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Analyse critique du comportement

communicationnel des sociétés cotées


dans la bourse de Casablanca

FARRAT Outmane : Doctorant au sein du Laboratoire de recherche en


Management, Finance et Audit des Organisations – LAMAFAO, ENCG, FES

M. Youssef EL YAACOUBI : Enseignant-chercheur, Laboratoire de


recherche en Management, Finance et Audit des Organisations – LAMAFAO,
ENCG, FES

Résumé :

Au Maroc, les études qui portent sur la communication financière sont rares. Notre
contribution sert à présenter une image claire sur l’émergence du comportement
communicationnel des sociétés cotées dans la bourse de Casablanca. Pour ce faire, nous
essayons de présenter une généralité sur la communication financière ainsi que le cadre
réglementaire de ladite communication au Maroc, par la suite nous traiterons les indicateurs
qui pourront nous servir à analyser et à juger le comportement communicationnel des sociétés
cotées au Maroc.

Mots clefs :

Analyse, réglementation, communication financière obligatoire, communication financière


volontaire.

1
Introduction

Pour atteindre ses objectifs en matière de financement, l’entreprise doit fournir des
informations sur sa situation aux investisseurs afin qu’ils arrivent à évaluer les titres cotés en
bourse. C’est ainsi qu’elle doit généralement répondre aux besoins informationnels des parties
prenantes à travers un outil stratégique celui de la communication financière en l’occurrence.
En effet, telle qu’elle est définie par Léger : « La communication économique et financière
c’est la transmission des messages de l’entreprise vers les actionnaires et les investisseurs et
les divers autres publics au moyen d’outils sélectionnés pour rendre visible l’entreprise,
mettre en avant ses atouts, contribuer à son image positive, dans un environnement
concurrentiel »1. De son côté, Bruin la considère comme « l’activité d’information financière
et de promotion de l’image financière de l’entreprise »2. Aussi, la communication financière
est-elle l’un des reflets de la culture de l’entreprise dans la mesure où elle dépasse les seules
données objectives obligatoires en choisissant de mettre en avant certains thèmes plutôt que
d’autres » (Guimard, 1997, p.343-344).

D’après ces définitions, nous constatons donc que la communication financière est un
instrument utilisé par l’entreprise pour transmettre des informations :

- aux décideurs qui sont généralement les actionnaires, les investisseurs et les salariés ;
- aux émetteurs d’avis et de jugements, à savoir les analystes financiers, les journalistes,
les banquiers, les auditeurs ... etc.
- au reste du public comme les clients, les fournisseurs, les pouvoirs publics, les
concurrents, les syndicats ...

Outre mesure, de par la communication financière, l’entreprise vise la présentation des


stratégies lancées, la transparence des comptes, la valorisation de son image ainsi que
l’amélioration de sa notoriété institutionnelle. Dans ce sens, la communication financière
permet à l′entreprise d’assurer son marketing, d’établir une image sur le marché et d’assurer la
présence sur le marché des capitaux pour rendre les entreprises en permanence réceptives aux
émissions des titres qu’elles souhaitent lancer, cela veut dire que le marketing boursier joue
un rôle fondamental dans la vie de l’entreprise et constitue aussi un véritable outil stratégique
au service de son développement.

1
Léger, J-y., La communication financière, édition Dunod, 2010, p. 38
2
R. de Bruin, Communication financière : image et marketing de l’entreprise, Editions Liaisons, 1999, p.
2
A l’inverse de la publicité commerciale, la publicité financière cherche essentiellement à
commercialiser des produits intangibles (actions, obligations) auprès d’une clientèle spéciale. Cette
clientèle prend la décision d’achat ou de vente en fonction de plusieurs critères tels que :

- La confiance : l’augmentation du volume de confiance chez l’investisseur est une


responsabilité de la société, cela passe par la présentation des informations spéciales.
- Le risque-rentabilité : la minimisation des risques et l’augmentation de la rentabilité ne sont
pas garanties seulement par l’entreprise. Cette dernière doit informer l’actionnariat que le
système organisationnel est efficace et que le risque systémique est bien encadré.
- La clarté de l’information publiée afin d’enlever toute ambigüité chez l’investisseur.

Toutefois, la liste des critères à respecter par l’entreprise n’est pas limitée à ce niveau, car il y
a maints ingrédients à ajouter pour fidéliser la clientèle.

Dans ce contexte perturbé et instable, les entreprises marocaines doivent adopter des
stratégies de communication financière adaptées aux contraintes réglementaires et financières,
cela passe nécessairement par la fixation des objectifs clairs, l’existence des moyens
suffisants pour atteindre ces objectifs, sans oublier la construction d’un système d’évaluation
de la performance desdites stratégies afin de détecter les avantages et les inconvénients.

1. La communication financière obligatoire au Maroc


La communication financière est caractérisée par une dimension juridique importante
(Chekkar 2007). Durant les dernières années, la réglementation de la communication
financière a connu plusieurs mutations. Celles-ci sont expliquées par un contexte caractérisé
par :

- Des crises internationales successives qui frappent les marchés financiers durant les
dernières années, ce qui rend le financement de plus en plus difficile.
- Des difficultés d’accès au financement bancaire : les banques exigent des conditions
de plus en plus contraignantes, ce qui pousse les sociétés à trouver des formes de
financement plus favorables.
- La concurrence entre les émetteurs pour attirer les investisseurs.
- Les exigences informationnelles et financières des actionnaires...

Au Maroc la communication financière est encadrée par les textes suivants :

- Le Dahir portant loi n° 1-93-212 du 4 rebia ii 1414 (21 septembre 1993) relatif au
conseil déontologique des valeurs mobilières et aux informations exigées des

3
personnes morales faisant appel public à l’épargne (Modifié et complété par les lois
23-01, 36-05 44-06).

- La circulaire du CDVM (Version Janvier 2012). Modifiée le 08 avril 2013. Modifiée


le 1er octobre 2013. Modifiée le 1er octobre 2014.

- Le Dahir n° 1-96-124 du 4 rabii II 1417 (30 août 1996) portant sur la promulgation de
la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes (modifiée et complétée par les lois 81-
99, 23-01, 20-05, 78-12).

- Le Dahir n°1-13-21 du 1er joumada I 1434 (13 mars 2013) portant sur la promulgation
de la loi n°43-12 relative à l’Autorité marocaine du marché des capitaux.

- Le Dahir n°1-12-55 du 14 safar 1434 (28 décembre 2012) portant sur la promulgation
de la loi n° 44-12 relative à l’appel public à l’épargne et aux informations exigées des
personnes morales et organismes faisant appel public à l’épargne.

1.1 Les informations à publier par les sociétés cotées


La consultation du cadre réglementaire de la communication financière au Maroc nous
permet de dire qu’il y a plusieurs types d’informations à publier et que chaque type dispose
ses propres caractéristiques. Ainsi, le Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières (CDVM)
a publié en 2012 un guide de la communication financière dédié aux sociétés cotées dans la
bourse de Casablanca dont l’objectif est d’améliorer les pratiques de la communication
financière au Maroc. Ce guide définit trois formes d’informations et indique quelques textes
légaux et réglementaires précisant la nature des informations à publier ainsi que les
obligations liées à sa diffusion. Ces textes classent l’information selon son origine et sa
logique, à savoir : l’information occasionnelle et l’information continue (l’information
périodique et l’information importante)1.

A chaque fois qu’il y a un évènement de nature financière, l’entreprise est tenue de


présenter aux acteurs du marché toutes les informations en relation avec cette occasion : on
parle donc de l’information occasionnelle. Parmi les opérations financières qui rentrent dans
ce cadre, nous trouvons l’appel public à l’épargne (APE) ? A ce niveau, « Sans préjudice de
toutes autres obligations d’information découlant de législations ou réglementations
particulières qui lui sont applicables, toute personne faisant appel public à l’épargne est

1
Guide de la communication financière, Obligations et Recommandations, XXX, 2012, p.
4
soumise aux obligations d’information (...) L’information donnée au public par les personnes
qui font appel public à l’épargne doit être exacte, précise et sincère » 1.

Avant la publication de ces informations, l’autorité du marché est chargée de contrôler


la qualité de ces informations dans le document d’information qui « comprend notamment les
informations prévues par la législation applicable à la personne faisant appel public à
l’épargne. Préalablement à sa publication et à sa diffusion, ce document d’information doit
être visé par le C.D.V.M. » 2.

Par ailleurs, le cadre réglementaire de la communication financière au Maroc prévoit


aussi la publication des informations périodiques. Elles regroupent l’information annuelle,
semestrielle et trimestrielle. De sa part, l’autorité du marché recommande la publication de
ces informations dans les sites Web afin d’assurer une large diffusion. Cependant, les
informations publiées dans ce cadre diffèrent selon l’activité de l’émetteur et dont le contenu
est fixé par l’autorité du marché. Néanmoins, l’élément commun entre ces informations c’est
l’obligation de publier le bilan, le compte des produits et des charges, l’état des soldes de
gestion, le tableau de financement, les éléments de l’état des informations complémentaires.

Ainsi, les sociétés cotées dans la bourse de Casablanca sont obligées de publier les
informations continues ou permanentes. Ces informations représentent une source de
plusieurs litiges et risques dans le marché à cause de leur sensibilité et leur caractère imprévu.
« Les personnes morales faisant appel public à l’épargne sont tenues de publier dans un
journal d'annonces légales aussitôt qu'elles en ont pris connaissance, tout fait intervenant
dans leur organisation, leur situation commerciale, technique ou financière, et pouvant avoir
une influence significative sur les cours en bourse de leurs titres ou une incidence sur le
patrimoine des porteurs de titres »3. Cet article présente une description détaillée des
informations importantes à publier par les sociétés cotées. De même, la communication de
l’information privilégiée est une obligation à cause de son impact sur la valeur des titres.

1
Article 12-4 du Dahir portant loi n° 1-93-212 relatif au conseil déontologique des valeurs mobilières et aux
informations exigées des personnes morales faisant APE.
2
Article 14 du Dahir portant loi n° 1-93-212.
3
Article 16 du Dahir portant loi n° 1-93-212.
5
1.2 Le contrôle de l’information financière publiée par les sociétés cotées
au Maroc

Pour assurer l’équilibre informationnel au sein du marché financier, l’Autorité


Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) contrôle par la force de la loi les informations
qui circulent au sein du marché financier marocain et assure les informations aux opérateurs
du marché afin qu’ils puissent évaluer correctement les actifs financiers. Par conséquent, pour
la protection des épargnants, « Le CDVM1s’assure du respect, par les personnes ou
organismes faisant appel public àl’épargne, des obligations d’information prévues par le
présent texte ainsi que par toute autre législation particulière »2.

À l’occasion d’une opération financière et pour assurer la réussite de la mission de


contrôle de l’information, l’AMMC peut demander toutes les informations, les explications
ainsi que les justifications auprès des émetteurs. En cas d’échéance, l’autorité du marché peut
aller plus loin et de demander les documents sur lesquels les commissaires aux comptes ont
basé leurs certifications. De même que l’autorité compétente peut demander des rectifications
dans le cas de détection des anomalies dans les informations présentées par les sociétés faisant
appel public à l’épargne .Cependant, ladite autorité peut, sous certaines conditions, arrêter
immédiatement l’opération financière effectuée au sein du marché dans le cas de violation du
cadre réglementaire de la publication de l’information.

2. Les pratiques de la communication financière obligatoire au Maroc

L’efficience des marchés financiers passe par l’existence d’une information de qualité.
Celle-ci nécessite le respect du cadre réglementaire de la communication financière afin
d’assurer le minimum d’information aux opérateurs du marché. L’autorité du marché a fourni
des efforts considérables afin de montrer au public l’évolution du comportement
communicationnel des entreprises cotées dans la bourse de Casablanca. Dans ce paragraphe,
nous allons présenter une analyse des pratiques de la communication obligatoire au Maroc sur
la base des rapports du CDVM tout en abordant la diffusion de l’information périodique et
l’information importante.

1
Article 1, du Dahir n°1-13-21 du 1er joumada I 1434 (13 mars 2013) portant sur la promulgation de la loi n°43-
2 relative à l’Autorité marocaine du marché des capitaux prévoit que le terme « Autorité Marocaine du Marché
des Capitaux (AMMC) » se substitue au terme « Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM) » dans
tous les textes législatifs et réglementaires régissant le marché des capitaux.
2
Article 17 du Dahir n°1-12-55 portant sur la promulgation de la loi n° 44-12 relative à l’appel public à l’épargne
et aux informations exigées des personnes morales et organismes faisant appel public à l’épargne.
6
2.1 Le respect de la réglementation en matière de diffusion des informations périodiques

Les informations périodiques regroupent l’information annuelle, semestrielle et


trimestrielle. Pour les informations semestrielles, le délai est fixé au plus tard dans les trois 3
mois suivant la clôture du semestre et, pour les informations annuelles, au plus tard, un mois
avant l’assemblée générale ordinaire devant les approuver. Sur la base des données du
CDVM, les années 2010-2011, 3 émetteurs ont dépassé les délais de publication des
informations périodiques, de même l’exercice 2011, 50% des sociétés ont attendu le dernier
jour du délai réglementaire de publication pour publier leurs comptes, contre 82% en 2010.
Pour les années 2012 et 2013, le délai moyen de publication des informations annuelles est de
104 jours de la clôture de l’exercice, et d’environ 82 jours pour les informations semestrielles,
l’année 2014 a connu aussi un dépassement des délais de publication par trois sociétés.

L’autorité de la bourse de Casablanca a remarqué l’existence des insuffisances en


matière d’exhaustivité : les années 2012 et 2013 ont été marquées par l’enregistrement des
omissions par 4% des émetteurs contre 8% pour la période 2010-2011, dont les principales
ont porté sur le périmètre de consolidation, la publication des comptes annuels au titre de
l’année 2013 accompagnés d’une attestation d’examen limité au lieu du résumé du rapport
définitif des commissaires aux comptes, absence de publication du résumé du rapport des
commissaires aux comptes. En termes d’exhaustivité aussi, l’année 2014 a été marquée par
l’existence des manquements en matière de la publication des informations annuelles, ces
dernières ont été accompagnées d’une attestation d’examen limité au lieu du résumé du
rapport définitif des commissaires aux comptes cette anomalie concerne huit émetteurs. « Le
CDVM accorde une attention particulière aux rapports des commissaires aux comptes
accompagnant les états financiers des émetteurs et s’assure qu’en cas de réserves et ou
observations, celles-ci sont formulées de manière claire et pertinente permettant aux
investisseurs d’en apprécier la portée »1. Les observations et les réserves des CAC sont des
signespermettant d’évaluer la qualité des rapports publiés, autrement dit l’existence de
plusieurs observations et réserves implique l’imperfection des informations publiées dans ces
rapports.

En 2011, les CAC de 26 émetteurs ont formulé des réserves ou observations sur les
informations périodiques, contre 24 au titre de l’exercice 2010. Dans ce sens, le CDVM
confirme que certains émetteurs ont été concernés par plusieurs réserves ou observations, en

1
Pratiques de la communication financières des émetteur, Etat des lieux sur la période 2010-2011.

7
2013 le nombre de comptes certifiés avec réserves est de 16% contre 20% en 2012. Pour les
années 2014 et 2015, aucune information n’a été affichée par l’autorité du marché sur les
observations et les réserves des CAC.

Dans les marchés développés, les informations périodiques sont toujours


accompagnées des commentaires afin de mieux expliquer la situation générale de la société
aux investisseurs. Or ces commentaires vont répondre à certains principes comme la
comparabilité, la permanence dans le choix des indicateurs, la neutralité dans le traitement des
données ... etc. Dans ce cadre, l’autorité du marché enregistre plusieurs anomalies et
insuffisances dans les commentaires qui accompagnent les états de synthèse :

• La concentration sur les situations favorables ;


• le non-respect des critères d’objectivité dans la construction des graphiques ;
• l’absence de comparabilité pour certains indicateurs ;
• une faible valeur ajoutée pour certains commentaires.

En conséquence, nous enregistrons plusieurs insuffisances liées à la diffusion des


informations périodiques comme le non-respect des délais de publication, des insuffisances
liées à l’exhaustivité des états de synthèse et aux commentaires des résultats sans oublier le
nombre important des observations et réserves des CAC, mais nous ne pouvons pas
généraliser ces phénomènes sur toutes les sociétés cotées.

2.2 Le respect de la réglementation en matière de diffusion des informations importantes

On dit qu’une information est importante lorsqu’elle génère des incidences sur la
valeur des titres. Cela implique que ce type d’information est très sensible et sa publication
fait l’objet d’une réglementation spéciale et toute violation de la loi à ce niveau implique des
conséquences défavorables sur la réputation du marché et son équilibre. Cependant, la
publication de ces informations ne dépend pas toujours de la volonté des dirigeants, cela
signifie qu’il y a des plusieurs facteurs qui influencent la décision de divulgation comme la
conjoncture économique et financière. Nous signalons aussi que l’information importante est
publiée sans délai, le communiqué de presse est le support de communication le plus utilisé au
Maroc pour diffuser cette information. Toutefois, l’autorité du marché garantit la qualité des
informations publiées dans les communiqués de presse publiés et en cas d’insuffisance, elle
peut demander aux émetteurs une publication complémentaire.

8
Au titre de l’année 2011, les sociétés cotées dans la BVC ont publié 108
communiqués de presse (CP). La plupart ont porté sur des opérations de nature financière,
organisationnelle et stratégique.

Les années 2012-2013 ont été marquées par la publication des CP qui portent sur la
convocation des actionnaires aux assemblées générales et des commentaires sur les résultats.
Notons aussi que durant cette période le marché financier a connu la publication de 11 CP
après une demande du CDVM. Cependant, l’année 2014 a connu la publication de 428 CP,
dans lesquels cinq émetteurs ont publié des alertes sur les résultats, 47 % des CP ont pour
objet la diffusion des commentaires sur les résultats, 44 % concernent les AG et 4 % portent
sur les résultats des opérations de nature financière.

L’année 2015 a connu la publication de 433 communiqués de presse, dont 49 %


avaient pour objet la diffusion d’une information importante. Le contrôle effectué à titre de
cette année a permis de relever des insuffisances relatives à l’obligation d’information
importante. Il s’agit de six sociétés qui ont enregistré de fortes baisses, mais ces informations
n’ont pas été publiées au moment convenableet de cinq autres qui l’ont fait tardivement. Ces
émetteurs ont fait l’objet de sanctions disciplinaires et pécuniaires. Le nombre de valeurs
ayant fait l’objet de suspension de cotation est dehuit sociétés en 2015, dont deux à cause du
dépôt d’un projet d’offre publique et le reste pour publication d’informations importantes
selon les statistiques de l’autorité du marché des capitaux.

3. La communication financière volontaire au Maroc

Guimard (2007) constate que : « la communication financière est l’un des reflets de la
culture de l’entreprise dans la mesure où elle dépasse les seules données objectives
obligatoires en choisissant de mettre en avant certains thèmes plutôt que d’autres »1. La
politique de communication volontaire permet de changer la perception de la firme par les
actionnaires (Lev, 1992). Cependant, (Guyot T, 2010) constate que « la communication
volontaire est perçue par les chercheurs comme une partie de la culture de la société et
comme un processus complexe de transmission de données importantes au marché »2.
Dumontier et Raffournier (1998) ont constaté que plusieurs sociétés dépassent volontairement
la communication financière obligatoire vers une communication financière volontaire afin
d’accroître leur transparence et ainsi diminuer lescoûts d’agence et les coûts politiques. Donc,

1
REF
2
REF
9
l’objectif d’une communication volontaire est alors d’assurer un niveau élevé d’information
sur les performances non financières (Guyot T, 2010).

Sur le plan international, plusieurs études qui portent sur la communication financière
volontaire ont été effectuées. Ces études sont axées essentiellement sur les sites web et sur le
contenu des communiqués de presse. Pour la communication financière volontaire au Maroc,
la revue des textes publiés par l’autorité du marché nous permet de constater que la loi
encourage surtout la publication des données financières ainsi que les données non
financières, mais nous notons malheureusement qu’il y a un nombre limité des études
empiriques qui traitent de ce sujet. En outre, notons que nous avons trouvé seulement deux
établissements qui traitent la communication financière volontaire au Maroc : le premier c’est
le CDVM dans ses rapports annuels qui portent sur l’état des lieux des pratiques de CF au
Maroc ; le second est l’Institut Marocain des Administrateurs (IMA).

Ainsi, pour découvrir les dimensions des pratiques de la communication volontaire au


Maroc, nous nous référons aux rapports du CDVM et ceux de l’IMA qui portent sur la
transparence et la diffusion de l’information non financière de sociétés cotées dans la BVC.
Pour cela, nous en ferons état dans les axes suivants qui sont considérés comme les piliers de
la CF volontaire, à savoir :

• les réunions d’analystes ;


• les sites Web ;
• et le responsable de la communication et de la langue de la communication.

3.1 Les réunions d’analystes :

Pour informer le public sur les nouveaux résultats, les sociétés disposent de plusieurs
supports, parmi eux, nous trouvons les réunions avec les analystes financiers. Il s’agit d’une
rencontre facultative et n’est pas encadrée par une loi au Maroc, mais l’autorité boursière
recommande ce support afin de donner des signes positifs aux spécialistes. Et pour encourager
les entreprises à utiliser les réunions avec les spécialistes comme support de communication,
le CDVM présente annuellement une liste des sociétés qui ont suivi cette recommandation.

Bilan de cette action, durant l’année 2010, 34% ont organisé des réunions de
présentation de leurs résultats au profit des analystes financiers et journalistes économiques et
financiers, contre 36% en 2011. En 2012, 40% des sociétés ont présenté leurs résultats sous
forme de conférences de presse contre 31% en 2013. Pour les années 2014 et 2015, l’autorité

10
du marché n’a pas affiché des chiffres sur les réunions d’analystes ce qui représente un signe
négatif pour les opérateurs du marché.

A partir de ces données, nous constatons que le taux des émetteurs qui diffusent leurs
résultats à travers les réunions avec les spécialistes reste très faible malgré les
recommandations de l’autorité du marché.

3.2 Les sites Web

La CF volontaire a connu durant la dernière décennie une forte émergence. Ceci


s’explique par l’émergence des NTIC dans le monde entier, par conséquent l’utilisation de
l’internet pour diffuser les informations comptables et financières est une nécessité
aujourd’hui à cause de l’augmentation des internautes dans le monde. En France par exemple,
au cours de l’année 2002, 57% des investisseurs individuels étaient internautes, en 2006 un
français sur trois déclarait utiliser l’internet pour effectuer des opérations de nature financière,
en 2007, tous les investisseurs consultent des sites des sociétés cotées1.

L’examen de la littérature consacrée à l’étude des pratiques de diffusion des


informations financières sur Internet au niveau international, nous permet de distinguer des
essaies qui cherchent à décrire l’évolution de ces pratiquesdans ce support de communication.
Les pays étudiés comportent les Etats-Unis2, le Royaume-Uni3, l’Espagne4, la Croatie5,
l’Autriche6, la Chine7 et la Malaisie8.

A notre connaissance, il n’y a pas de chiffre sur l’utilisation de l’internet par les
investisseurs marocains, et les études empiriques qui portent sur l’utilisation des sites Web par
les sociétés cotées sont très rares. Ceci s’explique par les données du CDVM qui, en 2011,
montrent que le nombre d’émetteurs qui ne disposent pas de site web s’élève à 15%, et 56%
des émetteurs ont un site Web comprenant une rubrique information financière mise à jour,
20% des émetteurs n’ont pas de rubrique information financière. En 2012, 17 émetteurs ne
disposent pas de site Web, 24 sociétés ont des sites Web sans rubrique financière, 26
émetteurs disposent au niveau de leur site Web d’une rubrique financière, mais l’information
contenue n’est pas mise à jour.

1
J.Y.LEGER, La communication financière, REF, 2008, p. XXX
2
Debreceny, R., Gray G., Rahman, A. REF 2002, p.
3
Craven, B; Marston, C. (1999).REF
4
Gowthorpe et Amat (1999)
5
Pervan, I. (2005)
6
Pirchegger et Wagenhofer, (1999)
7
Xiao, J; Yang, H; Chow, C. (2004)
8
Hanifa, M.H; Ab. Rashid, H. (2005)
11
Si toutefois, le CDVM n’a pas affiché des données sur les pratiques de CF sur les sites pour
les années 2014 et 2015, l’Institut Marocain des Administrateurs (IMA) a publié en 2015 une
étude intitulée « transparence et diffusion de l’information non financière par les sociétés
cotées dans la BVC » dans laquelle il présente les données suivantes sur l’utilisation des sites
Web :

Site web fonctionnel et actualisé

Source : IMA

A partir de ces données, nous constatons que l’année 2014 a connu une augmentation
significative du nombre des sociétés cotées qui utilisent les sites Web pour publier leurs
informations par rapport à l’année 2011, mais ces résultats restent encore insuffisants car il
existe 24% des sociétés qui n’utilisent pas ce support de communication.

3.3 Responsable de la communication et langue de la communication

D’une part, le responsable de la communication financière est un intermédiaire entre la


société et les investisseurs. Son rôle consiste à transmettre les informations comptables et
financières au profit de communauté financière. L’existence de ce responsable au sein de
l’organisation est un signe positif qui implique que la société garde une grande importance
aux actionnaires et vice-versa. Au titre de l’année 2013, seules 35% des sociétés cotées dans
la BVC ont une personne dédiée exclusivement à cette fonction. D’une autre part, les
exigences de l’internationalisation obligent les sociétés cotées à publier leurs informations en
plusieurs langues afin d’attirer les investisseurs étrangers. Au Maroc, la langue française est la
plus utilisée, ce qui implique que l’investisseur anglo-saxon ne peut pas avoir un accès facile
au marché boursier marocain à cause de cette limite, mais les dernières années ont connu une
tendance vers l’utilisation de la langue arabe. Cette mutation s’explique par la volonté des
émetteurs d’attirer les investisseurs des pays du Golf.

12
Conclusion
En définitive, nous ne pouvons pas ignorer que les pratiques de la communication
financière au Maroc ont connu une forte émergence durant les dernières années. Ceci
s’explique par les mutations affectant le cadre juridique de ladite communication, par les
exigences informationnelles de la communauté financière, et aussi par la volonté exprimée par
les sociétés d’attirer un actionnariat stable et fidèle afin d’assurer un financement durable.
Cette situation n’implique pas la négligence des anomalies détectées en matière des pratiques
de la communication financière au Maroc. Ces insuffisances concernent à la fois la CF
obligatoire et volontaire.

En effet, les données de l’autorité du marché montrent qu’il y a plusieurs sociétés


cotées qui ne respectent pas les délais légaux de publication et autres publient leurs résultats
dans les jours de Week-end ou dans les journaux non spécialisés dans la finance et il y a des
émetteurs aussi qui ne fournissent pas la totalité de leurs informations. Cette situation fait
l’objet d’une intervention du CDVM qui prend l’initiative de demander des informations
complémentaires. De même, les commentaires accompagnant ces informations se
caractérisent par la concentration sur les situations favorables, le non-respect des critères
d’objectivité dans la construction des graphiques et l’absence de comparabilité pour certains
indicateurs et une faible valeur ajoutée. De sa part, la communication financière volontaire au
Maroc souffre de plusieurs insuffisances que nous avons pu relever comme :

- le nombre limité des sociétés qui font des réunions régulières avec les spécialistes ;
- l’existence des sociétés qui n’ont pas un site Web malgré son importance ;
- la langue française est la plus utilisée dans la rédaction des rapports. Ce constat
représente une barrière à l’entrée pour l’investisseur anglo-saxon ;
- l’absence des informations suffisantes sur l’actif immatériel et sur la responsabilité
sociétale des entreprises ;
- de même que plusieurs sociétés ne présentent pas des informations dans le cas d’une
contreperformance dans le temps convenable.

D’après ces résultats, nous constatons que les sociétés cotées dans la bourse de
Casablanca ne sont pas encore arrivées à une maturité communicationnelle, ce qui nécessite
un effort considérable par l’autorité du marché et par lesdites sociétés afin de présenter une
communication financière de qualité et aider les investisseurs à mieux évaluer les actifs
financiers. À la lumière de ces résultats, une question importante se pose : quels sont les

13
facteurs explicatifs du comportement communicationnel des sociétés cotées dans la bourse de
Casablanca ?

Références bibliographie :

1. Ouvrages :
- BRUIN de R., Communication financière : image et marketing de l’entreprise, Lieu,
Editions Liaisons, 1999.
- GUYOT M., Communication financière volontaire des sociétés françaises sur l’actif
immatériel et sa perception par le marché, Lieu, Edition XXX, 2010.
- LEGER, J-Y., La communication financière, Paris, édition Dunod, 2010.

2. Articles :
- CHEKKAR, R. (2007). L’émergence de la communication financière dans les sociétés
françaises cotées : Contribution à l’analyse de la relation entre l’entreprise et ses investisseurs,
le cas saint-gobain. Doctorat en sciences de gestion, Orléans : Université d’Orléans.
- CRAVEN B.; MARSTON C. (1999). “Financial Reporting on The Internet by Leading UK
Companies”. European Accounting Review. Volume 2. pp. 321-333.
- DEBRECENY R.; GRAY G; RAHMAN A. (2002). “The Determinants of Internet Financial
Reporting”. Journal of Accounting and Public Policy. Volume 21. pp. 371-394.
- DUMONTIER, P. & RAFFOURNIER B. (1998). “Why firms comply voluntarily with IAS :
anempirical analysis with swiss data”, Journal of International Financial Management
andAcconting, vol 9, no 3: 216-245.
- Gowthorpe, C; Amat, O. (1999). External Reporting of Accounting and Financial
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- HANIFA, M.H; Ab. Rashid, H. (2005). “The Determinants of Voluntary Disclosures in
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2. pp. 383-395.

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3. Textes législatifs :
- Dahir portant loi n° 1-93-212 du 4 rebia ii 1414 (21 septembre 1993) relatif au conseil
déontologique des valeurs mobilières et aux informations exigées des personnes morales
faisant appel public à l’épargne (Modifié et complété par les lois 23-01, 36-05 44-06).

- La circulaire du CDVM. Version Janvier 2012. Modifiée le 08 avril 2013. Modifiée le 1er
octobre 2013. Modifiée le 1er octobre 2014.

- Dahir n° 1-96-124 du 4 rabii II 1417 (30 août 1996) portant promulgation de la loi n°17-95
relative aux sociétés anonymes (modifiée et complétée par les lois 81-99, 23-01, 20-05, 78-
12).

- Dahir n°1-13-21 du 1er joumada I 1434 (13 mars 2013) portant promulgation de la loi n°43-
12 relative à l’Autorité marocaine du marché des capitaux.

- Dahir n°1-12-55 du 14 safar 1434 (28 décembre 2012) portant promulgation de la loi n° 44-
12 relative à l’appel public à l’épargne et aux informations exigées des personnes morales et
organismes faisant appel public à l’épargne.
4. Rapports :
- Pratiques de la communication financière des émetteurs, Etats des lieux CDVM, 2010-2011-
2012-2013-2014-2015.

- Transparence et diffusion de l’information non financière des sociétés cotées, IMA, 2015.

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