de la cicatrice et dont le sac est sessile, à large ouverture, il en est de petites
(noix, noisette) qui ont un sac à pédicule circonscrit par un anneau souvent étroit.

Etude clinique.- C’est dans les semaines ou les mois qui suivent une opération que
l’éventration se manifeste. Parfois elle apparaît brusquement à la suite d’un effort violent par
rupture des plans profonds de la cicatrice. La peau cicatricielle est mince. L’éventration est plus
ou moins apparente suivant son volume. Au repos, elle fait en général une légère saillie, mais, à
l’occasion d’un effort, d’une secousse de toux, la saillie s’accentue et soulève la peau. La
réduction de cette masse est le plus souvent possible. Parfois elle est incomplète, voire impossible
(intestin et épiploon adhérents).

Lorsqu’on a pu réduire l’éventration, on engage les doigts dans l’anneau et on apprécie la


largeur du collet, qui est toujours dur et inextensible.

Dans les éventrations de petite taille, on ne note pas de saillie, même à l’effort; mais les
doigts dépriment facilement la cicatrice et pénètrent dans un hiatus plus ou moins étendu.

La présence d’une éventration provoque presque toujours des troubles fonctionnels


[douleurs abdominales, troubles intestinaux (subocclusion, constipation, ballonnement)]; des
troubles sympathiques (angoisse post-prandiale, etc.).

La complication majeure est l’étranglement soit intra-abdominal par coudure d’une anse
sur bride, soit intrasacculaire par bride ou par agglutination.

Signalons les ulcérations de la cicatrice avec l’infection pariétale qui en résulte et la


possibilité de perforation ou de rupture.

Rappelons, enfin la possibilité d’éventrations paralytiques post-opératoires après


néphrectomie, par exemple lorsque l’incision n’a pas ménagé le douzième nerf intercostal et
50

l’abdomino-génital, ou après incision verticale antéro-latérale de la paroi abdominale qui énerve


le droit.

3. INDICATIONS THERAPEUTIQUES

Le traitement médical ne vit que des contre-indications du traitement opératoire: âge


avancé, état général déficient, tares organiques, etc.

1. Les éventrations spontanées.- Chez l’enfant rachitique, le traitement habituel du


rachitisme suffit à amener la guérison.

L’éventration paralytique relève de la gymnastique médicale, de l’électrothérapie. Le


port d’une ceinture abdominale est indispensable.

L’éventration congénitale doit être traitée chirurgicalement par la suture plan par plan de
la paroi. Dans certaines hernies très volumineuses, on peut être obligé de recourir à une
myoplastie, une greffe aponévrotique ou la mise en place d'une mèche synthétique.

L’éventration des multipares relève, tout au moins au début, du traitement médical


(gymnastique abdominale, massages, cure d’amaigrissement chez les obèses ptosiques) et du port
d’une ceinture. Le traitement chirurgical sera réservé aux femmes jeunes à tonicité musculaire
satisfaisante. On ne l’entreprendra qu’après s’être assuré que les troubles ressentis ne sont pas
sous la dépendance d’une autre affection.

L’opération consiste, sans ouvrir le péritoine, à ramener les muscles droits écartés au
contact l’un de l’autre en suturant leur bord interne avec des fils non résorbables.

2. Les éventrations traumatiques.- Le traitement prophylactique par l’exploration des


plaies, la réfection soignée des parois, permettrait d’éviter bon nombre d’éventrations.

Une éventration constituée doit être traitée par exérèse du sac (s’il existe), traitement du
contenu, puis réfection des plans pariétaux.

Seule l’éventration paralytique est justiciable d’un traitement spécial: la plicature de la


zone paralysée par des anses de crins en U prenant point d’appui sur la zone saine du muscle et
faufilant la zone dégénérée. Dans toute éventration, l’indication opératoirre est absolue, sauf chez
les malades âgés, obèses, avec tares organiques et affaiblissement pariétal généralisé.

Il est inutile d’insister sur les soins pré-opératoires: cure d’amaigrissement, préparation
des téguments, mise en état des poumons, du coeur, etc. Il est bien évident qu’il faut toujours tenir
compte du microbisme latent de ces incisions, qui ont en général suppuré, et on doit attendre au
minimum six mois après cicatrisation complète de l’incision primitive avant de réintervenir.

Rappelons quelques modalités techniques. Si l’éventration est de petites dimensions il y a


intérêt à réséquer toute la zone malade cicatricielle (y compris le péritoine), à disséquer les
différents plans pariétaux, à les séparer et à reconstituer la paroi plan par plan en utilisant de
préférence le catgut chromé ou des fils non résorbables.

Si l’éventration est importante, il faut conserver le maximum d’étoffe et garder le tissu


fibreux très solide qui borde l’éventration: c’est en suturant ce plan fibreux bord à bord ou en
paletot qu’on parviendra à refaire une paroi solide.
51

Les éventrations très volumineuses posent des problèmes techniques délicats: on peut être
forcé d’avoir recours, pour obturer la brèche, à des plasties musculaires, à des transplants
aponévrotiques, à des prothèses en nylon, etc ...

Les éventrations étranglées, qui ont beaucoup de points communs avec les hernies
ombilicales étranglées, nécessitent l’opération d’urgence.

Il y a intérêt à circonscrire largement la peau par une incision en côte de melon, puis on
ouvrira le sac en allant de la profondeur à la superficie, c’est-à-dire en commençant par ouvrir le
péritoine en zone saine et en incisant progressivement ensuite le pourtour du collet.

Il faudra traiter le contenu (épiploon, intestin) selon les lésions qu’il présente.
Le pronostic de ces éventrations étranglées est en général très grave.

HERNIE CICATRICIELLE: Il s'agit en fait d'une petite éventration telle qu'on le comprend
dans la littérature anglosaxonne.

EVISCERATION AIGUE POST-OPERATOIRE

Définition.- C’est l’issue des viscères abdominaux consécutive à la désunion d’une plaie
opératoire suturée.

Etiologie.- L’éviscération post-opératoire n’est pas exceptionnelle. Elle s’observerait dans


une proportion de 1,5 p. 100 à 2 p. 100 des laparotomies. Aussi fréquente chez l’homme que chez
la femme, elle se produirait avec prédilection aux âges extrêmes de la vie (enfants, vieillards).

Certaines causes générales favorisent cette désunion: les maladies débilitantes, l’anémie,
la cachéxie, la syphilis, le diabète, l’obésité sont relevées dans un certain nombre d’observations.

L’éviscération se produit surtout après certaines variétés d’actes opératoires:


perforation d’ulcère gastro-duodénal, plaies de l’abdomen et surtout interventions pour néoplasies
viscérales.

Trois facteurs d’ordre biologique ont été incriminés: ils peuvent d’ailleurs se combiner
entre eux, ce sont:

1. La déficience en vitamine C (acide ascorbique), qui perturbe les phénomènes de


réparation et de régénération du tissu conjonctif;

2. L’hyoprotéinémie, qui entraîne une diminution de la prolifération fibro-plastique et de


l’activité cellulaire: l’hypoprotéinémie est habituelle chez les néoplasiques; elle semble
responsable en partie de la fréquence, chez ces sujets, du lâchage des sutures;

3. La sensibilité au catgut, véritable état allergique qui aboutit à une résorption trop rapide
des fils de catgut.

Des causes locales favorisent également l’éviscération post-opératoire.

Certaines incisions de la paroi abdominale, notamment les incisions verticales et latérales


parallèles au bord externe des muscles droits, qui sectionnent au maximum les pédicules
vasculaires et nerveux, sont plus dangereuses que les incisions obliques ou transversales et les
incisions médianes.
52

Le matériel de suture: au catgut simple ou chromé qui offre l’inconvénient d’une


résorption rapide (par allergie ou simplement par exsudation sérique et par inflammation locale),
il faut évidemment préférer, lorsque cela est possible, les fils non résorbables (soie, lin, crin, etc).
En fait, ce qui compte dans la cicatrisation d’une plaie peut-être plus que la nature des fils, c’est
l’affrontement rigoureux des différents plans sans serrage excessif et en veillant à ne pas étrangler
par le serrage du fil une trop grande épaisseur de tissus.

L’éviscération est favorisée par un mauvais affrotement du péritoine, qui permet à


l’épiploon et à l’intestin de s’insinuer entre les lèvres péritonéales, créant ainsi une amorce à la
future éviscération.

Mais c’est surtout le drainage qui joue un rôle important en augmentant la fréquence de
l’infection pariétale et en favorisant la hernie de l’épiploon et de l’intestin.

L’infection locale, par l’importance de l’exsudation qu’elle détermine, par le retard


qu’elle apporte à la réparation tissulaire, par la résorption accélérée du catgut qu’elle entraîne, est
une cause importante d’éviscération post-opératoire.

La cause détereminante de l’éviscération est l’effort, qu’il s’agisse de secousses, de toux


(complications pulmonaires), de vomissements ou de distension abdominale.

Etude clinique.- C’est du cinquième au dixième jour que se produit le plus souvent
l’éviscération. On en a vu de plus précoces (premier jour) et de plus tardives (seizième jour). Elle
se produit habituellement sous le pansement: l’opéré ressent une douleur brusque au niveau de
l’incision; il a l’impression qu’à la suite d’un effort de toux ou de vomissement quelque chose
vient de craquer dans son ventre.

Quelquefois, des symptômes tels qu’un abondant écoulement séro-sanguin par l’incision
ou la constatation d’oedème et de fluctuation le long de sutures attirent l’attention avant que la
poussée des viscères n’ait écarté les berges cutanées.

Parfois, l’éviscération ne se traduit que par des signes peu nets de subocclusion (nausées,
vomissements).

L’examen, dans les cas typiques, montre, entre les fils de suture qui ont encore tenu, une
issue des viscères abdominaux: tantôt un paquet épiploïque, tantôt des anses grêles, plus rarement
l’estomac, les côlons transverse ou sigmoïde sortent par la plaie: ils sont congestionnés et
recouverts de placards fibrineux, c'est l'éviscération complète ou totale.

Parfois l’éviscération est moins nette: les viscères sont restés sous le plan cutané, et c’est
en écartant les fils qui suturent la peau qu’on aperçoit les viscères prolabés qui forment sous les
plans cutanés une saillie sonore et gargouillante, c'est l'éviscération incomplète ou partielle.

L’éviscération s’accompagne d’un cortège de signes généraux où dominent les signes de


choc.

Le pronostic en est grave: les organes éviscérés sont menacés par l’infection qui les
dépolit, les recouvre de concrétions fibrineuses, et qui se trasmettra rapidement à la grande cavité
1péritonéale; par le sphacèle (pincement de leur pédicule vasculaire); par l’occlusion précoce
(faible dimension de l’orifice) ou tardive (sténoses cicatricielles après réduction). La précocité du
traitement peut seule atténuer la gravité du pronostic: aussi, dans les cas douteux, doit-on explorer
chirurgicalement l’incision opératoire.
53

Traitement.- Il faut réopérer: l’anesthésie locale est souvent préférable chez ces sujets,
qui sont fatigués.

Après préparation de la peau, il faut laver au sérum chaud l’intestin éviscéré, réséquer
l’épiploon, puis réintégrer les viscères dans l’abdomen. S’il y a soupçon d’infection, on drainera.

La suture de la paroi sera pratiquée en un seul (de préférence) ou en plusieurs plans,


suivant l’état du malade. La suture en un plan total aux fils métalliques (bronze, acier) semble
d’ailleurs préférable. Un pansement par adhésif consolidé par un bandage de corps bien ajusté
sera ensuite appliqué.

Les antibiotiques ainsi que la vitamine C, les transfusions post-opératoires et si besoin


l’aspiration duodénale continue seront utilisées.

Les éviscérations post-opératoires sont grevées d’une lourde mortalité.


54

CHAPITRE II : GRANDS SYNDROMES CHIRURGICAUX DU TUBE


DIGESTIFS
I. Le drame abdominal
1. Anamnèse
2. Examen abdominal
3. Examens de laboratoire
- Biologie
- Amylase
- Analyse d'urines
4. Ponction péritonéale
5. Examen radiologique
6. Quelques règles d'or
7. Causes médicales des abdomens aigus
8. Diagnostic différentiel des abdomens aigus en Pédiatrie
9. Syndromes douloureux aigus de l'abdomen.
II. Les traumatismes abdominaux :
Plaies et contusion de l'abdomen
III. Les péritonites aiguës
IV. L'occlusion intestinale aiguë
V. Pathologies chirurgicales de l'appendice
VI. Diagnostic et traitement des hémorragies digestives

II.1. LE DRAME ABDOMINAL

Le drame abdominal est certainement le chapitre le plus important de ce cours de


pathologie chirurgicale digestive.

Nous allons tâcher de le définir ici à partir de l’anamnèse, des examens cliniques et
paracliniques, des règles fondamentales auxquelles nous ne le savons que trop; il existe des
nombreuses exceptions, mais les règles fondamentales dont le respect et la totale connaissance
permettent de limiter à un strict minimum le nombre des faux diagnostics.

En dépit des progrès effectués par la médecine dans pas mal d’autres domaines, en dépit
des améliorations apportées par la prolifération des explorations paracliniques, le diagnostic
correct d’un abdomen aigu et par conséquent de choix fondamental que réalise le médecin
praticien entre une bonne décision qui entraine la survie et l’erreur qui entraine le décès dépend
entièrement de l’intelligence et de l’expérience du médecin.

Je vous demande instamment d’apprendre ces notes avant de commencer vos stages
cliniques et de les relire ensuite durant ceux-ci afin de confronter déjà à la théorie votre jeune
expérience personnelle.

Quelque soient les pièges et les déceptions que nous causent parfois le diagnostic
d’abdomen aigu, obtenir par la simple anamnèse, l’examen clinique et le raisonnement, un
diagnostic correct est une des plus grandes satisfactions, de la profession des médecins.

On regroupe sous l’appellation générale de drame abdominal un certain nombre des


situations qui impliquent une décision clinique urgente, faute de quoi l’évolution se fait
rapidement vers des complications extrêmement menaçantes et le plus souvent le décès. Pour
vous guider dans ce dedale nous disposons de l’anamnèse directe ou obtenue auprès de la famille,
55

de l’examen clinique, enfin et secondairement des examens paracliniques.

1. ANAMNESE

L’anamnèse est souvent, par elle seule, déterminante. Elle contribue en tout cas à
déterminer dans quelles directions doivent se porter les investigations et les examens
complèmentaires. Elle s’attache à définir quelques symptômes comme la douleur, la nausée, la
modification du régime des selles.

MODE D’INSTALLATION DE LA DOULEUR ABDOMINALE

a) Si le patient qui était bien en un moment donné devient quelques secondes plus tard, l’objet
d’une douleur excurciante, le diagnostic le plus probable est :
- Soit la rupture d’un viscère creux
- Soit un accident vasculaire.
Une colique rénale ou biliaire peut être en effet très brutale dans son début mais en général ne
cause pas de douleurs semblables en intensité à celle provoquée par la perforation de l’estomac ou
la thrombose mésentérique.

b) Si la douleur d’installation rapide est modérement sévère au début et devient rapidement plus
marquée, il faut envisager une autre cause :
- Pancréatite aiguë
- Thrombose mésentérique
- Etranglement de l’intestin grêle

c) Un début très progressif de la douleur et une augmentation progressive est caractéristique


d’une affection péritonéale ou d’une inflammation.
- L’appendicite et la diverticulite commencent souvent de cette façon.

LES CARACTERES DE LA DOULEUR

Nature de la douleur une fois qu’elle est installée :


a) Une douleur excurciante qui est pratiquement insensible aux morphiniques indique une
lésion vasculaire tel un infarctus massif de l’intestin ou une rupture de l’aorte abdominale.
b) Une douleur extrêmement intense, mais contrôlée aisément par des médications est plus
typique d’une pancréantite aiguë que de la péritonite associée à une rupture des viscères
creux.Un étranglement de l’instestin grêle sans infarctus extensif produit à peu près la même
douleur.
c) Si la douleur est sourde, vague et mal localisée, il est clair qu’elle a également commencé de
façon très graduelle. Ces données de l’anamnèse suggèrent fortement un processus inflam
matoire ou une infection modérée. L’appendicite se présente très souvent de cette façon là.
d) Une douleur intermittente avec des accès crampoïdes se voit fréquemment dans la gastro-
entérite. Toute fois si la douleur revient à cycle régulier, augmentant crescendo pour ensuite
diminuer jusqu’à un espace libre de durée variable, le diagnostic le plus vraissemblable est
celui d’obstruction mécanique de l’intestin grêle. Exceptionnnellement ce type de douleur
apparaît dans le début de la pancréatite subaiguë.

Si l’auscultation abdominale révèle des vagues de péristaltisme intermittentes qui vont crescendo
et qui décroissent avec la douleur, nous sommes presque sûrs, d’avoir affaire à une obstruction du
grêle.
56

- Dans la colique ou la gastro-entérite les bruits péristaltiques n’ont que peu de relation avec les
douleurs abdominales.

IRRADIATION DE LA DOULEUR OU MODIFICATION DE SA LOCALISATION

- Une douleur dans l’épaule signifie souvent une irritation diaphragmatique due à l’air, au
contenu péritonéal ou au sang. La douleur biliaire est également très rapportée à l’épaule gauche
faisant penser à l’angine de poitrine.

- De façon classique, la douleur de l’appendicite commence dans l’épigastrre et s’installe


dans le quadrant inférieur droit. Une modification de cette propagation douloureuse ou une
contamination de tout l’abdomen signifie souvent un processus de péritonite.

L’ANOREXIE, NAUSEES, VOMISSEMENTS

Sans aucun doute, des symptômes tels que l’anoréxie, les nausées, les vomissements sont
très importants dans l’évolution du drame abdominal. Toutefois, les choses peuvent être très
avancées au point de vue abdominal sans qu’il ait eu production d’anoréxie, nausées et
vomissements. En effet, si le péritoine est bien protégé de l’infection, de l’inflammation comme
c’est le cas de l’appendicite rétrocaecale ou lorsque l’appendice est complétement isolé par le
grand épiploon, le patient, non seulement, n’a pas d’anoréxie, mais peut même avoir très faim. La
chronologie de ces évenements est également très importante. En effet, s’ils précèdent le début
des douleurs, il faut suspecter une gastro entérite ou une maladie du système tandisque dans le
drame abdominal chirurgical, la douleur précède généralement l’installation de ces symptômes.

- Lorsque les nausées, vomissements sont extrêmement marqués, il faut évoquer les
possibilités comme la gastro-entérite, la gastrite aiguë, la pancréatite aiguë, la lithiase
cholédocienne ou l’obstruction intestinale haute.

DIARRHEE ET CONSTIPATION

- Lorsqu’on peut être sûr que le patient n’a produit ni gaz ni matières fécales pendant une
période de 24-48 h, on peut affirmer qu’il y a un certain degré d’occlusion intestinale.

- Dans ces circonstances, toutefois, il devrait y avoir aussi une distension marquée ou des
vomissements persistants s’il n’y a ni vomissements ni distension, l’obstruction intestinale n’est
pas un diagnostic à retenir en première main. La diarrhée, bien sûr, est une manifestation
classique de la gastro-entérite, mais elle peut se présenter comme symptôme dominant lorsque
l’appendice est en position pelvienne.Une diarrhée répétée, sanglante indique une ulcération du
côlon. Il faut penser à la rectocolite hémorragique, à la maladie de Crohn et à la dysenterie
bacillaire ou amibienne. Une diarrhée franchement sanglante est un signe commun d’ischémie
colique, mais est seulement absente dans la thrombose mésentérique supérieure avec gangrène
extensive du petit et du gros intestins.

FRISSONS ET TEMPERATURE

-Un certain degré de température est commun à toutes les urgences chirurgicales. Dans
l’appendicite, la température n’est toutes fois pas habituellement très élevée. Une température très
élevée devrait suggérer alors des complications liées à la pyléphlébite ou un autre diagnostic. Une
température très élevée avec des signes péritonéaux chez une femme qui n’a pas apparemment des
maladies systémiques est caractéristique d’une annexite aiguë.
57

- Des accès répétés de température et des frissons sont caractéristiques d’une pyléphlébite
et d’une bactériémie.
- En présence d’autres signes qui suggèrent une appendicite,la contracture suggère une
perforation.
- Frissons et température sont très fréquents dans les infections biliaires ou rénales. C’est
ainsi que l’angiocolite et la pyélonéphrite aiguë se présentent souvent avec des alternances des
frissons et température.
- Température, frissons, ictère ainsi qu’une certaine hypotension indique une angiocolite
suppurée. C’est une urgence chirurgicale.

2. EXAMEN CLINIQUE

Les modalités de l’examen clinique en cas d’abdomen aigu ont dû être vues dans le cours
de sémiologie chirurgicale. Rappellons toutefois les élements qu’il faut examiner en routine lors
d’une palpation de l’abdomen aigu :
1) Inspection
2) Sensibilité à la toux. Examen des orifices herniaires et de testicules dans l’abdomen aigu
3) Recherche d’une contracture
4) Palpation à un doigt
5) Palpation profonde
6) Douleur ou rebound
7) Auscultation
8) Signes particuliers
9) Examens rectal et pelvien

1) Recherche de la sensibilité abdominale

La recherche de la sensibilité abdominale doit être faite avec un doigt non avec la main
tout entière. Il est impossible de localiser de façon précise une inflammation péritonéale si on
pratique avec un doigt en commençant aussi loin que possible de la zone où la toux a provoqué
une douleur spontannée. On se dirige ensuite graduellement vers le centre.

- Dans le stade précoce de l’appendicite, la région douloureuse n’est souvent pas plus large
qu’une pièce de 20 Francs. Lorsqu’il y a une contracture abdominale diffuse sans rigidité associée
des muscles considerés, on doit suspecter une gastroentérite ou une autre maladie inflammatoire
de ce type sans péritonite. La gastro-entérite est acompagnée de façon caractéristique par une
sensibilité diffuse abdominale sans rigidité musculaire.

- Lorsqu’il existe une sensibilité diffuse de l’abdomen sans contracture associée des
muscles grands droits il faut suspecter une gastro-entérite par un autre processus inflammatoire de
l’intestin sans péritonite associée. C’est une caracteristique de la gastro-entérite que de montrer
une sensibilité abdominale diffuse sans contracture musculaire.

2) La percussion

Dans la perforation à péritoine libre d’un viscère creux, il y a de l’air sous le diaphragme
et la percussion de la région du foie peut montrer du tympanisme. Le tympanisme latéralement
dans la ligne médio axillaire à 5cm ou plus au dessus de rebord costal est due à la présence de
l’air libre ou simplement à des anses grêles distendues.
58

3) Palpation des masses

On va maintenant palper profondément à la recherche des masses caractéristiques. On le


trouvera dans la cholécystite, l’abcès périappendiculaire, le gateau sigmoïdien de diverticulite et
l’anévrysme de l’aorte abdominale en voie de rupture.

4) Auscultation abdominale

L’auscultation est une part essentielle de l’examen abdominale. L’absence du péristaltisme


audible signifie une péritonite diffuse.Il faut, pour l’affirmer, avoir écouté au moins pendant 3
minutes. Aussi, il faut toutefois signaler qu’il peut y avoir une péristaltique audible conservée en
présence d’une péritonite établie. Des vagues de péristaltiques intermittentes allant crescendo
avec des intervalles libres réguliers font diagnostiquer une obstruction du grêle dans son milieu. Il
faut toutefois signaler que ce type d’auscultation se rencontre dans les phases précoces de la
pancréatite aiguë et correspondent à l’anse sentinelle dilatée qui est soumise à des contractions
péristaltiques régulières simulant celles de l’obstruction intestinale aiguë.

5) Signes particuliers

a) Signe du Psoas
b) Signe de l’obturateur
c) Signe de la percussion du rebord costal
d) Signe de Murphy

3. EXAMENS DE LABORATOIRE

Biologie

L’hématocrite élevé signifie une déshydratation due à des vomissements excessifs ou à


une perte de liquide dans la cavité péritonéale. Un hématocrite bas peut signifier une anémie
préexistante ou un saignement actif. La leucocytose peut aider si elle est significativement élevée.
Toutefois des taux normaux ou même bas peuvent être obtenus en présence d’une péritonite
établie. Une leucocytose basse avec lymphocytose relative peut suggérer une infection virale ou
une gastro-entérite.
- Une leucopénie marquée peut suggérer une dyscrasie sanguine ou un sepsis sévère.
- Une augmentation progressivement croissante des globules blancs signifie une
progression d’un processus inflammatoire ou septique.
- La détermination des électrolytes est nécessaire pour se rendre compte de l’importance
et de la nature des liquides perdus.

Amylase

Elle peut être élevée dans la pancréatite aiguë, mais peut être normale ou basse dan la
pancréatite hémorragique. Elle est souvent élevée en cas de thrombose mésentérique,
d’obstruction intestinale ou d’ulcère duodénal perforé.
- Un taux d’amylase élevé est souvent vue en présence d’un pseudokyste du pancréas.
- La pancréatite aiguë peut se voir en association avec l’hyperlipémie de type I et V,
mais l’activité d’amylase peut être réduite à une valeur normale ou basse dans ces cas
particuliers.
59

Analyse d’urine

L’analyse d’urine permet d’éliminer une infection urinaire et le diabète.

4. Ponction péritonéale

Le liquide péritonéal examiné met en évidence la présence du sang ou de pus.

5. Examen radiologique

L’examen radiologique de l’abdomen est extrêmement important pour arriver au


diagnostique dans le drame abdominal.

- Il faut demander une radio de l’abdomen sans préparation en position couchée et debout (si le
patient en est capable) éventuellement une urographie intraveineuse (U I V) et une radio du
thorax. En voyant ensemble toutes ces radio, on doit se poser les questions suivantes :
1. les contours du foie, de la rate, des reins et du muscle psoas sont-ils bien définis ?
2. les images gazeuses dans l’estomac, dans l’intestin grêle et dans le côlon sont-elles dans les
limites normales ?
3. y a-t-il du gaz, de l’air en dehors de la lumière intestinale ou en dessous du diaphragme ?
4. y a-t-il de l’air dans les voies biliaires ?
5. y a-t-il des opacités anormales telles que lithiase vésiculaire, fécalome, calcifications des
ganglions lymphatiques, calcifications pancréatiques, aortiques ?
- Dans certains cas bien précis, on pourra s’aider éventuellement d’un lavement baryté réalisé
prudemment et lorsqu’on suspecte la présence d’une masse dans la profondeur, la réponse aux
simples questions énoncées plus haut permet déjà d’obtenir des renseignements très
importants dans un certain nombre de cas. Ainsi la disparition de l’ombre des psoas indique
un hématome ou un abcès rétropéritonéal (rupture d’anévrysme, appendicite rétrocoecale)
- Une ombre rénale élargie ou déplacée indique une lésion urologique. Un élargissement de
l’ombre splénique avec un dépla-cement de l’estomac et du côlon suggère une hémorragie par
rupture de la rate et refoulement des structures adjacentes.
- La présence d’anses grêles dilatées avec des niveaux hydroaériques, une absence de gaz dans
le côlon sont quasi-indicatives d’une obstruction au niveau de l’intestin grêle. *
- Le réperage du caecum dans une position inhabituelle peut permettre de faire le diagnostic
d’appendicite dans cette situation inhabituelle. Une dilatation et une rotation marquées du
caecum ou sigmoïde sont typiques du volvulus (voir plus haut)
- Une dilatation marquée de l’entièreté du gros intestin suggère une obstruction colique; une
dilatation massive du côlon dans la rectocolite indique le développement d’un côlon toxique.
- Enfin lorsque c’est l’ensemble de l’intestin grêle et du gros intestin qui est distendu par l’air,
nous avons une image caractéristique d’un iléus, d’une péritonite ou d’une pseudo-obstruction
non chirurgicale de l’intestin.
- La présence d’air en dessous du diaphragme indique une perforation des viscères creux, par
ex. ulcère gastro-duodénal.
- Lorsque la quantité d’air en dessous du diaphragme est particulièrement importante, on
pensera plûtot à une perforation colique.
- La présence d’air dans les voies biliaires est caractéristique d’une communication entre une
portion du tube digestif et les voies biliaires (fistule cholédoco-duodénale).
- Si à ce dernier signe s’ajoute en outre la présence d’obstruction intestinale, il peut s’agir d’un
iléus biliaire et l’on pourra voir éventuellement la lithiase calcifiée.
- La présence d’air dans le système porte est indicative d’une pyléphlébite avec des bactéries
qui forment du gaz (appendicite compliquée, infarctus mésentérique au stade terminal). Très
60

rarement, la prise de quelques ml de gastrografine peut être nécessaire pour confirmer un


diagnostic d’obstruction intestinale haute ou une perforation de l’estomac.
- De même s’il est de règle d’éviter de recourir à un lavement baryté en présence des signes de
péritonite, dans certains cas on le fera toutefois pour établir définitivement un diagnostic de
diverticule, de volvulus sigmoïdien ou d’obstruction colique basse sur carcinome. N’oublier
pas bien sûr le rôle essentiel de l’angiographie dans l’insuffisance vasculaire mésentérique et
aussi dans certaines conditions où l’on suspecte une rupture ou encore une hémorragie sur le
trajet de l’intestin grêle ou du gros intestin.

6. Quelques règles d’or

1° Tout patient qui présente une douleur abdominale aiguë durant depuis plus de 6 heures doit être
considéré comme ayant un problème chirurgical jusqu’à ce que l’on ait prouvé le contraire.
2° Dans les situations chirurgicales, la douleur précède généralement l’anoréxie et les
vomissements tandis que dans les abdomens médicaux, la douleur suit le phénomène d’anoréxie
et de vomissement.
3° Le drame abdominal chez des sujets âgés est beaucoup plus suspect d’être de nature
chirurgicale que chez les sujets plus jeunes.
4° La leucocytose en réponse à l’inflammation est généralement plus marquée chez le jeune que
chez le vieillard.
5° Les drames abdominaux chirurgicaux sur lesquels on pose le plus fort pourcentage des
diagnostics faussement négatifs sont
l’appendicite aiguë et l’obstruction intestinale.
6° A l’opposé, l’affection médicale sur laquelle on porte souvent un diagnostic faussement positif
de drame abdominal est la salpingite.
7° Lorsque devant un tableau clinique troublant difficile à interpréter, on ne sait exactement
quelle hypothèse formuler; on ne peut jamais perdre de vue que l’appendicite aiguë peut
toujours être en cause.
8° L’appendicite en position pelvienne peut se présenter avec un tableau de vomissement, de
diarrhée, de douleurs abdominales légères qui peuvent la faire confondre avec la gastro-entérite.
9° La présence d’une douleur excurciante et d’un minimun de découvertes à l’examen clinique
doit toujours soulever la possibilité d’un infarctus mésentérique.
10° La cause la plus habituelle d’obstruction intestinale chez une femme de plus de 65 ans qui n’a
jamais été opérée auparavant est la hernie crurale étranglée. Envisager ensuite l’iléus bilaire.
11° Un épisode de douleurs épigastriques suivies quelques heures ou quelques jours plus tard de
signes d’obstruction intestinale doit faire évoquer le diagnostic d’iléus biliaire.
12° Une maladie caractérisée par l’ictère modéré, une température élevée, des frissons et des
signes d’hypotension signifie une angiocolite suppurée.
13° Attention à l’appendicite durant le 1er trimestre de grossesse. Elle se présente de façon
atypique en raison du déplacement du grand épiploon. L’essentiel de la mortalité foetale et
maternelle est dû au diagnostic trop tardif.
14° Enfin et par-dessus tout, nous voudrions surtout pour ceux d’entre vous qui s’occuperont de
Médecine de Soins Intensifs, souligner le piège diagnostique que présente les patients âgés ayant
présenté une longue période d’état de choc qui sont hospitalisés depuis longtemps pour une
maladie systémique et qui, dans le décours d’une affection médicale compliquée, développe une
cholécystite aiguë, appendicite aiguë ou une perforation d'ulcère gastrique. Redoutons le risque de
faire un diagnostic trop tard parce que le raisonnement clinique est braqué sur l’affection initiale
(infarctus du myocarde) parce que le patient sous respirateur est incapable de s’exprimer et de
signaler la présence de la douleur.

Diagnostic différentiel du drame chirurgical


- L’infarctus du myocarde
61

- L’hépatite aiguë
- Le rhumatisme articulaire
- La périartérite noueuse
- La porphyrie aiguë
- La pleurodynie épidémique
- Le pneumothorax spontané
- La pneumonie, l’épanchement pleural
- Les lésions de la colonne

7. Causes médicales des abdomens aigus

Métaboliques
Acidocétose diabétique Urémie
Porphyrie Hypercalcémie
Insuffisance surrénalienne
Toxiques
Morsures d'insectes
Morsure vénimeuses (scorpions et serpents)
Empoisonnement
Drogues
Diverses
Crises hémolytiques
Hématome du muscle grand droit
Neurogéniques
Herpes zoster (zona), forme abdominale de l'épilepsie,
Tumeurs et infection de la moelle épinière, compression des
nerfs
Cardio pulmonaires
Pneumonie, Infarctus du myocarde, Myocardite, Empyème

8. Diagnostic différentiel des abdomens aigues en Pédiatrie

Nourrissons:

Entérite virale Pneumonie Tumeurs rupturées


Invagination Appendicite Pancréatite
Pyélonéphrite Sténose du pylore Diverticulite de Meckel
Reflux gastro oesophagien Torsion testiculaire Maladie de Hirschsprung
Entérocolite bactérienne Kystes mésentériques Hernie étranglée
Empoisonnement
Traumatisme
Enfants :

Diverticulite de Meckel Traumatisme


Cystite Pneumonie
Entérite virale Pancréatite
Maladie de Crohn: Tumeurs rupturées
. Bactériemies Empoisonnement
. Entérocolite Pyélonéphrite

Adolescents :
Infection pelvienne Pancréatite Maladie psychosomatique
62

Entérite virale Pneumonie Ulcère peptique


Mittelschmertz Hématocolpos Empoisonnement
Maladie de Crohn Entérocolite bactérienne Trauma
Grossesse ectopique
Grossesse
Cholélithiase

Les urgences abdominales se manifestent par un ensemble de symptômes groupés


différemment selon l'affection en cause. On peut les classer schématiquement en trois syndromes
de base:

1) Syndrome péritonéal se traduit par les signes suivants:


- La douleur violente, brutale, au début localisée puis diffusant rapidement,
permanente.
- les vomissements plus ou moins abondants, traduisant l'irritation péritonéale
- la fièvre témoigne d'un état infectieux, de la septicité de l'affection.
- la contracture des muscles de la paroi abdominale
- l'épanchement douloureux du cul-de-sac de Douglas

2) Le syndrome occlusif se manifeste par les signes suivants:


- l'arrêt des matières et des gaz
- les vomissements, répétés, sont d'abord gastriques puis bilieux, pouvant devenir
fécaloïdes
- la douleur survient par crises paroxystiques sur un fond continu, le ballonnement
abdominal, bien visible, parfois animé d'ondulations péristaltiques, est élastique,
sonore à la percussion comme un tambour. Ce ballonnement est dû à l'accumulation
des gaz dans l'intestin en amont de l'obstacle. On dit qu'il y a météorisme abdominal.
- des niveaux liquides avec images hydro-aériques seront décelés par des
radiographies.

3) Le syndrome d'hémorragie interne se traduit par des syncopes, la chute de la T.A.,


l'accélération du pouls et une douleur au Douglas si l'hémorragie est intra-péritonéale.

9. SYNDROME DOULOUREUX AIGU DE L’ABDOMEN

La majorité des urgences de pathologie digestive se manifestent par une douleur aiguë de
l’abdomen. Leur évolution dépend essentiellement de la rapidité de la mise en oeuvre du
traitement; c’est ainsi que la mortalité des péritonites aiguës croit selon une courbe exponentielle
avec le temps écoulé entre le début des troubles et le traitement chirurgical. Le délai se mesure en
heures; c’est dire l’importance d’un diagnostic précoce.

L’examen clinique, et plus particulièrement l’interrogatoire, permettent dans la majorité des cas
d’établir un diagnostic précis, mais, pour être efficace, cet examen doit être rigoureux, c’est-à-
dire, il va comporter successivement:
- la recherche systématique de tous les troubles que ce type de malade est susceptible de
présenter selon un plan d’examen préétabli;
- la synthèse des troubles constatés.

Plan d’examen

Valable dans tous les syndromes douloureux aigus, le plan d’examen doit être toujours le même
de façon à éviter les oublis. Il doit être répété de façon à noter les modifications.
63

Interrogatoire

Il permet de préciser : l’âge du malade, ses antécédents chirurgicaux, ses antécédents médicaux, la
prise de médicaments: corticothérapie, aspirine (risque de perforation), anti-coagulants,
absorption de chlorure de potassium, etc.
Il permet d’apprécier surtout les caractéristiques de la douleur très évocatrices du viscère
responsable de la gravité et du mécanisme des lésions.
Le siège de la douleur est, en règle général, en regard du viscère intéressé. L’appendicite donne
une douleur dans la fosse iliaque droite, la cholécystite dans l’hypochondre droit etc. Cependant il
faut connaître certaines exceptions, c’est ainsi qu’une appendicite peut débuter par une douleur
épigastrique, et que inversement une perforation d’ulcère peut donner une douleur de la fosse
iliaque droite parce que le liquide gastrique s’écoule dans la gouttière pariéto-colique droite; de
même certaines douleurs d’origine cardiaque peuvent siéger au niveau de la région épigastrique et
alors que des douleurs d’origine pulmonaire peuvent se manifester au niveau des hypochondres.
L’intensité de la douleur est en général proportionnelle à la gravité des lésions; c’est ainsi que les
douleurs les plus violentes correspondent aux lésions les plus graves, nécessitant le traitement le
plus urgent (ischémie digestive aiguë, perforation, strangulation) mais à l’inverse des douleurs
modérées ne correspondent pas toujours à des lésions mineures.
Le type de la douleur dépend du mécanisme des lésions. Deux types de douleurs sont
particulièrement caractéristiques:
Les douleurs très brutales, très intenses et permanentes correspondent à des lésions graves
nécessitant un traitement chirurgical immédiat (péritonite, infarctus du mésentère, mais aussi
pancréatite aiguë).

Les douleurs d’installation progressive, à type de crampe, survenant par vague, augmentant
progressivement , puis diminuant avec périodes d’accalmie, traduisent la lutte de l’intestin contre
un obstacle (obstruction intestinale).

La position antalgique. L’appendicite, lorsqu’elle est de siège rétrocaecal, détermine une flexion
antalgique de la cuisse, relâchant le muscle psoas irrité. Lors d’une péritonite, le malade est
immobilisé car les mouvements mobilisant le péritoine augmentent la douleur. Lors des poussées
de pancréatite aiguë, le malade est couché sur le côté, les genoux repliés sur la poitrine, pour
relâcher les muscles paravertébraux et le psoas irrités.

La remission de la douleur n’est pas nécessairement un signe d’amélioration. Elle peut


correspondre à une période d’accalmie ou même à l’épuisement des défenses de l’organisme.

L’interrogatoire doit rechercher enfin un arrêt des matières et des gaz (voir occlusion), des
vomissements caractéristiques (fécaloïdes, incoercibles), une diarrhée.

Examen clinique

L’inspection permet d’apprécier les mouvements respiratoires de la paroi abdominale; leur


signification est importante: si leur amplitude est normale et s’ils n’augmentent pas la douleur, il y
a vraisemblablement pas de lésion abdominale grave.

Elle permet également de constater une augmentation de volume de l’abdomen qui, associée à une
sonorité à la percussion, constitue le météorisme signant l’occlusion intestinale.

La palpation de l’abdomen permet de rechercher une masse, une douleur provoquée, et surtout
une contraction anormale de la musculature: soit contracture (contraction spontanée existant en
l’absence de la palpation), traduisant une péritonite, soit défense (contraction déclenchée par la
64

palpation, au moment où elle devient douloureuse) traduisant une souffrance viscérale. La


palpation doit être effectuée avec les deux mains, l’une de chaque côté, de façon comparative.

La percussion est utile au diagnostic des occlusions et des péritonites.


L’auscultation est à tort peu utilisée dans l’examen de l’abdomen, elle permet en effet de préciser
le mécanisme des occlusions: lorsqu’il s’agit d’une obstruction on note une augmentation des
bruits hydroaériques qui deviennent intenses, fréquents, et qui, lorsqu’ils sont perçus au moment
des vagues douloureuses, permettent de faire un diagnostic de certitude.

Dans le cas des occlusions paralytiques, les bruits hydro-aériques sont par contre absents.

L’examen doit être systématiquement complété par un toucher rectal et un toucher vaginal, la
palpation des orifices herniaires, et l’examen des régions lombaires.

ETAT GENERAL

L’appréciation de l’état général peut se faire sur l’observation de certains signes cliniques:

Le pouls dont l’accélération inexpliquée, et persistante après un traitement antalgique, est un signe
de gravité présent en cas de lésions viscérales graves nécessitant une intervention chirurgicale.

L’accélération du rythme respiratoire, qui s’aggrave sous traitement médical, a la même


signification.

La fièvre est un signe relativement fréquent au cours des syndromes abdominaux. Cependant au
début elle peut être soit absente, soit modérée, ne dépassant pas 38°, 38°5, ce n’est que par la
suite qu’elle augemente du fait de lésions telles que perforation ou gangrène viscérale. Une
température d’emblée élevée, à 39° - 40°, est en général le fait d’une affection médicale telle que
infection pulmonaire, infection urinaire, typhoïde. Des frissons accompagnant la fièvre doivent
être recherchés, ils peuvent traduire une bactériémie.
La recherche des signes de choc cardio-vasculaire.

EXAMENS DE LABORATOIRE

Ils doivent être bien sûr demandés mais ne remplacent nullement les données essentielles
apportées par l’examen clinique. En effet l’hyperleucocytose n’est pas un signe formel
d’infection et son absence n’élimine pas obligatoirement une infection viscérale; toutefois
l’augmentation progressive du taux de leucocytes est en faveur d’une lésion suppurée nécessitant
un drainage. L’augmentation du nombre des globules blancs et des globules rouges au culot
urinaire n’a qu’une valeur d’orientation. Les variations de l’hématocrite peuvent être souvent
retardés par rapport aux signes cliniques.

L’hyperamylasémie, par contre lorsqu’elle est très élevée, est en faveur d’une pancréatite aiguë.

Abdomen sans préparation

De tous les examens complémentaires la radiographie de l’abdomen sans préparation est celui qui
est le plus utile au diagnostic des syndromes abdominaux aigus. Il est notamment essentiel dans le
diagnostic des péritonites et des occlusions.

Cet examen qui doit être effectué, le malade en position debout, peut aussi être réalisé, lorsque le
malade ne peut pas être mobilisé, en demandant des clichés en décubitus latéral gauche (recherche
65

d’un pneumopéritoine entre paroi et foie, lors d’une suspicion de péritonite) et des clichés en
décubitus dorsal, de face (recherche d’une aéro-iléie, en cas de suspicion d’occlusion).

Type de syndromes douloureux

Au terme de tous ces examens, plusieurs éventualités peuvent être envisagées :

LA DOULEUR EST ISOLEE

Sans signe de choc, ni troubles septiques, l’examen de l’abdomen est normal et il s’agit en général
d’une douleur relativement modérée. Ce syndrome algique n’est habituellement pas dû à une
affection grave nécessitant un traitement urgent, il peut parfois être exploré par des examens
réalisés en ambulatoire. Il peut s’agir: de coliques hépatiques, ou néphrétiques, d’un syndrome
ulcéreux hyperalgique, d’une pancréatite chronique... et le plus souvent d’une colopathie
spasmodique ou d’un syndrome douloureux abdominal accompagnant une intoxication
alimentaire.

Il convient toutefois de s’assurer que l’état du malade ne s’aggrave pas (la surveillance du pouls,
du rythme respiratoire sont deux témoins de valeur) et d’être particulièrement vigilant en présence
de douleurs de la fosse iliaque droite, surtout chez le vieillard et l’enfant.

LA DOULEUR EST ASSOCIEE

A un syndrome d’infection viscérale caractérisé par l’association d’une hyperthermie, parfois


d’une hyperleucocytose, et à l’examen clinique d’une douleur provoquée et surtout d’une défense
abdominale. L’état général est en règle normal. Ce syndrome traduit l’infection d’un viscère
abdominal.

Selon le siège de la douleur et de la défense on évoque une appendicite, une cholécystite, une
sigmoïdite, une salpingite, une pyélonéphrite, une infection du diverticule de Meckel.

A des signes abdominaux. La présence d’une contracture signe une péritonite et justifie un
traitement chirurgical immédiat.

La présence d’un météorisme est en faveur d’une occlusion intestinale, la décision chirurgicale
dépend du type de l’occlusion.

A un état de choc cardio-vasculaire. En réalité il ne faut pas attendre que cet état de choc soit
réellement installé et l’on doit rechercher une tendance au collapsus par la mise en évidence d’une
accélération du pouls et d’une diminution de l’indice oscillométrique. La chute de la tension
artérielle et l’oligurie sont en effet plus tardives.
Lors des “ventres aigus” l’”état de choc” est toujours d’origine hypovolémique. Si on ne peut
mesurer la pression veineuse centrale et constater qu’elle est abaissée, on peut cependant noter
que les jugulaires sont vides.

Schématiquement les syndromes abdominaux aigus avec hypovolémie sont dus :


- soit à une déshydratation extracellulaire (hématocrite augmentée), c’est le cas des
pancréatites aiguës, des occlusions évoluées, des péritonites évoluées;
- soit à une hémorragie (diminution de l’hématocrite), c’est le cas des ruptures de grossesses
extra-utérines, des fissurations d’anévrismes, des ruptures secondaires de la rate.
66

Erreurs de diagnostic

Douleurs abdominales et urgences chirurgicales ne sont pas synonymes.


Une maladie chirurgicale peut se traduire fréquemment par des manifestations peu évocatrices
d’aspect médical car la douleur est absente; c’est la péritonite asthénique. Elle détermine un
tableau de septicémie à gram négatif dont la manifestation clinique est le choc cardio-vasculaire.
Il faut souvent porter à tort le diagnostic de “collapsus médical” (infarctus du myocarde). Le
diagnostic peut être redressé en raison de l’existence d’une hyperesthésie cutanée et d’un toucher
rectal douloureux.

A l’inverse diverses maladies médicales peuvent avoir un aspect chirurgical en raison de la


présence de douleurs abdominales. C’est le cas d’une occlusion intestinale par coliques
néphrétiques, de douleurs abdominales avec collapsus cardiogénique secondaire aux péricardites,
aux infarctus du myocarde, et même au foie cardiaque (le collapsus est ici provoqué par une
incompétence myocardique, la pression veineuse centrale est augmentée et les jugulaires
turgescentes), de certaines affections hépatiques associant d’ailleurs ictère et température (hépatite
virale de forme atypique, foie alcoolique aigu, nécrose de métastase hépatique); c’est plus
rarement le fait des pneumonies, de la fièvre typhoïde de la crise aiguë de la porphyrie, du
diabète, du tabès, de la colique de plomb, de la maladie périodique du purpura rhumatoïde.

REGLES THERAPEUTIQUES

L’utilisation d’antibiotiques, de corticoïdes, de morphiniques est strictement contre-indiquée. Ces


produits provoquent une diminution des symptômes, c’est-à-dire des signes d’alarme, mais pas de
leur cause. Seuls les antispasmodiques sont justifiés, à visée antalgique.
La diète hydrique, ou le jeûne complet dans le cas justifiant une hospitalisation, doivent être
institués.
Lorsqu’un traitement chirurgical est nécessaire, le résultat dépend de la précocité de ce
traitement.

Il n’y a pas de ventre chirurgical imposant l’abstention.

II.2. LES TRAUMATISMES ABDOMINAUX:


PLAIES ET CONTUSION DE L’ABDOMEN

PLAN :

I- DEFINITION
A. CONTUSION
B. PLAIE

II- ETIOLOGIE – MECANISME


A. CONTUSIONS
- Causes déterminantes
- Causes prédisposantes
- Production des lésions
B. PLAIES
- de pratique civile
- de guerre
67

III- ANATOMIE PATHOLOGIQUE


A. PLAIES
- Plaies non pénétrantes
- Plaies pénétrantes
- Plaies mixtes
B. CONTUSIONS
- Lésions pariétales
- Lésions viscérales
IV- CLINIQUE
A. PLAIE ABDOMINALE PURE
- Diagnostic :
- Interrogatoire
- Examen abdominal
- Examen général
- Radio sans préparation
- Intervention
- Horaire et choc.
B. CONTUSIONS ABDOMINALES
- Interrogatoire
- Etat général
- Examen :
- Abdomen
- Lésions associées
- Evolution :
- Aggravation :
- Syndrome d’hémorragie interne
- Syndrome péritonéal
- Syndromes mixtes
- Amélioration :
- Symptômes
- Accidents secondaires.
V- FORMES CLINIQUES
A. FORMES TOPOGRAPHIQUES
- Thoraco-abdominales
- Abdomino-pelviennes
- Lombo-abdominales
- En fait le diagnostic est difficile
- Examens complémentaires
B. FORMES ETIOLOGIQUES
- Plaies
- Contusions sur abdomen pathologique
- Lésions par air comprimé
- Lésion par souffle
C. SELON LA GRAVITE ET L’HORAIRE
- Formes graves d’emblée
- Formes vues tardivement
- Formes en deux temps
VI- TRAITEMENT
A. PREPARATION
B. VOIE D’ABORD
C. EXPLORATION
- Liquides découverts
68

- Hémorragie
- Réparation
D. LESIONS ET TRAITEMENT
- Estomac
- Intestin grêle
- Côlon
- Voies biliaires
- Vessie
- Rate
- Foie
- Rein
- Diaphragme
E. PERITONISATION ET DRAINAGE
VII- RESULTATS
VIII- CONCLUSIONS

A. PLAIES ET CONTUSIONS DE L’ABDOMEN

I. DEFINITION

A. ON APPELLE:

1. Contusion: une lésion traumatique ne s’accompagnant pas d’effraction pariétale. C’est


donc un traumatisme fermé.
2. Plaie: Une lésion traumatique s’accompagnant d’effraction pariétale :
- dans les plaies pénétrantes le péritoine est blessé
- dans les plaies non pénétrantes le péritoine est intact.

II. ETIOLOGIE – MECANISME

A. CONTUSIONS

Elles se voient surtout chez l’adulte :

1- Causes déterminantes

a) Pression : Il s’agit d’un choc appuyé de type écrasement (par exemple: entre
deux tampons de wagons).
b) Percussion: Il s’agit d’un coup direct qui ne persiste pas et qui donne moins de
dégats en principe.
c) Contre-coup: La chute d’une grande hauteur entraîne des viscères et la cavité
abdominale. L’arrivée du sujet au contact du sol arrête l’abdomen mais les
viscères ayant une certaine force se tassent provoquant des lésions.

2- Causes prédisposantes : au nombre de trois :

a) Anatomiques
Le rachis faisant saillie dans l’abdomen peut léser les anses intestinales sous
l’action d’une poussée antéro-postérieure.
69

b) Physiologiques
Le degré de réplétion de l’abdomen et le relâchement musculaire de la paroi
sont des facteurs favorisant l’éclatement des viscères (par exemple: un sujet qui
a bien mangé ou qui a une vessie pleine lors de l’accident).

c) Pathologiques:
Une splénomégalie éclate plus facilement (affections parasitaires), un foie
cirrhotique, un intestin adhérent sont lésés aisément.
La contusion d’une hernie peut léser des viscères intra-herniaires.

3- Production des lésions: on incrimine:

a) Pour les viscères creux:


Essentiellement l’écrasement, plus rarement l’éclatement,
exceptionnellement l’arrachement de mésos.

b) Pour les viscères pleins:


La déchirure surtout, entraînant un écoulement liquidien.

B. PLAIES

Elles se voient surtout chez l’homme, on oppose :


 les plaies de “pratique civile” à associer aux plaies des guerres tribales ou
ethniques: arme blanche ou projectile,
peu souillées et vues tôt, donc:
- plaie unique
- traitement précoce
 Les plaies de guerre : souvent plusieurs projectiles (éclats ou rafales). Lésions
multiviscérales, septiques, vues tardivement donc :
- plaies multiples
- traitement tardif.

III- ANATOMIE PATHOLOGIQUE

PLAIES
1. Plaies non pénétrantes: péritoine intact
- Possibilité d’hématome important (artère épigastrique)
- Que le trajet soit borgne ou en séton, il peut contenir des corps étrangers et doit
être exploré et traité chirurgicalement.
- Parfois lésion des viscères sous-péritonéaux ou accolés : reins, côlon, face
postérieure du foie.
- Enfin l’importance de la perte de substance (cutanée ou musculaire) peut poser
un difficile problème de réparation.

2. Plaies pénétrantes
a) Simples, sans lésions viscérales, mais le grèle ou l’épiploon peuvent faire
hernie par l’orifice.
b) Avec lésions viscérales: "plaies perforantes"
La plaie peut intéresser le viscère lui-même ou son méso, les lésions sont
souvent multiples (37 % en cas de plaies de guerre) toutes conditions qui
imposent lors de l’intervention une exploration douce et minutieuse de tous les
viscères intra-abdominaux et de leurs vaisseaux.
70

3. Plaies mixtes
Il est possible qu’un viscère abdominal soit lésé par un projectile dont le point de
pénétration ne siège pas forcément au niveau même de la paroi abdominale. Aux
limites supérieures et inférieures de l’abdomen peuvent s’observer des atteintes
mixtes.
a) Plaies thoraco-abdominales
Associant une lésion de la paroi thoracique, de la plèvre et du poumon d’un ou
plusieurs viscères abdominaux et surtout du diaphragme.

b) Plaies abdomino-pelviennes:
Associant une lésion du rectum ou de la vessie à des dégâts ostéo-musculaires
pelviens souvent importants et parfois à des plaies vasculaires.

1) Les lésions pariétales: ont lieu au niveau des muscles de la paroi abdominale.
Bénignes: ecchymoses, hématomes,
Assez particulier un épanchement de MOREL LA VALLEE
(accumulation de lymphe) dans la gaine du grand droit. Il
est très long à cicatriser.

Plus graves: rupture musculaire survenant électivement au niveau du


grand droit. Il faut signaler la possibilité de déchirure ou
rupture du diaphragme (hernie diaphragmatique traumatique)
par éclatement surtout à gauche, souvent méconnue sur le
moment.

2) Les lésions viscérales seront décrites lors du traitement. Mais il faut savoir
qu’elles sont multiples (guerre) et souvent disséminées surtout lors d’atteinte
vasculaire risquant d’aboutir à des péritonites secondaires.

IV- CLINIQUE

A. PLAIE ABDOMINALE PURE

Le diagnostic est habituellement évidente. L’important est de savoir si la plaie est ou


non pénétrante.

1 –Diagnostic
a. L’interrogatoire précisera (blessé et entourage)
- son horaire et la proximité d’un repas
- la nature et la direction de l’agent vulnérant
- l’existence de : douleurs
vomissements
b. L’examen de l’abdomen :
Montrera : - le siège
- la taille
- l’aspect issue de viscère- lesquels ?
- le nombre des plaies (entrée et sortie)
Recherchera:
- la contracture
- la matité dans les flancs
- la disparition de la matité préhépatique
- une sensibilité du douglas au toucher rectal ou vaginal
71

c. Un examen complet :
- dépistera une autre lésion :
- thorax
- pelvis
- crâne
- notera les signes de choc :
- pouls, T.A.
- hématocrite
- numération globulaire
d. Le blessé sera radiographié, à la recherche :
- d’un projectile
- d’un pneumopéritoine
- de lésions osseuses

On pourra même demander : Une UIV


Une angiographie

2- Mais il faut de toute façon intervenir :


“Toute plaie pénétrante de l’abdomen doit être opérée”.
a. ou bien la pénétration est certaine et seule l’exploration chirurgicale par
incision médiane permettra le bilan exact des lésions.
b. Ou bien l’on hésite: il faut commencer par explorer chirurgicalement la plaie
abdominale et si elle est pénétrante ouvrir par incision médiane.

3-Horaire et choc
a. De l’intervention en fonction de la réanimation et du déchoquage, il ressort que les
résultats sont d’autant meilleurs que l’acte opératoire est plus précoce. La
réanimation est d’autant plus efficace :
- que le blessé est endormi
- que l’hémostase est faite et le péritoine nettoyé.
b. il faut donc intervenir aussi tôt que possible, même et surtout si le blessé est choqué.
L’aspiration gastrique continue, l’oxygénation et la réanimation par voie veineuse
doivent précéder l’acte opératoire pour éviter tout risque anesthésique à
l’intervention mais il n’est pas souhaitable de perdre un temps précieux dans le
fallacieux espoir d’un déchoquage complet.

B. CONTUSION ABDOMINALE

Le problème est de savoir s’il faut intervenir ou non c’est-à-dire s’il y a lésion
viscérale. Donc l’examen est important et servira de référence pour les examens
ultérieurs. Les blessés d’urgence après un traumatisme abdominal.

1- L’interrogatoire renseigne sur :


- Horaire et modalités de l’accident
- Contusion appuyée ou non
- Sa force, sa direction, son point d’application
- La protection de la paroi: relâchée ou contractée
- L’état de réplétion intestinale
- L’évolution depuis l’accident: vomissements, émission de matières, urines.
72

2- L’état général
Du blessé est souvent altéré et il existe un choc plus ou moins important: pâleur,
sueurs froides, pouls petit et accéléré, tension basse.
Il est nécessaire de noter sur une feuille les chiffres du pouls, de la tension
artérielle, de l’hématocrite, de la température, afin de commencer les courbes qui
suivront l’évolution, pendant que l’on détermine le groupe sanguin du blessé.
“L’intensité du choc n’est pas l’annonce exacte de l’intensité des lésions”.

3- L’examen
Après que le blessé complètement déshabillé, ait été couché dans un lit chaud,
permet rarement en effet, de prendre une décision immédiate.

a) Localement sur l’abdomen


- on peut parfois retrouver la marque cutanée de la contusion
- mais surtout on doit rechercher :
- si le ventre respire
- si la paroi est contractée.
- Il faut beaucoup de douceur et de patience pour apprécier la “résistance” de
la paroi abdominale chez ce blessé qui souffre.
Il faut différencier une contracture localisée à une région lésée, de la
contracture de la péritonite.

- La percussion peut découvrir une sonorité pré-hépatique (pneumo-péritoine) ou


une matité dans les flancs, déclive (épanchement sanguin ou liquidien). On en
fait un schéma pour suivre l’évolution.
- Le toucher rectal ou vaginal : une sensibilité du Douglas.
b. Il faut rechercher d’éventuelles lésions associées
- Palper le thorax et le bassin
- Examiner le crâne et les membres
- Savoir si le blessé peut uriner (et combien en cas de choc)
- Demander des radiographies sans préparation de l’abdomen
c. Au terme de cet examen initial, il est rare que la reconnaissance d’une lésion
viscérale impose l’intervention immédiate :
- hématémèse ou rectorragie importante
- signes d’hémorragie interne abondante
- péritonite par perforation avec contracture et pneumo-péritoine.

Habituellement, il faut instituer d’emblée la réanimation en évitant les corticoïdes et les opiacés,
surveiller le blessé de demi-heures en demi-heure en notant les variations de : pouls, T.A.,
température, état de l’abdomen et guider la tactique sur l’évolution.

4. Evolution

a) Dans un certain nombre de cas, on va noter une aggravation et schématique-


ment deux tableaux peuvent être décrits :

 Syndrome d’hémorragie interne :


- La pâleur du blessé augmente, les muqueuses se décolorent, les extrémités sont
refroidies, couvertes de sueurs, l’angoisse et ll’agitation s’associent à la soif
vive et à la respiration précipitée, le pouls devient de plus en plus petit, rapide,
fuyant, la tension artérielle s’abaisse progressivement, l’examen peut retrouver
une matité déclive dans les flancs.
73

- Un signe important est l’absence d’amélioration malgré la réanimation, ou une


rechute après une amélioration passagère. “Elle résiste au traitement”.
- L’intervention d’urgence pour hémostase s’impose.
 Syndrome péritonéal :
- Les douleurs persistent, des vomissements peuvent apparaître
- L’abdomen est plat, immobile, ne respirant plus, ce qui traduit le blocage du
jeu diaphragmatique.
- La contracture s’est étendue sur la paroi abdominale qui peut devenir “dure
comme du bois”, ce “signe révélateur” traduit la péritonite.
- La radiographie au lit du blessé de préférence si possible(profil en position
couchée) peut montrer un pneumopéritoine: croissant sous la paroi.
- Il faut intervenir.

V- FORMES CLINIQUES

A. FORMES TOPOGRAPHIQUES avec lésions mixtes:

1. Thoraco-abdominales:
a) La plaie intéresse habituellement la plèvre, le poumon et le diaphragme. Si
l’hémopneumothorax est important, l’hémorragie et l’asphyxie aggravent
considérablement le choc et doivent être traitées en premier.
b) Dans l’abdomen, le foie, la rate, l’estomac peuvent être lésés et il faut signaler le
danger de certaines plaies vasculaires (veines sus-hépatiques, veine cave
inférieure).

2. Abdomino-pelviennes :
a) Aux plaies du rectum et de la vessie qui sont intra ou sous-péritonéales peuvent
s’associer une fracture de la ceinture pelvienne (risque d’ostéite) et des dégats
vasculo-nerveux dans la région de l’échancrure sciatique.
b) Les plaies par empâlement associent une lésion de l’anus ou du périnée à une
déchirure du rectum parfois difficile à retrouver.
c) Des hématomes sous-péritonéaux de 1 à 2 litres peuvent exister et expliquer un
syndrome d’hémorragie intense.
3. Lombo-abdominales:
a) Les plaies par arme à feu dans cette région peuvent se compliquer de lésions
médullaires (paraplégies).
b) Une hématurie traduit une atteinte du parenchyme rénal mais n’impose pas
l’intervention, par contre, un hématome périnéal qui s’accroît peut obliger à
intervenir surtout si l’on suspecte une plaie du pédicule rénal.
c) Enfin les gros vaisseaux pré-vertébraux peuvent être atteints.
4. C’est dans ces formes mixtes qu’il peut être le plus difficile de savoir si l’agent
vulnérant a lésé un viscère abdominal :
- Une plaie pleuro-pulmonaire basse, en séton, va-t-elle imposer une exploration
chirurgicale de l’abdomen ?
- La contracture au voisinage d’une fracture de côte ou du bassin ne masque-t-elle
pas une plaie de l’estomac ou de la vessie ?
- Cette balle perdue dans le petit bassin, a-t-elle perforé le rectum sous péritonéal ?
Autant de difficultés qui ne pourront se résoudre qu’à la lumière d’examens successifs
et comparatifs : valeur d’une contracture qui s’étend, d’un choc qui résiste à la
réanimation (courbe du pouls et de la tension artérielle).
5. On aura recours aux examens complémentaires radiographiques répétés de l’abdomen,
parfois urographie ou même angiographie, cathétérisme vésical.
74

La décision est d’autant plus difficile à prendre que les lésions sous péritonéales ne
sont pas non plus faciles à reconnaître lors de l’exploration chirurgicale.

B. FORMES ETIOLOGIQUES
1. Les plaies par armes blanches sont en général moins graves que les plaies par
armes à feu.
2. Contusion sur abdomen pathologique :
- Contusion herniaire: pouvant donner un tableau de perforation, ou
d’hémorragie interne ou même de hernie étranglée.
- Foie cirrhotique ou les risques hémorragiques sont considérablement accrus.
- Rate paludéenne qui par sa pesanteur, sa fragilité, ses lésions éventuelles de
péri-splénite est beaucoup plus exposée au cours des traumatismes de
l’hypochondre gauche.
- Anses agglutinées, par des adhérences qui ne peuvent pas échapper à
l’écrasement.
3. Lésions par air comprimé :
Une brusque détente d’air comprimé au voisinage de l’anus (“plaisanterie” entre
ouvriers d’usine) peut distendre le rectum par hyperpression et se compliquer de
déchirure ou d’éclatement siégeant électivement dans la région recto-sigmoïdienne.
4. Lésions par souffle
“Quant au “blast injury” il comporte entre autres lésions des éclatements de
viscères creux sous l’effet de variation brusque et importante de la pression
gazeuse environnante (souffle de bombe ou d’explosifs).

C. SELON LA GRAVITE ET L’HORAIRE


1. Formes très graves d’emblée :
L’obstacle est insurmontable et le traitement désespérant, souvent le malade meurt
avant les premiers soins.
- plaie de l’abdomen avec éviscération
- plaies multiples intéressant plusieurs viscères,
- plaie de l’abdomen associée à d’autres lésions: du thorax, du bassin, etc …
2. Formes graves parce que vues tardivement :
- En effet, si le blessé n’est pas promptement transporté en milieu chirurgical on
peut voir apparaître :
- Un syndrome de péritonite par perforation
- Un syndrome d’hémorragie interne.
- Ces deux syndromes étant souvent intriqués et expliquant le choc rapidement
apparu.
- Se rappeler que le taux de mortalité était de (avant les antibiotiques):
- 40 % dans les 6 premières heures
- 90 % dans les 24 premières heures.
3. Formes en deux temps :
- touchent surtout la rate,
- lors d’un traumatisme parfois peu important surtout s’il s’agit d’une rate
pathologique.
- Durant la mise en observation à l’hôpital, le malade se plaint de douleurs de
l’hypochondre irradiant vers l’épaule gauche.
- On doit alors demander en plus d’une NFS :
- Une angiographie IV montrant :
- Un refoulement de la veine splénique
- Une augmentation de volume de la rate
- Un lavement baryté :
75

- Un refoulement du côlon.
- Angle colique

- Sinon vers le 8è ou le 21è jour, déclenché par un effet minime :


- Toux
- Défécation
Apparaîtra l’hémorragie interne brutale nécessitant une splénectomie d’urgence.

VI. TRAITEMENT

Il est chirurgical. La qualité de l’anesthésie, la perfection de la réanimation en ont amélioré les


résultats mais répétons que les statistiques récentes ont démontré qu’il n’y avait pas intérêt à
retarder l’acte chirurgical sous prétexte d’un déchoquage insuffisant.

A. LA PREPARATION du blessé est capitale :


- Meilleures conditions pour le blessé
- L’oxygénation
- L’injection d’antibiotiques et des sérums ou vaccins nécessaires (anti-tétanique, anti-
gangréneux).
- Correction de la volémie :
 sang conservé de préférence
 plasma
 soluté à grosses molécules
 sérum glucosé hypertonique

A ces perfusions, on pourra adjoindre des thérapeutiques anti-choc: analeptiques cardio-


vasculaires, novocaïne intra-veineuse, extraits surrénaux, cortisone, vaso-presseurs dont les plus
puissants sont les Lévofed et l’Aramine. Mais il faut insister sur le fait que ces derniers ne
peuvent, en aucun cas, remplacer la transfusion dans le traitement du choc hémorragique .

Enfin, dès que l’acte opératoire est décidé, il est important de calmer la douleur par la morphine
ou ses dérivés.

Cette préparation peut être rapide et même être installée et poursuivie pendant l’anesthésie et
l’intervention lorsque cette dernière paraît très urgente.

B. LA VOIE D’ABORD

Hormis le cas particulier de certaines plaies par armes blanches qui associent la certitude de
dégâts seulement locaux et la possibilité d’une incision régionale passant par la plaie, il faut
toujours employer l’incision médiane à cheval sur l’ombilic qui permet seule une exploration
commode de tout l’abdomen et qui peut si besoin être agrandie vers le haut ou vers le bas ou si
nécessaire, par une incision oblique vers les hypochondres et même le thorax. L’incision médiane
est donc, commode, facile à exécuter et à refermer.

C. L’EXPLORATION
- est méthodique et systématique
- doit être douce en évitant de tirailler les mésos en protégeant les anses intestinales avec
des champs imbibés de sérum chaud.
76

1. Liquides
- S’il ya du sang dans le péritoine, il faut examiner dans l’ordre , le foie, la rate, le
mésentère.
- S’il y a du liquide :
- le grèle, l’estomac, le côlon si ce liquide est stercoral.
- La vessie s’il s’agit d’urines.
- S’il y a de la bile ;
- les voies biliaires,
- le duodénum
2. En cas d’hémorragie :

L’hémostase est assurée d’emblée, par contre la réparation éventuelle des viscères ne sera
entreprise qu’après exploration complète qui doit suivre l’hémostase ou être d’emblée lorsqu’il
n’y a pas d’épanchement abdominal.

3. Réparation :
a) Dans l’étage sus-mésocolique : on explore successivement, foie, pédicule
hépatique, estomac, rate, coupole diaphragmatique, duodénum et pancréas (en
effondrant le petit épiploon si nécessaire et parfois même en amorçant un
décollement duodéno-pancréatique).
Les reins peuvent être palpés et reconnus à travers le péritoine pariétal postérieur.
b) Dans l’étage sous-mésocolique:
Le côlon (et il est parfois difficile de s’assurer de son intégrité dans certaines zones
accolées) et le grêle que l’on “devidera”, doucement en vérifiant à la fois l’intestin
et le mésentère.
c) Dans le pelvis : vessie, utérus, rectum.

D. LES LESIONS ET LEUR TRAITEMENT

Il faut insister sur leur multiplicité éventuelle qui impose parfois un “plan directeur” (résection du
grèle par exemple) et aussi sur le fait qu’une seule perforation méconnue entrainera la mort du
blessé.

1- Estomac : Peut être ponctionné (couteau) ou perforé (balle) et dans ce dernier cas, il faut
souvent rechercher le 2è orifice sur la face postérieure. Après l’hémostase et parage
éventuel les orifices sont suturés en un ou deux plans.
2- Intestin grèle : Il est le plus souvent atteint. Les perforations sont en général en nombre
pair mais seule l’exploration complète permet de n’en pas méconnaître. Les orifices
simples sont suturés perpendiculaire à l’axe (pour ne pas diminuer la lumière de l’intestin).
Les déchirures ou les perforations multiples rapprochées obligent à une résection
segmentaire.
3- Côlon : Une perforation simple en zone péritonisée sera suturée d’emblée après recoupe
des berges pour coudre des tissus sains et bien vascularisés.

En zone sous-péritonéale et en particulier au niveau du rectum, il peut être nécessaire de protéger


la suture par un anus de dérivation temporaire en amont.

Enfin, devant des lésions graves, plutôt que la simple extériorisation du segment atteint, il faut
préférer la résection segmentaire d’emblée. Si les conditions sont très bonnes, la continuité peut
être rétablie dans le même temps par suture idéale termino-terminale mais le plus souvent les deux
bouts ne sont suturés que sur l’hémi-circonférence postérieure et abouchés ainsi à la peau créant
un anus temporaire en canon de fusil.
77

4. Voies biliaires.
Si une plaie canalaire est reconnue, il faut la réparer aussi minutieusement que possible;
l’utilisation d’un drain tuteur temporaire est disctutable. Mais parfois une perforation est difficile
à reconnaître, et dans le doute, une cholecystos-tomie de drainage pourra permettre un contrôle
secondaire par cholangiographie.

5. Vessie
Suture en deux plans au catgut chromé avec sonde à demeure. Il est parfois nécessaire d’ouvrir la
vessie pour rechercher un orifice sous-péritonéal ou pour repérer les orifices urétéraux (afin de ne
pas les léser lors de la suture).

6. Rate
La splénectomie totale ou partielle et la splénorraphie sont les différentes alternatives
thérapeutiques. Il est possible aussi de faire une greffe du tissu splénique (au niveau de lépiploon
ou dans le muscle grand droit).

7. Foie
Le parenchyme doit être ménagé au maximum. Dans les cas simples, hémostase directe ou par
points de gros catgut en U ou en V et imbriqués, complétés éventuellement par thrombose +
éponge de spongel ou SORBACEL. Certaines lésions graves peuvent imposer une hépatectomie
partielle, réglée ou non.

Les plaies associées des veines sus-hépatiques ou de la veine cave inférieure sont le plus souvent
mortelles.

Enfin, une séquelle particulière: l’hémobilie traumatique si la plaie a mis en communication dans
le parenchyme un vaisseau et un canalicule biliaire faisant comprendre l’intérêt du drainage
biliaire dans les grosses plaies hépatiques.

8. Rein :
Il peut être perforé, fissuré, éclaté ou rompu; son pédicule peut être sectionné. Il faut essayer
d’être conservateur au maximum: suture, néphrectomie partielle. On ne se résout à la
néphrectomie totale que si elle est indispensable et après vérification de l’existence de l’autre rein.

9. Diaphragme
Les déchirures diaphragmatiques ne sont faciles à réparer que par voie thoracique, aussi devant
des lésions abdominales assez importantes, peut-on envisager de reporter cette suture par voie
thoracique à un temps ultérieur.

Une voie d’abord thoraco-abdominale en cas de lésions mixtes ne doit être utilisée qu’en cas de
nécessité car elle est plus choquante.

E. PERITONISATION ET DRAINAGE
1. Il faut s’assurer que la péritonisation est aussi parfaite que possible et drainer les espaces
celluleux qui ont pu être contaminés.
2. Les orifices pariétaux sont parés et éventuellement refermés ou drainés.
3. L’antibiothérapie, l’aspiration duodénale continue ainsi que la réanimation seront
poursuivies dans la période post-opératoire.
78

VII- RESULTATS

La différence étant liée d’après les auteurs à l’abandon d’une réanimation pré-opératoire
prolongée pour l’intervention immédaite sous transfusion de sang aussi importante que nécessaire.

IX- LES CONCLUSIONS

Que l’on peut tirer de divers travaux, sont les suivantes :


A. Il faut transporter le blessé aussi vite que possible et sans aggraver le choc initial
(avantage considérable du transport par un moyen de transport médicalisé).
B. Il faut traiter ces blessés dans un centre bien équipé en anesthésistes, réanimateurs,
chirurgiens et où il pourra être suivi jusqu’à la guérison sans nouvelle évacuation.
C. Enfin et surtout si la préparation pré-opératoire est un temps essentiel il ne faut pas
vouloir réanimer “jusqu’à efficacité” avant d’opérer.
D. Seule L’INTERVENTION AUSSI PRECOCE QUE POSSIBLE
Et dans de bonnes conditions (anesthésie – réanimation) permet d’améliorer les
résultats.

II. 3. PERITONITES AIGUES

1. Péritonites aiguës généralisées (diffuses) [PAG]


- Rappels physiologiques du péritoine
- Etiologie
- Anatomie pathologique
- Physio pathologie de la PAG
- Symptomatologie
- Diagnostic
- Traitement
- Soins post-opératoires
- Evolution post-opératoire des PAG

2. Péritonites aiguës localisées: Abcès sous-phréniques


- Aperçu anatomique
- Etiologies
- Anatomie pathologique
- Etude clinique
- Evolution
- Formes cliniques
- Diagnostic
- Traitement

A. PERITONITES AIGUES GENERALISEES (DIFFUSES)

1. Rappels physiologiques du péritoine

Le péritoine est une membrane semi-pérméable polarisée dont les principales propriétés
physiologiques sont la sécrétion, la résorption, la défense et la régénération.

a) La sécrétion péritonéale

Le filtrat du plasma sanguin sécrété par le péritoine est légèrement visqueux et sa viscosité
moyenne est de 1,4 unité. Cette sécrétion facilite le glissement des anses intestinales entre elles.
79

La circulation de ce fluide intrapéritonéal se produit à partir du pelvis et du centre de la cavité


abdominale en direction centrifuge et ascendante. Le péristaltisme intestinal dirige ce liqude à la
périphérie, vers les gouttières paracoliques, tandis que la pression négative intrathoracique et
l'aspiration créée par les mouvements réguliers du diaphragme l’aspire dans les lymphatiques sous
diaphragmatiques.

b) La résorption du péritoine

La superficie du péritoine est estimée à plus ou moins 2 m² . Cette large surface lui permet de
résorber d’importantes quantités de liquide, allant jusqu’à 8 % du poids du corps par heure.

Ce pouvoir de sécrétion et résorption, combiné à l’action de la pesanteur, des mouvements du


diaphragme, des muscles de la paroi abdominale, de l’état de réplétion ou non des organes
internes, déterminent la pression de la cavité abdominale. Avec une respiration calme, la pression
intrapéritonéale est de 8 centimètres d’eau à l’inspiration et en décubitus dorsal. L’expiration crée
une pression négative dans les hypochondres surtout à droite, mais dans le cul-de-sac de Douglas
la pression est de 30 à 40 centimètres d’eau. La pression de 150 centimètres d’eau efficace aux
drainages non aspiratifs est atteinte lorsque le malade tousse ou vomit.

c) La défense du péritoine

Hormis les facteurs systémiques de défense de l’organisme, le péritoine se protège localement par
la formation des adhérences qui limitent la propagation de l’infection, par l’agglutination des
anses intestinales, du grand épiploon et des appendices épiploïques autour du foyer infectieux ou
d’un corps étranger. A ce mécanisme de défense s’ajoute le fluide intrapéritonéal qui draine les
germes et les corps étrangers de petite taille dans le canal thoracique. La réponse cellulaire
participe aussi à cette lutte anti-infectieuse par l’afflux des macrophages péritonéaux, associé à la
production locale de substances à action antibactérienne et inflammatoire.

d) La régénération

Ce pouvoir de régénération est très rapide et se manifeste quelques heures après le dommage. Il se
fait sur toute l’étendue de la surface endommagée.

2. Etiologie

Il faut étudier: 1) la voie de pénétration du germe pathogène; 2) sa nature et sa virulence; 3) la


résistance du terrain.

1º Voies de pénétration du germe pathogène


a) Par effraction du péritoine pariétal (blessure par arme blanche, par coup de feu, etc);
b) Par effraction du péritoine viscéral (ruptures des viscères creux au cours de contusion
de l’abdomen, perforations par ulcère, par cancer, etc...);
c) Par effraction du péritoine pariétal et du péritoine viscéral (projectile, instrument pla-
quant ou tranchant);
d) Par propagation de proche en proche d’une inflammation viscérale. C’est le cas de la
péritonite aiguë diffuse au cours de l’évolution d’une appendicite aiguë, d’une
salpingite aiguë; il n’y a pas de perforation, de rupture de l’organe, mais l’infection
partie de la muqueuse du viscère gagne par voie lymphatique la musculeuse, puis la
séreuse;
e) Soit enfin par l’infection sanguine. Ce sont les péritonites qui succèdent à des
phénomènes de septicémie (péritonite à pneumocoques, péritonite à streptocoques, etc...).
80

2º Nature et virulence du ou des germes pathogènes.- Les germes pathogènes sont, en général,
associés. Les plus fréquemment rencontrés sont le colibacille, le staphylocoque, l’entérocoque, le
gonocoque et les anaérobies.
3º Nature du terrain sur lequel les germes pathogènes prolifèrent (résistance du terrain).- Les
sujets jeunes, sains, résistent beaucoup mieux, à l’infection péritonéale diffuse que les sujets âgés
ou débilités.

3. Anatomie pathologique

Il faut étudier successivement: 1º d’une part, les modifications réactionnelles de la séreuse


péritonéale dans sa lutte contre l’infection; 2º la sécrétion de sérosité ou de pus par le péritoine
infecté; 3º l’exsudation muco-fibrineuse à point de départ péritonéal.

1º Les modifications réactionnelles de la séreuse péritonéale en lutte avec l’inflammation.-


Le péritoine viscéral réagit presque immédiatement et toujours plus vivement que le péritoine
pariétal. Dès le début de l’atteinte infectieuse, il rougit, s’épaissit, perd son aspect brillant et
devient dépoli. Cet aspect de réaction péritonéale tend, au fur et à mesure, à s’étendre à la presque
totalité du péritoine viscéral. Très rapidement, sous le péritoine viscéral enflammé, l’intestin se
distend et se paralyse, illustrant la loi de Stockes qui veut que, sous une séreuse enflammée, les
muscles lisses de l’organe sous-séreux soient paralysés. Le grand épiploon, organe
essentiellement plastique, tend, dès le début, à s’approcher du foyer infectieux, à la circonscrire et
même à l’isoler complètement. Le péritoine pariétal réagit plus tard et d’une façon plus discrète.

2º Sécrétion de sérosités et de pus par le péritoine enflammé.- Quel que soit le viscère d’où
part l’infection et quel que soit le microbe responsable, le péritoine réagit par sécrétion d’un
liquide dont les caractères sont variables suivant le degré de la virulence microbienne et l’horaire
de l’infection. L’abondance de l’épanchement est variable et sans rapport immédiat avec la
gravité de la péritonite. Certaines péritonites hypertoxiques et très graves donnent uniquement une
sécrétion minime de liquide louche, mal lié, tandis que certaines péritonites avec épanchement
purulent abondant peuvent se terminer par la guérison. Les épanchements de ces péritonites
diffuses tendent toujours à se collecter en partie en des zones qui correspondent aux limites
anatomiques constituées par les mésos, soit au-dessus du mésocôlon transverse, soit à droite du
mésentère, soit entre mésentère et côlon gauche. De toute façon, le Douglas, bas-fond de la cavité
péritonéale, contient toujours une quantité plus ou moins abondante de liquide qu’il faudra
évacuer aussi complètement que possible et qu’il importera de drainer toujours.

Au liquide sécrété par la séreuse péritonéale peut s’ajouter, en cas de perforation viscérale, le
contenu du viscère malade (liquide filant, visqueux, sans odeur dans les perforations sus-
mésocoliques du tube digestif, liquide d’odeur stercorale dans les lésions du grêle, de l’appendice,
du côlon).

3º L’exsudation muco-fibrineuse.- Le péritoine se défend non seulement par une exsudation de


liquide, mais encore par une exsudation de fibrine qui donne naissance à des fausses membranes
blanchâtres, adhérentes à la séreuse. Ces fausses membranes favorisent l’accollement des anses
intestinales et contribuent par des agglutinations à constituer une véritable barrière à l’infection.

4º PHYSIOPATHOLOGIE DE LA PERITONITE AIGUE GENERALISEE

La physiopathologie de la péritonite aiguë généralisée est dominée par un certain nombre de faits.
D’une part, l’immense surface péritonéale et la puissance de résorption de la séreuse vont
entraîner une intoxication massive de l’organisme. D’autre part, l’irritation des plexus nerveux, si
nombreux dans ces régions, va entraîner toute une série de troubles réflexes. Enfin, l’iléus
81

intestinal s’ajoute à l’intoxication microbienne et crée un grand déséquilibre humoral.

Du point de vue physiopathologique, il convient de distinguer les péritonitess chimiques des


péritonites bactériennes et des péritonites combinées. Cette distinction offre en effet l’avantage de
préciser les modes de formation de véritables “cercles vicieux” qui sont à la base de toute la
gravité de l’affection.

1. Péritonites chimiques

Elles sont le fait des péritonites à liquide à action errosive: acide chlorydrique, pepsine,
chymotrypsine, acides biliaires, pigments biliaires, etc... Elles réalisent des “véritables brûlures
internes” particulièrement graves parce qu’étendues, rendant d’ailleurs compte de la
symptomatologie et des désordres humoraux souvent importants. Le choc réalisé par ces
péritonites est semblables au choc des brûlés. La perforation d’un ulcère gastro-duodénal
représente le meilleur exemple.

2. Péritonites bactériennes

Les péritonites bactériennes sont souvent l’apanage des germes Gram négatif dont les endotoxines
sont responsables en partie de l’état de choc. Elles sont souvent causées par les germes Gram
négatif. L’infection locale se complique d’une septicémie. Les toxines libérées, responsables du
choc,ont un pouvoir cytolytique et inhibiteur de l’activité leucocytaire et plaquettaire.
L’inondation toxinique entraîne une chute de débit systolique qui entraîne à son tour une
insuffisance cardiaque. L’illustration en est la péritonite appendiculaire.

a) Action des germes

Les germes se répandent dans la cavité péritonéale et peuvent passer dans le sang provoquant une
bactériémie et une septicémie qui aggravent considérablement le pronostic; ces mêmes germes
libèrent leurs endotoxines cytolytiques (pour les leucocytes et les plaquettes) qui diffusent dans le
sang.

b) Troubles hémodynamiques et humoraux

Ces états infectieux sévères vont s’accompagner d’une baisse de résistance périphérique. Le coeur
doit s’adapter aux perturbations métaboliques et circulatoires, sous l’action des baro et
chémorécepteurs. Cette variation touche les tissus non directement atteints par l’infection, sous
l’action du système nerveux sympathique. Il en résulte donc une hypo-perfusion de la peau, des
reins et du système circulatoire. Ce défaut provoque la mise en action de la glycolyse anaérobie,
avec une élévation du taux d’acide lactique et des autres métabolites menant à une ACIDOSE
METABOLIQUE.

Plusieurs autres facteurs interviennent dans la physio-pathologie des perturbations humorales et


hémodynamiques lors d’une péritonite, notamment le système Kininoformateur, le rôle des
microagglutinations érythrocytaires amenant à envisager l’importance des coagulopathies de
consommation et les amines vasoactives (bradykinine, histamine, sérotonine) dont le rôle essentiel
dans ces états de choc est de mieux en mieux connu.

La défaillance cardiaque droite, souvent rencontrée dans cette pathologie, est généralement une
conséquence du poumon de choc. Les troubles de ventilation pulmonaire sont aggravés par la
gène du jeu diaphragmatique à cause de la distension abdominale.
82

c) Le rôle des troubles préexistants

Ces péritonites surviennent de façon caractéristique au cours des péritonites par perforation. Il
existe alors le plus souvent un déséquilibre hydroélectrolytique préalable, dû à des phénomènes
occlusifs ou subocclusifs, à un état fébrile, à une aspiration digestive, ou stockage liquidien dans
le tube digestif. Si bien que les modifications du volume plasmatique sont susceptibles d’évoluer
et de créer à elles seules un véritable état de choc. Cette hypovolémie en outre, diminue la
résistance à l’infection, que ce soit par son rétentissement sur la perfusion tissulaire ou par son
rôle sur la phagocytose et l’agglutination des germes.

3. Péritonites combinées

Elles sont caractérisées par l’évolution simultanée et intrinquée des manifestations de la péritonite
chimique et de la péritonite bactérienne. Ce sont celles qui associent l’innondation par des
liquides agressifs et l’invasion toxinique hyperseptique chez un sujet préalablement déséquilibré
du fait de l’occlusion. L’exemple type est la perforation sphacélique d’une anse intestinale
étranglée sous une bride, sous le collet d’une hernie interne ou par la torsion d’un volvulus serré.
Le choc résultant ne peut être que gravissime et complexe.

Ces perturbations hydroélectrolytiques aboutissent à la création d’un troisième secteur liquidien


constitué par:
- la cavité péritonéale elle-même dans laquelle s’amasse le liquide exsudé;
- l’espace conjonctif sous-péritonéal qui est le siège d’un oedème important;
- enfin la lumière de l’intestin paralysé et distendu se remplit de liquide que
la muqueuse n’est plus capable de réabsorber.
Il se crée alors une véritable séquestration hydroélectrolytique. Ces différents phénomènes
entraînent donc une spoliation hydroélectrolytique avec chute du débit cardiaque, hypotension et
oligurie. A la fin nous aurons un choc hypovolémique. Dans le sang, à part cette
hémoconcentration, on peut noter une hypochlorémie, une augmentation de l’azote protéique et
une baisse de la réserve alcaline.

Les infections sévères du péritoine provoquent des perturbations locales qui entraînent à leur tour
des troubles fonctionnels de différents systémes.
Ces perturbations fonctionnelles, particulièrement importantes sont susceptibles de dominer
l’évolution et de déterminer le pronostic.

4.1. Perturbations locales

L’hypertonicité intra-luminale, l’iléus paralytique et l’inflammation du péritoine provoquent des


pertes liquidiennes riches en ions et en protéines pour l’organisme. Ces liquides non échangeables
et non mobilisables en dehors des vomissements réflexes, sont stockés dans les intestins dilatés et
paralysés, dans le tissu conjonctif sous - péritonéal et dans la cavité péritonéale. L’ensemble de
ces milieux est désigné sous le terme imagé de troisième “secteur”.

4.2. Troubles fonctionnels

1) Une faillite cardiovasculaire:

Elle peut s’installer à n’importe quelle étape du choc si la perfusion tissulaire tombe trop bas.
Sous l’action des baro-récepteurs et des chémorécepteurs, le coeur doit d’abord s’adapter aux
perturbations métaboliques et circulatoires. L’hypoperfusion tissulaire mène à une acidose
métabolique par le biais de la glycolyse anaérobique, avec apparition d’un pH artériel acide et une
83

élévation de la lactacidémie au-dessus de 9 méq/litre. Plusieurs autres facteurs interviennent dans


la physiopathologie des perturbations humorales et hémodynamiques lors d’une péritonite aiguë,
notamment les amines vaso-actives (bradykinine, histamine, sérotonine) dont le rôle essentiel
dans ces états de choc est actuellement établi.

2) Une faillite respiratoire

La cinétique du thorax est contrariée par la douleur, la distension abdominale et la paralysie du


diaphragme. L’infection généralisée entraîne une pneumopathie diffuse. L’hypoxie qui en découle
empêche les pneumocytes de sécréter le surfactant. Ainsi s’installe le poumon de choc,
accompagné de troubles de la coagulation et de troubles des échanges alvéolocapillaires.

3) Une faillite rénale

Elle est toujours possible du fait du maintien prolongé des troubles circulatoires auxquels
s’ajoutent des substances toxiques et d’une greffe microbienne sur les reins.

4) Une défaillance hépatique

Elle se manifeste par un ictère variable, de formule biologique mixte. L’état du choc aggrave
l’atteinte hépatique qui peut aboutir au “foie de choc”. Ces lésions sont susceptibles d’entraîner
une insuffisance hépatique.

5) Une défaillance nutritionnelle

Au cours des péritonites aiguës, la dénutrition se développe vite. Elle occasionne une perte
pondérable considérable, d’environ 1000 g par jour. Cette perte de poids entraîne une
augmentation massive des besoins énergétiques, estimés à plus de 90 calories/kg/jour dont 18 %
au moins en protides.

De haute gravité et justiciables, en principe, du traitement chirurgical, les péritonites diffuses


s’opposent aux péritonites localisées par leurs caractères de diffusion à toute la séreuse
péritonéale.

5. Symptomatologie

Il faudrait passer en revue toute la pathologie abdominale si l’on voulait faire un tableau exact des
péritonites aiguës diffuses. Mais on peut se contenter d’un aperçu schématique où les symptômes
essentiels seront isolés et mis en valeur.

La douleur.- Elle ne manque jamais, spontanée, exacerbée par la palpation; elle est d’abord
localisée dans l’une des régions de l’abdomen et il est de la plus haute importance d’essayer de
préciser la zone d’où est partie cette douleur (fosse iliaque droite, hypochondre, épigastre), car
presque toujours le point initial correspond à l’organe malade générateur de la péritonite.
Toutefois, la douleur est parfois un signe trompeur. C’est alors qu’un interrogatoire bien conduit,
faisant préciser au malade certains points de son histoire pathologique, permettra en général
d’orienter le diagnostic causal. C’est le cas, par exemple, pour les perforations ulcéreuses où la
douleur initiale siège dans la fosse iliaque droite et où la recherche des antécédents ulcéreux
permet de redresser l’indication erronée donnée par le siège de la douleur.

D’abord localisée, la douleur tend ensuite à diffuser en suivant en général la marche que suit
l’épanchement séro-purulent à l’intérieur de l’abdomen.
84

La contracture.- Le second signe essentiel est la contracture des muscles abdominaux. Signe
majeur de l’atteinte du péritoine, cette contracture est d’abord localisée et, si l’on examine le
malade à ce stade de début, on pourra, par la palpation, mettre en évidence une contracture
segmentaire soit de la région épigastrique, soit de la fosse iliaque droite. D’abord passagère,
simple défense pariétale contre la main qui palpe, la contracture est très rapidement permanente,
ne cède plus. Les muscles dessinent sur la paroi abdominale ce classique ventre de bois tendu,
rigide, ne respirant plus.

La contracture pariétale de l’abdomen, quelle que soit son degré ou sa localisation voire sa durée,
est le signe le plus sûr, le plus constant, le plus précoce, de l’infection péritonéale commençante.

Le pouls.- L’état de pouls permet d’apprécier la gravité de l’infection, de porter également un


pronostic. Toujours accéléré, il bat entre 100 et 130; au delà de 140, il comporte un pronostic très
réservé.
D’autres signes, signes mineurs en vérité, doivent être rappelés. Les vomissements: associés à la
douleur, à la contracture, à l’accélération du pouls, ils viennent renforcer la preuve de l’existence
d’une péritonite aiguë. Ils peuvent manquer, notamment dans les péritonites, par perforation de
l’estomac ou du duodénum. D’abord alimentaires, puis bilieux, ils sont ensuite porracés. Le
hoquet, signe très inconstant, est tantôt précoce, par irritation diaphragmatique, tantôt tardif; il est
alors l’indication d’une extension grave du processus péritonéal.

L’arrêt des matières et des gaz.- Il est dû à la paralysie de l’intestin par suite de l’infection de la
séreuse viscérale. Cet arrêt des matières et des gaz est un signe presque constant. Toutefois, dans
certaines péritonites diffuses, on peut observer de la diarrhée.

Le facies.- Au cours de l’évolution d’une péritonite aiguë, très rapidement l’expression du visage
se modifie, le teint est terreux, puis, si le malade entre dans la phase de péritonite dite asthénique,
le facies devient foncé et livide; l’oeil est terne, enfoncé dans l’orbite, le regard anxieux, les ailes
du nez pincées, les lèvres sèches : c’est le classique facies péritonéal.

Tels sont les symptômes essentiels qui marquent l’évolution clinique d’une péritonite aiguë
généralisée. A ces signes cardinaux il convient d’ajouter la courbe thermique, très variable
d’ailleurs, suivant le type de péritonite. En général, la fièvre varie entre 38º et 39º, mais il y a des
péritonites aiguës diffuses avec une température ne dépassant pas 38º, notamment certaines
formes hyperseptiques. De même dans les péritonites avec perforation gastro-duodénale, la fièvre
est toujours peu élevée.

Formes cliniques des péritonites aiguës diffuses.- - Il est classique de distinguer, suivant la
qualité de la réaction péritoniale : 1º d’une part, la péritonite aiguë avec épanchement purulent,
dite encore péritonite aiguë franche; 2º la péritonite à forme toxique (péritonite septique).

1º La péritonite aiguë diffuse avec épanchement purulent.- C’est la forme la plus fréquente, c’est
celle qui succède aux perforations de l’appendice, aux perforations des ulcères, aux lésions
inflammatoires des annexes. Les signes cliniques en sont toujours nets : douleur, contracture,
élevation thermique sont les symptômes essentiels. L’évolution, si l’on n’intervient pas, aboutit à
une issue fatale du quatrième au cinquième jour de la maladie. Mais l’intervention précoce,
traitant la cause de la péritonite et drainant la cavité péritonéale, donne un gros pourcentage de
succès.

2º Péritonites à forme toxique.- Il s’agit de péritonites à forme aiguë diffuse, à évolution suraiguë,
avec un cortège de signes physiques très discrets, s’opposant à la richesse des signes généraux. On
se trouve en présence de malades affaiblis, en état de moindre résistance, chez qui le péritoine ne
85

se défend pas contre l’assaut des germes infectieux. L’épanchement intrapéritonéal est peu
abondant, louche. La séreuse péritonéale ne limite pas le processus infectieux. Localement, le
ventre est peu ballonné et presque indolore à la palpation. Par contre, il faut noter : la dissociation
rapide du pouls et de la température (pouls très accéléré, température presque normale); la
dyspnée toxique, le facies péritonéal avec yeux excavés, nez pincé, traits tirés, le refroidissement
des extrémités, l’agitation et l’angoisse de ces malades. Ce sont des formes à évolution suraiguë
qui peuvent tuer en vingt-quatre heures.

En fait, l’étude des péritonites aiguës devrait comporter un chapitre consacré aux formes
étiologiques. Nous avons déjà montré la variété des causes qui pouvaient expliquer l’infection de
la séreuse (traumatismes, perforation de viscères creux, propagation lymphatique, etc).

Nous nous bornerons à décrire plus loin les péritonites à pneumocoques et les péritonites à
streptocoques, dont l’aspect clinique, l’évolution et le traitement offrent des particularités dignes
d’intérêt.

6. Diagnostic

Il en est question chaque fois qu’on se trouve en présence d’un malade présentant : douleurs
abdominales, vomissements, constipation. C’est dire que toute la pathologie abdominale pourrait
être passée en revue. Toutefois, nous pouvons schématiser et indiquer rapidement les principaux
diagnostics.
1º Il faut reconnaître qu’il s’agit d’une péritonite aiguë. Il faudra donc éliminer les points de côté
abdominaux que l’on observe au début de certaines affections pulmonaires aiguës. Il faudra
également éliminer les syndromes médicaux : coliques hépatiques, coliques néphrétiques,
coliques de plomb, grippe gastro-intestinale. Dans toutes ces éventualités, la contracture manque
ou n’est que très discrète ou que très passagère (simple défense pariétale). Ayant éliminé ces
syndromes médicaux, on reconnaîtra facilement l’occlusion intestinale avec son météorisme, son
absence de contracture. Il faudra enfin reconnaître les péritonites localisées, comme celles que
l’on observe au cours de l’évolution d’une cholécystite aiguë suppurée, d’une appendicite aiguë
où la contracture reste localisée dans la zone du viscère responsable, tandis que le reste de
l’abdomen demeure souple.

2º Lorsque le diagnostic de péritonite aiguë diffuse a été porté, il importe de rechercher quel est
l’organe qui a donné naissance à cette péritonite, car il faut, en principe, supprimer l’organe en
cause si l’on veut que l’opéré guérisse, le simple drainage de la cavité péritonéale étant
notoirement insuffisant. C’est ici qu’il faudra, par l’interrogatoire qui précisera les antécédents
pathologiques du malade, par un examen clinique très minutieux, essayer de reconnaître le point
de départ gastro-duodénal, appendiculaire ou génital, de la péritonite, de façon à se porter sur
l’organe malade. Rappelons que, dans le diagnostic des péritonites aiguës, la radiographie n’est un
appoint que dans les cas de perforation d’un viscère creux laissant suffisamment filtrer l’air dans
la cavité péritonéale. Le pneumo-péritoine sera recherché sur des clichés pris sur les malades
debout ou en décubitus latéral gauche (image de croissant gazeux interhépato-phrénique droit,
décollement pariétal de l’ombre hépatique). Certains examens de laboratoire peuvent aussi être
utiles (numération, formule, examen des urines, amylasémie etc.).

7. Traitement

Il convient de rappeler : 1º qu’il n’y a pas de traitement médical de la péritonite aiguë diffuse; 2º
que le drainage simple de la cavité péritonéale est insuffisant et que l’on doit rechercher et traiter
à tout prix la cause de la péritonite. Il est bien évident que cette suppression du foyer infectieux
doit être réalisée aussi précocement que possible.
86

Les principes de l’intervention.

1º L’opération doit être précoce et rapide chez ces sujets fatigués, intoxiqués.- Toutefois, une
courte préparation préalable peut être utile dans certains cas (toni-cardiaque, injections de sérum
intraveineux, lavage d’estomac ou aspiration continue). L’opération doit être rapide, l’anesthésie
générale est le plus souvent nécessaire; la rachianesthésie est contre-indiquée, en raison des
phénomènes de dépression qu’elle entraîne.

2º L’opération doit être menée rapidement et simplement.- On évitera les manipulations et


l’extériorisation des anses grêles. On abordera par le plus court chemin l’organe responsable et, la
lésion viscérale originelle étant découverte, on la supprimera (ablation de l’appendice, suture et
enfouissement d’une perforation gastrique ou duodénale, ablation d’un pyosalpinx rompu, taille
d’une vésicule biliaire pleine de pus et de calculs). Ceci fait, le péritoine sera asséché à
l’aspirateur, notamment au niveau du Douglas, où le pus tend toujours à s’amasser. Se pose
ensuite le problème du drainage. La question demeure entière; certains, faisant confiance aux
qualités de défense du péritoine, ont nié l’utilité du drainage après ablation de l’organe malade et
asséchement de la cavité péritonéale. En fait, la prudence semble exiger un drainage, d’une part,
du foyer infectieux et souvent, d’autre part, du Douglas (pour éviter les abcès résiduels de ce cul-
de-sac).

8. Soins post-opératoires

Ils comportent: l’application d’une vessie de glace sur l’abdomen, la réhydratation par de hautes
doses de sérum glucosé et salé intraveineux ainsi que de plasma, l’emploi judicieux des toni-
cardiaques, l’aspiration duodénale continue et bien entendu les antibiotiques à fortes doses
(Ampicilline, Gentamycine, …, et des anti infectieux comme le Métronidazole).

9. Evolution post-opératoire des péritonites aiguës diffuses

L’opération précoce est très souvent suivie d’une évolution favorable, mais, lorsque l’intervention
a été pratiquée tardivement, c’est-à-dire plus de dix heures après l’apparition des premiers
symptômes, deux complications peuvent s’observer, l’une très grave, l’occlusion intestinale
paralytique, l’autre moins sérieuse, l’abcès résiduel du cul-de-sac de Douglas.

a) L’occlusion intestinale paralytique.- Elle s’explique par la persistance de la paralysie


intestinale. On peut la prévoir lorsque, au cours de l’opération, les anses dilatées sont inertes.
En fait, cette occlusion intestinale paralytique, si elle s’observe immédiatement après
l’intervention, est essentiellement justiciable de l’aspiration duodénale continue et de la
rééquilibration hydro-électrolytique. Lorsqu’elle s’observe un peu plus tard, elle est en général
mixte, à la fois paralytique et mécanique, et, là encore, le traitement de fond reste l’aspiration
continue.
b) L’abcès du cul-de-sac de Douglas.- Il apparait en général aux environs du septième jour. La
température remonte, quelques signes rectaux et vésicaux apparaissent; le toucher rectal met
en évidence un bombement du cul-de-sac. De toute façon, l’évacuation de cet abcès par voie
rectale ou par voie vaginale chez la femme procure aisément la guérison.

En résumé, plus l’intervention sera précoce, plus nombreuses seront les chances de guérison et
meilleure sera la qualité de la guérison, dans la péritonite aiguë.

B. PERITONITES AIGUES LOCALISEES : LES ABCES SOUS-PHRENIQUES

Définition.- On décrit sous ce nom les suppurations circonscrites développées dans l’étage sus-
87

mésocolique de l’abdomen entre diaphragme en haut et mésocôlon en bas. On y adjoint


d’habitude une série de suppurations rétro-péritonéales qui ne sont que des abcès lombaires
supérieurs, très proches parents des abcès péri-néphrétiques de par leur évolution et leur
thérapeutique.Caractérisés au point de vue anatomique par leur limitation à l’une des loges sous-
diaphragmatiques, au point de vue clinique par des symptômes obscurs (collections profondes peu
accessibles aux investigations cliniques) et souvent trompeurs, ces abcès sous-phréniques posent
aussi des problèmes thérapeutiques délicats (question de la voie d’abord).

Aperçu anatomique.- Sous le diaphragme se trouvent limitées trois loges, qui sont réellement
des loges sous-phréniques.
1º La loge hépato-phrénique droite, qui s’inscrit entre la coupole diaphragmatique en haut, la face
supérieure du lobe droit du foie en bas, le ligament coronaire en arrière, le ligament falciforme, la
paroi à droite.
2º Les abcès sous-phréniques à développement antéro-inférieur, qui sont soit sous-hépatiques
antérieurs droits, soit périspléniques. Ces abcès auront une sémiologie abdominale;
3º Les abcès sous-phréniques à développement postérieur ou lombaire, qui sont rétro-péritonéaux
et absolument analogues aux phlegmons périnéphrétiques;
4º Les abcès de l’arrière-cavité, qu’il est classique d’étudier avec les abcès sous-phréniques,
quoiqu’ils ne rentrent pas exactement dans le cadre de ces abcès.

Etiologie.- Fréquence.- C’est essentiellement chez l’adulte, entre vingt et quarante ans, que
s’observent ces abcès.

Sexe.- Ils sont un peu plus fréquents chez l’homme que chez la femme.

Causes déterminantes.- Ce sont les germes habituels: streptocoques, staphylocoques,


colibacilles, souvent associés à des anaérobies, qui sont à l’origine de ces suppurations.

Causes occasionnelles.- Il y a, en fait, trois catégories d’abcès sous-phréniques; les abcès


primitifs, secondaires, traumatiques. De beaucoup, les plus fréquents sont:
1º Les abcès sous-phréniques secondaires.- A leur origine, on trouve:
a) Les lésions gastro-duodénales (ulcères gastro-duodénaux, cancers gastriques), qui représentent
un tiers des cas d’abcès sous-phréniques;
b) L’appendicite est la seconde grande cause d’abcès sous-phréniques. Il s’agit d’appendicites
suppurées et assez souvent d’appendices en position haute...
c) Les affections hépatiques et vésiculaires; abcès du foie, cholécystites suppurées, kystes
hydatiques suppurés.

A ces trois causes essentielles, qui représentent 75 p. 100 des cas, on peut ajouter des causes rares:
abcès ou kystes de la rate, du pancréas, des reins, inflammation intestinale (fièvre typhoïde,
dysentérie), inflammations pelviennes chez la femme. Par ailleurs, certaines inflammations
suppurées intrathoraciques, pleurésies, broncho-pneumonies, abcès du poumon, peuvent être
parfois en cause.

2º Les abcès sous-phréniques primitifs.- Ils étaient très nombreux dans les statistiques anciennes;
ils sont devenus beaucoup plus rares dans les observations modernes. Cela tient à ce que
l’appendicite a pris pour elle la plus grande partie de ces cas réputés jadis de cause inconnue,
parce que l’on n’opérait pas, ou parce qu’au cours de l’intervention le chirurgien, ne trouvant pas
de lésion d’un organe adjacent, ne savait pas rapporter à l’appendice la cause de l’envahissement
sous-phrénique. Il existe toutefois des abcès primitifs, mais ils sont très rares et consécutifs à une
infection générale de l’organisme (septicémie ou pyohémie).
88

3º Les abcès sous-phréniques traumatiques s’observent assez fréquemment en temps de guerre à


la suite de plaies (par armes à feu ou par armes blanches), intéressant foie ou rate.

Anatomie pathologique.- Il faut étudier successivement: les caractères généraux des abcès sous-
phréniques et les caractères propres à chacune de leurs variétés.

1º Les caractères généraux des abcès sous-phréniques.

a) Le contenant.- Les parois de l’abcès sous-phrénique sont constituées par les organes de la
région et les replis péritonéaux normaux, complétés et agglutinés par des néo-membranes
inflammatoires. On peut parfois, sur l’une des parois, voir une perforation qui met en
communication l’abcès avec le viscère sous-jacent (estomac, duodénum, vésicule, etc.). Ces abcès
sont de volume très variable (poing, tête d’enfant). Certains contiennent de deux à trois litres de
pus.

b) Le contenu.- Il est constitué par du pus ou par du pus mélangé à des gaz. Lorsqu’il s’agit
d’abcès gazeux, le point de départ est en général gastrique, les gaz provenant d’une perforation de
cet organe. Toutefois, il peut arriver que les gaz se développent sur place par suite de la
fermentation du pus due aux anaérobies.
Lorsque l’abcès n’est pas gazeux, il contient du pus classique, crémeux, bien lié, parfois
simplement du liquide louche.

c) Propagation.
- Les abcès sous-phréniques tendent à se propager vers le thorax ou vers l’abdomen.
- Vers le thorax, la propagation peut se faire sans perforation du diaphragme, et l’on trouve alors à
l’intervention soit une pleurésie sèche adhésive de la base, soit une pleurésie séro-fibrineuse.
Parfois la propagation se fait par une perforation mettant alors en communication à travers le
diaphragme l’abcès sous-phrénique et le poumon, d’où pneumonie septique, gangrène pulmonaire
ou, si la plèvre n’est pas symphysée, pleurésie purulente ou pyo-pneumothorax;
- Vers l’abdomen.- certains de ces abcès peuvent se rompre brusquement dans la grande cavité
péritonéale (éventualité rare); dans d’autres cas, c’est par une extension progressive et lente que le
pus envahit l’étage sous-mésocolique.

2º Caractères spéciaux aux différentes variétés d’abcès sous-phréniques.- On a pu décrire


quelques caractères particuliers aux abcès sous-phréniques suivant leur origine. Si l’abcès est
consécutif à une appendicite aiguë, il s’agit d’abcès siégeant à droite, souvent reliés au foyer
suppuré appendiculaire par une coulée purulente ininterrompue ou par des foyers étagés et
indépendants. Ce sont souvent des abcès pyo-gazeux. Ils se propagent fréquemment à la cavité
thoracique.

Les abcès sous-phréniques d’origine gastrique occuperaient le plus souvent la loge phréno-
hépatique gauche. Ils seraient d’abord sous-hépatiques, avant de devenir sous-phréniques. Ils
contiendraient souvent des gaz.
Enfin, les abcès d’origine biliaire auraient un pus coloré en jaune par la bile, et on trouverait assez
souvent, dans leurs parois, la perforation du fond de la vésicule biliaire qui leur a donné naissance.

Pathogénie.- Le mécanisme de l’enkystement est facile à comprendre. Le péritoine sous-


phrénique, très résistant à l’infection, réagit par des adhérences inflammatoires qui enkystent la
suppuration. Quant au mécanisme de la propagation de l’infection à l’espace sous-phrénique, il est
évident lorsque le point de départ est un organe contigu (estomac, foie, etc.). Il est plus difficile à
saisir lorsqu’il s’agit d’organes éloignés, mais on comprendra la possibilité d’abcès sous-
phréniques à point de départ appendiculaire, en se rappelant que, dans les appendicites qui sont à
89

leur origine, on trouve le plus souvent des appendices sous-hépatiques ou des appendices
ascendants (latéro-coliques ou rétro-caecaux). L’infection se ferait par voie péritonéale latéro-
colique ou par voie sous-péritonéale (propagation par continuité ou propagation lymphatique).

Etude clinique.- Prodromes.- L’abcès sous-phrénique étant, dans la majorité des cas, une
complication de maladies locales de voisinage, c’est dire que les antécédents des sujets qui en
sont atteints sont en général chargés et qu’il sera de règle d’y retrouver des histoires d’ulcère
gastro-duodénal, d’appendicite ou de lithiase biliaire. Mais ces prodromes à longue portée ne sont
pas constants et parfois même l’infection causale reste latente.

Début.- Il est très variable, classiquement, c’est un début brutal, dramatique analogue à celui
d’une péritonite par perforation. Mais une rémission ne tarde pas à se produire. Les signes
fonctionnels s’atténuent, les signes physiques se localisent à la partie haute de l’abdomen. Il est
beaucoup plus fréquent de voir la maladie débuter de façon insidieuse par des douleurs vagues,
dans l’hypochondre droit des poussées fébriles et une altération rapide de l’état général. Parfois,
c’est à la façon d’une maladie thoracique, par des frissons, de la fièvre et des points de côté que se
révèle la formation de l’abcès. Enfin, autre éventualité, c’est après une opération intra-abdominale
(appendicite aiguë, par exemple) que va apparaître la suppuration sous-phrénique.

Période d’état.- Lorsqu’il est constitué, l’abcès sous-phrénique se traduit par des symptômes
généraux d’infection communs à tous les types d’abcès et par des signes fonctionnels et des signes
physiques qui vont varier avec chaque forme. Il faut d’abord décrire les signes généraux communs
à toutes les formes. Ils sont en règle très accentués; il s’agit d’un sujet au teint terreux, à la langue
saburrale, asthénique et amaigri; la température élevée oscille de 38 à 39º, avec frissons et sueurs;
le pouls est accéléré, les urines rares, la polynucléose sanguine élevée. Toutefois, certains abcès,
notamment les abcès gazeux à anaérobies, peuvent ne donner aucune élévation thermique.

Les signes fonctionnels et les signes physiques demandent à être décrits isolément pour les abcès
sous-phréniques à développement supérieur ou thoracique, pour les abcès sous-phréniques à
développement inférieur ou abdominal, et enfin pour les abcès sous-phréniques à développement
postérieur ou rétro-péritonéal.

a) Les abcès sous-phréniques à développement supérieur (interhépato-diaphragmatiques).- Leur


sémiologie est essentiellement thoracique: point de côté postérieur, bas situé, dyspnée, parfois un
peu de hoquet; à l’examen, on peut remarquer de l’immobilité de la base thoracique, quelquefois
un léger bombement des derniers espaces et souvent une respiration à type costal supérieur. La
palpation provoque parfois, en un point très précis, une douleur très vive (signe qui a une valeur
certaine pour préciser le point exact où siège la collection). On appréciera, en outre, le
refoulement des organes (abaissement du foie, élévation de la pointe du coeur). Si l’abcès ne
contient pas de gaz, c’est une matité étendue qui, à droite, prolonge la matité hépatique, à gauche,
masque l’espace sonore de Traube. Si l’abcès contient des gaz, c’est une zone de sonorité
tympanique qui surmonte une zone de matité. Parfois, d’ailleurs, un épanchement pleural peut
venir donner une matité au-dessus de la zone sonore due aux gaz de l’abcès sous-phrénique. A
l’auscultation, ce sera une zone silencieuse si l’abcès ne contient pas de gaz, au contraire des
signes de pyo-pneumothorax s’il s’agit d’un abcès gazeux (tintement métallique, bruit d’airain,
souffle amphorique), et, ce qui est frappant, c’est le siège exceptionnellement bas de ce pyo-
pneumothorax (“pyo-pneumothorax dans le ventre”).

b) Les abcès sous-phréniques à développement antéro-inférieur.- Ces abcès qui sont en fait des
péritonites circonscrites de l’étage supérieur de l’abdomen, ont une sémiologie essentiellement
abdominale et se traduisent par une douleur à la base du thorax, par une voussure de l’épigastre ou
de l’hypochondre, mais voussure minime, et qui ne peut être appréciée qu’à jour frisant. La
90

palpation révèle soit une paroi contractée et douloureuse, un plastron de consistance variable, dur
ou pâteux, ou mou et fluctuant, à contours mal limités. Parfois, si l’abcès est gazeux, un bruit de
clapotement. Fait important, la palpation est très douloureuse. On recherchera toujours le point
douloureux maximum. Au-dessous de l’ombilic, le ventre reste souple et indolore. A la
percussion, la zone de l’abcès est mate, sauf si l’abcès contient des gaz, car, dans ce cas, la matité
déclive est surmontée par une zone tympanique que l’on apprécie en faisant alternativement
mettre le sujet debout, couché, puis en position génu-péctorale, où toute la surface redevient mate.

c) Les abcès sous-phrénique rétro-péritonéaux à évolution postérieure.-Ce sont, en fait, des abcès
périnéphrétiques haut situés. La symptomatologie en est obscure, leur début insidieux est marqué
essentiellement par des signes d’infection générale. Lorsqu’ils sont constitués, ils se traduisent par
une atteinte importante de l’état général, une douleur postérieure haute, une douleur à la palpation
de la partie haute de la région lombaire.

Evolution des abcès sous-phréniques.- On ne saurait compter sur la résorption spontanée, pas
davantage sur l’évacuation du pus au dehors. La guérison ne peut être acquise que par
l’intervention chirurgicale. Abandonné à lui-même, l’abcès sous-phrénique donne plus de 90 p.
100 de morts. Opéré en temps voulu, la mortalité tombe aux environs de 20 p. 100.

Complications.- Ce sont des complications locales: ouverture spontanée dans le thorax donnant
soit une réaction pleurale (pleurésie sèche, ou plus souvent pleurésie purulente), soit une infection
pulmonaire. Des foyers pneumoniques apparaissent au niveau des bases. Dans d’autres cas,
l’ouverture directe se fait dans une bronche et aboutit à une vomique. Lorsque l’abcès est à
évolution abdominale, l'évolution se fait par rupture des adhérences dans le péritoine, donnant une
péritonite généralisée.

L’ouverture spontanée à la peau ne s’observe plus en pratique à l’heure actuelle. A côté de ces
complications locales, des complications générales peuvent s’observer (septicémie, pyohémie,
etc.).

Formes cliniques des abcès sous-phréniques.- 1º Formes suivant le siège.- En dehors des trois
formes classiques, abcès supérieur, antéro-inférieur, postérieur, nous rappellerons la possibilité
d’abcès mixtes thoraciques et abdominaux et d’abcès de l’arrière-cavité des épiploons.

2º Formes séméiologiques.- On peut observer des formes frustes, des formes atténuées et des
formes latentes.

3º Formes étiologiques.- L’abcès sous-phréniques, d’origine gastrique, est rarement consécutif à


une péritonite généralisée. Le plus souvent, c’est un abcès enkysté d’emblée, la perforation de
l’ulcère se faisant dans un foyer d’adhérences. Le début est toujours brusque, par douleur,
contracture, puis tourne court. Il s’agit, le plus souvent, d’abcès gazeux à évolution inférieure.

Les abcès sous-phréniques consécutifs à des appendicites apparaissent le plus souvent à la suite
d’une péritonite enkystée appendiculaire. L’abcès appendiculaire a été drainé, mais, au bout de
quelques jours, la température remonte, se met à osciller, quelques signes pulmonaires et pleuraux
du côté droit, parfois un peu de hoquet et de l’oedème lombaire attirent l’attention.

Diagnostic.- Habituellement très difficile, ce diagnostic devra toujours se baser non seulement sur
l’examen clinique, mais encore sur des examens complémentaires, radiologiques, sanguins, etc...

Le diagnostic différentiel varie avec le début de l’abcès. Dans le cas d’abcès à développement
abdominal, il faut éliminer le simple plastron périvésiculaire, l’appendicite haute avec abcès,
91

l’abcès du foie, etc... Dans le cas d’abcès à développement thoracique, on écartera une pneumonie
de la base, un abcès du poumon, une gangrène pulmonaire.

En réalité, toute la difficulté consiste à distinguer un abcès sous-phrénique d’une pleurésie


purulente ou putride, et le problème consiste à préciser si l’épanchement est au-dessus ou au-
dessous du diaphragme.

Les signes cliniques ne permettent qu’un diagnostic approximatif, et c’est à la radiologie qu’il
faudra demander des précisions nécessaires. A l’écran, on constate la surélévation d’un hémi-
diaphragme, l’immobilité de cette coupole diaphragmatique en raison de la paralysie du muscle,
une opacité à convexité supérieure. Mais ces signes ne sont nets que si le sinus costo-
diaphragmatique est libre, ce qui est rare; le plus souvent, il y a une pleurésie réactionnelle sous-
jacente, et il devient très difficile, même sous le contrôle de l’écran, de distinguer un abcès sous-
phrénique d’un épanchement pleural. Mais, si l’abcès sous-phrénique est gazeux, les gaz rendent
nettement visible la coupole diaphragmatique et dessinent un large espace clair entre le
diaphragme en haut et une zone sombre en bas. Cette zone claire est d’ailleurs parfois réduite à un
simple croissant si les gaz sont peu abondants. Des radiographies prises sous de multiples
incidences, le malade debout et couché, permettent le plus souvent de confirmer les impressions
fournies par l’examen radioscopique.

La ponction exploratrice.- C’est le moyen ultime de diagnostic, mais, en principe, on ne devra la


faire que sous le contrôle de l’écran et immédiatement avant l’intervention chirurgicale; au point
culminant de la voussure ou bien au point douloureux maximum, à la base du thorax, on
enfoncera lentement une aiguille en aspirant à chaque pas. On pourra affirmer qu’il existe un
abcès sous-phrénique lorsque la ponction pratiquée dans ces conditions ramènera d’abord du
liquide séreux (d’origine pleurale), plus profondément du pus avec ou sans gaz (signe de
Scheuerlein).

L’injection d’une substance de contraste avec injection d’air peut, dans certains cas faciliter la
localisation et le repérage exacts de l’abcès.

Enfin, lorsqu’il s’agit d’abcès sous-phréniques postérieurs rétro-péritonéaux qui ne se traduisent


pratiquement que par des signes généraux d’infection, le diagnostic se pose avec une septicémie,
une typhoïde, et c’est là que la formule sanguine, montrant une forte leucocytose (au-dessus de
20000) avec polynucléose, est un argument en faveur d’une suppuration profonde.

Traitement.- Devant la rareté des observations récentes, il est difficile de se faire une opinion
précise sur l’efficacité du traitement médical: sulfamides, antibiotiques (pénicilline, gentamycine,
terramycine, etc.), même à très hautes doses et répétées longtemps, en surveillant l’évolution de la
polynucléose. On a pu, dans certains cas, guérir des abcès sous-phréniques par les antibiotiques
associés à un drainage aspiratif, réalisé au moyen d’un trocart spécial (trocart de Monod) et d’un
drain ordinaire ou en polythène. Mais le traitement chirurgical garde tous ses droits.

Lorsque l’abcès a été diagnostiqué et localisé, il faudra évacuer le pus, mais on préférera
l’anesthésie locale chez ces malades fatigués; on se bornera à l’incision et au drainage sans
curetter la poche, sans s’attarder à chercher la cause de l’abcès.

La voie d’abord varie suivant le siège de l’abcès,


Les abcès à évolution antérieure s’abordent par coeliotomie médiane ou latérale.
Les abcès à évolution thoracique peuvent être abordés soit par incision parallèle au rebord costal
(avec, si besoin, résection extrapleurale de ce rebord) lorsque l’abcès donne une voussure nette
dans l’hypochondre, soit par voie transthoracique, qui convient à la majorité des cas. Ici, un gros
92

écueil à éviter: l’inoculation de la plèvre. Très souvent, d’ailleurs, elle est symphysée et on ne
s’aperçoit que lorsqu'on la traverse quand on a atteint la collection sous-phrénique. Si elle était
libre, il faudrait solidariser le diaphragme à la paroi thoracique par des points en couronne avant
d’inciser le muscle. Puis, après évacuation de l’abcès, il serait bon de fixer les lèvres de l’incision
diaphragmatique aux lèvres cutanées de l’incision thoracique (marsupialisation qui exclut
complètement la plèvre).

Les abcès à évolution postérieure seront ouverts par voie lombaire postérieure: on aura soin de
refouler le cul-de-sac pleural pour éviter l’ouverture de la plèvre.

Il faut savoir d’ailleurs que l’incision de l’abcès ne suffit pas toujours à amener la guérison, et
qu’une fistule persistante venant de l’estomac, du duodénum, du côlon, de la vésicule biliaire peut
nécessiter par la suite une cure opératoire spéciale.

II.4. LES OCCLUSIONS INTESTINALES

1. Définition
2. Causes d'occlusion
- Occlusions mécaniques et classification
- Occlusions fonctionnelles
3. Anatomie pathologique
4. Physiopathologie de l'occlusion
5. Diagnostic
- Diagnostic positif de l'occlusion
- Diagnostic clinique
- Diagnostic radiologique
6. Les grands syndromes
7. Diagnostic différentiel de l'occlusion
8. Diagnostic étiologique
9. Traitement de l'occlusion intestinale
- Traitement dit "médical" des occlusions
- Traitement des occlusions mécaniques du grêle
- Traitement des occlusions du côlon
- Traitement des occlusions fonctionnelles
- Traitements des occlusions post-opératoires
10. Résultats.

1. Définition

L’arrêt complet et persistant du cours des matières et des gaz, dans un segment de
l’intestin, telle est la caractéristique de l’occlusion intestinale, qu’il est convenu d’appeler
également iléus de l’intestin par abus, puisqu’en grec iléus signifie: tourner.

Selon que cet arrêt survient brusquement, ou se confirme peu à peu, mettant un terme à
une longue période de constipation sans arrêt des gaz, qualifiée parfois d’obstruction, on dit qu’il
y a occlusion aiguë ou occlusion subaiguë.

2. Causes de l'occlusion

L’occlusion peut apparaitre à tous les âges, du premier au dernier jour de l’existence. Sa
fréquence s’est nettement accrue depuis que se sont multipliées, parallèlement au développement
de la chirurgie abdominale, les occlusions post-opératoires de variétés diverses.
93

Les causes de l’occlusion sont multiples, mais il faut distinguer deux grands types
essentiels:
1. Les occlusions mécaniques;
2. Les occlusions fonctionnelles.

1. Occlusions mécaniques.

Dans les occlusions mécaniques, il y a un obstacle anatomique réel au cours des matières
et des gaz. Cet obstacle peut jouer par trois mécanismes distincts: l’obturation, la strangulation et
la striction.

1. Les occlusions par obturation relèvent de facteurs divers. Tantôt, dans un segment
d’intestin sain, la lumière est oblitérée par la présence et l’arrêt d’un corps étranger. Les plus
fréquents de ceux-ci sont les calculs biliaires (iléus biliaire), les vers intestinaux (iléus
ascaridiens), les amas pileux (iléus par bézoard), alimentaires (iléus alimentaires), mucilagineux
(iléus médicamenteux). On a décrit des iléus par boutons métalliques anastomotiques migrateurs à
la suite d’interventions chirurgicales. Enfin, des matières trop épaisses peuvent jouer le rôle de
bouchon. Ceci surtout aux deux pôles de la vie; iléus méconial du nouveau-né (témoignant d’une
altération fibro-kystique du pancréas, dont la sécrétion manque pour fluidifier le méconium), iléus
par fécalome des vieillards atteints d’atonie colique.

Tantôt l’obstacle est lié à la présence sur la paroi de l’intestin pathologique d’une tumeur,
bénigne ou maligne, devenue peu à peu sténosante, par bourgeonnement intra-cavitaire, ou d’une
sténose chronique: tuberculeuse, inflammatoire banale (iléite), cicatricielle; post-traumatique,
post-opératoire (anastomose imparfaite) ou secondaire à un étranglement herniaire. Il existe chez
le nouveau-né des rétrécissements congénitaux par anomalies de développement, des atrésies
limitées ou étendues.

Tantôt, enfin, ce n’est ni libre dans la lumière, ni implanté sur la paroi de l’organe qu’est
l’obstacle, il est extrinsèque. Ainsi sont les obturations par compression extérieure, plus ou moins
large, du fait d’une néoformation développée sur un organe de voisinage (fibrome utérin calcifié,
tumeur du mésentère); celles par coudure aiguë du grêle ou du côlon, fixé en un point, par une
bride, parfois par un diverticule de Meckel, ou par l’appendice. On en rapproche les
agglutinations d’anses symphysées (plastron inflammatoire banal ou bacillaire).

Ces divers mécanismes peuvent s’associer: sténose et compression, coudure aiguë et corps
étrangers, coudure aiguë et symphyse, et l’existence sur l’intestin de différents facteurs étagés
d’occlusion n’est pas rare.

D’une façon générale, le côlon est plus fréquemment frappé d’obturation que le grêle, car
à son niveau siègent souvent des cancers en virole, d’autant plus occlusifs qu’ils apparaissent
volontiers dans les zones de stase physiologique et au niveau des angles coliques.

2. Les occlusions par strangulation ont pour type le volvulus: torsion d’une anse sur son
axe vasculaire mésentérique ou mésocolique. On rencontre au niveau du grêle, dans la toute
première enfance, des volvulus primitifs favorisés par un défaut congénital de rotation et
d’accolement du mésentère, et chez l’adulte des volvulus secondaires à l’existence d’un obstacle
au péristaltisme: soit bride coudant l’intestin en un point, soit tumeur développée sur lui. Cette
dernière éventualité est un nouvel exemple d’occlusion à causes multiples provoquée ici par une
obturation et une strangulation associée. Sur le côlon, les volvulus les plus fréquents intéressent le
sigmoïde et le caeco-côlon droit, ceux du transverse sont exceptionnels.
94

L’invagination intestinale, véritable hernie de l’intestin dans l’intestin, surtout observée


dans la région iléo-caecale, réalise un type assez singulier de strangulation.Elle est primitive et
fréquente dans la toute première enfance, plus rare et habituellement secondaire à la présence
d'une tumeur sur le boudin invaginé chez l’adulte.

Dans ces deux derniers modes d’occlusion, l’étranglement des vaisseaux mésentériques ou
mésocoliques est contemporain de celui de l’intestin et crée une menace souvent très rapide pour
la vitalité de tout le segment grêle ou colique intéressé.

3. Les occlusions par striction sont représentées par les étranglements internes. A
l’intérieur de la cavité abdominale (les hernies étranglées, étranglements externes, ne sont jamais
étudiées dans le chapitre de l’occlusion), le grêle surtout, le côlon très rarement, peuvent
s’étrangler dans divers offices.

Certains de ces orifices sont normaux: étranglement dans l’hiatus de Winslow (hernie de
Treitz), dans une fossette paraduodénale, ou intersigmoïdienne, dans une loge rétro-caecale
(hernie de Rieux). D’autres sont anormaux, tantôt congénitaux: brèche congénitale du mésocôlon
transverse par exemple; tantôt acquis. Tels sont les orifices du mésentère ou de l’épiploon,
consécutifs aux fontes tissulaires chez les malades amaigris lors des périodes de famine. Tels sont
surtout les orifices constitués par une bride contingente, conséquence d’une inflammation
antérieure ou d’une intervention chirurgicale.

Il n’est pas possible de schématiser toutes les dispositions des cordages souvent multiples
qui peuvent relier l’intestin au mésentère, à la paroi, à un viscère voisin, et qui sont parfois créées
par un viscère tel que le diverticule de Meckel, l’appendice, ou une trompe. Certaines
interventions chirurgicales exposent plus que d’autres à l’apparition d’anneaux susceptibles de
devenir agents de striction. Rappelons les orifices du mésocôlon insuffisamment oblitérés après
une gastro-entérotomie transmésocolique, ceux du ligament large après rétro-fixation utérine des
ligaments ronds transligamentaires, l’hiatus mésentérico-mésocolique après anastomose iléo-
colique. L’anneau dit “de la mort” consécutif à une ligamentopexie pariétale et limité par les
ligaments ronds, l’utérus et la paroi abdominale, est bien classique.

Dans les strictions, les lésions anatomiques n’intéressent pas également toute la portion
prise au piège. Elles peuvent rester, en effet, plus ou moins longtemps électivement limitées à la
zone de striction et souvent linéaire. Ce n’est que si la striction est très serrée, et que le mésentère
en souffre, que la totalité de l’anse intéressée peut être menacée comme dans une strangulation. Il
y a donc une parenté étroite entre strangulation et striction, puisque dans les deux cas l’intestin
peut avoir deux raisons de sphacèle: l’écrasement de ses tuniques et celui de ses vaisseaux.

Classification des occlusions mécaniques

(1) Occlusions intraluminales


Corps étrangers
Pénétration barytée du côlon
Bézoar
Fécalomes
Méconium (fibrose kystique)
Parasites
Invagination
Polypes (lésions exophytiques)
(2) Occlusion intramurales
Congénitales
95

Atrésie, sténose
Duplication intestinale
Diverticule de Meckel
Processus inflammatoires
Maladie de Crohn
Diverticulite
Ischémie intestinale chronique ou sténose postischémique
Entérite post irradiation
Néoplasmes
Primitifs: Tumeurs malignes ou bénignes
Secondaires: métastases (mélanomes)
Traumatique
Hématome intramural du duodénum
(3) Occlusions d'origine extrinsèque
Adhérences
Congénitales
Bandes de Ladd ou de Meckel
Post-opératoires
Post-inflammatoires
Hernies
Externes
Internes
Volvulus

Effet des masses externes


Abcès
Pancréas annulaire
Carcinomatose
Endométriose
Grossesse
Pseudokyste de pancréas

2. Occlusions fonctionnelles

Aux occlusions mécaniques s’opposent les occlusions fonctionnelles. Elles sont


provoquées par le dérèglement du système nerveux moteur de l’organe, sous des influences
diverses, et sont souvent paralytiques (dilatation progressive et inactive des anses, sans occlusion
proprement dite), et très exceptionnellement spasmodiques: contracture localisée et élective du
grêle, ou du côlon, siégeant alors de préférence à la partie moyenne du descendant ou à la jonction
recto-sigmoïdienne.

En principe, la paralysie des anses traduit l’excitation du sympathique, la contracture par


spasme, celle du pneumogastrique, mais le fait que chacun de ces nerfs possède des fibres à
double destination s’oppose à une schématisation aussi parfaite.

La cause précise de ces troubles moteurs est parfois facile à identifier. On connait bien, par
exemple, la paralysie réflexe des anses baignant au centre d’une péritonite généralisée,
circonscrivant un foyer inflammatoire, siégeant en regard d’un hématome, ou d’une collection
purulente rétro-péritonéale (occlusions inflammatoires).

On connait aussi les occlusions déclenchées par des lésions locales de voisinage: présence
dans le mésentère d’une tumeur maligne ou bénigne irritant les filets nerveux destinés à l’intestin,
96

celles liées à des affections générales (tabès, lésions médullaires infectieuses ou traumatiques) ou
à une brusque surcharge alimentaire provoquée par un repas trop copieux. Mais bien souvent le
mystère de leur étiologie reste entier.

En fait, les occlusions mécaniques et les occlusions fonctionnelles ne sont pas aussi
dissemblables que pourrait le faire croire cette classification. Lorsqu’un obstacle interrompt
brusquement le cours des matières, cet arrêt soudain retentit sur le système de commande de
l’intestin, et soit un certain degré de spasme, soit un certain degré de paralysie aggrave les
phénomènes mécaniques. C’est ainsi que l’obturation du côlon par une tumeur n’est le plus
souvent complète que si le spasme s’y ajoute. Il y a presque toujours un élément fonctionnel
surajouté dans les occlusions mécaniques, c’est la raison pour laquelle on observe parfois des
dilatations paradoxales au-dessous de l’obstacle. Inversement, une occlusion fonctionnelle qui se
prolonge se voit presque constamment compliquée d’un facteur mécanique: capotage et coudure,
adhérences ou torsion des anses alourdies par la rétention liquidienne. C’est pourquoi une
occlusion fonctionnelle au départ nécessite souvent, secondairement, une action directe sur
l’intestin.
C’est en ce sens que l’on peut dire que beaucoup d’occlusions sont mixtes: mécanique et
fonctionnelle.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

L’immense variété des causes d’occlusion explique qu’on ne puisse donner une description
uniforme des lésions anatomiques, car elles prennent divers aspects essentiellement fonction du
mécanisme occlusif: obturation, strangulation, striction, phénomènes dynamiques.

Dans les obturations, le fait le plus frappant est, quelle que soit la lésion, il y a la dilatation des
anses en amont de l’obstacle. Cette dilatation peut atteindre un degré considérable: anse grêle plus
grosse que le côlon normal, de la taille d’un avant-bras parfois; côlon du calibre d’une chambre à
air d’automobile. Dans les occlusions du grêle, le nombre des anses dilatées dépend du niveau de
l’obstacle. Dans celles du côlon, les segments coliques d’amont peuvent être seuls intéressés, si la
valvule iléo-caecale de Bauhin (occlusion colique en vase clos) joue un rôle de soupape
hermétique. Lorsque ce rôle n’est pas assuré, que la valvule est forcée, il y a dilatation associée du
grêle terminal, sur une plus ou moins grande hauteur. La plupart du temps, les anses occluses
baignent dans un épanchement intrapéritonéal de liquide clair (ascite des occlusions) et ont une
paroi mince, poisseuse, congestionnée, de couleur rouge, ou violacée. Sur certains segments
particulièrement distendus, les parois peuvent même être menacées de perforation, ou en être le
siège. Ces perforations, dites diastatiques, sont rencontrées presque exclusivement sur le côlon, et
électivement sur le caecum. Elles sont liées à un trouble trophique des tuniques intestinales dont
les vaisseaux intrapariétaux sont comprimés in situ, par le contenu hydro-aérique en rétention.

Dans les occlusions par strangulation, souvent opérées tôt, du fait de l’intensité des symptômes
cliniques, la dilatation des anses en amont du segment volvulé est fréquemment au second plan et
l’élément le plus remarquable est l’anse étranglée elle-même. Elle baigne habituellement dans un
épanchement liquide, de caractère séro-sanglant, ou même purement hématique, et tranche par son
aspect violacé, ses parois infiltrées, infarcies, sur le reste de l’intestin. Dans les cas opérés
tardivement, c’est une anse flasque, noirâtre, inerte, en imminence de perforation ou perforée que
l’on découvre entre des segments d’intestin distendus en amont, aplatis en aval.

Il peut en être de même dans les occlusions par striction, mais ici, habituellement l’anse enserrée
violacée n’est vite menacée de sphacèle qu’aux zones linéaires de striction. Nous décrirons, dans
un chapitre particulier, les lésions de l’invagination.
97

L’aspect des anses frappées d’occlusion fonctionnelle paralytique se rapproche beaucoup de celui
décrit dans l’obturation, avec cette différence qu’ici la dilatation s’étend assez uniformément au
côlon et au grêle, tous deux soumis aux mêmes phénomènes moteurs. Un aspect très particulier
est celui de l’exceptionnel iléus spasmodique. On voit sur le grêle, ou sur le côlon transverse ou
descendant, soit en un, soit en plusieurs segments, des zones de contracture étagées, de longueur
variable, et contrastant avec la dilatation des portions sus et parfois sous-jacentes. L’intestin est là,
gros comme un doigt, un crayon, d’une pâleur remarquable; c’est l’intestin de poulet. Cette
contracture n’est pas permanente, elle est variable. Spontanément ou sous l’influence du palper,
de la novocaïnisation du mésentère, elle disparaît pour reparaître ailleurs.

PHYSIO-PATHOLOGIE DE L’OCCLUSION

Les travaux récents ont modifié considérablement les conceptions anciennement admises quant
aux causes de la mort dans l’occlusion.

Frappés de longue date par la fréquence des décès post-opératoires inopinés, en dépit d’un acte
chirurgical parfaitement correct, et apparemment satisfaisant, les chirurgiens ont longtemps cru
que le mécanisme des accidents généraux toujours graves, souvent mortels, était soit d’ordre
infectieux, soit d’ordre toxique.

L’expérience a prouvé que l’absorption des liquides au niveau d’une anse occluse est sinon nulle,
du moins extrêmement réduite, et que ni le liquide d’exsudat péritonéal ni le produit d’hydrolysat
de la paroi intestinale, s’il a été débarrassé au préalable des éventuels microbes qu’il contient,
n’ont de propriété toxique.

C’est l’étude des perturbations humorales engendrées par l’état occlusif qui a jeté un jour nouveau
sur ce problème. Elle a permis de conclure que le syndrome général de l’occlusion est tout proche
de celui du shock traumatique, et qu’il est dominé par la notion de l’exhémie plasmatique.

On sait maintenant que les malades atteints d’occlusion aiguë peuvent, même une fois supprimé
l’obstacle et écarté tout danger péritonéal, mourir de déshydratation, de déséquilibre hydro-
électrolytique suivant un mécanisme où la part prépondérante revient à l’exagération de la
perméabilité capillaire dans les segments intestinaux occlus permettant une fuite considérable de
la masse sanguine et des électrolytes, de conséquences éventuellement fatales.

Quand on fait le bilan humoral d’un malade atteint d’occlusion depuis déjà plusieurs heures et non
traitée, on recueille les données suivantes:

Un des éléments les plus frappants est l’habituelle constatation d’une augmentation de la
concentration sanguine: hémoconcentration traduite par une hyperglobulie avec hyperleucocytose,
par l’élévation de l’hématocrire (rapport du volume globulaire au volume plasmatique),
l’accroissement du taux des protides dosés dans le sang.

Ainsi est objectivée une déshydratation qui, si elle prend des proportions importantes, peut avoir
des conséquences redoutables et explique l’état de collapsus des occlus.

Aux troubles du métabolisme de l’eau s’ajoutent de façon constante ceux des électrolytes dont
trois sont essentiels: le chlore, le sodium, le potassium. L’hypochlorémie, l’hyponatrémie,
l’hypokaliémie, les modifications de la réserve alcaline sont constantes à des degrés divers. Elles
objectivent les processus qui se passent dans l’intimité des tissus, la filtration des liquides et des
ions du compartiment intracellulaire (potassium essentiellement), vers le compartiment
extracellulaire plasmatique, celle du liquide et des ions normalement extracellulaires (chlore et
98

sodium essentiellement), hors des vaisseaux qui les contiennent. Les changements ainsi apportés à
la composition du plasma en modifient les propriétés physiques: en particulier, la résistivité
électrique ou le point de congélation (delta cryscopique) dont les mesures prendront un intérêt
majeur lors de la constitution du bilan hydro-électrolytique.

Pour saisir le mécanisme qui déclenche l’exhémie plasmatique dans l’occlusion, il faut suivre pas
à pas les phénomènes qui se produisent dans une anse - grêle de référence, - soumise à une
obturation aiguë, où le facteur striction vasculaire surajoutée ne joue pas comme dans une
strangulation. Quel que soit l’obstacle qui s’oppose soudain ou progressivement au cours des
matières et des gaz, l’intestin en amont réagit d’emblée d’abord en se contractant avec plus ou
moins d’énergie et de fréquence (péristaltisme), puis en se dilatant sous la pression aéro-
liquidienne. La dilatation est essentiellement un phénomène réflexe, qui cherche à protéger
l’intestin des effets de la distension, en diminuant l’hyperpression. Elle va de pair avec des
phénomènes de paralysie progressive qui immobilisent l’intestin. Elle peut atteindre des
dimensions considérables et dépasser largement la zone où pourrait jouer logiquement le
phénomène mécanique exclusif de dilatation en amont d’un obstacle.

Les gaz en rétention ont des origines diverses .- A ceux peu abondants, préexistant dans
l’intestin, s’ajoute avant tout l’air continuellement dégluti par le malade.
La déglutition massive des occlus est telle que les deux tiers environ des gaz bloqués (azote
essentiellement) en dépendent. Le reste est fourni par les fermentations bactériennes, et le passage
dans la lumière du grêle ou du côlon, des gaz normalement en dissolution dans les vaisseaux
intrapariétaux.

Le contenu fluide a, lui aussi, ds sources multiples. Dans les heures qui suivent le début de
l’occlusion, la sécrétion digestive habituellement s’exagère passagèrement; il y a hypersécrétion
digestive réflexe (effet de la distension sur le plexus d’Auerbach) et parallèlement diminution des
possibilités de résorption. D’une part, parce que les liquides sécrétés ne peuvent plus atteindre le
secteur libre sous-jacent à l’obstacle; d’autre part, parce qu’une anse occluse voit sa capacité de
résorption passer de 90 p. 100 à 10 ou 20 p. 100.

Plus tard, à la sécrétion normale, à l’hypersécrétion réflexe passagère s’ajoute, puis se substitue, la
transsudation.

Cette dernière joue un rôle capital dans la production des liquides qui filtrent de la paroi
intestinale en dedans vers la lumière de l’intestin, en dehors vers la cavité péritonéale (ascite des
occlusions). Le liquide d’exhémie, c’est le plasma lui-même, sorti des capillaires qui le
renferment à l’occasion d’une brusque modification de leur perméabilité. On sait que l’anoxie
tissulaire déclenchée par la stase veineuse dont sont le siège les parois de l’intestin, et elle-même
provoquée par l’arrêt de la colonne aéro-liquidienne bloquée, est une cause majeure d’exagération
de la perméabilité des capillaires.

Si on réfléchit que la distension a déclenché l’exhémie, que l’exhémie, en augmentant la pression


liquidienne à l’intérieur de l’intestin, exalte la distension, on saisit aussitôt le cercle vicieux dans
lequel tournent, à partir d’un certain stade, les phénomènes physio-pathologiques de l’occlusion et
l’intérêt fondamental qu’il peut y avoir à rompre cette réaction en chaîne, en brisant un de ses
anneaux.

L’aspiration gastro-duodénale continue, qui lutte contre la distension progressive des anses, en
pompant leur contenu, sera, de ce fait, une arme thérapeutique essentielle. Par ce mécanisme
d’exhémie, la circulation générale peut se trouver spoliée d’une quantité liquidienne importante et
on sait qu’une baisse de 50 p. 100 de la masse sanguine est presque un arrêt de mort.
99

Une réduction très marquée du débit sanguin rend en effet insuffisantes l’irrigation et
l’oxygénation des parenchymes glandulaires (foie, rate, surrénales) et des centres cérébraux.

La distension des anses a d’autres conséquences que ces désordres profonds. Elle détermine, en
particulier, des modifications dans le régime circulatoire de la paroi intestinale, susceptibles de
retentir sur la vitalité de celle-ci. L’aspect congestif des anses occluses est le reflet fidèle d’une
stase circulatoire pariétale, d’abord veineuse, puis artérielle, dont la conséquence inéluctable, si
elle se prolonge, sera une nécrose plus ou moins rapide. Ainsi, par ce jeu singulier, l’intestin
occlus, et non étranglé, pourra se sphacéler à l’ultime période.

Avant même d’être perforée, sa paroi deviendra perméable aux microbes qui l’habitent
(staphylocoques, streptocoques, colibacilles, perfringens, clostridias), ou à leurs toxines. A
l’agression microbienne, le péritoine réagira par une péritonite; s’il absorbe les toxines, une
toxémie pourra résulter dont les effets peuvent être redoutables.
Habituellement, dans les obstructions abandonnées à elles-mêmes, les modifications de
l’hydraulique circulatoire, les désordres hydro-électrolytiques entrainent la mort, avant que les
altérations pariétales ou que la nécrose aient pu avoir une influence décisive. Ceci d’autant plus
qu’au passif de l’extrême distension abdominale s’ajoutent les troubles circulatoires et
respiratoires qu’elle peut provoquer en comprimant la veine porte et la veine cave, en refoulant le
diaphragme, et déplaçant le coeur, ainsi que les bases pulmonaires.

Lors d’occlusion par strangulation ou striction très serrée, compromettant vite la circulation de
l’anse volvulée ou incarcérée, l’ordre des phénomènes responsables de la mort est presque
toujours différent. La distension des anses en amont de l’obstacle occlusif est, en règle, en retard
sur les phénomènes locaux se produisant au niveau de l’anse intéressée, qui se trouve en quelque
sorte garrottée, et on voit presque toujours les accidents de nécrose pariétale prendre le pas sur
tous les autres et entraîner très vite une péritonite par perméation ou perforation.Celle-ci est
d’autant plus redoutable qu’elle apparaît chez un sujet parfois d’emblée en état de shock, shock
réflexe, d’une part (traumatisme du pédicule nerveux de l’anse), et lié, d’autre part, à la spoliation
sanguine précoce qu’entraîne l’exsudation hématique dont l’anse menacée est le siège. Nous
verrons qu’à ces shocks précoces la transfusion sanguine d’urgence et importante peut apporter la
parade.

A la lumière des connaissances actuelles, nous pouvons résumer la physiopathologie des


occlusions intestinales aiguës de la manière suivante.

CONSEQUENCES PHYSIOPATHOLOGIQUES

Elles sont redoutables.

A. L'OBSTACLE crée une augmentation de la distension intestinale par:


- l'absorption d'air ingéré surtout 70 %
- l'apparition de gaz de putréfaction 20 %
- le fait d'une hypersécrétion modérée.

B. CONSEQUENCE DE LA DISTENSION
C'est la stase vasculaire source d'anoise et de perméabilité capillaire.

C. LA STASE ENTRAINE :
1. Une petite perméation de l'intestin vers la cavité péritonéale : ascite de l'occlusion.
2. Surtout une exhémie plasmatique très importante (6 - 7 - 8 litres par jour). Les liquides
viennent des espaces intercellulaires par l'intermédiaire de la circulation sanguine.
100

D. L'EXHEMIE PLASMATIQUE est la cause de :


1. déshydratation importante
2. fuite des électrolytes du plasma
(l'exhémie plasmatique peut être remplacée parfois par du sang surtout dans les
phénomènes de strangulation).

E. UN CERCLE VICIEUX est créé


1- le passage des liquides favorise la stase
2- la stase favorise le passage des liquides

F. CONSEQUENCES DE L'EXHEMIE
- Le coeur droit peut se désamorcer. Ce qui va entraîner un collapsus cardio-vasculaire.
Alors un état de choc va s'installer. On remarquera en passant que le choc est identique à
celui obtenu dans les hémorragies par exemple.
- La chute de la tension artérielle va entraîner des troubles rénaux qui se traduiront par une
oligurie.

DIAGNOSTIC

DIAGNOSTIC POSITIF DE L’OCCLUSION

Plus qu’une entité pathologique à caractères cliniques bien précis, l’occlusion est un syndrome de
description complexe, dont il est impossible de tracer schématiquement un tableau sommaire, car
les aspects en sont variables.Ces aspects diffèrent avec le siège de l’obstacle (sur le grêle ou le
côlon), son niveau (haut ou bas sur chacun de ces segments), le terrain sur lequel éclatent les

essentiels caractérisent l’occlusion intestinale, ils forment ce qu’il est convenu d’appeler: le carré
de tradition, de l’occlusion; ce sont les douleurs, les vomissements, l’arrêt des matières et des gaz,
le météorisme abdominal. Au vrai, cette conception trop traditionnelle de la symptomatologie de
l’occlusion ne répond pas à la réalité des faits. Elle ne peut servir de viatique dans la pratique de
chaque jour, car elle fait graviter autour du météorisme, du ballon symptôme, la séméiologie
pratique de l’occlusion. Conception indéfendable, car autant rayer aussitôt du cadre des
occlusions toutes celles sans ballonnement précoce, c’est-à-dire la plupart des occlusions haut
situées, les plus graves, celles en particulier par volvulus ou incarcération interne.

Sans doute finiront-elles à un moment donné par provoquer du météorisme,mais il sera alors
habituellement le fait d’une atteinte péritonéale complémentaire du pus de mauvais pronostic.

Nous abandonnerons donc l’étude du carré soi-disant symptomatique de l’occlusion et décrirons


un syndrome occlusif formé de signes fonctionnels divers, parmi lesquels les douleurs et l’arrêt
des gaz tiennent une place de choix, de signes physiques éminement variables, selon le
mécanisme et le siège de l’occlusion, et de signes généraux, fonction eux aussi, au début surtout,
de la cause et du type des accidents.

DIAGNOSTIC CLINIQUE.

C’est en règle générale, par une douleur abdominale que commence le syndrome occlusif, et c’est
l’étude de cette douleur qui devra, en premier lieu, retenir l’attention. Son début a parfois été
progressif, mais il a pu aussi être violent, soudain, clouant sur place le sujet atteint. Le siège initial
ou maximum actuel n’a qu’une valeur de localisation restreinte en ce qui concerne la localisation
de l’obstacle; par contre, les modalités de la souffrance doivent être analysées avec soin, car
chacune d’elles peut avoir une signification.
101

Sans conteste, les coliques intermittentes et paroxystiques, classiques coliques de misère, sont, de
toutes les douleur, les plus caractéristiques de l’occlusion. On les a comparées à des vagues
douloureuses, de rythme plus ou moins précipité, atteignant leur acmée en deux ou trois minutes,
et cédant lentement pour disparaître et faire place à une accalmie de durée variable. La traduction
visible de ces vagues douloureuses sera parfois le péristaltisme apparent et l’anxiété passagère du
visage. Il n’est pas rare, quand c’est à ce type de douleurs que l’on a affaire, d’apprendre par
l’interrogatoire que des épisodes comparables, atténués, souvent spontanément et vite avortés, ont
fait une ou plusieurs fois leur apparition dans les mois ou les semaines qui précèdent, et les
présomptions d’occlusion par obturation sans menace immédiate pour la vitalité de l’anse, sont
alors grandes.

L’absence d’intermittence de la douleur n’est, en aucune façon, un élément susceptible d’inciter à


repousser l’hypothèse d’occlusion.

Il ne faut jamais oublier qu’à l’inverse de cette douleur type, certaines occlusions peuvent
déclencher un véritable état de mal suraigu, évoluant d’un seul tenant sans pauses, à paroxysmes
éventuels, survenant toutes les minutes, plusieurs fois par minute parfois. De telles atroces
douleurs à maximum abdominal, mais à irradiations dorsales ou lombaires, volontiers électives,
obligeant le malade aux attitudes antalgiques les plus diverses, ne sont nullement l’apanage des
perforations viscérales, des infarctus pancréatiques ou mésentériques. Elles s’accompagnent
presque toujours d’une altération du facies, d’une accélération du pouls, instable, et révèlent
souvent une occlusion avec menace immédiate de la vitalité de l’anse, une striction ou un
volvulus aigu.

En fait, ce ne sont ni les grands accès douloureux paroxystiques, ni les états de mal qui risquent de
conduire aux graves erreurs, car l’un et l’autre font, en règle, aussitôt craindre une affection
chirurgicale de l’abdomen. Le point sur lequel on n’insiste jamais assez, et que nous avons tous
vu responsable de retards extrêmement préjudiciables, c’est la faible intensité des douleurs
accompagnant les plus graves occlusions: vague état de malaise douloureux abdominal, sensation
de tension désagréable, coliques fugaces vite atténuées, remarquablement calmées parfois par une
drogue banale (atropinée en général), à laquelle le malade a souvent eu recours de son propre
chef.

Pour ne pas s’exposer à de si grave erreurs, l’analyse d’autres symptômes fonctionnels éventuels
est primordiale. S’il est un signe banal entre tous, et peu significatif en fait ce sont les
vomissements survenant chez un sujet qui, soudain, se plaint de douleurs ou d’un malaise
abdominal. On sait fort bien que l’occlusion la plus authentique peut évoluer pendant longtemps
sans provoquer d’états nauséeux, et l’heure tardive d’apparition des vomissements lors
d’occlusion colique est une notion bien ancienne. On sait aussi que la moindre colique hépatique
peut s’accompagner aussitôt d’un ou deux vomissements alimentaires ou bilieux.

On n’attachera vraiment d’importance, dans les premières heures, qu’à un véritable état de mal
nauséeux, avec rejets rapprochés presque incessants. Il traduit souvent une des occlusions hautes
du grêle, riches en signes fonctionnels et pauvres, comme nous le verrons, en signes physiques et
radiologiques.

Au fond, l’élément qui doit avant tout retenir l’attention et susciter l’analyse la plus attentive,c’est
le moindre trouble de transit intestinal. Ici, c’est, avant tout, l’arrêt des gaz qu’il faut rechercher et
faire préciser avec soin. C’est lui qui distingue l’occlusion des grands accès de constipation,
susceptibles de se prolonger des jours parfois, et face auxquels le spectre de l’occlusion est
souvent trop vite agité. Pratiquement, l’impossibilité de toute émission gazeuse peut être
authentifiée dès les premières heures de l’accès douloureux, bien avant qu’on ait eu le droit de
102

parler d’arrêt des matières, et par ce seul fait d’horaire elle prend le pas sur ce dernier. Souvent,
d’ailleurs, l’arrêt des matières est moins net que celui des gaz. On souligne toujours que l’intestin
sous-jacent à l’obstacle, et c’est souvent un long segment, peut encore évacuer son contenu
pendant les premières heures, et donner le change. Il y a des diarrhées réflexes contemporaines de
la survenue de l’occlusion, surtout si celle-ci est d’apparition soudaine (volvulus par exemple)
qui, elles aussi, sont trompeuses. La vacuité de l’ampoule rectale,enfin, est loin d’être constatée
régulièrement au toucher rectal qu’il faut faire systématiquement: on trouve celle-ci parfois
encombrée de matières, alors que, loin en amont sur le grêle, s’installe le plus absolu des
obstacles.

On le voit, la variabilité fréquente des manifestations fonctionnelles de l’occlusion fait que, dans
l’ensemble, leur étude ne peut guère apporter plus que des présomptions.

Un soigneux examen physique peut alors venir les confirmer dans la majorité des cas, s’il est
mené sans idée préconçue, si l’on consent en particulier à oublier les schémas classiques trop
rigides et qu’on se répète:

Que le météorisme est un signe possible d’occlusion, mais qu’il n’est ni constant ni nécessaire,
pour en poser le diagnostic;

Qu’il est d’authentiques syndromes occlusifs, et parfois des plus sévères, où le ventre reste plat
pendant de longues heures;

Que, fait non absolument exceptionnel, une contracture précise, localisée, voire diffusée, peut être
le seul élément dénonciateur précoce d’une strangulation.

En ce qui concerne le météorisme, il faut se convaincre que, s’il est un excellent signe
d’occlusion, il n’en est pas le plus fidèle, et qu’il existe de faux météorismes trompeurs.

La façon qu’a le météorisme de se manifester est des plus variables. Tantôt il est d’emblée
apparent. Rien de plus évident, chez un sujet maigre, qu’un ballonnement localisé: voussure
perceptible en un secteur de l’abdomen, y déterminant, si elle est latérale, une asymétrie plus ou
moins précise, ne prêtant à discussion, si elle est médiane et basse, qu’avec une tumeur abdomino-
pelvienne kystique ou d’autre nature, ou une rétention d’urine facile à éliminer par sa matité et
l’évacuation spontanée ou provoquée par cathétérisme de la vessie - qui est de bonne règle au
début de tout examen abdominal. Cette voussure est en principe sonore, voire tympanique, et
donne au palper une sensation de tension à plein, d’élasticité gazeuse comparée à celle d’un
cylindre membraneux rempli d’air. Si, par ailleurs, elle reste immobile sous la main qui palpe, on
est en présence de ce qu’il est classique de considérer comme un des meilleurs signes d’occlusion,
et ajoutons de strangulation: le signe de von Wahl. En pratique, le ballon symptôme localisé est
bien rarement rencontré.

Le ballonnement le plus habituellement observé est en effet, sans conteste, représenté par une
distension diffuse, soulevant de façon plus ou moins accentuée la paroi abdominale, et proche de
celle que pourrait donner une ascite.

C’est pourquoi la percussion est essentielle pour déceler la présence d’une sonorité. Percussion
qui devra être faite également si possible dans la région lombaire sur le malade assis, où
l’existence de sonorité doit être nette. La coexistence d’une occlusion et d’une ascite (météorisme
central sonore, matité des flancs) rend d’ailleurs parfois le diagnostic difficile, et la fausse ascite
réalisée par l’épanchement liquidien massif, stocké, le cas échéant, dans quelques anses, peut
encore compliquer le problème.
103

Pour diffus qu’il soit, un tel ballonnement n’est pas toujours symétrique, ce qu’est régulièrement
un épanchement liquidien. L’asymétrie avec météorisme électif dans la fosse iliaque droite n’est
pas rare dans les obstructions coliques lors de distension caecale prédominante.

Là où le météorisme prend une valeur significative de premier ordre, c’est lorsqu’il est
accompagné de péristaltisme. Que celui-ci soit visible sous forme d’ondes de reptation dont on
guettera l’apparition, ou perceptible à la main sous forme d’un durcissement intermittent, qu’il
soit spontané ou délenché par des chiquenaudes sur la paroi abdominale, il reste le meilleur des
signes physiques d’occlusion, un des plus fréquents aussi. Il affirme, en principe, l’obstruction,
mais les observations ne se comptent plus où on l’a vu coexister avec un volvulus (colique ou
grêle) à la période initiale de son évolution. Immobile, le météorisme diffus a moins de valeur
significative.

L’auscultation de l’abdomen, qu’on omet trop souvent de pratiquer, peut apporter un appoint
essentiel au diagnostic. Il n’y a guère d’obturation avec météorisme, qui ne soit le siège de bruits
hydro-aériques se succédant à intervalles plus ou moins réguliers, avec glouglou de filtration,
parfois. Le silence évoquera soit une strangulation, dont l’urgence est extrême, soit une occlusion
paralytique, dont l’urgence est moindre.

Il s’en faut de beaucoup que tout ventre d’occlusion soit le siège d’un météorisme appréciable.
Dans beaucoup d’observations d’occlusions, l’absence de toute distension abdominale est en effet
affirmée sans ambage, sans doute faut-il compter ici avec les météorismes non perçus, faute
d’examen assez attentif, chez les malades obèses ou à paroi très musclée, ou faute d’interpréter au
toucher rectal une sensation très spéciale de comblement du Douglas, répondant à un ballon plus
pelvien qu’abdominal.

Ces circonstances mises à part, il est sans conteste relativement fréquent de se trouver en face
dans les phases initiales du syndrome tout au moins, d’occlusions à ventre plat, et pour cause,
puisque l’intestin lui-même n’est pas distendu.

Au lieu d’être déconcerté, ou malencontreusement rassuré par cette constatation, on doit


rechercher s’il n’existe pas alors des signes dénonciateurs de souffrance d’une anse intestinale.En
effet, à peine pris au piège d’un volvulus, ou d’un étranglement interne, l’intestin peut trahir sa
souffrance par deux signes de valeur: L’existence, d’une part, en un secteur limité de la cavité
abdominale, d’une douleur précise éveillée par un palper profond, exagérée parfois à la
décompression subite, et qui évoque la douleur du collet bien classique des étranglements
herniaires; l’existence, d’autre part, en regard de cette zone douloureuse, d’un certain degré de
défense pariétale qui peut avoir attiré l’attention de la main qui palpe.

Il n’est pas impossible que, malgré la défense, celle-ci perçoive plus ou moins confusément,
également dans la profondeur,une tuméfaction: boudin d’invagination, ou anse volvulée? En tout
état de cause, loin de faire rejeter l’occlusion, c’est aux plus graves d’entre elles que ces signes de
souffrance viscérale doivent faire songer. Il faut les considérer comme plus alarmants qu’un
météorisme précis.

C’est une constatation plus troublante encore, lorsqu’on pense dès l’interrogatoire se trouver
devant un syndrome occlusif, que celle d’une véritable contracture pariétale, d’un ventre de bois.
On a très judicieusement attiré récemment l’attention sur ce point et montré qu’une telle
éventualité est loin d’être exceptionnelle dans les volvulus d’emblée très serrés du grêle en
particulier. Quoi de surprenant à cela, d’ailleurs, si on réfléchit à l’importance de l’irritation
péritonéale que peut entrainer la torsion brusque du mésentère et du grêle, sa congestion aiguë,
son sphacèle vite menacant et l’épanchement ascitique séro-sanglant qui les accompagne ? A la
104

souffrance extrême de l’anse occluse répond ici alors, plus qu’une douleur localisée et qu’une
défense segmentaire, une contracture vraie sans météorisme. Signe d’alarme entre tous, elle fera
souvent prononcer d’abord le mot de péritonite par perforation d’un viscère creux, jusqu’à ce que
l’absence de pneumopéritoine sur la radiographie en fasse douter.

L’examen physique d’un malade suspect d’occlusion n’est pas terminé, tant que n’a pas été
effectuée la révision minutieuse des orifices herniaires, non seulement de ceux de la région
inguinale, mais aussi de ceux de la région crurale et obturatrice.

S’il n’a pas déjà été pratiqué, un toucher rectal et, le cas échéant, vaginal sera fait. L’ampoule
rectale est –elle vide ou pleine ? Le Douglas est-il libre ou comblé ? Sent-on directement une
néoformation rectale ou, à travers la paroi rectale, une néoformation sans doute sigmoïdienne, le
doigt revient-il souillé de sang ? L’appareil génital féminin paraît-il normal? Ou pathologique?
Autant de questions dont les réponses peuvent étayer un diagnostic.

Le rétentissement général d’une occlusion se mesure avant tout au pouls, au facies, à la diurèse. Si
ces éléments restent normaux ou presque, on peut dire le retentissement général nul. Si le facies
est anxieux, les traits tirés, le pouls petit et rapide, la tension basse ou effondrée, la diurèse vite
ralentie, on peut dire le shock imminent, la déshydratation certaine.

Soulignons qu’entre un état général peu modifié et un état brusquement alarmant, le temps peut
être court.

Retenons qu’avec un pouls parfait, un facies rassurant, le malade a parfois une strangulation dont
il peut mourir rapidement par péritonite si on ne la traite pas vite.

Lorsque l’occlusion est abandonnée à elle-même, le delai dans lequel survient la mort est variable
de deux jours à une semaine. Le siège de l’occlusion, son type, l’âge et l’état général du malade
sont autant de facteurs conditionnant cette évolution.

Au stade terminal, toutes les occlusions se ressemblent. L’arrêt des matières et des gaz est absolu,
les vomissements souvent fécaloïdes confirment malgré l’habituelle atténuation des douleurs, la
gravité du pronostic. Le ballonnement est devenu considérable, et l’abdomen tendu, tympanique.
L’altération du facies (yeux excavés), l’oligurie voisinan l’anurie, la dyspnée (les complications
pulmonaires sont fréquentes) annoncent l’imminence du collapsus. Mais l’agonisant, couvert de
sueurs froides, souvent atteint de hoquet garde parfois une lucidité parfaite.

S’il survient une perforation diastatique, ou le sphacèle d’une anse, la péritonite ajoute ses traits à
l’occlusion, la température s’élève (39º, 40 º), l’abdomen devient douloureux dans son ensemble
et se défend plus ou moins intensément. C’est alors qu’on découvre à la radiographie un pneumo-
péritoine, et que parfois des ombres pariéto-coliques, pelviennes, entre les anses, attestent
l’épanchement purulent intrapéritonéal de la péritonite confirmée.

LE DIAGNOSTIC RADIOLOGIQUE

L’examen radiographique est désormais un des temps essentiels de l’enquête qui doit être menée
lorsqu’on se trouve en face d’un malade suspect d’occlusion.

Il permet, en effet, d’objectiver par des images qu’il faut apprendre à interpréter, la rétention
gazeuse, puis la rétention liquidienne qui lui fait suite, à condition d’être fait dans de bonnes
conditions techniques après transport du malade dans un centre hospitalier.
105

Notions générales et techniques

C’est environ trois à six heures après le début du syndrome occlusif qu’apparaissent les premiers
ballons gazeux (peut-être de meilleure heure dans les obturations que dans les strangulations).
Alors qu’il n’y a aucun ballonnement perceptible, alors qu’il y a encore émission de quelques gaz
(occlusion progressive), des images de rétention aérique ou des niveaux liquides peuvent être
visibles sur les clichés. On admet qu’en moyenne la distension hydro-aérique suit d’une heure la
distension gazeuse isolée.

L’examen doit débuter par une radioscopie de centrage, si possible sur le malade debout, vérifiant
la transparence générale de l’abdomen, et étudiant particulièrement l’étage sus-mésocolique et la
région frontière thoraco-abdominale.

A ce niveau seront vérifiés successivement : la mobilité diaphragmatique, l’aspect général de


l’estomac et de sa poche à air (songer aux dilatations gastriques aiguës spontanées et isolées avec
météorisme simulant l’occlusion, connaître leur image de large opacité diffuse surmontée d’une
calotte gazeuse barrant l’abdomen), la clarté pulmonaire des bases, dont l’obscurcissement peut
être lié à la présence d’une hernie diaphragmatique étranglée, donc occlusive.

La prise de plusieurs clichés sans préparation (5 à 8) de grand format, intéressant toute la cavité
abdominale du pelvis au diaphragme, flancs compris, sera ensuite effectuée. Les clichés les plus
démonstratifs sont en général ceux pris de face, le malade debout; de profil, le malade en
décubitus dorsal; ou encore de face, le malade successivement en décubitus latéral, droit et
gauche, puis en décubitus dorsal, puis ventral. On a suggéré également de prendre parfois une
radiographie sur le malade en position de Trendelenburg, tête en bas, pour accumuler le liquide
endo-intestinal dans les anses sous-diaphragmatiques désormais déclives et permettre alors aux
gaz de se cantonner dans les anses voisines de l’obstacle, susceptible d’être ainsi mieux objectivé
dans certains cas. Cette bascule est à éviter au moindre soupçon de réaction péritonéale associée.

Certaines notions générales sont nécessaires à l’interprétation des images. A moins d’aérophagie
importante, le tube digestif normal ne présente pas de distension gazeuse. A part la poche à air
gastrique, avec son niveau liquide horizontal, n’existent normalement qu’une bulle au genu
superius duodénal, quelques bulles duodénales et termino-iléales, un peu d’aérocolie dans les
zones fixes (ascendant, angles, côlon iliaque gauche).

L’apparition d’images gazeuses claires en d’autres segments, ou d’images hydro-aériques avec


niveau liquide, est donc en principe pathologique. Une seule image hydro-aérique nette, cadrant
avec le contexte clinique, peut même emporter la conviction dans certains cas.

Avant d’émettre une conclusion, on devra toujours chercher à préciser si le malade n’a pas reçu
tout récemment une purge, un lavement (faux niveaux liquides possibles), et s’il n’est pas sous
l’influence de drogues telles qu’atropine, barbituriques, morphine, susceptibles de provoquer un
stockage gazeux endo-intestinal.

Il convient de se rappeler, par ailleurs, que chez le jeune enfant, ainsi que volontiers chez le
vieillard grabataire, des bulles gazeuses avec ou sans niveau liquide sont de constatation banale.
Au moindre doute, l’examen radiographique devra être répété à quelques heures d’intervalle, car,
au début de l’occlusion, la pauvreté des images est fréquente : savoir que l’enquête radiologique,
malgré qu’il y ait occlusion authentique, peut rester muette ou trompeuse (opacité diffuse de
l’abdomen quand la rétention liquidienne l’emporte sur la rétention gazeuse, ou qu’existe une
ascite importante; aspect de pneumo-péritoine lors d’occlusion compliquée de perforation
intestinale) et que le désaccord entre des signes cliniques nets et des signes radiologiques absents
106

peut et doit inciter à la laparotomie exploratrice. Tenir compte, bien entendu, de l’éventuelle
visibilité d’un corps étranger, peut-être migrateur et occlusif : calcul biliaire, bouton métallique
anastomotique.

Les images

Quand il y a occlusion du grêle, en général on se trouve en présence d’images hydro-aériques


ayant l’aspect soit de bulles gazeuses, soit d’arceaux à deux jambages, dessinant un U à concavité
inférieure, soit de cornue (arceau gazeux à extrémité effilée en pointe d’un côté). Ces trois aspects
différents peuvent d’ailleurs se côtoyer sur les films.

Habituellement, ces images hydro-aériques sont multiples, de volume modéré, de siège central ou
abdomino-pelvien, à l’inverse des images coliques périphériques. Certaines peuvent néanmoins
être de grandes dimensions, une anse grêle très dilatée dépassant parfois le double du calibre d’un
côlon normal. Les taches hydro-aériques sont en général indépendantes les unes des autres;
indépendance qui ne signifie d’ailleurs pas anarchie. En effet, sur le malade debout, elles se
superposent habituellement de l’hypochondre gauche à la fosse iliaque droite, simulant des
« tuyau d"orgue », des « terrasses étagées », des « marches d"escalier ».

Quand les anses contiennent peu de liquide et suffisamment de gaz, on peut chercher à repérer
leur niveau par l’étude des valvules conniventes formant plus au niveau du jéjunum, où elles sont
surtout développées : cercles plus ou moins complets perpendiculaires aux parois donnant les
aspects dits de « feuille de fougère », de « barbes de plumes », ou, mieux , de « spires de ressort à
boudin ».

A l’accoutumée, les anses jéjunales sont hautes et horizontales, les anses iléales basses et
verticales. L’accumulation d’un grand nombre de petites bulles peut réaliser un semblant de
damier, témoignant souvent du siège bas de l’obstacle près de la jonction iléo-caecale.

Aux images multiples, habituellement provoquées par la distension des anses en amont de
l’obturation jéjunale ou iléale, s’oppose l’image unique, isolée, d’une anse dilatée, se détachant en
croissant hydro-aérique clair, sur un fond uniformément sombre. De tels aspects n’impliquent en
aucune façon la bénignité de la lésion responsable et doivent faire soupçonner le mécanisme de
strangulation.

Il est impossible d’entrer dans le détail des images atypiques susceptibles d’être rencontrées, telles
que l’aérogastrie isolée des obturations très hautes du grèle, ou que l’opacité en forme de boucle
d’une anse fortement étranglée, exclue du circuit gazeux, et ne renfermant que du liquide
hématique.

Les signes radiologiques d’une occlusion colique ne sont pas essentiellement différents de ceux
observés sur le grêle et ne s’en distinguent que par des nuances.

On rencontre également, lorsqu’il y a obstruction, des images hydro-aériques; celles-ci, d’autant


plus nombreuses (mais guère plus de quatre) que l’obstacle est bas situé, sont faites de vésicules
hydro-aériques en règle volumineuses dans les deux sens, théoriquement plus hautes que larges,
de parois épaisses et de plafond bosselé.

Ces bulles gazeuses surmontent fréquemment une ligne de niveau liquide très longue, pouvant
s’étendre du diaphragme au pelvis, sur les clichés pris de profil, le sujet étant en décubitus latéral.
Si l’obstacle siège sur le transverse, les images sont cantonnées dans l’épigastre et à droite, et
c’est en décubitus latéral qu’apparaît la longue ligne de niveau liquide bloquée dans le côlon droit.
107

D’une façon générale, les images hydro-aériques sont surtout périphériques, ou barrent
transversalement l’abdomen, en se raccordant au dessin général du cadre colique dont sont
reconnaissables, s’ils sont distendus, les segments fixes (angles ascendant et descendant) et le
caecum.

Dans les volvulus coliques, si le volvulus est sigmoïdien, il y a en principe une très large image
hydro-aérique. Elle est en forme de grand arceau, à hauts jambages plus ou moins rapprochés,
dessinant un U à concavité inférireure.

Les lignes horizontales des niveaux liquides sont souvent décalées dans les branches. Si le
volvulus intéresse le caecum, c’est une image gazeuse unique sans jambages, uniforme, le plus
souvent en ectopie gauche haute, à ligne de niveau horizontal qui attire l’attention.

Dans tous ces cas, l’intestin sus-jacent (côlon ou grêle), s’il est distendu, peut, par superposition
de clartés parasites, gêner la lecture des clichés.

L’association occlusion du grêle et occlusion colique n’est pas rare, soit qu’une occlusion colique
retentisse sur le grêle (valvule de Bauhin perméable de bas en haut), soit que le même obstacle
(ou deux obstacles différents) provoque simultanément une occlusion du grêle et une occlusion
colique, soit que, lors d’iléus paralytique, le trouble fonctionnel frappe à égalité tous les étages du
tube intestinal. Dans cette dernière éventualité, il y a une dilatation gazeuse diffuse et importante
de l’intestin sans niveau ou avec niveau modéré, portant en règle sur le grêle et le côlon (parfois
seulement sur le côlon, jamais isolément sur le grêle). Rechercher alors une opacité homogène
avec ou sans niveau liquide témoin d’une péritonite localisée.

Malgré les caractères distinctifs précités, il n’est pas toujours possible, au vu de ces différentes
images, d’affirmer le siège de l’occlusion sur le grêle ou le côlon. Pour résoudre le problème, on
administrera un lavemnt baryté. S’il injecte rapidement, sans difficulté, en totalité, le cadre
colique et le dessine en encerclant les zones hydro-aériques suspectes : l’occlusion est sur le grêle.
Le refoulement vers le haut du transverse, son trajet en courbe à concavité inférieure mesurent en
quelque sorte l’importance de la distension jéjuno-iléale.

Si le lavement s’arrête nettement, il y a des chances que là soit l’obstacle, mais ce n’est pas une
certitude. Un arrêt n’a toute sa valeur que s’il y a rétro-dilatation sus-jacente associée. Une lésion
du caecum ou du grêle, par exemple, adhérente au sigmoïde, détermine parfois l’arrêt sigmoïdien
trompeur de la colonne barytée. La forme de la tête de la colonne immobilisée sera étudiée avec
soin (amorce de spire dans le volvulus du côlon pelvien, image en cupule, en trident dans
l’invagination, aspect de bouffant de culotte de golf dans les cancers).

Si, enfin, le lavement hésite, s’attarde en un point, le doute persiste aussi. S’agit-il d’un spasme?
D’un défilé réel, mais partiellement perméable ? le mode de remplissage du segment sus-jacent
tout à coup élargi, s’il se fait peu à peu, bosselure par bosselure, lac par lac (effet de gouttière)
dans un côlon dilaté, la densité faible de l’image colique (la sténose ne laissant que filtrer
faiblement la baryte) sont en faveur de cette dernière hypothèse.

En résumé, si l’injection parfaite du cadre colique permet d’affirmer le siège sur le grêle de
l’occlusion, son injection imparfaite, incomplète, n’autorise aucune occlusion formelle, et c’est en
se référant aux autres caractères radiologiques, au contexte clinique, qu’on résout le problème.

En dépit de toute la documentation clinique et radiologique, recueillie, il arrive que la certitude de


l’existence d’un état occlusif ne puisse être affirmée. Dans ces cas, la surveillance du malade dans
les heures et les jours qui suivent permettra parfois de trancher le débat, et l’intérêt d’examens
108

radiologiques répétés ne saurait être trop souligné. Voit-on en effet, un blocage aéro-liquidien
discutable s’aggraver sur les films, c’est que l’occlusion se confirme, se complète. Voit-on , au
contraire, les gaz se débloquer, s’éparpiller dans le côlon qui en était privé plus ou moins, voilà un
élément favorable qui permet l’espoir d’éviter l’intervention.

LES GRANDS SYNDROMES

Les symptômes cliniques et radiologiques disparatas sur lesquels on se base pour poser le
diagnostic positif d’occlusion se groupent habituellement en syndromes dont la connaissance
permet de répondre, en face d’un état occlusif, aux questions suivantes : l’occlusion est-elle sur le
grêle ? sur le côlon ? à la fois grêle et colique ? Dépend-elle d’une obturation de la lumière
intestinale ? de la strangulation d’une anse ? de sa paralysie ?

D’une façon générale, les occlusions du grêles ont des signes fonctionnels précis : douleurs
franches, vomissements précoces souvent répétés, arrêt des matières et des gaz encore que ce
dernier symptôme puisse tarder quelque peu à apparaître dans toute sa netteté si l’obstacle est haut
situé, et laisse libre au-dessous de lui un long secteur d’intestin. Elles ont aussi, en règle, un
retentissement général vite manifeste traduit par les modifications du facies, du pouls, de la
tension, de la diurèse.

Leurs signes physiques sont, par contre, dans l’ensemble discrets. S’il existe un météorisme, il est
pratiquement toujours modéré qu’il soit diffus, plutôt central, ou localisé (ballon tympanique de
von Wahl). Il n’est pas rare que tout météorisme soit absent et le ventrelat. Il peut exister
paradoxalement une défense pariétale douloureuse, tantôt localisée, tantôt diffuse, simulant une
perforation viscérale.

Sur les films, les images les plus démonstratives sont les bulles hydro-aériques, multiples, à
niveaux liquides étagés, de dimensions réduites, encadrées par un côlon perméable au lavement
baryté. Mais un arceau hydro-aérique solitaire retiendra tout autant l’attention.

Les occlusions du côlon ont schématiquement une allure plus subaiguë : tension douloureuse
progressive tardifs remplacés au début par des nausées, arrêt souvent très rapide et absolu des
matières et des gaz, pas de retentissement général précoce. Mais, à l’opposé de ces manifestations
fonctionnelles atténuées et générales quasi absentes, existent en règle des signes physiques nets :
important météorisme, diffus et en cadre, ou localisé, provoquant une asymétrie abdominale.

Sur les films, les images hydro-aériques sont dans l’ensemble de grandes dimensions; si elles sont
multiples, elles ne sont jamais très nombreuses (guère plus de quatre). Ici aussi un ballon aéro-
liquidien unique peut avoir une nette signification. L’arrêt du lavement baryté est fréquent (non
constant), tenir compte de son siège, de l’aspect de la tête de la colonne de baryté.

Il ne s’agit là bien entendu que de notions très générales sans caractère d’absolu. On connait, en
effet, les occlusions subaiguës du grêle, suraiguës du côlon; les occlusions mixtes à la fois grêle et
colique; association d’une occlusion du grêle et du côlon, sous l’influence d’un même mécanisme,
ou de deux obstacles différents.

Les syndrome d’obturation (que celle-ci siège sur le grêle ou sur le côlon) a pour caractéristique
les traits suivants :
- Début assez progressif des accidents douloureux qui vont se répéter à intervalles plus ou
moins proches et n’évoluent pas d’une seule tenue, fréquence relative dans les antécédents
de crises de coliques intermittentes, terminées par émission de gaz (syndrome de Koenig
des sténoses progressives de l’intestin), altération sans doute moins soudaine de l’état
109

général, encore que celle-ci soit surtout fonction du siège en hauteur de l’obstacle.
Météorisme habituel plus souvent diffus que localisé, en cadre dans les occlusions
coliques, central dans les occlusions du grêle, animé des contractions péristaltiques
spontanées ou aisément provoquées. Elément majeur du diagnostic à l’auscultation : bruits
de glouglou, particulièrement nets dans les syndromes d’occlusion où l’intestin lutte. A la
radiographie, la multiplicité des niveaux liquides étagés plaide pour l’obstruction.

Les syndrome de strangulation a toujours un caractère assez dramatique, en opposition avec le


précédent : début brusque, douleur très vive, évoluant d’un seul tenant avec paroxysmes éventuels
surajoutés, obligeant parfois le malade à se plier en deux en décubitus latéral : retentissement
général précoce, en particulier dans les strangulations hautes du grêle, avec état de shock extrême
éventuellement. Signes physiques éminemment variables : habituellement très important
météorisme localisé, donnant une asymétrie du profil abdominal dans les strangulations coliques,
souvent aucun météorisme dans les strangulations du grêle, mais, bien au contraire : ventre plat,
avec défense localisée, ou ventre en bateau contracturé, attestant la réaction pariéto-péritonéale à
la souffrance de l’anse. En tout cas, en règle quand il y a météorisme lors d’un étranglement du
grêle, c’est un météorisme discret, localisé, hypertympanique (signe de von Wahl). En principe :
pas de péristaltisme; silence anormal à l’auscultation de l’abdomen. Sur les films, l’image d’un
ballon hydro-aérique unique, isolé, est en faveur d’une strangulation, mais elle peut aller de pair
avec des niveaux multiples étagés dans l’intestin en amont de l’obstacle.

L’existence d’une élévation discrète de la température aux environs de 38º et de la leucocytose est
donnée aussi comme un signe en faveur de l’étranglement ou du volvulus.

Le syndrome d’iléus paralytique est peut-être de tous les moins douloureux, le plus discret quant à
sa symptomatologie fonctionnelle. Il faut insister sur l’importance habituelle du météorisme qui le
traduit (il s’agit presque toujours d’une paralysie frappant le côlon et le grêle simultanément), sur
son immobilité rigoureuse (pas de péristaltisme), sur le relatif silence à l’auscultation.

Sur les films : dispersion de la rétention hydro-aérique, sur le côlon et le grêle : parfois rétention
essentiellement gazeuse.

On sait avec quel soin toute occlusion d’apparence paralytique doit faire rechercher un foyer
inflammatoire latent : douleur élective en un secteur de la cavité abdominale, perception d’un
empâtement au palper et au toucher, leucocytose élevée. Tels sont les grands syndromes occlusifs.

Rappelons que, grosso modo, l’occlusion du grêle est plus souvent par strangulation ou striction
que par obturation; l’occlusion du côlon, à l’inverse, plus souvent par obturation que par
strangulation.

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DE L’OCCLUSION

Les perfectionnements apportés à l’étude clinique et radiologique de l’occlusion mettent


de plus en plus à l’abri des erreurs classiques :
- Qualifier syndrome médical banal (embarras gastrique, crise biliaire, néphrétique,
entérocolitique, urémie digestive) une occlusion authentique;
- Affirmer l’existence certaine d’une occlusion là où évoluent seulement une affection médicale
ou chirurgicale pseudo-occlusive.
- Combinée à la clinique, la radiographie systématique de tout syndrome abdominal douloureux,
tant soit peu suspect, évitera habituellement de méconnaître une vraie occlusion. Seules risquent
d’échapper les occlusions hautes, sans ballonnement, mais elles ont le plus souvent des signes
fonctionnels alarmants et ne sont pratiquement jamais à la fois cliniquement et radiologiquement
110

muettes. Rappelons à ce propos que la constatation sur un cliché d’une anse isolée distendue à
contenu aérique ou hydro-aérique peut suffire, corroborée au contexte clinique, à décider une
intervention.

La radiographie permettra aussi d’éviter avec certitude de déclarer atteint d’occlusion un


malade à l’abdomen distendu par une ascite aiguë, par une tumeur abdominale kystique en
poussée, par un mégacôlon sans réel arrêt du transit. Certains pseudo-météorismes chez des
femmes gravides ou ayant eu plusieurs grossesses, chez des sujets obèses à sangle abdominale
relâchée, ne prêteront plus au doute une fois passés au crible de l’examen radiographique. Les
fausses occlusions des simulateurs projetant leur abdomen en avant en bloquant leur diaphragme
s’accompagnent à la radioscopie d’une immobilité des coupoles bien significatives. (Leur
météorisme s’affaisse au surplus d’un seul coup sous anesthésie).

La dilatation gastro-duodénale aiguë spontanée n’est, à tout prendre, qu’une occlusion


haute, mécanique ou fonctionnelle, de la partie initiale du tractus. Elle ne rentre cependant pas
dans le cadre de l’occlusion intestinale, qu’elle simule par sa douleur aiguë, ses vomissements, sa
précoce altération de l'état général et son météorisme vite surprenant, et volontiers asymétrique.
Le fait qu’elle survient surtout après un repas trop copieux, chez un sujet famélique ou chez un
opéré récent, n’est pas un argument formel. C’est encore sur les clichés et à la radioscopie qu’on
en fera le diagnostic à la vue d’un estomac énorme contenant un seul niveau liquide horizontal,
barrant largement la cavité abdominale, surmonté d’une poche à air sous – phrénique gauche.
L’aspiration gastrique affaissant le météorisme est à la fois un test diagnostique et le procédé
thérapeutique d’élection.

Les problèmes qui ont le plus de chance de rester encore en suspens sont ceux posés par
les multiples variétés pseudo-occlusives de certaines affections médicales ou chirurgicales, qui à
leurs signes cliniques, ajoutent volontiers des signes radiographiques d’occlusion réflexe, diffus et
modérés, sans doute, mais quand même troublants.

Au nombre de ces affections, figure, en premier chef, la colique néphrétique, pour laquelle
on saura rechercher l’hématurie macro ou microscopique et surtout demander des clichés sans
préparation à la recherche de l’ombre révélatrice d’un calcul sur le trajet pyélo-urétéral, ou, mieux
encore, une urographie d’urgence. L’absence d’apparition unilatérale de l’image pyélo-calicielle
dans les délais habituels étant un argument considérable en faveur d’une colique néphrétique.

Même éventualité pour certaines coliques hépatiques ou poussées de cholécystite


calculeuse volontiers occlusive chez le vieillard, si les calculs biliaires ne sont pas visibles. On
peut en rapprocher les syndromes occlusifs satellites des appendicites des sujets âgés, des
salpingites, des sigmoïdites inflammatoires non sténosantes, de quelques affections pulmonaires
aiguës décelées parfois par l’immobilité d’un hémidiaphragme, l’absence de clarté d’une base
pulmonaire.

Enfin, chez la femme, les torsions d’annexes, la rupture d’une grossesse extra-utérine,
chez tous, la pancréatite aiguë hémorragique et l’infarctus intestinal (longtemps considéré comme
une occlusion de mécanisme particulier) peuvent simuler de très près l’occlusion suraiguë.
L’existence de signes cliniques et radiologiques propres à chacune de ces affections, le fait que
l’élément occlusif y passe dans l’ensemble au second plan, le secours de certains examens de
laboratoire (valeur d’une amylasémie élevée en faveur d’une pancréatite aiguë hémorragique)
feront parfois rectifier un diagnostic erroné au départ. Parfois encore, seule l’intervention
apportera la certitude. On ne regrettera pas d’y avoir eu recours dans ces cas chirurgicaux, où elle
est, sauf peut-être en cas de pancréatite, nécessaire.
111

Quant au diagnostic différentiel classique entre la péritonite et l’occlusion, répétons qu’il


ne se pose guère qu’au stade d’occlusion confirmée. A ce moment, d’ailleurs, la péritonite
s’ajoute habituellement à l’occlusion, de même que l’occlusion complique la péritonite à sa phase
terminale. Il est souvent impossible de dire lequel l’emporte et a précédé l’autre. Débat sans
intérêt puisqu’il faut de toute évidence opérer.

Cependant, différencier une péritonite progressive d’une occlusion paralytique et fébrile,


développée au voisinage d’un foyer inflammatoire, secondaire ou non à une laparotomie, peut être
important. Dans l’un et l’autre des cas, il y a dispersion au côlon et au grêle des signes
radiologiques, ballonnement progressif, vomissements, arrêt du transit. C’est sur l’intensité, la
diffusion ou la limitation de la défense et de l’hyperesthésie pariétale qu’on jugera habituellement,
ainsi que sur les résultats d’un traitement médical bien conduit (aspiration, réanimation,
antibiotiques) : l’échec de celui-ci rendant suspect le diagnostic d’occlusion, probable celui de
péritonite. Débat capital, puisque, dans un cas (occlusion inflammatoire), la laparotomie est
souvent une erreur, alors qu’elle est indispensable s’il y a péritonite.

DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE

Le diagnostic étiologique d’une occlusion est parfois évident au terme de l’examen


clinique et radiologique. Dans le cas contraire, une enquête étiologique complémentaire est
nécessaire. Pour qu’elle porte ses fruits, il est toujours très utile de tenir compte de l’âge du
malade examiné : chaque étape de l’existence ayant ses causes électives d’occlusion.

Occlusion du nouveau-né et nourrisson

Chez le nouveau-né, on doit savoir que le syndrome clinique d’occlusion est souvent
décapité par l’absence fréquente de l’arrêt du transit et du météorisme, et que les vomissements
constituent le meilleur syndrome d’alarme.

Dès que l’occlusion est soupçonnée, il faut en chercher la cause dans une malformation
congénitale. Elle peut être ano-rectale : imperforation ano-rectale dont nous verrons les variétés
au chapitre qui lui est consacré. Elle peut être colique par mégacôlon congénital d’emblée
occlusif, exceptionnellement par aplasie colique plus ou moins étendue. Intérêt de l’examen local,
inspection de la région ano-rectale, toucher rectal, et de l’exploration radiologique avec lavement
baryté très fluide. Le plus souvent, l’origine des accidents occlusifs se situe au niveau du grêle, et
on doit penser alors aux atrésies régionales ou aux sténoses congénitales frappant le duodénum, le
jéjunum ou l’iléon, et dont les signes radiologiques sont souvent précis.

L’iléus méconial (méconium demeurant comme de la colle, adhérent aux parois du grêle et
l’oblitérant faute de sécrétion pancréatique active) relève d’un mécanisme singulier. Il faut
compter aussi avec les accidents de volvulus précoces, liés à la présence d’un mésentère commun;
avec l’existence éventuelle d’une duplication intestinale segmentaire fermée, aboutissant à la
constitution d’un entéro-kystome occlusif.

Il existe, chez le nouveau-né, d’exceptionnelles occlusions fonctionnelles associant


habituellement vomissements, météorisme, niveaux liquides radiologiques, à une diarrhée
paradoxale – et allant souvent de pair avec une infection parentérale : ombilicale, pulmonaire,
otomastoïdienne. On n’y pensera qu’en dernière analyse.

Chez le nourrisson, l’occlusion survenant au terme d’une longue période de constipation,


avec météorisme monstrueux parfois, est aisément rattachée au mégacôlon et aux fécalomes durs
qui encombrent la lumière colique. Il s’agit, en règle, d’un mégacôlon essentiel (Hirschsprung),
112

mais parfois aussi d’un mégacôlon secondaire à une malformation congénitale ano-rectale non
reconnue à la naissance (étroit abouchement rectal anormal, entéro-vaginal en général).

La survenue brusque en pleine santé d’une crise d’occlusion aiguë a, par contre, toutes
chances d’être liée à une invagination iléo-caecale, ou iléo-colique. Les présomptions peuvent se
transformer en certitude si coexistent : signes d’occlusion et d’hémorragie intestinale, signes
d’occlusion et boudin perceptible, ou image radiologique démonstrative lors de l’administration
d’un lavement baryté.

Si l’occlusion est reconnue être le grêle (côlon parfaitement perméable à la radiographie),


elle peut être due aussi à une invagination, mais également à d’autres causes parmi lesquelles
citons : le volvulus (rôle éventuel d’un mésentère commun), les brides, les duplications enkystées
(entérokystome comprimant l’intestin).

Il existe enfin chez le nourrisson des iléus fonctionnels (spasmes purs) avec météorisme
souvent important, susceptibles de céder à un traitement médical (aspiration par tube nasal,
compensation hydro-électrolytique). Dans le doute, on dispose souvent de quelques heures pour
faire la preuve de l’échec ou du succès de cette thérapeutique.

Occlusions de l’enfance

Dans l’enfance, jusqu’à l’âge adulte, le problème du diagnostic étiologique devient


infiniment plus complexe. Néanmoins, dans l’écheveau des causes dont l’occlusion peut
dépendre, il est classique de retenir, en raison de la fréquence à cet âge, plusieurs hypothèses.

N’y a-t-il pas invagination aiguë ? – La preuve peut en être formellement donnée s’il y a,
comme chez le nourrisson, occlusion avec hémorragie ou boudin, ou radiographie évocatrice.

N’y a-t-il pas, à l’origine de l’occlusion, une inflammation appendiculaire ou du


diverticule de Meckel ? – La preuve ici est difficile à apporter. Si, cependant, il y a occlusion
fébrile et plastron iliaque perceptible, l’hypothèse est vraisemblable. S’il y a occlusion fébrile sans
plastron, on doit tenir compte d’une douleur élective, d’une défense en un point. L’existence dans
les antécédents plus ou moins lointains d’une hémorragie intestinale, d’une anomalie ombilicale
(fistule ou kyste), est un bon argument pour établir l’origine meckélienne des accidents.

Une autre supposition qu’il faut faire dans la seconde enfance est celle d’une tuberculose
intestinale avec ou sans participation péritonéale. Pour l’étayer, on cherchera l’existence
éventuelle d’antécédents pulmonaires, ganglionnaires, d’une masse perceptible au palper ou au
toucher. Si la responsabilité de ces différentes causes ne peut être prouvée, si l’interrogatoire ne
permet pas de suspecter l’arrêt dans le grêle d’un corps étranger dégluti (amas pileux,
trichobézoard) ou amas d’origine vermineuse, s’il n’existe aucune manifestation clinique
particulière orientant les soupçons (cicatrice abdominale ancienne, tumeur palpable), il reste à
procéder par déduction, comme chez l’adulte.

Occlusions aux âges avancés

Aux âges avancés, il n’est pas rare que l’on puisse affirmer avec certitude la cause d’un
syndrome occlusif.

Le volvulus du côlon pelvien, quoiqu’on puisse l’observer à tout âge, est plus fréquent
après cinquante ans. Il est une des occlusions dont on a le plus de chance de faire le diagnostic
exact, car, à son singulier météorisme oblique et monstrueux, il joint une image radiographique
113

fréquemment caractéristique : immense anse claire à deux jambes réunies à leur pied, au niveau
duquel le lavement baryté objective une spire de torsion démonstrative.

Quand le côlon est parfaitement perméable, le siège sur le grêle de l’occlusion est certain.
On peut rencontrer, chez l’homme âgé, les mêmes causes d’occlusion du grêle que chez l’adulte.
Il faut penser ici plus particulièrement à l’iléus biliaire. Son histoire est souvent évocatrice si on
sait l’analyser : déclenchement douloureux en deux étapes (l’une plus ou moins lointaine :
constitution d’une fistule cholécysto-duodénale; l’autre plus proche : migration du calcul
vésiculaire dans le grêle) ; antécédents possibles de lithiase vésiculaire; évolution par poussées
des accidents occlusifs actuels; et enfin, signes décisifs mais rares : perception directe au palper
abdominal, au toucher rectal ou vaginal, d’un calcul chez une malade maigre; visibilité
radiologique de son ombre ou d’un pneumo-cholédoque (colonne claire sous-hépatique bifurquée
en haut). S’il y a de la température, l’appendicite, plus rarement la cholécystite, toutes deux si
volontiers occlusives chez le vieillard, et ceci qu’il y ait ou non plastron perceptible, seront
évoquées. En l’absence de signes en faveur de ces affections, on cherchera à déduire la cause en
raisonnant comme chez l’adulte.

Occlusions de l’adulte.

Le diagnostic d’occlusion chez l’adulte a parfois l’évidence que nous avons rencontrée
aux âges extrêmes de la vie, car il peut procéder des mêmes causes. Guère d’hésitations permises
devant les signes cliniques et radiologiques d’un volvulus pelvien, d’un iléus biliaire à calcul
visible et pneumo-cholédoque apparent, d’une invagination, d’une tumeur intestinale. Pas
d’hésitation non plus si on découvre les symptômes d’une carcinose péritonéale diffuse, ou d’une
tuberculose.

La perception d’une hernie, celle d’une tumeur abdominale ou pelvienne retiendront


l’attention, mais il faut signaler qu’il n’y a pas fatalement de cause à effet entre l’occlusion et ces
lésions.

L’expérience a prouvé que l’occlusion chez une malade porteuse d’un gros fibrome
abdomino-pelvien était exceptionnellement liée au fibrome (sauf s’il est calcifié) et relevait
pratiquement toujours d’une autre cause associée : tumeur colique surtout.

S’il y a cicatrice abdominale, ou thoraco-abdominale, d’une intervention ancienne, il est


logique de présumer l’existence d’une occlusion post-opératoire tardive, si souvent liée à une
bride ou à un étranglement interne (penser à la hernie diaphragmatique étranglée), à moins qu’il
n’existe au palper abdominal et au toucher une masse dure bloquant le pelvien, témoignant de la
récidive d’un néoplasme (utérin ou intestinal) autrefois opéré. Dans ce dernier cas, l’occlusion
post-opératoire tardive a plus de chance d’être par obturation que par striction.

La coexistence d’un syndrome d’occlusion et d’une poussée fébrile évoque aussitôt


l’occlusion inflammatoire (nous en avons vu les signes théoriquement distinctifs). L’examen doit
alors comporter la recherche minutieuse d’un foyer de suppuration : plastron sous-hépatique,
iliaque droit, sus-pubien, pelvien, et de la leucocytose. Se rappeler qu’une simple crise
d’appendicite, de diverticulite sans plastron, peut être occlusive et réclamer d’emblée l’inter-
vention d’appendicectomie, de diverticulectomie, en raison de son double danger (péritonéal et
occlusif). Chercher les signes propres à chacune d’elles.

Toutes ces éventualités analysées, il reste que, dans un grand nombre de cas, la cause de
l’occlusion semble échapper à la première analyse.
114

Il faut alors reprendre l’examen à son début et s’attacher à distinguer ce qui est en faveur
d’une occlusion du grêle ou du côlon, ce qui est en faveur d’une strangulation, ou d’une
obturation.

Des signes certains de strangulation inciteront à rechercher ceux propres aux volvulus, aux
étranglements internes (ballon épigastrique médian, par refoulement de l’estomac en avant, dans
les cas de hernie de l’hiatus de Winslow; masse pâteuse et douloureuse du flanc droit, lors de la
hernie rétro-caecale), aux invaginations (en particulier hémorragie intestinale au toucher rectal).

Des signes certains d’obturation incitent à scruter les antécédents plus ou moins lointains;
terrain tuberculeux, amaigrissement récent et hémorragie intestinale liée au développement d’un
néoplasme; notions de parasitose intestinale, d’ingestion alimentaire massive toute récente
(carottes, figues).

Un problème très particulier est posé par les occlusions post-opératoires. Il va sans dire
que, bien souvent, la cause et le mécanisme exacts de l’occlusion ne sont découverts qu’au
moment de la laparotomie. Ce n’est cependant pas un vain jeu de l’esprit que de vouloir les
préciser d’avance, car une occlusion dont on connaît la genèse a plus de chances d’être
correctement traitée.

Si elles sont très précoces, les occlusions post-opératoires sont pratiquement toujours
mécaniques; l’étranglement interne dans une brèche créée par l’opération en est la cause
habituelle.

Bien entendu, il faut éliminer, avant de conclure, deux diagnostics différentiels : la


dilatation gastrique aiguë et la simple rétention gazeuse, conditionnée par le trouble qu’apporte
toute intervention à la dynamique intestinale. Dans ces deux cas, l’aspiration duodénale ou
gastrique amène vite un soulagement net. La radiographie est souvent d’interprétation difficile,
car des niveaux liquides peuvent persister dans le grêle après une laparotomie sans qu’il y ait
véritable occlusion.

Les occlusions post-opératoires secondaires précoces sont presque toujours mixtes et


inflammatoires, et plus paralytiques que mécaniques. Les occlusions tardives sont, comme les très
précoces, mécaniques.

Ce sont, en pratique, nous l’avons déjà vu, des occlusions par brides, sur lesquelles il faut
agir directement, et vite.

Notons cependant que, si des attaques d’occlusions tardives se répètent et nécessitent


plusieurs interventions itératives, elles sont parfois le fait d’une symphyse d’anses par péritonite
plastique et susceptibles éventuellement de céder sans traitement chirurgical (voir Traitement).

TRAITEMENT DE L’OCCLUSION INTESTINALE

Exposer le traitement de l’occlusion intestinale est complexe, car, comme nous l’avons
déjà répété plusieurs fois, s’il n’y a pas une occlusion, mais des occlusions de types divers posant
chacune un problème thérapeutique un peu particulier.

Nous ne tracerons ici que les grandes lignes du traitement des occlusions, réservant
certains détails au chapitre traitant à part chaque grande cause d’occlusion : volvulus, invagination
ou strangulation du grèle, volvulus colique, caecal ou sigmoïdien, néoplasme du côlon.
115

Malgré les considérables progrès apportés au traitement dit médical des occlusions, il est
incontestable que l’acte opératoire garde la place essentielle, la place de choix. Rares sont, en
effet, les syndromes occlusifs susceptibles de céder à la mise en oeuvre de moyens médicaux. Ils
se résument aux occlusions mixtes fonctionnelles plus que mécaniques (anses simplement
agglutinées), aux occlusions purement spasmodiques ou paralytiques, souvent alors d’origine
inflammatoire, et fréquemment post-opératoires.

Dans l’immense majorité des cas, l’occlusion est mécanique, et seule l’intervention peut la
guérir, soit en supprimant ou contournant l’obstacle, soit en dérivant les matières en amont de lui.
Au fond, le véritable intérêt du traitement médical, c’est d’avoir transformé du tout au tout le
pronostic des occlusions qu’on opère et d’avoir réduit la mortalité dans des proportions
considérables.

Depuis qu’on a compris la nécessité de mettre en oeuvre la thérappeutique dite 'médicale"


aussitôt en face de tout syndrome occlusif intense, en particulier du grêle, et de le continuer
systématiquement plusieurs jours après l’intervention quelle qu’en ait été la modalité,
l’amélioration des statistiques est flagrante. En particulier, les morts par shock au cours ou au
lendemain de l’acte opératoire ont pratiquement disparu.

Après avoir précisé en quoi consiste la thérapeutique médicale des états occlusifs, nous
envisagerons les directives générale qui président au traitement des diverses occlusions et le
schéma des indications opératoires.

TRAITEMENT DIT « MEDICAL » DES OCCLUSIONS

En quoi consiste le traitement médical des occlusions ?

Il comporte quatre éléments essentiels :


1º l’aspiration digestive continue; des sorties liquidiennes journalières et la confrontation
des ingestions (par voies buccale, veineuse, sous-cutanée, rectale) et des pertes mesurées en tenant
compte des vomissements, des liquides aspirés, des urines, de la diarrhée éventuelle, des
évaporations insensibles (sudation , respiration) estimées aux environs de 1000 à 1200, mais
varaibles selon la température du malade et la température extérieure.
2º C’est en connaisance de ces bilans que seront estimées la quantité et la qualité des
liquides à injecter par perfusion intraveineuse, en n’oubliant pas qu’on connaît ainsi les dettes de
la veille, et, non celles du jour même, qu’on ne connaîtra que le lendemain.

Chez l’adulte, plusieurs litres par jour sont habituellement nécessaires. Il n’y a ni dose, ni
solution standard. Le sérum glucosé isotonique que l’on charge de sel à la demande est en
principe préféré au sérum salé isotonique.

Chez le nourrisson, chez l’enfant, on tiendra compte des mêmes données et du poids du
malade. Chez les sujets âgés, on craindra toujours de surcharger malencontreusement le système
cardio-vasculaire et on admettra un certain déficit.

Le calcul du chlorure de sodium à administrer peut être fait selon une règle simple
nécessitant de connaître le poids du sujet. On sait que l’eau entre pour 70 p. 100 dans le poids du
corps humain et que cette eau occupe pour 50 p. 100 le compartiment intra-cellulaire, pour 20 p.
100 (1/5 du poids total) le compartiement extracellulaire. En divisant par cinq le poids du corps,
on aura un chiffre représentant l’eau extracellulaire qui, multiplié par celui du déficit en sel,
calculé en grammes, représentera la quantité nécessaire à l’obtention de l’équilibre.
116

Il n’existe pas de règler comparable pour l’administration du potassium. Celle-ci devra


toujours être prudente, en particulier si l’oligurie est marquée – craindre des accidents d’arrêt
cardiaque.

En principe, la dose limite est de 15 grammes de chlorure de potassium par jour,


représentant environ 5 grammes de potassium.

Pour remédier à la dénutrition également contemporaine d’un état d’occlusion qui se


prolonge, des perfusions d’hydrolysats de protéine, des transfusions (sang ou plasma), des
vitamines seront utilisées.

En ce qui concerne la transfusion, elle a, par ailleurs, une indication d’élection et


d’extrême urgence dans la période pré-opératoire : le shock très marqué, qui accompagne
habituellement les strangulations du grêle. Il est parfois alors nécessaire de la faire massive, voire
intra-artérielle le cas échéant.

3º L’injection d’antibiotiques à hautes doses (ampicilline le plus souvent) représente le


troisième élément indispensable de la thérapeutique, en raison du développement rapide de la
septicité du liquide en rétention et des menaces péritonéales que nous avons vues. On
commencera cette thérapeutique anti-infectieuse dès l’occlusion reconnue, et la continuera
pendant environ cinq jours après l’acte opératoire.

4º L’oxygénothérapie (par voie nasale, ou sous tente) sera également de rigueur.

Répétons que ce traitement parachirurgical de l’occlusion, si perfectionné qu’il soit à


l’heure actuelle, ne dispense pas d’opérer la majorité des états occlusifs. S’il n’est pas niable qu’il
peut guérir certaines occlusions à signes cliniques et radiologiques nets, il n’est pas niable qu’il
risque aussi par son efficacité de faire retarder une intervention indispensable.

Sous aspiration, perfusion dosée, antibiotiques, que de désastres peuvent se préparer à bas
bruit, que de nécrose se faire, que de péritonite s’installe! On ne saurait assez mettre en garde
médecins et chirurgiens contre une telle éventualité, et il faut redire inlassablement que la
thérapeutique médicale des occlusions ne peut et ne doit être tentée qu’en milieu hospitalier, et
sous surveillance chirurgicale rigoureuse; qu’elle ne doit jamais être indûment prolongée, si le
meilleur des critères de la reprise d’un transit normal – le passage spontané des gaz par les voies
naturelles – n’est pas nettement observé.

TRAITEMENT DES OCCLUSIONS MECANIQUES DU GRELE

Aussitôt reconnnues ou fortement soupçonnées, les occlusions mécaniques du grêle


doivent être opérées sans tarder, sous anesthésie générale par inhalation, avec intubation trachéale
facilitée par l’induction au pentothal-curare. L’oxygénothérapie maxima est conseillée.

Certains malades peuvent être opérés d’emblée, tels sont ceux dont l’état de shock est
pratiquement nul, et l’abdomen à peine ou non météorisé. Conditions qui ne sont guère réalisées
que chez les malades vus de très bonne heure.

D’autres doivent bénéficier d’un certain délai toujours court, de préparation, du fait de
leur état de shock ou du météorisme important qu’ils présentent.

Attention, ici une distinction capitale : si le diagnostic de strangulation est posé ou


fortement présumé (ventre plat souvent), on ne dispose que de peu d’heures (deux ou trois) pour
117

traiter le shock, mais il est indispensable de le faire par transfusion qui sera continuée pendant
l’intervention. Le délai étant habituellement insuffisant pour mettre en marche une aspiration
duodénale continue efficace, on se contentera d’une simple aspiration gastrique, qui affaissera du
moins l’estomac. Si, au contraire, c’est au diagnostic d’obturation qu’on s’arrête, outre le
traitement éventuel du shock on installera l’aspiration duodénale. Il faut six heures au moins pour
que, bien conduite, elle ait un rôle net. Elle peut provoquer des affaissements remarquables, mais
souvent elle ne fait qu’atténuer le ballonnement.

La laparotomie médiane large, à cheval sur l’ombilic, est la voie d’abord de choix, sauf
chez le nourrisson et le jeune.

L’exploration du grêle dévidé à la filière est indispensable, car il faut s’assurer qu’il n’y a
pas plusieurs obstacles étagés. Elle oblige parfois à l’éviscération totale. La plus grande douceur
est de mise dans ces manoeuvres et on évitera de laisser les anses extériorisées se refroidir, en les
baignant sous du sérum chaud.

Tantôt l’anse siège de l’occlusion est saine, et on peut supprimer l’obstacle. Ce sont les
bons cas. Cette suppression est parfois très facile. C’est ainsi que, s’il y a occlusion par bride, la
section de la simple bride suffit. S’assurer, avant d’y procéder, que cette bride n’est pas un viscère
creux : appendice, diverticule de Meckel, trompe, auquel cas c’est son ablation et non sa section
qui s’impose.

Un volvulus du grêle sera détordu : brides et volvulus coexistent souvent . Contrôler s’il
n’y a pas volvulus en amont d’une bride parfois lointaine, ou bride au contact ou au pied d’une
torsion.

En cas d’étranglement interne, la désincarcération de l’anse s’impose. Elle n’est délicate


que si l’anneau est en partie vasculaire. Le débridement de l’hiatus de Winslow, par exemple, sera
fait en décollant vers le bas le duodénum qui en est le plancher pour respecter la veine porte et la
veine cave; celui de la fossette paraduodénale, en incisant vers le haut pour éviter l’artère colique
supérieure gauche et la veine mésentérique inférieure. Quant aux invaginations, si elles sont
simples et récentes, leur réduction par expression est souvent facile. S’assurer qu’elle est totale,
qu’il n’y a pas plusieurs boudins étagés.

Il est des cas où la suppression de l’obstacle est plus complexe. Telles sont les occlusions
par brides multiples, par adhérences étagées. Elles peuvent conduire à libérer et dépéritoniser une
grande partie du grêle. Le danger de voir récidiver l’occlusion est alors grand. C’est pour éviter
une telle éventualité qu’on a proposé de réaliser, en terminant l’accolement hiérarchisé des anses
entre elles. Cette plicature totale du grêle, désignée sous le nom d’opération de Noble, ou
plicature mésentérique (opération de Child Philips) sont particulièrement indiquées dans les
occlusions récidivantes.

Les obstructions par corps étranger nécessitent, pour extraire celui-ci, l’ouverture de
l’intestin par entérotomie longitudinale ou transversale, temps septique qui aggrave l’intervention.

Aussi, chaque fois que l’agent occlusif s’arrête non loin du caecum, on devra chercher à le
refouler à travers la valvule de Bauhin, en particulier lors d’iléus alimentaire ou ascaridien, car,
une fois franchie la valvule, le transit dans le côlon et l’issue spontanée par les voies naturelles
sont presque assurés.

Les occlusions par compression du fait d’une tumeur de voisinage ne cèdent souvent qu’à
l’ablation de celle-ci : hystérectomie pour fibrome calcifié, exérèse de tumeur mésentérique.
118

Les sténoses intestinales tumorales ou inflammatoires relèvent d’une résection intestinale


avec anastomose immédiate rétablissant la continuité. En fait, lorsque l’anse a gardé sa vitalité,
cette résection ne s’impose pas de façon absolue, et l’on peut préférer en occlusion aiguë, pour
des motifs techniques, des raisons de résistance générale, établir une dérivation interne par
anastomose entre l’anse sus-jacente et l’anse sous-jacente, ou entre le grêle et le côlon suivant la
hauteur de la lésion.

Il est des cas où l’anse occluse a gardé toute sa vitalité, mais où l’obstacle est
inenlevable : magma inextricable d’anses agglutinées, groupées souvent autour d’un foyer
inflammatoire, banal ou tuberculeux; néoformation maligne du grêle inextirpable avec carcinose
péritonéale, ascite et importante réaction ganglionnaire. La solution la meilleure est ici encore la
dérivation interne.

Il arrive parfois, en cas de lésions échelonnées, que deux courts circuits soient nécessaires.
Il est des cas où l’anse est sphacélée ou en imminence de sphacèle, peu importe alors que
l’obstacle puisse être ou non supprimé, puisqu’on ne peut conserver le segment d’intestin qui en
est porteur. Une réaction intestinale large est indispensable. Elle sera faite en tissus sains, bien
irrigués, et terminée par une anastomose rétablissant d’emblée la continuité. Suivant le degré de
réaction péritonéale (purulente ou putride) on pourra être amené à drainer simultanément la
grande cavité et à y laisser des antibiotiques après toilette méticuleuse. Il y aura toujours intérêt, à
la fin des telles interventions, à pratiquer une dilatation anale pour faciliter l’émission post-
opératoire des gaz.

Autrefois, avant de fermer l’abdomen, la question de l’iléostomie complémentaire se


discutait fréquemment. Ses indications se sont singulièrement réduites depuis que l’on poursuit
systématiquement, pendant plusieurs jours après l’intervention, l’aspiration digestive.

TRAITEMENT DES OCCLUSIONS MECANIQUES DU GROS INTESTIN

Elles offrent souvent des problèmes moins urgents puisque, ici, l’occlusion est toujours
relativement basse et que, sur le côlon, l’obturation est plus fréquente que la strangulation.

1º Le diagnostic ferme de strangulation (volvulus du côlon pelvien et du caecum) est


souvent posé, car le tableau clinique et radiologique est très particulier. Il implique en principe,
une décision opératoire précoce et un abord large par laparotomie médiane. Dans le volvulus du
côlon pelvien vu tôt, certains auteurs préconisent cependant un traitement parachirurgical un peu
spécial : l’évacuation des matières et des gaz en rétention dans l’anse volvulée par introduction
sous rectoscopie dans cette anse d’une longue sonde poussée à travers l’orifice anal. Cet artifice,
s’il réussit à affaisser l’anse et à la détendre, permet d’envisager une colectomie secondaire à
froid, sur un malade préparé par antibiotiques.

Quand on intervient d’urgence, si l’anse est saine, la détorsion complétée ou non par
colopéxie peut suffire à droite, mais certains préfèrent, si les conditions générales sont
satisfaisantes, l’hémicolectomie droite d’emblée.

A gauche, la détorsion simple laisse en place un sac énorme qui a tellement tendance à se
volvuler à nouveau qu’on aura bien souvent avantage à en faire aussitôt la résection. Celle-ci sera
terminée en général par la mise à la peau en canon de fusil des deux extrémités coliques. La
continuité devra être rétablie dans un temps ultérieur, deux à trois mois après. Son rétablissement
immédiat par anastomose colo-colique d’emblée a pu être exécuté avec succès, mais n’est guère
acceptable que si on peut l’extrapéritoniser aisément.
119

Si l’anse est sphacélée, la résection immédiate est obligatoire : hémicolectomie droite pour
les volvulus caeco-coliques, avec anastomose iléo-transverse d’emblée; colectomie gauche
segmentaire à la demande des lésions avec, ici, abouchement cutané systématique des deux
extrémités de la zone réséquée, pour les volvulus sigmoïdiens.

Il y a d’autres causes d’étranglement, beaucoup plus rares : invagination, incarcération. On


leur appliquera les mêmes principes généraux en se souvenant que, si une résection du grêle ou de
l’hémicôlon droit doit être terminée en règle par une anastomose immédiate, celles du côlon
transverse ou gauche doivent l’être habituellement par la mise à la peau des extrémités coliques en
anus artificiel temporaire.

2º Quand le diagnostic ferme d’obturation est posé (occlusion par cancer du gros intestin,
par exemple), il a été longtemps classique de répéter en leitmotiv, qu’il faut faire le minimum,
c’est-à-dire, par une incision pariétale latérale et limitée, souvent sous anesthésie locale, la
dérivation en amont de l’obstacle. Le choix était alors à faire suivant le siège de celui-ci, entre
l’anus iliaque gauche sigmoïdien, l’anus transverse droit ou gauche et l’anus caecal.

Il est admis aujourd’hui que cette chirurgie sans visibilité directe de la lésion expose à trop
de déboires pour qu’on puisse l’ériger en dogme formel. Elle expose en effet à méconnaître un
volvulus colique à symptomatologie clinique ou radiologique trompeuse, à méconnaitre une
occlusion du grêle associée à une authentique occlusion colique (anse jéjunale ou iléale adhérente
et coudée au contact d’un cancer du côlon), à choisir mal à propos, la place de la colostomie en
ignorant l’opérabilité de la lésion.

Des nuances multiples doivent donc être apportées dans le choix de la tactique à suivre en
face d’une occlusion colique par obturation. En premier lieu, l’étude attentive de la radiographie
cherchera à préciser si la rétention gazeuse est cantonnée au côlon ou reflue dans le grêle
inférieur. Dans cette dernière éventualité, il y a intérêt à placer d’emblée l’aspiration, car elle peut
amener une amélioration nette, voire la disparition nette, voire la disparition, des accidents si
l’élément spasmodique surajouté est important.

TRAITEMENT DES OCCLUSIONS FONCTIONNELLES

Le diagnostic de l’occlusion spasmodique pure n’est pratiquement jamais porté avant la


laparotomie; nous en avons vu l’aspect en zones de contractures étagées, souvent multiples.
Aspect variable d’un instant à l’autre d’ailleurs, puisque, en manipulant l’intestin, on voit souvent
se dilater un segment contracté, et vice versa. Il faut explorer avec soin tout le grêle et le côlon,
vérifier l’intégrité des mésos, s’assurer de l’absence de lésions rétro-péritonéales (hématome,
tumeur). La gravité de tels accidents ne doit pas être sous-estimée : s’il en est de bénins, il en est
aussi de mortels lors d’une première crise ou d’une rechute. On conseille de ne leur opposer ni
l’iléostomie, ni la dérivation interne, certains ont eu recours aux infiltrations splanchniques, mais
on a fait remarquer l’illogisme de cette conduite, attendu qu’en principe c’est l’hyperexcitation du
pneumo-gastrique qui est en cause. Il faut donc faire l’anesthésie directe du plexus solaire et
recouvrir, dans les soins post-opératoires, aux injections d’atropine combinées à l’aspiration
continue et à la réhydratation.

Les occlusions paralytiques sont presque toujours des occlusions inflammatoires,


provoquées par l’existence, en un secteur de la cavité abdominale ou pelvienne, d’un foyer plus
ou moins circonscrit. C’est là un type d’occlusion très particulier où la décision thérapeutique est
toute en nuances.

En principe, l’urgence n’est pas extrême, et l’on cherchera tout d’abord à guérir
120

l’occlusion par l’aspiration duodénale et en agissant sur le foyer par les thérapeutiques
antiphlogistiques (glace ou chaleur), antibiothérapie, etc … Si un abcès paraît collecté, on
l’ouvrira par la voie la plus directe, en évitant d’inoculer la grande cavité. L’erreur, ici serait
d’interpréter mal le mécanisme de l’occlusion, de vouloir libérer à tout prix les anses au contact
du foyer inflammatoire et de la rompre.

Si le syndrome occlusif ne cède pas, on agira directement en principe à distance du foyer,


soit en pratiquant une dérivation externe (anus caecal ou colique, en cas d’occlusion du côlon),
soit une dérivation interne par anastomose iléo-iléale ou iléo-colique, en cas d’occlusion du grêle.
Dans certaines circonstances : foyer abcédé, sans doute refroidi, réduit de volume, provoquant une
occlusion mixte, plus mécanique que paralytique, la libération des anses agglutinées est à
envisager, complétée par une opération de Noble ou de Child Philips, associée à l’administration
locale et générale d’antibiotique, et peut donner de beaux succès.

TRAITEMENT DES OCCLUSIONS POST-OPERATOIRES

Très précoces, survenant le jour même ou le lendemain de l’intervention, ou très


tardivement, les occlusions post-opératoires sont pratiquement toujours mécaniques.

Ce sont essentiellement des occlusions par strangulation du grêle, et, comme telles, on doit
les traiter par laparotomie médiane et suivant les lésions par levée de l’obstacle, dérivation
interne, ou résection de l’anse occluse.

Lorsqu’on se trouve en présence d’un malade atteint d’une occlusion tardive itérative,
ayant déjà nécessité plusieurs interventions, l’hypothèse d’agglutination large accolant entre elles
de multiples anses doit être soulevée. Un loyal essai d’aspiration digestive est alors légitime. Son
échec conduit à l’intervention. On réalisera soit une anastomose interne, soit une complète
libération terminée, le cas échéant, par une opération de Noble ou de Child Philips.

Le gros problème particulier aux occlusions post-opératoires est celui posé par les
occlusions secondaires précoces, qui s’installent sournoisement après quelques jours de bien-être
et l’émission spontanée de quelques gaz.

Telles sont les données thérapeutiques qu’un chirurgien doit avoir à l’esprit en présence de
toute occlusion. Il arrive encore, il est vrai que l’on soit appelé auprès d’un malade au stade
d’occlusion terminale : météorisme considérable et douloureux au palper, pneumopéritoine sur les
films, pouls rapide à 140, oligurie extrême, vomissements fécaloïdes. Après la mise en oeuvre
d’une réanimation aussi énergique et brève que possible (transfusion intra-artérielle le cas
échéant, continuée pendant l’opération), il faut explorer par laparotomie large la cavité
péritonéale. Elle contient souvent alors, outre les anses occluses, du pus, voire des gaz et des
matières. S’il y a rupture intestinale, l’anse rompue devra être réséquée ou extériorisée selon le
siège de la lésion grêle ou colique, et la cavité péritonéale drainée après aspersion d’antibiotiques.

RESULTATS

Une récente statistique portant sur 1 100 cas a montré que la mortalité, qui, de 1935 à
1947, oscillait entre 29 et 36 p. 100 est brusquement tombée à 15 p. 100, lors de l’aspiration
digestive systématique, puis à 11 p. 100, grâce au meilleur rétablissement de l’équilibre hydro-
électrolytique.

Bien entendu, l’âge des malades, leur état général préalable entrent en jeu dans le
pronostic, et il faut souligner combien celui-ci est souvent meilleur chez les enfants, à poumons,
121

reins et coeur sains.

Il ne semble pas que la résection intestinale aggrave nettement par elle-même le pronostic.
Contrairement à ce qu’on a coutume de croire, c’est actuellement l’occlusion du gros intestin qui
compte la plus grande mortalité. Elle est en effet, dans plus de 80 p. 100 des cas, liée à l’évolution
d’un cancer et évolue chez des sujets souvent âgés, anémiques, dénutris, aisément exposés à des
complications cardio-circulatoires (phlébite), pulmonaires et rénales. Chez eux, la compensation
hydro-électrolytique est plus délicate : danger de surcharge, et la surveillance post-opératoire,
rigoureuse, devra comporter l’étude particulière de la coagulation (taux de prothrombine et test à
l’héparine), commandant l’éventuelle administration des anticoagulants usuels.

Une des complications post-opératoires qui reste la plus fréquente est l’occlusion
secondaire ou persistante, comme si l’intervention première avait été sans effet. Elle pose un
problème bien difficile, et le choix de l’attitude à avoir vis-à-vis d’elle est des plus délicats.

Il peut, en effet, s’agir d’une occlusion mécanique soit par obstacle méconnu, soit
récidivante (volvulus, striction par brides réformées), ou d’une occlusion purement fonctionnelle.
Cette dernière dépend de deux causes : tantôt d’un déséquilibre hydro-électrolytique mal corrigé
(méconnaissance d’une hypokaliémie en particulier), tantôt d’une réaction péritonéale associée,
plus ou moins franche, plus ou moins diffuse, qui peut ne pas céder aux antibiotiques et même
être masquée par eux.

C’est sur des nuances qu’il faudra se baser pour discerner ces différentes formes
d’occlusion. L’intérêt de la radiographie répétée à différents intervalles n’est pas niable.

On admet que la présence de niveaux liquides dans le grêle et la vacuité du côlon sont en
faveur d’une occlusion mécanique, que l’association aéro-iléale, aéro-colie, traduit plutôt une
occlusion paralytique. Mais il faut bien savoir que, lorsqu’un traitement médical post-opératoire,
bien conduit, échoue, on ne doit pas hésiter à réintervenir de nouveau.

II.5. PATHOLOGIES CHIRURGICALES DE L’APPENDICE

1. Anatomie
2. Appendicite aiguë
3. Appendicite chronique

1. ANATOMIE

L’appendice est un diverticule de 5 à 10 cms situé à la base du caecum, 2,5cms en-dessous


de la valvule iléo-caecale. Les bandelettes du colon convergent vers la base de l’appendice. Cette
localisation du bas-fond caecal, dans la fosse iliaque droite, est cependant variable: caecum le plus
souvent pelvien chez la femme, caecum plus haut chez l’homme, quelquefois caecum haut situé
pratiquement sous le foie.

L’appendice lui-même peut prendre une disposition rétro-caecale ou intra-abdominale.


Chez le jeune, l’appendice est caractérisé par une concentration importante de follicules
lymphoïdes. Au-delà de 15 ans, il apparait une atrophie progressive du tissu lymphoïde en même
temps qu’une fibrose de la paroi de l’appendice, voire une obstruction progressive de sa lumière.

Le rôle physiologique de cet appendice est méconnu, il est probablement en relation avec
la richesse du tissu lymphoïde présent dans le jeune âge.
L’appendicectomie n’expose cependant à aucune affection notamment de type néoplasique.
122

La recherche de l’appendice peut être quelquefois difficile si l’incision est courte.

2. APPENDICITE AIGUE

Environ 7 % de l’ensemble des individus des pays industrialisés développent, à un


moment ou l’autre de leur vie, une appendicite. Cependant, chaque année, environ 150 à 200
appendicectomies sont réalisées dans notre salle d'opération.

2.1. Pathogénie.

Trois fois sur quatre, l’appendicite est en relation avec une obstruction de la lumière
appendiculaire par une cicatrice fibreuse, par un stercholite, par une tumeur, des parasites ou un
corps étranger.

Dans les autres cas, c’est-à-dire une fois sur quatre, on découvre une hyperplasie
lymphoïde de la région, d’origine virale, bactérienne. L’obstruction de la lumière appendiculaire,
quelle que soit son origine, provoque une stase et une infection des sécrétions muqueuses. La
lumière se distend et provoque des thromboses au niveau de la micro-vascularisation
appendiculaire. Il s’en suit une nécrose et une perforation de la paroi appendiculaire responsables
d’une péritonite d’abord localisée et pouvant se généraliser.

2.2. Symptomatologie

- Douleurs abdominales, surtout dans la fosse iliaque droite


- Anoréxie, nausées, voire vomissements.
- Sensibilité ou défense de la fosse iliaque droite
- Température modérée (37º5)
- Leucocytose.

Ce tableau idéal n’est pas toujours réalisé et il faut admettre que l’appendicite aiguë peut
prendre les manifestations les plus diverses. Il peut évoquer un tout autre problème abdominal ou,
plus grave, sous-estimé et évoluer vers une péritonite. Le chirurgien est souvent consulté pour des
enfants qui présentent des douleurs abdominales. Les parents sont inquiets d’un problème
appendiculaire et sollicitent très souvent un geste chirurgical considéré comme bénin. Il faut
savoir calmer l’appréhension des parents et ne poser une indication d’appendicectomie qu’à bon
escient.

Dans le doute, le moyen de diagnostic le plus certain est une anamnèse précise, un examen
complet qui sera répété avant de prendre la décision.

Appendicite typique : apparition dans la nuit ou le matin, d’une douleur persistante et


continue mais modérée au niveau de l’épigastre. Inconfort abdominal avec nausées et
inappétence. Gênes douloureuses lors des mouvements de la marche et des efforts de toux.
Impression de ballonnement. Un court épisode de diarrhée peut cependant survenir.

L’examen clinique démontre une sensibilité à la toux et un point électif douloureux dans la
fosse iliaque droite (point de Mac Burney). Il peut exister une douleur au rebond lors de la
dépression brutale. La péristaltique est normale ou légèrement réduite. La température est
modérée à 37º5.

Appendicite rétro-caecale : l’appendice est situé derrière le caecum et remonte dans la


gouttière pariéto-colique droite. La symptomatologie abdominale est donc frustre. La douleur est
123

surtout latérale voire postérieure pouvant évoquer un problème de colique urétérale. Si


l’appendice remonte très haut, la symptomatologie peut évoquer un problème de cholécystite ou
rénal, si dans la région du psoas, psoïtisme (flexion antalgique de la cuisse droite).

Appendicite pelvienne : appendice intra-péritonéal et qui, par l’inflammation, tombe dans


le petit bassin. Les symptômes intestinaux (nausées, vomissements, diarrhée) sont plus marqués,
une symptomatologie pelvienne ou gynécologique peut survenir: faux besoins, mictions
fréquentes. Le toucher rectal ou vaginal sera douloureux.

Appendicite gauche : le caecum est en malrotation et se situe dans le flanc gauche ou est
mobile dans la cavité abdominale. La symptomatologie peut donc se situer dans la région médiane
voire à gauche du bas abdomen.
Appendicite de la grossesse: complication chirurgicale non obstétricale la plus fréquente de la
grossesse. Celle-ci n’expose pas la femme à une appendicite. Le diagnostic est cependant difficile
car l’utérus a refoulé le caecum du petit bassin et la position de cet appendice est incertaine.

La symptomatologie peut être mal interprétée et le risque est élevé de mortalité foetale (10
%) par diagnostic tardif.

Appendicite du vieillard : les personnes âgées sont moins attentives à une


symptomatologie quelconque et temporisent souvent longtemps avant de consulter. Le cortège des
symptômes habituels est modéré et, enfin, l’affection est exceptionnelle au 3ème âge. Cette
appendicite a donc un diagnostic tardif et il est fréquent d’opérer ces vieillards à un stade de
péritonite. La mortalité en est élevée.

2.3. Biologie

La leucocytose doit être systématiquement recherchée. Se situe habituellement entre 10 et


15.000. On peut cependant voir une appendicite aiguë en voie de perforation avec 6.000 blancs.
Au-delà de 15.000 blancs, évoquer un autre diagnostic ou déjà, la survenue de complications de
type perforation.

2.4. Radiologie

Doit être utilisée mais elle ne posera pas le diagnostic d’appendicite. Elle permet d’exclure
une autre affection. L’abdomen à blanc recherche un pneumo-péritoine ou des niveaux hydro-
aériques.

L’échographie verra rarement l’appendice infecté mais permettra d’éliminer une lithiase
vésiculaire, une lésion gynécologique ou pelvienne. L’urographie intra-veineuse sera pratiquée
lorsqu’il y a un doute avec une affection urétérale.

2.5. Diagnostic différentiel

L’appendicite aiguë est surtout fréquente chez l’enfant, particulièrement entre 7 et 20 ans.
Le diagnostic en est surtout difficile chez le nourrisson, l’enfant de moins de 5 ans et le vieillard.

Il faut également admettre un taux d’environ 20 % d’erreurs de diagnostic en excès, c’est-


à-dire de réaliser une appendicectomie inutile. Au-delà de ces taux, le chirurgien doit se poser
quelques questions, mais il est parfois préférable d’enlever un appendice normal que d’ignorer
une appendicite en voie de perforation.
124

C’est également pour ces raisons que certains chirurgiens plaident en faveur de l’appendicectomie
de principe ou de passage au cours d'une laparotomie.
Quelques affections susceptibles d’être confondues avec l’appendicite :

1º La gastro-entérite : les nausées, vomissements ou diarrhées prédominent. La douleur est diffuse


dans tout l’abdomen et surtout colicative.

2º L’adénite mésentérique du jeune enfant donne un tableau plus spectaculaire; pharyngite,


adénopathique cervicale et température élevée.

3º Problèmes gynécologiques :
- Rupture de follicule ovarien: douleur au milieu du cycle menstruel; douleurs
spectaculaires au départ et diminuant progressivement, symptômes gastro-intestinaux
modérés ou absents.
- Salpingite aiguë : démarre souvent dans la semaine qui suit les règles; température
élevée et leucocytose. L’examen gynécologique et l’échographie peuvent apporter une
information. Suspecter la salpingite dans les jours ou semaines qui suivent la mise en
place d’un stérilet.
- Torsion d’un kyste ovarien: douleurs importantes et précises. Echographie utile.
- Grossesse ectopique: l’anamnèse et la biologie peuvent apporter une infor-
mation ainsi que l’échographie.

4º Problèmes urologiques:

- Calcul urétéral: douleurs colicatives irradiées depuis le dos vers l’aine. Présence d’une
hématurie et l’urographie intra-veineuse peut aider au diagnostic.
- Pyélonéphrite: température très élevée et frisson fréquents.

5º Autres urgences chirurgicales :

L’ulcère perforé, la cholécystite aiguë, la pancréatite, la diverticulite sigmoïdienne,


l’obstruction intestinale, le diverticule de Meckel, la perforation colique peuvent simuler une
appendicite.

L’anamnèse et la réflexion, aidées de la clinique, permettront une différenciation.


Chaque chirurgien se souviendra cependant d’avoir, une fois dans sa vie, opéré pour appendicite
aiguë et avoir dû réaliser une laparotomie à la recherche d’un autre diagnostic: ulcère perforé,
cholécystite ou sigmoïdite perforée.

6º Maladie de Crohn :

Les premières manifestations cliniques d’une maladie de Crohn peuvent évoquer un


tableau d’appendicite aiguë. Si le chirurgien découvre l’iléite spécifique d’une maladie de Crohn,
il est souvent conseillé de ne pas enlever l’appendice car cette ablation peut favoriser l’apparition
d’un abcès ou d’une fistule. Il est conseillé dans ces cas de laisser l’appendice en place et de
démarrer le traitement médical de la maladie de Crohn.

7º Crise d’acidocétose chez l’enfant corrigée par la prise de sucre.

2.6. Complications.

La perforation et péritonite: la symptomatologie persiste et s’accentue; la douleur diffuse


125

vers le bas-ventre puis vers l’abdomen. La température s’élève à 38,5 et plus. Des signes de
péritonite microbienne apparaissent. Cette perforation peut survenir rapidement en moins de 8
heures. Elle concerne surtout une population en-dessous de 10 ans et au-dessus de 50 ans. Cette
perforation peut rester cloisonnée et limitée à la fosse iliaque droite par enkystement de la
perforation par les anses grêles, le grand épiploon ou un organe gynécologique.

Abcès appendiculaire: la perforation localisée de l’appendice conduit à la formation d’un


abcès limité par l'épiploon et les anses grêles. Ces abcès peuvent rester “quiescents” de
nombreuses semaines voire de nombreux mois. Une antibiothérapie, donnée par erreur, refroidira
partiellement l’abcès et postposera le problème. Certaines écoles ont proposé l’antibiothérapie de
principe dans cette forme d’appendicite; nous ne l’admettons pas et le traitement doit rester
chirurgical.

Autres localisations abcédées: si l’appendicite est pelvienne, l’abcès se formera au niveau


du Douglas et peut créer une vaste collection pelvienne qui sera confondue, durant un certain
temps, avec un problème gynécologique, par exemple de type salpingite.

L’abcès sous-phrénique est exceptionnel et est le plus souvent un résidu d’une péritonite
généralisée. L’abcès de paroi apparaît souvent dans le postopératoire d’une appendicite perforée
par infection des plans musculaires et sous-cutanés. Signalons des cas exceptionnels de
fistulisation d’un abcès appendiculaire vers une trompe, vers la vessie ou le rectum.

2.7. Traitement

A notre sens, le traitement doit toujours rester chirurgical.


Appendicectomie classique, courte incision dans la fosse iliaque droite, permettant d’extérioriser
le caecum et de réaliser l’ablation de l’appendice. Le pédicule vasculaire est ligaturé et le
moignon de l’appendice ligaturé. Le dernier mètre d’intestin grêle est toujours vérifié à la
recherche d’un diverticule de Meckel.

Chez la jeune fille ou la femme, on prône de plus en plus la laparoscopie. Elle permet en
effet de mieux vérifier la sphère gynécologique notamment du côté gauche. L’appendice peut être
aisément enlevé par laparoscopie. S’il y a perforation ou liquide septique dans l’abdomen,
toujours réaliser un drainage de la fosse iliaque droite.

Si appendicite perforée avec réaction péritonéale, préférer une laparotomie médiane qui
permettra, en plus de l’appendicectomie, de laver toute la cavité abdominale et d’éradiquer des
foyers d’abcéssion secondaires.

Traitement médical :

Il n’y a pas, à notre sens, de traitement médical de l’appendicite. Eviter l’antibiothérapie


lorsqu’il y a doute diagnostique. Cette antibiothérapie peut camoufler le tableau clinique.

L’antibiothérapie ne sera prescrite que chez des patients opérés et qui ont une perforation,
un abcès ou une péritonite.

Le postopératoire de l’appendicectomie est en général aisé et permet la prise de liquides


puis d’aliments dans les 24 heures. A un stade plus avancé, notamment de péritonite, il faut
considérer ces patients comme étant à haut risques: nécessité d’un drainage gastrique,
rééquilibration hydro-électrolytique, liquidienne etc.
126

Morbidité – mortalité:

Affection bénigne en soi mais, chaque année, nous connaissons un accident dramatique sur
appendicite aiguë. Il survient, le plus souvent, sur un diagnostic tardif ou dans les complications
d’une péritonite mal drainée.

La morbidité est surtout liée à un abcès de paroi sur appendicite mal drainée. Les accidents par
brides ou adhérences peuvent survenir dans les mois qui suivent une appendicite qui était
compliquée et perforée.

3. APPENDICITE CHRONIQUE

Douleurs abdominales chroniques, surtout de la fosse iliaque droite. Nombre de cliniciens


n’acceptent pas cette entité; il faut néanmoins admettre qu’un appendice peut être pathologique et
donne, épisodiquement, des poussées de congestion voire d’infection.

Le chirurgien est régulièrement consulté pour ce type de pathologie douloureuse


chronique, notamment chez l’enfant ou l’adolescent. Il faut savoir distinguer cette
symptomatologie d’autres affections: constipation, problèmes gynécologiques, colopathie
fonctionnelle, problèmes urinaires.

Le diagnostic se fera davantage par exclusion: exploration de la voie biliaire à la recherche


d’une lithiase, urographie intra-veineuse, examen gynécologique, échographie du pelvis voire
examen par scanner de la cavité abdominale.

Nous recommandons l’examen baryté par lavement et par transit. Ces deux examens
permettent d’exclure une pathologie chronique de l’iléon terminal (Crohn) ou une iléite
aspécifique ou une pathologie colique.

Si l’appendice n’est pas injecté lors de ces examens, on peut vraissemblablement conclure
qu’il existe une pathologie obstructive, responsable de la symptomatologie. Dès lors, on est en
droit de proposer une appendicectomie à froid.

II. 6. DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT DES HEMORRAGIES DIGESTIVES

1. HEMORRAGIES DIGESTIVES HAUTES

Une hémorragie digestive d’origine haute peut se présenter soit sous la forme d’une
hématémèse: rejet de sang d’origine digestive par la bouche, soit sous la forme d’un meloena
isolé: émission par l’anus de sang digéré. Quelle que soit son abondance, une hémorragie
digestive haute peut évoluer spontanément, de façon favorable, ou au contraire vers l’aggravation
et la mort, sans qu’il soit possible au premier examen d’affirmer vers laquelle de ces deux
directions évolutives s’engage le malade. C’est pourquoi, une fois l’hémorragie digestive
reconnue, l’hospitalisation du malade en milieu spécialisé s’impose obligatoirement dans tous les
cas, et cela quelle que soit l’apparence de son état, ou l’abondance du saignement.

La conduite à tenir aura pour but de mettre en oeuvre d’une part, des mesures non
spécifiques de lutte contre le choc hémorragique, conditionnées alors par le diagnostic
étiologique.
127

Appréciation de la spoliation sanguine

Critères cliniques

La quantité de sang émise est un sujet à des grossières erreurs. L’hypotension artérielle
constitue le signe le plus classique du choc mais peut être absente un certain temps dans les
hypovolémies dites compensées. Il ne faudra donc pas attendre ce signe pour entreprendre une
thérapeutique active; il est préférable d’apprécier la spoliation sanguine sur la tachycardie, la
pâleur, la soif et la chute de la diurèse horaire. Ces signes constituent les témoins cliniques les
plus fidèles de l’importance de la déplétion sanguine.

Critères biologiques

La numération globulaire et l’hématocrite sont bien sûr des tests plus précis. Cependant ils
présentent un inconvénient majeur car leur perturbation est souvent retardée de plusieurs heures
par rapport à l’épisode hémorragique.

La thérapeutique active devra donc être entreprise autant que possible avant l’apparition
de leur perturbation.

Compensation de la perte sanguine.

Les fractions déglobulisées de sang et les perfusats synthétiques de grosses molécules ne


constituent que des solutions de remplacement imparfaites ne devant être utilisées que dans les
cas de force majeure et/ou en attendant le groupage du malade qui aura été demandé dès son
admission. Le traitement est dominé par la transfusion sanguine après mise en place dans une
grosse veine d’un cathéter de calibre suffisant pour transfuser, si nécessaire, avec un débit
important et sous contrôle de la pression veineuse centrale. Ainsi la transfusion sanguine pourra
être adaptée aux signes de choc et ne comporter aucun risque de surcharge. Lorsque
l’hypovolémie est corrigée, il faut essayer d’apprécier l’arrêt ou la reprise de l’hémorragie. Pour
cela il est nécessaire d’établir une feuille de surveillance horaire du pouls, de la tension artérielle,
de la pression veineuse centrale et de la diurèse. On notera également toutes les 4 heures, le
chiffre de l’hématocrite en sachant que 100cc de sang total sont nécessaires pour remonter
l’hématocrite de 1 point. En cas d’arrêt de l’hémorragie, les signes de choc disparaissent sous
transfusion et ne réapparaissent pas malgré l’arrêt de cette dernière. La sonde gastrique mise en
place systématiquement ne ramène plus de sang. Si l’hémorragie persiste ou récidive, les signes
de choc ne disparaissent pas sous transfusion bien conduite ou réapparaissent à l’arrêt de cette
dernière, et la sonde gastrique ramène du sang.

Recherche de la lésion responsable de l’hémorragie.

Une fois le traitement de la déplétion sanguine mis en oeuvre de façon efficace, il est
nécessaire de rechercher l’étiologie de l’hémorragie.

Les causes des hémorragies digestives sont très nombreuses et variées. Le plus souvent les
éléments de l’interrogatoire et de l’examen clinique permettent d’envisager trois éventualités.
L’existence de signes d’éthylisme et d’hypertension portale avec sur le plan biologique une
altération des fonctions hépatiques, permet d’évoquer le diagnostic d’hémorragie par rupture de
varices oesophagiennes. Par contre, chez un malade présentant des antécédents douloureux
épigastriques, le diagnostic d’ulcère gastro-duodénal est plus probable. Enfin, chez un malade
sans antécédent, chez lequel l’interrogatoire retrouve la prise récente de médications agressives
pour la muqueuse gastrique, l’éventualité de lésions aiguës hémorragiques gastro-duodénales doit
128

être envisagée.

En fait si les varices oesophagiennes, l’ulcère gastro-duodénal, et les lésions aiguës


constituent les trois grandes causes d’hémorragie digestive, l’anamnèse est loin d’être toujours
fiable en raison de la grande fréquence de leur association. Il faut donc avoir recours à des
investigations complémentaires et en particulier à la fibroscopie oeso-gastro-duodénale.

La gastroscopie effectuée en urgence va avoir pour but de préciser la persistance ou l’arrêt


de l’hémorragie, mais surtout le siège et le type de la lésion responsable. Elle peut être effectuée
dans les heures qui suivent l’hospitalisation au lit d’un malade non mobilisable tout en
poursuivant une surveillance très stricte. Dans les cas d’hypertension portale, elle va préciser si
l’hémorragie est bien provoquée par la rupture des varices oesophagiennes et non en rapport avec
la présence d’un ulcère dont la fréquence est particulièrement élevée chez le cirrhotique. La
persistance de l’hémorragie par rupture de varices oesophagiennes permettra d’envisager à bon
escient la mise en place d’une sonde à ballonnet unique avec traction (type sonde de Linton ou de
Bertrand-Michel).

Dans les ulcères gastro-duodénaux, l’endoscopie apporte une notion sur le degré de
l’urgence en fonction du caractère térébrant ou non de l’ulcère et de sa situation: petite courbure
gastrique avec risque d’érosion de la coronaire stomachique, face postérieure du bulbe avec risque
d’érosion de la gastro-duodénale. Elle permet de visualiser des lésions aiguës gastro-duodénales
secondaires à la prise de médicaments, de faire le diagnostic de gastrite hémorragique en montrant
un moucheté purpurique, fugace, diffus à toute la muqueuse. Enfin elle permet de reconnaître des
causes plus rares telles le syndrome de Mallory-Weiss, les oesophagites peptiques, les hernies
hiatales, les tumeurs bénignes ou malignes.

Tous ces avantages ont relégué au deuxième plan le transit oeso-gastro-duodénal dont la
rentabilité diagnostique est très modérée. L’artériographie n’est indiquée qu’en seconde intention
après l’endoscopie et dans deux situations bien précises, lorsque l’endoscopie met en évidence un
écoulement de sang par la papille (l’artériographie permet alors de préciser l’étiologie d’une
hémobilie ou d’une wirsungorragie) ou lorsque l’endoscopie n’a pas permis de poser un
diagnostic lorsque l’hémorragie persiste.

Contrôle de l’hémorragie et traitement de la lésion

Le traitement étiologique et en particulier le recours à la chirurgie est conditionné par la


persistance ou l’arrêt de l’hémorragie, son abondance, son risque de récidive, l’âge et les
affections associées du patient.

Schématiquement, en cas de varices oesophagiennes, la mise en place d’une sonde de


Linton, de Blake Moore ou de Bertrand-Michel permet de réaliser momentanément une hémostase
mécanique efficace. Cependant lors de son retrait, elle ne met pas le malade à l’abri d’une
récidive hémorragique. Dans ce cas, s’il s’agit d’un cirrhotique de moins de 60 ans,sans
encéphalopathie porto-cave chronique et qui a déjà saigné à plusieurs reprises, on peut envisager
après étude phlébographique de l’axe spléno-portal l’indication d’une anastomose posto-cave.
Certaines thérapeutiques telles que la vasopressine intra-veineuse ou intra-artérielle, la sclérose
des varices oesophagiennes, l’embolisation artérielle et la photo-coagulation par laser ne sont que
des méthodes palliatives qui peuvent être efficaces à court terme mais qui n’apportent pas une
solution définitive.

En cas d’hémorragie ulcéreuse mis à part les lésions saignant en jet, les moyens médicaux
doivent être utilisés en première intention: cimétidine intra-veineuse à la dose de 200mg 5 fois par
129

jour, mélange hémostatique per os (Phosphalugel ® : 5 sachets, thrombase ® : 10 ampoules,


Levophed ® : 4 ampoules, Capramol ® : 5 amp., sulfate d’atropine: ½ mg, le tout dans 1 litre
d’eau froide). Des moyens d’hémostases per-endoscopiques telles que l’électrocoagulation et la
photo-coagulation peuvent être utilisés dans certains cas avec succès. Lorsqu’il s’agit d’une
hémorragie ulcéreuse persistante (nécessitant plus de 10 flacons de sang par exemple) ou
récidivante, l’indication chirurgicale est alors envisagée. Elle peut aboutir à une suture de l’ulcère
associée à une vagotomie, ou à une gastrectomie plus ou moins élargie emportant l’ulcère
gastrique.

En cas de lésions aiguës, gastro-duodénales et de gastrites hémorragiques, le traitement


sera aussi conservateur que possible, associant traitement anti-ulcéreux (cimétidine) et mélange
hémostatique. Chez les sujets à haut risque (voir estomac) un traitement préventif par la
cimétidine a été proposé systématiquement.

NOTES PRATIQUES SUR LES HEMATEMESES

I. RAPPELS PHYSIOLOGIQUE ET CLINIQUE

1. Le terme d'hématémèse désigne toute hémorragie d'origine digestive extériorisée par voie
haute. Elle se traduit par un vomissement de sang reconnaissable à sa couleur rouge vif,
rouge foncé ou noirâtre et pouvant contenir des caillots et/ou être mêlé à de débris
alimentaires.
2. Elle possède une valeur sémiologique considérable car elle traduit une lésion de la partie
initiale du tube digestif, située, en règle, en amont de l'angle duodéno-jéjunal: c'est-à-dire au
niveau de l'oesophage, de l'estomac et du duodénum.
3. La présence de sang dans le liquide gastrique possède la même signification
physiopathologique qu'une hématémèse; la pose d'une sonde gastrique doit être systématique
devant:
- tout méléna, pour en affirmer éventuellement l'origine haute,
- tout collapsus (surtout hypovolémique), pour en rechercher éventuellement la nature
hémorragique.

PRINCIPALES CAUSES D'HEMATEMESE


Hypertension Blocs intra-hépatiques
portale (rupture Cirrhotiques Non cirrhotiques
De varices oeso- Alcoolique Schistosomiase hépatique
gastriques) Post-hépatique Fibrose hépatique congénitale
Hémochromatose, m. de Wilson Sclérose hépato-portale
"cirrhose" biliaire primitive (et hypertension portale essentielle)
"cirrhose" biliaire secondaire transformation nodulaire partielle du foie
cirrhose d'étiologie indéterminée … hépatite alcoolique aiguë…
Blocs infra-hépatiques
Malformation congénitale de la veine porte, thromboses portales
- primitive et secondaire à un hépatome ou à une affection de voisinage
compression extrinsèque de la veine porte.
Blocs supra-hépatiques
Thromboses des veines sus hépatiques
- primitive (syndrome de Budd-Chiari) ou secondaire
maladie veino-occlusive.
Affections de Gastro-duodénite érosive hémorragique et/ou ulcère aigu:
l'estomac et du - primitive
duodénum - secondaire (médicaments, alcool, "stress"…)
ulcère chronique de Cruveilhier (gastrique ou duodénal)
tumeurs bénignes de l'estomac (schwanomme)
130

tumeurs malignes de l'estomac


ampullome vaterien
Affections Traumatisme du foie
hépato-biliaires Tumeurs du foie et des voies biliaires
(par Fissuration d'un anévrysme de l'artère hépatique dans la voie biliaire
l'intermédiaire
d'une hémobilie)
Affections Pancréatite aiguë
pancréatiques Pancréatite chronique
Causes rares Maladies vasculaires
Maladie télangiectasique de Rendu-Osler, pseudo-xanthome élastique
(maladie de Gronblad-Strandberg), hémangiomatose…
Maladies de système
Périartérite noueuse, sclérodermie, amylose, sarcoïdose …
Hémopathies
Syndromes myéloprolifératifs (maladie de Vaquez), leucémie aiguë
Réticulosarcome, lymphosarcome, anémie de Biermer,
Purpuras thrombopéniques primitif et secondaire …

4. Les principales affections responsables d'hématémèse figurent dans le tableau ci-dessus. Mais
les étiologies les plus fréquemment retrouvées sont:
- les ruptures de varices oesophagiennes ou gastriques au cours des syndromes
d'hypertension portale,
- les gatro-duodénites érosives hémorragiques et/ou les ulcères aigus (notamment d'origine
médicamenteuse),
- les ulcères chroniques de Cruveilhier, gastriques ou duodénaux.
5. Chez le cirrhotique, l'hématémèse n'est pas toujours due à une rupture de varices
oesogastriques; les gastro-duodénites érosives, hémorragiques, diffuses ou localisées, sont
aussi fréquentes (30 à 50 % des malades); l'ulcère chronique de Cruveilhier (10 à 20 % des
malades) ou le syndrome de Mallory Weiss sont plus rarement en cause.
Chez les malades recevant un traitement anticoagulant, l'hématémèse révèle habituellement
une lésion préexistante du tube digestif à rechercher systématiquement.

II. Le praticien au chevet du malade

1. L'hématémèse doit toujours être considérée comme une urgence impérative imposant
l'hospitalisation immédiate du malade. En effet sa vie peut être mise en jeu:
- soit immédiatement, du fait de l'abondance même du saignement initial,
- soit à court terme, du fait de la fréquence des récidives hémorragiques, dont le délai et
l'importance sont imprévisibles.

Dans la mesure du possible, cette hospitalisation devra être faite dans un centre spécialisé,
comportant une équipe permanente de médecins gastro-entérologues (réanimateurs,
endoscopistes, radiologues) et de chirurgiens digestifs, capables dans les délais les plus brefs, à la
fois:
- de corriger par une réanimation adaptée les conséquences d'une spoliation sanguine
importante, et /ou de faire face à une hémorragie persistante ou récidivante,
- de conduire une enquête étiologique énergique afin qu'en un maximum de 6 à 12 heures,
la cause de l'hématémèse puisse être affirmée.

Actuellement, grâce à la réalisation en urgence des examens radiologiques et surtout


endoscopiques, le nombre des hématémèses "cryptogénétiques" est devenu inférieur à 5 %.
131

2 . La lettre de transfert adressée au service hospitalier devra indiquer:


- les éléments permettant à postériori, d'authentifier l'hématémèse et d'en apprécier le
retentissement immédiat;
- les antécédents digestifs du malade;
- la possibilité ou non d'une intoxication éthylique.

Les ordonnances des traitements en cours et les radiographies digestives antérieures, mêmes
anciennes, devront accompagner le malade.
L'administration d'un hémostatique n'a qu'une action "placebo", à l'exception de l'administration
de vitamine K (100 mg en I.V.) chez les malades qui recevaient des antivitamines K.

3. En l'absence de collapsus circulatoire, le transport peut se faire en ambulance normale vers le


Centre Hospitalier le plus proche. Le transfert dans un service spécialisé se fera éventuellement
dans un deuxième temps, utilisant un véhicule équipé pour la réanimation.

Pour éviter des accidents graves, un malade atteint d'insuffisance circulatoire aiguë -
pression artérielle (P.A) inférieure à 75 % des chiffres habituels - doit être transporté après mise
en route d'une réanimation circulatoire.

III.- A L'HOPITAL

Trois gestes sont indispensables dès l'admission du malade :


 pose d'une sonde digestive par voie nasale (sonde duodénale de Levin, charrière nº 18) et
lavage de l'estomac à l'eau glacée. En utilisant une séringue de 50 ml. Habituellement il
faut 2 à 5 litres d'eau glacée pour que le liquide gastrique devienne clair;
 pose d'une ou de deux voies veineuses permettant à la fois la mesure de la pression
veineuse centrale et la transfusion rapide de sang. On utilise habituellement un
cathéterisme transcutané introduit de préférence au niveau de la veine basilique
(longueur 50 ou 75 cm), de la veine sous-clavière (longueur 30 cm) ou de la veine
fémorale (longueur 75 cm). La simple aiguille ou l'épicrânienne est à proscrire
formellement.
 détermination du groupe sanguin et demande prévisionnelle d'une quantité minimum de
sang iso-groupe à transfuser immédiatement ou à tenir en réserve (en règle 1500 à 2000
ml). La mesure du taux d'hémoglobine (ou de l'hématocrite ou la numération
érythrocytaire) sera également faite. Il est indispensable de pouvoir disposer d'un
appareil permettant la transfusion accélérée de sang (pompe électrique à galets ou, à la
rigueur, tubulure à débit rapide). Tant que l'on ne dispose pas de sang iso-groupe des
colloïdes artificiels pourront être perfusés.

Ces gestes faits, il reste à :

Affirmer l'origine digestive du saignement.

- la méconnaissance de ce problème expose à des erreurs lourdes de conséquences. Le sang


rejeté au cours des efforts de vomissement et/ou présent dans l'estomac peut avoir une
origine extra-digestive; sang dégluti, principalement au décours d'une épistaxis, plus
rarement d'une hémorragie bucco-pharyngée voire d'une hémoptysie;
- l'interrogatoire, précisant les circonstances exactes de l'accident et l'examen systématique
des fosses nasales de la cavité buccale et des champs pulmonaires doivent permettre de
résoudre ce problème.
132

Evaluer l'importance du saignement

Il n'est pas possible de se fonder sur le volume de sang rejeté, car ce faisant, on néglige le
sang éliminé par voie intestinale;

L'existence des manifestations générales (pâleur, sueurs abondantes, soif vive,


impossibilité de rester assis) et/ou d'anomalies du pouls (accéléré et filant) et/ou d'anomalies de la
pression artérielle (PA): maxima abaissée et différentielle pincée, sont habituellement l'indice d'un
saignement important (40 % au moins de la masse sanguine chez un sujet jeune ayant saigné
brutalement).

Mais pour une spolliation sanguine identique, le retentissement circulatoire est fonction:
- de la vitesse de production de l'hémorragie (d'autant plus marqué que le saignement est
plus rapide)
- du terrain, c'est-à-dire, de l'âge et de l'état vasculaire (d'autant plus important qu'il s'agit
d'un sujet âgé et athéroscléreux).

Le taux d'hémoglobine (ou l'hématocrite ou la numération érythrocytaire) est un bon


élément d'appréciation de l'intenstié du saignement. Toutefois, dans les premières heures d'une
hémorragie, même importante, il n'est que peu diminué car l'hémodilution ne s'est pas encore
produite.

En pratique, pour l'importance et surtout la persistance du saignement, on se fonde sur


l'évolution de la PA, après transfusion sanguine.

La transfusion rapide (15 ml/min) de 2000 à 3000 ml de sang à des malades ayant saigné
massivement, mais dont l'hémorragie est stoppée, entraîne le retour à la normale des chiffres de
PA et du pouls et ce, de façon stable.

En l'absence de correction de ces paramètres (à fortiori, en cas d'aggravation), on peut


conclure à la persistance ou à la reprise du saignement dont peuvent également témoigner:
- l'instabilité et/ou l'effondrement de la pression veineuse centrale,
- la coloration du liquide de lavage gastrique.

Première éventualité

Liquide gastrique clair,


P.A. stable.

1. Reconnaître la cause de l'hématémèse

Devient le problème primordial. Il doit être résolu en plusieurs étapes, se succèdant dans un ordre
rigoureux et avec le maximum de célérité:
- interrogatoire,
- examen clinique,
- examens biologiques
- examen endoscopique,
- examen radiologique.

 Interrogatoire du malade (et/ou de son entourage)

Circonstances de survenue de l'hématémèse:


133

- prise récente de médicaments (acide acétyl-salicylique, corticoïdes, phénylbutazone,


indométacine, réserpine…) ou de boissons alcoolisées,
- troubles digestifs ayant précédé l'hématémèse: épigastralgies, vomissements répétés
- autres syndromes hémorragiques (purpura, épistaxis, hématurie…)

Antécédents
- hémorragies digestives antérieures,
- antécédents cliniques pouvant évoquer un ulcère (syndrome douloureux périodique) ou
une cirrhose (éthylisme),
- dossiers radiologiques digestifs antérieurs,
- antécédents personnels et familiaux d'affections hémorragiques (épistaxis, en particulier).

 Examen clinique

Recherche d'une splénomégalie

Recherche d'une cirrhose :


- taille du foie et surtout, caractère de son bord inférieur,
- signes témoignant d'une insuffisance hépato-cellulaire (subictère, angiomes stellaires,
lame d'ascite),

Recherche de lésions cutanées et/ou muqueuses pouvant évoquer une malformation vasculaire
(télangiectasie, angiomes, …)

 Examens biologiques

Leur apport est rarement décisif, mais il est toutefois souhaitable:


- d'éliminer une anomalie majeure de l'hémostase (en urgence, par la mesure du temps de Quick,
du fibrinogène et par la numération des plaquettes; ultérieurement, par une étude complète de la
coagulation);
- de rechercher une hyperammoniémie artérielle (en cas de méléna associé) en faveur d'une
cirrhode, sans préjuger toutefois du mode de saignement (rupture de varices, gastrite érosive,
ulcère chronique).

 Examen endoscopique

Il est pratiquement toujours possible et sans danger depuis que l'on dispose d'appareils
souples et orientables (fibroscopes) qui permettent d'explorer la totalité de l'oesophage, de
l'estomac et le bulbe duodénal.

L'endoscopie doit être pratiquée dans les premières 24 heures pour ne pas méconnaître
certaines gastrites hémorragiques fugaces et toujours avant l'examen radiologique, pour ne pas
être gêné par la présence de baryte dans l'estomac.

L'endoscopie permet :
- de voir directement la lésion.
- d'en préciser la nature et le siège (bien que le repérage topographique soit quelquefois
difficile),
- d'en affirmer le caractère hémorragique (lorsqu'il existe des lésions associées telles des
varices oesophagiennes et une gastrite érosive ou un ulcère chronique),
134

En outre,
- certaines lésions ne sont décélables qu'en endoscopie (gastrite érosive, ulcère aigu).
- certains malades ne peuvent bénéficier d'autres explorations (polytraumatisés, brûlés, …)

Les conditions nécessaires à sa réalisation sont les suivantes :


- la réanimation transfusionnelle doit avoir été mise en route,
- le liquide gastrique doit être redevenu clair,
- le malade doit être parfaitement coopérant (une encéphalopathie hépatique même
débutante doit faire surseoir l'examen).

 Examen radiologique

Il exige les mêmes conditions que l'examen endoscopique, en particulier un état circulatoire
parfaitement stable. On doit en règle attendre 4 à 6 heures après l'endoscopie pour éviter les
fausses routes bronchiques, dues à la persistance de l'anesthésie de voies digestives supérieures.

L'enquête radiologique sera guidée par les données de l'endoscopie, mais le contrôle scopique
de la progression de la bande doit permettre à tout moment de déceler une anomalie qui aurait
précédemment été méconnue.

Le premier cliché sera un cliché sans préparation afin :


- de choisir les constantes et,
- d'éliminer un pneumopéritoine (l'association d'une hémorragie et d'une perforation
ulcéreuse est rare mais possible).

L'examen débutera en station verticale et sera constamment surveillé sur amplificateur de


brillance. Les clichés seront pris, d'abord en couche mince, puis en réplétion sous diverses
incidences avec compression duodénale et, au besoin, après modificateurs du comportement.

Les régions ainsi explorées sont le bulbe, le cadre duodénal, la petite courbure, les faces de
l'estomac et la région cardio tubérositaire. L'examen sera poursuivi en décubitus dorsal ce qui
permet l'étude des anomalies du bas oesophage, de malformations cardio-tubérositaires et du
reflux gastro-oesophagien.

2. Quel que soit le mécanisme responsable, la conduite est identique si le liquide gastrique reste
clair et la P.A,. stable.

 Durant les premières 48 heures, la sonde digestive est laissée en place et le liquide gastrique
régulièrement vérifié. La voie veineuse est également conservée.

La PA et la fréquence cardiaque sont fréquemment contrôlées.


L'administration par la sonde digestive de pansements gastriques et d'antisécrétoires (atropine) est
habituellement conseillée.
Au bout de 48 heures, l'alimentation est reprise.
Le taux d'hémoglobine sera régulièrement contrôlé la première semaine.

 Habituellement, les hématémèses des gastrites érosives et/ou des ulcères aigus d'origine
médicamenteuse, ne récidivent pas et les lésions endoscopiques disparaissent rapidement (1 à 4
jours).

En cas de reprise du saignement, il est conseillé d'intervenir car on découvre fréquemment une
artériole en position anormale dans la sous-muqueuse et saignant en jet (ulcération simple de
135

Dieulafoy). L'hémostase est facile à assurer par la suture ou l'exérèse isolée de la lésion, à laquelle
on associe parfois une vagotomie avec pyloroplastie.

 L'ulcère de Cruveilhier sera toujours médicalement traité lorsqu'il est de découverte récente
chez un adulte jeune. En révanche, lorsque l'ulcère est connu de longue date et/ou survient chez
un sujet âgé, un traitement chirurgical peut parfois être envisagé à distance de l'épisode
hémorragique.

En cas de récidive hémorragique, l'indication opératoire est justifiée: une gastrectomie


subtotale est habituellement pratiquée en cas d'ulcère gastrique, mais s'il s'agit d'une localisation
duodénale, de nombreux auteurs préfèrent réaliser une exérèse de l'ulcère avec vagotomie et
pyloroplastie.

 La rupture de varices oesogastriques pose le problème d'une éventuelle anastomose porto-cave,


à distance de l'accident hémorragique:
- chez le cirrhotique, les études contrôlées ne semblent pas avoir démontré que cette
intervention prolonge de façon significative la survie des malades, bien qu'elle supprime
pratiquement le risque de récidive hémorragique;
en cas d'hypertension portale non cirrhotique (rare) l'indication à distance d'un shunt
porto-cave est, en revanche, habituellement justifiée.

En cas de récidive immédiate, un tamponnement par sonde de Sengstaken-Blakemore ou


de Linton-Warren doit être mis en place.

Deuxième éventualité :

Liquide gastrique sanglant (malgré le lavage à l'eau glacée), et/ou P.A. instable (malgré les
transfusions sanguines).

Dans cete situation de pronostic grave, on ne peut pas pratiquer d'examens endoscopique et/ou
radiologique. Le problème le plus urgent est d'obtenir l'arrêt du saignement.
1. S'il s'agit vraissemblablement d'un cirrhotique, on doit mettre en place un tamponnement
oesophagien ou oeso-gastrique dans l'éventualité d'une rupture de varices (environ 30 à 50 %
des hématémèses cirrhotiques):

 Soit par sonde de Sengstaken-Blakemore comportant deux ballonnets. Cette sonde est introduite
par voie nasale. Lorsqu'elle est parvenue dans l'estomac, 60 à 100 ml d'air (jamais de liquide) sont
injectés dans le ballonnet inférieur et une traction est exercée afin de bloquer ce ballonnet au
niveau du cardia; la sonde est alors solidement fixée de manière que la traction ne puisse se
relâcher.

Puis, on introduit dans le ballonnet supérieur (oesophagien) la quantité d'air nécessaire


pour qu'il y règne une pression d'environ 50 mm Hg (60 à 80 ml d'air suffisent habituellement). La
sonde de Sengstaken-Blakemore agit par compression directe des varices par le ballonnet
oesophagien. Elle est inefficace en cas de varice cardiale rompue. Sa mise en position correcte
doit toujours être vérifiée radiologiquement.

 Soit par sonde de Linton-Warren comportant un ballonnet unique et volumineux. Cette sonde
est introduite comme la précédente. Une fois parvenue dans l'estomac, 500 ml d'air environ sont
injectés dans le ballonnet.
136

Puis, en tirant la sonde, on bloque ce ballonnet au niveau du cardia: La sonde de Linton-


Warren agit indirectement en comprimant les anastomoses alimentant les varices oesophagiennes
et directement en comprimant les varices cardiales.

2. En l'absence de cirrhose ou en cas d'échec du tamponnement chez les cirrhotiques, on a


récemment proposé de perfuser, dans le territoire artériel correspondant au siège du
saignement, une solution contenant un puissant vaso-constricteur (vasopressine ou
octapressine).

 Dans un premier temps, on réalise une artériographie sélective coeliaque et/ou mésentérique
supérieure (selon la technique de Seldinger). L'extravasation du produit de contraste permet de
repérer le siège du saignement.

 Par le cathéter laissé en place (et, éventuellement, poussé dans une position encore plus
sélective), on débute une perfusion continue de vasopressine, à la dose de 0,2 à 0,5 u/min. L'arrêt
du saignement, contrôlé sur de nombreux clichés artériographiques, est habituellement obtenu en
20 minutes. La perfusion est généralement maintenue pendant 12 à 24 heures; elle est
éventuellement reprise en cas de récidive hémorragique, bien qu'il soit alors préférable de confier
le malade au chirurgien.

 La perfusion intra-veineuse de vasopressine avait été initialement proposée (20 unités de


vasopressine dans 100 ml de sérum glucosé à 5 % à perfuser en 10 à 40 min). Mais la survenue
d'un certain nombre de décès par vasoconstriction coronarienne avait conduit à déconseiller cette
voie d'administration. Ce fait est actuellement contesté.

3. En cas d'échec ou d'impossibilité des deux méthodes précédentes, le seul recours est la
laparotomie exploratrice d'urgence. Les risques en sont considérables, puisque l'on doit
confier au chirurgien un malade en état circulatoire critique et avec tous les aléas d'une
exploration per-opératoire gênée par la persistance du saignement. De telles situations
dramatiques correspondent fréquemment soit à l'érosion d'une grosse artère par un
volumineux ulcère "calleux", soit à la rupture de varices oesocardiales échappant au
tamponnement de la sonde de Blakemore ou de Warren. Même si le chirurgien parvient à
réaliser l'hémostase, le pronostic immédiat reste grave, compte tenu de la fréquence des
complications post-opératoires immédiates; ainsi la mortalité des malades ayant subi une
anastomose porto-cave en urgence, dépasse 50 % dans le mois suivant l'intervention.

2. LES HEMORRAGIES DIGESTIVES BASSES

Lorsqu'un individu passe du sang rouge au niveau des selles, celui-ci peut prendre origine
dans n'importe quel endroit depuis l'estomac jusqu'à l'anus car, lorsque le transit est accéléré, du
sang produit en grande quantité au niveau d'un ulcère duodénal, par exemple, peut arriver jusqu'à
l'anus sans avoir été digéré. Lorsque le saignement rouge apparaît en-dehors de conditions de choc
hémogénique (autrement dit quand il n'y a pas de perte aiguë importante de sang), la présence de
sang rouge sur les selles doit toujours faire suspecter une lésion au niveau du côlon et cette lésion
est, à parts égales un cancer colique, soit une maladie diverticulaire, soit une angiodysplasie;
l'ulcère solitaire du rectum, la rectocolite hémorragique et la colite ischémique sont d'autres
causes de rectorragies.

Depuis un certain nombre d'années, nous voyons apparaître d'autres causes liées à des
thérapeutiques lourdes. C'est ainsi que des rectorragies peuvent être la conséquence de troubles
de la coagulation, spontanés ou induits, de lésions post-radiques ou encore de toxicité liée à une
chimiothérapie.
137

Le tableau qui va suivre vous montre la façon pratique de procéder en face d'une
hémorragie basse.

Mise en place d'une sang


Sonde gastrique
Pas de sang--------------------------------------> Origine de l'hémorragie
dans la partie haute
de l'intestin grêle ou
de l'estomac-duodénum
Anuscopie et On trouve un endroit
Colonoscopie de saignement:
Traitement approprié
Le sang vient Le saignement cesse
d'en haut
Le saignement Colonoscopie
continue
Angiographie On trouve l'endroit de
Saignement
Négatif Traitement spécifique
Colonoscopie Le saignement persiste
Ou réapparaît

Laparotomie

Pas de site de
saignement mis
en évidence
138

CHAPITRE III : PATHOLOGIES CHIRURGICALES REGIONALES

I. Le péritoine et sa pathologie
1. Physiopathologie du péritoine
2. Les adhérences
II. L'oesophage
1. Notions générales sur l'anatomie, l'histologie et la physiologie de l'oesophage
2. Pathologies:
- Cancer de l'oesophage
- Reflux gastro oesophagien
- Oesophagite
- Hernies hiatales
- Mégaoesophage
- Maladies rares et syndromes à nom propre
III. L'estomac - duodénum
- Rappels
- Explorations fonctionnelles gastriques
- Maladies associées au reflux
- Maladies ulcéreuses gastroduodénales
- Hypergastrinémies
- Gastrites aiguës, gastrites hémorragiques et lésions aiguës hémorragiques
- Pathologie gastroduodénale iatrogène
- Tumeurs gastriques
IV. L'intestin grêle
- Ischémie intestinale chronique
- Infarctus du mésentère
- Obstruction de l'intestin grele
- Affections inflammatoires en dehors du Crohn
- Ischémie intrestinale aigue
- Fistules intestinales greles
- Tumeurs de l'intestin
V. Les voies biliaires
- Rappels anatomo-physiologiques
- Moyens de diagnostie des voies biliaires
- Lithiase biliaire
- Angiocholite
VI. Le foie
- Traumatismes
- Abcès
VII. Le pancréas et la rate
- Pancréas:
Malformations congénitales
La pancréatite
- La rate
Physiologie
Splénectomie
VIII. Le côlon - rectum
- Cancer du côlon
- Cancer de l'ampoule rectale
- Prolapsus rectal
- Diverticules du côlon
139

IX. La chirurgie des hypertensions portales


X. La proctologie
- Semiologie protologique
- Hémorroides
- Prurit anal et dermite péri-anale
- Maladie pilonidale
- Syphilis
- Anorictites sexuelles transmissibles
- Fissure anale

III. 1. LE PERITOINE ET SA PATHOLOGIE

1. PHYSIOPATHOLOGIE DU PERITOINE

Péritonisation - Drainage

Le péritoine est une membrane séreuse tapissant la paroi de la cavité abdominale et recouvrant
totalement ou partiellement les viscères qui y sont contenus. Entre ses deux feuillets se trouve une
cavité virtuelle: la cavité péritonéale.

Cette importante séreuse occupe une place importante en pathologie abdominale.


- sa grande étendue, entre 1,7 et 2 m2, donne d'emblée aux différentes agressions: chimiques,
infectieuses, mécaniques, un rétentissement important qui perturbe l'équilibre hémodynamique de
l'organisme;
- son pouvoir de résorption en fait une ligne de défense capitale vis-à-vis de toute infection
péritonéale, tandis que ses capacités de plasticité permettent au chirurgien de réaliser les
différentes interventions de chirurgie viscérale.

Physiopathologie et fonctionnement du péritoine

STRUCTURE:

Comme toute séreuse, le péritoine est constitué par un mésothélium reposant sur une
couche de tissu conjonctif mince ou lamina propria. Le mésothélium est formé par une couche de
cellules aplaties à contour polygonal reposant sur une membrane basale qui est au contact
immédiat du stroma conjonctif.

Au microscope électronique, ces cellules apparaissent pauvres en mitochondries avec un


système ergastoplasmique peu développé et présentant deux caractères particuliers:
- des microvillosités consituées par des évaginations cytoplasmiques hautes de 0,8 micron et
larges de 0,1 micron soutenues par des filaments centraux; ces villosités plongent dans la
cavité péritonéale et sont l'équivalent de la bordure en brosse des cellules intestinales;
- des vésicules de pinocytose abondantes et souvent confluentes, qui occupent la plus
grande partie du cytoplasme tout en prédominant au niveau de la base des microvillosités;
ces vésicules s'ouvrent soit vers la cavité péritonéale, soit vers le pôle basal de la cellule.

Les jonctions cellulaires ne sont pas occlusives, mais discontinues, ménageant entre deux
cellules contiguës un espace d'environ 40 angströms dont les dimensions varient en fonction des
conditions physiologiques ou pathologiques. Le stroma conjonctif sous-cellulaire contient les
éléments vasculaires, lymphatiques et nerveux. Son épaisseur varie selon les endroits, c'est ainsi
qu'au niveau des mésos les couches cellulaires du mésothélium apparaissent pratiquement
accolées. L'innervation du péritoine pariétal dépend des fibres sensitives rachidiennes, tandis que
140

celle du péritoine viscéral dépend des voies sympathiques. Cette innervation est irrégulière, très
riche en certaines zones de perception sensitive et de phénomènes réflexes. Il en est ainsi du cul-
de-sac de Douglas, du péritoine pelvien,…

2. LE PERITOINE ET SA PATHOLOGIE

Problème des adhérences

Chaque fois que la séreuse péritonéale est traumatisée, des adhérences vont se former. Il
s’agit d’un mécanisme de défense locale très important qui a pour objectif de limiter les
conséquences de l’agression et de contenir l’extension d’un éventuel foyer infectieux.

Lorsque la séreuse est traumatisée, les mastocytes péritonéaux vont libérer de l’histamine
et d’autres “facteurs de perméabilité”, tels des nucléosides et des polypeptides qui vont entraîner
une augmentation de la perméabilité vasculaire, principalement au niveau des petites veines et la
libération dans la cavité péritonéale d’un plasma riche en fibrinogène. Comme les cellules
mésothéliales lésées vont également libérer de la thromboplastine, le fibrinogène sera transformé
en fibrine. La séreuse péritonéale a une activité fibrinolytique due à la présence dans les cellules
mésothéliales et sous-mésothéliales d’un activateur de plasminogène. Ainsi, les dépôts de fibrine
résultant de l’agression péritonéale sont rapidement soumis à une fibrinolyse.

Malgré le fait que les cellules mésothéliales qui régénèrent aient des propriétés
fibrinolytiques augmentées, tout traumatisme de la séreuse péritonéale va dans un premier temps
entraîner une dépression de cette activité fibrinolytique. C’est cette dépression qui permet la
persistance des adhérences fibreuses jusqu’à ce que celles-ci soient colonisées par des
fibroblastes et transformées en adhérences fibreuses. La présence de sang frais dans la cavité
péritonéale favorise la formation des adhérences vraissemblablement en augmentant la quantité de
fibrine formée.

Prévention des adhérences

La prévention des adhérences péritonéales postopératoires a suscité un nombre important de


travaux tant cliniques qu’expérimentaux. La prévention des adhérences péritonéales doit être
envisagée selon quatre modalités différentes:
- prévention des dépôts de fibrine;
- ablation des dépôts de fibrines de la cavité péritonéale;
- dissociations “mécaniques” des anses grêles;
- inhibition de la prolifération fibroblastique.

Prévention des dépôts de fibrine

Toutes les variétés d'anticoagulants ont été utilisées afin d'éviter la survenue de dépôts de
fibrine. Les différents travaux cliniques et/ou expérimentaux ont montré leur peu de valeur et
surtout ont souligné le risque d'hémorragie postopératoire, voire de décès survenus après
administration intrapéritonéale d'héparine.

Ablation des dépôts fibrineux

L'étape initiale de la formation des adhérences semble être l'adhésion des anses grêles
entre elles due à un exsudat de fibrine. Il a semblé donc logique d'essayer de prévenir la formation
de ces adhérences, par l'ablation de cet exsudat fibrineux. Différents types de lavages utilisant des
solutions salines ou des macromolécules (Dextran®) ont été utilisés, mais leur rapidité
141

d'absorption limite leur efficacité. Des enzymes telles que la pepsine ou la trypsine ont été
employées avec des résultats variables et souvent contradictoires. Plus intéressant semble être
l'emploi d'agents fibrinolytiques tels que la streptokinase ou l'urokinase. Enfin, une objection
théorique à l'usage des agents fibrinolytiques semble être la possibilité pour ces produits
d'entraîner un retard de cicatrisation et/ou d'être responsables d'hémorragie. En fait, ces
différentes complications n'ont jamais été observées en pathologie expérimentale.

Dissociations "mécaniques" des anses grêles

En 1982, Ellis propose, pour éviter un contact prolongé des anses grêles entre elles, la
distension de la cavité abdominale par insufflation d'oxygène, ou l'administration de prostigmine
de façon à augmenter le péristaltisme intestinal. L'utilisation de la noxytiolime , si elle n'évite pas
totalement la survenue des adhérences, permet d'en diminuer le nombre et l'importance, les
adhérences étant alors plus fines, plus facilement clivables et nos vascularisées.

Inhibition de l'activité fibroblastique

Des antihistaminiques, des stéroïdes et des agents cytotoxiques ont été utilisés pour inhiber
la prolifération fibroblastique. Les différentes substances entrainent indubitablement, à haute
dose, une inhibition de l'activité fibroblastique, mais cette action s'accompagne malheureusement
d'un effet délétère sur les phénomènes de cicatrisation.

En conclusion, le problème de la prévention des adhérences péritonéales postopératoires


demeure et aucune drogue et/ou technique n'a jusqu'à présent fait la preuve de son efficacité.

Réactions péritonéales à une infection

Tout stimulus inflammatoire entraine immédiatement une vaso-dilatation et une


augmentation de la perméabilité des vaisseaux sous-péritonéaux provoquées par une libération
d'histamine et de prostaglandine à partir des mastocytes et macrophages. Cela est suivi par une
exsudation de grandes quantités de liquides riches en complément, immoglobuline, facteurs de
coagulation et fibrinogène. Durant les premières 4 à 6 heures qui font suite à une infection, l'on
constate un afflux important de neutrophiles dû essentiellement à la libération de leucotriène B4 à
partir des macrophages, des mastocytes et des neutrophiles eux-mêmes. Tout ceci aboutit à la
constitution d'un milieu inflammatoire, dans lequel les cellules phagocytaires pourront travailler et
contrôler l'infection.

Dans le déroulement d'une péritonite bactérienne, trois mécanismes majeurs interviennent


très rapidement pour nettoyer la cavité péritonéale: les lymphatiques diaphragmatiques, les
macrophages péritonéaux, l'afflux de neutrophiles. Le rôle des lymphatiques diaphragmatiques et
des macrophages représente la première ligne de défense.

Après contact avec un stimulus inflammatoire, les stomatas diaphragmatiques s'élargissent


rapidement du fait de la rétraction des cellules mésothéliales. Cette augmentation de la taille des
stomatas qui persiste environ 3 jours va favoriser le passage des bactéries. Les lymphatiques
diaphragmatiques jouent un rôle important dans la clairance bactérienne et c'est ainsi que l'on
retrouve des bactéries dans le canal thoracique au bout de 6 minutes et dans le sang au bout de 30
minutes.

Dans les premières phases de la péritonite, l'absorption diaphragmatique a un effet négatif


sur les conséquences de la péritonite car elle permet rapidement le passage des bactéries vers la
circulation.
142

L'afflux des polynucléaires neutrophiles est indépendant de l'importance de l'inoculation


bactérienne que celle-ci soit faite de bactéries vivantes ou mortes. Cette constatation suggère que
l'afflux des neutrophiles répond à la loi du tout ou rien, et que cette ligne de défense est de ce fait
insuffisante en présence d'une contamination bactérienne trop importante qui nécessite alors la
mise en oeuvre d'autres mécanismes de défense.

On peut schématiser la réponse du péritoine à une agression infectieuse de la manière


suivante.
- La première ligne de défense est représentée par les lymphatiques diaphragmatiques. Les
mouvements du diaphragme vont provoquer une circulation ascendante du contenu péritonéal
pour l'amener au contact du péritoine diaphragmatique, dont la structure particulière permet un
rapide passage dans les lymphatiques. Les microbes passent ensuite dans la circulation
générale où ils vont être détruits par les mécanismes de défense systémique.
- Une deuxième ligne de défense est représentée par l'afflux de polynucléaires, de macrophages,
ainsi que par l'exsudation de substances qui favorisent la phagocytose et la destruction des
bactéries (opsonine, anticorps, compléments). Ces différentes substances sont également
responsables d'une vaso-dilatation et d'une augmentation de la perméabilité vasculaire.
- Une troisième ligne de défense est représentée par la localisation des phénomènes
inflammatoires à l'apparition d'adhérences formées par la transformation du fibrinogène en
fibrine.

Agression péritonéale

Cellules mésothéliales Cellules mésothéliales Cellules mésothéliales


Blocage
Libération d'histamine,
Sérotonine… Thromboplastine Activateur

Augmentation de la perméabilité Thrombine Prothrombine Plasmine Plasminogène


des veinules mésothéliales

Exsudation de substances riches


en protéines, fibrinogène Fibrine Dépôts de fibrine
Adhésions fibrine
Adhésions fibreuses

III.2. L’OESOPHAGE

A. NOTIONS GENERALES SUR L’ANATOMIE, L’HISTOLOGIE


ET LA PHYSIOLOGIE DE L’ŒSOPHAGE

Rappel anatomique

L’oesophage est un conduit musculo-membraneux fermé à ses deux extrémités, reliant le pharynx
à l’estomac et traversant donc successivement la région cervicale, le thorax et la partie haute de
l’abdomen.

L’oesophage supérieur (jonction pharyngo-oesophagienne) est formé par un muscle strié: le


muscle crico-pharyngé qui constitue le prolongement du muscle constricteur du pharynx. Ce
muscle fait partie du sphincter supérieur de l’oesophage.
143

Les premiers centimètres de l’oesophage moyen sont formés uniquement de fibres striées, puis les
fibres lisses deviennent de plus en plus abondantes et prédominent nettement à partir du milieu de
l’oesophage. La transition entre les fibres lisses et striées est située plus haut dans la couche
circulaire que dans la couche longitudinale.

L’oesophage inférieur traverse le diaphragme au niveau du hiatus oesophagien et comporte par


conséquent un segment abdominal. Le complexe oesophagien inférieur est un sphincter
physiologique mais sans véritable individualité anatomique. On distingue de haut en bas, le
segment légèrement dilaté: l’ampoule épiphrénique, puis le vestibule, enfin la jonction de
l’oesophage avec l’estomac ou cardia anatomique. Le vestibule correspond du point de vue
fonctionnel au sphincter du bas oesophage. A ce niveau, la couche musculaire est épaissie, grâce à
une augmentation de la couche circulaire et à la présence des fibres situées immédiatement dans la
sous-muqueuse. Le vestibule oesophagien est amarré au hiatus par la membrane phréno-
oesophagienne, issue du fascia sous-diaphragmatique. A cheval entre l’abdomen et le thorax, sa
position varie légèrement selon les mouvements respiratoires: à l’inspiration, il est presque
totalement intra-abdominal, tandis qu’à l’expiration, il déborde dans le thorax.

L’innervation de l’oesophage reçoit de nombreuses fibres parasympathiques venant des nerfs


vagues et pendant leur trajet intrathoracique, les nerfs accolés à la paroi oesophagienne distribuent
des rameaux oesophagiens. L’oesophage reçoit également quelques filets d’origine sympathique.

L’innervation intrinsèque est constituée par le plexus intra-musculaire d’Auerbach et le plexus


sous-muqueux de Meissner.

Rappel histologique

La motricité oesophagienne assure la dernière étape de la déglutition dont les différents actes
moteurs sont synchronisés par une organisation nerveuse extrinsèque et intrinsèque complexe. Le
rôle du sphincter du bas oesophage comme obstacle au reflux gastro-oesophagien a été récemment
souligné grâce aux techniques manométriques.

Sphincter oesophagien supérieur (S.O.S)

L’orifice oesophagien supérieur est fermé entre les déglutitions par une activité tonique et
permanente des muscles de la paroi pharyngienne empêchant l’air inspiré de pénétrer dans
l’oesophage. Il existe, en effet, une zone de haute pression, intra-luminale, entre la 4è et la 7è
vertèbre cervicale. Lors de la déglutition, l’activité tonique des muscles de cette région cède, la
pression s’abaisse. Les muscles mis en jeu sont des muscles striés, innervés directement par des
fibres d’origine bulbaire contenues dans le nerf vague.

Corps de l’oesophage

Au repos, la lumière de l’oesophage est virtuelle. La pression intra-luminale moyenne oscille


selon les phases respiratoires autour de moins 5 cm d’eau. La pression diminue à l’inspiration et
augmente à l’expiration pour atteindre 6.5 cm d’eau. L’activité motrice oesophagienne se traduit
par des ondes péristaltiques qui se déplacent tout le long de l’oesophage. L’onde contractile passe
ainsi de la musculature striée à la musculature lisse. On distingue classiquement deux types de
péristaltisme oesophagien :
- le péristaltisme primaire : onde contractile qui suit l’ouverture du sphincter oesophagien
supérieur et, par conséquent, la déglutition;
- le péristaltisme secondaire survient en l’absence de déglutition. Il est déclenché par un reflux
gastro-oesophagien ou par la non-évacuation d’un bol restant suspendu dans l’oesophage. C’est
144

un mécanisme important puisqu’il en permet la vidange totale.

Du point de vue mécanique, le mouvement péristaltique comprend deux éléments: l’un est la
contraction circulaire qui pousse devant elle le bol alimentaire, l’autre le raccourcissement de
l’oesophage au-dessus du bol. Ces deux mouvements conjugués permettent la progression des
ingestats.

Les innervations extrinsèques et intrinsèques coopèrent pour créer les mouvements péristaltiques.
Dans l’oesophage supérieur, dont la musculature est striée, l’innervation vagale l’emporte. Dans
l’oesophage moyen et inférieur, dont la musculature est lisse, l’innervaton vagale ne fait
qu’amorcer la contraction. La propagation est assurée par l’innervation intrinsèque qui est
responsable du caractère harmonieux des mouvements.

Sphincter oesophagien inférieur (S.O.I)

Un sphincter se définit sur le plan physiologique comme un segment capable de maintenir au


repos un gradient de pression par rapport au segment adjacent et de réagir à des stimuli nerveux,
hormonaux ou pharmacologiques. Cette définition permet de parler de sphincter au niveau de bas
oesophage bien qu’aucune structure sphinctérienne spécifique n’ait pu être individualisée sur le
plan anatomique.

Le sphincter oesophagien inférieur (S.O.I) est fermé en permancence en période de repos. Il joue
un rôle physiologique très important puisqu’il protège la muqueuse oesophagienne des sécrétions
gastriques acides et, dans certains cas, bilio-pancréatiques (gastrectomie). Son incontinence est
responsable de la pathologie oesophagienne la plus fréquente: le reflux gastro-oesophagien et ses
conséquences. Dans les conditions normales, et quelles que soient les phases de la respiration, il
règne à son niveau une pression élevée comprise entre 10 et 15 cm d’eau nettement différente de
la pression intra-oesophagienne (moins 5 cm d’eau) et de la pression intra-gastrique (8 cm d’eau).
Le tonus de ce S.O.I. est soumis à une régulation qui fait intervenir les mécanismes hormonaux et
nerveux. Par ailleurs, son efficacité n’est complète que s’il est maintenu en position normale au
niveau de l’orifice hiatal.

Les facteurs hormonaux: alors qu’une instillation d’acide dans le bas oesophage provoque une
augmentation de la contraction du S.O.I., la même instillation faite au niveau de l’antre diminue
sa pression. L’inverse est obtenu par alcalinisation. De telles variations suggèrent l’intervention
de la gastrine en tant que stimulant du S.O.I., ou peut-être même en tant que responsable de
l’activité contractile basale de ce sphincter. La Motiline joue un rôle également très important, ses
effets étant identiques à ceux de la gastrine. L’augmentation de la pression est inhibée par un
repas riche en lipides ou en acides, et par l’administration de sécrétine et de glucagon .

SUBSTANCES DIMINUANT LA PRESSION DU SPHINCTER INFERIEUR


DE L’OESOPHAGE

Sécrétine Bêta-stimulants Acidification gastrique


Cholécystokinine Alpha-bloquants Repas gras
Glucagon Anticholinergiques Chocolat
Progestérone, oestrogènes ? Théophylline Alcool
Prostaglandines E1, E2, A2 Caféine Tabac
145

SUBSTANCES AUGMENTANT LA PRESSION DU SPHINCTER INFERIEUR


DE L’OEOSPHAGE

Gastrine, Pentagastrine Bétazole


Prostanglandine F2 stimulants adrénergiques Alcalinisation gastrique
Alpha-stimulants Métoclopramide
Cholinergiques Repas protéique
Anticholinestérases

Les facteurs nerveux: l’élévation de la pression abdominale entraîne une augmentation de la


contracture du SOI avec conservation d’un gradient de pression par rapport au bas oesophage et
du cardia. Ces constatations suggèrent l’existence d’un mécanisme réflexe.

Les facteurs mécaniques: outre l’influence des facteurs hormonaux et nerveux, l’intégrité des
facteurs extrinsèques: ligament phréno-oesophagien, anneau hiatal du diaphragme, valvule de
Gubaroff, angle de His, semblent jouer un grand rôle (du moins chez l’homme) dans la continence
de ce sphincter.

B. PATHOLOGIES

I. Cancer de l’oesophage

Le cancer de l’oesophage présente une fréquence relativement élevée et en augmentation


permanente. C’est un cancer chirurgical, surtout dans ses localisations inférieures, mais sa
découverte, trop souvent tardive du fait de sa longue latence clinique, explique son pronostic très
sombre.

Données épidémiologiques.
Epidémiologie descriptive.

L’étude de la répartition mondiale du cancer de l’oesophage permet de dégager une fréquence


élevée au niveau d’une zone en ceinture parcourant toute l’Asie Centrale (en particulier certaines
régions d’Iran), en Inde, dans plusieurs régions d’Afrique du Sud et de l’Est, dans les Caraïbes, et
aux Etats-Unis. Le risque de cancer de l’oesophage augmente avec l’âge et en France les hommes
sont 9 à 10 fois plus fréquemment atteints que les femmes.

Epidémiologie analytique

L’alcool et le tabac jouent un rôle prédominant et la combinaison de ces deux facteurs obéit à un
modèle de type multiplicatif. Cependant, si ces constatations s’appliquent bien aux cancers de
l’oesophage rencontrés en France, les autres zones à haut risque sont situées le plus souvent dans
des pays musulmans où la consommation d’alcool et de tabac est nulle. L’absorption de boissons
très chaudes (thé) est alors mise en cause. Enfin la possibilité de dégéneréscence de certaines
lésions bénignes (sténose caustique, oesophagite peptique, méga-oesophage) est admise et
s’expliquerait par la survenue des dysplasies épithéliales sévères.

Epidémiologie métabolique

Un déficit en riboflavine a été avancé; il faciliterait sur le plan expérimental l’action des
carcinogènes.
146

Anatomie pathologique

Il s’agit, le plus souvent, d’un épithélioma malpighien, spino-cellulaire, mais on observe parfois
des épithéliomas glandulaires à îlots gastriques aberrants au tiers inférieur de l’oesophage.
L’aspect macroscopique, au début, peut être bourgeonnant, ulcéré ou infiltrant, mais la
propagation à la fois circulaire et longitudinale détermine assez rapidement une sténose végétante,
enraidissante et nécrosante plus ou moins étendue. Du fait de l’absence de la séreuse, l’extension
se fait précocement et fréquemment vers les tissus et les organes de voisinage: bronches, trachée,
aorte, veine azygos, plèvre, péricarde, nerfs récurrents. L’extension se fait également par voie
lymphatique vers les ganglions médiastinaux et plus loin, vers les ganglions sus-claviculaires et
coeliaques. Enfin, le cancer de l’oesophage donne des métastases à distance, en particulier
hépatiques.

Circonstances de diagnostic

La dysphagie constitue le signe clinique majeur mais hélas trop tardif. Elle domine, très
largement, la symptomatologie du cancer de l’oesophage. Elle est d’abord marquée pour les
solides. Elle concerne ensuite, les aliments semi-liquides, puis les liquides eux-mêmes.
Malheureusement, lorsqu’elle survient, les lésions sont, généralement, très évoluées. Au début de
l’évolution, et pendant un temps assez long, la dysphagie peut être discrète, capricieuse,
transitoire et sensible aux traitements antispasmodiques banals car, à la gène mécanique que
provoque la tumeur, s’ajoute un élément spasmodique ou inflammatoire. Ainsi, si on veut avoir
des chances de faire le diagnostic à un stade précoce, le moindre trouble dysphagique doit être
pris en considération (oesophagoscopie).

Les autres manifestations possibles (éructations, hoquet, sialorrhée, fétidité de l’haleine) sont
contingentes et retrouvées de façon inconstante. Elles présentent peu d’intérêt pour le diagnostic.

Des signes d’extension (adénopathies sus-claviculaires, métastases hépatiques, dysphonie, avec


paralysie récurrentielle, adénopathie etc) ou des signes de dénutrition (amaigrissement par
difficulté d’alimentation) peuvent être au premier plan du tableau clinique.

Eléments de diagnostic

Examen radiologique

Dans la grande majorité des cas, le transit oesophagien objective des images caractéris-tiques
traduisant un cancer évolué: rétrécissement tortueux, irrégulier, excentré, correspondant à une
forme infiltrante, lacune irrégulière marécageuse, témoignant de l’existence du bourgeon
néoplasique, ou niche souvent cernée d’un mécanisme à fond plat représentant une ulcération.

Ces aspects, souvent intriqués, sont d’autant plus évocateurs qu’ils s’accompagnent d’une perte
du liséré de sécurité et d’une rigidité segmentaire de l’oesophage. Dans quelques cas les lésions
moins évoluées (rigidité segmentaire minime ou accrochage discret du produit de contraste par
ulcération superficielle) nécessitent un examen très minutieux.

L’exploration radiologique doit également s’attacher à préciser l’étendue en hauteur de la sténose,


sa limite supérieure et son siège exact, par rapport à la crosse aortique. Ceci permettra de
distinguer les cancers du tiers inférieur (du cardia au bord inférieur de la bronche), du tiers moyen
(de la bronche au bord supérieur de la crosse aortique) et du tiers supérieur de l’oesophage.
147

Examen endoscopique (indispensable)

Dans les formes évoluées l’endoscopie, grâce aux biopsies, précise le type histologique et
l’extension en hauteur du processus tumoral. Le cancer se présente alors sous forme d’une lésion
bourgeonnante ou ulcérée, à contours indurés saignant au moindre contact, plus rarement sous
forme d’une infiltration focalisée.

L’intérêt diagnostique de l’endoscopie est infiniment plus important pour les lésions de petite
taille, infiltrantes ou associées à une affection bénigne (diverticule, sténose cicatricielle, endo-
brachy-oesophage…).

Dans les sténoses serrées, des biopsies peuvent être faites en introduisant la pince à travers
l’orifice du rétrécissement. Dans ces cas, il peut être utile de compléter l’examen par un
prélevement cytologique à l’aide d’une brosse spéciale (cytologie exfoliatrice).

En fait, malgré les perfectionnements de l’endoscopie, et contrairement aux progrès réalisés dans
le diagnostic du cancer de l’estomac, le diagnostic de cancer au stade intra-épithélial demeure
rarissime au niveau de l’oesophage. Les signes cliniques motivant l’endoscopie sont toujours trop
tardifs. C’est pourquoi, il convient de souligner l’importance de l’observation systématique et
attentive du conduit oesophagien lors d’examens endoscopiques motivés pour des maladies
gastriques ou duodénales et surtout le dépistage des populations à haut risque. L’opérateur devra
avoir le souci d’une exploration de surface concernant la régularité, la couleur de la structure
épithéliale et pas seulement la recherche d’éventuelles images additionnelles ou soustractives.
L’utilisation de la cytologie exfoliatrice peut apporter ici des résultats intéressants.

Evolution et pronostic

En l’absence de traitement à visée radicale, l’évolution du cancer de l’oesophage se fait


rapidement vers la cachéxie et la mort. La survie dépasse rarement deux ans après le début des
symptômes. Les traitements palliatifs sont souvent les seuls possibles. Ils évitent la mort par
inanition mais exposent le malade à la survenue de complications liées à l’extension tumorale.

L’extension aux tissus de voisinage peut être responsable d’une dysphonie par atteinte
récurrentielle. Paralysie récurrentielle peut favoriser les accidents infectieux de broncho-
pneumopathie par inhalation de particules alimentaires.

Ces “fausses-routes” doivent être distinguées des fistules oesophago-respiratoires, qui sont
responsables, elles aussi, d’accès de suffocation et de quintes de toux lors de tentatives
d’alimentation, en particulier pour les liquides. La distinction repose sur les données de l’examen
ORL qui, dans certains cas, confirmera une paralysie récurrentielle et de l’examen radiologique
qui, dans d’autres cas, mettra en évidence une fistule.

Il est possible d’observer des métastases hépatiques, pulmonaires ou osseuses. Toutes ces
manifestations témoignent de l’extension du cancer, et elles doivent être recherchées
systématiquement avant de décider du choix de la thérapeutique (examen ORL, bronchoscopie,
bilan hépatique, laparoscopie…)

La fréquence des cancers multiples doit être signalée: 10 % des malades environ présentent une
seconde localisation (souvent dans la sphère ORL) contemporaine ou non de la lésion
oesophagienne.
148

Traitement

Actuellement, le seul traitement à visée curatrice est le traitement chirurgical, éventuellement


complété par les agents physiques et la chimiothérapie.

Moyens therapeutiques

Les méthodes palliatives s’adressent à des malades inopérables ou qui ont une extension
néoplasique trop importante (métastases, ganglions de Troisier, envahissement de la bronche,
paralysie récurrentielle à tumeur inextirpable). On a alors recours à la gastrostomie d’alimentation
qui constitue une infirmité effroyable ou à des anastomoses palliatives au moyen de l’estomac ou
du côlon. Actuellement ces modes palliatives peuvent être remplacées dans certains cas par la
mise en place sous endoscopie d’endroprothèse de Célestin.

Les méthodes d’exérèse consistent à enlever une partie ou tout l’oesophage et à le remplacer par
l’estomac préalablement libéré (gastroplastie) ou par le côlon (coloplastie) en général le côlon
gauche. En fait, le croisement de la crosse de l’aorte et de l’oesophage pose un problème pratique
de voie d’abord: lorsque les tumeurs siègent à la partie inférieure de l’oesophage et au niveau du
cardia, la voie thoracique gauche, avec phrénotomie, permet à la fois d’enlever l’oesophage et
d’utiliser un transplant gastrique ou colique.

Lorsque les tumeurs siègent au tiers moyen ou au tiers supérieur de l’oesophage thoracique, il
vaut mieux alors avoir recours à la thoracotomie droite qui évite le décroisement entre l’aorte et
l’oesophage. Cette thoracotomie droite est précédée d’une laparotomie qui permet la recherche de
métastases hépatiques ou ganglionnaires et la libération d’un transplant gastrique ou colique. Une
éventuelle cervicotomie gauche peut succéder à la thoracotomie pour, après résection totale de
l’oesophage, faire une anastomose cervicale.

Grâce à une préparation respiratoire et nutritionnelle, la mortalité opératoire a bien regressé, elle
reste surtout dominée par le risque de fistule anastomotique.

Les résultats éloignés restent décevants puisque les survies moyennes n’atteignent pas deux ans.
Seul un dépistage systématique des cancers et éventuellement une association entre la chirurgie et
la radiothérapie peuvent tenter d’améliorer le pronostic.

La cobaltothérapie peut être utilisée isolément et améliorer souvent la dysphagie, mais la récidive
des symptômes est généralement rapide. En pré-opératoire, elle permettrait d’augmenter le taux
de résécabilité. En post-opératoire, elle aurait un intérêt dans les exérèses palliatives. La
radiothérapie isolée est basée sur le fait que les cancers étant malpighiens sont potentiellement
curables par cette méthode. Cependant, la situation profonde de la tumeur, au sein d’organes
sensibles, l’envahissement péri-oesophagien et l’atteinte des chaînes lymphatiques médiastinales
parfois cervicales ou coeliaques, implique l’élargissement des volumes irradiés et l’utilisation de
techniques à portes d’entrée multiples. Elle est contre-indiquée en cas d’extension en hauteur trop
importante ou de l’envahissement de certains organes du voisinage comme l’aorte ou les voies
aériennes. Globalement, ses résultats restent modestes, mais elle permet souvent d’améliorer le
confort des malades.

La chimiothérapie peut être utilisée comme adjuvant de la chirurgie. De nombreuses drogues ont
été proposées en assaciations diverses (Endoxan), Oncovin ou Bléomycine. Cette dernière ayant
fait la preuve d’une certaine efficacité, mais sa toxicité rend son utilisation difficile. Très
récemment, le Cis-Dichlorodiamine Platinum parait avoir entrainé des régressions tumorales
objectives, mais là encore la toxicité rend son maniement délicat.
149

L’endoscopie. Les progrès techniques permettent actuellement, de mettre en place, à travers le


rétrécissement néoplasique, des prothèses (prothèse de Célestin), qui ont pour but de pallier à la
dysphagie. Elles sont surtout utilisées dans les cancers du tiers moyen et du tiers inférieur.

Indications

Le choix de la thérapeutique dépend du type histologique, du siège du cancer, de son étendue, et


du terrain.

En fait, devant les résultats décevants apportés par les moyens thérapeutiques actuels, il semble
raisonnable, loin d’opposer la chirurgie à la radiothérapie ou à la chimiothérapie, de mieux
préciser leur place respective et de mieux étudier l’intérêt éventuel de leur association.

Schématiquement, les cancers du tiers supérieur sont actuellement l’apanage du radiothérapeute,


alors que les cancers du tiers inférieur sont le plus souvent confiés au chirurgien pour une
résection anastomose en un temps, et que les cancers du tiers moyen peuvent être traités soit par
radiothérapie soit par la chirurgie avec malheureusement les résultats les plus décevants. Les
nombreux échecs sont expliqués par l’âge élevé des malades, l’état de dénutrition, les tares liées à
l’alcoolisme et au tabagisme, et surtout de diagnostic trop tardif. Des espoirs sont actuellement
fondés sur l’association chirurgie-cobalthérapie en pré- et post-opératoire.

En effet, même pratiquée dans d’excellentes conditions, la chirurgie d’éxerèse n’apporte guère de
résultats satisfaisants (15% de survie à 5 ans en moyenne).

De plus, de très nombreux cancers sont inopérables en raison de l’envahissement de la


musculeuse et de leur extension lymphatique. Lorsque la radiothérapie palliative n’est même pas
permise, le recours à la mise en place d’une prothèse de Célestin, permettant d’assurer
temporairement la fonction d’alimentation, doit être envisagé. Lorsque la radiothérapie est
possible, elle peut précéder la pose d’une prothèse de Célestin.

Contre-indications

Autres tumeurs de l’oesophage

Voir tableau ci-dessous:

CARCINOME  2,5 % de l’ensemble des cancers


PRIMITIF  7 % des cancers digestifs

SARCOMES  Très rares


 Ce sont des léiomyosarcomes, fibrosarcomes,
Rhabdomyosarcomes

NOEVO-  Très rare


CARCINOME  Tumeur exophytique volumineuse, brun-noirâtre faite de
PRIMITIF mélanoblastes
 Généralisation métastatique rapide
TUMEURS  Métastases: sein, testicules, pancréas, prostate
SECONDAIRES  Extension d’un cancer de voisinage: hypo-pharynx, bronches
150

Les principaux types anatomo-pathologiques des tumeurs bénignes de l’oesophage.

T. EPITHELIALES PAPILLOMES  Rares


 Formés d’un axe conjonctif ramifié
ADENOMES  Exceptionnels
 Développés sur des foyers ectopiques
glandulaires du bas-oesophage
T. CONJONCTIVES  Tous les types de tumeurs conjonctives
peuvent se voir
 Fibrome, lipome, angiome,
neurofibrome, ostéochondrome,
granulome éosinophile.
KYSTES  Exceptionnels

II. REFLUX GASTRO-OESOPHAGIEN

Le reflux gastro-oesophagien (R.G.O) se définit par le passage intermittent ou permanent d’une


partie du contenu gastrique dans l’oesophage. Il peut s’agir de sécrétions acides ou en cas de
gastrectomie de sécrétion bilio-pancréatiques. Le RGO est dû à une déficience de la zone
fonctionnelle sphinctérienne le plus souvent secondaire à une anomalie du carrefour oeso-cardio-
tubérositaire. L’agressivité des sécrétions acides et/ou bilio-pancréatiques sur la muqueuse
oesophagienne est susceptible d’entrainer un certain nombre de complications.

La prévalence du RGO dans la population générale est élevée mais difficile à apprécier avec
exactitude en raison du caractère asymptomatique ou atypique possible du reflux. De plus,
lorsqu’il est peu fréquent, de brève durée et post-prandial, il faut le considérer essentiellement
comme un phénomène physiologique. Il ne devient pathologique que lorsqu’il est répété et
durable dans certaines positions (décubitus, position penchée en avant).

Circonstances de diagnostic

 L’expression clinique du RGO peut être suffisamment caractéristique pour permettre le


diagnostic dès l’interrogatoire. Le symptôme le plus fréquent est la douleur rétro-sternale à
point de départ épigastrique et de trajet ascendant. Cette douleur est à type de brûlures, elle
peut survenir isolément ou s’accompagner de régurgitations. L’association des brûlures
rétrosternales suivies de régurgitations constitue le pyrosis, signes hautement évocateurs du
reflux gastro-oesophagien.

Le caracrtère postural de cette symptomatologie est un élément de grande valeur: elle est
déclenchée ou majorée par l’antéflexion, le décubitus dorsal ou le décubitus dorsal ou le décubitus
latéral droit. Pendant la nuit où le décubitus représente une condition favorable au reflux, une
partie du liquide peut pénétrer dans la trachée et déclencher une toux nocturne qui réveille le sujet.
La toux, la défécation, la contraction de la sangle abdominale, le port de ceinture trop serrée ou de
gaine représentent des facteurs déclenchants en raison de l’élévation de la pression intra-
abdominale qui favorise le reflux. L’absorption d’alcool, de boissons chaudes ou acides peuvent
être également responsables des brûlures oesophagiennes.

 Le diagnostic de RGO peut également être porté devant une ou plusieurs de ses complications:
oesophagite avec sténose et/ou ulcère et/ou hémorragie.
151

 Enfin la symptomatologie peut simuler une pathologie cardiaque (formes pseudo-angineuses),


laryngée (dyspnée laryngée), ou respiratoires (pneumopathie atypique, toux nocturne).

Eléments de diagnostic

Interrogatoire

Il reste l’élément essentiel. La confirmation et l’exploration du RGO sont apportées par plusieurs
examens faisant appel à des techniques radiologiques et endoscopiques relativement simples mais
aussi à des méthodes d’exploration fonctionnelle plus complexes, utilisées seulement dans des cas
difficiles et douteux.

Radiologie

Après remplissage de l’estomac par la baryte fluide, le RGO sera recherché en plaçant le malade
dans différentes positions: décubitus dorsal, en oblique antérieure gauche, pro-cubitus, position de
Trendelenburg. Ces manoeuvres simples suffisent généralement faire apparaître le reflux. Parfois
il est nécessaire de faire appel pour l’affirmer à des manoeuvres plus compliquées qui provoquent
le reflux, soit en augmentant le gradient de pression abdomino-thoracique, soit en favorisant
l’ouverture du cardia (manoeuvre de Valsava, etc). Dans ces cas, la mise en évidence d’un RGO a
beaucoup moins de valeur car elle est obtenue dans des conditions moins physiologiques que
précédemment.

Malgré ces artifices techniques, le transit baryté ne permet pas toujours d’objectiver tous les
reflux et par conséquent un examen radiologique normal ne peut éliminer le diagnostic d’un RGO
intermittent.

Endoscopie

L’oesophagoscopie ne peut être considérée comme une méthode de choix pour la mise en
évidence du RGO, la présence de l’endoscope déclenchant des ondes péristaltiques secondaires et
pouvant dans certains cas entraîner des efforts de vomissement. Chez l’individu normal, le
sphincter oesophagien se présente sous forme d’une zone d’occlusion luminale au niveau de
laquelle se produisent des mouvements d’ouverture spontanés à la suite d’ondes péristaltiques
secondaires. L’existence d’une béance cardiale est un signe indirect de RGO. En fait l’intérêt de
l’endoscopie est surtout de déceler les éventuelles anomalies de la région cardiale et surtout
d’apprécier les conséquences du RGO sur l’oesophage: oesophagite, endo-brachy-oesophage,
ulcère, sténose.

Manométrie

Les études manométriques ont été à l’origine du concept du SOI, principale barrière anti-reflux
caractéristisé par l’existence au repos d’une zone de haute pression. Cependant l’utilisation de la
manométrie comme moyen diagnostic du RGO, est critiquable en raison des pourcentages
importants d’erreurs dues à de multiples raisons: instabilité dans le temps de la pression de repos
du SOI, variation de la pression en fonction du diamètre du cathéter, modifications des pressions
avec les mouvements respiratoires. Cependant, la manométrie est utile pour étudier le
péristaltisme oesophagien et mettre en évidence une éventuelle dyskinésie pouvant augmenter le
temps de contact entre l’acide et la muqueuse malpighienne.
152

Enregistrement du pH

La pHmétrie paraît être actuellement la méthode la plus pratique pour le diagnostic du RGO. Elle
consiste à enregistrer le pH à 5 cm au-dessus du sphincter oesophagien à l’aide d’une électrode de
verre reliée à un galvanomètre.

L’électrode est fixée à l’extrémité d’une sonde introduite par la bouche. Trois techniques peuvent
être proposées:
- la pHmètre brève, consiste à remplir l’estomac par une solution déci-normale d’acide
chlorhydrique et de rechercher le reflux au cours de différentes manoeuvres de provocation.
Cette méthode n’est, malheureusement, pas toujours spécifique et certainement pas
physiologique;
- la pHmètrie longue, sur 18 ou 24 h, est la plus sensible, et la plus spécifique mais s’avère
beaucoup plus contraignante;
- la pHmétrie sur 3 heures a une spécificité et une sensibilité pratiquement identiques à la
précédente, l’enregistrement se déroulant au cours des 3 heures qui suivent un repas-test (1
heure assis, 1 heure en décubitus dorsal, 1 heure assis). Un scope est établi en tenant compte
de l’importance de la baisse du pH oesophagien et du temps pendant lequel ce pH est inférieur
à 5. Cette technique permet également d’étudier la nature alcaline ou acide du reflux.

Dérivée de la pHmétrie, la clairance oesophagienne peut être mesurée en instillant de l’acide


chlorhydrique déci-normale dans l’oesophage et en mesurant le nombre de déglutitions
nécessaires pour ramener le pH oesophagien à la normale.

Scintigraphie oesophagienne

Cette méthode est la plus proche des conditions physiologiques, mais son utilisation reste limitée
en raison de la lourdeur des équipements nécessaires. Elle peut, également, apparaître peu
performante pour les reflux quantitativement faibles.

Elle consiste à rechercher le reflux gastro-oesophagien après que le sujet a ingéré un isotope
(sulfure colloïdal de technétium 99) dont on peut suivre l’évacuation gastrique ou la resibilité et la
spécificité sont proches de 100 % et comparables aux résultats obtenus avec la pHmétrie de
longue durée. Par contre, elle ne permet pas de différencier reflux acide ou alcalin.

Test de Bernstein = test de perfusion acide

L’instillation de HCL à 0,1 N dans le corps de l’oesophage peut provoquer une symptomatologie
douloureuse semblable à celle que présente spontanément un patient atteint de RGO. Il permet
donc en théorie de rattacher au RGO certains symptômes moins caractéristiques et de différencier
une douleur thoracique coronarienne d’une douleur oesophagienne, cependant il n'est ni très
sensible ni très spécifique.

EVOLUTION ET PRONOSTIC

L’existence d’un RGO est la condition nécessaire et suffisante au développement de la maladie


peptique. L’intensité de la symptomatologie douloureuse n’est pas toujours en relation étroite
avec l’importance des altérations de la muqueuse oesophagienne. Ainsi certaines
symptomatologies très bruyantes ne s’accompagnent que de lésions discrètes d’oesophagite mises
en évidence par l’examen endoscopique. A l’inverse, une oesophagite intense peut évoluer à bas
bruit, et le diagnostic ne sera fait qu’à l’occasion d’une complication.
153

Traitement

Traitement médical

Il est à la fois symptomatologique et pathogénique.

Les moyens visant à réduire le RGO consistent à renforcer la pression de repos du sphincter et à
éviter tout ce qui peut la diminuer:
- les mesures diététiques consistent à proscrire chocolat, café, alcool, graisse et tabac, qui
diminuent la pression de repos du SOI. Les repas trop abondants et trop liquides générateurs
d’hyperpression gastrique, l’utilisation des eaux minérales gazeuses, sont à éviter;
- les mesures d’hygiène visent à réduire la pression intra-abdominale par la suppression de
ceinture et de corset. Il sera nécessaire d’éviter les positions antéflechies, et le décubitus post-
prandial;
- les médicaments dont certains seront à proscrire car ils relâchent le SOI : Théophilline,
anticholinergiques, d’autres renforcent la pression de repos du SOI, comme les
cholinergiques, mais présentent l’inconvénient de stimuler la sécrétion gastrique. Le
métoclopramide semble avoir un intérêt certain, car il stimule aux doses thérapeutiques, la
musculature lisse et renforce le tonus du SOI et l’évacuation gastrique, la Domperidone
(Motilium ®) également.

Les moyens pour diminuer ou neutraliser la sécrétion acide de l’estomac.


 Les pansements anti-acides tamponnent l’acidité dans l’oesophage, réduisent la durée du
reflux et améliorent le pyrosis. Ils doivent être absorbés après les repas et avant le coucher. Ils
pourraient agir sur le SOI soit directement soit surtout par l’intermédiaire de la gastrine après
alcalinisation du contenu gastrique.
 L’acide alginique (Gaviscon) ® surnage sur le liquide de stase gastrique et réalise ainsi une
barrière entre les ions H+ et la muqueuse oesophagienne en cas de reflux. L’association anti-
acide et acide alginique paraît efficace.
 Les inhibiteurs des récepteurs H2 de l’histamine (Cimétidine) ont également été proposés pour
diminuer la sécrétion gastrique acide. Ils doivent être utilisés quand une oesophagite
importante est associée au reflux acide.

Traitement chirurgical

Il consiste essentiellement à proposer des interventions anti-reflux qui comportent toutes


l’abaissement d’un segment oesophagien en situation intra-abdominale et la confection d’un
dispositif valvulaire (fundoplicature). Une vagotomie peut être associée pour réduire la sécrétion
acide.

L’indication du traitement chirurgical se pose devant la persistance des symptômes malgré un


traitement médical bien suivi pendant 2 à 3 mois, devant l’apparition d’une complication
(oesophagite sévère, ulcère peptique, sténose oesophagienne). En fait , ces indications sont
modulées en fonction de l’âge et de l’état général du sujet.

III. OESOPHAGITES

Oesophagites peptiques

Sous le terme d’oesophagites peptiques on désigne tous les états inflammatoires, sub-aigus et
chroniques de la muqueuse oesophagienne, secondaires à l’action corrosive des sucs digestifs du
reflux gastro-oesophagien. Leurs étiologies sont donc celles du reflux.
154

Elles réalisent une gamme de lésions importantes à connaître. Suivant leur stade évolutif, leurs
manifestations vont de la simple brûlure ou pyrosis à la dysphagie complète de la sténose ulcérée.

L’évaluation de l’importance de l’oesophagite et son évolution sous traitement reposent avant tout
sur l’examen endoscopique. Ce dernier permettra de savoir si le traitement médical est suffisant
ou s’il convient d’envisager une intervention chirurgicale afin d’éviter le passage vers cette
affection redoutable que constitue la sténose peptique.

Anatomie pathologique

Les lésions rencontrées au cours des oesophagites peptiques sont schématiquement de quatre
types: l’hyperacanthose, l’oedème, les pseudo-membranes et les ulcérations de l’oesophagite
superficielle diffuse, localisée, pouvant dépasser la paroi oesophagienne.

Circonstances de diagnostic

La clinique peut être évocatrice à un stade initial. Les symptômes sont alors ceux du reflux
gastro-oesophagien, mais la brûlure peut aussi être déclenchée lors de l’ingestion d’aliments,
d’alcool, de liquides chauds. Il s’agit souvent de brûlures descendantes qui peuvent être associées
à des sialorrhées hémorragiques nocturnes ou post-prandiales.

La dysphagie peut représenter le symptome principal. Au début, elle est intermittente, parfois
douloureuse (provoquée par un spasme oesophagien), puis elle s’aggrave pour devenir
permanente en l’absence de traitement. L’existence, à l’interrogatoire, d’un pyrosis antérieur peut
constituer un élément d’orientation en faveur de l’étiologie peptique. Mais la dysphagie peut être
le premier symptôme de la sténose peptique et entraîner par la suite une dénutrition sévère.

L’ulcère oesophagien ne s’accompagne pas d’un syndrome douloureux présentant les caractères
évolutifs de l’ulcère gastro-duodénal, en particulier il n’existe aucune périodicité ni rythmicité. Il
est souvent une découverte radiologique ou endoscopique.

Modalités évolutives

En l’absence de traitement efficace, une sclérose inflammatoire évolutive va se constituer et


atteindre non seulement la paroi oesophagienne mais aussi le tissu médiastinal péri-oesophagien.
Elle peut aboutir à la formation d’un brachy-oesophage, c’est-à-dire d’un raccourcissement de
l’oesophage maintenant de façon permanente et irréversible le cardia et un segment d’estomac en
position intra-thoracique. Exceptionnellement le brachy-oesophage peut être d’origine congénitale
et dans ce cas il n’est plus la conséquence, mais la cause de reflux.

L’endo-brachy-oesophage à l’opposé est une anomalie uniquement muqueuse. Le cardia


muqueux est intra-thoracique et le cardia “anatomique” est en position normale. Cette anomalie
s’explique par le remplacement progressif de la muqueuse oesophagienne altérée par une
muqueuse gastrique “remontant” le long de l’oesophage. L’action aggressive des sécrétions
gastriques sur la muqueuse oesophagienne en est d’autant plus facilitée et peut provoquer des
ulcères et/ou des sténoses peptiques.

La dégénérescence néoplasique d’une muqueuse de régénération d’endo-brachy-oesophage


paraît possible, mais de fréquence discutée. Elle doit toujours être redoutée.

Des hémorragies d’importance variable peuvent également se voir.


155

Examens complémentaires

RADIOGRAPHIE

L’oesophagite n’a pas toujours une traduction radiologique évidente. Dans certains cas, on peut
observer un aspect spiculaire des bords de l’oesophage ou une raréfaction et un épaississement
des plis au-dessus d’un cardia incontinent. L’examen radiologique peut être utile pour mettre en
évidence certains facteurs étiologiques tels qu’une hernie hiatale ou une malposition cardio-
tubérositaire.

La sténose dans les cas typiques est centrée, régulière, courte et bas située, l’oesophage sus-
jacent paraissant souple et présentant un aspect en entonnoir. Au-dessous de la sténose, la
présence des plis gastriques convergeant vers elle sont très évocateurs, lorsqu’ils sont présents, de
sa nature peptique.

L’ulcère de l’oesophage se traduit par une tache opaque de face, une image d’addition de profil.
Il coexiste, souvent avec une sténose.

ENDOSCOPIE

Elle apprécie, mieux que la clinique ou la radiologie, l’existence et l’importance de l’oesophage.


Schématiquement, on peut classer les lésions en trois stades;
 stade I : muqueuse érythémateuse ou d’aspect dépoli;
 stade II: oesophagite pseudo-membraneuse;
 stade III : oesophagite ulcérée ou hémorragique.

L’endoscopie permet également de préciser les modifications anatomiques éventuelles de la


région. La jonction entre les deux muqueuses gastrique et oesophagienne est repérée par des
sinuosités blanchâtres traduisant la fin de l’épithélium malpighien. Cette jonction se situe
normalement en regard de l’orifice hiatal du diaphragme. En cas d’endo-brachy-oesophage, une
muqueuse de type gastrique peut être retrouvée sur une hauteur plus ou moins importante de
l’oesophage. Pour cela, il est parfois nécessaire d’avoir recours à l’utilisation de colorants vitaux:
solution de Lugol à 5 %, solution aqueuse de rouge congo à 0,3 %. Sous l’effet du Lugol, le
glycogène que contient l’épithélium malpighien de l’oesophage prend une coloration marron qui
le différencie de l’épithélium cylindrique du versant gastrique qui ne prend pas le colorant. En cas
de métaplasie épithéliale cylindrique du bas oesophage, l’éventuel caractère acido-sécrétant de la
muqueuse peut être mis en évidence par application de rouge congo suivi d’une stimulation
sécrétoire. Le rouge congo vire au bleu au-dessous du pH3.

Au stade de sténose, l’endoscopie permet de constater un rétrecissement blanchâtre, circulaire,


plus ou moins serré, en règle médian, et sans formation bourgeonnante. L’oesophage d’amont
présente généralement des signes d’oesophagite. Parfois, la sténose peut revêtir un aspect pseudo-
néoplasique. Les prélèvements histologiques doivent donc être multiples et étagés. En cas de
sténose très serrée infranchissable par les endoscopes pédiatriques, il conviendra d’effectuer des
biopsies et des prélèvements cytologiques à travers la sténose, car c’est à son pôle distal (endo-
brachy-oesophage) que le risque de transformation carcinomateuse est le plus grand.

L’ulcère fréquemment associé à la sténose n’est pas toujours vu en endoscopie. Parfois,


cependant, il apparaît sous la forme d’une perte de substance plus ou moins profonde recouverte
d’une membrane jaune chamois. Il siège souvent à la jonction des muqueuses gastrique et
oesophagienne (ulcère de Barret) et peut saigner ou se perforer.
156

Traitement

TRAITEMENT MEDICAL

Il est en fait identique à celui du reflux gastro-oesophagien. Il est nécessaire dans tous les cas, soit
seul, soit comme préparation au traitement endoscopique ou chirurgical.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

En cas d’oesophagite rebelle au traitement médical et secondaire à un reflux gastro-oesophagien,


les différents types d’intervention associent le rétablissement de l’anatomie normale de la jonction
oeso-gastrique (cure de la hernie hiatale ou de la malposition cardio-tubérositaire), à la réalisation
d’un procédé valvulaire anti-reflux (fundoplicature de Nissen, hémi-valve antérieure, hémi-valve
postérieure au moyen de la grosse tubérosité fixée au pilier du diaphragme, fermeture de l’angle
de His). Ces interventions menées par voies thoracique ou abdominale assurent au moins 80 % de
résultats favorables.

Le traitement des sténoses peptiques est soit conservateur associant un dispositif anti-reflux à des
dilatations pré-opératoires et éventuellement post-opératoires (Nissen) soit radical, enlevant la
région sténosée. Dans ce dernier cas, les oeso-gastrectomies exposent à un taux élevé de récidives
(20 %) aussi, l’intervention idéale semble être la résection oesophagienne suivie de coloplastie. Le
choix entre ces deux types d’intervention est fonction des auteurs et surtout fonction de la sténose,
de sa dilatabilité et de la possibilité d’abaissement du cardia. Ainsi, c’est donc parfois en cours
même d’intervention que la décision technique sera prise.

TRAITEMENT ENDOSCOPIQUE

Il comporte des dilatations par des olives de diamètre croissant poussées à travers la sténose grâce
à la mise en place d’un fil guide sous endoscopie (Eder-Puestow). Il est indiqué dans les sténoses
pour lesquelles la chirurgie est contre-indiquée en raison des affections associées ou de l’âge du
patient ou avant un traitement chirurgical pour permettre une amélioration de l’état général. Dans
certains cas les dilatations oesophagiennes peuvent être effectuées en associant avec un traitement
anti-reflux. Sinon elles doivent toujours être suivies d’un traitement médical à base de pansements
anti-acides (la dilatation de la zone sténosée entrainant la réapparition du reflux).

Oesophagites par brûlure caustique et thermique

Les oesophagites corrosives sont liées à l’ingestion de caustiques parfois volontaire chez l’adulte
dans un but de suicide, mais le plus souvent accidentelle, notamment chez l’enfant. Les brûlures
de l’oesophage sont essentiellement provoquées par l’absorption d’alcalins, plus rarement
d’acides et exceptionnellement, d’aliments liquides brûlants.

L’extension et la sévérité des lésions oesophagiennes et éventuellement des lésions pharyngo-


laryngées et gastriques associées, sont fonction de la nature, de la concentration et de la quantité
du produit ingéré.

Anatomie pathologique

Sur le plan évolutif, on distingue 3 périodes: la phase aiguë, où prédominent les problèmes de
réanimation, la phase de réparation de la 2e ou 3e semaine avec ses bourgeons charnus et la phase
chronique, liée à une sclérose extensive des couches musculaires conduisant à la constitution de
sténoses. Selon le degré de pénétration du caustique dans la paroi oesophagienne, les lésions
157

peuvent être classées en superficielles, intermédiaires et profondes. C’est ainsi que les brûlures
superficielles n’altèrent que la muqueuse, la réépithéliasation s’effectuant avec peu ou pas de
fibrose. Les lésions intermédiaires détruisent la muqueuse et la sous-muqueuse. Dans les zones de
nécrose, apparaît rapidement un tissu de granulation, auquel fait suite un tissu de fibrose. Les
atteintes trans-pariétales sont causées par l’ingestion des grandes quantités de caustiques
concentrés et sont caractérisées par une nécrose massive des tuniques de l’oesophage. Elles sont
souvent accompagnées de médiastinite. Leur évolution peut être rapidement mortelle.

Evolution et pronostic

A la phase aiguë le tableau clinique associe un syndrome douloureux violent des troubles
dysphagiques et un état de choc. Les vomissements peuvent aggraver les lésions oesophagiennes,
et en cas de fausse route provoquer des brûlures caustiques bronchiques. Certains signes cliniques
sont évocateurs de complications mettant en jeu le pronostic vital. L’existence d’une dyspnée peut
être due soit à un oedème laryngé sensible aux corticoïdes, soit à la destabilisation du carrefour
laryngé qui nécessite alors une trachéotomie d’urgence. Une douleur dorsale avec emphysème
cervical et pneumo-médiastin sur le cliché thoracique doit faire redouter la rarissime perforation
oesophagienne. Une douleur épigastrique associée à une contracture abdominale et à un pneumo-
péritoine sur le cliché de l’abdomen sans préparation, témoigne d’une perforation gastrique
nécessitant une intervention dont le pronostic est réservé. L’endoscopie doit rechercher une
atteinte gastrique associée et permet de classer les lésions oesophagiennes en trois stades de
gravité croissante (stade 1: congestion, hyperémie, muqueuse sans ulcération, stade 2: ulcération
et nécrose limitées, hémorragie peu abondante; stade 3: nécrose étendue, ulcérations profondes,
hémorragie abondante).

A la phase chronique, après un delai variable (2 à 3 mois), les lésions de stade 2 et 3, en raison
de la sclérose rétractile, évoluent le plus souvent vers la constitution de rétrécissements qui vont
être responsables de troubles dysphagiques d’installation progressive. C’est parfois à ce stade que
l’on peut être amené à voir le malade pour la première fois. Il est généralement facile de retrouver
à l’interrogatoire, l’accident causal et la phase d’oesophagite aiguë. Le transit baryté précisera le
siège, l’importance et le nombre des sténoses.

L’endoscopie réalisée à l’aide d’un fibroscope de faible diamètre, permettra de franchir les
sténoses modérément serrées, et d’étudier les lésions sous-jacentes ainsi que l’état de cicatrisation
et de souplesse de la muqueuse. Les rétrécissements oesophagiens peuvent être soit réguliers, bien
centrés et circulaires, soit asymétriques ou semi-lunaires. La surveillance endoscopique constitue
le meilleur moyen de déceler l’apparition d’un cancer dont le risque de survenue sur une sténose
caustique, après 10 à 15 ans d’évolution, paraît 1000 fois plus élevé que sur un oesophage normal.

Traitement et conduite à tenir

A la phage aiguë, la conduite à tenir n’est pas identique pour tous les auteurs, et reste même sur
quelques points, très controversée. Cependant la plupart s’accordent sur la nécessité d’éviter un
certain nombre de manoeuvre traumatisantes, considérées, classiquement comme bénéfiques.
Parmi ces gestes intempestifs à proscrire il faut citer:
 la tentative de neutralisation qui est illusoire car le temps de sa réalisation est toujours trop
tardif (à l’exception du permanganate de potassium pour lequel on doit utiliser l’hyposulfite
de soude);
 le lavage gastrique qui est nuisible s’il s’agit d’un toxique dont la dilution va étendre les
lésions;
 les émétisants qui risquent par les efforts de vomissements qu’ils déclenchent,
d’aggraver les lésions oesophagiennes et de provoquer une perforation;
158

 la sonde gastrique qui semble constituer un facteur traumatique susceptible d’aggraver les
lésions sans pour autant prévenir les sténoses;
 la corticophérapie qui n’empêcherait pas l’évolution du processus cicatriciel sténosant mais
peut masquer une péritonite par perforation et augmenter le risque de survenue d’une
hémorragie digestive. Elle n’est indiquée qu’en cas d’oedème laryngé;
 quant à l’antibiothérapie systématique, son intérêt est diversement apprécié.

Toute alimentation orale doit être suspendue. La nutrition parentérale exclusive est poursuivie tant
que les examens endoscopiques de contrôle ne montrent pas une cicatrisation complète des
lésions. Certains auteurs, dans les cas graves, restent partisans d’une intervention chirurgicale
précoce, consistant en une oesophagectomie avec ou sans gastrectomie assoicée et mise en place
d’une jéjunostomie d’alimentation.

Au stade de sténose cicatricielle, les muscles peuvent être traités par des dilatations
instrumentales mais les résultats sont, dans l’ensemble, plus inconstants que pour les sténoses
peptiques alors que le risque de fissuration et de perforation paraît plus élevé. Par ailleurs, la
possibilité de dégénérescence d’une sténose caustique nécessitant des dilatations répétées, doit
inciter à envisager un acte chirurgical.

IV. HERNIES HIATALES

Les hernies hiatales correspondent au passage permanent ou intermittent, d’une portion de la


grosse tubérosité gastrique à travers l’orifice oesophagien du diaphragme. Ce sont les plus
fréquentes des hernies diaphragmatiques. Elles se rencontrent à tous les âges avec une
prédominance marquée pour le sexe féminin après la cinquantaine et sont parmi les affections les
plus fréquentes de l’appareil digestif. Toutefois, un bon nombre de hernies hiatales restent
asymptomatiques et ne sont découvertes que de façon fortuite, à l’occasion d’un transit oeso-
gastro-duodénal.

Anatomie pathologique

On en distingue 3 types:

1. La hernie par glissement: elle est de très loin la plus fréquente (80 à 85 % des cas). Le cardia
est en situation sus-diaphragmatique; de même qu’une portion variable de la jonction cardio-
tubérositaire. Elle favorise le reflux gastro-oesophagien et est exposé à ses complications.

2. La hernie par roulement : l’oesophage abdominal et le cardia conservent leur situation normale
sous diaphragmatique, tandis qu’une portion de la grosse tuberosité s’engage dans l’orifice
oesophagien du diaphragme et passe en situation sus diaphragmatique. Dans cette variété, les
mécanismes qui s’opposent au reflux gastro-oesophagien peuvent fonctionner normalement. Les
complications essentiellement sont dues à la présence de la poche gastrique herniée.

3. La hernie mixte: elle associe les éléments de la hernie par roulement et de la hernie par
glissement.

Circonstances de diagnostic

Les circonstances de découverte d’une hernie hiatale sont généralement le fait des signes liés au
reflux gastro-oesophagien, au volume de la hernie ou à la présence de manifestations
hémorragiques.
159

Signes liés au reflux gastro-oesophagien

Le reflux gastro-oesophagien peut être responsable d’un syndrome douloureux à type de brûlure,
à irradiation rétro-sternale. Il présente un caractère postural et peut être associé à des
régurgitations.

Signes liés au volume de la hernie

La présence de la poche herniée dans le thorax peut être responsable de la manifestation à type de
dyspnée, d’extra-systoles ou de palpitations permettant d’individualiser les formes respiratoires et
cardiaques. Ces manifestations surviennent principalement après le repas et surtout après
absorption de boissons gazeuses.

L’association de signes thoraciques et de symptomes digestifs ayant une allure posturale devra
toujours faire évoquer l’éventualité d’une hernie hiatale. Toutefois, des hernies volumineuses
peuvent rester totalement latentes.

Manifestations hémorragiques et veineuses

La compression du collet de la hernie par le hiatus oesophagien peut gêner la circulation de retour
et occasionner une stase à l’origine d’ulcérations ou d’hémorragies diffuses au niveau de la poche
herniée. C’est ainsi que l’on peut découvrir la hernie devant un syndrome anémique. Il s’agit
d’une anémie de type hypochrome, microcytaire et ferriprive, en rapport avec un saignement
occulte, dû à des érosions muqueuses. La recherche de sang dans les selles permettra de rattacher
cette anémie à une origine digestive mais la hernie hiatale ne pourra être tenue pour responsable
de l’anémie qu’après un bilan digestif complet, ayant éliminé l’éventualité de tout cancer digestif.

Les hémorragies digestives extériorisées sous la forme d’une hématémèse ou d’un méléna sont
beaucoup plus rares et en général liées à l’existence d’un ulcère du collet. Il s’agit d’un ulcère de
la petite courbure juxta-cardiale et, en pratique, il se situe en regard de l’orifice hiatal.

Les phlébites souvent récidivantes font parties des signes classiques de la hernie hiatale. Des
thromboses veineuses sont souvent associées à l’anémie qui entraîne une réaction hyper-
plaquettaire avec hyper-coagulabilité. Tout comme l’anémie, les phlébites ne pourront être
rattachées à la hernie hiatale qu’après avoir éliminé toutes les autres étiologies possibles.

Eléments du diagnostic

Le diagnostic d’une hernie hiatale repose sur les renseignements fournis par la radiologie et
l’endoscopie.

Radiologie

Il est possible dans certains cas, de suspecter une hernie hiatale sur le simple cliché pulmonaire
devant l’absence de poche à air gastrique sous la coupole gauche et la présence d’une image
aérique sus-diaphragmatique, rétro-cardiaque.

Le transit baryté, oeso-gastro-duodénal, doit être effectué avec une technique rigoureuse.
L’utilisation de l’amplificateur de brillance, ou du radio-cinéma, permet de suivre le transit du
produit baryté dans l’oesophage et le remplissage de l’estomac. Le malade doit être placé en
procubitus (oblique antérieur droit) ou en positon de Trendelenburg. Une compression
abdominale peut être utilisée. Certains artifices, comme la prise de clichés au cours de
160

mouvements de déglutition, font apparaître des hernies intermittentes.

SIGNES RADIOLOGIQUES DE LA HERNIE PAR GLISSEMENT

Son volume est variable. Elle se présente sous la forme d’une opacité ovalaire ou arrondie,
coiffant le pôle supéro-interne de la grosse tubérosité. Elle est toujours sus-diaphragmatique
surmontée du cardia. Les plis qui la traversent sont épais, parallèles, de type gastrique.
L’oesophage s’abouche à son sommet parfois latéralement. Il peut être soit flexueux dans sa
dernière portion et est alors considéré comme de longueur normale. Lorsqu’il est rectiligne, il faut
suspecter un brachy-oesophage acquis. Parfois le diagnostic différentiel peut se poser avec la
classique ampoule épiphrénique qui correspond à une dilatation variable et non pathologique de
l’oesophage terminal. En fait, cette dernière présente des caractères bien particuliers, avec ses plis
oesophagiens, sa symétrie par rapport à l’oesophage, sa contraction active, et son siège sus-
cardial.

En cas de hernie de très petite taille, le diagnostic repose sur l’analyse de signes indirects,
oesophagiens ou gastriques: oesophage dyskinétique, stase barytée dans le bas oesophage,
convergence des plis gastriques vers le hiatus oesophagien (aspect en tête d’oiseau), effacement
de l’angle de His, réduction de la poche d’air.

Enfin, l’examen radiologique s’attachera à la mise en évidence d’un reflux gastro-oesophagien.

SIGNES RADIOLOGIQUES DE LA HERNIE PAR ROULEMENT

Ce type de hernie sera affirmé si l’abouchement de l’oesophage est parfaitement mis en évidence
au-dessous du diaphragme. L’image de la hernie est arrondie, médiane ou para-médiane, et se
projette, habituellement, au-dessus de la partie interne de la coupole gauche.

Endoscopie

Elle permet de porter le diagnostic de hernie hiatale en décelant la position intra-thoracique du


cardia. Le sphincter oesophagien inférieur est désolidarisé du hiatus diaphragmatique et on
observe alors deux formations annulaires étagées. L’endoscopie est surtout utile pour apprécieur
mieux que la clinique ou la radiologie, la présence d’une oesophagite réactionnelle ou d’un endo-
brachy-oesophage. Elle permet d’éliminer les lésions associées grâce à des biopsies étagées.

Evolution et complications

L’évolution est étonnamment variable et sans rapport avec le volume de la hernie.


 L’oesophagite peptique est une complication redoutable dont l’évolution peut conduire à une
sténose très serrée.
 L’ulcère oesophagien peut siéger au niveau du collet, et s’observe dans les volumineuses
hernies par glissement ou par roulement. Il ne se manifeste pas par un syndrome douloureux
particulier. Il présente un risque de perforation dans le médiastin. Il peut également se
compliquer d’hémorragies abondantes. L’ulcère de Barett se rencontre habituellement à la
jonction de la muqueuse oesophagienne et gastrique et se voit principalement dans les endo-
brachy-oesophages.
 L’étranglement herniaire est une complication des hernies par roulement avec volvulus
gastrique. L’étranglement donne un tableau dramatique associant une symptomatologie
digestive: douleurs épigastriques, vomissements et une symptomatologie thoracique: dyspnée
et collapsus
161

Sur le plan radiologique, l’image typique est celle d’un double niveau hydro-aérique situé de part
et d’autre de la coupole gauche.

Traitement

La hernie hiatale ne présentant aucune symptomatologie ne nécessite aucun traitement.

TRAITEMENT MEDICAL

C’est celui du reflux gastro-oesophagien.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Il ne s’adresse qu’aux hernies compliquées ou à celle dont les signes résistent au traitement
médical. Les risques ne sont pas nuls et les récidives peuvent se voir. Il existe des interventions
conservatrices qui consistent à rétablir la continence cardiale et des interventions de résections
dans les cas de sténose peptique.
POUR CONNAITRE ENCORE PLUS SUR CETTE AFFECTION ,LISEZ CE QUI SUIT :
A RETENIR…

Un train peut en cacher un autre…


Ne pas rapporter trop rapidement à une hernie hiatale des signes provoqués par une autre
affection (anémie et cancer colique par exemple).

LES HERNIES HIATALES: BASES THERAPPEUTIQUES ET INDICATIONS


CHIRURGICALES

C’est la hernie à travers le hiatus oesophagien, la plus fréquente des hernies


diaphragmatiques. Elle se revèle à tout âge, chez le nourrisson, comme chez l’adulte, elle est
congénitale le plus souvent, ou acquise, les facteurs acquis jouant plus souvent le rôle de facteur
prédisposant, déclenchant ou aggravant. Ces facteurs acquis par l’obésité, toutes les causes
d’hyperpression abdominale (grossesse, ascite) à l’opposé
des cachexies avec dénutrition et atrophie musculaire. Enfin c’est une affection qui frappe
également les deux sexes.

ANATOMO-PATHOLOGIE

Il existe deux grandes variétés du type anatomique de hernies hiatales qui diffèrent par
leur mécanisme, la position du cardia et leur évolution. La hernie hiatale par glissement (type I)
qui représente 90% de cette pathologie, la cardia est attirévers le haut, intrathoracique, il n’existe
qu’un sac à la face antérieure du cardia et de l’oesphage. Cette migration de cardia étire la région
cardiotubérostatique, efface l’angle de His et crée des conditions du reflux gastro-oesophagien.
Par contre les complications mécaniques à type d’étranglement ne s’observe pas dans ce type de
hernie.

Le deuxième type de hernie hiatale est le type II ou hernie par roulement ou encore hernie
paraoesophagienne ( 10% environ des hernies hiatales) : le cardia reste en place, il existe un sac
herniaire complet, c’est la grosse tubérosité par suite du relachement du ligament phrénogastrique
qui se déroule vers le haut attirant dans le thorax une partie de la grande courbure et de la grosse
tubérosité. Dans cette hernie l’angle de His reste intact, le reflux ne s’observe que rarement par
contre ces hernies sont susceptibles d’etranglement. Les formes mixtes qui sont des hernies à la
162

fois par glissement et par roulement correspondent à des hernies volumineuses, initialement
paraoesophagiennes dans lesquels les cardia a secondairement migré dans le thorax.

Le contenu de ces hernies est de façon constante le cardia et une partie de la grosse
tubérosité de l’estomac, le sac existe toujours plus ou moins complet suivant le type de la hernie
comme nous venons de le voir, la largeur du collet hernaire est variable, la réductibilité de ces
hernies est obtenue dans l’immense majorité des cas de hernies hiatales non compliquées.Enfin la
taille de ces hernies est un élément important à considerer dans le diagnostic et le traitement ; elle
est variable: dans les hernies par glissement ce sont souvent des hernies de petit volume, voire
même intermittente, voir même encore remplacées par une simple malposition canotubérositaire
ou une incométence cardiale, par contre les très grandes poches herniaires sont le fait des hernies
de type II ou des hernies mixtes. Dans ces cas là on peut observer des volvulus plu au moins
permanents de l’estomac.

Ainsi dans la hernie de type I ou ses équivalents, le traitements de l’affection va


essentiellement être le traitement de la complication qui est le reflux gastro-oesophagien alors que
dans la hernie de type II le traitement sera opposé et visera à supprimer les manifestations liées
au volume de la hernie et tout type de complication mécaniques possible en l’absence habituelle
de reflux.

RAPPEL ANATOMIQUE-PHYSIOLOGIQUE sur la continence oestrogastrique:

Différents éléments assurent chez un sujet normal l’absence de reflux gastro-oesophagien


ou de hernie hiatale vraie. C’es un calibre du hiatus admettant simplement le passage oesophagien
et des pneumogastriques; c’est la contractilité musculaire de cet anneau complété en arrière par la
contractilité des piliers diaphragmatiques qui peuvent aasurer, lorsqu’ils sont en contact avec cet
œsophage la fermeture par collapsus oesophagien au moment des mouvements inspiratoires qui
créent une dépression thoracique. C’est également la longueur et l’existence du segment
abdominal qui doit mesurer au moins trois centimètres, c’est l’implication oblique de ce dernier
sur la grosse tubérosité gastrique réalisant un angle du His. C’est l’existence de façon accessoire
de moyens de fixité, tels que les lames vasculaires (la coronaire stomachique) telle que la pars
condensa du petit épiploon, que le ligament phréno-gastrique, ces éléments complètent les
dispositifs antireflux. La résultante de ces facteurs est l’existence d’un sphincter fonctionnel
physiologique au niveau de l’oesophageinférieur, détecté par la manométrie oesophagienne sous
forme d’une zone de haute pression; ainsi, l’exstence d’anomalies congénitales ou de facteur
acquis, peuvent entrainer l’apparition d’un reflux ou d’une hernie hiatale en jouant directement
sur les mécanismes de la compétence cardiale.

LE TRAITEMENT CHIRURGICAL des hernies hiatales

L’endoscopie, hormis quelques cas très particuliers n’a pas sa place parmi les methodes
thérapeutiques des hernies hiatales.

1º - Les méthodes chirurgicales

Le but est double: reduction de la hernie avec reconstitution anatomique de la région


hiatale d’une part, suppression du reflux d’autre part. Ainsi quel que soit le type d’intervention
choisi, la chirurgie comporte la libération des piliers, l’abaissement du cardia et sa reintérgration
si possible en situation sous-diaphragmatique, le rapprochement des pilliers permettant la
réduction du calibre de l’orifice hiatale, la reposition et la fixation abdominale de l’œsophage et
du cardia, la restauration de l’angle de His et des techniquesplus complètes d’anti-reflux.
163

Les interventions par voie abdominale: l’opération de base la plus longtemps utilisée était
l’opération de DOR ou LORTA-JACOB où le système anti reflux est constitué par une réfection
de l’angle de His et une hémivalve antérieure avec la grosse tubérosité gastrique. L’opération de
TOUPET réalise à l’opposé une valve postérieure par rapport à œsophage, le reste des temps
opératoires étant identique, l’opération de NISSEN ou fundopliature totale réalise un
enfouissement complet du bas œsophage autour d’un manchon gastrique. La gastroptexie de
BOEREMA relève d’un principe différent puisqu’elle n’aborde pas la région hiatale mais elle se
contente de réaliser une gastropexie antérieure à la paroi abdominale antérieure, il y a ainsi
réduction de la hernie mais pas de geste direct au niveau de la région hiatale. Dans la même
famille d’intervention, des techniques voisines de fixation natérieure de l’œsophage et du cardia
ou de l’estomac maintiennent la réduction de la hernie, qu’il s’agisse de fixation par une
bandelette synthétique, par le ligament rond du foie ou par une bandelette cutanée ou enfain par
les prothèses siliconées actuellement. Ces opérations peuvent avoir des compléments que sont la
vagotomie avec éventuellement pyroplastie ou la pyroplastie isolée. Ce que l’on peut dire cest
qu’actuellement en déhors d’indications particulière, ces gestes associés sont peu réalisés.

Les interventions par voie thoracique se résument à l’opération de BELSEY MARK IV


dont le principe est la dissection et la réduction de la hernie dans l’abdomen par voie thoracique
avec une transposition antérieure du cardia. Cette technique était surtout utilisée dans les pays
anglo-saxons.

LES INDICATIONS DU TRAITEMENT CHIRURGICAL

Sont, chez l’adulte, réservées aux formes rebelles au traitement médical associé aux
précautions hygiéno-diététique; l’indication opératoire sera envisagée en fonction du contexte
clinique tout d’abord. Devant les formes douloureuses rebelles, dans les formes anémiques, dans
les formes thrombogènes ou pseudo-angineuses. Des constatations endoscopiques ensuite, dès
qu’il existe une oesophagite grave résistant au traitement médical même en l’absence de troubles
fonctionnels importants, il faut envisager un antireflux. Dépend ensuite du type anatomique:
toute hernie par glissement doit être dès qu’elles s’accompagne d’oesophagite rebelle ; en
l’absence d’oesophagite, si le diagnostic de hernie par glissement ou de reflux est fait de façon
certaine par les examens objectifs chez des patients qui présentent un syndrome fonctionnel pur,
authentique et gênant, le traitement chirurgical est justifié après une tentative de traitement
médical. Les hernies de type II seront opérée beaucoup plus systématiquement en raison des
troubles compressifs, des risques d’étranglements et d’hémorragies et surtout aussi de la relative
facilité de la réduction herniare. Les indications opératoires sont, bien entendu, retenus pour les
malades chez qui il n’existe pas de contre-indication chirurgicales absolue ou relative ; le terrain
et l’importance des facteurs de risque chez les futurs opérés peuvent faire opter pour des
opérations courtes du type gastropexie antérieure et variante ; à l’opposé chez les gens en parfait
étant général, l’intensité d’une oesophagie fait opter habituellement pour des opérations anti-
reflux techniquement plus délicates mais également beaucoup plus efficaces comme la
fundopliature de Nissen. Les indications opératoires, enfin dépendant du terrain, elles sont
beaucoup plus larges chez le nourrisson, et l’enfant. Dans ce cas l’oesophagite est redoutable,
d’évolution souvent rapide vers des complications de sténose ou d’hémorragie.

Le choix de la voie d’abord : habituellement la chirurgie de la hernie hiatale et du reflux se


fait par voie abdominale. les indications de la voie thoracique étant certaines formes compliquées
avec brachyoesophage, les récidives des hernies hiatales opérées et également les malades très
obèses. Les suites opératoires de cette chirurgie sont caractérisées par leur bénignité habituelle, la
mortatlité se situe entre 1 et 2%, la morbidité constituée par des complications per-opératoires: le
traumatisme de l’œsophage en cours de dissection peut expliquer dans les suites un tableau
d’abcès sous phrénique gauche. Les complications post-opératoires sont des complications avant
164

tout thrombo-emboliques justifiant dans ce type de chirurgie le traitement préventif de la


thrombose vasculaire. Parmi les complications mineures, on observe souvent un petit degré de
gastroplégie post-opératoire avec des sensations de plénitude gastrique post-prandiale,
s’expliquant par un traumatisme vagal fréquent per opératoire, et enfin, quelques manifestations
fonctionnelles surtout marquées par l’opération de Nissen comme les impossibilités ou les
difficultés de vomir ou d’éructer qui peuvent parfois être très gênantes pour le malade. A long
terme, la seule complication importante est la récidive de la hernie ou du reflux ; il est difficile de
la chiffrer. Elle se situe globalement à 10% des malades, ce qui justifie actuellement l’utilisation
de procédés anti-reflux plus complets, comme l’opération de Nissen, ou l’opération de Hill.

V. MEGA-OESOPHAGE

Généralités

Le méga-oesophage idiopathique, encore appelé achalasie ou cardio-spasme, selon l’interprétation


pathogénique qu’on lui attribue, est une affection d’étiologie inconnue qui touche de façon à peu
près égale les deux sexes à tous les âges. L’achalasie typique est caractérisée par l’absence de
toutes contractions péristaltiques primaires ou secondaires qui sont remplacées par des
contractions stationnaires, désorganisées, non propulsives et par l’absence de relaxation du
sphincter oesophagien inférieur. Le tonus de ce sphincter est soit normal soit élevé et, dans ce
dernier cas il existe un cardio-spasme réel. Le substratum histologique de ces troubles est
généralement représenté par une altération (absence ou raréfaction) de l’innervation intrinsèque
intéressant les plexus du Meissner et d’Auerbach. Une destruction de ces plexus d’Auerbach peut
se voir dans la trypanosomiase (maladie de Chagas). Ces anomalies permettent de comprendre
que le relâchement du muscle lisse qui correspond physiologiquement à sa phase d’activité ne se
produit pas ici. La stase des aliments dans l’oesophage va entraîner progressivement une
dilatation de celui-ci justifiant le terme de méga-oesophage.

Circonstances de diagnostic

Les troubles fonctionnels sont dominés par la dysphagie. Il s’agit , habituellement, d’une
dysphagie capricieuse, non douloureuse, fréquemment aggravée par les émotions, souvent
paradoxale (c’est-à-dire prédominante pour les liquides). Elle est, quelquefois, décrite comme une
sensation de plénitude rétrosternale, qui cède chez certains patients à la déglutition de quelques
gorgées d’eau froide. A côté de la dysphagie, peuvent se produire, parfois, des régurgitations
alimentaires abondantes, mais l’absence de caractère acide permettra de les différencier des
vomissements.

Au stade initial, des manifestations douloureuses thoraciques peuvent exister, elles correspondent
à des contractions intenses et répétitives du corps de l’oesophage. Cette symptomatologie
douloureuse explique le terme de “Vigorous Achalasia” retrouve dans la littérature anglo-
saxonne.

Eléments du diagnostic

Radiologie

Exceptionnellement, la dilatation oesophagienne est telle qu’elle constitue une ombre


médiastinale visible sur le cliché thoracique.

Le transit baryté oesophagien va affirmer le diagnostic en montrant:


165

- une dilatation oesophagienne plus ou moins importante avec, dans les cas extrêmes, une
augmentation de la longueur, réalisant un véritable dolicho-méga-oesophage sur le
diaphragme, donnant l’aspect dit “en chaussette”. Il existe en permanence une stase de liquide
et de débris alimentaires;
- un effilement progressif de l’extrémité inférieure de l’eosphage, se présentant sous l’aspect
classique en “queue de radis”. Il est régulier et axial avec, parfois quelques plis longitudinaux.
Il ne s’ouvre pas au moment de la dilatation qui peut être modérée ou même absente et, dans
ces cas, l’exploration manométrique apporte des éléments au diagnostic.

Endoscopie

Elle est difficile sur ces oesophages dilatés contenant toujours un liquide de stase et des résidus
alimentaires. Elle doit donc être précédée de lavages répétés de la cavité oesophagienne. Les
risques de perforation que l’on croyait majeurs, sont actuellement minimisés par l’emploi des
fibroscopes. Elle a surtout pour intérêt de préciser l’état de la muqueuse sus-stricturale (très
souvent le siège d’une oesophagite inflammatoire) et de dépister d’éventuelles lésions associées
et, au premier chef, un cancer de l’oesophage. La possibilité de franchir le sphincter oesophagien
inférieur est très variable selon les cas.

Toutefois, l’impossibilité de passer l’endoscope à travers le cardia doit faire rechercher plus
particulièrement une lésion organique à ce niveau.

Evolution et pronostic

La dysphagie du méga-oesophage évolue de façon très inconstante. Certains cardio-spasmes


“bénins” se manifestent par des crises de dysphagie passagères et espacées et sont assez bien
tolérés. D’autres, au contraire s’aggravent progressivement et aboutissent à un véritable état de
dénutrition.

L’évolution est le plus souvent marquée par la survenue de complication.


 L’oesophagite est d’autant plus fréquente que la sténose est importante. Elle peut
s’accompagner d’érosion muqueuse, voire d’ulcération.
 Le cancer de l’oesophage, selon les statistiques, se voit dans 3 à 8 % des cas de méga-
oesophage. Il apparaît après plusieurs années d’évolution, généralement dans les cas de méga-
oesophage où le traitement initial a été inefficace ou tardif. Ce cancer peut siéger au niveau du
rétrécissement de la partie basse de l’oesophage, ou plus souvent, à distance de la zone
inférieure rétrécie. Son diagnostic est difficile, souvent tardif, masqué par la symptomatologie
du méga-oesophage qui doit donc être considéré comme un véritable état précancéreux
nécessitant une surveillance endoscopique régulière. Cette cancérisation serait favorisée par
l’oesophagite chronique résultant de la stase oesophagienne.
 Les complications infectieuses (abcès du poumon, infection broncho-pulmonaire) peuvent
venir compliquer les régurgitations intra-trachéales, surtout nocturnes.

TRAITEMENT

Une tentative de traitement médical, temporaire, peut être effectuée en utilisant la nifédipine
(Adalate® ). Celle-ci inhibant la diffusion des ions Ca2+ dans les cellules du muscle lisse, diminue
ainsi la contractibilité musculaire et agit en particulier sur la pression de base du SOI dont le tonus
est essentiellement d’origine myogénique, Ca2+ dépendant. Son efficacité clinique dans l’achalasie
compensée et la maladie des spasmes diffus de l’oesophage (30 à 50 mg par 24h) serait
intéressante. Ce traitement ne peut cependant être présenté comme définitivement curatif car à
l’arrêt de la thérapeutique la symptomatologie réapparait. Aussi est-il nécessaire soit de dilacérer,
166

par des dilatations instrumentales forcées, les fibres musculaires de la zone achalasique, soit de
sectionner, par une myotomie extra-muqueuse, les fibres circulaires du sphincter oesophagien
inférieur (Opération de Heller)

Le traitement instrumental connaît un regain d’intérêt grâce au dilatateur pneumatique de


Ridder-Moeller, qui utilise le principe du fil guide mis en place à travers la sténose, sous contrôle
endoscopique. Le ballonnet est gonflé à une pression de 200mm de mercure pendant 2 à 4 min.
Cette méthode apporte des résultats fonctionnels remarquables dans 80 % des cas.

Le traitement chirurgical: Il s’agit de la cardiomyotomie extra-muqueuse ou opération de


Heller.

Cette intervention est réalisée par voie abdominale et comporte une section qui intéresse les 7 à 8
derniers centimètres de l’oesophage, débordant sur le cardia et la face antérieure de l’estomac. La
plupart des chirurgiens associent à cette intervention une reconstitution de l’angle de His. Les
résultats sont excellents dans 80 % des cas, au prix d’une grande minutie évitant en particulier une
perforation de l’oesophage.

VI. MALADIES RARES ET SYNDROMES A NOM PROPRE

Diverticules

Un diverticule de l’oesophage est une poche développée aux dépens de la paroi oesophagienne,
limitant une cavité qui communique librement avec la lumière. Il est classique de distinguer les
diverticules cervicaux ou pharyngo-oesophagiens et les diverticules thoraciques que l’on divise en
para-bronchiques et épiphréniques. Les diverticules médio-thoraciques para-bronchiques sont dits
de traction, et s’opposent aux diverticules pharyngo-oesophagiens dits de pulsion. Les diverticules
épiphréniques sont, les plus souvent mixtes.

Les diverticules par pulsion sont secondaires à une hyperpression à l’intérieur de la cavité
oesophagienne. Le plus fréquent est le diverticule de Zencker, qui siège sur la face postérieure de
la jonction pharyngo-oesophagienne, avec une nette prédominance chez l’homme après 60 ans.
Ce diverticule peut être responsable de troubles, en particulier, de dysphagie et de régurgitations
alimentaires. Le diagnostic est fait par l’examen radiologique qui permet de découvrir un
diverticule de Zencker pour 800 transits oesogastroduodénaux environs. Le traitement de ces
diverticules, lorsqu’ils sont symptomatiques, est chirurgical. Une nouvelle complication a été
rapportée en 1982: l’accumulation dans la poche diverticulaire de médicaments administrés sous
la forme de comprimés, ce qui ne facilite pas l’efficacité thérapeutique…

L’intervention consiste à réaliser une diverticulectomie et une myotomie au-dessous de la


résection du diverticule pour éviter les récidives. Il s’agit d’une intervention mineure, réalisée par
une petite voie d’abord (cervicotomie) et qui donne d’excellents résultats. Le seul risque
opératoire est celui d’une fistule qui se draine en général bien vers l’extérieur et qui, en cas de
survenu, se tarit assez rapidement. La mise en place d’une sonde naso-gastrique au cours de
l’intervention permet éventuellement une reprise alimentaire par voie entérale en attendant la
cicatrisation de la suture.

Les diverticules para-bronchiques siègent en général, dans la partie moyenne de l’oesophage, et


sont secondaires à la traction exercée sur la paroi oesophagienne par des lésions inflammatoires
de voisinage. Ils n’ont aucune sémiologie et sont généralement découverts au cours d’examens
radiologiques oeso-gastriques.
167

Les diverticules mixtes par traction – pulsion sont très rares. Ils siègent au niveau des 10 derniers
centimètres de l’oesophage. Ils ne donnent que très rarement des troubles, mais ils sont souvent
associés à un méga-oesophage ou à une hernie hiatale.

Spasmes diffus de l’oesophage ou syndrome des spasmes étagés de Barsony.

Affection de cause inconnue, caractérisée par des anomalies du péristaltisme oesophagien


responsable d’une symptomatologie associant des crises douloureuses thoraciques à type de
crampes rétro-sternales, d’une dysphagie. La déglutition provoque une onde péristaltique normale
au niveau du tiers supérieur de l’oesophage mais arrivée au tiers moyen elle se transforme en
plusieurs contractions segmentaires de grandes amplitudes et de grande durée. Le SOI a un tonus
normal et une relaxation satisfaisante. Le transit baryté montre des anomalies sous aortiques sous
la forme d’images associant une succession de dilatations et de rétrécissements. Le traitement est
représenté par des dilatations mais ses résultats sont moins constants que ceux obtenus dans le
méga-oesophage. Dans les formes graves, une myotomie étendue (du cardia jusqu’à la crosse de
l’aorte) peut être proposée. L’Adalate ® peut être utilisé au cours des crises avec profit mais son
action est temporaire.

Anneau de Schatzki

Il s’agit d’un diaphragme muqueux constitué par une fine membrane, qui s’insère
perpendiculairement sur la circonférence de l’oesophage. Il est toujours situé au-dessus d’une
petite hernie hiatale à la jonction oeso-gastrique. Sa fréquence est difficile à évaluer du fait de la
latence clinique du plus grand nombre d’entre eux. Elle serait de l’ordre de 6 à 14 %. La
principale manifestation clinique est constituée par la survenue brutale de crises dysphagiques
intermittentes. Il donne une image radiologique caractéristique de rétrecissement très segmentaire,
sus-hiatale. Le traitement si nécessaire consiste à provoquer sa rupture par voie endoscopique ou
à effectuer son exérèse par voie chirurgicale.

Dysphagia Lusoria

C’est une anomalie congénitale du développement des arcs aortiques, le plus souvent représentée
par une artère sous-clavière droite naissant de la crosse. Cette anomalie n’est pas exceptionnelle,
mais elle ne donne que très rarement des manifestations cliniques. L’indication opératoire n’est
imposée que par l’importance des troubles fonctionnels.

Pathologie traumatique

Elle regroupe les perforations instrumentales, les plaies par balles ou par arme blanche, les
ruptures au cours des traumatismes thoraciques, les plaies opératoires et les ruptures spontanées.

La rigidité de la cage thoracique s’oppose aux signes physiques directs, expliquant en partie, le
retard apporté à l’urgence de certains diagnostics, et par suite, la gravité du pronostic. La
symptomatologie clinique peut varier en fonction du siège de la perforation et de la date à laquelle
est vu le malade. Toutes ces plaies ont, généralement pour conséquence, la survenue d’une
médiastinite avec ses redoutables complications. La suspicion du diagnostic impose la recherche
d’un emphysème sous-cutané et la réalisation de la radiographie thoracique (clarté gazeuse rétro-
oesophagiènne ou un emphysème médiastinal, existence d’un pneumo-thorax ou d’un
épanchement pleural). Le transit oesophagien, à l’aide de produits hydro-solubles, confirmera la
perforation, précisera son siège, et appréciera l’état de l’oesophage. En l’absence d’un diagnostic
et d’un traitement précoce, l’évolution se fait , généralement, vers la constitution d’un syndrome
de suppuration profonde, associé à des troubles cardio-vasculaires et respiratoires compromettant
168

le pronostic.

La rupture spontanée de l’oesophage ou syndrome de Boerhaave est due à une hyperpression dans
la lumière oesophagienne, à glotte fermée. Elle survient dans un contexte clinique particulier où
dominent les efforts de vomissement. Il s’y associe très rapidement une douleur abdominale et un
état de choc, avec une détresse respiratoire expliquée par le passage du liquide gastrique dans le
médiastin et la plèvre. La majorité des auteurs est favorable à une intervention précoce associant
le traitement de la lésion oesophagienne et le nettoyage du médiastin.

Syndrome de Mallory-Weiss

Ce syndrome est défini anatomiquement par la déchirure longitudinale de la muqueuse de la


jonction oeso-gastrique. Ce n’est certainement pas un syndrome rare puisqu’il intervient environ
dans 5 à 10 % des hémorragies digestives hautes et surtout chez l’éthylique. Cette déchirure
comparable à une fissure longitudinale et donc aisément distinguable des ulcérations aiguës ou
des érosions superficielles ovalaires provoquées par les sondes de lavage gastrique, apparaît
généralement après des efforts de vomissements. En fait, elle est directement liée à des
modifications de la pression intra-gastrique secondaires à une hyperpression intra-abdominale,
qu’il y ait ou non des vomissements.

Seule l’endoscopie faite en urgence permet d’affirmer ce diagnostic et de déceler éventuellement


des lésions associées: hernies hiatales, gastrites et ulcères… Généralement, l’hémorragie du
syndrome de Mallory-Weiss est peu importante et d’évolution favorable, la lésion cicatrisant dans
des delais rapides. La nécessité d’une intervention chirurgicale devant une hémorragie non
maîtrisable reste exceptionnelle, et elle est alors grevée d’une mortalité importante. En principe,
un traitement médical symptomatique (arrêt des efforts de vomissement, pansements gastriques,
anti-sécrétoires, transfusions), permet d’attendre une évolution favorable dans 90 % des cas.

III.

3. L’ESTOMAC –
DUODENUM

I. Rappel

Anatomie et histologie
L’estomac occupe la plus grande partie de la loge phrénique gauche de la cavité
abdominale. Sa capacité est de 1 à 1.5 litres et il comprend schématiquement 2 parties,
une partie verticale (fundus), une partie horizontale (l’antre). Quelle que soit la zone
considérée, la paroi de l’estomac est constituée de 4 couches tissulaires :

- la séreuse superficielle qui n’est que le mésothélium du péritoine viscéral reposant


sur une mince couche de tissu conjonctivo-vasculaire;
- la musculeuse: la musculature de l’estomac est particulièrement puissante pour
assurer le brassage du bol alimentaire. La musculeuse est formée de 3 couches,
superficielle longitudinale, circulaire moyenne (renforcée au niveau du pylore en un
véritable sphincter) et oblique ou plexiforme profonde;
169

- la sous-muqueuse: c’est une couche épaisse faite d’un tissu conjonctif fibro-cellulaire
contenant quelques fibres élastiques, mais surtout un important réseau artério-
veineux plexiforme profond connecté avec le réseau vasculaire muqueux;
- la muqueuse: elle est séparée de la sous-muqueuse par une couche de fibres
musculaires lisses, la muscularis mucosae. Il est possible de décrire une organisation
d’ensemble quelle que soit la zone considérée: l’épithélium, unistratifié, repose sur un
chorion vasculaire, la lamina propria. En surface luminale, l’épithélium dessine des
cryptes. A la base des cryptes, l’épithélium s’invagine profondément dans la lamina
propria pour former des glandes débouchant dans le fond des cryptes par une zone
rétrécie, le collet , qui correspond à la zone de régénération et de prolifération
mitotique. L’ épithélium cryptique superficiel est uniquement constitué de cellules
muqueuses juxtaposées et reliées entre elles par d’importants complexes de jonction
apexiens. Le mucus est sécrété par exocytose.
 Au niveau du fundus, les cryptes sont nombreuses, courtes et étroites. Elles se
prolongent dans la profondeur de la lamina propria par des glandes tubulaires
rectilignes, juxtaposées et hautement différenciées. Deux types cellulaires principaux
sont représentés dans les glandes fundiques :

- les cellules pariétales, les plus nombreuses, adaptées au transfert actif du proton et
de l’ion chlore avec de très nombreuses mitochondries, et un complexe membranaire
apexien.
- les cellules peptiques surtout nombreuses dans la zone basse des glandes ont toutes
les caractéristiques ultra-structurales du type séreux.
 Au niveau de l’antre, les cryptes sont hautes et étroites. Les glandes antrales sont
courtes et fréquemment tuboloramifiées. La plupart des cellules sont du type
muqueux, proches de celles observées sur l’épithélium cryptique. La caractéristique
cytologique la plus remarquable est la présence d’un très grand nombre de cellules
endocrines dont les granules sécrétoires contiennent les polypeptides “hormonaux”
gastriques. Parmi ces cellules endocrines, la cellule “G” est souvent la plus connue.
Elle synthétise et sécrète la gastrine et ses variantes moléculaires. Le polymorphisme
granulaire observé correspond à des étapes différentielles dans le cycle sécrétoire.
Mais d’autres types cellulaires endocrines ont été caractérisés dans la muqueuse
antrale et également la muqueuse fundique.

L’innervation gastrique est double: intrinsèque (plexus sous-muqueux de Meissner et


surtout myentériques d’Auerbach) et extrinsèque. Cette dernière est assurée par le
parasympathique cholinergique (nerf vague) et l’orthosympatique adrénergique (nerfs
splanchniques).

PHYSIOLOGIE
Fonction motrice

La motricité de l’estomac est caractérisée par deux fonctions; une fonction réservoir
assurée par le fundus, par laquelle le volume de l’estomac s’adapte à la quantité des
aliments ingérés, une fonction d’évacuation assurée par l’antre et qui permet d’une part,
la vidange gastrique et d’autre part, le brassage des aliments.

Le contrôle myogène est assuré par un pace-maker, c’est-à-dire un groupe de cellules


dont la fréquence de dépolarisation est la plus grande et imprime son rythme aux
cellules adjacentes. Cette dépolarisation périodique ou onde lente gastrique se propage
très rapidement dans le sens transversal et se déplace dans le sens du grand axe de
170

l’organe à une vitesse croissante du cardia au pylore. Ces ondes lentes représentent
une activité électrique omniprésente qui se produit en présence ou en l’absence de
contraction.

La commande nerveuse est surtout assurée par le nerf vague. Des récepteurs
échelonnés sur l’estomac et le duodéno-jéjunum vont naître des influx sensitifs qui
gagnent le noyau dorsal du vague d’où partent des messages moteurs qui vont en
retour, modifier la motricité gastrique. La stimulation par la distension de l’estomac des
récepteurs gastriques va ralentir sa motricité. Des récepteurs duodéno-jéjunaux
sensibles à l’augmentation de la pression osmotique, à la diminution du pH, à
l’augmentation du taux des triglycérides ou des acides aminés vont eux aussi ralentir la
motricité gastrique.

Le contrôle humoral s’effectue par l’intermédiaire des hormones gastro-intestinales: la


CCK-PZ, la sécrétine diminuent la motricité gastrique et ralentissent l’évacuation. Par un
mécanisme différent, la gastrine, tout en augmentant la motricité antrale et duodénale,
ralentit l’évacuation gastrique.

Le pylore est le siège d’un tonus de base qui est mis en évidence par une zone de
haute pression évidente au repos. Ce tonus se relâche quelques fractions de seconde
avant l’arrivée de la contraction antrale.

Il est augmenté par les graisses, les amino-acides, l’acide chlorhydrique. Il est diminué
par la CCK-PZ ou la sécrétine.

Ainsi la motricité gastrique normale suppose: l’existence d’une relation réceptive du


fundus, des contractions antrales efficaces, un jeu du pylore correct, une coordination
antro-pyloro-duodénale efficace.

Fonction sécrétoire
Le suc gastrique joue un rôle modeste dans la digestion. C’est un liquide incolore,
légèrement visqueux, sécrété à raison de 1 à 1.5 litres par jour, le débit étant rythmé par
les repas. Il comporte des protéines du plasma (en particulier de l’albumine, des
immunoglobulines) des activités enzymatiques (pepsinogènes et pepsines), des
glycoprotéines (sécrétées par les cellules muqueuses), le facteur intrinsèque
(glucoprotéine à faible teneur en glucides) et surtout une riche sécrétion acide.

Le contrôle de la sécrétion gastrique fait appel à des mécanismes nerveux et


hormonaux.

L’action des vagues est essentielle à toutes les étapes de la sécrétion gastrique. Elle
s’exerce par l’intermédiaire de réflexes cholinergiques mis en jeu par des stimulations
psychiques, sensorielles et mécaniques. Elle peut se schématiser par une stimulation
directe des cellules fundiques, une sensibilisation de ces dernières à l’action de la
gastrine et une action trophique sur la muqueuse gastrique. La stimulation vagale aboutit
à la sécrétion d’un suc gastrique proportionnellement plus riche en pepsine que la
stimulation gastrique.

La régulation hormonale est essentiellement sous la dépendance de la gastrine qui


provoque une sécrétion gastrique acide, et également chez l’homme une sécrétion du
facteur intrinsèque. En fait une synergie vague-gastrine est indispensable pour aboutir à
171

un plein effet des stimulations vagales ou gastriques. D’autres hormones interfèrent


également avec la gastrine au niveau du fundus (CCK-PZ et GGRP ou gastric gastrin
releasing polypeptide). Il faut également souligner que la gastrine possède une action
trophique essentielle sur la muqueuse fundique et jéjunale en favorisant la prolifération
cellulaire. Parmi les facteurs d’inhibition de la sécrétion gastrique il faut d’abord placer le
mécanisme d’autorégulation du release de gastrine pH dépendant (feedback négatif
antral). Des mécanismes hormonaux d’origine intestinale sont également libérés par
l’introduction des graisses ou de solutions hypertoniques dans le duodénum et le
jéjunum. La sécrétion pourrait inhiber la sécrétion acide basale ou stimulée par la
gastrine. Le glucagon, la somatostatine, le G.I.P., le V.I.P. et la calcitonine ont également
des effets inhibiteurs.

PHASES DE LA SECRETION GASTRIQUE

Au moment des repas la sécrétion gastrique augmente et passe par un maximum au


bout de 2 heures pour s’abaisser en 4 à 5 heures. La phase céphalique comporte surtout
des actions stimulantes par mécanisme nerveux (pneumogastrique) et ensuite neuro-
hormonal. Elle provoque une sécrétion de pepsine, d’eau, d’acide chlorhydrique, de
gastrine et un renforcement de l’effet de la gastrine sur les cellules pariétales du fundus.
La phase gastrique comporte d’abord des actions stimulantes (stimulation mécanique
par distension du fundus, stimulation chimique par les aliments au niveau de la région
antrale, stimulation mécanique par distension antrale) mais aussi des effets inhibiteurs,
les ions H+ sécrétés freinant la libération de la gastrine. La phase intestinale plus
encore que la phase gastrique comporte une profonde interaction des deux types
d’actions. Cependant, ce sont surtout les acitons inhibitrices qui prédominent et font
intervenir des mécanismes nerveux et/ou hormonaux.
172

II.MALADIE ULCEREUSE GASTRO-DUODENALE

Les terme “d’ulcère” désigne des pertes de substances siégeant au niveau de la


muqueuse gastrique et duodénale, d’aspect, de forme, de taille et d’évolution souvent
bien différents.

Rappel anatomo-pathologique

La maladie ulcéreuse gastro-duodénale est caractérisée classiquement par des critères


anatomo-pathologiques précis. En poussée évolutive l’ulcère se présente comme une
perte de substance à bords nets interrompant la muqueuse et la musculeuse. Son fond
est tapissé par un enduit fibreux, fibrino-leucocytaire ou cruorique et repose sur un bloc
scléro-inflammatoire d’aspect différent selon l’âge de l’ulcère. Dans les formes récentes
il s’agit d’un tissu conjonctif comportant un infiltrat inflammatoire important et de
nombreux capillaires dilatés; dans les formes anciennes la sclérose est plus dense,
parsemée d’infiltrats lymphocytaires, moins bien vascularisée mais elle s’étend en
profondeur vers l’épiploon, dessinant une “étoile scléreuse”.

Epidémiologie

La fréquence de la maldie ulcéreuse en pathologie digestive est considérable. Sa


prévalence globale peut atteintre 8 à 9 pour 100 habitants dans la population des pays
industrialisés. En fait le rapport ulcère duodénal-ulcère gastrique témoigne de la plus
grande fréquence de la maladie duodénale puisqu’il est de 4 à 1 chez l’homme et de 2 à
1 chez la femme. L’ulcère gastrique est 2 fois plus fréquent chez l’homme que chez la
femme et la prédominance masculine de l’ulcère duodénal est encore plus nette (4
hommes pour 1 femme).

Plusieurs facteurs épidémiologiques ont été discutés. Les uns sont d’ordre familial et
génétique, la fréquence de l’ulcère dans la parenté des ulcéreux étant significativement
élevée, et d’autre part, les sujets du groupe sanguin 0 non sécrété (c’est-à-dire
n’éliminant pas dans leur salive des glycoprotéines caractéristiques des groupes
sanguins) ayant un risque considérable par rapport aux sujets des autres groupes. Les
autres sont d’ordre sociologiques et nutritionnels, l’ulcère gastrique se retrouvant dans
des conditions de dénutrition, l’ulcère duodénal, par contre, chez des sujets présentant
des tensions psychiques importantes. Ce dernier point implique l’intervention de facteurs
psychologiques mis en évidence sur le plan expérimental (ulcère de contrainte chez le
rat) ou sur le plan clinique (personnalité de l’ulcéreux duodénal) et permet de présenter
la maladie ulcéreuse duodénale comme une véritable maladie psycho-somatique.
Cependant, quelle qu’en soit sa localisation, de nombreux autres facteurs peuvent
intervenir dans l’apparition de la maladie ulcéreuse: l’intoxication tabagique, certaines
hypergastrinémies et les états d’hypercalcémie. L’ingestion de carbonate de calcium par
voie orale ou l’induction d’une hypercalcémie par voie intraveineuse provoquent une
augmentation de la sécrétion gastrique acide et de la gastrinémie. Dans ces conditions
l’hyper-parathyroïdie semble multiplier par 10 la fréquence des ulcères.

Théorie étiologique moderne: L'infection à Hélicobacter pylori


173

Physiopathologie

La physiopathologie de la maladie ulcéreuse est encore loin d’être connue avec


précision. La phrase classique “pas d’acide…pas d’ulcère” peut être acceptée dans de
très nombreux cas mais ne s’applique pas toujours à la réalité des faits. En sachant qu’il
n’est pas encore possible de donner un schéma physiopathologique complet et précis, il
semble raisonnable de retenir deux facteurs:

1. L’hypersécrétion chlorhydropeptique, et plus particulièrement l’ion H+, sont


considérés comme le facteur agressif primordial, la concentration des ions H+ étant
un million de fois supérieure dans la lumière gastrique que dans le milieu intérieur, le
pH du contenu gastrique pouvant s’abaisser jusqu’à 1. Ce fort gradient de
concentration peut provoquer des lésions cellulaires, et c’est ainsi que, en dehors de
l’estomac (c’est-à-dire en dehors de la zone muqueuse conçue pour résister à cette
agression), les ulcérations sont essentiellement localisées au bulbe duodénal, seule
région de l’intestin où le pH est encore fortement acide. En effet, ce n’est qu’à la
pointe du bulbe que le pH s’élève jusqu’à 6, sa neutralisation étant alors provoquée
par les sécrétions intestinales et biliaires. A côté des ions H+, d’autres agents
agressifs doivent être cités: les sels biliaires en milieu acide se comportent comme
des molécules non ionisées et lèsent la membrane plasmique, altérant ainsi la
“barrière muqueuse”.

2. La notion d’une barrière muqueuse ne repose pas uniquement sur les données
anatomiques ou histologiques. Certes, l’épithélium unistratifié qui recouvre la
muqueuse gastroduodénale peut être considéré comme une ligne de défense
principale, constamment renouvelée tous les 3 à 5 jours et protégée par une ligne de
défense avancée représentée par la sécrétion mucipare, sorte d’enduit formé de
glycoprotéines, d’eau et de bicarbonates. En fait ce rôle de protecteur du mucus est
essentiellement d’ordre mécanique (lubrifiant pour le brassage) et non clinique. Le
pôle apical des cellules épithéliales serait donc directement exposé à l’effet corrosif
s’il n’existait une véritable “barrière muqueuse” représentée par l’ensemble
“glycocalix-membrane plasmique” chargée négativement par rapport au milieu
intérieur.
Schématiquement il est donc possible d’opposer l’ulcère duodénal, le plus fréquent,
s’observant chez l’homme, ayant un facteur héréditaire marqué et une sécrétion acide
normale ou élevée, à l’ulcère gastrique trois fois moins fréquent, avec une prédisposition
masculine moins nette, un facteur héréditaire moins marqué et une sécrétion acide faible
ou moyenne. Ici la fragilité de la muqueuse semble être un facteur essentiel, elle est
renforcée éventuellement par l’action des sels biliaires.

A côté de cette conception classique dans la génèse de l'ulcère gastro-duodénal,


il faut retenir à l'heure actuelle l'étiologie infectieuse par le Hélicobacter pylori.

HELICOBACTER PYLORI (H.P.) ET INFECTIONS GASTRO-DUODENALES.

1. HISTORIQUE :

Les connaissances sur l’infection à H.P. se sont accrues de nos jours par rapport
aux décennies passées. En effet, assez des théories étaient déjà connues concernant
l’épidémiologie et son rôle dans la pathologie des maladies ulcéro-gastro-duodénales et
174

du cancer de l’estomac ainsi que le traitement approprié. Toutes ces connaissances


cependant n’étaient pas d’application par les chercheurs.

En 1975 Howard Steer au Royaume Uni a décrit une bactérie spiroïde en rapport
avec le syndrome gastritique. Pour Robin Warren et Barry Marshall de l'Hôpital Royal
Perth dans l'Ouest de l’Australie ,les responsables du département de microbiologie se
sont convenus, sans financement, de cultiver 100 échantillons. Après le délai voulu 34
échantillons se sont révelés sans succès (n’ont pas poussé). Indépendament de
chercheurs, la prolongation de la période d’incubation consécutive à un week-end
publique prolongé a révélé la croissance sur le milieu de culture de Compylobacter
Pyloridis : c’est en avril 1982.

Son association avec l’ulcère petique a été confirmée en 1985 par Marshall chez
114 patients infectés à l’hôpital de FREMANTLE. En 1989, l’équipe de chercheurs du
même hôpital nomma le germe Helicobacter Pylori. Depuis lors, 18 espèces
d’Helicobacter ont déjà été découvertes dont l’une chez l’homme et les restes chez les
animaux y compris les oiseaux.

2. MICROBIOLOGIE :

L’helicobacter pylori est un bacille Gram – Négatif, spiral et flagellé vivant dans le
mucus de la couche muqueuse gastrique. La région antrale distale de l’estomac est la
plus touchée. L’atteinte peut aussi intéresser d’autres régions de l’estomac. La bactérie
n’envahit pas la muqueuse, mais stimule l’infiltration de la muqueuse par les cellules
inflammatoires. Ce qui par ailleurs évoque une enzyme appelée Urease laquelle
convertit en présence du suc gastrique, l’urée en ammoniaque et en dioxyde de
carbone. Cette propriété est exploitée pour détecter la présence de ce germe dans
l’estomac. L’ammoniac ayant une propriété alcaline sa production faciliterait la survie du
germe dans le milieu acide gastrique.

1. INFECTION A HP ET ALTERATIONS DE LA PHYSIOLOGIE


GASTRIQUE

L’antre gastrique joue un rôle important dans la régulation endocrinienne et


neuroendocrinienne à la fois de la sécrétion et de la motilité gastriques.

1. HP et la gastrine

La gastrine est principalement synthétisée au niveau des cellules G de la


muqueuse antrale et elle joue un rôle majeur dans la régulation de la sécrétion
gastrique.
Possibles mécanismes par lesquels l’infection à H.P pourrait causer l’hypergastrinémie :

a) activité bactérienne due à l’uréase et à la production de l’ammoniac :

b) le rôle de la gastrine antrale : l’hypergastrinémie pourrait être due à


l’inflammation causée par l’infection de la muqueuse antrale. L’infiltration de la
muqueuse antrale par les cellules inflammatoires pouvait stimuler l’hyperplasie et
l’augmentation de l’activité des cellules G gastrino-productrices.
175

c) rôle possible de l’inhibition de la fonction des cellules pariétales par le HP :


c’est une réponse compensatoire de HP inhibant la sécrétion acide d’où
hypergastrinémie pour redonner les taux normaux de la sécrétion acide.

2. HP et autres hormones du T.D.

Seule la gastrine est élevée et les autres substances telles que lasomatostatine,
polypeptide pancréatique et la neurotensine sont restés normaux.

3. HP et la sécrétion gastrique

Jusqu’à présent, il n’y a pas encore d’évidence que la chute de la gastrine due à
l’éradication de HP soit accompagneé par celle de la sécrétion acide gastrique.

4. HP et la motilité gastroduodénale
Le HP altère la sécrétion de la gastrine et cela pourrait avoir aussi des
conséquences sur celle des autres substances antrales participant dans la régulation de
la motilité gastrique. L’inflammation de la muqueuse antrale pourrait interférer avec la
motilité antrale.

5. HP et Pepsinogène sérique
Le pepsinogène sérique est considéré comme un marqueur génétique de la maladie
ulcéreuse duodénale et il existe une corrélation positive entre le niveau sérique du
pepsinogène I et la sévérité de la diathèse ulcéreuse. On remarque en fait la diminution
du pepsinogène I sérique lors de l’éradication de HP. Il faut noter que la concentration du
pepsinogène I sérique est en relation avec la masse cellulaire principale.

6. HP et composition du suc gastrique

- Concentrations d’urée et d’ammoniac


Infection à HP diminution de la concentration d’urée et augmentation de
celle de l’ammoniac dans le suc gastrique. Cela peut s’expliquer par une forte activité de
la masse cellulaire

- Acide ascorbique (vitamine C) : les patients avec infection à HP et une gastrite antrale
chronique ont de taux bas d’acide ascorbique dans leur suc gastrique. Il faut se rappeler
que la vitamine C est une puissante substance antioxidante prévenant la formation
potentielle des nitrosamines carcinogéniques dans l’estomac.

En résumé

HP uréase Production de l’ammoniac et stimulation de la sécrétion


Altération locale du pH de la de la gastrine par les cellules
muqueuse gastrique G.

Etat d’hyperacidité métaplasie de la région Ulcération de la


muqueuse
gastroduodénale d’où ulcère.

NB. : L’ammoniac produit enveloppe la bactérie et la protège aussi de la destruction


176

occasionnée par l’acidité.

4. MECANISMES PATHOGENIQUES POSSIBLES DANS L’INFECTION A HP

Les mécanismes sont complexes et multiples. Nous résumerons essentiellement


les suivants : adhérence bactérienne, les facteurs biochimiques et la réponse
immunitaire

1. Adhérence bactérienne

Elle protège la bactérie du péristaltisme et entraîne des hautes concentrations


des toxines localement sur la surface épithéliale de la cellule. Conséquences : perte des
microvilosités, amincissement de la membrane et une irrégularité des bords de la
lumière des cellules concernées. A l’intérieur des cellules, nous trouvons: perte du
cytoplasme, oedème, vacuolisation, tuméfaction du réticulum endoplasmique et
accumulation des lysosomes.

2. Facteurs biochimiques

a) Activités des enzymes bactériennes

Du point de vue enzymologique, le HP possède un nombre important d’enzymes


qui jouent un rôle non négligeable dans la pathogénie. Le plus remarqué est l’UREASE
dont l’activité est tellement importante que la colonisation par le HP peut être
diagnostiquée par un test respiratoire de l’uréase ou par une biopsie testant l’uréase .
Comme nous l’avons dit, l’ammoniac produit enveloppe la bactérie et la protège ainsi
des destructions dues à l’acidité. L’ammoniac est toxique pour les cellules.

b) Toxines.

Une des méthodes bien connues employées par les bactéries du T.D. pour
exercer leur effet cytolytique est la production de la toxine.

Le HP possède le lipopolysaccharide contenant le “lipid A “ sous classe de


lipopolysaccharides responsables des propriétés endotoxiques d’une importante variété
des bactéries gram-négatives.

3. Facteur immunologiques :

La réponse inflammatoire décrite dans la gastrite chronique est due aux


antigènes du HP.

a) Réponses humorales

On y trouve la présence des anticorps IgG et IgA lors de l’infection de HP . Cette


réponse peut servir au diagnostic des infections à HP. Les réponses locales humorales
au niveau de l’estomac montre la sécrétion des IgA, des lysosymes et de la lactoferrine.

b) Cytokinines et l’immunité à médiation cellulaire.

Il existe une production locale gastrique de l’interleukine-6 et du facteur de


nécrose tumorale. Dans la gastrite type B, il y a élevation du taux des cellules T. Sur le
177

plan histologique, on décrit un type intérressant de gastrite appelé “gastrite


lymphocytique” dans laquelle le compartiment épithélial contient un excès de cellules T.
Ce type de gastrite pourrait représenter une réponse immune effective pour l’éradication
de HP.

5. H.P , LA DUODENITE ET ULCERATION DUODENALE

Voici les possibles associations des différents facteurs accusés dans la


pathogénie de l’ulcère duodénal

Acidité gastrine

Age adulte
Homme Facteurs génétiques
et environnementaux

métaplasie
gastrique gastrite à
HP Produits
Ulcérogènes

Infection duodénale

Duodénite à HP

Atteinte de la protection de la muqueuse

acidité
(Syndrome de Zollinger-
Ellison)
Ulcère duodénal
Tabagisme
Anti-inflammatoires
non stéroïdiens
Facteurs génétiques
(groupes sanguins)
178

6. PREVALENCE :

La prévalence de l’Helicobacter Pylori augmente avec l’âge dans toutes les


populations qui ont été étudiées au monde. Néanmoins une nette différence a été
remarquée entre les taux des pays développés et ceux des pays sous développés. Dans
ces derniers, l’infection est observée dans le jeune âge tandis qu’elle est rare chez les
enfants des pays développés. L’infection est souvent trainante bien qu’elle puisse être
traitée et elle est acquise dans le jeune âge de la vie.
7. MODE DE TRANSMISSION :

La transmission directe de personne à personne est le mode de contagion le plus


courant (sécrétions orales, matériel d’endoscopie mal stérilisé, transmission féco-orale)

8. ASPECTS CLINIQUES :

Dans les pays développés l’H.P. est la principale cause de gastrites chroniques et
des maladies ulcéro-duodénales. Il est aussi reconnu comme facteur de risque de
cancer de l’estomac. Chez les enfants cette infection est souvent associée aux maladies
diarrhéiques, à la malnutrition et à un retard de la croissance. La dyspepsie est le
symptôme le plus courant de l’infection à H.P. .Mais aussi on peut avoir d’autres signes
associés tels que les nausées, les vomissements, les malaises, la douleur rétro-sternale
et la sensation des brûlures épigastriques. Cependant certains malades restent
asymptomatiques et ne présentent pas les signes gastro-duodénaux.

9. DIAGNOSTIC :

Il est admis que la biopsie gastrique est le moyen sûr de mettre le germe en
évidence. Une biopsie sera prélevée au niveau de l’antre et une autre au niveau du
corps de l’estomac. Par ailleurs la culture du suc gastrique est aussi une méthode pou-
vant aider à l’identification du germe ainsi que l’analyse de l’ Uréase, enzyme produite
par H.P. Cette analyse est simple, réalisable et coûte moins chère. Pour une
investigation épidemiologique de l’infection à H.P. et pour un dépistage général, on
procède au dosage des IgG circulants. En effet, le taux d’anticorps spécifique IgG est
élévé dans la plupart des infections active à H.P. Le test sérologique a une sensibilité et
une spécificité de 70-90 %.

10. TRAITEMENT :

Il est admis que l’infection à H.P. peut être éradiquée chez les malades souffrant
de l’ulcère gastro duodenal. En effet, il est connu que dans 95 % de cas de malades
souffrant de l’ulcère gastroduodénal souffriraient aussi d’une infection à H.P. associée.

Il n’est pas donc nécessaire de chercher à mettre en évidence le germe avant


d’instaurer le traitement. Une thérapie d’éradication est efficace et simple à utiliser.
Quelques combinaisons de produits ont fait preuve de leur efficacité. Mais d’autres
encore ont des effets secondaires indésirables. La seule combinaison qui est
actuellement utilisée et ayant montré un taux d’eradication de plus de 90 %`est la
Trithérapie faite de:Metronidazole (400 mg x 2 ), Omeprazole (20 mg x 2 ) et
l’amoxyciline (500 mg x 3 )[O. M. A.]. ou Amoxyciline-Omeprazole-Clarithromycine (250
mg x 2) ou Omeprazole-Metronidazole-Clarithromycine. Le taux de réinfection est rare
après une éradication complète (1%/an). Le vaccin contre l’H.P. a contribué à la baisse
du taux de prévalence de l’infection dans le monde.
179

Circonstances de diagnostic

Douleur ulcéreuse typique

Elle représente classiquement la symptomatologie fonctionnelle de la maladie ulcéreuse


gastro-duodénale. La douleur de localisation épigastrique à type de crampe ou de
torsion, est d’intensité variable, l’irradiation pouvant se faire vers le dos et le thorax.
Dans le cas de l’ulcère gastrique elle est relativement plus précoce (une à deux heures
après les repas) que dans l’ulcère duodénal (faim douloureuse 3 à 4 heures après les
repas). En fait cette distinction classique est très inconstante et il faut surtout retenir le
caractère post-prandial de la douleur, rythmée par les repas, sa cessation après
indigestion d’alcalins ou d’aliments, et surtout sa périodicité. Le malade souffre tous les
jours après tous les repas pendant une période déterminée: c’est la crise ulcéreuse qui
dure de 2 à 3 semaines puis disparaît totalement, la “guérison” pouvant se prolonger
pendant des semaines ou des mois. Les crises ulcéreuses peuvent prendre une
régularité saisonnière (printemps, automne) ou être déclenchées par des circonstances
particulières (stress psychologique ou médicamenteux).

Syndrome douloureux atypique

Il est probablement tout aussi fréquent que la symptomatologie précédente. La


disparition du rythme et de la périodicité, la localisation différente font discuter les
diagnostics de lithiase biliaire, de pathologie arthrosique ou angineuse, de syndrome
dyspeptique…

Complication

Elle peut révéler une maladie ulcéreuse jusque-là latente, il s’agit le plus souvent d’une
hémorragie digestive, parfois d’un syndrome péritonéal, rarement d’un syndrome
occlusif. La prise éventuelle de médicaments doit être recherchée systématiquement.

Eléments de diagnostic

L’interrogatoire est évidemment capital quand il permet de retrouver la symptomatologie


ulcéreuse typique. Mais la certitude du diagnostic est apportée par l’examen radiologique
et/ou endoscopique.

Transit gastro-duodénal

L’examen radiologique a représenté pendant longtemps le seul moyen de déceler la


lésion ulcéreuse (la niche) ou de mettre en évidence des signes indirects attirant
l’attention. Cependant si la concordance radio-endoscopique est satisfaisante pour le
diagnostic des ulcères ronds, elle est beaucoup plus médiocre pour les ulcères linéaires,
même étudiés selon des techniques de double contraste.

Au niveau de la petite courbure gastrique la niche se présente comme une image


d’addition faisant saillie, limitée dans les cas typiques, en amont et en aval par une
dénivelation en forme de rigole: “ulcus Wall”. Ce dernier est la traduction d’un bourrelet
d’oedème péri-ulcéreux qui, sous compression, peut alors apparaître sous l’aspect d’un
collet clair cernant la base de la niche. La dimension de la niche est variable et peut aller
de la taille d’une tête d’épingle à celle d’ulcère géant dépassant plusieurs centimètres.
180

Elle n’a aucune signification pronostique. Sa forme peut également être variable: niche
en cône ou en éperon, niche triangulaire ou carrée. Les signes indirects peuvent se
présenter sous la forme d’une incisure spasmodique au niveau de la grande courbure en
regard de la niche, d’une convergence des plis, d’une modification de la silhouette
antrale. Aucun critère radiologique ne permet d’affirmer qu’une niche est véritablement
bénigne. Aussi la discussion des images radiologiques dans le but d’en préciser la
nature est actuellement dépassée depuis le développement des techniques
endoscopiques.

Au niveau du bulbe, la niche centro-bulbaire prend l’aspect d’une tache opaque entourée
par un halo clair correspondant au bourrelet d’oedème péri-ulcéreux. Les modifications
des plis peuvent, surtout dans les ulcères anciens, entraîner des déformations
importantes du bulbe, (aspect trifolié, bulbe en chapeau mexicain, etc…) Ces
modifications dues à la sclérose péri-ulcéreuse persisteront même lors de la guérison
complète de la niche.

Exploration endoscopique

Au cours de l’ulcère gastrique elle est indispensable pour préciser la nature de la lésion
et ses modalités évolutives : une règle impérative doit être systématiquement appliquée :
toute niche radiologique doit être vérifiée endoscopiquement et biopsiée largement (10 à
12 biopsies sur les bergers de l’ulcère). L’ulcère “bénin” se présente sous l’aspect d’une
ulcération ronde ou ovalaire, à bords réguliers et souples à fond blanc crémeux et
entourée de plis convergents. L’ulcère “malin” a une forme irrégulière des bords
granuleux, bourgeonnants, un fond saignotant et des plis anarchiques. En fait cette
opposition caricaturale est loin d’être toujours vraie, et seuls les contrôles biopsiques
nombreux, aidés par les colorations vitales apportent le maximum de renseignements
sur la nature de la lésion et son évolution: disparition totale de la lésion, cicatrice
d’aspect stellaire, ou linéaire, persistancce du cratère ulcéreux. L’endoscopie permet
également de rechercher les lésions associées: gastrite avec métaplasie, autres
localisations ulcéreuses, reflux biliaire etc.

Au cours de l’ulcère duodénal, l’endoscopie n’est pas classiquement indispensable.


Cependant des travaux récents ont permis de distinguer selon les aspects
macroscopiques de l’ulcère des modalités évolutives différentes. Aussi l’ulcère rond, à
l’emporte-pièce correspond à un ulcère jeune dont l’évolution est le plus souvent
favorable sous traitement médical en 4 ou 6 semaines. Les ulcères irréguliers,
triangulaires ou en étoile, vers lesquels convergent des plis épaissis, témoignent d’un
caractère chronique. Les ulcères “salamis” formés d’érosions confluentes sur un socle
lésionnel, inflammatoire, ont une cicatrice lente (2 à 3 mois) et peuvent correspondre à
une phase de réparation ou à une rechute sur cicatrice. Enfin les ulcères linéaires se
présentent sous forme de crevasse à fond fibrino-nécrotique et témoignent d’une
cicatrisation médiocre (3 à 5 mois). Ces ulcères linéaires souvent méconnus par
l’examen radiologique représentent 20 % des ulcères du bulbe et peuvent être étudiés
avec précision après instillation en cours d’endoscopie de bleu de méthylène. La fibrine
est colorée en bleu clair, la zone péri-ulcéreuse inflammatoire est peu ou pas colorée et
la muqueuse intestinale voisine est colorée en bleu foncé. Ainsi l’endoscopie permet-
elle de suppléer aux “défaillances” radiologiques, et de porter un pronostic de
cicatrisation sur l’aspect endoscopique. D’autre part, contrairement à la notion classique
la disparition de la symptomatologique douloureuse peut aller de paire avec la
persistance ou la réapparition de la lésion ulcéreuse. Ces trois raisons plaident en faveur
de l’indication d’une fibroscopie pour surveiller un ulcère bulbaire.
181

Chimisme gastrique

Il est inutile pour explorer la sécrétion gastrique au cours de la maladie ulcéreuse gastro-
duodénale banale. Par contre il paraît logique, au cours de la maladie ulcéreuse
duodénale, lorsqu’une indication chirurgicale est portée, il permet de classer les sujets
en normosécréteurs et en hypersécréteurs et de déceler parmi ces derniers les sujets
pouvant présenter un syndrome de Zollinger-Ellison. Les hypersécréteurs simples
représentent 20 à 30 % et sont caractérisés par un débit acide de base (BAO) supérieur
ou égal à15 mEq/h et un débit acide maximal (PAO) supérieur à 50 mEq chez l’homme
(40 meq chez la femme) sans hypergastrinémie.

La mise en évidence de ce groupe d’hypersécréteurs simples (par opposition au


syndrome de Zollinger Ellinson) n’a aucun intérêt pronostique, (il ne semble pas que les
complications ou les récidives surviennent avec plus de fréquence que dans le groupe
des normosécréteurs), mais présenterait pour certains auteurs un intérêt thérapeutique:
indication d’une vagotomie avec antrectomie plutôt que d’une vagotomie hypersélective.

Modalités évolutives
L’évolution de la maladie ulcéreuse est marquée, quelque soit sa localisation, par une
tendance à la chronicité symbolisée par une évolution cyclique spontanée : ulcère,
cicatrisation – ulcère etc. Sur ce fond évolutif peuvent se greffer à tout moment des
complications aiguës transformant radicalement le tableau de la maladie ulcéreuse. Les
hémorragies et les perforations aiguës, sont plus fréquentes chez les jeunes ulcéreux
que chez les adultes.

Hémorragie

Le risque hémorragique se situe entre 15 et 25 % des cas, l’hémorragie étant un


symptôme inaugural dans 5 à 10 % des cas. La cause d’hémorragie peut être une
ulcération artérielle au fond du cratère ulcéreux (hémorragie souvent importante en jet et
sans tendance spontanée à l’hémostase), une gastrite ou une duodénite hémorragique
péri-ulcéreuse plus accessible au traitement médical. La surveillance d’une hémorragie
digestive chez un ulcéreux peut être favorisée ou provoquée par des médicaments
agressifs pour la muqueuse ou par la prise d’anticoagulants. Le groupe sanguin 0 est
plus fréquemment observé parmi les ulcéreux ayant eu une hémorragie et la fréquence
de survenue d’une hémorragie semble plus liée au groupe sanguin 0 qu’au jeune âge de
début de l’ulcère.

Perforation

Elle aboutit le plus souvent à la péritonite généralisée (ulcère de la face antérieure du


bulbe) mais semble moins fréquente que les hémorragies digestives (5 à 15 %). Parfois
le cratère ulcéreux, après avoir perforé l’épaisseur de la paroi, pénètre dans un organe
de voisinage, le foie pour les ulcères de la petite courbure, le pancréas pour les ulcères
de la face postérieure de l’estomac et du bulbe. Cet ulcère perforé bouché se traduit
radiologiquement par une niche très creusante à trois niveaux: niche de Haudeck (de
haut en bas : air, liquide de stase et baryte). Cliniquement il s’agit presque toujours d’une
forme calleuse, rebelle au traitement médical, hyperalgique et pouvant simuler une
symptomatologie pancréatique. Elle peut également, au niveau de la région
antropylorique ou bulbaire, s’accompagner d’une sténose.
182

Sténose

Il s’agit généralement d’une sténose pyloroduodénale (6 à 10 %) secondaire soit à des


troubles pyloriques fonctionnels provoqués par le spasme ou l’oedème, mais alors
transitoires et régressant avec la poussée, soit à une fibrose rétractile cicatricielle
irréversible. Classiquement elle évolue en deux phases: au début, hyper-péristaltisme
antral et retard de l’évacuation pylorique avec vomissements post-prandiaux précoces,
ensuite phase d’atonie avec distension gastrique et vomissements tardifs. Un état
d’alcalose métabolique hypochlorémique et hypokaliémique avec déshydratation
cellulaire, oligurie et hyperazotémie s’installe progressivement. Le diagnostic de sténose
est fait essentiellement sur la clinique et la radiologie, l’endoscopie connaît ici ses limites
lorsque l’endoscope ne peut franchir le rétrécissement et ne permet donc pas de
visualiser un ulcère situé au-delà. L’existence d’un ulcère gastrique secondaire à la stase
est fréquente. Les sténoses médiogastriques sont rares et provoquées le plus souvent
par des ulcères situés sur la petite courbure verticale.

Cancérisation de l’ulcère gastrique

Le problème de la transformation maligne des ulcères gastriques donne toujours lieu à


de nombreuses controverses et à une riche terminologie : ulcère transformé, ulcéro-
cancer, ulcer-like carcinome, etc. La fréquence de cette cancérisation est très variable
selon les statistiques (1 à 5 %) mais est cependant élevée par rapport à la fréquence
générale des cancers gastriques. Elle s’explique par l’existence de lésions dysplasiques
sévères au niveau de la muqueuse marginale de l’ulcère, c’est-à-dire sur la berge mais
aussi, bien que plus rarement, à distance de celle-ci sur la muqueuse gastrique. Ceci
justifie les nombreuses biopsies portant sur les bords des lésions ulcéreuses, même
d’aspect bénin, associée ou non à une cytologie à la brosse. L’importance du nombre
des biopsies pour le diagnostic positif de ces lésions ulcérées est capitale. Par contre le
test thérapeutique n’a qu’une valeur relative car des lésions malignes ulcérées peuvent
guérir dans les délais habituels à l’ulcère pour réapparaître ultérieurement. L’ulcéro-
cancer peut être affirmé avec certitude quand existent , sur les bergers d’un ulcère, des
lésions malignes… Par contre, lorsque le processus néoplasique envahit totalement le
cratère ulcéreux, le diagnostic devient impossible entre ulcère transformé et cancer
ulcériforme. Cette discussion est cependant toute académique. Le point pratique capital
étant de considérer tous les malades porteurs d’un ulcère gastrique comme faisant
partie de la population à haut risque de cancer gastrique.

Surveillance et traitement

Règles hygiéno-diététiques générales

Pendant longtemps elles ont été considérées comme essentielles. L’efficacité à long
terme de régimes à base de lait et de crème ne semble pas démontrée et l’adjonction de
poudres alcalines peut entrainer un syndrome d’hypercalcémie, avec lithiase rénale
(syndrome de Burnett). Un régime équilibré excluant simplement l’alcool, le tabac et les
épices est suffisant dans la majorité des cas. L’hospitalisation ou le repos ne s’imposent
pas, sauf en cas de poussée hyperalgique. Par contre, des conseils très stricts doivent
être donnés en ce qui concerne l’utilisation de l’aspirine, des anti-inflammatoires, des
corticoïdes.
183

Traitement médical de la crise ulcéreuse

Il s’applique à tous les ulcères gastriques ou duodénaux non compliqués, diagnostiqués


à l’occasion de leur première poussée. Il repose essentiellement sur l’utilisation intensive
pendant 6 semaines (parfois plus si l’on tient compte des critères endoscopiques pour
les ulcères du bulbe), des anti-sécrétoires associés éventuellement aux anti-acides.
Actuellement on peut estimer qu’une monothérapie à base de Cimétidine (1 g par jour) à
raison de 1 comprimé après chaque repas et 2 comprimés le soir avant le coucher offre
des résultats thérapeutiques satisfaisants dans la majorité des cas, la crise douloureuse
disparaissant au bout de 3 à 6 jours. Le plus difficile est de convaincre le malade de
continuer à prendre le médicament malgré la guérison appararente de sa maladie; la
cicatrisation de l’ulcère n’étant complète qu’au bout de 4 à 5 semaines environ.

Conduite à tenir après la guérison de la première crise

Dans le cas d’un ulcère gastrique une gastroscopie est obligatoire après la 6è semaine
de traitement. Elle doit permettre de certifier la guérison complète de l’ulcère. Sinon de
poursuivre le traitement sous surveillance étroite .

Dans le cas d’un ulcère duodénal, la guérison est classiquement affirmée par la
disparition de la douleur. Il n’est pas utile de prévoir un examen radiologique mais des
études récentes ont montré que la lésion ulcéreuse pouvait persister de façon
asymptomatique. La certitude de la disparition de l’ulcère ne peut donc être apportée là
encore que par l’endoscopie.

Traitement d’entretien après la guérison de la première poussée ?

La poursuite pendant 6 mois du traitement médical (Cimétidine 400 mg le soir au


coucher) réduit considérablement la fréquence des rechutes ulcéreuses. Des gels anti-
acides peuvent être prescrits en relais de façon à avoir une protection thérapeutique
pendant 10 à 12 mois après la cicatrisation. Passé ce délai il ne paraît pas utile de
continuer une thérapeutique anti-acide ou anti-sécrétoire, mais une gastroscopie de
contrôle doit être prévue pour les ulcères gastriques. En fait lorsque au bout d’un
traitement d’entretien à la cimétidine si celle-ci est interrompue, le taux de rechute est le
même que celui observé chez des sujets n’ayant subi qu’un traitement d’attaque de la
poussée. Ceci tend à démontrer que la cimétidine guérit la lésion mais ne modifie pas
l’évolution naturelle de la maladie ulcéreuse duodénale.

Traitement antibiotique de l'ulcère duodénal: voir le paragraphe sur le Hélicobacter


Pylori

Traitement chirurgical de l’ulcère gastrique

Devant un ulcère gastrique persistant (et/ou malin) la gastrectomie est une indication
logique. Ses modalités sont fonction du siège de l’ulcère, gastrectomie des 2/3 typique
pour un ulcère antral, vagotomie et antrectomie pour ulcère prépylorique ou pylorique
(hyperchlorhydrie), ou pour ulcère de l’estomac associé à un ulcère du duodénum. Cette
chirurgie d’exérèse (gastrectomie des 2/3 ou antrectomie) est d’autant plus justifiée
qu’une niche ulcéreuse, même régulière, même d’aspect bénin n’est pas
obligatoirement bénigne. Les modalités, le risque vital, les séquelles de la gastrectomie
pour ulcère de l’estomac sont comparables à ceux de la gastrectomie pour ulcère du
duodénum.
184

Une différence essentielle réside dans le risque de récidive qui est ici très faible, de
l’ordre de 1 %.

Cependant cette chirurgie est considérée par certains auteurs comme trop mutilante et il
a été proposé une chirurgie plus conservatrice basée seulement sur l’ulcérectomie totale
et la vagotomie.

Un contrôle histologique de la pièce opératoire es indispensable.

Traitement chirurgical de l’ulcère duodénal

METHODES

Le traitement chirurgical des ulcères du duodénum repose sur des données


pragmatiques: l’efficacité observée de différentes interventions chirurgicales. L’action
thérapeutique s’explique par la suppression permanente et durable de l’hyperactivité
gastrique. Les chances de guérison sont directement proportionnelles à l’importance de
la réduction acide.

Interventions d’exérèse

La gastrectomie partielle, polaire inférieure, enlève les deux tiers inférieurs de l’estomac.
Une gastrectomie polaire supérieure, enlevant la zone à sécrétion acide serait logique, et
a d’ailleurs été utilisée, mais elle comporte un risque vital trop important.

La gastrectomie des deux tiers vise à supprimer la région antrale responsable de la


stimulation hormonale de la sécrétion acide. L’objectif est de réaliser une antrectomie,
mais comme il n’existe pas une frontière apparente, il est nécessaire de pratiquer une
exérèse des deux tiers inférieurs de l’estomac.

Le rétablissement de la continuité digestive peut se faire indifféremment par anastomose


gastro-duodénale (intervention de Péan) ou, après fermeture du moignon duodénal, par
anastomose gastro-jéjunale (intervention de Finsterer). La mortalité opératoire est, en
dehors des urgences, de l’ordre de 2 à 3 %. La gastrectomie a l’inconvénient de
déterminer l’apparition de séquelles nutritionnelles et fonctionnelles.
La fréquence des récidives ulcéreuses après gastrectomie est de l’ordre de 2 à 8 %.

Interventions de section nerveuse

Elles sont représentées par les vagotomies. Le but est ici de supprimer la stimulation
nerveuse de la sécrétion acide. Il existe trois types de vagotomie selon que l’on section-
ne en totalité ou en partie le nerf pneumogastrique. En effet, ce nerf se distribue en trois
contingents destinés aux cellules pariétales du fundus sécrétant l’acide chlorhydrique, à
la zone antropylorique qui assure la vidange de l’estomac et aux autres viscères
digestifs.

La vagotomie tronculaire sectionne les trois contingents nerveux. Elle doit être associée
à une dérivation de l’estomac (gastroentérostomie ou pyloroplastie) parce qu’elle
entraîne un spasme du pylore. Elle détermine comme la gastrectomie des séquelles
fonctionnelles dont la plus fréquente est la diarrhée. Ces séquelles fonctionnelles sont
185

souvent aussi invalidantes que celles de la gastrectomie. La mortalité opératoire est de


l’ordre de 1 %, donc inférieure à celle de la gastrectomie. Par contre le taux de récidive
est de 5 à 8 %, donc supérieur à celui de la gastrectomie.

La vagotomie sélective sectionne les filets nerveux destinés à l’estomac (fundus et antre)
et nécessite également un drainage de l’estomac, mais préserve l’innervation extra-
gastrique. Contrairement à ce que l’on espérait, elle n’a pas moins de séquelles
fonctionnelles que la vagotomie tronculaire, car ses séquelles sont dues au geste de
drainage qui rend l’estomac incontinent.

La vagotomie hypersective (VHS) sectionne uniquement les filets nerveux destinés au


fundus, c’est-à-dire les fibres sécrétrices, et respecte ainsi les fibres motrices destinées
à l’antre, ce qui rend inutile un geste de drainage et supprime les séquelles
fonctionnelles des interventions classiques, (dumping-syndrome, diarrhée). Cette
intervention est d’une bénignité remarquable : 0,3 % de mortalité opératoire. Elle
nécessite une hospitalisation courte. La prescription d’un régime alimentaire est ensuite
inutile. Cependant la fréquence des récidives est encore difficile à évaluer en raison du
manque de recul, elle paraît être de l’ordre de 5 à 10 %.

Intervention de section nerveuse et résection

Elle est réalisée par l’association d’une vagotomie tronculaire et d’une antrectomie. Elle
supprime la stimulation nerveuse et la stimulation hormonale de la sécrétion acide. C’est
certainement l’intervention la plus efficace: le taux de récidive étant de 0 à 1 %.

INDICATIONS

Ces différentes interventions n’ont pas d’indications spécifiques. Pendant longtemps leur
valeur respective a été difficile à apprécier: actuellement, grâce à des études contrôlées
il est possible de souligner:
- que la vagotomie tronculaire est la moins dangereuse des interventions classiques :
mortalité opératoire de 1 %.
- Que la vagotomie antrectomie est la plus efficace: taux de récidive à long terme de 0
à 1 %;
- Que la gastrectomie des deux tiers n’a ni l’efficacité de la vagotomie-antrectomie, ni
la bénignité de la vagotomie tronculaire;
- La vagotomie hypersélective n’a pas fait l’objet de telles études comparatives; elle est
la plus séduisante, mais son taux de récidive à long terme reste à définir, et il faut
savoir qu’à partir de 70 ans (environ), en raison d’une éventuelle insuffisance
vasculaire, elle peut entraîner des lésions ischémiques gastriques. De plus elle peut
être difficile à réaliser chez les sujets obèses.

L’indication chirurgicale dans la maladie ulcéreuse duodénale doit être discutée devant
un ulcère guérissant mal ou récidivant malgré le traitement médical bien conduit.
Longtemps représenté par la gastrectomie des deux tiers puis la vagotomie tronculaire,
le traitement actuel de l’ulcère du bulbe repose sur la vagotomie hypersélective (VHS),
intervention physiologique et peu aggressive ou éventuellement la vagotomie-
antrectomie exposant à un taux de récidive encore plus faible que la VHS mais
nécessitant une antrectomie. Le choix entre les deux types d’intervention ne parait pas
pour l’instant être fondé avec certitude sur les résultats du chimisme préopératoire.
186

Le traitement des récidives ulcéreuses après gastrectomie des deux tiers paraît être la
vagotomie tronculaire, et après vagotomie, dont il importe d’apprécier l’efficacité, il est en
principe nécessaire de faire une antrectomie et éventuellement une nouvelle vagotomie.

Dans les ulcères compliqués l’urgence est souvent incompatible avec une exploration
précise de la sécrétion acide. La perforation relève classiquement de la suture associée
à la vagotomie. L’hémorragie, après réanimation correcte et échec du traitement médical
anti-acide, impose un traitement chirurgical si possible conservateur: hémostase locale
de l’ulcère et vagotomie (tronculaire ou hypersélective).

La sténose elle-même classiquement traitée par vagotomie et gastroentérostomie peut


aussi être traitée par pyloroplastie avec dilatation et vagotomie hypersélective.

Chez les malades à haut risque le traitement de la complication sera réduit à


l’intervention la plus rapide (suture simple pour perforation, vagotomie tronculaire,
pyloroplastie et hémostase locale pour hémorragie, gastro-entérostomie pour sténose).

Le contrôle du traitement chirurgical de l’ulcère duodénal est représenté par le chimisme


gastrique sous pentagastrine réalisé 1 à 2 mois après l’intervention et comparé à des
résultats préopératoires obtenus dans les mêmes conditions. Après une vagotomie
hypersélective efficace la chute du débit acide de base (BAO) est de 80 % par rapport à
l’état préopératoire et celle du débit acide maximal (PAO) de 60 %. Deux ans après
l’intervention cette diminution n’est plus que de 50 et 55 % respectivement. Par contre
après vagotomie et antrectomie la chute du BAO atteint 90 % et reste stable.

HYPERGASTRINEMIES

Ce terme permet de regrouper artificiellement certains états pathologiques entraînant


des modifications de la sécrétion hormonale gastrinique. Toutefois l’existence d’un taux
sanguin élevé ne définit pas à lui seul un état pathologique et encore moins un
syndrome. Des phénomènes de rétroaction négative ou une dissociation possible entre
la concentration sanguine de l’hormone et l’organe cible fonctionnel peuvent également
entrer en ligne de compte.

III. CLASSIFICATION DES HYPERGASTRINEMIES

Hypergastrinémies avec hypersécrétion acide

L’exemple typique est fourni par le syndrome de Zollinger Ellison. Dans le montage
expérimental de l’antre exclu chirurgicalement l’hypergastrinémie considérable est liée à
la suppression de la rétroaction négative de la sécrétion acide. Des états
d’hypergastrinémie ont été décrits au cours de l’hyperplasie antrale des cellules G, au
cours des sténoses duodénopyloriques avec stase gastrique et au cours de l’insuffisance
rénale.

Syndrome de Zollinger-Ellison (Z.E)


187

Ce syndrome rare et pourtant très célèbre est provoqué par une hypersécrétion de
gastrine provenant d’une tumeur (gastrinome), en général pancréatique. Cliniquement il
se caractérise essentiellement par l’existence d’ulcères sévères rebelles au traitement
habituel, récidivants et souvent multiples ou atypiques par leur siège (gastriques,
bulbaires, mais aussi au niveau du duodénum et du jéjunum), associée à une diarrhée
secondaire à l’hypersécrétion acide. Une circonstance particulière mais fréquente est
réalisée par la survenue d’ulcères rebelles après gastrectomie partielle ou vagotomie
proposée pour une maladie ulcéreuse apparemment banale. L’étude de la sécrétion
gastrique peut nettement orienter le diagnostic lorsque pour un estomac non opéré, le
débit acide basal est supérieur ou égal à 15mEq/h (concentration acide basale
supérieur ou égale à 100mEq/l), ou lorsqu’il s’agit d’un estomac déjà opéré, le débit
acide basal est supérieur ou égal à 5 mEq/l). Le dosage de la gastrine est le deuxième
élément fondamental du diagnostic biologique. Au cours de S.Z.E. la gastrinémie est
habituellement très élevée (supérieure à 10 fois la normale) mais des chiffres inférieurs à
5 fois la normale ne doivent pas faire éliminer le SZE, ces résultats s’expliquent par les
grandes fluctuations de la gastrine sérique. L’injection ou la perfusion de la sécrétine
provoque en général au cours du SZE une augmentation de la gastrinémie et de la
sécrétion acide. L’hypercalcémie induit une hypergastrinémie et une augmentation de
sécrétion acide modérée chez le sujet normal et l’ulcéreux duodénal, importante au
cours du SZE. L’artériographie sélective est loin de mettre en évidence de façon
constante le processus tumoral (1/4 des cas seulement),mais la localisation de la tumeur
sécrétante peut être réalisée par dosages hormonaux après cathétérisation
transhépatique percutanée de la veine-porte et de la veine splénique. La certitude
absolue de SZE est donnée par la découverte opératoire de la tumeur, l’affirmation de sa
structure endocrine et la caractérisation immuno-histologique ou l’extraction de la
gastrine intra-tumorale. Le traitement définitif ne peut être que chirurgical; exérèse de la
tumeur si possible, sinon gastrectomie totale afin de supprimer l’organe cible. Les anti-
histaminiques H2 à fortes doses, associés aux anti-cholinergique (éventuellement
Gastrozépine ®) permettent dans certains cas, de réduire l’hypersécrétion et d’attendre
de meilleures conditions chirurgicales.
188
GASTRITES AIGUES, GASTRITES HEMORRAGIQUES ET LESIONS
AIGUES HEMORRAGIQUES.

Généralités et terminologie

Qu’elle survienne sur une muqueuse gastrique normale ou pathologique (gastrite


chronique), la gastrite hémorragique vraie se définit par un saignement en nappe de la
muqueuse sans érosion visible. En fait, sous le terme de gastrite hémorragique ou de
lésions aiguës de la muqueuse gastrique sont regroupées habituellement plusieurs
appellations : exulcération simplex (perte de substance de 5 à 10 mm unique
n’atteignant pas la musculeuse), ulcères aigus ou ulcères de stress avec leurs 4 stades
différents (purpura de la muqueuse, érosion superficielle, ulcère aigu non hémorragique
et ulcère aigu hémorragique), ulcère de Cushing (les lésions aiguës compliquant les
interventions et les traumatismes du système nerveux central), ulcère de Curling (lésions
aiguës compliquant les brûlures), gastro-bulbite ou gastro-duodénite érosive.

Etiologies

Le rôle du stress paraît capital dans la genèse des lésions aiguës ulcéro-
hémorragiques rencontrées en post-opératoire, dans les services de réanimation des
polytraumatisés et des brûlés … au cours des insuffissances rénales aiguës, au cours
des insuffisances respiratoires sévères (rôles de l’hypoxie – hypercapnie), dans les
services de neuro-chirurgie et au cours de tous les états septiques. Les lésions aiguës
neurologiques ont une pathogénie particulière, l’augmentation de pression intracrânienne
étant suivie d’une augmentation de la sécrétion acide gastrique. Les autres lésions
aiguës paraissent toujours débuter par une ischémie de la muqueuse gastrique (aspect
marbré lors de l’endoscopie), cette vaso-constriction entrainant ensuite une rupture de la
barrière muqueuse puis une rétrodiffusion des ions H+.

Certains médicaments, aspirine, corticoïdes, phénylbutazone et autres anti-


inflammatoires jouent également un rôle très important d’autant qu’ils peuvent être
administrés avant ou au cours d’un état de stress.

L’action aggressive de l’alcool sur la muqueuse gastrique a été démontrée à plusieurs


reprises. L’ingestion d’une importante quantité d’alcool (1 g par kg) à jeûn détermine au
niveau des muqueuses gastriques ou bulbaires des lésions allant de la congestion
vasculaire avec infiltration à éosinophiles de la muqueuse à des aspects pétéchiaux ou
de gastrite hémorragique.

Certaines gastrites hémorragiques peuvent survenir sans circonstances apparentes.


Désignées sous le terme de primitives, elles sont en fait secondaires à un état de forte
tension émotive chez un sujet ayant une structure névrotique certaine. Il s’agit là d’une
véritable maladie psychosomatique, proche parente de la maladie ulcéreuse.

Diagnostic

Les lésions aiguës de la muqueuse gastrique représentent 25 à 30 % des hémorragies


digestives hautes, mais à l’intérieur des lésions aiguës, il est difficile d’estimer le
pourcentage exact de lésions véritablement hémorragiques.
189

Modalités évolutives, pronostic et traitement

Les lésions aiguës de la muqueuse gastrique sont labiles, n’évoluant jamais vers l’ulcère
de Cruveilhier. Elles tuent ou guérissent sans séquelles. Le traitement repose d’abord
sur la recherche de la cause et son éradication (défaillance circulatoire, foyer infectieux,
cause neurologique, médicaments). Le traitement symptomatique doit associer les
transfusions sanguines, les injections de Cimétidine et/ou les solutés glacés
hémostatiques instillés dans l’estomac par une sonde gastrique.

En fait, une meilleure connaissance de la pathogénie des lésions aiguës doit permettre
d’en prévenir l’apparition. On peut déjà remarquer qu’ayant les techniques d’alimentation
parentérale, les hémorragies digestives par lésions aiguës (gastro-duodénites érosives)
étaient fréquentes et mortelles dans 80 % des cas, compliquant les états de choc dès
que ceux-ci se prolongeaient quelques heures. La pratique courante de l’alimentation
parentérale et entérale réduit l’apparition des lésions aiguës chez les malades graves en
permettant d’obtenir un état nutritionnel satisfaisant. La correction rapide de l’état de
choc et l’utilisation préventive de Cimétidine sont également indispensables dans le
traitement préventif chez les sujets à haut risque. Les interventions chirurgicales doivent
être réduites le plus possible mais restent une nécessité devant l’érosion artérielle.

V.PATHOLOGIE GASTRO-DUODENALE LATROGENE

La pathologie gastro-duodénale iatrogène prend depuis une dizaine d’années une place
grandissante dans la pathologie digestive. Sans aller jusqu’à affirmer que certains
médicaments provoquent plus de maladies qu’ils n’en guérissent, on doit reconnaître
que bien souvent une attitude thérapeutique très insouciante entraîne des conséquences
redoutables.

Circonstances de diagnostic

La pathologie iatrogène gastro-duodénale peut se manifester de trois façons : un


syndrome douloureux à type de brûlures épigastriques, une hémorragie digestive haute,
un accident perforatif d’une lésion ulcéreuse. Elle regroupe sur le plan anatomique
plusieurs types de lésions. Les unes sont manifestement des lésions aiguës allant de la
gastrite érythémateuse ou congestive, à l’ulcère aigu, en passant par les érosions ou
micro-ulcérations et la véritable hémorragie digestive. Les autres sont des lésions
chroniques localisées (poussées ou complications d’une maladie ulcéreuse) ou
généralisées (gastrite chronique atrophique à prédominance antrale, de caractère pluri-
inflammatoire avec des métaplasies rares).
190

L’effet iatrogène d’un médicament naturellement agressif pour la muqueuse digestive


peut être majoré par des facteurs importants. Aussi le risque est-il d’autant plus élevé
qu’il existe antérieurement une lésion digestive (gastrite atrophique, ulcère, hernie
hiatale, oesophagite, tumeurs bénigne ou maligne), que le sujet consomme une quantité
excessive d’alcool, et qu’un état de stress (choc psychologique, infection, etc) survient
pendant la prise du médicament.

Principaux médicaments responsables

Aspirine

Elle paraît actuellement incriminée dans plus de 70 % des accidents iatrogènes gastro-
duodénaux.

Corticoïdes

Contrairement à l’opinion généralement admise, il n’est pas clairement démontré que la


maladie ulcéreuse ait une fréquence particulièrement accrue chez les sujets soumis à
une corticothérapie. Ce n’est qu’à partir d’une dose quotidienne très importante et
prolongée que le risque de survenue d’un ulcère apparaît nettement.

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

La phénylbutazone est une molécule très aggressive pour la muqueuse digestive, cette
agressivité dépendant de la dose totale administrée, en général les acidents
apparaissent en 10 jours pour une posologie de 1 g par jour. En fait, il s’agit là de doses
élevées très exceptionnellement administrées. Les spécialités les plus courantes sont:
Phénylbutazone ®, Butazolidine ®, Calibène ®, Elarzone ®, Ketazone ®, Megazone ®,
Midalgyl ®, Perclusone ®, Tandéril ®, Thémanol ®.

D’une façon générale, tous les anti-inflammatoires non stéroïdiens présentent une
agressivité moindre cependant non négligeable.

L’action aggressive des anti-inflammatoires paraît être analogue à celle des corticoïdes,
elle se fait par voie générale.

Autres médicaments

Les anticoagulants ne provoquent pas de lésions de la muqueuse, mais font saigner


les lésions ulcéreuses existantes. Il importe donc, devant toute hémorragie digestive
survenant pendant un traitement anticoagulant de rechercher la lésion sous-jacente
(ulcère, cancer, diverticule…)

Effet cytoprotecteur des prostaglandines

Un effet inhibiteur des anti-inflammatoires sur la synthèse locale des prostaglandines a


été récemment démontré au niveau de la muqueuse gastrique. Ceci pourrait être
l’explication de la cytotoxicité des anti-inflammatoires et de l’aspirine puisque les
prostaglandines jouent un rôle capital dans le maintien de l’intégrité cellulaire (effet
cytoprotecteur). Des études effectuées chez l’homme viennent de prouver que
l’administration de prostaglandines E normalisait les pertes digestives de sang induites
par l’aspirine et l’indométacine.
191

VI. TUMEURS GASTRIQUES

Cancers de l’estomac

Sous ce terme sont désignés deux groupes de tumeurs malignes, les carcinomes
développés à partir des cellules épithéliales (85 à 95 pour 100). Si la conduite
thérapeutique s’avère différente dans les deux cas, les circonstances et les moyens de
diagnostic permettent de les regrouper dans un même chapitre.

Epidémiologie

Son incidence serait de 19 pour 100 000 habitants mais le risque carcinogène croît de
façon linéaire avec l’âge, l’incidence passant à 200 pour 100 000 à partir de 70 ans.
Deux fois plus fréquents chez l’homme que chez la femme, le cancer de l’estomac est
également plus élevé dans le groupe sanguin A et pourrait dans certains cas être soumis
à des facteurs héréditaires. Sa répartition géographique permet de distinguer des pays à
haut risque (Japon, Chili, Autriche, Finlande) à risque moyen (France, pays anglo-
saxons). Un élément réconfortant est cependant apporté par la comparaison des taux
de mortalité entre deux périodes distantes de 5 ans : la fréquence du cancer de
l’estomac diminue dans tous les pays alors que l’évolution est inverse pour le cancer de
l’oesophage.

L’épidémiologie causale doit faire envisager en priorité l’importance des états


précancéreux essentiellement représentés par la gastrite atrophique, le rôle de la
métaplasie intestinale associée, paraissant majeur. Ceci peut expliquer la fréquence du
cancer de type intestinal (épithélioma organisé en tubes et glandes à cellules bien
différenciées) étroitement corrélé avec les foyers de métaplasie, la relation avec le type
diffus (épithélioma non différencié) étant moins nette. Le cancer microscopique (inférieur
à 5 mm) naît au niveau de la zone de renouvellement cellulaire de l’épithélium de
surface, son évolution va être latente pendant plusieurs années. Parmi les facteurs de la
carcinogenèse, le rôle des nitrosamines est très important mais s’il existe une relation
entre cancer de l’estomac et régime alimentaire, il semble que ce ne soit pas tel ou tel
type d’aliments qui soit responsable mais plutôt leur mode de préparation ou de
conservation (poissons fumés par exemple). L’alcool et le tabac n’ont pas un rôle
pathogénique formellement établi. Il est, par contre, démontré que l’amiante est un
facteur cancérigène certain, intervenant dans de nombreux cancers digestifs et auquel
sont exposées de très nombreuses professions.

Circonstances de diagnostic

“Il n’y a pas d’histoire symptomatique de cancer de l’estomac. Il revêt tous les aspects,
depuis celui des troubles dyspeptiques de l’allure la plus banale et la plus atténuée,
jusqu’à celui, typique dans ses moindres détails, des ulcères gastriques ou duodénaux
les plus douloureux” .
192

Le diagnostic de cancer de l’estomac à un stade avancé est facilement évoqué


devant le tableau classique d’un homme de cinquante ans: anoréxique et amaigri,
présentant un teint anémique et, depuis quelques semaines, des vomissements
fréquents. La palpation met en évidence une tumeur épigastrique avec parfois une
hépatomégalie marronnée et peut aussi découvrir des adénopathies sus-claviculaires
(Troisier) ou axillaires. Des complications bruyantes peuvent rapidement apparaître:
hémorragie, sténose, plus rarement perforation.

Un deuxième tableau d’allure dyspeptique associé à des troubels digestifs banals,


une anoréxie importante d’abord élective pour la viande et les graisses, un dégoût du
tabac et un amaigrissement prononcé.

Parfois, la symptomatologie est essentiellement douloureuse et revêt soit un aspect


typiquement ulcéreux (l’ulcère d’aspect bénin ne guérissant pas sous traitement médical
ou réapparaît à plusieurs reprises), soit une allure plus atypique. Un traitement
symptomatique peut améliorer temporairement les douleurs mais “si le malade guérit,
l’estomac reste cancéreux”.

Enfin, le diagnostic de cancer gastrique doit être systématiquement évoqué devant


tout amaigrissement isolé, toute anémie hypochrome microcytaire, toute hépatomégalie
tumorale, tout état fébrile prolongé ou devant des manifestations paranéoplasiques
(phlébites, acanthosis nigricans).
Une circonstance particulière est représentée par l’estomac opéré (gastrectomie
partielle). Ce sont les modifications muqueuses (gastrite chronique atrophique et
métaplasie) qui peuvent expliquer le risque accru de cancer gastrique du moignon
gastrique survenant plusieurs années après une gastrectomie.

Eléments de diagnostic

Pendant longtemps la radiographie gastro-duodénale a représenté l’élément essentiel


pour faire le diagnostic ou tout au moins pour essayer d’évaluer la malignité de certaines
images. Elle est très évocatrice lorsqu’elle décèle une volumineuse lacune irrégulière ou
un aspect marécageux de l’antre (forme bourgeonnante), une niche encastrée avec
signe du ménisque (forme ulcérée), une raideur localisée au niveau de l’angle de la
petite courbure (forme infiltrante). Cependant, la plupart de ces images n’apparaissent
qu’après une longue évolution des lésions et le problème d’un diagnostic précis à la
période utile ne peut être résolu que grâce à l’apport de la fibroscopie.

La fibroscopie gastrique est actuellement l’examen indispensable. Certains auteurs en


font même une exploration de première intention. Ceci peut se comprendre dans la
mesure où son indication doit être portée devant toute ulcération gastrique, quelque soit
son aspect (des biopsies dirigées sur les berges seront effectuées afin de rechercher
soit une dysplasie sévère soit un véritable cancer ulcériforme), devant des images
radiologiques minimes (gros pli isolé, ou polype d’aspect bénin) ou encore devant un
transit gastro-duodénal apparemment normal ne coïncidant pas avec des signes
cliniques préoccupants et, bien entendu devant des lésions radiologiques évoquant la
malignité (certitude histologique: mise en évidence d’un lymphome). Schématiquement,
on peut distinguer des formes végétantes relativement rares, des formes superficielles
(lésions saillantes, planes ou déprimées) et des formes ulcérées pour lesquelles il est
difficile de savoir s’il s’agit d’un ulcère dégénéré ou d’un cancer ulcéré (voir ulcère
gastrique). Une règle absolue en gastroscopie doit être rappelée: il faut considérer
comme valables les prélevements “positifs” et ne pas tenir compte des résultats
193

“négatifs” pour réfuter la malignité au niveau d’une lésion douteuse. Des techniques
cytologiques (brossage de la lésion, lavage) peuvent être effectuées au cours de
l’exploration endoscopique. L’utilisation des colorations vitales peut également améliorer
la “performance diagnostique”.

Le dosage de l’antigène carcino-embryonnaire n’a aucune valeur diagnostique. Il est


cependant intéressant après exérèse chirurgicale du cancer; mais seuls des taux élevés
(persistance ou élevation secondaire) permettent d’envisager la récidive ou la
persistance de tissu tumoral.

Formes cliniques

Le cancer superficiel. Ce terme créé pour désigner un cancer détecté à un stade où il


est encore curable par intervention chirurgicale, comprend les formes de cancers
gastriques limités à la muqueuse et à la sous-muqueuse sans envahissement
ganglionnaire. Il regroupe les polypes malins (très rares), l’ulcéro-cancer (1/5 des
cancers superficiels) et surtout le cancer muco-érosif..

Les différentes formes topographiques. Les cancers de la partie supérieure de


l’estomac se manifestent souvent par une symptomatologie dysphagique ou douloureuse
rétro-sternale. Ils peuvent s’accompagner d’un envahissement oesophagien simulant un
cancer du tiers inférieur de l’oesophage, mais la biopsie confirme la nature glandulaire
de la prolifération. Les cancers de la région pylorique s’individualisent par une
symptomatologie de sténose et, en urgence, le diagnostic peut faire discuter la sténose
néoplasique ou ulcéreuse.

La linite plastique représente 4 à 5 % des cancers gastriques. Il s’agit d’un cancer


infiltrant touchant toutes les couches de la paroi sans en bouleverser cependant
l’architecture générale. Elle se caractérise sur le plan macroscopique par un
épaississement considérable de la paroi, qui prend un aspect blanc nacré et par une
atteinte circonférentielle transformant la cavité gastrique en un tube étroit et rigide, la
linite étant le plus souvent localisée à la région antropylorique. Sur le plan histologique,
les cellules malignes en général muco-sécrétantes (cellules en bagues à chaton)
infiltrent tous les plans de la paroi, se disséminant dans un stroma scléro-inflammatoire
considérable. Cependant, les biopsies peuvent être négatives, l’infiltration et la
propagation se faisant souvent dans la sous-muqueuse.

Les lymphomes gastriques non hodgkiniens. Les lympphosarcomes représentent 3


% des tumeurs malignes de l’estomac. Macroscopiquement, il s’agit de tumeurs de
consistance élastique et de section blanchâtre pouvant donner une image radiologique
caractéristique dans les cas évolués (image lacunaire polycyclique avec gros plis à
disposition anarchique) mais pouvant aussi se traduire par des lésions moins
caractéristiques (niche, lacune, sténose). L’endoscopie peut apporter des éléments de
présomption (gros plis hypertrophiés, pseudopolypoïdes, ulcérations multiples, rougeur
excessive de la muqueuse, enraidissement) mais le diagnostic de lymphome reste
difficile à porter même sur les fragments biopsiques, les cellulaires lymphocytaires
n’ayant pas toujours un aspect blastique. C’est dire tout l’intérêt que peut avoir, dans
certains cas, une large biopsie per-opératoire. En effet, les différentes modalités
thérapeutiques (exérèse chirurgicale, radiothérapie, chimiothérapie) sont conditionnées
par un diagnostic histologique certain et un bilan d’extension précis (voir lymphomes
intestinaux). Le pronostic des formes gastriques primitives des lymphomes paraît
dépendre de la profondeur de l’atteinte et de la diffusion ganglionnaire (60 % de survie à
194

5 ans si elle n’existe pas, 27 % si elle existe). La présence d’une localisation gastrique
au cours d’un sarcome ganglionnaire témoigne d’une grande diffusion de la maladie.

Les tumeurs malignes rares. Parmi les tumeurs mésenchymateuses, les


léiomyosarcomes sont les plus fréquentes, il s’agit de tumeurs “intramurales” dont le
développement peut se faire vers l’extérieur (exogastrique) ou vers l’intérieur
(endogastrique).. En raison du caractère sous-muqueux de la tumeur, les biopsies
endoscopiques à la pince donnent habituellement des résultats peu concluants. Le
traitement est essentiellement chirurgical, le pronostic paraissant être meilleur que celui
des carcinomes.

Parmi les lésions métastatiques, il faut citer les métastases des cancers du sein, des
bronches, du rein et du testicule ainsi que les mélanomes malins. L’infiltration de la paroi
gastrique au cours des carcinomes pancréatiques est fréquente.

Traitement et pronostic

Le pronostic du cancer de l’estomac est mauvais puisque la survie à 5 ans n’est que 10
à 12 % pour l’ensemble des cas. Ce pronostic peut être amélioré si le cancer est
diagnostiqué au stade superficiel (93 % de survie à 5 ans pour le stade sous-muqueux)
mais le dépistage de ces stades est resté pendant bien longtemps illusoire.

Les possibilités du traitement chirurgical sont donc essentiellement liées au moment du


diagnostic, la période utile étant le moment où il est possible d’opérer avec une certitude
ou une grande probabilité de guérison.

METHODES ET INDICATIONS

La gastrectomie totale est utilisée soit dans les cancers des fundus par nécessité, soit
dans les cancers de l’antre à la place de la gastrectomie partielle, par principe, car les
cancers de l’estomac s’étendent volontiers plusieurs centimètres au-delà des limites
apparentes de la lésion. C’est une exérèse cancérologique enlevant les chaînes
ganglionnaires attenantes.

Le rétablissement de la continuité digestive peut être assuré de diverses façons: très


exceptionnellement, directement, par anastomose oeso-duodénale, le plus souvent
après fermeture du moignon duodénal par une anse intestinale montée en Y ou en
oméga, parfois en rétablissant le circuit normal entre l’oesophage et le duodénum par
interposition d’une anse jéjunale ou même par reconstitution d’un néogastre.

La gastrectomie totale élargie. Elle est élargie aux viscéres avoisinants, le plus
souvent à la rate et à la queue du pancréas, soit par nécessité en raison de
l’envahissement par contiguité de ces viscères, soit par principe pour assurer une
ablation aussi complète que possible des relais lymphatiques.

Le traitement chirurgical palliatif. La gastro-entérostomie est utilisée lorsqu’une


tumeur antrale s’avère inextirpable et obstrue la lumière digestive. Lorsque la tumeur
antrale est mobilisable, une gastrectomie partielle est choisie.

L’étendue de cette gastrectomie partielle est plus importante que celle utilisée pour
l’ulcère; elle enlève les trois quarts ou les quatre cinquième de l’estomac ainsi que le
195

grand épiploon et la chaîne coronaire stomachique. Le rétablissement de la continuité


digestive est assurée par anastomose type Péan ou type Finsterer.

La mortalité globale du traitement chirurgical pour cancer est de l’ordre de 10 %, elle


s’élève nettement pour les gastrectomies totales ou polaires supérieures. Le taux de
survie après gastrectomie “curatrice” est de 40 % à la 5è année, mais si les ganglions
satellites de la tumeur sont envahis, il s’abaissse à 10 p. 100 environ.
Le bilan des traitements non chirurgicaux des carcinomes gastriques (chimiothérapie,
radiothérapie, immunothérapie) apparaît aujourd’hui comme encore très décevant. Une
chimiothérapie appliquée à dose efficace (5-F.U. par intraveineuse) expose toujours le
malade à un risque toxique surtout médullaire pour des résultats souvent très médiocres
sur le volume de la tumeur et sans aucun effet sur la durée de survie. L’immunothérapie
n’a pas fait, à long terme, la preuve de son efficacité, elle peut, par contre, induire des
facilitations paradoxales de la croissance tumorale sur le plan expérimental. La
radiothérapie n’a pratiquement aucune place dans le traitement des carcinomes
gastriques.

Tumeurs bénignes de l’estomac

Leur fréquence est souvent sous-estimée du fait de leur grande latence. Sous une
symptomatologie clinique et radiologique relativement univoque sont regroupés
différents types anatomopathologiques.

Diagnostic

Les circonstances de diagnostic sont essentiellement représentées par la survenue


d’une hémorragie digestive ou d’un syndrome douloureux atypique. Leur traduction
radiologique dépend de leur siège et de leur taille
L’artériographie coeliomésentérique peut être utile pour le diagnostic et le bilan
d’extension de certaines tumeurs vaculaires.

Formes cliniques les plus fréquentes

Les léiomyomes sont les plus fréquentes des tumeurs bénignes gastriques. Ils restent
longtemps cliniquement latents et peuvent atteindre une taille volumineuse.

Les schwannomes intramuraux se développent soit vers la lumière gastrique, soit vers
la cavité péritonéale. Ils peuvent peser plusieurs kilos. Leur partie centrale est très
fréquemment remaniée par un ramollissement nécrotique par une hémorragie.

Les tumeurs épithéliales (polypes vrais) sont fréquentes en cas d’atrophie de la


muqueuse (maladie de Biermer). Les adénomes, de coloration rosée et de petite taille,
siègent souvent au niveau de l’antre et peuvent dégénérer comme les polyadénomes
rectocoliques. Par contre, les tumeurs villeuses de l’estomac sont rares ainsi que les
tumeurs carcinoïdes.

Les tumeurs dysgénétiques sont représentées par les tératomes, les harmatomes
(formés de tissus appartenant à l’estomac : kystes pariétaux et duplications) et les
choristomes (formés de tissu n’appartenant pas à l’estomac : pancréas aberrant,
adénome brunnérien). En fait, le pancréas aberrant de siège antral est la tumeur
dysgénétique la plus fréquente.
196

Les pseudotumeurs inflammatoires sont représentées par le polype fibro-


inflammatoire et le granulome éosinophile attribué en général à une allergie locale due à
la consommation de poissons crus parasités.

Les angiomes gastriques sont souvent localisés à la partie supérieure de l’estomac et


causent des hémorragies digestives. Ils peuvent être multiples et/ou associés à des
angiomes oesophagiens et duodénaux ou a une véritable maladie angiomateuse. La
photocoagulation par laser représente le traitement le plus adéquat.

LES COMPLICATIONS APRES CHIRURGIE GASTRIQUE

1.Précoces
- Lachage du moignon duodénal
Arrive surtout vers le 5e JPO
Douleurs et tableau de péritonite
CAT: Drainage adéquat
Alimentation parentérale pendant 3-4 semaines
- Rétention gastrique survient au 4e – 5e JPO
Tableau clinique: vomissements et intolérance alimentaire
CAT: Aspiration gastrique
Réanimation
Alimentation parentérale

2. Tardives
Récidives ulcérences
Causes: Opérations insuffisantes
Prise de AINS
Penser au syndrome de ZE
Clinique: Douleur, saignement
CAT: Traitement médical , chirurgie secondaire
Dumping syndrome
……………………
Perte de poids et malabsorption:
Syndrome du petit estomac
Obstruction au niveau de l’anastomose
Malabsorption.
Syndrome de l’anse afférente après Billroth II.
Clinique: vomissement
Gastrite biliaire
Anémie
Diarrhée postvagotomi
Bézoardes.
Amalgame des végétaux dans l’estomac
CAT: Prescrire les spasmolitiques et de la papaverine
Cancer du moignon gastrique
197

L’estomac opéré
Fonction de résorption

Une résorption dite des deux tiers diminue la capacité d’absorption du tractus gastro-
intestinal. Cela n’apparaît pas dans la plupart des cas à condition que l’alimentation soit
idéale. 50% des patients présentent une stéatorrhée accrue après résection, ainsi
qu’une certaine ostéoporose et, éventuellement, une anémie hypochrome après
quelques années. Les anémies hyperchromes sont rares et n’apparaissent pratiquement
qu’après gastrectomie totale.
Le poids moyen des patients avec résection gastrique est inférieur à celui d’un groupe
d’individus du même âge. Ce n’est pas le cas pour les patients après vagotomie, en
particulier après vagotomie proximale sélective. La diminution d’acide permet en général
une colonisation bactérienne active du duodénum supérieur, qui peut entraîner des
diarrhées. Ces diarrhées sont plus fréquentes après vagotomie, mais rarement
invalidisantes. Un traitement antibiotique oral les guérit en général. Les diarrhées sont
extrêmement rares après vagotomie proximale sélective.

Syndrome de dumping

On constate souvent un dumping après opération gastrique. On distingue une forme


précoce et une forme tardive. Mais on devrait réserver l’expression dumping à la forme
précoce: il apparaît 10 à 20 minutes après le repas et s’accompagne des symptômes
subjectifs très désagréables (faiblesse , sueur, nausée ) . Dans ces formes graves, le
patient est contraint de se coucher car il risque le collapsus.

Ce tableau clinique fut longtemps une énigme. Il est dû à plusieurs facteurs. On a d’abord
cru qu’il était dû à la vidange accélérée de l’estomac dans le duodénum ou le jéjunum qu’on
notait souvent au transit baryte. Mais on a constaté qu’il existait des formes de vidange
accélérée sans dumping et vice versa. Le dumping précoce s’accompagne des signes
classiques d’hypovolémie. (Diminution de volume sanguin avec augmentation de la viscosité
et de l’hématocrite et diminution du flux sanguin musculaire et rénal.) Le flux sanguin et le
débit cardiaque sont généralement accrus. Le passage d’une partie du liquide circulant dans
la lumière intestinale joue donc un rôle causal. Le fait que les aliments à action osmotique
(hydrates de carbone) déclenchent très facilement un dumping, confirme cette hypothèse. De
plus, on note un taux accru de sérotonine plasmatique dans de nombreux patients avec
dumping. Il s’agit donc d’une combinaison des facteurs suivants: modification du débit
sanguin dans le territoire splanchnique, perte de liquide circulant dans la lumière
intestinale, libération d’amines vasoactives comme la sérotonine.

Du point de vue thérapeutique il faut surtout éviter l’absorption de grandes quantités


d’hydrates de carbone (surtout à l’heure du petit déjeuner) et rassurer le patient : ce
syndrome disparaît en quelques mois et ne manifeste pour ainsi dire jamais plus d’un an
après la résection.

Le dumping tardif ou syndrome de Pickwick est une hypoglycémie postprandiale réactive


apparaissant 11/2 à 2 heures après le repas. Sa symptomatologie est analogue à celle
du dumping précoce. Il disparaît également dans les mois qui suivent l’opération.
L’administration d’hydrates de carbone dans la phase aiguë l’améliore alors que ceux-ci
aggravent un dumping vrai. C’est pourquoi il importe de distinguer les deux formes.
198

Le dumping précoce et le dumping tardif apparaissent après tous les types


d’intervention, mais ils sont cependant rares après vagotomie proximale sélective sans
pyloroplastie.

Le syndrome de l’anse afférente

Après un B II, la vidange du duodénum peut être difficile selon la position de l’anse
afférente ou se produire par décharge brutale dans l’estomac en entraînant une
détérioration de l’état général, avec vomissement biliaire et perte de poids, parfois avec
des perturbations de l’équilibre électronique. Le seul traitement possible est la correction
de la position de l’anse.

Ulcère récidivant, ulcère peptique jéjunal (ulcère d’anastomose)


La seconde expression date de l’époque où l’on pratiquait presque uniquement des
résections de type B II et désigne la réapparition d’un ulcère sur l’anse employée pour
l’anastomose. Nous préférons l’expression d’ulcère récidivante car nous pouvons y
englober les récidives duodénales après B I ou après vagotomie. Ces récidives sont
rares après les opérations d’ulcères gastriques mais relativement élevées pour les
ulcères duodénaux à cause de l’acidité résiduelle persistante. Les taux de récidives
varient de 1 à 4%. Elles peuvent se produire de nombreuses années après
l’intervention. Après les interventions du type conservateur, les récidives dépendent
fortement de l’intégralité de la vagotomie. Si les cellules pariétales sont vraiment
totalement d’énervées, les récidives sont rares (moins de 1%).
L’ulcère récidivant après opération est en général plus douloureux que l’ulcère initial.

Gastrite atrophique

Quelques années après une résection, le moignon gastrique présente une muqueuse
plus ou moins atrophique envahie de cellules inflammatoires. Ces altérations sont moins
importantes après vagotomie et pyloroplastie et résultent vraisemblablement du reflux
de contenu duodénal alcalin.

Carcinome du moignon gastrique

Les carcinomes du moignon gastrique sont un peu plus fréquents que dans un
échantillon de population normale. Il y a sans doute un rapport causal avec la gastrique
atrophique. On ne peut donc envisager la résection comme prophylaxie du carcinome.
199

4. INTESTIN GRELE

1. Infarctus du mésentère
2. Affections inflammatoires en dehors du Crohn
3. Fistules intestinales grêles
4. Tumeurs de l'intestin

1.INFARCTUS DU MESENTERE

L’infarctus du mésentère représente un des aspects les plus dramatiques de la


pathologie vasculaire intestinale. Il peut être provoqué par une oblitération aiguë de
l’artère mésentérique, ou apparaître sans oblitération vasculaire. Son pronostic reste
toujours extrêmement redoutable et ne peut être amélioré que par un diagnostic
extrêmement précoce.

Physio-pathologie et anatomie pathologique

L’occlusion aiguë artérielle est représentée par la thrombose et l’embolie. L’athérome est
la cause la plus fréquente de thrombose, alors que les principales cardiopathies
emboligènes sont le rétrécissement mitral avec fibrillation auriculaire, l’infarctus du
myocarde et les fibrillations auriculaires du sujet âgé.

La thrombose veineuse est le plus souvent secondaire à un foyer septique (appendicite,


abcès pelviens, péritonite etc.) ou à une stase de cause mécanique dans le système
mésentérique ou encore à un état d’hypercoagulabilité. Le rôle des contraceptifs par voie
orale a été sérieusement discuté dans certains cas. L’existence d’un déficit héréditaire
en antithrombine III peut expliquer certaines résistances à l’héparine.

Circonstances de diagnostic
L’infarctus du mésentère peut survenir schématiquement chez des sujets ayant de
lourds antécédents vasculaires ou cardiaques, au cours d’une maladie thrombo-
embolique ou enfin chez des sujets apparemment en bonne santé.

Signes de début
La douleur est le signe le plus important. Elle peut apparaître brutalement en cas
d’embolie, mais peut aussi succéder à des épisodes d’angor abdominal en cas de
thrombose artérielle. Au cours de thromboses veineuses elle est souvent précédée d’une
période prodromique pouvant s’étaler sur plusieurs jours. Diffuse à tout l’abdomen mais
prédominant en général dans la région ombilicale elle est très intense, angoissante, à
type de crampes ou de coliques. Elle s’accompagne souvent de vomissements biliaires
ou alimentaires, et parfois de diarrhée secondaire à l’hyperpéristaltisme intestinal initial.
A ce stade le diagnostic doit être évoqué et l’artériographie coelio-mésentérique doit être
demandée en urgence.
Phase d’état

L’évolution va en quelques heures se compléter avec apparition d’un état de choc


intense qui modifie le tableau clinique initial, traduisant alors le caractère irréversible des
lésions. Le malade présente alors “les signes fonctionnels d’une occlusion mais
incomplets (météorisme non point sonore, mais matité) les signes physiques d’une
200

tuméfaction pâteuse et mate aux contours flous; les signes généraux d’une hémorragie
interne avec collapsus précoce” (H. Mondor). Parfois les vomissements et la diarrhée
deviennent et s’accentuent avant que ne s’installe l’arrêt des matières et des gaz.

Evolutions spontanées

Elles se font irrémédiablement vers la mort, dans un tableau de péritonite et de choc


hypovolémique et toxi-infectieux.

Eléments de diagnostic

Ils sont essentiellement représentés par les signes cliniques, les circonstances d’appari-
tion et le terrain sur lequel ils surviennent.

L’hyperleucocytose est souvent importante, l’amylasémie peut être élevée, l’électro-


cardiogramme permet d’éliminer une nécrose myocardique.

Le cliché de l’abdomen sans préparation fait de face, débout, permet d’éliminer la


présence d’un pneumo-péritoine mais montre une grisaille abdominale, diffuse, uniforme,
avec parfois une aéro-iléie en amont du secteur intestinal infarci ou des niveaux hydro-
aériques, et des anses intestinales figées à parois épaissies; ou encore plus
tardivement, des images gazeuses dans l’épaisseur de la paroi intestinale.

TRAITEMENT

La réanimation dans tous les cas vise à lutter contre le choc hypovolémique (sang,
plasma) le déséquilibre hydroélectrolytique, l’acidose et l’endotoxémie (antibiothérapie
veineuse). Tous les vasoconstricteurs doivent être évités car ils augmentent la
vasoconstriction splanchnique.

Le traitement de l’oblitération artérielle vise à rétablir le flux mésentérique et doit être fait
précocement, avant la sixième heure. En cas d’embolie l’embolectomie avec extraction
de l’embol à l’aide d’une sonde de Forgarty est complétée par une héparinothérapie
locale et une suture artérielle. En cas de thrombose trois possibilités peuvent être
discutées: la thrombo-endartériectomie, le pontage artério-mésentérique supérieur ou la
réimplantation de l’artère mésentérique supérieure. Le traitement de l’infarcissement
intestinal doit être envisagé dès que le flux mésentérique est rétabli après avoir évalué
les possibilités de récupération de l’intestin (recoloration, reprise du péristaltisme).
L’exérèse doit être aussi conservatrice que possible.

Dans les cas douteux un “second look” 24 heures après, peut permettre de compléter la
résection de l’intestin qui n’a pas récupéré.
En cas de thrombose veineuse le geste fondamental reste la résection de l’intestin
thrombosé et infarci. Le traitement anticoagulant est ici indispensable.
En cas d’ischémie non occlusive, l’intervention peut être néfaste car elle peut aggraver
l’état de choc. Le traitement médical est essentiel et doit viser à stabiliser l’état
hémodynamique et à augmenter le débit cardiaque en évitant les vasoconstricteurs. Le
traitement chirurgical apparaît nèanmoins nécessaire si l’amélioration ne se produit pas
ou si le diagnostic est hésitant.

RESULTATS
201

Malheureusement tous les progrès effectués dans le domaine de la réanimation et de la


chirurgie vasculaire, le pronostic reste extrêmement sévère, la guérison réelle pouvant
être estimée à 10 % des cas.

2. AFFECTION INFLAMMATOIRES EN DEHORS DU CROHN.

La maladie de Crohn constitue un chapitre à part car n’étant pas spécifique de l’intestin
grêle.

Yersiniose.

Le yersinia entérocolitica peut provoquer une iléite terminale aiguë avec adénopathies
nombreuses, d’autres symptomes peuvent survenir de type gastrique ou hépatique.
Fièvre, diarrhée et quelque fois vomissements peuvent être présents particulièrement
chez l’enfant. La symptomatologie est très difficile à différencier d’un problème
appendiculaire. Si une appendicectomie est réalisée, on découvre de volumineux
ganglions dans le mésentère de l’iléon terminal. L’idéal est d’en faire le diagnostic par
une recherche bactérienne sur les selles et le transit baryté peut donc démontrer des
images typiques d’iléite folliculaire.

Le traitement par Tétracycline ou chloramphénicol donne de bons résultats.

TUBERCULOSE.

Affection devenue exceptionnelle mais largement présente dans certains pays,


notamment d’Afrique.

Se localise surtout au niveau de l’iléon terminal et peut être confondu avec une maladie
de Crohn.

L’examen baryté permet d’en faire le diagnostic et de la distinguer de la maladie de


Crohn. Le traitement chimiothérapique conduit presque toujours a une cicatrisation en
sténose qui impose une chirurgie de résection de l’iléon terminal et du caecum.

TYPHOIDE.

Les salmonelles peuvent causer des ulcérations au niveau de l’iléon et du caecum. La


complication la plus fréquente est la perforation. Elle se rencontre fréquement en
Afrique.

L’INTESTIN RADIQUE

L’intestin grêle est très sensible à la radiothérapie. Celle-ci provoque, dans un premier
temps, un oedème des parois intestinales et, secondairement, une cicatrisation en
sténose.

Dans la phase initiale, on peut rencontrer des douleurs abdominales avec nausées et
vomissements, quelques fois de la diarrhée sanglante, ultérieurement on peut voir
apparaitre un phénomène d’obstruction.

Cet intestin est ischémique et la chirurgie extrêmement dangereuse car le risque de


fistulisation postopératoire est très élevé.
202

L’intestin radique est un véritable cauchemar pour le chirurgien hésitant entre


l’attentisme et un traitement médical qui comportera la corticothérapie ou une chirurgie à
très hauts risques de complications.

Le radiothérapeute est bien sur averti de ce danger et doit éviter l’irradiation de l’intestin,
particulièrement dans des cancers pelviens (gynécologiques ou rectaux). Actuellement,
l’irradiation abdominale totale n’est plus guère acceptée même dans une carcinomatose
de type ovarien. Lors d’une laparotomie pour cancer, s’il y a nécessité ultérieure de
radiothérapie, le chirurgien écartera l’intestin grêle du site de radiothérapie par la mise
en place d’un filet resorbable qui permettra de réaliser cette irradiation dans le
postopératoire immediat.

3. FISTULES INTESTINALES GRELES

Une fistule intestinale externe peut apparaître dans le décours d’une affection par
exemple inflammatoire (Crohn). Cependant, 99 % de ces fistules sont la conséquence
d’un geste chirurgical: déhiscence d’une anastomose intestinale, blessure intestinale
sous-estimée lors d’une laparotomie etc.
Ce type de fistule survient surtout après une chirurgie difficile dans des adhérences et un
intestin pathologique (entérite radique).

Cette “fuite intestinale” peut rester dans l’abdomen et créer un état de péritonite
postopératoire avec température, état toxique et septicémie. Elle impose une
réintervention précoce mais le diagnostic n’est pas toujours aisé.

Dans d’autres circonstances, la fuite intestinale va se cloisonner et apparaître vers le


10ème jour dans la cicatrice opératoire ou au niveau d’un orifice de drainage.
La gravité de cette fistule sera fonction de sa situation sur l’intestin grêle (haute ou
basse) et de son débit.

S’il existe des phénomènes adhérentiels et d’engainement de l’intestin, cette fistule peut
débiter plus d’un litre par 24 heures et créer de graves problèmes métaboliques.

L’appareillage de ces problèmes est complexe et requiert l’expérience du personnel


infirmier.

Les déperditions électrolytiques et liquidiennes sont importanes; l’alimentation doit être


interrompue car elle augmente le débit de la fistule; celle-ci, alcaline ulcère la peau et
crée de graves problèmes d’appareillage.

La mortalité est élevée si des mesures efficaces ne sont pas prises immédiatement.

Traitement: elle impose la diète complète et l’alimentation parentérale totale. Le débit de


la fistule sera mesuré et les perfusions adaptées.

L’antibiothérapie sera donnée au début pour contrôler les phénomènes de septicité intra-
abdominale.

Le traitement idéal est donc de prolonger plusieurs semaines la nutrition parentérale


avec un drainage correcte du liquide intestinal sous somatostatine. Il peut y avoir
fermeture spontanée de la fistule s’il n’y a pas d’obstacle d’aval au niveau de l’intestin.
203

Ce n’est qu’après échec de plusieurs semaines (plus d’un mois) de ce traitement


d’attente, que l’on sera autorisé à réaliser une laparotomie qui permettrait de réséquer le
segment intestinal fistulisé.

7. TUMEURS DE L’INTESTIN GRELE.

Tumeurs rares qui ne représentent que 2 à 3 % de toutes les tumeurs du tractus digestif.
Elles donnent peu de symptômes mais qui seront dominés par le saignement ou
l’accident d’obstruction.

7.1. Tumeurs bénignes

Les polypes, tels que l’on peut les voir dans certaines maladies familiales comme dans
le syndrome de Peutz-Jeghers. La transformation maligne est rare. Chirurgie en cas
d’obstruction ou de saignement.

Dans le syndrome de Gardner, les polypes sont, au contraire, de véritables néoplasies et


doivent être traités. Surveiller surtout la région péri-ampullaire duodénale.

On décrit quelques autres tumeurs très rares : léiomyome, lipome, neuro-fibrome etc.

Tumeurs malignes

L’adénocarcinome se présente le plus souvent au niveau du jéjunum. Peu


symptomatique et donne souvent des métastases avant d’être traité. Le traitement
consiste en une résection intestinale.

Le lymphome primitif se présente surtout au niveau de l’iléon; il peut exister de multiples


sites tumoraux sur l’intestin grêle. La symptomatologie est faite d’une fièvre inexpliquée
et d’incidents subocclusifs ou de saignements.
Le traitement consistera en une résection du ou des segments malades.
Eventuellement accompagner cette chirurgie d’une splénectomie et de biopsies
hépatiques afin de réaliser un bilan d’extension correct.

Le léimyosarcome s’ulcère très souvent et provoque des saignements. Tumeur très rare.

Les lésions métastatiques du grêle sont davantage des métastases péritonéales


engainant le grêle et l’obstruant (mélanome, cancer gynécologique, du sein etc.). La
chirurgie sera purement palliative.

Tumeurs carcinoïdes et syndrome carcinoïde

Les tumeurs carcinoïdes sont des apudomes provenant des cellules entérochromaffines
de l’intestin. Les tumeurs carcinoïdes sont classées dans la pathologie endocrine. Leur
site préférentiel est l’appendice; une symptomatologie relativement fruste de la fosse
iliaque droite entraîna un jour ou l’autre une appendicectomie et cette lésion ne sera
découverte qu’au microscope. Se pose souvent, à ce moment, l’indication d’une
réintervention notamment au niveau des aires lymphatiques. Elle est rarement
nécessaire et l’affection est éradiquée par la simple appendicectomie.
204

Cependant, l’autre site de formation est l’intestin grêle; le volume tumoral est important
et des métastases lymphatiques ou hépatiques peuvent être présentes (1 cas sur 3).

On doit considérer la tumeur carcinoïde comme un cancer d’évolution lente. Ces


tumeurs, de petit volume, sont en général asymptomatiques. Elles peuvent provoquer un
problème d’obstruction, de douleurs ou de saignements. Environ 10 % de ces tumeurs
ne se manifesteront que par le syndrome carcinoïde, celui-ci ne sera présent que s’il y a
métastase hépatique.

La symptomatologie est faite de flush cutané, particulièrement au niveau du visage, de


poussées de diarrhée, de bronchoconstriction et, à un stade plus tardif, d’atteinte de la
valve tricuspide et de sténose de l’artère pulmonaire par dépôt collagènes.

Les substances actives, libérées par la tumeur carcinoïde sont inactivées au niveau du
foie; lorsqu’il y a métastase hépatique ou tumeur primitive au niveau de l’ovaire ou des
bronches, ces substances inondent directement la circulation systémique et provoquent
la symptomatologie.

La sérotonine, des catécholamines, l’histamine, la bradykinine, la calicréine etc, sont


incriminées dans ces sécrétions.

Le meilleur test de laboratoire est de doser le métabolisme urinaire de la sérotonine,


l’acide 5 hydroxyindolacétique (5-HIAA). Le dosage se fait dans les urines de 24 heures
et est un test fiable.

TRAITEMENT

La tumeur carcinoïde primitive doit être réséquée en réalisant une résection intestinale
large avec exérèse lymphatique.

S’il y a métastases hépatiques, il faut absolument énucléer ces métastases. La ligature


ou l’embolisation de l’artère hépatique peut être très efficace temporairement.

La transplantation hépatique a donné quelques résultats dans ce type de syndrome.


La chimiothérapie est également efficace. Enfin, la somatostatine est efficace sur la
symptomatologie du syndrome carcinoïde.

Ces lésions méritent un acharnement chirurgical et médical car le taux de survie à 5 ans
dépasse les 40 % même en présence de métastases.
205

V. LA VESICULE BILIAIRE ET LES VOIES BILIAIRES

1. Rappels anatomo-physiologiques

2. Moyens de diagnostic des voies biliaires

3. Lithiase biliaire

4. Angiocholite

1. RAPPELS ANATOMO-PHYSIOLOGIQUES

TOPOGRAPHIE

Les voies biliaires drainent du foie vers les canaux hépatiques puis le canal biliaire
principal.

Le vésicule biliaire est placée en dérivation et a une fonction de stockage et de la


concentration de la bile.

La voie biliaire principale :

1º au niveau hépatique, un canal gauche et un canal droit.


2º jonction de ces deux canaux au niveau du hile du foie pour former l’hépatique
commun.
3º à partir de l’implantation du cystique, canal cholédoque, celui-ci passe en arrière de la
jonction du 1er et du 2ème duodénum, pénetre dans la tête du pancréas pour
s’aboucher à la face postéro-interne de D2; dans 75 % des cas, il existe une jonction
avec le canal de Wirsung au niveau de la papille duodénale majeure. Chez plus de 50 %
des individus, les deux canaux forment une ampoule commune (de Vater) fermée par le
sphincter d’Oddi. Celui-ci empêche le reflux de liquide duodénal vers la voie biliaire et
pancréatique. Il existe de nombreuses variantes de la jonction du Wirsung et de la voie
biliaire principale; lorsqu’il y a un canal commun, il existe un risque élevé de pancréatite
lors d’une migration calculeuse.

La vésicule biliaire est un sac piriforme d’une dizaine de centimètres de long; elle est
logée dans une fossette à la partie inférieure du foie. Elle se situe à la limite inférieure du
foie gauche et du foie droit. Le fond de la vésicule répond à un point de la paroi
abdominale antérieure situé immédiatement en-dessous du rebord costal droit, à la
jonction de celui-ci avec le bord externe du grand droit (point cystique): signe de Murphy.

En cas d’obstacle, la voie biliaire principale se dilate progressivement (plusieurs jours à


plusieurs semaines). En cas d’obstacle aigu (par exemple: calculs), la dilatation
n’apparaît pas avant plusieurs jours.

VASCULARISATION

Artérielle: la voie biliaire principale est irriguée par les branches de l’artère hépatique
propre et droite. La vésicule biliaire et le canal cystique sont irrigués par l’artère cystique,
branche le plus souvent de l’hépatique droite. Donc, danger lors d’une
cholécystectomie, de ligaturer par erreur l’artère hépatique droite.
206

Lors d’une transplantation hépatique, les problèmes d’ischémie artérielle peuvent avoir
une répercussion sur la voie biliaire principale (sténose).

Veineuse: retour vers la veine porte. Le drainage de la vésicule biliaire se fait également
directement vers le foie par des branches portales; donc, dans un cancer vésiculaire,
dissémination hématogène rapide vers le foie à partir de ces petites branches veineuses.

Lymphatique: vers les ganglions échelonnés le long des voies biliaires extra-hépatiques
puis vers les ganglions duodéno-pancréatiques postérieurs, puis du rétro-péritoine dans
la région aortique.

INNERVATION

Provient du pneumo-gastrique gauche et du plexus solaire par le plexus


hépatique. Donc, lors d’une vagotomie tronculaire, dénervation partielle de la voie
biliaire. Conséquences à long terme peu connues.

2. MOYENS DE DIAGNOSTIC DES VOIES BILIAIRES.


L’ABDOMEN A BLANC

Permet de mettre en évidence: des calculs radio-opaques (rares), une vésicule


distendue, surtout une aérobilie: “z” communication avec le tractus digestif; exemple:
sphinctérotomie large, anastomose chirurgicale voie biliaire-duodénum, vésicule
fistulisée dans le duodénum ou dans le côlon.

LA CHOLECYSTOGRAPHIE ORALE

Prise orale de comprimés: concentration du produit de contraste dans la vésicule,


12 heures plus tard; bon examen pour définir les parois de la vésicule biliaire et la
lithiase. Ne peut être utilisée lorsqu’il y a cholostase ou atteinte hépatique.

Lorsque la vésicule n’est pas visible, dans 95 % des cas = exclusion vésiculaire par
lithiase ou tumeur.

Technique largement supplantée par l’échographie. Reste cependant utile dans


quelques indications.

LA CHOLANGIOGRAPHIE INTRAVEINEUSE

Injection intraveineuse d’un produit radio-opaque éliminé par la voie biliaire. A


exclure en cas de sensibilité ou si déficience majeure de la fonction hépatique ou
cholostase.
Utile pour mettre en évidence, par tomographie, les lithiases de la voie biliaire principale.
Peu utilisée.

LA CHOLANGIOGRAPHIE PEROPERATOIRE

Injection directe de produit de contraste par ponction de la voie biliaire ou, mieux,
par intubation du canal cystique; excellente visualisation des voies biliaires intra- et
extra-hépatiques. Démontre les obstacles ou la présence d’une lithiase de la voie biliaire
principale.
207

Doit être systématiquement réalisée lors d’une cholécystectomie pour lithiases. Un drain
biliaire par le cystique ou dans le cholédoque peut être laissé en place pour drainer la
voie biliaire et répeter ces cholangiographies dans la période postopératoire.

LA CHOLANGIOGRAPHIE TRANS-HEPATIQUE PERCUTANEE

Utilisée en cas d’obstacle de la voie biliaire et, si échec de la cholangiographie


rétrograde.Permet en plus de laisser un drainage percutané.

Danger d’une fistule bilaire dans le péritoine au retrait du cathéter = péritonite biliaire.

LA CHOLANGIO-PANCREATOGRAPHIE RETROGRADE ENDOSCOPIQUE


(CPRE)

Un fibroscope est introduit jusqu’au 2ème duodénum, la papille visualisée et


cathétérisée. L’injection de produit de contraste permet de visualiser le Wirsung et la
voie exocrine du pancréas, la voie biliaire principale, la vésicule et les voies biliaires
intra-hépatiques. Elle permet en plus, des actes thérapeutiques: papillotomie,
sphinctérotomie pour évacuer une lithiase du cholédoque. Permet la mise en place d’une
prothèse trans- tumorale de la voie biliaire ou d’un cathéter de drainage de la voie
biliaire.

Danger :

1º pancréatite aiguë surtout lors d’une sphinctérotomie,


2º angiocholite si injection de la voie biliaire au-dessus d’un obstacle. Dans ce
cas, il doit y avoir obligatoirement et immédiatement un drainage, soit par endoscopie,
soit chirurgical.

SCINTIGRAPHIE VOIE BILIAIRE

Elimination d’un produit radio-marqué par la voie biliaire. Cartographie ensuite de


la voie biliaire.

Résultats souvent imprécis. Technique cependant intéressante dans le contrôle


d’anastomose biliaire, dans la démonstration d’une atrésie des voies biliaires, dans des
obstacles donc mal définis de la voie biliaire.

L’ECHOGRAPHIE

Meilleure technique actuelle de diagnostic des lithiases vésiculaires et de


démonstration d’une dilatation des voies biliaires intra- et extra-hépatiques. Définit
cependant difficilement les calculs du bas cholédoque en raison de l’air présent dans le
côlon et le duodénum.

Suivi précis d’une cholécystite aiguë, diagnostic d’une tumeur vésiculaire.


Examen de base.

LA TOMODENSIMETRIE (TDM)
208

Apporte peu d’avantages par rapport à l’échographie qui reste l’examen de choix.
Utile dans les problèmes tumoraux. Aucune utilité dans le diagnostic de la lithiase
biliaire.

3. LA LITHIASE BILIAIRE

ETIOLOGIE

La bile contient surtout du cholestérol et de la lécithine solubilisés par les sels


bilaires. La sursaturation de la bile par le cholestérol cause la formation de cristaux puis
de calculs. Le lieu de précipitation préférentiel est au niveau de la vésicule; néanmoins
des calculs peuvent aussi se former dans le cholédoque et dans les voies biliaires intra-
hépatiques.

On distingue :

A) Les calculs de cholestérol purs ou mixtes sont les plus fréquents et


contiennent des sels de calcium sous forme de bilirubinate, de carbonate et de
phosphate. Les facteurs prédisposants sont les suivants:

1º démographie: sexe féminin, pays industrialisés d’Europe et d’Amérique


2º l’alimentation: obésité, régime riche en calories et en particulier en graisses
polyinsaturées, alimentation parentérale prolongée.
3º médicaments: oestrogènes, contraceptifs oraux, hypolipémiants.
4º maladies du système digestif: maladie de Crohn, résection de l’iléon,
anastomose jéjuno-iléale, fibrose kystique du pancréas.
5º autres: âge, diabète, grossesse.

Présentation classique: FFP : female, forty (la quarantaine) et pregnancy (plusieurs


grossesses).

B) Les calculs de pigments biliaires ne représentent que 10 à 20 % de l’ensemble


des lithiases, les facteurs de prédisposition sont:

1º démographiques: régions asiatiques (fréquence des infections dues à


Clonorchis Sinensis).
2º stricture et anomalies des voies biliaires, surtout compliquées d’angiocholite.
3º hémolyse chronique.
4º cirrhose alcoolique.

SYMPTOMATOLOGIE

Formes asymptomatiques

La lithiase biliaire est, dans la majorité des cas, asymptomatique pendant


plusieurs années, voire pendant toute la vie du sujet.
L’incidence des complications ou des symptômes augmente d’années en années et,
environ 75 % des lithiasiques devront être traités.
Certaines manifestations sont: pesanteur postprandiale; migraine, ballonnement
postprandial, crainte de certains aliments car digestion lente voire douloureuse; ces
209

troubles rentrent dans le cadre d’une dyspepsie, il est dès lors difficile d’établir une
relation entre ces symptômes et la présence d’une lithiase.

Manifestations douloureuses

1.- La lithiase vésiculaire: la douleur est déclenchée par l’enclavement d’un calcul dans
le collet de la vésicule ou dans le cystique qui est fin (1 mm), la manifestation la plus
fréquente est la crise de colique hépatique. Elle est le plus souvent déclenchée par un
repas en graisse ou trop copieux. Le malade ressent une vive douleur, continue, avec
des paroxysmes, siégeant dans l’hypochondre droit ou le creux épigastrique. Elle irradie
en hemi-ceinture vers le dos, l’omoplate ou l’épaule droite et peut s’accompagner de
nausées et parfois de vomissements. La manoeuvre de Murphy (blocage lors de
l’inspiration, une pression étant exercée sur le point cystique) est positive. La crise peut
durer quelques heures puis s’atténuer progressivement. La crise est le plus souvent
vespérale ou nocturne. Elle donne rarement un fébricule.
Si le calcul migre vers le cholédoque, la crise peut durer plusieurs jours et être
accompagnée d’un subictère. Cette crise peut être confondue avec une perforation
d’ulcère, une appendicite, un phénomène aigu pleuro-pulmonaire droit.

La biologie, les tests hépatiques sont, le plus souvent, normaux.


Examens complémentaires: l’échographie est l’examen idéal, à la fois pour démontrer la
lithiase et son évolution éventuelle vers une cholécystite. L’abdomen à blanc est peu
intéressant ou montrera, dans 10 % des cas, des calculs radio-opaques. La
cholécystographie orale peut être intéressante ultérieurement pour rechercher des
micro-calculs ou une atteinte de la paroi vésiculaire (cholestérolose). Enfin, il est des
crises de ce type déclenchées par de simples cristaux de cholestérol donc non visibles
en échographie ou cholécystographie. La répétition de telles crises, typiques d’un
accident biliaire, peuvent nécessiter un prélevement de bile cholédocienne par
endoscopie, à la recherche de cristaux de cholestérol.

Complications :
A. Si le calcul reste enclavé dans le col ou le cystique:
1. cholécystite aiguë ou chronique,
2. hydrocholécyste chronique,
3. vésicule scléro-atrophique exclue du circuit biliaire,
4. iléus biliaire
5. vésicule porcelaine (dépot des calculs dans les parois de la vésicule)
B. Si le calcul migre vers la voie biliaire:
1. lithiase cholédocienne,
2. pancréatite aiguë

Diagnostic différentiel: si la douleur est intense, la colique hépatique rentre dans le cas
des diagnostic différentiels de l’abdomen aigu.

Problèmes pleuro-pulmonaires: pneumo-thorax, épanchement, broncho-pneumonie.


Pathologie ulcéreuse aiguë ou perforée: pancréatite aiguë, occlusion ou subocclusion
intestinale, lithiase rénale droite, côlon spastique ou irritable.
210

Traitement:

Le diagnostic est en général aisé, il repose sur une bonne anamnèse et un


examen clinique. Le traitement sera surtout symptomatique: anti-spasmodiques
intraveineux ou en suppositoires. Pas d’antibiothérapie. Si la crise se prolonge au-delà
de 3 ou 4 heures, craindre l’évolution vers une cholécystite aiguë et donc hospitaliser le
patient.

Manifestations infectieuses

1º La cholécystite aiguë :

Etiologie: 95 % résultent de l’obstruction du cystique par un calcul vésiculaire. 5 %


surviennent en l’absence de tout calcul. L’obstruction du cystique peut être provoquée
par une tumeur. Quelques cas rares sont d’origine ischémique ou se produisent dans le
décours d’une alimentation parentérale, ou d’une septicémie.

Symptomatologie: la douleur est celle de la colique hépatique, mais elle se prolonge au-
delà de quelques heures et s’accompagne progressivement de douleurs diffuses au
niveau de la paroi abdominale et de l’abdomen.

Une fièvre modérée se rencontre souvent. L’ictère est rare et traduit la gravité d’une
cholécystite par compression de la voie biliaire principale ou une lithiase cholédocienne
d’accompagnement.

A la palpation, le point de Murphy est très net et la zone douloureuse plus large.

La défense abdominale apparaît progressivement, surtout dans l’hemi-flanc droit, il n’y a


jamais de contracture.

Une réaction pulmonaire droite peut être présente: petit épanchement pleural ou
diminution du murmure vésiculaire à la base droite.

Biologie: hyperleucocytose (12 à 15.000) avec polynucléose. Parfois, légère


augmentation des transaminases ou signes biologiques de la cholostase. Syndrome
inflammatoire.

Examens complémentaires: l’échographie est de nouveau l’examen de choix.


L’abdomen à blanc permet d’éliminer une perforation ou un état d’occlusion.

Diagnostic différentiel :
- poussée ou perforation d’ulcère gastro-duodénal,
- pancréatite aiguë,
- appendicite aiguë,
- hépatite virale ou alcoolique ou péri-hépatite (par exemple à chlamidia chez la
femme),
- broncho-pneumonie de la base droite,
- infarctus du myocarde,
- colique néphrétique.

Complications: comme dans tout phénomène infectieux intra-abdominal, il y a le plus


souvent accolement par la réaction inflammatoire aux viscères avoisinants: duodénum,
211

grand épiploon, côlon transverse. Ce type de réaction est rencontré également dans
l’appendicite aiguë et la diverticulite sigmoïdienne.
 empyème ou cholécystite purulente: la vésicule reste cloisonnée par les organes
avoisinants et l’infection locale s’aggrave avec persistance de la fièvre, douleurs et
danger d’évolution vers un état toxi-infectieux grave.
 Perforation de la vésicule: apparition de zones de nécrose au niveau de la paroi
vésiculaire et perforation de celle-ci:

a) perforation localisée et formation d’un abcès péri-vésiculaire. La symptomatologie


reste localisée mais le syndrome infectieux s’aggrave.
b) Perforation en péritoine libre = abdomen aigu.
c) Perforation dans un viscère creux voisin et vidange du contenu vésiculaire vers cet
organe. Cette perforation se fait, le plus souvent, vers le duodénum; si le calcul est
volumineux, danger d’iléus biliaire. Parfois perforation vers le côlon transverse. Dans
les deux cas = aérobilie à l’abdomen à blanc.

Dans cette forme d’évolution rare, la symptomatologie rétrocède spontanément et d’une


façon spectaculaire.

Pronostic : mortalité de 5 à 10 % chez le sujet âgé et en mauvais état général.

Traitement :

1º Au départ de type médical :


a) repos au lit, perfusion intraveineuse et correction éventuelle des troubles
électrolytiques,
b) antispasmodiques et analgésiques légers, éviter la morphine qui peut camoufler la
symptomatologie et augmente la pression du sphincter d’Oddi.
c) Antibiothérapie à large spectre Ampicilline ou Céphalosporine.

2º Toujours traitement chirurgical :

Il n’y a pas d’autre alternative à proposer au patient. Le délai entre l’apparition des
symptômes et le moment de l’intervention est variable en fonction de l’évolution. L’idéal
est d’opérer le patient dans les deux à trois premiers jours; au-delà s’installent des
phénomènes de fibrose qui rendront le geste chirurgical mal aisé. Il faut donc,
idéalement, refroidir cette cholécystite par antibiothérapie et intervenir dans les 24 à 48
heures.

Particularités:
La cholécystectomie sera pratiquée par une courte laparotomie sous-costale, peut-être
par laparoscopie.

Une cholangiographie peropératoire est importante car l’incidence des lithiases


cholédociennes est fréquente dans la cholécystite. Il n’y a plus de place actuellement
pour la cholécystostomie qui est un simple drainage de la vésicule par ouverture du fond
vésiculaire. Il faut alors préférer, si on se trouve dans des conditions désastreuses, un
drainage percutané avec cathéter laissé en place dans la vésicule.
212

2º L’angiocholite:

L’angiocholite est une infection bactérienne des voies biliaires et est synonyme d’une
obstruction de cette voie biliaire (elle sera développée dans les passages qui suivent).

La preuve en a été faite lors d’anastomose de la voie biliaire avec une anse intestinale
ou le duodénum; il en va de même après une sphinctérotomie endoscopique qui permet
la communication du duodénum avec la voie biliaire. Donc, il n’y aura d'angiocholite que
s’il y a sténose ou obstruction de la voie biliaire. Les causes principales sont: les calculs
cholédociens, la stricture (le plus souvent post-chirurgicale) ou le cancer des voies
biliaires.

Symptomatologie: DOULEURS, FIEVRE ET ICTERE.

Tels sont les trois grands symptômes de cette affection redoutable (triade de
CHARCOT). Les complications sont rapides: dégradation de la fonction hépatique,
septicémie, insuffisance rénale, etc. La mortalité est élevée.

Biologie : leucocytose élevée, syndrome inflammatoire, hyperbilirubinémie,


phosphatases alcalines et gamma GT élevés, TGO et TGP élevés modérément.

Examens complémentaires: doivent chercher rapidement à poser le diagnostic et à


être dans le même temps thérapeutique. D’où, intérêt de l’échographie puis, le plus
souvent, de l’ERCP.

Traitement : lever l’obstacle.

L’antibiothérapie intraveineuse s’impose préalablement. Le rééquilibre des troubles


électrolytiques et la surveillance de la fonction rénale et pulmonaire s’impose d’emblée.

L’obstacle sera levé soit :

1º par endoscopie s' il y a lithiase de la voie biliaire principale et une sphinctérotomie est
réalisée avec extraction des calculs; s’il s’agit d’une tumeur, une prothèse ou un
drainage trans-tumoral est réalisé. Cependant, dans le cas des tumeurs, c’est l’ERCP
qui, réalisé à titre diagnostic, est le plus souvent responsable de l’accident
d’angiocholite.

2º cathéter trans-pariétal intra-biliaire si l’obstacle peut être levé par voie endoscopique
et que le malade n’est pas accessible à une chirurgie, cette forme de drainage peut être
très utile.

3º chirurgie: toute forme d’obstacle et, particulièrement, une tumeur sera idéalement
traitée par chirurgie de dérivation ou d’exérèse.

3º La pancréatite :

La pancréatite biliaire représente l’étiologie la plus fréquente des pancréatites aiguës (30
à 40 %). Un calcul dans sa migration va s’impacter quelques minutes ou quelques
heures au niveau du sphincter d’Oddi et réaliser une rétention wirsungienne et donc une
pancréatite mécanique. Cette forme de pancréatite a été longtemps considérée comme
bénigne; les dernières études prouvent cependant la gravité de cette pancréatite.
213

Il est actuellement admis, que lorsqu’il y a pancréatite aiguë, associée à une lithiase
biliaire, un examen par ERCP doit être réalisé rapidement dans le but de libérer la papille
d’un obstacle éventuel. La morbidité et la mortalité de l’affection semblent bien
influencées par cette délivrance mécanique de la voie biliaire et pancréatique.

Manifestations ictériques :

1º La lithiase cholédocienne :

Les calculs vésiculaires peuvent migrer au travers du cystique, vers le cholédoque et


delà, migrer vers le duodénum. Lorsque ces calculs sont de petit calibre, ils réaliseront
donc une crise de colique hépatique bien plus spectaculaire que la crise vésiculaire.
Cette crise dure plus longtemps, est souvent suivie ou accompagnée d’un subictère et
d’une élévation des tests de cholostase.

Symptomatologie: la lithiase cholédocienne peut être asymptomatique (30 à 40 % des


cas), pas de crise, pas d’ictère et découverte très tardive au 3ème âge, lors d’un
accident d’angiocholite.

Le plus souvent cependant, cette lithiase entretient un tableau au minimum de dyspepsie


accompagné de crises épisodiques de colique hépatique d’intensité variable. Enfin, la
lithiase cholédocienne est découverte fortuitement lors de la réalisation d’une
cholécystectomie et de la cholangiographie peropératoire.

Il est parfois difficile de distinguer une crise de colique hépatique d’origine vésiculaire
d’une crise cholédocienne;

Plaident pour la lithiase cholédocienne:


 1º un ictère de type obstructif qui suit le plus souvent la crise douloureuse,
 2º une sensibilité et une douleur de toute la région haute de l’abdomen tant droite
que gauche et épigastrique,
 3º un épisode d’urines foncées.

Il est fréquent que, dans ce tableau, la vésicule ne soit pas palpée car sclérosée ou
atrophiée sur des calculs.

Enfin, la température ne sera présente que s’il y a infection et donc angiocholite.

Biologie: épisodes d’élevation faible de la bilirubinémie. L’obstruction est en effet de


caractère incomplet et transitoire alors qu’elle est constante dans les obstructions
néoplasiques. Les phosphatases alcalines sont augmentées ainsi que les gamma GT.
Les TGO et TGP sont peu modifiés ou légèrement augmentés. Syndrome inflammatoire
et hyperleucocytose en cas d’angiocholite.

Hyperamylasémie lorsque il y a un retentissement sur la sécrétion pancréatique.


Examens complémentaires: l’échographie révèle la lithiase vésiculaire, plus difficilement
la lithiase du cholédoque. L’ERCP est l’examen de choix de même qu’à titre
thérapeutique.
214

Complications: angiocholite, pancréatite aiguë, abcès intra-hépatique, cirrhose biliaire


secondaire si l’obstruction est prolongée pendant plusieurs années.

Diagnostic différentiel: pancréatite, hépatite virale ou alcoolique, cholostase d’origine


tumorale, stricture biliaire.

Traitement: si phénomène aigu avec angiocholite, antibiothérapie première, à larges


spectres, puis endoscopie-sphinctérotomie.

A froid, le traitement doit comporter l’évacuation de la lithiase cholédocienne soit par


chirurgie, soit par endoscopie.

Idéalement, la vésicule biliaire doit être enlevée puisque cause première de la lithiase
cholédocienne.

L’ERCP ne peut pas être systématiquement proposée à toutes les lithiases vésiculaires
en raison de l’inconfort de l’examen et de son danger. C’est le plus souvent, sur des
éléments cliniques et biologiques que l’on décidera d’une exploration du cholédoque.

Les éléments suivants doivent alerter le clinicien :


 1º crises prolongées avec irradiation à l’épigastre et vers la gauche
 2º subictère ou urines foncées après les crises,
 3º élévation des phosphatases alcalines et des gamma GT lors d’une crise ou après
celle-ci.
La première exploration comportera une cholangiographie intraveineuse. S’il y a un
doute sur la perméabilité du cholédoque, alors seulement l’ERCP sera proposée.

2º La lithiase intra-hépatique :

Elle peut être primitive ou secondaire à des strictures de la voie biliaire.


Manifestation la plus souvent douloureuse de l’hypochondre droit avec épisodes d’ictère.

La maladie de Caroli, forme d’affection kystique congénitale, consiste en des dilatations


sacculaires de la voie biliaire intra-hépatique. Cette anomalie peut être isolée mais, le
plus souvent, associée avec une fibrose hépatique congénitale et une atteinte de la
médullaire rénale.

3º Le kyste du cholédoque :

Maladie congénitale qui peut ne se manifester qu’à l’adolescence ou chez l’adulte.


Ictère, accès d’angiocholite et douleurs de l’hypochondre droit.

Manifestations occlusives, l’iléus biliaire

Se présente souvent chez une femme âgée. Un volumineux calcul vésiculaire, d’un
diamètre supérieur à 2,5 cms de diamètre, crée une cholécystite chronique. La vésicule
s’accole naturellement au duodénum. Le calcul crée une escarre sur la paroi vésiculaire
puis duodénale et migre spontanément vers le duodénum. Ce calcul ira finalement
s’impacter dans l’iléon terminal qui est la région la plus étroite du tractus digestif. Il
créera un état d’obstruction intestinale grèle. La symptomatologie sera donc faite d’un
incident récent de cholécystite aiguë puis, d’un état d’obstruction du grêle.
215

L’abdomen à blanc montrera l’aérobilie et, peut-être, un calcul radio-opaque au niveau


de l’intestin grèle. Enfin, les niveaux hydro-aériques seront démonstratifs de l’obstacle
grèle.

Le traitement est d’ordre chirurgical et doit permettre d’extraire le calcul de l’intestin ou


de le faire migrer vers le côlon.

Il peut être souhaitable d’enlever la vésicule et de fermer la fistule duodénale.


Cependant, si la moindre difficulté apparaît, il ne faut pas s’acharner sur ce geste
probablement inutile puisque le calcul a quitté la vésicule biliaire.

THERAPEUTIQUE DE LA LITHIASE BILIAIRE

L’affection est fréquente, bien tolérée et, environ 15 à 20 % des lithiasiques sollicitent,
annuellement un traitement en raison d’une symptomatologie. Le pourcentage
d’accidents infectieux ou mécaniques est cependant faible : 2 à 3 %.

Traitement médical

L’acide chénodésoxycholique et ursodésoxycholique ont la propriété de dissoudre les


calculs de cholestérol. Ils n’ont aucune action sur les calculs radio-opaques. Cependant,
certaines conditions sont indispensables pour proposer leur utilisation :
1º des calculs cholestéroliques de très petite taille,
2º une vésicule fonctionnelle, c’est-à-dire non exclue à la cholécystographie orale,
3º des contre-indications majeures à une cholécystectomie.

La réponse à ce traitement n’est que partielle et la récidive lithiasique est logiquement la


règle à l’arrêt du traitement.

Ces médicaments ne connaissent donc que des indications exceptionnelles : cholangite


sclérosante, certaines formes d’hépatite, éventuellement transplantation hépatique etc.

Le traitement par lithotritie

Des ondes de choc, ultrasoniques, de hautes fréquences peuvent permettre de fracturer


des calculs cholestéroliques et les réduire en plus petits fragments qui seront éliminés
par les voies biliaires perméables.

Cette technique est complémentaire à l’utilisation des acides biliaires. Elle donne un
pourcentage de réussite de l’ordre de 80 % à un an mais le traitement médical doit être
poursuivi au moins deux ans. Les calculs ne peuvent dépasser un diamètre total de
2cms environ. Enfin, la récidive est fréquente. Cette technique a un intérêt dans les
volumineux calculs cholédociens qui ne peuvent être extraits par endoscopie. Le calcul,
une fois fragmenté, peut être finalement évacué par cette voie.

Traitement dissolvant local

Il consiste à injecter le produit dissolvant (ether) au niveau de la voie biliaire soit par
cathéter percutané dans la vésicule ou cathéter chirurgical dans le cholédoque ou
endoscopie.
216

Traitement surtout utilisé dans l’élimination de calculs résiduels oubliés ou ignorés lors
d’un geste chirurgical.

Traitement endoscopique

Technique qui a indiscutablement apporté, ces dernières années, un progrès dans le


traitement des affections biliaires.

Permet:

1º par papillotomie ou sphinctérotomie, d’évacuer les calculs de la voie biliaire principale


soit avant une cholécystectomie, soit lorsqu’il y a récidive au niveau du cholédoque,
2º en urgence, lors d’une angiocholite ou d’un accident de pancréatite aiguë lithiasique,
permet le drainage du pancréas ou de l’angiocholite. Cependant, la coagulation du
sphincter est un acte dangereux car l’oedème de la région peut obstruer temporairement
la voie pancréatique et générer, à son tour, une pancréatite aiguë (incidence de 3 à 4
%).

Traitement chirurgical

La chirurgie de la voie biliaire a considérablement évolué dans ses conceptions à partir


de 1990. La laparoscopie chirurgicale, développée, il y a 15 ans par les gynécologues, a
trouvé ici un champ d’application très intéressant. Le développement, d’autre part, de
technologies nouvelles et notamment de caméras vidéo-endoscopiques, ont permis très
rapidement d’appliquer cette technique à plus de 90 % des indications de
cholécystectomie.

La laparoscopie a, comme avantage, d’éviter des manipulations du péritoine et des


anses grêles, ce qui réduit l’iléus postopératoire. Enfin, l’étroitesse des incisions
supprime pratiquement les douleurs postopératoires au niveau de la paroi.

Le transit est rétabli à la 12ème heure après laparoscopie alors qu’il réapparaît vers la
36ème heure après laparotomie pour chirurgie biliaire. Le traumatisme opératoire est
donc très minime et la reprise des activités physiques est précoce.
Nous disposons donc actuellement de trois voies d’abord dans le traitement de la lithiase
biliaire :

 1º laparotomie : elle se fait habituellement par une courte incision sous-costale droite.
La laparotomie médiane sus-ombilicale est pratiquement abandonnée.

Un drainage est rarement nécessaire.

Perfusion intraveineuse pendant 24 heures.

Reprise des boissons à la 24ème heure et de l’alimentation à la 48ème heure.


Hospitalisation en moyenne de 4 à 5 jours.
Reprise des activités physiques vers la 2ème ou 3ème semaine.

 2º laparoscopie chirurgicale : par introduction d’un laparoscope dans la région


ombilicale et par 2 ou 3 petites contre-incisions, introduction d’éléments de traction
ou de coagulation.
217

Nécessite une anesthésie générale et un pneumo-péritoine en permanence.


Habituellement pas de drainage.

Perfusion intraveineuse pendant 12 à 24 heures.


Reprise des boissons dès le réveil et alimentation à la 24ème heure.

Hospitalisation de 2 à 3 jours. Actuellement, les malades quittent l'hôpital le même jour


de l'opération. Reprise des activités physiques au 8ème jour.

* 3º endoscopie rétrograde (ERCP) : technique déjà décrite. Nécessite habituellement


une analgésie intraveineuse. Reprise des boissons et des aliments le jour-même. Retour
à la 24ème heure et reprise rapide des activités physiques (2 à 3 jours).

CHIRURGIE DE LA LITHIASE VESICULAIRE

1. CHOLECYSTOSTOMIE: par une courte incision, ouverture du fond vésiculaire et


évacuation du contenu. Une grosse sonde est amarrée dans le fond vésiculaire et
celui-ci amarré à la paroi; la sonde est extériorisée afin de drainer le contenu
vésiculaire.

Technique qui ne connait plus, à notre sens, d’indications; donc pour mémoire.

2. CHOLECYSTECTOMIE : traitement idéal et définitif de la lithiase vésiculaire. Se


pratique donc le plus souvent par laparoscopie et, en cas de difficultés techniques
par exemple cholécystite, par laparotomie.

Les indications :

a) Lithiases vésiculaires symptomatiques ou compliquées (cholécystite, lithiase


cholédocienne etc).
b) Lithiases vésiculaires asymptomatiques. Habituellement, lorsqu’une lithiase
vésiculaire est découverte et qu’il n’y a pas de symptôme, aucun traitement n’est
proposé. Seules les conditions suivantes peuvent inciter à recourir à une
cholécystectomie préventive:

1º présence d’un diabète en raison de la gravité d’une évolution vers une


cholécystite.
2º une vésicule exclue.
3º une vésicule dite porcelaine (calcifiée) car risque carcinologique.
4º calculs de gros calibre
5º découverte opératoire fortuite, par exemple lors d’une laparotomie au niveau du
carrefour aortique, chirurgie du côlon, chirurgie gastrique etc.
6º patient jeune et, particulièrement, la femme jeune souhaitant des grossesses
ultérieures.

Technique: la vésicule est disséquée des éléments du hile du foie. L’artère cystique est
ligaturée et sectionnée. Le canal cystique est partiellement incisé; un fin cathéter est
introduit dans le cholédoque et une cholangiographie de la voie biliaire principale doit
être systématiquement réalisée.
218

Dangers:

 1º blessures ou ligatures du cholédoque. Complications redoutables qui, à long


terme, peuvent conduire à une sténose de la voie biliaire principale.
 2º ligatures ou blessures de l’artère hépatique droite lors de la dissection de l’artère
cystique. Incidents mineurs.

 3º fuite biliaire à partir du cystique ou de petits canaux biliaires entre le foie et la


vésicule. Incidents mineurs le plus souvent contrôlés par un drainage sous-
hépatique.

Le canal cystique est ensuite ligaturé et sectionné au plus près du cholédoque, afin de
ne pas abandonner un moignon cystique long qui pourrait, dans l’avenir, générer une
lithiase de ce sac exclu.

La vésicule est enlevée et, systématiquement, analysée sur le plan


anatomopathologique. La découverte exceptionnelle d’un petit adénocarcinome peut
imposer une réintervention d’évidement lymphatique et d’hépatectomie partielle.

VI. LE FOIE

I. TRAUMATISME

Les lésions traumatiques du foie comprennent les contusions dues à des traumatismes
fermés et les plaies dues à des traumatismes ouverts.

Etiologie

Dans le cadre général des contusions de l'abdomen les ruptures du foie sont quatre fois
moins fréquentes que celles de la rate et s'observant dans environ 1/10 des cas.
Le facteur déterminant est habituellement un choc direct libre ou appuyé. Les accidents
de la voie publique constituent actuellement l'étiologie la plus fréquente en pratique civil;
moins souvent il s'agit d'un choc indirect par contre-coup ou blast.
Balle, armes blanches et éclats de projectiles, spécialement en pratique de guerre, sont
à l'origine des plaies.
219

Anatomie pathologique et physiopathologie

La contusion du parenchyme hépatique peuvent répondre à tous les intermédiaires


entre la petite déchirure sous-capsulaire avec hématome collecté, qui tend à se rompre
secondairement dans la grande cavité péritoniale, et les déchirures profondes souvent
multiples qui parfois réalisent de véritables éclatementsdispersant des fragments
hépatiques jusqu'e dans le cul-de-sac de Douglas. L'abondance de l'hémopéritoine est
fonction de l'importance des vaisseaux rompus et est responsible du syndrome
hémorragique.
Les lésions hépatiques observées dans les plaies se rapproche beaucoup de celles
des contusions; en effet le trajet intra-parenchymateux du projectile peut y entraîner la
formation:
Soit d'une tranchée plus au moins profonde, aux berges contuses et dévitalisées;
Soit d'un tunnel dont l'orifice d'entrée peut être punctiforme alors que l'orifice de
sortie, s'il s'agit d'un projectile, est beaucoup plus grand avec délabrement plus au moins
important;
Soit d'un véritable éclatement lorsqu'il s'agit de projectiles explosifs ou animés
d'une force cinétique vive, dangereux par leur pouvoir rotatoire.
De toutes façon, plus souvent que dans les contusions, on observera des dégâts
vasculo-biliaires atteignant les grosses branches dans le hile ou à son voisinage et les
hémorragies en seront d'autant plus graves.
Enfin, dans les contusions comme dans les plaies du foie, on observe souvent des
lésions associées qui peuvent être pariétales, diaphragmatiques ou viscérales, en
particulier du rein droit, de la rate et du tube digestif..

Clinique
Le problème, lorsqu'il s'agit d'un traumatismefermé, est celui de réunir un nombre
suffisant d'rguments en faveur de l'existence d'une lésion du foie pour opérer sans retard
dans les meilleurs conditions techniques.
Bien entendu, il est des cas gravissimes où la mort surviendra avantvqu'on puisse
intervenir.
Enfin l'hémobilie post-traumatique constitue elle aussi un accident le plus souvent tardif,
qui peut n'être reconnu que plusieurs semaines ou mois après l'accident. Elle s'observe
aussi bien dans des cas non opérés en urgence que dans des cas ayant subi une
intervention qui n'a pas retiré le foyer lésionnel. Cliniquement elle est caractérisée par la
triade d'Owen: douleurs évoquant des coliques hépatiques, ictère peu intense et
hémorragies digestive avec anémie; dans le sang les phosphatases ainsi que
transaminases sont augmentées.

Traitement

Les lésions traumatiques du foie relève de la chirurgie d'urgence soit que l'on opère en
ayant porté ou seulement suspecté le diagnostic, soit qu'on les reconnaissent au cours
d'une laparotomie exploratrice systématique pour plaie ou bien contusion abdominale ou
thoraco-abdominale ayant pu léser d'autres organes.
Le traitement anti-choc et la transfusion mis en oeuvre le plus rapidement possible
doivent permettre d'intevenir sous anesthésie générale.
L'icision de départ est en règle une médiane à cheval sur l'ombilic, car il importe de
vérifier l'ensemble des organes abdominaux.
Une fois que l'on a apprécié l'importance de l'hémopéritoine et fait le bilan des lésions,
différentes méthodes de traitement de l'atteinte hépatique peuvent être utilisées,
220

lesquelles ont toutes pour but d'arrêter l'hémorragie et d'obtenir la cicatrisation du


parenchyme:
1. La suture faite au catgut avec ou sans interposition de matériel hémostatique
r-sorbable convient essentiellement à des ruptures ou des plaies périphériques peu
profondes.
2. 2. Le tamponnement par mèches tassées avec ou sans matériel hémostatique
résorbable peut convenir à des lésions plus étendues et plus profondes, mais il ne
met pas toujours à l'abri d'hémorragies secondaires qui peuvent être graves. Par
ailleurs il ne prévient pas la nécrose des zones de parenchyme ischémiées avec
possibilité d'acident toxi-infectieux graves et de suppurations secondaires. Enfin, il
méconnaît d'éventuelles lésions plus profondes qui peuvent être à l'origine
d'accidents tardifs au premier rang desquels l'hémobilie
3. L'ablation de tout le tissu hépatique lésé constitue donc la méthode de choix:
- elle peut se faire d'emblée, à la demande, réalisant une résection hépatique
atypique, ce qui est suffisant dans les lésions n'intéressant qu'un segement
périphérique de la glande;
- au contraire, dans les cas graves, où il s'agit de grande rupture en étoile
intéressant la plus grande partie du foie droit ou du foie gauche, seule une
hépatectomie réglée droite ou gauche peut guérir le blessé. Il en est de même
lorsqu'on est en présence de plaie de grosses branches vasculo-biliaires droites
ou gauches au niveau du hile. La difficulté est de pouvoir réaliser en urgence
dans de bonnes conditions de technique et d'anesthésie-réanimation ces
interventions majeures, qui, du moins en ce qui concerne l'hépatectomie droite,
nécessitent l'élargissement de la voie d'abord par l'ouverture du thorax.

II. ABCES HEPATIQUE

L’amibiase hépatique est la plus fréquente des localisations extra-intestinales. Elle


résulte de l’essaimage au foie d’amibes sous forme histolytica. Parties des lésions
coliques, ces amibes hématophages gagnent le foie par voie sanguine et s’embolisent
dans les veinules portes, créant un infarcissemen de la zone correspondante; elles
franchissent la paroi vasculaire et déterminent de petits foyers d’hépatonécrose
disséminés, dont la coalescence peut aboutir à la formation d’un ou plusieurs abcès
collectés volumineux.
Ainsi, l’amibiase hépatique évolue-t-elle en deux stades: stade initial d’amibiase
hépatique présuppurative et stade ultérieur d’abcès amibien du foie.

Anatomie pathologique. Les aspects macroscopiques sont variables suivant


l’ancienneté des lésions. Aux foyers nécrotiques disséminés du début font suite, par
coalescence, des abcès ulcératifs à parois inflammatoires et exsudatives, puis des
collections nécrotiques à parois fibreuses et régulières, évoluant en l’absence de
traitement, vers la sclérose. Histologiquement, à la nécrose proprement amibienne
s’associent des lésions d’infarcissement par thrombose vasculaire pouvant réaliser
l’abcès nécrotique de Palmer au magma central inflammatoire. L’abcès ulcératif est
constitué d’une collection nécrotique centrale limitée par des franges fibrinoïdes riches
en amibes auxquelles fait suite un granulome inflammatoire qui sépare la collection du
parenchyme hépatique alentour. Toutes ces lésions réagissent bien au traitement
médical. Plus tard se formera autour de la nécrose un tissu conjonctif d’abord
oedémateux puis fibreux, limitant l’extension de la lésion mais nécessitant, le plus
souvent, un drainage chirurgical de la zone centrale.

Examens complémentaires. En radioscopie, la coupole diaphragmatique droite est


221

surélevée, immobile; le cul-de-sac pleural est souvent comblé; il existe parfois des
opacités parenchymateuses de la base droite.

Les examens biologiques de routine ont une valeur d’orientation: l’hémogramme


décèle une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles; la sédimentation globulaire
est accelérée, à plus de 50 mm à la première heure; les tels hépatiques sont peu
perturbés.

L’examen parasitologique des selles a peu d’intérêt: négatif il n’élimine pas le


diagnostic; positif, il ne l’affirme pas davantage, qu’il montre des formes histolytica, des
formes minuta ou des kystes.

Les test immunologiques ont une valeur diagnostique considérable. Les réactions
de précipitation en milieu gélifié (immunodiffusion, immunoélectrophorèse, électro-
synérèse), spécifiques, sont de réalisation délicate; les techniques d’immuno-
fluorescence indirecte (sur étalement d’amibes), d’hémagglutination passive ou
d’agglutination de particules sensibilisées (latex), plus commodes, exposent à quelques
faux positifs. Une sérologie fortement positive est très évocatrice d’amibiase viscérale,
en particulier hépatique; cependant, des taux élevés s’observant parfois au cours d’une
amibiase intestinale aiguë ou longtemps après la guérison d’une amibiase tissulaire
connue ou non. A l’inverse, une sérologie négative n’élimine pas formellement l’amibiase
hépatique, surtout au début.
Pour préciser la topographie et le volume du ou des abcès, en fonction des
possibilités locales, on peut demander une échotomographie, ou un examen tomo-
densitométrique du foie. L’échographie met en évidence une ou plusieurs zones
d’échostructure liquidienne (hypoéchogène ou anéchogène), ou mixte, hétérogène, sans
renforcement périlésionnel comme dans les abcès à pyogène. La scintigraphie
hépatique à l’or ou au technétium n’est plus guère utilisée. La tomodensiométrie
(“scanner”) décèle avec encore plus de précision des foyers de nécrose amibienne. Ces
2 techniques permettent de suivre l’évolution de l’abcès traité médicalement. La
régression des lésions est lente, en plusieurs mois, et la persistance définitive de
séquelles iconographiques possible.

Les autres examens complémentaires ont moins d’intérêt; laparoscopie qui


découvre un gros foie congestif, des adhérences inter-hépatodiaphragmatiques et
parfois le bombement localisé d’un abcès; l’artériographie sélective est
exceptionnellement indiquée.

La ponction exploratrice à l’aiguille garde son intérêt en zone tropicale lorsqu’il est
impossible de faire une échotomographie et des tests immunologiques; en effet, elle
affirme l’abcès amibien lorsqu’elle ramène un pus chocolat stérile (et le plus souvent
sans amibes car elles restent dans la paroi de l’abcès) et elle permet, après drainage,
d’apprécier la taille de la poche grâce à l’injection d’air et de lipiodol suivie de la prise de
clichés radiographiques: en revanche, dans les centres bien équipés, elle ne s’indique
qu’à titre thérapeutique sous échographie pour drainer des abcès volumineux (ponction
écho-guidée).

Evolution. On opposait classiquement l’amibiase hépatique présuppurative, sensible


aux amoebicides tissulaires et les formes abcédées imposant ponction ou hépatotomie.
En fait, beaucoup d’abcès guérissent sans drainage et mieux vaut distinguer simplement
les succès et les échecs des amoebicides.
222

Le traitement est efficace dans la plupart des cas. La température revient à la


normale en 3 à 10 jours; les douleurs, l’hépatomégalie régressent plus lentement, la
vitesse de sédimentation globulaire décroît rapidement et se normalise vers la 4è ou 6è
semaine; c’est le meilleur critère précoce de guérison; la polynucléose neutrophile du
début disparaît parallèlement. La régression de l’hépatomégalie et la disparition du ou
des abcès éventuels ne se produisent qu’en 3 à 6 mois. La sérologie a peu d’intérêt
dans la surveillance à court terme des amibiases hépatiques car elle ne se négative
qu’en plusieurs mois ou années.

L’échec du traitement médical est rare dans les cas vus suffisamment tôt. Il peut
être clinique (persistance de la fièvre au-delà du 10è jour, a fortiori complication),
biologique (vitesse de sédimentation très accélérée à la fin du 1er mois) ou iconographie
(agmentation du volume de la zone hypoéchogène ou persistance durable). Toutes ces
éventualités imposent un drainage: ponction à l’aiguille ou hépatotomie chirurgicale.

Formes cliniques de l’amibiase hépatique

Formes symptomatiques. La fièvre peut être isolée, manquer ou rester discrète. Les
douleurs sont souvent atténuées ou ectopiques. Contrairement à l’opinion classique, un
ictère de type variable cytolytique ou rétentionnel peut survenir. Les complications
pleuropulmonaires sont parfois plus bruyantes que les manifestations hépatiques.
Formes topographiques. Les abcès postérieurs ou du lobe gauche, rares et trompeurs
se révèlent souvent par une complication. Leur pronostic est sévère du fait du retard
diagnostique et thérapeutique.

Formes subaiguës, voire chroniques. Elles évoluent à bas bruit, simulent un cancer
primitif du foie ou une cirrhose et correspondraient à des formes anatomiques
particulières: abcès fibreux de Kiener, hépatite nodulaire de Achard et Foix.

Formes graves, suraiguës ou compliquées. Elles se rencontrent surtout chez les


sujets dénutris ou en cas de retard thérapeutique. L’abcès fulminant de Roger, mortel en
quelques jours, correspond à une nécrose parenchymateuse diffuse. A un moindre
degré, on observe des abcès hépatiques multiples, délabrants, de traitement difficile.
Ces abcès sont parfois surinfectés par des germes divers, posant le problème des abcès
non amibiens du foie. L’abcès peut éroder un gros vaisseau entrainant une hémorragie
cataclysmique ou encore comprimer la veine porte (déterminant un syndrome
d’hypertention portale), les veines sus-hépatiques (exceptionnel syndrome de Budd-
Chiari d’origine amibienne) ou même d’autres organes

Diagnostic différentiel de l’amibiase hépatique.

L’amibiase hépatique pose le problème de tous les gros foies fébriles et


douloureux.
Les abcès bactériens du foie sont moins fréquents que les abcès amibiens en
zone tropicale. Ils compliquent habituellement une septicémie, une angiocholite, une
dilatation congénitale des voies biliaires intra-hépatiques, un foyer abdominal infecté; on
peut isoler le germe responsable (anaérobie le plus souvent).

Le cancer primitif du foie fréquent en Afrique noire, simule d’assez près l’amibiase
hépatique. L’échec du traitement d’épreuve au métronidazole, l’absence habituelle
d’anticorps spécifiques amibiens à un titre élevé, la mise en évidence d’une
alphafoetoprotéine dans le sérum du malade, les données laparoscopiques et
223

histologiques permettent la distinction.

Certaines cirrhoses sont douloureuses et fébriles; mais l’ictère, l’ascite les


oedèmes et le signes d’hypertension portale lèvent rapidement le doute.

Le kyste hydatique du foie surinfecté peut étre confondu avec une amibiase.
L’erreur est grave quand elle conduit à la ponction du kyste.

Autres localisations

Les amoebicides tissulaires suffisent dans la majorité des atteintes


pleuropulmonaires et cutanées. Il faut parfois y adjoindre un drainage chirurgical:
péricardite avec tomponade, abcès du cerveau ou de la rate.

Traitement médical (5-nitro-imidazole ou 2-déhydro-émetine). Il s’impose dans tous les


cas. En règle, ils obtiennent à eux seuls la guérison clinique (apyréxie en moins de 7
jours), biologique (ralentissement de la VS en moins de 6 semaines) et iconographique
(disparition des images en 3 à 6 mois). Une cure complémentaire par un amoebiicide de
contact est nécessaire quel que soit le résultat de l’examen des selles.

Drainage. Il s’impose en cas d’échec des amoebicides.


La ponction à l’aiguille permet un drainage efficace et sans danger de la
majorité des abcès du lobe droit, si possible localisée par l’échographie visualisant la ou
les poches. Elle peut être répétée sans inconvénient.
Le drainage chirurgical est bien codifié. Le pus est évacué aussi
complètement que possible; un drain est laissé en place quelques jours, ce qui suffit
habituellement à affaisser totalement la
Les choix entre ponction et drainage chirurgical est fonction des habitudes de
chacun. Cependant, les abcès inférieurs et ceux du lobe gauche sont dangereux à
ponctionner si l’on ne peut pas guider l’aiguille sous échographie, tandis que les abcès
multiples, volumineux ou anciens (souvent enkystés ou contenant un séquestre) ne sont
bien évacués que par le chirurgien. Une fois drainés, les abcès seront surveillés aussi
étroitement que ceux traités seulement médicalement.

PROPHYLAXIE

Prophylaxie générale. Elle comporte théoriquement plusieurs mesures: dépistage et


traitement des porteurs sains de kystes, surtout dans les collectivités et parmi les
personnes manipulant les aliments; aménagement de latrines et réglementation de
l’utilisation agricole de l’engrain humain; lutte contre les mouches; épuration des eaux de
boisson (malheureusement, le chlore à la dose habituelle ne détruit pas les kystes
d’amibes). En fait, tout ceci est théorique en zone hautement infestée.

Prophylaxie individuelle. Les règles d’hygiène sont ici essentielles: propreté des
mains, filtration ou ébullition de l’eau de boisson, nettoyage soigneux des fruits et des
légumes. La chimioprophylaxie par amoebicide de contact n’est pas utilisée: en effet, les
cures prolongées sont mal tolérées et leur efficacité est douteuse.
224

VII. PANCREAS ET RATE

I. PANCREAS
1. Pancréas annulaire
2. Pancréas divisium
3. Pancréatite
4. Tumeurs

II. RATE
1. Anatomie et Physiologie
2. Splénectomie
3. Autres techniques

III. Chirurgie des hypertensions portales


1. Physiopathologie
2. Manifestations
3. Traitement essentiel des hémorragies digestives.

I. PANCREAS

A. MALFORMATIONS CONGENITALES

1. PANCREAS ANNULAIRE.

Un anneau de tissu pancréatique, venant de la tête, entoure le deuxième duodénum.


Cette pathologie se traduit le plus souvent chez l’enfant par une obstruction du deuxième
duodénum avec vomissements post-prandiaux. Cet anneau pancréatique contient un
canal excréteur et ne doit pas être sectionné. Une anastomose du duodénum d’amont
sur l’aval doit être réalisée.

2.PANCREAS DIVISUM.

Il y a donc absence de fusion entre le pancréas dorsal (Santorini) et le pancréas ventral


(Wirsung). Cette anomalie congénitale est suspecte d’induire des épisodes de
pancréatite aiguë par drainage insuffisant de la papille accessoire (Santorini) qui draine
90 % du pancréas.
Dans certains cas, bien démontrés par l’étude endoscopique et physiologique, il est
nécessaire de réaliser la dilatation de cette papille accessoire ou la papillectomie
d’élargissement du Santorini (abord chirurgical trans-duodénal).

B. LA PANCREATITE.

La pancréatite est une affection inflammatoire, non bactérienne, causée par l’activation,
la libération interstitielle et l’auto-digestion du pancréas par ses propres enzymes.
L’affection peut ou non s’accompagner de modifications morphologiques et
fonctionnelles de la glande.
On en sait plus sur les étiologies des pancréatites que sur la compréhension
fondamentale “du désordre initial” responsable du phénomène de pancréatite aiguë ou
chronique.
225

La clinique distingue 4 formes de pancréatites

1. La pancréatite aiguë caractérisée par une crise douloureuse de l’abdomen supérieur,


accompagnée de vomissements et d’hyperamylasémie.
2. La pancréatite chronique caractérisée par des douleurs chroniques souvent dorsales,
avec présence de calcifications intra-pancréatiques et d’une insuffisance exocrine
(stéatorrhée) ou endocrine (diabète). Elle est caractéristique de l’éthylisme.
3. La pancréatite aiguë récidivante caractérisée par de multiples attaques de
pancréatite aiguë sans qu’il y ait de modification morphologique au niveau du
pancréas. La lithiase biliaire en est souvent responsable.
4. La pancréatite chronique récidivante avec des poussées aiguës sur un fond de
pancréatite chronique. Caractéristique de la pancréatite éthylique.

ETIOLOGIES.

80 % des pancréatites sont provoquées par la lithiase biliaire ou l’alcoolisme. Quelques


cas ont été notés dans des hypercalcémies, traumatismes, hyperlipidémies et des
prédispositions génétiques. Elles sont dites idiopathiques lorsque l’étiologie n’est pas
claire.

Il existe des différences importantes dans les manifestations et l’histoire naturelle est
fonction de cette étiologie.

Pancréatite biliaire

40 % environ des pancréatites aiguës sont associées à la présence d’une lithiase


vésiculaire. La migration de micro-calculs, vers le cholédoque et, au-travers du sphincter
d’Oddi, occasionne très vraisemblablement ces poussées de pancréatite aiguë. Même si
le calcul cholédocien n’est retrouvé que dans 25 % des cas, on pense que l’obstruction
transitoire de la papille par le calcul a pu occasionner une poussée de pancréatite aiguë.

Pancréatite alcoolique

40 % des cas. Six fois plus fréquente chez l’homme que chez la femme. En général chez
des buveurs de vin et d’alcool fort. Elle évolue souvent et inéluctablement vers la
pancréatite chronique même si l’éthylisme est interrompu.

Causes rares:
 Postopératoire ou post-traumatique: intervention sur la voie biliaire, ERCP (3 % des
cas), sphinctérectomie endoscopique ou chirurgicale etc.
 Anomalies anatomiques exocrines: pancréas divisum.
 Tumeurs pancréatiques: le cancer de la tête du pancréas avec obstruction du
système exocrine peut être la première manifestation. Donc, toujours rechercher une
tumeur pancréatique après une poussée aiguë chez un sujet de plus de 50 ans et ne
présentant pas d’étiologie précise.
 Médicaments: contraceptifs oraux avec oestrogènes, corticostéroïdes, azathioprine,
thiazide et tétracycline.
 Infection : oreillons.
 Troubles métaboliques : hyperlipidémie
 Troubles endocriniens : hypercalcémie de l’hyperparathyroïdie.
 Pancréatite idiopathique: 15 % environ des cas. Cependant, ces patients vont
souvent développer, ultérieurement, une lithiase biliaire.
226

LA PANCREATITE AIGUE.

- CONSIDERATIONS GENERALES

La pancréatite aiguë, qu’elle soit de type oedémateux ou de type hémorragique, est une
manifestation du même processus pathologique; la symptomatologie de départ et
l’exploration biologique de départ sont identiques. La pancréatite oedémateuse
régressera rapidement et la pancréatite hémorragique continuera d’évoluer avec ses
complications et un taux de mortalité élevé.

- SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE

L’attaque de pancréatite suit souvent un repas copieux, bien arrosé, et elle se traduit par
une douleur brutale dans l’épigastre avec irradiation dorsale. La douleur est constante;
les nausées sont la règle et les vomissements fréquents. L’état de déshydratation est
précoce et peur aller jusqu’au choc. La tachycardie est constante.

La perte liquidienne est importante :

1. extravasation plasmatique ou hémorragique dans la sphère pancréatique rétro-


péritonéale,
2. iléus paralytique entraînant la stagnation de toutes les sécrétions biliaires et
intestinales,
3. vomissements.

La température est normale ou subnormale avec fébricule à 37º5 au bout de


quelques heures.
Se rappeler qu’au départ, il n’y a pas d’infection bactérienne. On peut également
noter, dans les premières heures, l’apparition d’un épanchement pleural gauche par
irritation diaphragmatique.

Examens clinique :

Polypnée, défense généralisée à l’épigastre et, ultérieurement à toute la paroi


abdominale. Matité à l’épigastre et abdomen inférieur en météorisme.

A l’auscultation, silence abdominal traduisant l’iléus paralytique.


A un stade ultérieur et signe de gravité extrême : apparition d’une décoloration bleue
dans les flancs (signe de Grey Turner) traduisant l’épanchement sanguin rétro-péritonéal
ou encore un hématome de la région ombilicale (signe de Cullen) signifiant la
propagation de l’hématome vers le pédicule hépatique puis vers le ligament rond et
l’ombilic.

Après plusieurs jours, on peut également palper une masse dans la région épigastrique
correspondant à une collection péri-pancréatique.

- DONNEES BIOLOGIQUES.
 Hématocrite élevée conséquence de la déshydratation,
 Hyperleucocytose fréquente et en-dessous de 15.000 en l’absence de complication
infectieuse,
227

 Altération des tests hépatiques (bilirubine, phosphatase alcaline) souvent modérée et


pouvant être liée à plusieurs facteurs: oedème des voies exocrines dans la tête du
pancréas, obstruction cholédocienne temporaire, éthylisme etc.
 Enzymologie pancréatique :
- La lipase sérique: est tout à fait spécifique de la pancréatite aiguë. Le dosage ne peut
cependant être obtenu en urgence. Le dosage des lipases dans les urines de 24
heures est un bon test.
- L’amylase sérique est le test essentiel et le plus souvent pratiqué. L’augmentation de
l’amylasémie survient presque immédiatement. Le niveau de l’amylasémie n’est pas
un indice de gravité de la pancréatite. Des valeurs de plus de 2.000 sont notées dans
les pancréatites biliaires, en général plus bénignes que les pancréatites éthyliques.

 Hypocalcémie est un facteur de gravité et est liée à la combinaison du calcium avec


les acides gras libérés.
 Hyperglycémie liée à l’atteinte du tissu endocrine est également un facteur de gravité.
Ranson a établi des facteurs de gravité dans la pancréatite aiguë: retenons les points
suivants à évoluer dès l’admission du patient et à la 48ème heure:
1º plus de 55 ans,
2º plus de 15.000 globules blancs,
3º glycémie à plus de 350 unités,
4º LDH à plus de 350 unités,
5º chute de l’hématocrite de plus de 15 %,
6º hypocalcémie,
7º chute de la PO2.
L’addition de ces 7 points donne un pronostic de mortalité de plus de 30 %.

- EXAMENS RADIOLOGIQUES

Radiographie de l’abdomen à blanc:

- peut montrer des calcifications pancréatiques signant un fond de pancréatite


chronique éthylique,
- des calculs biliaires calcifiés,
- un iléus intestinal, donnant une distension du grèle proximal dans le flanc
gauche (jéjunum – anse sentinelle) voire une dilatation du côlon transverse
gauche.

Cet examen permet d’exclure une occlusion grèle basse par absence de niveau
hydroaérique bas et une péritonite par perforation par absence de pneumo-
péritoine.

Radiographie du thorax:

A réaliser quotidiennement. Recherche une pneumopathie interstitielle (ARDS) et


un épanchement pleural surtout gauche.

Echographie :

Importante pour rechercher la lithiase vésiculaire. Examen peu contributif


cependant pour diagnostiquer la pancréatite ou suivre son évolution. Peut reconnaître
ultérieurement la formation de collection ou d’ascite.
228

Tomodensimétrie (scanner) :

Examen de choix et important à réaliser en urgence et dans le suivi d’une


pancréatite aiguë.
Au départ, il permet de déterminer le volume de la glande et servira d’examen
comparatif.
Il diagnostique l’oedème ou la nécrose pancréatique et péri-pancréatique. Il
permet de juger de l’apparition d’éventuelles nécroses ou hémorragies. Cet examen est
prédictif car son évolution précède souvent les signes cliniques.

Examens biliaires :

La cholécystographie orale peut être réalisée ultérieurement pour rechercher une lithiase
vésiculaire.
L’endoscopie rétrograde (CPRE) doit être réalisée lorsqu’il y a forte suspicion de lithiase
cholédocienne. Elle peut permettre d’évacuer un calcul enclavé dans le bas cholédoque
ou de vérifier l’état de la papille qui vient d’être forcée par un calcul.
Elle doit cependant être réalisée par des mains expertes car cet examen ne peut injecter
les voies exocrines pancréatiques sous peine d’infecter la pancréatite.

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL.

Celui d’une pathologie douloureuse, constante, de l’épigastre donc :


1. ulcère gastro-duodénal perforé : présence d’un pneumo-péritoine et donne
davantage une contracture qu’une défense.
2. Obstruction haute du grèle : pathologie exceptionnelle et moins spectaculaire.
3. Cholécystite aiguë: douleur située davantage à droite et que l’échographie
permettra de préciser.
4. L’infarctus mésentérique peut être également suspectée.

Ces différentes pathologies justifient un geste chirurgical urgent au contraire de la


pancréatite aiguë qu’il faut, éviter d’opérer sous peine d’infecter le rétro-péritoine.

COMPLICATIONS.

La forme oedémateuse est donc bénigne dans 99 % des cas. La forme nécrotique ou
nécrotico-hémorragique est redoutable par ses complications. Il est souvent nécessaire
de prolonger l’hospitalisation durant plusieurs semaines afin d’avoir l’assurance que le
patient est à l’abri de tout incident.

a. Complications locales :
1. Extension de la nécrose péritonéale pouvant fuser vers le pédicule mésentérique,
l’aire péri-rénale, le pédicule hépatique, voire le médiastin au travers de l’hiatus
diaphragmatique.
2. Infection des foyers de nécrose: la cause première de mort dans les pancréatites
aiguës est l’infection du rétro-péritoine. Cette infection peut être provoquée par un
geste opératoire inutile, par une ERCP ou par les nombreux sites de pénétration
de cathéter veineux.
Elle se caractérise par l’apparition d’une température élevée, d’une
hyperleucocytose à plus de 15.000, par un état toxi-infectieux du patient.
L’infection est une indication formelle de drainage soit par voie percutanée,
229

par ponction ou mieux par drainage chirurgical par voie rétro-péritonéale en


incisant dans le flanc gauche, derrière la rate ou par laparotomie.
3. Hémorragies: provoquées par les digestions intra- ou rétro-péritonéales,
thromboses veineuses notamment de la veine porte et de la veine splénique d’où
hypertension portale. La digestion de ces vaisseaux thrombosés peut provoquer des
hémorragies artérielles ou veineuses.
4. Le pseudokyste n’est pas en soi une complication et représente l’engainement
des tissus nécrotiques et de la sécrétion éxocrine du pancréas formant une
collection rétro-péritonéale (voir plus loin).
5. Tardivement, on peut voir se produire, par cicatrisation, des sténoses du
duodénum, du jéjunum proximal ou de la portion gauche du côlon transverse. Le
cholédoque peut être également comprimé par un processus de cicatrisation au
niveau de la tête pancréatique et donc entrainer un ictère.

b. Complications à distance :
1. Rénales: insuffisance rénale aiguë fonctionnelle de bon pronostic ou nécrose
corticale de pronostic sombre malgré l’hémodialyse.
2. Pulmonaire : du simple épanchement gauche au syndrome de détresse
respiratoire (ARDS), réclament dans les formes graves une assistance
respiratoire prolongée.
3. Autres: cardiaque par endotoxinémie ou greffe valvulaire ou bactérienne.
Confusion mentale fréquente notamment chez les éthyliques.
Surveiller également l’apparition d’une CIVD. On a noté aussi des stéatonécroses
systématiques même cutanées.

PRONOSTIC.
La pancréatite aiguë est une affection grave dont la mortalité moyenne se situe aux
environs de 15 %. Dans les formes hémorragiques, elle peut atteindre 30 a 40 %. La
cause de décès est surtout l’infection mais il faut également surveiller les problèmes
systémiques, le choc et l'’nsuffisance rénale. Les critères de Ranson (voir plus haut) sont
un bon test pronostique. La tomodensitométrie régulière est également un examen à
pratiquer toutes les 48 heures au début de l’affection.

TRAITEMENT.

Ses buts sont de réduire la sécrétion pancréatique et ses stimuli et, surtout, de corriger
les désordres liquidiens et électrolytiques.
Ce traitement est donc essentiellement médical, la chirurgie étant réservée aux
complications et aux cas ne répondant pas au traitement médical. Cependant, le malade
sera idéalement suivi en milieu chirurgical car un geste d’intervention doit parfois se
décider rapidement et nombre de complications tardives réclament également une
intervention.

TRAITEMENT MEDICAL :

1. Aspiration gastrique par sonde naso-gastrique, ce qui élimine les vomissements et


diminue la stimulation pancréatique. Permet également une aspiration correcte du
tractus digestif supérieur et permet une correction des pertes liquidiennes. Cette
sonde sera enlevée et l’alimentation permise lorsque l’état du patient se sera
amelioré et qu’il aura retrouvé un appétit. Les amylases auront dû également revenir
à la normale.
2. Perfusion de liquides et d’électrolytes.
230

Ajouter des albumines car celles-ci s’échappent dans l’exsudat rétro-péritonéal. Le


volume de perfusion sera détermine par la diurèse et par la mesure de la pression
veineuse centrale. Les contrôles biologiques seront fréquents et au minimum
quotidiens.
3. Analgésique : important car l’affection est douloureuse surtout dans les premières
heures. L’analgésique permet une meilleure hémodynamique chez le patient.
Eviter les morphiniques qui provoquent un spasme du sphincter d’Oddi.
4. L’oxygène : la surveillance de l’hypoxémie est importante et les gaz sanguins doivent
être mesurés toutes les 12 heures. Il est logique de maintenir ces patients sous
oxygène, éventuellement assistance respiratoire si apparition d’une pneumopathie.
5. Calcium : l’hypocalcémie peut être sévère et est un signe de gravité. Sa correction
prévient les problèmes cardiaques.

Tels sont les points importants du traitement médical d’une pancréatite aiguë.

THERAPEUTIQUES DISCUTEES:

1. Antibiotiques: ne paraissent pas nécessaires car il n’y a pas de problème bactérien.


N’améliorent en rien le pronostic. Ne seront donnés que s’il y a preuve d’une infection
surajoutée.
2. Anti-cholinergie, anti-enzymes pancréatiques, anti H2, corticoïdes, somatostatine:
autant de thérapeutiques qui ont été essayées et qui ont fait preuve de leur
inefficacité.
3. Lavage péritonéal: certains centres pratiquent systématiquement l’aspiration de la
cavité péritonéale par un petit drain introduit au niveau de l’ombilic. Lorsqu’il y a
présence de liquide, notamment hématique et riche en enzymes, ils pratiquent un
lavage péritonéal continu dans l’espoir d’éliminer des toxines de la cavité
abdominale. Ces toxines pourraient être réabsorbées dans la circulation systémique.
4. Drainage du canal thoracique : au niveau de la veine jugulaire interne gauche, selon
le même principe que le lavage péritonéal et chercher d’éviter une inondation
systémique par les toxines résorbées du rétro-péritoine par le canal thoracique.
5. Nutrition parentérale: n’aggrave pas l’évolution d’une pancréatite; sera appliquée
après 3 à 4 jours lorsqu’il y a preuve que la pancréatite est sévère et que le patient
ne sera pas alimenté avant 8 à 10 jours.
6. Traitement endoscopique (ERCP): malgré l’hésitation de certaines équipes, doit être
réalisé dès que possible lorsqu’il y a preuve ou suspicion d’une origine biliaire (voir
plus haut).

TRAITEMENT CHIRURGICAL :

Phase précoce de la pancréatite aiguë :


Ne doit pas être appliqué, en principe, dans la phase précoce de la pancréatite aiguë. Si
une laparotomie est réalisée à ce stade par hésitation, il faut éviter d’ouvrir le rétro-
péritoine et d’infecter la nécrose, par contre il faut réaliser, de principe la
cholécystectomie et le contrôle de la voie biliaire par cholangiographie. En cas de
pancréatite biliaire, une fois la phase aiguë passée, c’est-à-dire après 8 à10 jours,
réaliser précocement la cholécystectomie chirurgicale par laparotomie ou laparoscope.
Dans la phase aiguë d’une pancréatite, la laparotomie n’a de place que si le traitement
médical ne contrôle pas l’évolution, (donc, état de choc, septicémie, hémorragie, etc).
L’acte chirurgical cherchera surtout à drainer le rétro-péritoine. Cette intervention peut se
faire par un abord du flanc gauche et une dissection du rétro-péritoine sans ouvrir la
grande cavité. On peut également réaliser une laparotomie médiane et réaliser
231

l’éradication des nécroses avec un drainage large du rétro-péritoine. La


cholécystectomie et le contrôle de la voie biliaire seront toujours associés. Il n’est pas
rare de devoir réintervenir chez ces patients pour éliminer d’autres foyers de nécrose ou
d’infection. L’hospitalisation peut être longue et atteindre deux à trois mois dans les cas
extrêmes.

LA PANCREATITE CHRONIQUE.

Essentiel :

1. Douleurs abdominales hautes et surtout dorsales, persistantes ou récidivantes.


2. Présence de calcifications pancréatiques à l’abdomen à blanc, chez 50 % des
patients
3. Evolution vers l’insuffisance pancréatique: malabsorption et diabète
4. Presque toujours liée à l’alcoolisme.

Quelques formes rares sont liées à l’hypercalcémie, à l’hyperlipidémie ou à une


disposition héréditaire (pancréatite familiale).

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Trois principes :

1. La chirurgie a comme but principal de supprimer la douleur, plainte majeure et


invalidante dans la pancréatite chronique. Elle entretient l’alcoolisme qui est le
meilleur analgésique pour ces patients ou induit des médicaments de type morphine.
2. Elle s’impose dans les complications péri-pancréatiques: compression de la voie
biliaire, compression duodénale, faux kystes du pancréas.
3. La chirurgie doit éviter la résection pancréatique afin de préserver le potentiel
endocrinien et donc ne pas précipiter l’apparition d’un diabète. Cette chirurgie sera
préferentielle de type dérivation.

TECHNIQUES.

- Anastomose pancréatico-jéjunale (opération de Puestow):

Intervention idéale lorsqu’il y a dilatation du Wirsung par des concrétions lithiasiques.


Le pancréas est ouvert sur toute la longueur, depuis le duodénum jusqu’au hile de la
rate; le Wirsung est aisément répéré et ouvert sur toute la longueur. Les lithiases sont
évacuées à la vue ou par lithotritie péropératoire. Une anse jéjunale en ‘Y’ (anse de
Roux) est anastomosée en latéro-latéral sur le pancréas.
232

Cette intervention est idéale lorsque les conditions anatomiques le permettent . Elle
donne 80% d’excellents résultats sur la douleur. Elle ne semble pas empêcher l’évolution
naturelle vers le diabète et l’insuffisance éxocrine.

- Duodénopancréatectomie céphalique (opération de Wipple):

Intervention connue surtout en pathologie cancéreuse de la tête du pancréas.


Intervention d’exérèse plus délicate et difficile. Enlève donc le cadre duodénal et la tête
du pancréas. Ne modifie pas le potentiel endocrinien du pancréas qui est surtout
corporéo-caudal.

Geste conseillé lorsqu’il y a complication biliaire (sténose) et/ou duodénale (sténose).

Pancréatectomie totale ou subtotale:

Lorsqu’il n’y a pas de possibilité de geste de dérivation, lorsqu’il y a déjà apparition de


l’insuffisance endocrine et éxocrine, on peut proposer cette solution à des patients dont
la douleur reste le symptôme le plus invalidant. Le pancréas est enlevé totalement de la
queue, jusqu’au duodénum; seul 1 cm de pancréas est préservé afin de garder
l’implantation du cholédoque dans le duodénum.

Il faut donc tenter de trouver une possibilité de dérivation lorsqu’il y a pancréatite


chronique. Quel que soit le geste effectué, toujours réaliser une cholécystectomie de
principe car la lithiase vésiculaire peut être présente.

RESULTATS.

La morbidité et la mortalité sont très faibles car un pancréas pathologique est fibreux et
permet des sutures d’excellentes qualités avec l’intestin. Ceci n’est pas vrai lorsque le
pancréas est sain; une anastomose pancréatique après pancréatectomie pour cancer
est sujette à complication et à fistulisation.

Les résultats sont excellents sur la douleur lorsqu’il y a anastomose pancréatico-jéjunale


ou duodénopancréatectomie céphalique. Le problème actuel est de savoir si la chirurgie
et le drainage éxocrine retardent ou préviennent l’évolution vers le diabète.

C. TUMEURS DU PANCREAS

1. Tumeurs kystiques.

Tumeurs très rares. Le cystadénome muqueux présente un risque élevé de la


cancérisation. Fréquent dans la région corporéo-caudale.

gPeut atteindre une taille considérable car asymptomatique.

Les adénomes micro-kystiques sont des lésions bénignes. Consistent en de nombeux


petits kystes assemblés en une tumeur unique.

Il est important de distinguer ces deux formes car l’une a une potentialité maligne. Ces
lésions kystiques représentent 10 à 15 % de tous les kystes du pancréas. Le chirurgien
peut les confondre avec un faux kyste; il est dès lors dangereux de se contenter d’un
drainage de cette lésion. Donc, lorsqu’il y a drainage chirurgical d’un pseudo-kyste, il faut
233

toujours réaliser un prélevement de la paroi à la recherche d’un épithélium. Si celui-ci est


présent, on se trouve en présence d’un vrai kyste dont l’exérèse doit être réalisée.

2. Tumeurs neuro-endocrines.

Voir cours de gastro-entérologie

3. Adénocarcinome du pancréas.

Pour symptômes et diagnostic voir cours de gastro-entérologie.

Quelques considérations importantes :


1. La présence d’une douleur est un facteur de pronostic péjoratif car on peut
suspecter un envahissement des plexus nerveux splanchniques.
2. Le diagnostic des cancers du corps et de la queue est tardif car il ne provoque
d’ictère qu’à un stade terminal ou par leurs métastases.
3. Une pancréatite aiguë peut être le symptôme inaugural d’un cancer par
obstruction de la voie éxocrine. Donc, lorsqu’il n’y a pas d’explication à cette
pancréatite aiguë, réaliser ultérieurement une ERCP de dépistage.
4. Le diabète précède parfois de plusieurs mois les signes cliniques d’un cancer
pancréatique.
5. Marqueurs tumoraux, toujours réaliser le dosage du CEA et du CA 19,9; ce
dernier parait plus spécifique.

Réaliser toujours le dosage de l’énolase. 10 % environ des cancers du pancréas ne


sont pas des adénocarcinomes mais des tumeurs neuro-endocriniennes malignes non
sécrétantes.

Ce point est très important car le pronostic d’un adénocarcinome est médiocre et, à
partir d’un certain volume tumoral, on est tenté de ne pas intervenir ou résequer. Au
contraire, les tumeurs neuro- endocrines doivent être résequées largement car le
pronostic est nettement meilleur et on note des survies de plusieurs années pour des
tumeurs volumineuses. La chimiothérapie adjuvante est également intéressante.

6. Le scanner et l’échographie sont d’excellents examens de diagnostic et de


dépistage. L’ERCP est un examen important; toute sténose ou obstruction du
Wirsung doit être considérée, jusqu’à preuve du contraire, comme étant un
cancer.

Traitement chirurgical de l’adénocarcinome

Comme pour tout cancer digestif, il n’y a l’espoir de guérison que par une exérèse
chirurgicale large. Le pronostic de ce cancer est cependant médiocre car les survies à 5
ans n’atteignent pas 10 %. L’explication peut se situer sur le plan anatomique et dans la
proximité du pancréas avec les aires lymphatiques, les pléxus nerveux et le réseau
veineux très riche de la région. La chirurgie ne permet pas facilement une exérèse large
telle que celle réalisée pour un cancer colique ou gastrique.

a. Cancer de la tête du pancréas : en raison de l’intimité anatomique de la tête du


pancréas, de la voie biliaire basse et de l’ampoule de Vater, il est difficile de
234

distinguer par les examens préopératoires, un cancer de la tête du pancréas d’une


tumeur maligne du bas cholédoque ou d’un ampullome malin. Même
l’anatomopathologiste a des difficultés à faire la distinction.
Retenir que les cancers du bas cholédoque et de l’ampoule de Vater ont nettement
meilleur pronostic que le cancer de la tête du pancréas. 40 % de survie pour moins
de 10 %.
L’ictère est presque toujours le signe annonciateur.
Il est de routine de pratiquer une ERCP pour confirmer le diagnostic. Cet examen est
cependant dangéreux car il infecte systématiquement la voie biliaire. L’endoscopiste
doit donc terminer son examen par un drainage biliaire: soit une prothèse allant du
duodénum jusqu’au-dessus de l’obstacle biliaire, soit une sonde naso-biliaire c’est-à-
dire cathéter suivant le trajet de l’endoscope, de l’oesophage à l’estomac vers le
duodénum et au-dessus de l’obstacle biliaire.

Dans nombre de cas cependant, l’ERCP n’est pas nécessaire. L’apparition d’un
ictère cholostatique et la découverte d’une tumeur au scanner ou à l’échoendoscopie
doivent poser l’indication chirurgicale sans passer par l’ERCP.

Critères d’exclusion : plus de 50 % de cancers de la tête ne doivent pas être


opérés car le geste n’améliorera en rien la survie.
1. Tumeur de plus de 5 cms de diamètre,
2. Envahissement de la veine porte (scanner)
3. Présence de métastases hépatiques.

La laparoscopie est également un excellent test préopératoire pour rechercher des


métastases hépatiques ou péritonéales.
Ces patients ne seront pas opérés et traités par prothèse biliaire interne (ERCP) ou
percutanée (voie trans-hépatique). La survie moyenne est de moins de 6 mois.
Si patients opérables, l’intervention idéale est la duodénopancréatectomie
céphalique (opération de Whipple).
Intervention difficile; résection du 1/3 distal de l’estomac, de tout le cadre duodénal,
de la tête du pancréas, des aires ganglionnaires péri-pancréatiques jusqu’au tronc
coeliaque et l’artère mésentérique supérieure, section de l’hépatique commun avec
réséction de la vésicule. Reconstruction par anse grèle anastomosée à l’estomac, à la
voie biliaire et au pancréas.

La pancréatectomie régionale est une duodénopancréatectomie céphalique mais


éradiquant davantage tous les pléxus nerveux rétro-péritoneaux jusqu’au plan de l’aorte
avec résection partielle de la veine porte, voire résection de certains troncs artériels qui
sont ensuite réanastomosés.
Chirurgie beaucoup plus lourde qui a donné l’espoir d’un meilleur résultat. Connait
cependant des séquelles de type diarrhée persistante, liée vraisemblablement à la
dénervation intestinale et aux résections lymphatiques. N’a pas fait preuve de son
efficacité.

La pancréatectomie totale associe la duodénopancréatectomie à la résection du corps et


de la queue. Elle est indiquée lorsqu’il y a extension de la tumeur vers le corps ou de
multiples foyers de cancérisation du pancréas (20 % des cas). Implique un diabète
postopératoire, parfois difficile à équilibrer.
235

II. LA RATE

Organe plein, richement vascularisé, situé dans le quadrant supéro-externe de


l’abdomen entre les 8ème et 11ème côtes, en dehors et au-dessus du fundus gastrique,
sous le diaphragme et au-dessus de l’angle splénique du côlon et du rein gauche. Une
rate adulte pèse environ 100 à 150 grammes et mesure 12 cms sur 7. Elle n’est pas
palpée sauf si elle est pathologique. Elle est recouverte par le péritoine (capsule) sur les
¾ de sa surface antérieure; la surface postérieure est directement en contact avec le
rétro-péritoine.

SPLENECTOMIE.

La splénectomie ne peut se faire que par voie chirurgicale, soit par une laparotomie
médiane, soit par une incision sous-costale gauche. Lorsque la rate est de volume
normal, le geste est facile et peu hémorragique, cependant, dans les affections
médicales, la rate est souvent augmentée de volume voire monstrueuse (plusieurs kilos);
cette chirurgie s’accompagne d’une dyscrasie sanguine avec thrombocytopénie et
requiert une minutie d’hémostase afin d’éviter tout incident hémorragique grave.
La ligature du pédicule vasculaire peut blesser la terminaison du pancréas et entraîner
une pancréatite de la queue du pancréas. Donc, dans le décours d’une splénectomie, si
température et collection de l’hypochondre gauche, penser à une blessure pancréatique
qui doit être drainée.

1.1 .Indications:
Peuvent être d’ordre médical: tumeur (sarcome), abcès, anémie hémolytique,
hypersplénisme primaire, purpura thrombocytopénique etc.
Dans ces diverses indications, un bilan de coagulation doit toujours être minutieux et
l’intervention accomapagnée quelques fois de transfusions plaquettaires. Celles-ci ne
seront cependant réalisées qu’après ligature de l’artère splénique afin de ‘récuperer’ le
maximum de plaquettes concentrées au niveau de la rate.

Dans la maladie de Hodgkin, il est souvent recommandé de réaliser une laparotomie


avec splénectomie et étude des aires lymphatiques de l’abdomen ainsi que des biopsies
hépatiques, ceci à la recherche des localisations abdominales de l’affection.

La splénectomie est le plus souvent réalisée pour traumatisme. La rate est un organe
fragile et le plus souvent concerné dans un traumatisme fermé de l’abdomen. La rupture
splénique se produit soit par la désinsertion de la rate de ses attaches lors d’une
décélération brutale, soit par contusion ou déchirure par des fractures du gril costal
gauche.
La tendance est cependant de tenter de conserver la rate, surtout chez l’enfant; son rôle
immunologique n’est pas négligeable. Si le choc est contrôlé , la surveillance se fera par
échographie ou tomodensimétrie. Seule la progression de l’hémorragie ou sa récidive
justifiera la splénectomie. Dans quelques cas favorables, une splénectomie partielle
d’hémostase sera réalisée.

Une autre indication de splénectomie pour traumatisme est de type iatrogène: une
traction sur l’estomac ou le grand épiploon peut provoquer une déchirure de la capsule
splénique; la rate étant très richement vascularisée, elle saigne abondamment et une
hémostase ne peut toujours être obtenue.
236

Quelques indications rares de splénectomie :

- l’anévrysme de l’artère splénique est la deuxieme cause de rupture


anévrysmale au niveau de l’abdomen après l’aorte abdominale.
- Les kystes spléniques sont souvent dus à des échinocoques.
- Les abcès spléniques peuvent apparaître dans le cadre d’une septicémie ou
d’une infection régionale (pancréatite).

On note également des ruptures spontanées de la rate dans la malaria, la


mononucléose, les lymphomes, la leucémie, la fièvre typhoïde et la grossesse.

2.2. Conséquences hématologiques :

Peu ou pas de conséquences cliniques.


Le nombre de plaquettes accroît de facon spectaculaire et atteint souvent des chiffres de
400 a 500.000.
Des thrombocytoses importantes, dépassant le million, peuvent apparaître. Il est donc
important de surveiller le taux de plaquettes dans le post-opératoire. Il existe donc un
état d’hypercoagulabilité qui peut entraîner une coagulation de la veine splénique voire
de la veine porte donc une pylethrombose pouvant entraîner une insuffisance hépatique.
Cette hypercoagulation peut se manifester également au plan général par un taux plus
élevé de phlébite profonde et d’embolie pulmonaire.

Lorsque le taux de plaquettes est trop élevé, il est prudent de donner durant quelques
semaines un traitement par des agents anti-plaquettaires telle l’aspirine.

La splénectomie a été accusée de provoquer, à court et à long terme, des septicémies.


Le risque est plus grand chez les enfants et se situe à environ à ½ % an. Cette
septicémie est brutale et peut être facilement mortelle. Elle est attribuée aux
streptocoques pneumoniae, à l’haemophilus influenzae et aux méningocoques. Cette
complication certes rare mais grave a conduit à diminuer l’incidence des splénectomies
notamment dans les traumatismes.

Des vaccins ont été développés contre le pneumocoque pour prévenir cet incident. Chez
les enfants de moins de deux ans, l’antibiothérapie prophylactique doit être donnée
durant plus d’un an.

Autres techniques de chirurgie splénique

1. Splénectomie partielle
2. Splénorraphie : suture de la rate
3. Greffe splénique (mettre un tout petit morceau de tissu splénique dans l'épiploon ou
derrière le muscle grand droit).

Les différentes techniques permettent d'éviter les conséquences sus décrites de


la splénectomie.
237

VIII. LE COLON

1. Le cancer du colon
2. Le cancer de l'ampoule rectale
3. Le prolapsus du rectum

I. LE CANCER DU COLON

Les cancers du côlon et du rectum représentent 15 % de toutes les tumeurs malignes et


se placent dans certains pays comme la France au tout premier rang de la pathologie
cancéreuse. Cette situation se retrouve dans de nombreux pays occidentaux et
l’incidence augmente environ de 10 % tous les cinq ans.

Plusieurs facteurs alimentaires ont été envisagés. Le rôle d’un déficit en fibres
alimentaires a été suggéré dans la pathogénie du cancer du côlon et de certains états
pré-cancéreux. Il n’est pas formellement démontré mais un régime riche en fibres réduit
nettement l’apparition de tumeurs coliques expérimentalement induites chez la souris.

Des études épidémiologiques ont également permis de postuler que la dégradation


métabolique de graisses fécales en hydrocarbures cancérigènes, pouvait se produire
sous l’action des bactéries intestinales. Celles-ci métaboliseraient certains acides
biliaires en cancérogènes et cocancérogènes, et la quantité des graisses alimentaires
déterminerait la quantité d’acides biliaires pénétrant dans le côlon, et par la suite, la flore
bactérienne.

L’analyse des corrélations entre l’incidence des cancers coliques et la consommation à


l’échelon national ou régional de certains aliments ou boissons permet de retrouver dans
plusieurs pays une association entre cancer du côlon et consommation de viande de
boeuf. Le cancer du rectum paraîtrait, par contre, plus nettement lié à la consommation
de bière (?).

Parmi les facteurs de risque, on peut distinguer :

 l’existence de polyadénomes.
 L’influence de l’âge. L’incidence du cancer du côlon s’élève de façon significative à
partir de 40 à 45 ans pour doubler toutes les décades et atteindre un maximum à 75
ans. Cette constatation rejoint les résultats publiés au sujet des polypes. L’âge est
également un facteur important dans le pronostic du cancer recto-colique car
l’incidence des métastases lymphatiques s’élève à 70 % chez les malades de moins
de 40 ans et tombe à 40 % chez les sujets ayant plus de 70 ans.
 Le rôle d’une prédisposition génétique est certain pour les polyposes familiales. e.
Il est possible que des facteurs génétiques jouent un rôle dans le développement des
adénomes et des cancers, mais l’influence de l’environnement ne doit pas être
négligée.
 Les antécédents de cancer colique. Loin d’exclure ou de diminuer toute possibilité
d’une nouvelle localisation colique d’un cancer primitif, ces antécédents multiplient le
risque par 3 par rapport à une population témoin.
 Les maladies inflammatoires intestinales. Le risque est en effet élevé dans la
rectocolite hémorragique et atteint après 20 ans d’évolution 20 à 30 % de
cancérisation dans certaines séries.
238

Formes anatomo-pathologiques

La tumeur peut être végétante, infiltrante et ulcérée. Les formes macroscopiques


dépendent de la prédominance d’un de ces 3 caractères: bourgeon, virole, ulcération.

Histologiquement, il s’agit dans 80 % des cas d’adéno-carcinomes, dans 10 à 20 % de


carcinomes colloïdes muqueux, les carcinomes anaplasiques étant les moins fréquents.

L’extension de la tumeur se fait vers la profondeur de la paroi colique vers les chaînes
lymphatiques et vers les viscères voisins, le foie essentiellement. Si l’on considère la
notion de temps de doublement de la cellule cancéreuse, on peut admettre qu’au
vingtième doublement la tumeur n’a qu’un millimètre de diamètre et qu’au 30è
doublement elle a 1 cm de diamètre. C’est seulement à partir de là qu’elle devient visible
ou détectable. La vie naturelle du cancer étant limitée à 42 ou 44 doublements, ce qui
représente une tumeur de 8 à 16 mm, on voit bien qu’il n’y a pas véritablement de
diagnostic précoce, mais cependant le diagnostic reste utile puisqu’un cancer de 1 cm
de diamètre n’a pas encore envahi les tissus profonds et dans un certain pourcentage de
cas n’a pas encore donné de métastases ganglionnaires. Les cancers du côlon et du
rectum ont dans l’ensemble un meilleur pronostic que le cancer de l’estomac car leur
temps de doublement est en moyenne plus long que l’adéno-carcinome gastrique.

Circonstances de diagnostic

Elles sont nombreuses et dépendent du siège de la tumeur, de sa forme anatomo-


pathologique et du moment où apparaissent les premières manifestations.

Eléments de diagnostic

Ils sont représentés par le lavement baryté en double contraste et la coloscopie. Les
cancers multiples ne sont pas exceptionnels (2 à 5 % des cas). Toute image
radiologique douteuse implique un contrôle endoscopique obligatoire.

Le bilan doit être systématiquement complété par la recherche de métastases


hépatiques (syndrome rétentionnel anictérique, échotomographie). L’U.I,V. est utile pour
rechercher un envahissement rénal, urétéral ou, exceptionnellement, vésical.

Le dosage de l’antigène carcino-embryonnaire a un intérêt certain dans la surveillance


post-opératoire mais n’a aucune valeur pour le diagnostic.

Pronostic, prévention et détection du cancer colo-rectal

Le pronostic du cancer colique ne connaît guère, d’amélioration significative depuis de


nombreuses années. Les lésions en sont longtemps asymptomatiques et l’apparition des
signes cliniques correspond, malheureusement, à des formations tumorales avec
envahissement lymphatique pendant que les possibilités thérapeutiques sont réduites et
le pronostic extrêmement sombre (20 % de survie à 5 ans). Par contre, si le diagnostic
est fait à un stade non invasif, les métastases à distance sont alors peu nombreuses
(environ 4 %) et la survie à 5 ans approche 90 %.

La prévention du cancer concerne les stades initiaux de la tumeur, c’est-à-dire le


polyadénome, et d’une façon générale tous les “polypes”, quel que soit leur degré de
dysplasie.
239

La détection du cancer a pour but de diagnostiquer la lésion au stade muqueux afin


d’assurer aux malades le taux maximal de survie.
Les deux actes prévention et détection s’intriquent souvent dans la mesure où la
découverte d’un cancer peut également faire détecter un polyadénome qui sera traité par
polypectomie endoscopique.

La stratégie des explorations, ayant pour but de conduire à la découverte des lésions
(en dehors du dépistage de masse), varie en fonction des circonstances:
- les sujet sans aucun trouble mais se présentant parce qu’ils ont été
sensibilisés par une campagne d’information = une sigmoïdoscopie;
- les sujets présentant des symptômes intestinaux alarmants (rectorragies,
syndrome rectal) ou plus banals (colopathie fonctionnelle) doivent être
explorés par coloscopie “complète” u par la pansigmoïdoscopie et le lavement
baryté en double contraste dans les autres cas;
- les sujets à risque élevé ayant présenté une lésion tumorale colique doivent
être étroitement surveillés: coloscopie complète après la découverte de tout
adénome puis surveillance à intervalle réguliers de 3 à 5 ans (endoscopie
et/ou radiologie);
- les sujets à très haut risque doivent subir une coloscopie complète une fois par
an tant qu’ils n’ont pas été soumis à une colectomie totale.

Traitement du cancer du côlon

Le traitement du cancer colique est essentiellement chirurgical: hémicolectomie, ou


résection colique segmentaire en un temps qu’en deux temps. L’efficacité de la
chimiothérapie actuellement disponible est très limitée et il faut savoir qu’appliquée à une
dose efficace, elle expose toujours le malade à un risque toxique, surtout médullaire.

L’administration de 5 F.U. par voie intraveineuse a pu, dans certains cas, assurer une
régression transitoire du volume tumoral, il n’a jamais été démontré qu’elle augmente la
durée de survie.

Tout malade ayant été opéré d’un cancer colo-rectal doit être soumis à une surveillance
attentive: coloscopie tous les ans au cours des 5 premières années après l’intervention.
L’intérêt du dosage de l’antigène carcino-embryonnaire peut, ici, être souligné en tant
que critère de surveillance post-opératoire.
240

CANCER DU RECTUM

Plan

I. Définition
II. Gneralites
III. Anatomie pathologique
IV. Propagation
V. Clinique
VI. Bilan pronostic thérapeutique
VII. Traitement

C’est un cancer qui a beaucoup bénéficié de la chirurgie. La radiothérapie n’a pas eu les
résultats que l’on attendait.
C’est le plus fréquent des cancers digestifs. C’est un des meilleurs cancers digestifs: il
est satisfaisant et de bon pronostic s’il est dépisté et traité précocement.
Souvent hélas les malades viennent consulter assez tardivement. L’idéal serait le
dépistage systématique.

Cancer de l’ampoule rectale


Les cancers du rectum représentent 60 % de l’ensemble des cancers recto-coliques.
Comme ceux du côlon, ils se développent, à partir de polyadénomes bénins.
La prévention des cancers du rectum est donc possible: il suffit pour cela de rechercher
systématiquement l’existence de polypes du rectum et de les enlever par voie
endoscopique. Une telle tentative a été réalisée par Gilbertsein: 18 000 personnes âgées
de plus de 45 ans (risque élevé) ont été suivies durant 25 ans par des rectoscopies
périodiques. Aucun cancer invasif du rectum n’est survenu. Mais ceci pose le problème
général du dépistage des cancers. La fréquence de cette affection, la simplicité des
investigations à mettre en oeuvre justifient une telle tentative.

I. DEFINITION

Le cancer du rectum comprend :


- le cancer de l’ampoule rectale comprenant deux parties:
- haute: le traitement est la résection
- basse: le traitement est l’amputation.

- le cancer de l’anus de moins bon pronostic


- le cancer de la charnière recto-sigmoïdienne identique à un cancer du sigmoïde.

Les lésions, le pronostic et le traitement sont différents pour chacun d’eux.


Le cancer de la marge de l’anus est un cancer cutané.
241

II. GENERALITES

1. Anatomie

Le rectum :

- est situé en partie sous le péritoine


- est entouré totalement d’une gaine fibreuse, expansion de la gaine
hypogastrique. Cette gaine est une barrière à l’extension des lésions.

2. Sexe

Aussi souvent chez :


- la femme que chez
- l’homme.

3. Lésions

- Le cancer est très souvent primitif


- Parfois il survient sur des lésions secondaires :
- Polype
- Tumeur villeuse
- Recto-colite hémorragique ou ulcéreuse.

III. ANATOMIE PATHOLOGIQUE

L’aspect macroscopique d’un cancer du rectum est en relation avec son stade évolutif.
Schématiquement , tant que le polype reste bénin, mais aussi au début de
dégénérescence, la lésion est ou reste bourgeonnante. Le développement du cancer par
des phénomènes d’ischémie et de nécrose tissulaire creuse la tumeur en son sommet et
lui donne un aspect ulcéro-bourgeonnant. Lorsque ce processus s’accentue, la lésion
s’aplanit, infiltre et creuse la musculeuse rectale et réalise une forme ulcérante. L’aspect
macroscopique et la taille de la lésion sont donc un bon témoin du stade évolutif; plus la
lésion est d’aspect polypoïde, plus elle est petite et moins le risque d’extension
ganglionnaire est élevé.

A. CANCER DE L’AMPOULE RECTALE

1. Siège

Les tumeurs siègent entre le Douglas et le canal anal.

2. Aspects : 3 types de tumeurs

a. Tumeur ulcérée: la plus fréquente

- sa base s’étend sur 1 à 2 cm de hauteur


- sa surface est friable, irrégulière, bourgeonnante.
242

b. Tumeur végétante.

- sa base est plus ou moins large


- sa taille est variable
- elle diffère peu du polype.

e. Tumeur ulcéro-végétante

- cylindrique, typique
- cylindrique atypique
- colloïde ou mucoïde
- mélanome (rare)

B.- CANCER SUS-AMPULLAIRE

1. Siège
- au-dessus du Douglas

2. Aspect

- Tumeur sténosante: c’est un squirrhe ou un épithélioma à réaction fibreuse


périphérique importante. Le stroma détermine la sténose.
- Tumeur annulaire

3. Types histologique: idem

B. CANCER DU CANAL ANAL

1. Siège: au niveau du sphincter anal


2. Aspect: 3 types de tumeurs
a- Tumeur ulcérée : la plus fréquente
- sous forme de fissure, le plus souvent
b- Tumeur végétante: faux aspect de marisque
c- Tumeur ulcéro-végétante.
3. Types histologiques: Idem

IV. PROPAGATION

Trois variétés selon les localisations de la tumeur sont à envisager.

A. PROPAGATION LYMPHATIQUE

1. Normalement: il y a 3 groupes lymphatiques:


a) Groupe supérieur:
- les ganglions du hile du rectum (groupe principal)
- les ganglions mésentériques inférieurs
- les ganglions pré-aortiques.
b) Groupe hypogastrique
c) Groupe inguino-crural
243

2. Le cancer de l’ampoule rectale se propage


a- aux ganglions para-rectaux
b- aux ganglions hypogastriques
c- aux ganglions du groupe supérieur

3. Le cancer de la charnière recto-sigmoïdienne se propage au groupe


supérieur.
4. Le cancer anal se propage
a- aux ganglions hypogastriques
b- aux ganglions inguino-cruraux par les lymphatiques du périnée. C’est
ce qui en fait la gravité.

B. EXTENSION LOCALE

1. Le cancer de l’ampoule rectale s’étend après avoir perforé la gaine fibreuse.


a. Latéralement
- au releveur
- à la graisse sous-péritonéale
- aux muscles de la paroi

b. En arrière :
- au sacrum
- au coccyx

c. En avant: au Douglas puis

- Chez la femme :
- au vagin
- à la cloison recto-vaginale
- à l’utérus
- Chez l’homme :
- à la prostate
- aux vésicules séminales
- à l’urètre

1. Le cancer anal s’étend de plus :


- au sphinter anal
- à la graisse de la fosse ischio-rectale
- à la fesse
- à la peau

2. Le cancer sus-ampullaire reste longtemps mobile non adhérent

Dans les formes évolutives il s’étend:


- au promontoire sacré
- à l’utérus chez la femme
- à la vessie chez l’homme.
244

B. METASTASES A DISTANCE

1. La plus fréquente est la métastase hépatique


2. Plus rarement :
- poumons
- os.

V. CLINIQUE

Circonstaces de diagnostic

En pratique, le diagnostic de cancer du rectum se pose devant 3 types de malades


correspondant à des stades évolutifs différents.

“STADE DES RECTORRAGIES”

Le motif de consultation est univoque: des rectorragies isolées sans caractères


spécifiques. Ce signe, qui devrait obligatoirement motiver une rectoscopie, est trop
souvent négligé par les malades et attribué à un saignement hémorroïdaire. Un tel piège
doit être systématiquement évité par le médecin même devant des hémorroides
congestives et hémorragiques. L’ “association” cancer du rectum et hémorroïdes est très
fréquente.

“STADE HABITUEL DES FAUX BESOINS”

Il correspond au stade ultérieur.


Aux rectorragies s’associe alors une symptomatologie liée aux volumes de la tumeur:
sensation de plénitude rectale, faux besoins et émission de glaires: ces troubles
constituent le syndrome rectal hautement évocateur. On retrouve généralement dans les
mois qui précèdent des rectorragies isolées négligées.

“STADE DEPASSE”

Aux deux stades précédents succède une phase évoluée où la symptomatologie traduit
les conséquences générales du cancer (altération de l’état général), l’extension
régionnale (douleurs à type de sciatique par envahissement pelvien) et l’extension à
distance (foie métastatique, adénopathie de Troisier).

A. Circonstances de découvertes

Par ordre de fréquence elles sont multiples:

a. Cas typiques
- Sensations douloureuses
- Pesanteurs anales ou pelviennes
- Ténesme
- Troubles de la défécation
- Faux besoins
- Épreintes douloureuses
245

Ce sont des signes pour lesquels le malade ne vient consulter que tardivement.

- Hémoragies: il faut faire préciser leurs caractères ce qui est essentiel:

L’hémorragie précède ou enrobe les selles alors que dans les hémorroïdes elles
succèdent à l’exonération intestinale.

Plus rarement :

- Ecoulements anomaux :
- glaireux
- purulents
- Troubles du transit :
- diarrhée
- constipation
- alternance de diarrhée et de constipation.

Ces troubles sont d’apparition récente et c’est leur caractère principal.

b. Cas atypiques :
- Découverte fortuite
- hémorroïdes
- fissures
- fistules
- Symptomatologie fonctionnelle abdominale :
- douleur vague
- flatulence
Ce sont des formes vicieuses n’orientant pas spécialement le diagnostic vers le cancer
du rectum. C’est un examen complet qui le découvrira.
- Altération de l’état général chez un vieillard sans explication
- asthénie
- anoréxie
- amaigrissement
- Etat anémique inexpliqué
- Etat fébrile sans étiologie

Ces signes peu évocateurs doivent faire pratiquer un examen général et un toucher
rectal.

3. L’examen

Se compose de 4 temps essentiels :


- toucher rectal associant si possible anuscopie
- rectoscopie
- biopsie
- lavement baryté
a. Toucher rectal : c’est l’examen de base
- Technique: successivement on examine le malade dans les positions
suivantes:
- Position genu pectorale
- Décubitus dorsal avec flexion des membres inférieurs sur le bassin
- Décubitus latéral.
246

- Il précise le type de la lésion :


- tumeur ulcérée
- tumeur végétante
- tumeur ulcéro-végétante

- Il trouve les caractères fondamentaux (++++): de la tumeur qui permettent de soupçon-


ner le diagnostic. Il s’agit d’une lésion :
- Indolore
- Indurée
- Hémorragique au toucher (+++)

- Il localise la tumeur :
- En hauteur par rapport à l’anus. Cela a une grande valeur thérapeutique.
- En surface
- Par ses limites.

- Enfin, il recherche la mobilité de la tumeur, si elle est:


- fixe : c’est un élément de gravité
- mobile.

b- La rectoscopie que tout médecin devrait savoir faire:

- Technique
- se fait sur un rectum évacué
- avec une technique parfaite
- Valeur

- Préciser le type de la lésion


- Renseigner sur l’état de la muqueuse
- Situe la tumeur :
- en hauteur
- sur les parois,
- Permet :
- la biopsie (+++)
- des photos

- Défauts
- Technique inadéquate
- Refoulement de la paroi qui ne permet pas de mesurer la hauteur
- Peut cacher une lésion sus-sphinctérienne.

c.La biopsie
- Permet un examen histologique
- Résultats
- La valeur est capitale si le résultat est positif
- La valeur est nulle si le résultat est négatif.

Il faut en ce cas répéter la biopsie au moindre doute.


247

d. Le lavement baryté
- Technique
- Sur rectum évacué avec préparation parfaite
- Avec plusieurs incidences
- Images:
- Soit image de lacune
- Soit aspect marécageux
- Soit image de lacune circulaire.

BILAN PRE-OPERATOIRE ET PRONOSTIC

En pratique, le bilan pré-opératoire d’un malade porteur d’un cancer du rectum est centré
sur deux axes de recherche.

 Existe-t-il une ou plusieurs autres localisations tumorales sur le cadre colique ? Cette
éventualité fréquente doit être recherchée soit par le lavement baryté en double
contraste, soit par une coloscopie,
 Existe-t-il des métastases viscérales (en particulier hépatique) (phosphatase
alcalines, gamma GT, parfois laparoscopie) ? Leur présence contre-indique une
radiothérapie pré-opératoire et peut être même un geste chirurgical mutilant. Dans
certains cas, une UIV peut être utile.

B. CANCER RECTO-SIGMOIDIEN

1. Circonstances de découvertes

a. Souvent il s’agit de troubles du transit :


- Constipation:
- non pas tellement une constipation ancienne
- mais surtout une constipation d’installation récente à 50 ou 60 ans
c’est évocateur.

- Diarrhée :
- Elle amène souvent à consulter.
- Alternance de diarrhée et constipation.

b. Parfois un trouble fonctionnel abdominal:


- Un ballonnement inexpliqué post-prandial ou permanent
- Une flatulence d’apparition récente.

c. Plus rarement une hémorragie rectale.


- survenue d’une petite hémorragie
- ou selles enrobées de sang.

2. Examen

a- Le toucher rectal est à faire systématiquement mais il n’apporte rien au


diagnostic car le doigt ne peut atteindre la charnière recto-sigmoïdienne.
248

b- Le lavement baryté montre des images de sténose :


- siègeant sur la charnière rectosigmoïdienne
- relativement limitée : 2 à 3 cm
- excentrée
- aux bords irréguliers.
c- Rectoscopie: sigmoïdoscopie
- Montre la lésion
- Permet une biopsie qui apporte le diagnostic.

C. CANCER DU CANAL ANAL

“Il fait parler de lui très tôt “: Mais il prend un aspect banal qui a tendance à ne pas
alarmer le médecin.

1. Signes :
a- Il est douloureux, très douloureux au moment de l’exonération (++)
b- Il donne la sensation de corps étranger dans le rectum
c- Il s’accompagne de rectorragies.

2. Examen
a- Une ulcération
- dure
- douloureuse
- saignante.
b- Une fissure indurée
c- Une marisque (hémorroïde thrombosée) il s’agit alors d’une forme:
- végétante
- dure

3. En présence de ces 3 formes: il faut demander au moindre doute un examen


histologique.

V.- BILAN – PRONOSTIC THERAPEUTIQUE

Doit comprendre un certain nombre de facteurs:

A – PRECISER LA DISTANCE DU POLE INFERIEUR DE LA TUMEUR A L’ANUS

Car un cancer accessible au doigt nécessite une amputation.


Un cancer non accessible: une résection.

B – APPRECIER L’EXISTENCE DU CANCER :

1. En profondeur:

- une tumeur mobile :


- opération aisée
- bon pronostic
- une tumeur fixe :
- opération délicate
- moins bon pronostic
249

2. Antérieure :
- cloison recto-vaginale
- isthme utérin, urètre
- prostate, vésicule séminale
- vessie (cystoscopie)
3. Postérieure : rare, urétère (urographie).

C- RECHERCHE DES METASTASES :


- Scintigraphie hépatique
- Radiographie pulmonaire

D- APPRECIER L’ETAT GENERAL

- Tare
- Obésité
- Infection

VI – TRAITEMENT (plan)

Le traitement du cancer de l’ampoule rectale est essentiellement chirurgical, toutefois


plusieurs moyens thérapeutiques peuvent être discutés en fonction de la situation et de
l’étendue de la lésion.

La radiothérapie externe, si elle est utilisée de façon isolée, doit être considérée
comme une thérapeutique à visée palliative. Elle permet, chez des malades inopérables,
de réduire le volume tumoral, de diminuer la symptomatologie fonctionnelle et peut-être
de ralentir l’évolution. Elle devient à visée curatrice si elle est associée à la chirurgie et
réalisée en pré-opératoire. Il n’est pas évident qu’elle permette d’augmenter les chances
de guérison, mais elle réduit la fréquence des récidives locales, en particulier chez
l’homme, surtout lorsqu’il s’agit d’une tumeur bas située (durée trois semaines, dose
totale 3 000 rads).

Traitements locaux. Ils sont représentés par une tumorectomie, réalisée soit par
électro-coagulation, soit par radiothérapie de contact, soit même par exérèse chirurgicale
trans-anale. Cette tumorectomie comporte une grave incertitude: n’existe-t-il pas
d’éventuelles métastases ganglionnaires au niveau de hile rectal qui pourraient être
enlevées par une exérèse chirurgicale ? Les défenseurs de ces méthodes estiment
qu’une telle éventualité est rare (6 à 8 %), et qu’elle est compensée par l’absence de
mortalité opératoire. Cet argument est difficilement acceptable et l’indication de ces
méthodes est essentiellement fonction de l’âge et de l’état général des malades.

Par contre, les pourcentages de survie à 5 ans après les procédés locaux sont
comparables à ceux de la chirurgie classique lorsque l’indication est valable: tumeur de
petite dimension, dont le calibre est inférieur à 3 cm, d’aspect macroscopique
bourgeonnant, car il s’agit alors de lésions peu évoluées pour lesquelles le risque
d’extension ganglionnaire est relativement faible.

Les techniques qui permettent d’enlever la tumeur et son socle musculaire (électro-
exérèse, électro-coagulation) permettent de s’assurer de l’absence d’envahissement de
la musculeuse, ou de préciser la situation inverse qui imposerait une amputation
secondaire.
250

Traitement chirurgical
Il est chirurgical et consiste en deux opérations :
- la résection
- l’amputation avec anus iliaque définitif

A- CAS GENERAL

1. Cancer recto-sigmoïdien
- résection par voie abdominale

2. Cancer ampullaire haut


- résection par voie abdominale

3. Cancer ampulaire bas


- amputation par voie abdomino-périnéale
- en 1 ou 2 temps
- avec 1 ou 2 équipes

4. Cancer du canal anal


- amputation large par voie abdomino-périnéale
- radiothérapie pré et post-opératoire

Les techniques chirurgicales utilisées dans le traitement des cancers du rectum sont
nombreuses et leur choix dépend pour l’essentiel du siège de la tumeur.
 Les cancers du tiers inférieur du rectum, situés de 0 à 6 cm de la marge de l’anus,
ont une double extension lymphatique, vers la chaine hémorroïdale supérieure, mais
aussi latéralement vers les hémorroïdales inférieures. Leur traitement relève
systématiquement de l’amputation abdomino-périnéale. L’exérèse, large, enlève le
rectum, l’anus, l’appareil sphinctérien et la peau de la marge de l’anus. Elle est, en
fait, une pelvectomie postérieure. Elle est suivie d’un anus iliaque définitif. Cette
intervention large et mutilante, outre la colostomie, détermine des troubles génitaux
et urinaires. La survie globale à 5 ans est de l’ordre de 50 %.
 Les cancers du tiers supérieur du rectum (de 11 à 15 cm de la marge de l’anus) ont
une extension lymphatique ascendante, exclusivement vers la chaîne hémorroïdale
supérieure. Ils sont accessibles par laparotomie. On peut par cette voie, réaliser
l’exérèse de la lésion et le rétablissement de la continuité. Cette intervention qualifiée
de résection antérieure consiste, en fait, à élargir aux cancers du rectum le traitement
habituellement utilisé pour les lésions sus-jacentes.
 Les cancers du tiers moyen (6 à 11 cm) sont ceux qui posent le plus de problèmes
d’indication thérapeutique.
- Ils sont parfois traités comme les lésions sus-jacentes par résection antérieure;
mais cette solution n’est pas satisfaisante sur le plan carcinologique car, du fait de
l’étroitesse du bassin et de la nécessité de conserver un segment inférieur suffisant
pour réaliser une anastomose, la section passe trop près de la tumeur, ce qui
explique les mauvais résultats carcinologiques. Cette méthode doit être rejetée.
- Ils sont souvent traités comme les lésions sous-jacentes par amputation du rectum;
mais l’amputation est inutilement mutilante pour ces lésions qui peuvent être traitées
par un procédé conservateur avec des résultats carcinologiques identiques.
251

Le procédé conservateur peut être :


 soit la résection abdomino-trans-anale (type Babcok), mais les résultats fonctionnels
sont souvent décevants.
 Soit la combinaison d’une voie abdominale et d’une voie postérieure, la voie
postérieure trans-sphinctérienne permettant de réaliser une anastomose colo-anale
(technique dérivée des interventions de Localio et York-Mason) les résultats
fonctionnels sont excellents.

COMMENT REALISER L’ELECTRO-RESECTION


TRANSANALE D’UNE TUMEUR ?

Après dilatation anale lorsque la tumeur est directement accessible, une électro-
résection peut être réalisée. On peut également extérioriser la tumeur par traction
sur les fils implantés tout autour (technique du parachute), ou bien on peut attirer la
tumeur vers la marge anale par dissection d’un “lambeau tracteur”, c’est à dire d’une
bandelette muqueuse et musculaire commençant à la marge anale et remontant
jusqu’au pôle supérieur de la lésion.

B – DANS CERTAINS CAS

On fera la résection avec un anus iliaque temporaire pour éviter que les sutures
ne lâchent.

CONCLUSION :

Le cancer du rectum est de bon pronostic, mais l’amélioration des résultats ne se


fera qu’au prix d’un dépistage plus précoce de la tumeur. L’idéal actuellement
serait le dépistage systématique comme pour le cancer du col utérin.

III. LE PROLAPSUS DU RECTUM

C’est une maladie dans laquelle la paroi entière du rectum descend à travers l’anus. Ce
prolapsus doit être différencié du prolapsus muqueux qui est particulièrement commun
au niveau des hémorroïdes.

La raison du prolapsus rectal s’apparente à une sorte d’invagination du rectum à travers


l’anus mais le facteur favorisant est un déficit dans les structures qui supportent le
rectum.

Quelles sont ces structures ?

Un mésentère postérieur, des replis péritonéaux, des attachements fasciaux et les


muscles releveurs de l’anus. Dans la portion antérieure, les muscles pubo-rectaux
établissent, dans les conditions de repos, un angle aigu entre la portion inférieure du
rectum et l’anus, en tirant sur l’anus en antérieure. Ceci entraîne une espèce de
fermeture pneumatique qui contribue à la continence. On le sait, lors de la défecation, la
contraction de ces muscles amène l’anus en continuité avec le rectum. Par conséquent,
252

lorsqu’il y a une atteinte acquise de l’activité des muscles pubo-rectaux, l’angle de


fermeture naturelle disparaît et rien ne s’oppose à un éventuel prolaps.

Présentation clinique.

Dans la forme la plus complète, le diagnostic est évident: on voit une masse qui fait
protrusion à travers l’anus. Dans les cas initiaux, le prolaps peut ne pas être visible à
l’inspection seule, il faut demander au patient de faire un effort de défécation pour voir
apparaître le prolaps.

Dans la position prolabée, la muqueuse devient irritée, elle saigne facilement, elle
secrète du mucus. Du fait de l’élargissement continuel de l’anus, on a également une
incontinence quasi constante. Outre la démonstration par l’augmentation de la pression
intra-abdominale de la présence du prolapsus, on peut apprécier l’importance de la
faiblesse de la musculature pelvienne et de l’anneau sphinctérien par toucher rectal, en
demandant au patient de contracter son sphincter. On peut ainsi se rendre compte de la
diminution de la force musculaire sphinctérienne.
Diagnostic différentiel.

Essentiellement, les formes frustes de prolaps rectal doivent être différenciées des
prolaps purement hémorroïdaires.

Complications.

La muqueuse prolabée montre des signes de friabilité superficielle, d’ulcération,


d’oedème. Exceptionnellement, le prolaps sera irréductible. La gangrène de la paroi
antérieure du rectum est une complication possible, mais relativement rare.

Traitement.

Le premier point est de décider si le patient est dans un état général suffisant pour
justifier un traitement chirurgical.
Quand on a affaire à des patients à bons risques, la meilleure façon est d’aborder en
trans-abdominal et de mobiliser le rectum.
On entre dans l’espace présacré, postérieur par rapport au rectum, on tire doucement
sur le rectum et une fois qu’il est réintégré, il est profondément ancré à la paroi
antérieure du sacrum.

Divers procédés ont été testés: de toute façon, il en résulte toujours une fibrose
périrectale qui contribue à ancrer le rectum en bonne position, en avant du sacrum.

Une autre technique consiste à faire une résection du rectum avec une anastomose
antérieure basse entre le côlon et la partie tout inférieure du rectum. Certains proposent
également de faire la résection recto-colique par voie périnéale, en coupant la jonction
cutanéo-muqueuse et en tirant sur l’excès de rectum et de côlon. On observe à peu près
85 % de succès par ces diverses techniques, mais il faut dire que, si le patient est
incontinent avant l’intervention, il le reste après celle-ci.
253

. CHIRURGIE DES HYPERTENSIONS PORTALES

- La chirurgie des HPT est une chirurgie symptomatique.


- Sur l’origine des HPT nous sommes désarmés au point de vue chirurgical et
ce cours s’adressera plutôt à leurs manifestations:
- Hémorragies digestives et leur pronostic vital
- Syndrome ascitique.

PHYSIO-PATHOLOGIE

Le système porte est un système clos où le sang artériel se trouve déversé à forte
pression provenant :

- du tronc coeliaque
- des mésentérique inférieure et supérieures.

L’ensemble de cet apport sanguin artériel est drainé par un système veineux qui
se rassemble en un tronc unique qui se ramifiera à nouveau dans le foie.
On conçoit qu’un obstacle sur les branches principales, le tronc porte lui-même,
ou dans le foie, provoque très rapidement une hypertenstion veineuse en amont.
Cet obstacle peut se trouver situé à 3 niveaux :

1. Extra-hépatique ou pré-hépatique:
- Les branches de la veine porte (VP) et particulièrement la veine splénique, ou
le tronc porte lui-même seront intéressés dans ce cas.
- Les causes de l’obstacle peuvent être :
- congénitales : par aplasie
par duplication de la VP
- acquises : pancréatite chronique.

2- Intra-hépatique :
a) Pré-sinusoïdal :
Bilharziose, avec des cellules hépatiques à peu près intactes, la sclérose porte
intéresse les ramifications de l’espace porte et les sinus.
b) Persinusoïdal et post-sinusoïdal :
Dans les cirrhoses communes la sclérose englobe le sinus rameux sus-
hépatique et surtout les nodules de régénération viennent comprimer les
veines sus-hépatiques.
3. Supra-hépatique

Classique syndrome de Budd-Chiari mais très rare.

Les données de la manométrie splénique et de la pression sus-hépatique libre et


bloquée permettent d’étudier les modifications suivantes :

a) Pour un obstacle pré-hépatique: pression splénique: élevée


pression sus-hépatique: normale
b) Dans les cirrhoses communes ou le syndrome de Budd-Chiari
Concomitante de la pression sus-hépatique bloquée qui reflète la pression intra-
sinusoïde et de la pression splénique.
254

MANIFESTATIONS

I. HEMORRAGIES DIGESTIVES
Qui mettent en jeu le pronostic vital d’avantage par rupture de varices
oesophagiennes que par méïopragie capillaire.

Mécanisme de formation des varices oesophagiennes:

a) Anastomoses porto-caves
Du point de vue anatomique, elles sont relativement peu nombreuses et
l’examen d’un schéma met en évidence la primauté des voies veineuses
oesophagienne et para-oesophagienne.
- les veines coronaires stomachiques,
- les vaisseaux courts de l’estomac,
- la veine gastrique postérieure
- les vaissseaux cardio-tubérositaires
relient directement les veines oesophagiennes.

Les autres anastomoses ont peu de valeur :


- soit parce qu’elles sont exceptionnelles comme la voie ombilicale,
- soit parce qu’elles sont de faible débit : comme les anastomoses entre les
V.hémorroïdales supérieures, les moyennes et inférieures.

On comprend donc la prédominance et le développement rapide des varices


oesophagiennes. Mais leur siège sous-muqueux les exposent à des traumatismes.

b) Des traumatismes :
- alimentaires et chimiques par reflux gastrique
- hypertension abdominale lors d’un effort de toux par exemple.
La transsudation et la fragilité capillaire joue un rôle moins important que les
traumatismes sur les varices oesophagiennes et la muqueuse fragile.

II. ASCITE

La transsudation de plasma à travers les capillaires due à l’hypoprotidémie a un


rôle moins important que les lymphatiques qui en principe, non visibles, sont
distendus et gonflés, se dirigeant vers le foie comme on le constate à
l’intervention.

TRAITEMENT ESSENTIEL DES HEMORRAGIES DIGESTIVES

1.- INTERVENTIONS DE DECONNECTION

Pour supprimer l’apport sanguin sur les varices


Pour diminuer la pression portale.

- Sur l’apport sanguin:

a. Splénectomie
Car l’artère splénique est branchée directement sur l’aorte par l’intermédiaire
du tronc coeliaque et fournit environ 30 % du courant portal.
De plus l’hypersplénisme entraîne des troubles hématologiques.
255

b. Déconnection péri-cardio-oesophagienne
La section musculeuse et la ligature des veines rencontrées est insuffisante et
nécessite une transsection.
c. Certains ont proposé la transsection gastrique
Au niveau de l’union ½ supérieur 1/3 moyen avec réanastomose ensuite.
d. D’autres préfèrent la transsection oesophagienne mais le risque opératoire est
plus grave car l’anastomose est plus précaire.

2. DIRECTEMENT SUR LES VARICES

- Les scléroses des varices oesophagiennes ne donnent aucun résultat,


- La ligature des varices est pratiquée par certains en urgence
- Oesogastrectomie polaire supérieure

Cette technique touche les varices elles-mêmes mais représente surtout une
intervention de déconnection avec 16 % de mortalité et la possibilité de récidives.

De plus on doit accepter le risque d’oesophagite peptique.

3. CREATION D’ANASTOMOSE PORTO-CAVE

Semble la méthode la plus radicale.

Mais nécessite non seulement une pression portale suffisante en valeur absolue
(25 cm H20) mais surtout un gradient de pression suffisant (20 cm. H20).

Car le syndrome de BUDD-CHIARI ou une hypertrophie du lobe de Spiegel qui


dans ce cas comprime la veine cave sur les piliers du diaphragme risquent
d’augmenter la pression de la VCI avec des chiffres des 25 ou 30 cm H20 dans la
veine porte.
Enfin, la taille de l’anastomose doit être suffisante (10 mm au moins).

TYPES D’ANASTOMOSES

I. TRONCULAIRES

Deux types : - latéro-latérale


- termino-latérale
Théoriquement, 3 éventualités peuvent donc survenir après clampage probable du tronc
porte.

1. La pression au-delà du clamp vers le foie diminue brusquement , le foie n’est plus
vascularisé et une ischémie est à redouter.
2. La pression loin de s’abaisser monte encore, l’artérialisation hépatique était telle que
le système porte par ses varices drainait le sang des autres viscères et le sang
hépatique, c’est pourquoi la suppression de ce retour par la VP à contre-courant
exposerait donc le foie à l’anoxie par stase.

3. La pression portale diminue mais se maintient à un taux qui permet d’espérer une
oxygénation hépatique suffisante.

C’est le seul cas où une anastomose termino-latérale puisse être envisagée sans
256

danger. Tout ceci est très clair sans doute mais en fait trop schématique et trop
théorique.

II. RADICULAIRES

A. Spléno-rénale termino-latérale

B. Mésentérico-cave

Après splénectomie le bout terminal de la veine splénique est implanté sur le bord
supérieur de la veine rénale.

Mais devant le diamètre souvent insuffisant de la veine splénique et pour augmenter le


débit on préfère la modalité termino-terminale.

Chez l’enfant par contre on préfère soit l’anostomose mésentérico-cave ou plus


volontiers mésentérico-iliaque.

INDICATIONS

Varient selon le terrain.

Le plus souvent il s’agit d’un homme de 50 ans cirrhotique, ayant présenté brusquement
une hémorragie dramatique.

On tiendra compte :
- de son âge
- de l’altération hépatique par les examens biologiques
- d’un début d’ascite.

TRAITEMENT D’URGENCE :

Par la sonde de Blakemore qui 8 fois sur 10 sera efficace. Mais il faut savoir que l’on
devra dégonfler toutes les 6 heures pour éviter une ischémie de la paroi oesophagienne.
D’autre part, ce procédé sera inefficace dans les hémorragies d’origine cardiale.

Enfin, un bilan s’impose pour porter les indications thérapeutiques. Il comprendra:

a- Une recherche de varices oesophagiennes par un examen radiologique révelant:


- des lacunes régulières en chapelet
- des encoches des bords.
b- Une étude de la pression portale
c- Une splénoportographie :

Elle objective:
- les anastomoses et les V. oesophagiennes
- l’HTP car normalement il n’y a pas de reflux coronaire stomachique ou
mésentérique inférieur
- la taille de la veine splénique
- l’existence ou non de thrombose portale.
257

Examen irremplaçable malgré le risque de splénectomie d’urgence.

Ainsi une fois ce bilan réalisé on envisagera les différentes sanctions thérapeutiques
selon le niveau de l’obstacle.

a.- Barrage pré-hépatique :


- par : - folliculite hépatique ou splénique
- pancréatite

On réalise une splénectomie et anastomose spléno-portale

b.Barrage intra hépatique


On réalise une dérivation tronculaire mais on conserve l’hypersplénisme.
En cas de thrombose de la VP toute intervention est à proscrire.

En cas d’ encéphalopathie portale l’anastomose tronculaire est à rejeter en raison


de son retentissement cérébral violent et on préfère l’anastomose spléno-rénale.

Lors d’un syndrome de Budd-Chiari.

On réalise une anastomose mésentérico-cave si le gradient de pression le permet


avec le risque d’une opération complémentaire pour libérer la veine cave.

Deux complications peuvent émailler toutes ces interventions.


- thrombose de la Veine porte
- insuffisance hépatique

TRAITEMENT DE L’ASCITE

- Le drainage échoue souvent.


- La ligature de l’artère hépatique est abandonnée.

Seul le traitement médical est efficace en supprimant le déséquilibre protidique.

RESULTATS

Environ 20 % d’amélioration avec le risque d’insuffisance hépatique ou


d’encéphalopathie porto-cave. De toute manière un cirrhotique qui a fait une hémorragie
en réfera.
258

10. LA PROCTOLOGIE

1. Sémiologie proctologique
2. Hémorroïdes
3. Fissure anale

DEFINITION
RAPPELS ANATOMIQUES
RAPPELS PHYSIOLOGIQUES
ANAMNESE PROCTOLOGIQUE
EXAMEN PROCTOLOGIQUE:
INSPECTION
PALPATION, TOUCHER RECTAL
ENDOSCOPIE
MANOMETRIE ANO-RECTALE
DEFECOGRAPHIE
ELECTRO-MYOGRAPHIE
MATERIEL
AFFECTIONS PRINCIPALES:

PATHOLOGIE VASCULAIRE: HEMORROIDES

FISSURES ANALES
SUPPURATIONS: PERIANALES: MALADIE DE VERNEUIL
MALADIE PILONIDALE
ANALES : ABCES
FISTULES.
TROUBLES DE LA STATIQUE ANO-RECTALE :
DESCENDING PERINEAL, SYNDROME
PROLAPSUS (INTUSSUSEPCION) MUQUEUX
RECTOCELE
PATHOLOGIE DERMATOLOGIQUE : DERMITE PERIANALE
PRURIT ANAL
ECZEMA, PSORIASIS…
MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES :
CONDYLOMES ACUMINES
SYPHILIS
ANORECTITES: GONOCOCCIQUES
A CHLAMYDIA TRACHOMATIS (NICOLAS-FAVRE)
HERPETIQUES.
DOULEURS REBELLES : PROCTALGIES FUGACES
COCCYALGIES
NEVRALGIES ANORECTALES.
TUMEURS ANALES BENIGNES
RECTALES MALIGNES
259

SEMIOLOGIE PROCTOLOGIQUE

Les plaintes du patient atteint d’une affection proctologique expriment: des


douleurs; des pertes de sang, de mucosité, de pus; une tuméfaction de la région anale;
des troubles de la défecation. Le plus souvent il se croit atteint d’hémorroïdes, il faut se
garder de ce diagnostic de facilité, l’anamnèse doit être précise et l’examen détaillé.

ANAMNESE

On recherchera dans les antécédants familiaux: les tumeurs intestinales, une


faiblesse du système veineux (hémorroïdes, varices). On questionnera le patient sur ses
antécédants digestifs (gastriques, intestinaux, hépatiques), sur ses habitudes
alimentaires (alcool, épices…), sur le transit intestinal, la fréquence et la qualité des
défécations.
On fera préciser la date du début des symptômes et leur évolution dans le temps.

1º Les douleurs

S’agit-il d’une douleur aiguë ou d’une simple gêne, d’une pesanteur ou la douleur est elle
ressentie et quels sont ses rapports précis avec la défécation ?

Une fissure anale est ressentie par une douleur aiguë, comme une brûlure débutant
après la défécation et se prolongeant longtemps pour devenir à la longue presque
permanente au point que le patient se retient d’aller à la selle.

Une douleur violente continue, d’apparition soudaine s’atténuant après quelques jours
évoque une thrombose hémorroïdaire.

Une douleur violente, pulsatile, empêchant le malade de dormir et s’accompagnant d’un


état fébrile évoque un abcès périanal.

Une sensation de brûlure au passage de la selle évoque l’anite.


Les hémorroïdes ne sont pas douloureuses mais entraînent une sensation de pesanteur
anales parfois des faux besoins et l’impression que “tout n’est pas fini” après une
défécation (ténesme). Les hémorroïdes ne deviennent douloureuses que si elles se
compliquent (thrombose, fluxion, étranglement).

Il faut dissocier des douleurs anales, les douleurs ressenties au niveau du coccyx
(coccydynies) et de la région sacro-coccygienne (abcès sacro-coccygien).

Enfin certains patients se plaignent d’un prurit parfois féroce rarement associé à des
troubles de la sensibilité du périnée.

2º Les pertes de sang, de mucus ou de pus

Habituellement une perte anale de sang inquiète fort les malades d’autant plus qu’il suffit
d’une faible quantité pour que l’eau du vase et la cuvette prennent une bonne teinte
rouge qui impressionne.
260

On essayera de faire préciser si le sang est apparu au moment de l’essuyage, après la


selle ou au contraire si le sang est mêlé avec la selle ou survient en dehors de toute
défécation avec souvent un peu de glaires.

Si le sang est associé à du mucus il faut penser à la rectocolite, à l’ulcère solitaire du


rectum, aux tumeurs villeuses. Les pertes de mucus qui tachent le linge s’observent
dans les prolapsus hémorroïdaires et rectaux, les tumeurs villeuses, l'écoulement
évoqué ou une fistule périanale qui se fistulise en apportant un soulagement des
douleurs. Si le mucus est mêlé de selles il faut penser à des troubles de la continence.

3º Présence d’une tuméfaction anale

Est elle apparue soudainement, est elle douloureuse, se réduit-elle spontanément ou


nécessite-t-elle de la part du malade une manoeuvre de réduction ?

Une tuméfaction évoque des marisques, une thrombose hémorroïdaire, des hémorroïdes
prolabées, parfois étranglées, un prolapsus du rectum, sa nature sera précisée par
l’examen clinique.

4º Troubles de la défécation

Par la douleur, une fissure anale ou un abcès de l’anus entraîne une rétention des
matières.
On fera préciser toute modification de la défécation: constipation récente, diarrhée,
alternance de diarrhée et de constipation. On demandera s’il n’existe pas de “faux
besoins” en expliquant qu’il s’agit d’un besoin qui n’aboutit qu’à l’émission d’un peu de
glaire parfois teintée de selles ou de sang : cette symptomatologie évoquant toujours
l’hypothèse d’une tumeur rectale ou rectosigmoïdienne bien qu’elle peut aussi s’observer
dans les prolapsus hémorroïdaires. On évoquera l’existence possible de selles
rubannées ou de calibre rétréci.

EXAMEN PROCTOLOGIQUE

Le patient est mis en position génu pectorale, appuyé sur les coudes fléchies et le dos
creusé pour faire saillir le postérieur et provoquer un léger écartement des fesses.

Il faut mettre le patient en confiance et expliquer les nécessités de cette position


manifestement gênante.

Il faut disposer d’un bon éclairage, de doigtiers, au minimum d’un anuscope ou mieux
d’un recto-sigmoïdoscope flexible avec éclairage à la lumière froide.

ON OBSERVERA A L’EXTERIEUR DE LA REGION ANALE

Un eczéma, une dermatose avec oedème des plis périanaux


Une rougeur et la tuméfaction d’un abcès périanal
L’orifice externe d’une fistule d’où sourd un peu de pus, des condylômes.
Les cicatrices d’interventions anales antérieures.
Des marisques
Des hémorroïdes prolabées
La tuméfaction bleutée de la thrombose hémorroïdaire
Des lésions de grattage et de prurigo
261

Un prolapsus rectal extériorisé

En déplissant l’anus on découvrira une fissure située au niveau d’une commissure


antérieure ou postérieure ou une fissure latérale qui doit, jusqu’à preuve du contraire,
faire toujours suspecter un cancer de l’anus ou une maladie de Crohn.

On observera la région sacrococcygienne pour éliminer un éventuel kyste pilonidal


abcédé ou fistulisé et qui pour le malade est souvent interprété comme venant de l’anus.

Il faut alors demander au patient de pousser “comme s’il allait à la selle” et l’on voit
s’extérioriser des hémorroïdes internes ou un prolapsus anal ou rectal.

Les doigts seront alors protégés par un doigtier ou mieux la main sera gantée et
l’examen se poursuit par la palpation.

PALPATION

Une palpation délicate de la région périanale permettra de percevoir la légère


saillie douloureuse d’un abcès et par une palpation bidigitale (doigt à l’intérieur, un doigt
à l’extérieur) on peut sentir le trajet légèrement induré d’une fistule.

On pratique alors le toucher rectal.


Le toucher rectal permet une exploration jusqu’à 7 à 10 cm. Il va permettre de découvrir
des tumeurs anales ou rectales basses. Chez la femme on percevra à travers la paroi
antérieure le col utérin et chez l’homme la prostate dont les caractères seront appréciés.
On évaluera également par une palpation entre le pouce et l’index les bords du canal
anal (fibrose, cicatrices, papillites…)

ANUSCOPIE

L’introduction d’un anuscope permet un examen visuel jusque 7 à 8 cm. L’idéal est de
disposer d’un rectoscope rigide de 15 cm qui permet un examen de la totalité de
l’ampoule rectale.

L’appareil est introduit délicatement avec son obturateur, il est bien lubrifié, il sera orienté
dans l’axe du canal anal (c’est-à-dire pointant vers l’ombilic) on demande au malade de
pousser légèrement comme pour aller à la selle ce qui relâche le sphincter et facilite
l’introduction.

Après 2 à 3 cm d'introduction l'orientation de l'appareil est modifiée pour qu'il pointe vers
le sacrum et on poursuivra avec douceur l'introduction.

Si on utilise un rectoscope court l’obturateur est enlevé après 4 à 5 cm et la progression


de l’instrument, muni de l’éclairage se fait sous le contrôle de la vue mais toujours avec
beaucoup de douceur.

L'examen se fera de la profondeur vers l'anus en retirant lentement l'instrument. On peut


découvrir des lésions tumorales, des ulcérations, un état inflammatoire de la muqueuse.

A 3cm de la marge, on demandera au malade de pousser et on peut voir la protrusion


dans la lumière de l'instrument d'un prolapsus interne.
262

A la limite de la muqueuse rectale et anale à hauteur des cryptes de Morgagni on peut


voir sous forme de crête des papilles hypertrophiées. En retirant encore légèrement
l'instrument peuvent apparaître les saillies bleuâtres des hémorroïdes internes qu'une
poussée vient faire prolaber dans l'appareil. Au niveau de la marge on découvrira enfin
les fissures ou les cancers de l'anus.

L'examen est alors terminé d'autres détails sont parfois nécessaires, ils seront décrits
avec les différents aspects de la pathologie ano-rectale.

HEMORROIDES

INDICATION: Peut être utile à tous les stades de gravité des hémorroïdes.
Plus efficaces dans les stades les moins graves.

A. REGLES HYGIENO-DIETETIQUES

1. REGULARISER LE TRANSIT :
Régime riche en fibres.
Son de froment.
Mucilages.
Boissons abondantes.
Pas de laxatifs irritants (cascara, sénosides, phénolphtaléine)
Huile de paraffine. (Agarol. Lansoyl)

2. LUTTE CONTRE LA SEDENTARITE :


Gymnastique. Natation, Sports (sans compétition acharnée)
Sauf lors des “crises hémorroïdaires”

3. ALIMENTATION :
Supprimer : les irritants (épices)
Les vasodilatateurs: café, thé, alcools.
B. MEDICATIONS.
BUTS: diminuer l’oedème
l’inflammation.

1. GENERALES :
VEINOTROPES: action: contraction de la paroi veineuse
Diminution de la perméabilité capillaire
Augmentation de la résistance capillaire
(Venoruton 300; Reparil; Fragivix; Glyvenol; Daflon)
à forte posologie A.I.N.S.: pendant une courte durée. (Voltaren; Rofenid)

2. LOCALES:
ONGUENTS. (lésions externes)
SUPPOSITOIRES. (lésions intra-canalaires)
Corticoides (anti-inflammatoires)
263

Anesthésiques locaux
MentholSous-gallate de bismuth (astringent, antiseptique)
(Scheriproct; Ultraproct; Trianal; Procto-Synalar; Proctyl)

TRAITEMENTS LOCAUX PLUS SPECIFIQUES :


Mycolog onguent
Daktacort onguent
Daktarin onguent
Daktarin poudre

TRAITEMENTS GENERAUX :
Sédatifs
Antihistaminiques
Nizoral
Sporanox

C. CHIRURGIE

FISSURE ANALE
La fissure anale est une ulcération superficielle de la partie sous-vavulaire du canal anal.
Elle s’accompagne assez souvent de formations para-fissuraires: un repli cutané externe
(dit “hémorroïde sentinelle”) et une papille hypertrophiée (ou “polype fibreux
hémorroïdaire interne”). C’est une lésion fréquente, cause majeure des douleurs anales,
avec les thromboses hémorroïdaires et les abcès. Elle s’observe surtout entre 20 et 50
ans, frappant également les deux sexes avec une légère prédominance féminine.

Etiopathogénie

De nombreuses théories (vasculaire, infectieuse, psychosomatique, mécanique) ont


essayé d’expliquer la formation d’une fissure anale. Elles ont toutes une part de vérité.
Actuellement, on insiste sur le rôle essentiel de la contracture du sphincter interne, qui
explique l’apparition de la fissure et la tendance spontanée à la chronicité ou du moins à
la récidive. On peut considérer la fissure anale comme une déchirure due à une selle
dure et traumatisant un canal anal remanié.

Diagnostic

La fissure donne lieu à des douleurs caractéristiques et une contracture sphinctérienne.


La douleur s’identifie à l’interrogatoire par ses conditions d’apparition et par son évolution
chronologique. L’aspect de ses bords et de son fond varie selon l’âge de la fissure. Si la
fissure est jeune, ses bords sont nets et fins. Le fond est propre et lisse. Les formations
para-fissuraires sont réduites à un minime repli cutané à l’extérieur et à une papille sur la
ligne pectinée. Si la fissure est évoluée: les bords sont épais, scléreux, décollés. Le fond
est strié transversalement par les fibres blanches du sphincter interne. Les formations
para-fissures sont très développées: le capuchon externe et le polype fibreux interne
sont volumineux.

Evolution
264

Ces différents aspects des fissures représentent divers stades évolutifs et toutes les
transitions existent. La fissure anale évolue par poussées successives avec alternance
de périodes de calme et de récidives douloureuses. Elle peut se compliquer d’infection
locale, réalisant un abcès sous-fissuraire qui évolue vers la fistulation.

Formes cliniques
La fissure de l’enfant se distingue essentiellement par l’absence ou le caractère modéré
de la contracture. L’évolution est fréquemment favorable sous la seule influence du
traitement médical.

La fissure du vieillard est rare, réalisant souvent une ulcération atone, sans contracture.
L’état fissuraire. Il s’agit d’une simple fragilité de la muqueuse anale qui provoque une
brève sensibilité au moment de la défécation et des éraillures superficielles
commissurales postérieures à la traction des plis. Cet état peut guérir ou évoluer vers
une fissure véritable.

Diagnostic différentiel
Il faut différencier la fissure anale vraie primitive des autres ulcérations de l’anus:

- le chancre syphilitique (plus latéral que commissural, à fond induré en carte de visite,
accompagné constamment d’une adénopathie inguinale);

- le cancer anal à forme fissuraire (reposant sur une induration se prolongeant en coulée
dans le canal anal, avec des bords bourgeonnants imposant au moindre doute une
biopsie);

- les ulcérations anales de la malade de Crohn (généralement latérales, à bords


décollés,
ménageant des ponts boursoufflés d’oedème, indolores).

- les rhagades pseudo-fissuraires (ulcérations linéaires multiples siégeant à distance de


l’anus en pleine peau, dans un contexte de dermite chronique avec prurit anal);

- les fissures mécaniques par déchirure de la base d’une procidence hémorroïdaire.

Traitement
Le rôle primordial de la contracture du sphincter interné explique les diverses tentatives
thérapeutiques.

Traitement médical

Il comporte des mesures hygiéno-diététiques (suppression des épices et des boissons


alcoolisées, toilette après la selle à l’eau plutôt fraiche à l’aide d’une éponge en évitant
les essuyages intempestifs) et des traitements médicamenteux:

Médicamets visant à régulariser le transit intestinal en luttant contre la constipation,


mais aussi contre la diarrhée. Les laxatifs irritants doivent être supprimés et remplacés
par les mucilages ou le son associés à l’huile de paraffine.

Les analgésiques. Par voie locale, l’application in loco de gel Tronothane ®, de gel
Xylocaïne ® ou de pommade Nestosyl ®, peut amener un soulagement temporaire de la
douleur fissuraire après la défécation. Mais des réactions d’intolérance sont possibles et
265

en limitent beaucoup l’intérêt. Par voie orale, les antalgiques généraux sont prescrits à la
dose de 1 à 2 comprimés, dragées ou sachets au moment des douleurs, soit de dérivés
salicylés (Aspirine, Aspégic ® soit de Glifanan ® ou Salgydal ®.

Les décontracturants se proposent de lever la contracture sphinctérienne. On peut


s’adresser à des myo-résolutifs type Lumirelax ® ou Coltramyl ® ou à des tranquilisants
à des doses filées ayant l’avantage d’agir également sur l’anxiété habituelle des
fissuraires (type Valium ®, Librium ®, Tranxène ®, Seresta ®). Les médications comme
l’Adalgur ® associant antalgiques et décontracturants sont utiles.

Les cicatrisants peuvent être donnés par voie orale (application bi-quotidienne de
pommade Mitosyl ® ou Plasténan ® ou Placenta Soca ® ) ou par voie générale: soit
orale Jonctum ® (4 à 6 gélules par jour) soit injectable de Bépanthène ® ou Solcoséryl ®
IM ou IV.

Les anti-hémorraoïdaires par voie locale (suppositoire et pommade). La liste est


longue (voir traitement des hémorroïdes). Les gros suppositoires sont mal acceptés. Le
Proctolog ® associant un anti-hémorroïdaire et un anti- spasmodique paraît actif.

Cette longue liste de médicaments ne doit cependant pas faire illusion sur l’efficacité
réelle du traitement médical. Il soulage parfois un syndrome fissuraire mais guérit très
rarement une fissure (sauf certains cas de fissure jeune). Sur le plan pratique,
l’ordonnance comportera: des mesures hygiéno-diététiques, le traitement de la
constipation, un antalgique décontracturant par voie orale (Lumirelax ®, Adalgur ® ou
Valium ®), localement par exemple, un suppositoire Proctolog ® avec pommade Mitosyl
® à son extrémité matin et soir.

Traitement sclérosant

Il est réalisable par le médecin généraliste. Il consiste à injecter dans la zone sous-
fissuraire, un produit anesthésiant (2 à 3 cc de Xylocaïne ®) puis quelques gouttes d’un
produit sclérosant juste sous le plancher de la fissure (Kinurea ®) avec une aiguille de
type intra-musculaire, de préférence siliconée. L’effet est parfois spectaculaire, la
douleur disparaissait dès la première injection. Parfois, cependant, 2 ou 3 séances sont
nécessaires à trois ou quatre jours d’intervalle. Si la cicatrisation n’est pas obtenue
malgré la disparition des douleurs, la récidive du syndrome fissuraire est probable et la
poursuite des injections sous-fissuraires inutile et dangereuse. Le risque essentiel de la
méthode est la survenue d’un abcès sous-fissuraire qui peut apparaître tardivement
parfois. Les récidives sont également fréquentes. La fissure évoluée, fibreuse, avec
formations para-fissuraires importantes sont des contre-indications des infiltrations sous-
fissuraires.

Traitement chirurgical

Plusieurs techniques permettent de traiter la fissure. Elles reposent toutes sur la notion
pathogénique du rôle du sphincter interne et consistent à supprimer la contracture
sphinctérienne.

La dilatation anale est la méthode la plus ancienne, elle risque d’être soit trop efficace,
soit inefficace.

La diathermo-résection de la fissure et des formations para-fissuraires est possible


266

sous anesthésie locale.

On lui préfère actuellement la sphinctérotomie interne qui peut être soit latérale, sans
enlever le tissu fissuraire (réalisable sous anesthésie locale), soit postérieure et
généralement, selon la technique d’Arnous et Parnaud, associée à une résection de la
zone fissuraire qui élimine les tissus pathologiques, et une anoplastie qui assure, par
abaissement de la muqueuse rectale et sa suture aux bergers du sphincter interne
sectionné, l’apport d’un tissu souple et solide dans le canal anal et facilite la cicatrisation.

Conduite à tenir en pratique

Le traitement médical peut toujours être préconisé mais il n’a de chance de réussite
que dans les états pré-fissuraires et dans de rares cas de fissures jeunes.

La fissure jeune, non infectée, hyperalgique, peut bénéficier du traitement sclérosant.

En cas de fissure jeune résistant à deux ou trois séances de scléroses, et dans toutes
les autres formes de fissures (anciennes, infectées, compliquées d’un abcès, associées
à des formations para-fissuraires importantes, à des hémorroïdes volumineuses, ou à un
rétrecissement anal serré), c’est l’indication du traitement chirurgical. Le choix de la
technique dépendra de l’état de la fissure et des hémorroïdes éventuellement associées,
de l’âge du malade, et de l’expérience de l’opérateur. Correctement effectué, le
traitement chirurgical donne un résultat efficace et de bonne qualité.

FISTULES ANALES

Les fistules extra-sphynctériennes posent des problèmes chirurgicaux assez difficiles,


qui ne concernent que le spécialiste. Le praticien n’ aborde donc lui-même que le
traitement des fistules intrasphinctériennes, c’est-à-dire celles dont – en gros- l’orifice est
tout près de l’anus, et sur tout le trajet au contact même de la muqueuse du canal anal.
Rappelons l’examen clef du style, introduit par l’orifice et cathétérisme le trajet : on doit le
sentir par le doigt rectal sur tout son parcours, sans jamais être séparé de lui par
l’épaisseur du sacro-saint muscle sphincter, gardien vigilant de la continence, hors de
laquelle il n’est plus de bonne tenue.
C’est-à-dire que la moindre entaille dans ce muscle circulaire risque d’avoir des résultats
désastreux, et qu’on ne doit attaquer le traitement d’une fistule anale que si on est
fermement assuré de n’avoir aucne chance d’entamer le sphincter. En cas de doute,
réserver ce risque au chirurgien.

Cure chirurgicale

Le cure proprement dite de la fistule intra-sphinctérienne comprend quatre termes :


l’anesthésie, la dilatation, le repérage, la mise à plat.

Iº L’anesthésie peut être générale, mais aussi locale : celle-ci est parfaite à tous points
de vue.
2º La dilatation est utile pour voir s’il y a un orifice interne. Elle s’exécutera donc de façon
instrumentale, à l’aide du dilatateur à trois branches, qu’on maintien légèrement
entrouvert pour voir ce qui se passe.
3º On injecte en effet 1 cm3 de bleu de méthylène ou d’encre de chine en se protégeant
contre les inévitables éclaboussures. Le produit instillé par l’orifice externe emplit le
267

clapier profond, et , s’il y a un orifice interne, intrarectal, vient apparaître à la surface de


la muqueuse du canal où on le voit dans l’entrebaillement du dilatateur.
Dans ce trajet ainsi dessiné, on introduit une seconde cannelée qui ressort par l’orifice
profond de la fistule ; on accouche par l’anus la pointe de la sonde et tout le trajet est
ainsi exposé.
4º La mise à plat s’effectue alors, soit au thermo-cautère, soit à l’électrocoagulation, en
détruisant sur la sonde tout le pont de tissu qui réunit les deux orifices

Surprises.

a) Il peut ne pas y avoir d’orifice profond : la fistule est dite borgne externe. Malgré tout,
le doigt intrarectal sent le bout de la sonde bien près de lui et il n’est pas besoin
d’appuyer très fort pour que, au bout de son trajet, ladite sonde effondre le minuscule
pont muqueux qui résistait encore : c’est exactement ce qu’il faut faire, et on retombe
sur le problème précédent.
b) Il peut y avoir plusieurs trajets en clapiers : on le voit grâce au repérage, parce que le
bleu dans plusieurs directions. Il faut les suivre à la sonde et mettre à plat par le
même procédé les trajets qui sont superficiels et ne risquent pas de faire léser le
sphincter.

Si certains filent en profondeur, on peut les disséquer prudemment pour


voir où ils vont : généralement à une petite logette, clapier de renfort,
que l’on excise ou dont on grille les parois pour la détruire sur place.

Suites opératoires
Une compresse grasse, pommadée au mercurochrome ou au collargol fait office
de pansement : il tombe à la première selle, qu’il n’y a lieu de différer par aucun artifice.
Ensuite, la propreté élémentaire tiendra lieu de pansement, et une simple gaze, de
protection.
268

CHAPITRE V : LES COMPLICATIONS EN CHIRURGIE DIGESTIVE

TYPES DE COMPLICATIONS
1. Infections
2. Hémorragies
3. Iléus post-opératoire
4. Eviscérations
5. Douleur
6. Ictère post-opératoire
7. Pancréatites post-opératoires
8. Complications pulmonaires
9. Rétention urinaire
10. Hoquet

PROBLEMES SPECIFIQUES
. Gastrectomies
. Chirurgie colo-rectale
. Chirurgie biliaire

I.- GENERALITES

But du service de soins intensifs pour malades chirurgicaux:


- Dépistage systématique des signes précoces de complications typiques
possibles
- Surveillance ou traitement complexes
- Malades fragiles ou fragilisés avec troubles métaboliques ou organiques
importants (diabète, choc, sepsies, troubles respiratoires, circulatoires ou
rénaux).

Distinguer la notion de chirurgie propre ou septique


de chirurgie élective ou en urgence

II.- TYPES DE COMPLICATIONS

1) Les infections :

Il est important de se souvenir que l’âge, l’état nutritionnel, la maladie de base, la durée
de l’hospitalisation pré-opératoire, la qualité du chirurgien ainsi que la durée de
l’intervention sont autant de facteurs capables de modifier le taux d’infections.

PAROI:l’abcès de la paroi est un risque inhérent à la chirurgie abdominale d’autant plus


important qu’il s’agit d’une chirurgie “sale”(côlon). Se présente comme une fièvre
au 3è-4è jour, une plaie un peu rouge, parfois tendue. Ne pas hésiter à faire
sauter un ou deux points.

Le seul traitement est le drainage sauf exceptionnellement si le germe est un


clostridium perfringens ou si l’on se dirige vers une panniculite.
269

La panniculite est une infection des flancs (parties déclives) due aux sécrétions
venant de la plaie ou de la sortie d’un drain. Placard rouge chaud, sans
induration, parfois avec une zone d’anesthésie.
Germes: Streptocoques
Anaérobes: Clostridium donnant la gangrène gazeuse (30 % de mortalité)
Peptocoque
Bactéroïdes
Traitement: drainage en cas de collection
Antibiotiques : Péni G

INTRA-ABDOMINAL: les collections sont diverses et se trouvent habituellement dans les


zones déclives (Douglas) ou sous-phréniques. On parle parfois de pompe
diaphragmatique.
Se présentent surtout avec des pics fébriles. Les autres signes possibles sont: le
hoquet, insuffisance respiratoire ou une douleur à la respiration (45 % des abcès
sous-phréniques). Le diagnostic sera posé grâce à la radio, les hémocultures, le
toucher rectal, l’échographie et le scan.

Traitement : drainage
Traitement de l’affection causale
Eviter toute dissémination (arguments pour ou contre une antibiothérapie).

DRAINAGE : témoin d’un écoulement suspect


Diriger une fuite éventuelle et éviter une péritonite septique ou biliaire.

2) Les hémorragies:

Accident de moins en moins fréquent grâce aux examens pré-opératoires dépistant les
troubles de la crase et grâce aux améliorations des techniques chirurgicales visant à
obtenir une hémostase rigoureuse. On les distingue en pariétales, intra-abdominales et
intra-luminales.

PARIETALES: en général, à point de départ d’un vaisseau pas ou mal coagulé.


Le sang s’infiltre dans la paroi réalisant une dissection et formant une collection.
Si l’hématome est petit, éviter de le toucher. S’il est volumineux le risque de
surinfection et de fragilisation de la paroi est important. Il faut alors l’évacuer.

Risques: infection
Paroi peu solide

INTRA-ABDOMINALES = HEMOPERITOINE : les causes en sont multiples


- hémostase incomplète ou lâchage de ligatures (épiploon)
- vaisseaux coagulés qui resaignent (variation de TA)
- infection (destruction des vaisseaux par la nécrose)
- lésion du foie ou de la rate ou d’un autre organe méconnu (écarteur)
- troubles de la crase (médicaments, coagulopathies, polytransfusion).
Attention: le fait qu’un drain ne ramène rien n’exclut pas l’hémorragie.
Se fier aux signes généraux: hypotension, tachycardie, transpiration
Soif, distension abdominale.

Traitement: ré-opérer et refaire l’hémostase, souvent difficile car souvent saignement en


270

nappe.
Hémostatiques locaux
Tamponnement

INTRA-VISCERALE: hémorragie se produisant à l’intérieur du tube digestif et par consé-


quent va s’extérioriser soit par la bouche, soit par l’anus. Se rappeler qu’une
grande quantité de sang (un litre et plus) peut remplir l’estomac ou l’intestin avant
d’être évacué.
Causes: tranches de section de l’estomac ou du grêle
Réactivation d’un ulcère traité par gastrectomie des 2/3
Lésion méconnue concomittante

ROLE DU DRAINAGE: toute surface cruentée et de large décollement devrait être


drainée largement. Toutefois l’absence de liquide dans le drain, n’exclut pas
l’hémorragie (surtout si elle est intra-luminale).
Le drain lui-même si mal placé, peut être source d’hémorragie en provoquant de
véritables escarres d’organes ou de vaisseaux.

3) Les iléus post-opératoires:

NORMAL: Toute ouverture du péritoine altère le péristaltisme normal.

Il faudra environ 24h pour l’estomac, 1h pour le grêle s’il n’a pas été touché, 6h s’il
a été manipulé, 24h après vagotomie et 48h pour le côlon.
Cas particulier: dilatation aiguë de l’estomac. Peut survenir après toute laparo-
tomie. Se manifeste vers le 2è jour post-opératoire par des vomissements biliaires
très importants, altération de l’état général. Amélioration spectaculaire dès la mise
en place d’une sonde naso-gastrique.

MEDICAMENTEUX: narcose, opiacés, anti-dépresseurs

METABOLIQUE OU REFLEXE: correspond à une grosse distenstion abdominale, sans


véritable douleur, absence de bruits intestinaux. La Radiographie montre une
dilatation grêle et colique avec de l’air jusque dans le rectum.

Causes: Hypokaliémie
Interventions rétro-péritonéales (sympathectomies, vasculaires, rénales)
Péritonite
Hémopéritoine

TRAITEMENT: causal
Aspiration gastrique
Prostigmine et lavement doux

INFECTIEUX: la péritonite post-opératoire peut se présenter de deux manières


différentes:
- évolution lente, sans signes locaux mais plutôt fébricule, petite tension,
tendance à l’oligurie et troubles respiratoires. Aucune reprise du transit. Après
environ 10 jours d’évolution, on se trouve devant la formation d’adhérences
solides pouvant entraîner un iléus mécanique.
- Installation brutale autour du 5è – 7è jour avec signes généraux alarmants.
Correspond souvent à un lâchage d’anastomose.
271

MECANIQUE: lorsqu’il survient précocement, correspond le plus souvent à une anse


grêle ou colique incarcérée ou étranglée dans un orifice anormal créé par
l’opération: couloir iliaque, brêches du mésentère ou du méso-colon. Survient
aussi sur une anse anastomotique coudée ou tordue sur elle-même.

Clinique: vomissements fécaloïdes, absence de transit, anses dilatées à la radio


sans air dans le rectum.

Traitement: ré-intervention
Proscrire la prostigmine.

4) Eviscération:

A distinguer absolument de l’éventration.

Eventration: distension progressive d’une cicatrice dans les mois ou les années qui
suivent l’intervention. Les viscères ne sont jamais extériorisés.

Eviscération: complication précoce redoutable correspondant à un lâchage de la suture


profonde avec issue des viscères entre les bords de l’incision. On distingue
l’éviscération couverte où la peau tient encore mais laisse passer un écoulement
douteux, de l’éviscération pure ou l’intestin est à l’air.
Survient sur les incisions médianes ou autres souvent en terrain infecté.
Mortalité environ 50 % !!

Prévention: fermeture soigneuse


Sanglage abdominal
Éviter les efforts abdominaux
Etat nutritionnel

5) Douleur

Phénomène subjectif et individuel avec une part psychique certaine (anxiété, au sujet de
l’intervention, crainte de complications, peur de réveiller une douleur).

La douleur est souvent accompagnée d’insomnie et la solution la plus simple consiste à


prescrire des opiacés et des tranquilisants. Cela va aboutir à un cercle vicieux avec
mauvaise reprise du transit, troubles respiratoires, alitement. L’idéal serait de rassurer le
malade de lui faire comprendre sa douleur et mieux l’accepter et d’éviter ainsi l’excès
médicamenteux.

Ne pas oublier tout de même que la douleur peut être le symptôme d’une complication.

6) L’ictère post-opératoire:

Les causes sont multiples et le diagnostic souvent difficile. La distinction se fait entre un
ictère obstructif et un ictère mixte ou libre.

Causes de l’ictère obstructif :


- calcul résiduel
272

- plaie de la voie biliaire


- oedème de la papille
- poussée de pancréatite
- ictère cholostatique médicamenteux

Causes de l’ictère mixte ou libre :


- décompensation cirrhotique
- poussée d’hépatite
- cholangite
- résorption de sels biliaires en cas de fuite biliaire
- hémolyse
- accident transfusionnel

L’ictère d’origine infectieuse tel qu’on le trouve dans la cholangite, les abcès intra-
hépatiques ou une sepsis, est souvent accompagné de fièvre et d’un état toxique.

Après toute intervention d’une certaine importance ayant nécessité des transfusions, il
faut penser à l’hémolyse comme premier diagnostic. Outre les examens de laboratoire,
le scan et l’ultrasonographie sont très utiles. Il faut parfois recourir à la cholangiographie
transcutanée pour arriver au diagnostic.

7) Les pancréatites post-opératoires:

C’est la complication redoutée et redoutable de la chirurgie biliaire et dans une moindre


mesure gastrique. Elle peut malheureusement survenir dans n’importe quelle
intervention. Les causes en sont multiples: extraction d’un calcul résiduel difficile avec
manipulations sur la papille et notamment une dilatation ou une sphinctérotomie, ligature
“trop à droite” avec sténose du cholédoque, chirurgie de l’ulcère duodénal difficile par
oedème de la papille voire lésion. Les symptômes sont ceux de la pancréatite aiguë: la
douleur est inconstante mais iléus, oligurie, fièvre, tachycardie, hypotension, ictère. Au
moindre soupçon de pancréatite, il faudra doser l’amylasémie et répéter l’examen. Il
faudrait même la doser chaque fois qu’un geste technique ou qu’une difficulté opératoire
peut laisser entrevoir une telle complication. Une amylasémie normale n’exclut pas le
diagnostic. Une amylasémie élevée ne l’affirme pas; en effet, une fuite grêle ou biliaire
peut faire une élévation transitoire de l’amylase.

L’évolution dépend directement du type de pancréatite:


- oedémateuse, l’évolution et le pronostic sont favorables
- nécrosante, elle rejoint le pronostic de toute pancréatite nécrosante : 50 % de
mortalité.

Réanimation intensive, réintervention pour nettoyer les nécroses (ni trop tôt, ni trop tard).
Les patients décèdent de complications pulmonaires (poumon de choc) ou
hémorragiques ou rénales.

8) Complications pulmonaires:

C’était pendant longtemps la complication la plus redoutée du chirurgien. La “pneumonie


post-opératoire” était la première cause de mortalité dans les suites de laparotomies.
Elles frappaient 40 % des opérés avec une mortalité de 20 % !!
273

Après avoir incriminé tous les facteurs possibles, on en est arrivé à une évidence:
l’encombrement bronchique.

La toux et l’expectoration sont les mécanismes de défense contre ce phénomène; la


narcose et les sédatifs post-opératoires diminuent le réflexe de toux.

Si les sécrétions abondantes deviennent suffisamment épaisses et obstructrices, on


arrive à la formation du bouchon muqueux et de l’atélectasie.

Ce n’est que secondairement qu’une infection peut s’installer. La préparation pré-


opératoire acquiert toute son importance avec bilan pré-opératoire permettant de
dépister une insuffisance respiratoire et de préparer au mieux le patient (physio). Il faut
se rappeler, qu’une incision médiane peut diminuer les fonctions respiratoires de 40 %.

Ne pas oublier que l’apparition tardive d’une insuffisance respiratoire aiguë peut être le
seul signe d’une complication intra-abdominale (péritonite).

9) La rétention urinaire:

Il faut déterminer s’il s’agit d’une rétention banale


d’une anurie
d’une atteinte des voies d’excrétion.

Il est évidemment primordial de distinguer l’anurie du globe vésical banal. Parfois, il est
nécessaire de procéder à un sondage pour que les choses soient claires.
La rétention urinaire est souvent liée à la difficulté d’uriner au lit, à la distension vésicale,
à la décompensation d’un prostatisme pré-existant.

Garder à l’esprit que le cathétérisme uréthral n’est pas un geste banal: lésions
uréthrales avec sténoses tardives (souvent très difficiles à traiter), fausses routes,
infections. Il est possible que le drainage sus-pubien améliore les choses mais il peut
être malaisé (paroi cicatricielle, absence de globe).

Pour mémoire, à rappeler que l’anurie du sujet laparotomisé est souvent due à un
problème de volume circulant. Des viscères à l’air offrent une énorme surface
d’évaporation qui n’est pas toujours suffisamment compensée.
Les risques de lésion des voies excrétrices sont grands dans la chirurgie colo-rectale et
pour cela sont rares car tout chururgien y est particulièrement attentif.

10) Le hoquet:

Peut survenir en tant que phénomène isolé ou en tant que symptôme d’une complication
(abcès sous-phrénique, irritation péritonéale). Fatigue beaucoup l’opéré. Remèdes
variés pas toujours efficaces.
Le plus souvent disparaît seul.
274

III. PROBLEMES SPECIFIQUES

1) Les gastrectomies:
Hémorragies: se méfier de l’hémorragie intra-luminale (présence de sang frais à
l’aspiration gastrique)

Attention aux lésions de la rate par un écarteur ou par arrachage d’un vaisseau court.
Fuite ou lâchage du moignon duodénal: principale cause de mort après gastrectomie. Se
présente comme une douleur subite suivie d’un état de choc avec fièvre, ictère.

Ecoulement de bile par le drain.


Causes: ischémie du moignon anastomosé
Infection (néo)
Traitement: aspiration gastrique
Drainage large
Protéger la peau pour éviter l’auto-digestion
Nutrition parentérale totale
Ictère obstructif: oedème du moignon duodénal
Poussée de pancréatite aiguë

2) Chirurgie colo-rectale

Précédemment la chirurgie colo-rectale se faisait en plusieurs temps.


Ablation de la lésion avec colostomie puis reprise pour rétablir la continuité.
Actuellement, grâce aux techniques de préparations coliques, on réalise de plus en plus
de chirurgie en un temps. Les risques sont avant tout d’ordre septique:
- abcès localisés
- abcès de paroi
- fuite anastomotique qui peut être dirigée (d’où l’importance de laisser un drain
en place la première semaine), ou fuite en péritoine libre (péritonite), lâchage
d’anastomose: redoutable, patient toxique, traité par drainage-lavage large
colostomie de décharge et antibiothérapie.

3) Chirurgie biliaire:
Hémorragies: lâchage de la ligature de l’artère cystique
Lésion de la branche artérielle de la branche hépatique droite dit
vésiculaire
Attention aux hématomes sous-hépatiques qui finissent par se sur-
infecter.
Fistule biliaire: lâchage de la ligature sur le cystique
Plaie ignorée des voies biliaires
Attention à l’iléus et à la péritonite biliaire.

Pancréatites: manipulation de la voie biliaire avec lésion ou oedème papillaire.


Ictère : sténose du cholédoque, lithiase résiduelle.

Vous aimerez peut-être aussi