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FACULTE DE MEDECINE
SONNIER Marie
Introduction : l’objectif de la prise en charge des jeunes patients suivis pour un diabète de
type 1 est d’assurer un bon contrôle métabolique (équilibre glycémique) tout en préservant
une qualité de vie satisfaisante.
Objectif : notre étude a recherché une corrélation entre l’équilibre glycémique et la qualité de
vie des adolescents suivis pour un diabète de type 1 au CHU de Rennes
Méthodes : un questionnaire de « qualité de vie liée au diabète » validé, complété par un
questionnaire de « vécu du diabète » ont été présentés à l’ensemble des adolescents suivis au
CHU de Rennes pour un diabète de type 1. L’équilibre glycémique a été évalué par
l’hémoglobine glyquée (HbA1c). Les données démographiques, anthropométriques ont été
recueillies ainsi que les données concernant le traitement et le suivi du diabète. Les patients
ont été répartis en 3 groupes afin d’étudier la qualité de vie en fonction de l’équilibre
glycémique « optimal » (HbA1c < 7,5 %), « suboptimal » (7,5 % ≤ HbA1c < 9 %) ou « à
risque élevé » (HbA1c ≥ 9 %). Un test de student puis une régression linéaire multiple ont
permis de comparer les variables quantitatives et de rechercher une corrélation entre HbA1c
et score de qualité de vie. Un test du khi 2 a été réalisé pour comparer les variables
qualitatives. Les résultats sont présentés en moyenne (SD).
Résultats : le score de qualité de vie a été mesuré chez 113 adolescents âgés de 15 (1,7) ans,
ayant un diabète évoluant depuis 6,2 (3,6) ans. L’HbA1c moyenne était de 8 (1,2) %, sans
différence significative selon l’âge et le sexe. En comparaison avec les patients du groupe
« optimal », les patients du groupe à « risque élevé » présentaient un diabète évoluant depuis
plus longtemps (p < 0,01), effectuaient moins de contrôles glycémiques quotidiens
(p < 0,01), avaient une qualité de vie moins bonne (p < 0,01). En régression linéaire multiple,
la corrélation entre équilibre glycémique et qualité de vie était confirmée (p < 0,01).
Conclusion : Equilibre glycémique et qualité de vie apparaissent liés chez l’adolescent suivi
pour un diabète de type 1, sans que l’on puisse à partir de la présente étude présager des liens
de causalité potentiellement impliqués.
1
Introduction
Le diabète de type 1 est une des maladies chroniques les plus fréquentes chez l’enfant
et l’adolescent. Dans la plupart des pays occidentaux, il représente plus de 90% des diabètes
de cette tranche d’âges. Il concerne environ 440 000 enfants et adolescents de moins de 15
ans à travers le monde et 70 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année (1).
Le diabète de type 1 est une hyperglycémie à jeun et postprandiale résultant d'une
sécrétion insuffisante d'insuline due à la destruction des cellules β des îlots pancréatiques par
les lymphocytes T, qui se produit à une vitesse variable et devient symptomatique quand
environ 90% des cellules bêta sont détruites (2).
Actuellement, l’insuline exogène reste le seul moyen de traitement de substitution
chez l’enfant et l’adolescent, bien que d’autres traitements soient en cours d’étude. Les
résultats d'études longitudinales de grande envergure réalisées auprès de personnes atteintes
de diabète ont démontré que le risque de progression des complications micro-vasculaires à
long terme étaient significativement réduites par un contrôle glycémique strict obtenu à l'aide
de l'insulinothérapie intensive (3, 4). Cela nécessite un investissement important et prolongé
du patient qui concerne les injections d’insuline, les contrôles glycémiques, l’activité sportive
régulière et le bon équilibre alimentaire. On peut se poser la question du retentissement de
cette gestion intensive de la maladie sur la qualité de vie notamment chez le jeune patient.
Historiquement, les études sur le traitement du diabète ont mis l’accent sur l’équilibre
métabolique, premier marqueur du succès de la prise en charge. Ces dernières années, la
qualité de vie perçue par le patient est devenue également un objectif prioritaire de la prise en
charge (5, 6). Selon l’OMS (1994), la qualité de vie (QDV) consiste en « la perception qu’a
un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de
valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses
inquiétudes. Il s’agit d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé
physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations
sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son
environnement». La qualité de vie liée à la santé (QDVS) prend en compte les domaines
physique (autonomie et activités physiques), psychologique (anxiété, dépression, émotion),
relationnel (familial, social, professionnel), symptomatique (répercussion de la maladie et de
son traitement) (7).
2
L’adolescence est la période de transition dans le développement entre l’enfance et
l’âge adulte, qui comprend les changements biologiques, psychologiques et sociaux de la
puberté, et impose des défis particuliers aux jeunes qui ont un diabète. Beaucoup
d’adolescents atteints de diabète de type 1 connaissent une détérioration de l’équilibre
métabolique (8), souvent attribuée à une alimentation et une activité physique irrégulières (9)
(10), à la mauvaise adhésion aux schémas de traitement (11), aux comportements à risque
(12), aux troubles alimentaires (13) et aux changements hormonaux de la puberté (12).
L’ISPAD (International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes) a établi en
2009 des recommandations sur la prise en charge spécifique des adolescents ayant un diabète,
incluant notamment la compréhension du développement psychosocial et physiologique de
l’adolescent, en vue d’un équilibre métabolique optimal, d’une qualité de vie comparable à
ses pairs, et d’une avancée progressive vers l’indépendance (14). En 1993, les membres de
l’ISPAD avaient formulé la Déclaration de Kos, proclamant leur engagement pour que « la
santé, le bien-être social et la qualité de vie deviennent optimaux pour tous les enfants et
adolescents qui ont un diabète, dans le monde entier […] » (15).
Actuellement, l’éducation thérapeutique est au centre de la prise en charge clinique du
diabète pour une auto-prise en charge optimale (12) c’est-à-dire un bon équilibre métabolique
(défini par une HbA1c inférieure à 7,5 %) (4) associée à une bonne qualité de vie. Plusieurs
études ont démontré le rôle de certains facteurs, comme l’âge, l’alimentation, le niveau
éducatif et les facteurs psycho-sociaux sur l’équilibre glycémique des enfants et adolescents
atteints de diabète de type 1 (16, 17). L’adhésion du patient est fondamentale dans l’auto-
gestion du diabète, et dépend, en grande partie, du vécu au quotidien de cette maladie
chronique. Notre hypothèse est que la qualité de vie du patient et son équilibre glycémique
sont liés. Nous avons cherché à confirmer cette corrélation et à préciser quels axes de la
qualité de vie liée au diabète étaient plus particulièrement associés à l’équilibre métabolique.
Nous avons également recherché un lien entre le contrôle glycémique et les caractéristiques
démographiques, anthropométriques, cliniques et psycho-sociales du patient.
3
Matériel et méthodes
L’objectif principal de notre étude a été de rechercher un lien entre l’équilibre glycémique et
l’auto-évaluation de la qualité de vie chez des adolescents atteints de diabète de type 1.
Les objectifs secondaires ont été de rechercher un lien entre l’équilibre glycémique et les
données démographiques, anthropométriques, psychologiques-sociales et relatives au
traitement et au suivi du diabète.
L’étude a été menée d’Avril à Septembre 2011, au moyen d’un questionnaire validé d’auto-
évaluation de la qualité de vie, chez la totalité des adolescents suivis pour un diabète de type
1 au CHU de Rennes, après recueil de leur consentement et celui de leurs parents.
Ces adolescents sont suivis régulièrement au CHU par une équipe soignante comprenant
Diabétologues pédiatres, infirmières, psychologue, diététicienne. Les patients sont vus en
consultation médicale tous les 3 mois, où ils bénéficient d’un suivi clinique (poids, taille,
BMI, recherche de lipodystrophies, tension artérielle), psychologique, biologique (HbA1c), et
d’une éducation thérapeutique réalisée par l’ensemble des membres de l’équipe soignante.
Entre ces consultations, certains adolescents reviennent si besoin, afin de bénéficier de
séances d’éducation thérapeutique supplémentaires, de conseils diététiques, de consultations
avec le psychologue etc. Chaque suivi est conçu dans un esprit personnalisé centré sur
l’adolescent de sa famille.
Les critères d’inclusion de l’étude étaient les suivants : patients âgés de 11 à 18 ans, diabète
de type 1 évoluant depuis au moins 1 an.
Parmi les 131 adolescents suivis au CHU, un seul patient a refusé de participer à l’étude.
Après exclusion des questionnaires incomplets, 118 patients ont été retenus dans l’étude.
Le contrôle métabolique était évalué par le taux d’HbA1c, prélevée le jour de la présentation
du questionnaire à l’adolescent. L’HbA1c est formée par la liaison irréversible du glucose aux
4
molécules d'hémoglobine pendant la durée de vie des globules rouges circulants (environ 120
jours). L’HbA1c moyenne sur toute la durée du diabète était également calculée. Selon l’étude
DCCT (Diabetes Control and Complications Trial) on différencie 3 catégories d’équilibre :
l’équilibre « optimal » défini par une HbA1c inférieure à 7,5 %, l’équilibre « suboptimal »
défini par une HbA1c entre 7,5 et 9 % et enfin un « risque élevé » si l’HbA1c est supérieure
ou égale à 9 % (4). Nous avons utilisé ces données pour définir nos 3 groupes de patients :
groupe 1 = équilibre « optimal », groupe 2 = équilibre « suboptimal », groupe 3 = groupe à
« risque élevé ».
Le critère de jugement principal de notre étude était le score de qualité de vie mis en relation
avec l’HbA1c définie selon les 3 groupes d’équilibre cités ci-dessus.
La qualité de vie a été évaluée au moyen d’un questionnaire validé : Diabetes Quality of Life
for Youths (DQOLY 1991), questionnaire d’Ingersoll et Marrero (18), (établi initialement par
le DCCT) dans sa version courte du Hvidoere Study Group, validée en Français (19) . Ce
questionnaire (cf annexe 1) comprend 6 items : impact des symptômes du diabète (3
questions), impact du traitement (3 questions), impact sur les activités (5 questions),
implication des parents (3 questions), inquiétudes en rapport avec le diabète (7 questions) et
une question sur la perception de l’état de santé. Les réponses aux questions sont cotées de 0 à
4. Les scores plus élevés correspondent à une qualité de vie moins bonne, un plus grand
impact de la maladie. Le questionnaire était rempli par l’adolescent, en présence d’une
infirmière compétente en Diabétologie, durant environ 20 minutes, avant ou après la
consultation de suivi avec le médecin diabétologue pédiatre.
Un questionnaire complémentaire (cf annexe 2) a été soumis aux adolescents, sur le vécu de
la maladie, réparti en 5 items : quotidien avec le diabète (3 questions), les injections devant
les autres (3 questions), les contrôles glycémiques (3 questions), le resucrage devant les autres
(4 questions) et enfin l’aide des parents (2 questions). Les scores les plus élevés
correspondaient à un moins bon vécu du diabète.
Les variables quantitatives ont été exprimées en moyenne (SD), ou en nombre (%).
Analyse statistique :
Afin de confirmer ou infirmer notre hypothèse sur le lien entre qualité de vie et équilibre
glycémique chez l’adolescent atteint de diabète de type 1, nous avons effectué un test t (ou
test de Student), qui nous a permis de comparer nos 3 échantillons de patients, répartis selon
leur équilibre métabolique, « optimal », « suboptimal » ou « à risque élevé ». La
significativité statistique était établie pour un p < 0,05. Avant de réaliser le test t, nous avons
effectué un test de normalité de distribution de la variable (HbA1c) qui a confirmé la
distribution gaussienne de celle-ci. Ensuite, nous avons réalisé une régression linéaire
multiple afin de confirmer ou infirmer la corrélation entre contrôle glycémique et qualité de
vie. La durée d’évolution du diabète et le nombre de contrôles glycémiques par jour ont été
inclues comme covariables dans le modèle.
6
Résultats
Description de la population étudiée
L’étude, menée d’Avril à Septembre 2011 a concerné la totalité des 131 adolescents suivis au
CHU de Rennes pour un diabète de type 1. Nous avons exclus 17 patients pour questionnaires
de qualité de vie incomplets et 1 pour refus. Les caractéristiques démographiques,
anthropométriques, et psycho-sociales des 113 adolescents inclus sont détaillées dans le
tableau 1.
Tableau 1 : caractéristiques des patients
Moy (SD) ou n (%)
Nombre de patients 113
Genre
Masculin 63 (56 %)
Féminin 50 (44 %)
Age (années) 15 (1,7)
BMI z-score 0,9 (1)
Stade Tanner 4 (1)
Activité sportive en club 59 (52 %)
Redoublement 26 (23 %)
Suivi psychologique 45 (40 %)
Père actif 100 (88 %)
Mère active 88 (78 %)
Famille
Traditionnelle 80 (71 %)
Monoparentale 3 (2 %)
Séparée 5 (4 %)
Recomposée 17 (15 %)
Fratrie 3 (1)
L’âge de découverte du diabète était en moyenne de 8,8 (3,7) ans. Il évoluait depuis 6,2 (3,6)
ans en moyenne.
Le schéma thérapeutique était de type basal-bolus avec une insuline lente de type LANTUS,
et une insuline rapide de type NOVORAPID ou APIDRA. Un patient était traité par pompe à
insuline. On note que 43/113 (38 %) patients inclus présentaient des inadaptations de
l’alimentation. Les patients effectuaient en moyenne 4 (1,4) contrôles glycémiques quotidiens.
7
Equilibre glycémique
L’équilibre glycémique était évalué au moyen de l’HbA1c, qui était en moyenne au moment
du questionnaire et 3 mois après de 8 (1,2) %. L’HbA1c moyenne des patients exclus de
l’étude était comparable à celle de la population étudiée. L’HbA1c depuis le début du diabète
était de 7,6 (0,8) %. En ce qui concerne la répartition de l’HbA1c (cf figure 1), on constate
que 44 % des patients avaient une HbA1c ≤ 7,5 % tandis que 17 % des patients avaient une
HbA1c ≥ 9 %.
8
Equilibre glycémique (HbA1c) et vécu du diabète
Les résultats du questionnaire « vécu du diabète » pour chacun des groupes définis selon
l’équilibre glycémique sont indiqués dans la figure 2. Nous avons retrouvé un score total plus
élevé (correspondant à un moins bon vécu de la maladie) chez les patients ayant une HbA1c
plus élevée (p = ns), avec notamment un score plus élevé en ce qui concerne le « quotidien
avec le diabète » et la pratique des « injections devant les autres ».
9
Equilibre glycémique (HbA1c), caractéristiques de la maladie et qualité de vie
Sport (heures par semaine) 2,4 (2,6) 1,7 (1,9) 1,3 (1,9)
10
Les patients du groupe « à risque élevé » avaient un diabète évoluant depuis plus longtemps,
7,3 (2,5) ans vs 4,8 (3,7) ans dans le groupe d’équilibre « optimal » (p = 0,01). Les patients
ayant un équilibre « optimal » réalisaient plus de contrôles glycémiques par jour [4,2 (1,4)]
que les patients du groupe « à haut risque » [2,8 (0,9)] (p = 0,001).
Afin de vérifier la corrélation statistique entre équilibre glycémique et qualité de vie, une
régression linéaire multiple a été effectuée, mettant en relation la variable « Qualité de vie » et
les variables quantitatives explicatives « durée du diabète », « nombre de contrôles
glycémiques par jour » et « HbA1c ». Nous avons également retrouvé une corrélation
significative entre l’HbA1c et le score d’auto-évaluation de la qualité de vie (p = 0.005).
12
Discussion
Notre étude a confirmé l’existence d’une corrélation entre l’équilibre glycémique et l’auto-
évaluation de la qualité de vie chez les adolescents suivis pour un diabète de type 1. Les
patients présentant un équilibre glycémique « optimal » ont un meilleur score d’auto-
évaluation de qualité de vie que les patients ayant un équilibre « suboptimal » ou « à risque
élevé ».
Les questionnaires de qualité de vie ont été soumis à la totalité des adolescents suivis au CHU de
Rennes pour un diabète de type 1. Un seul patient a refusé de participé à l’étude. Les réponses
aux questionnaires n’ont pas été effectuées en salle d’attente ou à domicile. Un temps avec une
infirmière de l’équipe de Diabétologie pédiatrique était dédié pendant lequel l’adolescent
répondait au questionnaire, dans un bureau au calme. Les conditions de réponses aux
questionnaires étaient donc de qualité. Le groupe de patients était relativement homogène car tous
étaient suivis au CHU de Rennes, par la même équipe de Diabétologie pédiatrique, avec une prise
en charge comparable en ce qui concerne le type d’insulinothérapie, les principes d’éducation
thérapeutique, la fréquence des consultations etc. En ce qui concerne l’équilibre métabolique,
nous l’avons déterminé au moyen de l’HbA1c, qui est la seule mesure de l’équilibre glycémique
pour laquelle on dispose de données solides. Une HbA1c élevée prédit les complications micro- et
macro-vasculaires à long terme. Les données de la littérature montrent que 5-7 ans de mauvais
équilibre glycémique, même pendant l’adolescence et au début de l’âge adulte, entraînent un
risque élevé de complications micro- et macro-vasculaires dans les 6-10 années suivantes (4).
Pour répondre à notre question sur la corrélation « qualité de vie » et équilibre glycémique
chez les adolescents suivis pour un diabète de type 1, nous avons utilisé un questionnaire de
qualité de vie « spécifique ». Il s’agit du « Diabetes Quality of life Young » questionnaire (18)
dans sa version courte (19) validée ensuite en Français. Il s’intéresse aux implications
fonctionnelles de la maladie et de son traitement, aux symptômes spécifiques et à l’impact de
la maladie sur le bien-être psychologique et social. Ce questionnaire « spécifique » ne nous
permet pas de comparer notre groupe d’adolescents à un groupe de jeunes n’ayant pas de
diabète. Il existe d’autres questionnaires de qualité de vie, dits « génériques », comme le
kidscreen (20) permettant de comparer la qualité de vie de jeunes atteints de maladie
chronique et celle de jeunes en bonne santé.
13
La répartition de l’équilibre glycémique était légèrement meilleure que celle retrouvée
habituellement dans la population pédiatrique, avec 44 % des patients ayant une HbA1c
inférieure à 7,5 % alors que Mortensen et al. retrouvaient un taux de 33 % dans une étude
internationale de grande ampleur (21) . Le taux moyen d’HbA1c de nos patients était de
8 (1,2) %, proche du taux retrouvé dans l’étude de l’AJD (Aide aux Jeunes Diabétiques)
réalisée en 2011 auprès de 715 jeunes de plus de 8 ans qui retrouvait une HbA1c moyenne de
8,3 (1,5) % (22).
Le taux d’HbA1c n’était pas différent selon l’âge, avec une moyenne de 8,1 (1,3) % chez les
15-18 ans et 7,6 (0,9) % chez les 11-13 ans (p = ns). L’étude de Hoey et al. réalisée en 2001
chez 2101 adolescents, retrouvait une HbA1c augmentant avec l’âge (p < 0,05) (23). Il n’y
avait pas de différence significative d’HbA1c entre les garçons et filles de notre cohorte,
contrairement à l’étude de Hoey et al. qui retrouvait une HbA1c 0,22 % supérieure à la
moyenne globale [8,7 (1,7) %] chez les filles (p < 0,01) (23). On ne retrouvait pas de
différence significative de score de qualité de vie dans les différents groupes d’âge dans notre
cohorte, contrairement à l’étude de Hoey et al. qui retrouvait une qualité de vie moins bonne
chez les adolescents plus âgés (23). Nous ne retrouvions pas non plus de différence de score
de qualité de vie en fonction du sexe. Certaines études ont retrouvé des résultats similaires
(24), d’autres ont retrouvé que les filles ayant un diabète de type 1 rapportaient une moindre
qualité de vie, avec plus d’inquiétudes en rapport avec la maladie (5, 18, 25).
Nous avons comparé nos 3 groupes de patients, définis précédemment selon l’HbA1c. Le
taux d’HbA1c était corrélé à la durée d’évolution de la maladie (p < 0,01), avec un moins bon
contrôle glycémique chez les adolescents malades depuis plus longtemps. Ce constat est
14
confirmé dans de nombreuses études (26 - 28). Les adolescents ayant un équilibre « optimal »
contrôlaient en moyenne 4,2 (1,4) fois/jour leur glycémie, contre 2,8 (0,9) fois/jour chez les
patients « à risque élevé » (p < 0,01). Ceci est concordant avec l’étude de Helgeson et al. en
2009 (25). Ceci s’explique par le fait que l’équilibre glycémique immédiat est au mieux
évalué par l’auto-surveillance de la glycémie qui identifie instantanément l’hyper- et
l’hypoglycémie, et permet d’appliquer les stratégies pour traiter au mieux, et éviter d’être en
dehors des objectifs glycémiques. En ce qui concerne les difficultés liées à l’alimentation,
elles concernaient 47 % des patients du groupe à « haut risque » contre 32 % des patients
ayant un équilibre « optimal » (p = ns). On retrouvait dans les résultats du questionnaire
« qualité de vie », que les patients moins bien équilibrés « se sentaient limités par leur
alimentation » plus souvent que les patients équilibrés (p < 0,05). Il est primordial de
conseiller et accompagner le patient sur le plan nutritionnel car les phases de révoltes ou de
comportements compulsifs alimentaires ne sont pas rares chez l’adolescent. L’ISPAD, en
2009, a établi des recommandations afin d’« assurer une alimentation équilibrée, dans un but
de prévention du risque cardio-vasculaire tout en préservant le bien-être social, culturel et
psychologique ». Ces préconisations sont, au mieux, délivrées initialement par un diététicien
spécialisé dans la prise en charge du diabète de type 1 en pédiatrie, qui suivra ensuite l’enfant
tout au long de la maladie en adaptant les conseils à ses besoins physiques, mais aussi
cognitifs et psycho-sociaux. Enfin, l’ISPAD souligne que l’ « on devrait faire attention à ne
pas être trop dogmatique et à ne pas imposer une méthode trop difficile, pouvant entraîner de
la confusion ou un échec et être la cause de souffrance, culpabilité et détresse chez l’enfant et
sa famille » (14). L’adolescence est une période à risque concernant l’apparition de troubles
du comportement alimentaire, comme la montré l’étude de Jones et al. en 2000. Il s’agissait
d’une étude comparative de grande ampleur, qui a retrouvé des troubles du comportement
alimentaire plus fréquents chez les jeunes filles suivis pour un diabète par rapport à celles qui
n’en avaient pas. Par ailleurs, ces troubles alimentaires était corrélés à un moins bon équilibre
glycémique (29). Dans notre étude, les adolescents ayant un équilibre optimal pratiquaient en
moyenne 2,4 (2,6) heures de sport en club par semaine, contre 1,3 (1,9) heures pour les
patients du groupe le moins bien équilibré (p = ns). Quelques études ont retrouvé qu’une
activité physique régulière pouvait améliorer l’équilibre métabolique, mais il s’agit de petites
études de faible puissance statistique (30). Un nombre non négligeable de nos patients (de 30
à 41 % selon les groupes) a bénéficié d’un suivi psychologique au cours de l’évolution de son
diabète, sans différence statistiquement significative entre nos 3 groupes. Une étude récente a
15
été menée sur les symptômes dépressifs chez 145 adolescents âgés en moyenne de 14,9 (2,3)
ans, ayant un diabète de type 1 évoluant depuis en moyenne 8,3 (3,5) ans. Les symptômes
dépressifs étaient plus fréquents que dans la population générale du même âge, plus
particulièrement chez les patients ayant un mauvais contrôle métabolique (6). En ce qui
concerne l’environnement socio-familial, la structure familiale était de type traditionnel chez
30/37 (81 %) de nos patients ayant un équilibre « optimal » et 9/17 (53 %) des patients du
groupe « à risque élevé » (p = ns). Dans l’étude internationale du groupe Hvidore investiguant
les relations entre contrôle glycémique et qualité de vie, les adolescents dont les deux parents
étaient à la maison avaient des valeurs d’HbA1c significativement plus basses que ceux de
familles monoparentales (23). D’autres recherches menées sur des enfants et adolescents ont
retrouvé des résultats similaires comme celle de Swift et al. en 2006 (31), qui a pu préciser
que dans les familles où les deux parents sont présents, l’HbA1c est en moyenne 0,5 % plus
basse que dans les familles monoparentales ou recomposées. Dans notre étude, 35 % des
enfants du groupe « à risque élevé » avaient un parent sans activité professionnelle contre
21% des patients du groupe d’équilibre « optimal » (p = ns). L’étude de Carter et al. en 2008
rapporte un lien entre statut socio-économique faible et mauvais contrôle glycémique (27), le
soutien familial est en effet essentiel dans la prise en charge du diabète de l’enfant. Dans une
revue des facteurs psychologiques importants pour la gestion du diabète des enfants et
adolescents diabétiques, Delamater en 2009 souligne le lien consistant entre fonctionnement
familial et gestion de la maladie (32). Tant des études prospectives que ponctuelles ont
démontré que de hauts niveaux de cohésion familiale, un accord sur les responsabilités dans la
gestion de la maladie, des comportements soutenants et une collaboration dans la résolution
de problèmes sont associés à une meilleure adhérence au traitement, un meilleur contrôle
glycémique et une meilleure qualité de vie. Alors que d’autres facteurs familiaux, comme le
conflit, la diffusion des responsabilités, des disputes à propos du traitement sont associés à
une moindre adhérence au traitement, un moindre contrôle glycémique et une moindre qualité
de vie (32).
En qui concerne le parcours scolaire, 35 % des patients du groupe « à risque élevé » avaient
redoublé durant leur cursus scolaire alors que le redoublement avait concerné 19 % des
patients ayant un « équilibre optimal » (p = ns). Le diabète nécessite à la fois des compétences
de soins, d’adaptation et d’accompagnement. On pourrait supposer que les jeunes ayant des
difficultés d’apprentissage au niveau scolaire ont également des difficultés dans
16
l’apprentissage des compétences de soins et d’adaptation mais la différence de cursus scolaire
entre nos 3 groupes n’était pas significative.
La mesure du niveau de qualité de vie lors des visites de suivi, en plus du contrôle
glycémique, peut-être particulièrement utile dans la prise en charge individuelle et la mise en
place d’interventions appropriées. L’étude de De Wit en 2008 a montré que l’évaluation et le
suivi de la qualité de vie lors des consultations de suivi clinique étaient bénéfiques pour le
bien-être psycho-social de l’adolescent suivi pour un diabète de type 1 (37).
Perspective
Obtenir un bon contrôle glycémique sans sacrifier la qualité de vie de l’adolescent suivi pour
un diabète de type 1 est un objectif primordial dans la prise en charge de cette maladie
chronique. Ces dernières années, des outils se développent afin de mesurer tout au long du
suivi le niveau de qualité de vie du patient et ainsi l’accompagner au mieux pour bien vivre
sa maladie au quotidien, et être ainsi en mesure d’optimiser les compétences physiques,
psycho-sociales, intellectuelles et émotionnelles nécessaires à l’auto-gestion du diabète jour
après jour. De futures études sont nécessaires afin de confirmer que ces outils sont appropriés
pour améliorer la qualité de vie et l’équilibre glycémique chez l’adolescent atteint de diabète
de type 1.
18
Annexe n°1
QUESTIONNAIRE QUALITE DE VIE – Diabétologie pédiatrique, CHU Rennes
Ce questionnaire concerne la vie avec le diabète. Entoure le nombre qui correspond à la meilleure réponse pour toi. Merci de
répondre à toutes les questions. Il servira de base pour une discussion sur ta façon de vivre avec le diabète.
19
Annexe n°2
QUESTIONNAIRE VECU DU DIABETE – Diabétologie pédiatrique, CHU Rennes
Jamais Très Parfois Souvent Tout le Total
rarement temps score
0-12
Ton quotidien avec le diabète
1. Est-ce que tu remplis ton carnet chaque jour ? 4 3 2 1 0
2. Est-ce que tu fais régulièrement tes glycémies ? 4 3 2 1 0
Est-ce que tu fais régulièrement l’analyse d’urines le
3. 4 3 2 1 0
matin ?
20
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