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Spondylarthrite ankylosante et autres


spondylarthropathies
J. Sibilia, T. Pham, C. Sordet, B. Jaulhac, P. Claudepierre

Les spondylarthropathies (SP) regroupent des pathologies dont la lésion élémentaire est une atteinte
inflammatoire des enthèses axiales et/ou périphériques. Il s’agit de la spondylarthrite ankylosante (SPA),
des arthrites réactionnelles (AR), du rhumatisme psoriasique (RP) et des manifestations articulaires des
entérocolopathies inflammatoires chroniques (maladie de Crohn et rectocolite ulcérohémorragique). Leur
prévalence est proche de celle de la polyarthrite rhumatoïde, de l’ordre de 0,2 à 0,5 % dans la population
générale. Ces rhumatismes ont des caractéristiques communes : Ils débutent le plus souvent chez l’adulte
jeune avec un terrain génétique prédisposant (human leukocyte antigen [HLA] B27) et ont une
évolution marquée par de fréquentes rémissions spontanées mais aussi vers une forme chronique,
invalidante et handicapante. Toutes les enthèses peuvent être touchées. Les localisations les plus
caractéristiques sont les sacro-iliaques et le rachis, responsables de l’atteinte axiale, mais aussi le
calcanéus, les articulations claviculaires, la symphyse pubienne et les interphalangiennes distales pour ce
qui est des atteintes périphériques. Des arthrites périphériques, asymétriques, peuvent compléter le
tableau clinique. Face à un tableau de rachialgies inflammatoires de l’adulte jeune, ou d’atteinte
inflammatoire des enthèses ou articulations périphériques, il faudra à l’interrogatoire et à l’examen
clinique des antécédents personnels ou familiaux de SP, mais aussi de psoriasis, acné, pustulose,
entéropathie, affection génito-urinaire ou digestive, atteinte oculaire. L’examen clinique recherche les
syndromes pelvirachidien, enthésitique, articulaire périphérique et extra-articulaire. Le bilan biologique
sert surtout à éliminer les diagnostics différentiels. En effet, le syndrome inflammatoire peut être absent ou
discret, surtout dans les formes axiales. La recherche de HLA B27 ne se justifie que dans les formes
débutantes et/ou atypiques de SP et doit être interprétée avec prudence car 7 à 10 % de la population
caucasoïde porte au moins un allèle HLA B27. Les lésions radiologiques caractéristiques apparaissent le
plus souvent tardivement, mais permettent alors de confirmer le diagnostic. La pierre angulaire de la prise
en charge des SP est l’association des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), dont l’efficacité est un
critère diagnostique important, et de la rééducation fonctionnelle. Les antalgiques sont intéressants en
traitement d’appoint des AINS. En cas d’insuffisance des AINS, on pourra envisager l’introduction d’un
traitement de fond. Pour les formes périphériques, certains traitements comme la Salazopyrine®, le
méthotrexate, le léflunomide et les anti-tumor necrosis factors (TNF)-a ont fait la preuve de leur efficacité
clinique, en particulier dans le RP. En revanche, seuls les anti-TNF-a ont démontré une efficacité clinique
sur les formes axiales. Ces traitements ne peuvent être utilisés dans les SP qu’après l’échec d’un
traitement conventionnel conduit de façon optimale et sur avis d’un rhumatologue ayant une grande
expérience des SP et des biothérapies.
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Mots clés : Spondylarthrite ankylosante ; Spondylarthropathie ; AINS ; Anti-TNF

Plan L’inflammation des spondylarthropathies est surtout faite de


polynucléaires 6
¶ Introduction 2 L’efficacité des anti-inflammatoires non stéroïdiens peut être
¶ Concept de spondylarthropathie 2 spectaculaire 6
Âge de début 2 La physiopathologie des spondylarthropathies se caractérise par
L’homme est plus souvent touché mais les formes féminines ne l’interaction entre un terrain immunogénétique prédisposant et
sont pas rares 2
des micro-organismes arthritogènes : exemple des arthrites
La prévalence des spondylarthropathies est mal connue 4
réactionnelles 6
L’enthèse est le siège électif de l’atteinte inflammatoire dans les
spondylarthropathies 4 L’évolution des spondylarthropathies est caractéristique 8

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7-0510 ¶ Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies

¶ Démarche diagnostique dans les spondylarthropathies 8 ■ Introduction


L’interrogatoire a pour objectifs 8
L’examen clinique doit analyser et rechercher avec précision les Les spondylarthropathies (SP) regroupent la spondylarthrite
signes caractéristiques des SP 8 ankylosante (SPA) ou pelvispondylite rhumatismale (PSR), le
syndrome de Reiter et les arthrites réactionnelles (AR), le
¶ Quelle est la valeur des examens complémentaires ? 10
rhumatisme psoriasique (RP) et les manifestations articulaires
Quel est l’intérêt du bilan standard ? 10
des entérocolopathies inflammatoires chroniques (maladie de
Faut-il faire un bilan immunitaire ? 10
Crohn et rectocolite ulcérohémorragique). Certaines formes
Faut-il faire un prélèvement articulaire ? 10
moins caractérisées sont appelées SP indifférenciées (Fig. 1). Ces
Le bilan infectieux a-t-il des implications pratiques ? 10
affections constituent un groupe homogène de rhumatismes
La recherche de HLA B27 est-elle systématiquement justifiée ? 10
inflammatoires caractérisés par des enthésopathies axiales
L’examen ophtalmologique doit-il être réalisé systématiquement ? 10 (pelvirachidiennes) et périphériques parfois associées à des
Quelle est la valeur des examens radiographiques ? 10 arthrites périphériques et des signes extra-articulaires. Ces SP
¶ En pratique, comment surveiller une spondylarthropathie ? 12 ont également un terrain génétique commun comme l’atteste
Évaluation des symptômes 12 l’existence de cas familiaux et la forte liaison avec l’antigène
Évaluation objective de l’atteinte ostéoarticulaire 12 d’histocompatibilité de classe I, human leukocyte antigen (HLA)
Évaluation biologique 12 B27.
Recherche des complications extra-articulaires 12 L’intérêt du concept de SP est double :
Évaluation radiologique 12 • il facilite le diagnostic des rhumatismes inflammatoires grâce
¶ Quelques aspects cliniques particuliers 12 à l’utilisation de critères diagnostiques internationaux validés
Arthrites réactionnelles 12 (Tableau 1, 2) ; [1-4]
Rhumatisme psoriasique 13
• il regroupe des affections dont la pathogénie est souvent
Manifestations articulaires des entéropathies inflammatoires
caractérisée par l’interaction entre un terrain immunogénéti-
que prédisposant et différents micro-organismes arthrito-
(maladie de Crohn et rectocolite hémorragique) 13
gènes.
Spondylarthropathies indifférenciées 13
¶ Aux frontières des spondylarthropathies 13
Concept SAPHO
Autres affections pouvant se manifester par une
13 ■ Concept de spondylarthropathie
spondylarthropathie 13 Les SP ont des caractéristiques épidémiologiques et physiopa-
¶ Principes thérapeutiques 13 thologiques originales communes résumées dans le Tableau 3.
Traitements médicaux 13
Rééducation, physiothérapie et règles d’hygiène de vie 14 Âge de début
Traitements locaux 14
Traitement chirurgical 15 Les SP débutent souvent à la fin de la croissance entre 16 et
Traitement et prévention des complications extra-articulaires 15 30 ans. Récemment, le démembrement des arthrites chroniques
Grands principes de recours aux traitements 15 juvéniles a montré qu’il existe aussi chez l’enfant d’authenti-
ques SP. Ces formes à début juvénile sont plus fréquentes dans
¶ Principes thérapeutiques spécifiques des différentes formes de
certaines régions : 10 à 15 % des SP débutent avant l’âge de
spondylarthropathie 15
15 ans en Europe alors que ce pourcentage est de 30 % dans les
Arthrites réactionnelles 15
pays du Maghreb. Plus rarement, certaines formes débutent
Rhumatisme psoriasique 15
tardivement (après 50 ans). [5]
Manifestations articulaires des entéropathies inflammatoires 16
¶ Problèmes thérapeutiques particuliers 16
Comment traiter une spondylarthropathie pendant la grossesse ? 16
L’homme est plus souvent touché mais
Comment traiter les formes réfractaires localisées de SP ? 16 les formes féminines ne sont pas rares
Comment traiter une SP en cas d’antécédents d’ulcère Le sex-ratio dépend du type de SP (Tableau 4). Depuis
gastroduodénal ou d’ulcère évolutif ? 17 quelques années, les formes féminines, qui étaient jusqu’ici
Comment traiter une SP du sujet âgé ? 17 vraisemblablement confondues avec d’autres rhumatismes
¶ Conclusion 17 inflammatoires, sont de plus en plus fréquentes. Dans la SPA, le
sex-ratio qui était de 10 hommes et 1 femme il y a une dizaine

Figure 1. Spondylarthropathies. RCH : rec-


tocolite hémorragique.
Manifestations
Syndrome de Reiter
articulaires des
et arthrites
entéropathies
réactionnelles
inflammatoires
(Crohn, RCH)

Spondylarthrite
ankylosante
Rhumatisme Spondylarthropathies
psoriasique indifférenciées

Manifestations
articulaires des
affections dermatologiques
(acné, pustulose)
SAPHO ?

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Tableau 1.
Critères diagnostiques des spondylarthropathies : critères proposés par l’European Spondylarthropathy Study Group (ESSG) (1991).
Description des critères
Critères majeurs
1. Douleurs rachidiennes inflammatoires 1. Douleurs rachidiennes inflammatoires
Antécédent ou douleur actuelle du rachis lombaire, dorsal ou cervical avec au moins 4 des 5 critères suivants :
- âge de début inférieur à 45 ans
- début insidieux
- douleur augmentée par l’effort
- raideur matinale
- depuis au mois 3 mois
2. Synovites asymétriques ou prédominantes 2. Synovite
aux membres inférieurs Arthrites asymétriques dans les antécédents ou en cours ou arthrites prédominantes aux membres inférieurs
Critères mineurs
1. Antécédents familiaux de spondylar- 1. Antécédents familiaux au premier ou au deuxième degré de :
thropathie Spondylarthrite ankylosante ou psoriasis ou uvéite ou arthrite réactionnelle ou maladie inflammatoire intesti-
nale
2. Psoriasis 2. Psoriasis
Dans les antécédents ou en cours objectivé par un médecin
3. Maladie inflammatoire intestinale 3. Maladie inflammatoire digestive
Dans les antécédents ou en cours, maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique diagnostiquées par un mé-
decin et confirmées par la radiographie ou l’endoscopie
4. Urétrite 4. Douleurs fessières à bascule
Dans les antécédents ou en cours
5. Diarrhée aiguë 5. Enthésopathies
Douleurs ou sensibilité à l’insertion des tendons d’Achille ou de l’aponévrose plantaire
6. Douleurs fessières à bascule 6. Diarrhée
Précédant de moins de 1 mois les arthrites
7. Enthésiopathie 7. Urétrite
Non gonococcique, ou cervicite précédant de moins de 1 mois les arthrites
8. Sacro-iliite radiologique 8. Sacro-iliite
≥ stade 2 ou bilatérale
≥ stade 3 si unilatérale
(stade 0 : normal, stade 1 : possible, stade 2 : minime,
stade 3 : modérée, stade 4 : ankylose)

Tableau 2. Tableau 3.
Critères diagnostiques des spondylarthropathies d’Amor (1990). Dix caractéristiques épidémiologiques et physiopathologiques
essentielles des spondylarthropathies.
A. Signes cliniques ou histoire clinique Points
1. Douleurs nocturnes lombaires ou dorsales et/ou raideur 1 L’âge de début est de 20 à 30 ans mais il existe des formes juvéniles et des
matinale lombaire ou dorsale formes à révélation tardive (> 50 ans)
2. Oligoarthrite asymétrique 2 L’homme est plus souvent touché que la femme mais les formes fémini-
3. Douleurs fessières sans précision ou douleurs fessières 1 ou 2 nes sont fréquentes même dans la spondylarthrite ankylosante (2 à
à bascule 3 hommes/1 femme)
4. Doigt ou orteil en « saucisse » 2 La prévalence globale des spondylarthropathies est de 0,2 à 0,5 % dans
la population générale. Cette prévalence est directement liée au terrain
5. Talalgie ou autre enthésopathie 2
génétique (HLA B27)
6. Iritis 2
L’évolution des spondylarthropathies est marquée par de fréquentes ré-
7. Urétrite non gonococcique ou cervicite moins de 1 mois 1
missions spontanées et l’évolution possible vers une forme chronique
avant le début de l’arthrite
Différentes formes de spondylarthropathie peuvent s’associer simulta-
8. Diarrhée moins de 1 mois avant l’arthrite 1
nément ou successivement chez un même individu
9. Présence ou antécédent de psoriasis et/ou d’une balanite 2
et/ou d’une entérocolopathie chronique La pathogénie des spondylarthropathies se caractérise par l’interaction
entre un terrain immunogénétique prédisposant, particulièrement lié à
B. Signes radiologiques
HLA B27, et des micro-organismes arthritogènes (cf. Tableau 5)
10. Sacro-iliite (stade < 2 bilatérale ou stade > 3 si unilatérale) 3
Des modèles animaux des spondylarthropathies (rats transgéniques
C. Terrain génétique
pour le gène HLA B27 humain) confirment les données cliniques et pa-
11. Présence de l’antigène B27 et/ou antécédents familiaux 2 thogéniques humaines
de pelvispondylite et/ou de syndrome de Reiter et/ou
La lésion élémentaire est une atteinte des enthèses axiales (syndrome
de psoriasis et/ou d’uvéite et/ou d’entérocolopathie chronique
pelvirachidien) et/ou périphériques (talalgies et autres enthéso-
D. Sensibilité au traitement pathies)
12. Amélioration en 48 heures des douleurs par les anti- 2
Les lésions inflammatoires des spondylarthropathies sont faites de poly-
inflammatoires non stéroïdiens et/ou rechute rapide (48 h)
nucléaires neutrophiles, contrairement aux autres rhumatismes inflam-
des douleurs à leur arrêt
matoires comme la polyarthrite rhumatoïde
Le malade sera déclaré ayant une spondylarthropathie si : La sensibilité aux anti-inflammatoires non stéroïdiens est un bon critère
=> la somme des points des 12 critères est égale ou supérieure à 6 diagnostique
=> et s’il répond aux items 7 ou 8 HLA : human leukocyte antigen.

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7-0510 ¶ Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies

Tableau 4.
Prévalence, association avec human leukocyte antigen (HLA) B27 et sex-ratio des différentes spondylarthropathies.
Spondylarthropathies Prévalence (population Association avec HLA B27 Risque relatif Sex-ratio
caucasoïde) (%) (%)
Spondylarthrite ankylosante 0,2 à 0,5 90 à 95 90 2-3 H/1 F
Arthrite réactionnelle 0,1 60 à 80 35 2-6 H/1 F pour forme génito-urinaire
1 H/1 F pour forme digestive
Rhumatisme psoriasique 0,1 40 à 70 10 1 H/1F
Arthrite associée à une maladie 0,01 30 à 60 10 1 H/1F
inflammatoire intestinale
Dans la population caucasoïde, la prévalence de HLA B27 est de 7 à 10 %. Le risque relatif évalue la probabilité d’apparition d’une spondylarthropathie dans une population
caucasoïde quand le sujet porte un allèle HLA B27. H : homme ; F : femme.

d’années, est actuellement évalué à 2-3/1. Ces formes féminines


ressemblent beaucoup aux formes masculines, même si les
arthrites périphériques semblent un peu plus fréquentes. [1, 3, 5]

La prévalence des spondylarthropathies


est mal connue
Cette prévalence dépend de nombreux facteurs : la popula-
tion étudiée, les critères diagnostiques utilisés, la méthode de
l’enquête.
La prévalence des SP est proportionnelle à HLA B27 quelle
que soit la race. Dans la population noire et asiatique où la
prévalence de HLA B27 est inférieure à 2 %, les SPA
sont beaucoup plus rares que dans la population caucasoïde
(Tableau 4).
Globalement, la prévalence de l’ensemble des SP a été estimée
par plusieurs études donnant des résultats assez proches, de
l’ordre de 0,2 à 0,5 % dans la population générale. [6, 7] Les
données françaises les plus récentes sont fournies par les
enquêtes EPIRHUM 1 et 2, réalisées par la section Épidémiologie
de la Société française de rhumatologie. La prévalence des SP
semble être très proche dans cette étude de celle de la polyarth-
rite rhumatoïde.
Il faut signaler des tendances nouvelles :
• La prévalence des SPA est en hausse, surtout en raison d’une
meilleure connaissance des formes juvéniles et féminines et
des formes frustes ;
• La prévalence du RP semble également en hausse car cette
affection est maintenant mieux connue. Il est généralement
admis que la prévalence du psoriasis cutané est de 1 à 3 %
de la population générale. Dans cette population de psoriasis Figure 2. Aspects radiographiques d’une sacro-iliite débutante.
cutané, 5 à 30 % des patients ont des manifestations articu- A. Radiographie (bassin, face) : sacro-iliite débutante prédominante à
laires inflammatoires compatibles avec un RP ; [8] droite.
• La prévalence des authentiques AR est en baisse dans les pays B. Scanner (coupe axiale) : sacro-iliite débutante.
occidentaux, probablement en raison de la modification de
l’écologie bactérienne et peut-être de l’utilisation plus osseuse et d’appositions périostées formant des enthésophytes.
fréquente des antibiotiques. Selon les épidémies d’infections Dans les formes évoluées, cette prolifération osseuse va entraî-
digestives par Salmonella, Shigella, Campylobacter ou Yersinia, la ner une véritable fusion osseuse responsable de l’évolution
fréquence des AR varie entre 0 et 15 %. [9] ankylosante des SP. Cette évolution explique bien la chronolo-
• Il est possible que, d’une part les sujets vivant ou originaires gie des lésions de la triade ostéite-périostose-hyperostose
du Maghreb, et d’autre part les sujets infectés par le virus de caractéristique des enthésopathies des SP (Fig. 2 à 6).
l’immunodéficience humaine (VIH), soient plus à risque de
développer une SP. Une plus grande contamination bacté- Comment expliquer les lésions radiographiques
rienne du tube digestif est évoquée, sans éléments définitifs liées à ces enthésopathies ?
à l’heure actuelle.
Toutes les structures ostéoarticulaires comportant des enthèses
peuvent être touchées.
L’enthèse est le siège électif de l’atteinte • Les articulations sacro-iliaques ne comportent qu’une zone
inflammatoire dans synoviale très réduite car elles sont faites en majeure partie de
les spondylarthropathies ligaments. La sacro-iliite est donc considérée comme une
enthésopathie sacro-iliaque, ce qui explique l’évolution
L’enthèse est formée par des travées osseuses parallèles aux fusionnante fréquemment observée (Fig. 2, 3).
fibres de collagène du tendon qui s’ancrent dans l’os. Il existe • Le disque intervertébral est formé d’un annulus fibreux qui
entre l’os et le tendon une zone cartilagineuse qui a la fonction est une véritable enthèse enserrant le nucleus pulposus. Cet
d’amortir les contraintes en traction. annulus s’insère à la périphérie des corps vertébraux (sur le
Dans les SP, l’atteinte inflammatoire débute de façon caracté- listel marginal) et concentriquement autour du nucleus
ristique au niveau des enthèses. Après une phase initiale pulposus. Les lésions initiales sont une enthésopathie péri-
inflammatoire (ostéite) qui se traduit par des érosions osseuses phérique qui se traduit par une érosion du bord antérieur de
limitées apparaît un processus cicatriciel fait de prolifération la vertèbre (signe de Romanus) avec un squaring vertebral,

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Figure 3. Aspect radiographique d’une sacro-iliite évoluée.


A. Radiographie (bassin, face) : sacro-iliite évoluée avec des érosions et Figure 5. Aspects radiographiques calcanéens dans les spondylarthro-
une ostéocondensation bilatérale prédominante sur le versant iliaque. pathies.
B. Scanner (coupe axiale) : sacro-iliite évoluée. A. Radiographie (calcaneus, profil) : lésions érosives et condensantes
(ostéite) de la zone sous-calcanéenne.
B. Radiographie (calcaneus, profil) : apparition d’une reconstruction os-
c’est-à-dire une « mise au carré ». L’évolution ultérieure est seuse : enthésophyte sous-calcanéen.
marquée alors par l’apparition d’un enthésophyte appelé
syndesmophyte. Quand il existe une enthésopathie des fibres
centrales de l’annulus, les lésions radiographiques peuvent système enthésique complexe caractérisé par un réseau
apparaître comme une spondylodiscite « pseudopottique ». conjonctif qui relie la dernière phalange à l’ongle et à la
Dans certaines formes évoluées, la fusion ossifiante des peau. Son atteinte est caractéristique du RP, et peut se traduire
différentes structures vertébrales donne l’aspect caricatural en par une véritable ostéite distale (parfois sans arthrite) associée
« colonne bambou » (Fig. 4). à une onychose psoriasique appelée onycho-pachydermo-
• Toutes les autres enthèses périphériques peuvent être tou- périostite psoriasique (OPPP) (Fig. 6).
chées. Les localisations les plus caractéristiques sont le
calcaneus, les articulations claviculaires (acromio- et sterno- Existe-t-il une atteinte synoviale dans les SP ?
costo-claviculaire), la symphyse pubienne et les interphalan- Dans la plupart des SP, il existe aussi une atteinte synoviale
giennes distales (Fig. 5). L’exemple des interphalangiennes responsable d’atteintes articulaires périphériques décrites
distales est très particulier car la dernière phalange est un ultérieurement.

Figure 4. Aspects radiographiques vertébraux


dans les spondylarthropathies.
A. Radiographie (rachis lombaire, profil) : lésions
érosives et condensantes (ostéite) des bords ver-
tébraux (signe de Romanus) responsables d’une
« mise au carré » (squaring).
B. Radiographie (rachis lombaire, profil) : appari-
tion d’une reconstruction osseuse, le syndesmo-
phyte.
C. Radiographie (rachis lombaire, face) : aspect
évolué « colonne bambou » caractérisé par une
fusion ossifiante des structures rachidiennes.

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Ces constatations n’excluent pas que la lésion initiale soit


lymphocytaire comme le démontrent les modèles expérimen-
taux de SP. Cette réaction lymphocytaire initiale pourrait
traduire la reconnaissance par le système immunitaire de l’hôte
d’un ou de plusieurs antigènes spécifiques par les lymphocytes
auxiliaires CD4 + et/ou cytotoxique CD8 + . Cependant, les
mécanismes qui mènent de cette réaction immunitaire spécifi-
que à l’infiltrat à PNN des enthèses des SP restent mystérieux.

L’efficacité des anti-inflammatoires


non stéroïdiens peut être spectaculaire
Cette efficacité est un critère diagnostique important mais
dans certaines formes de SP, les AINS peuvent être modérément
ou peu efficaces sans que cela remette en cause le diagnostic.

La physiopathologie
des spondylarthropathies se caractérise
par l’interaction entre un terrain
immunogénétique prédisposant
et des micro-organismes arthritogènes :
exemple des arthrites réactionnelles
Chez l’homme, l’étude des AR a permis de mieux comprendre
ces interactions entre l’hôte et les micro-organismes. Ces
constatations ont été étendues à la compréhension des méca-
nismes des autres SP (Tableau 5). [9-11]
L’étude des modèles animaux de SP a aussi été particulière-
ment contributive pour comprendre la pathogénie des SP. Des
rats transgéniques B27 ont été créés en introduisant de multi-
ples copies des gènes humains de HLA B27 et de la bêta-2-
microglobuline dans le génome murin. Ces rats transgéniques
vont développer une affection proche des SP associant des
arthrites périphériques, une colite, une inflammation génitale et
des anomalies cutanées et unguéales. Il est intéressant de
constater que si des rats nouveau-nés sont élevés en ambiance
stérile (germ free), ils vont développer une affection associant
uniquement des signes cutanés et génitaux mais sans arthrite et
sans colite. Ces constatations confirment bien la nécessité d’une
interaction entre un terrain génétique prédisposé et des micro-
organismes pour expliquer l’apparition de manifestations
articulaires. [9-11]

Quel est le rôle des micro-organismes


arthritogènes dans les arthrites réactionnelles ?
Par définition, les AR sont définies comme des arthrites
aseptiques survenant dans les semaines qui suivent une infec-
tion extra-articulaire (génitale et/ou digestive). Cette notion,
consacrée par l’usage, élargit le concept plus restrictif de
syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, dont la forme typique
oculo-urétro-synoviale est devenue rare. Dans les AR, les germes
Figure 6. Aspects radiographiques des doigts dans le rhumatisme pso- classiquement arthritogènes sont des germes urogénitaux dans
riasique. 50 % des cas et des germes digestifs dans 50 % des cas. Ce
A. Radiographie (main, face) : atteinte débutante de l’interphalangienne pourcentage est variable selon les régions. D’autres bactéries
distale de l’index. sont impliquées avec moins de certitude, souvent sans relation
B. Radiographie (main, face) : atteintes plus évoluées des interphalan- avec HLA B27 : Borrelia, Brucella, Chlamydia pneumoniae, Strepto-
giennes distales et proximales du 4e doigt. coccus (Tableau 6).
Le risque d’AR a été évalué par l’expérience clinique qui
montre qu’après une urétrite non gonococcique (essentiellement
L’inflammation des spondylarthropathies à Chlamydia trachomatis et Ureaplasma urealyticum), 0,5 à 3 % de
est surtout faite de polynucléaires la population générale et 10 à 20 % des sujets HLA B27 vont
développer une AR. Des chiffres analogues ont été notés après
L’infiltrat inflammatoire synovial de la plupart des rhumatis- des infections digestives par une entérobactérie arthritogène
mes inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde est fait (Yersinia, Shigella, Salmonella). Pour comprendre la prévalence
de cellules macrophagiques et lymphocytaires. En revanche, des AR, il faut savoir que toutes ces bactéries ne sont pas
dans les SP, l’infiltrat articulaire (enthèse et synoviale) est arthritogènes comme cela a été démontré pour Yersinia dont le
dominé par les polynucléaires neutrophiles (PNN). Cet excès de caractère arthritogène est lié à la présence d’un plasmide
PNN est également présent dans les atteintes extra-articulaires (plasmide Yersinia virulence) qui porte des gènes impliqués dans
comme les lésions cutanées du psoriasis ou les lésions digestives la virulence de ces bactéries (Yad A : Yersinia adhesive A, YopH
des entéropathies. et E : Yersinia outer membrane protein H et E).

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Tableau 5.
Infections et portes d’entrée dans les spondylarthropathies.
Spondylarthropathies Notion d’infection ou de porte d’entrée Germes en causes
Arthrite réactionnelle Infection génito-urinaire Chlamydia trachomatis
Infection digestive Ureaplasma urealyticum
Salmonella typhimurium et enteritidis
Yersinia enterocolitica et pseudotuberculosis
Shigella flexneri
Campylobacter jejuni
Spondylarthrite ankylosante Porte d’entrée digestive ? Klebsiella pneumoniae ?
Rhumatisme psoriasique Porte d’entrée cutanée ? Streptocoques ?
Arthrites associées à une maladie digestive Porte d’entrée digestive ? Entérobactéries ?
inflammatoire Mycobactéries ?

Tableau 6.
Germes arthritogènes impliqués dans les arthrites réactionnelles.
Tractus urogénital Tractus intestinal Autres
Rôle certain Chlamydia trachomatis Shigella flexneri
Ureaplasma urealyticum Salmonella enteritidis
Salmonella typhimurium
Yersinia enterocolitica
Yersinia pseudotuberculosis
Campylobacter jejuni
Rôle possible Neisseria gonorrhoeae Shigella sonnei Chlamydia pneumoniae
Clostridium difficile Chlamydia psittaci
Leptospira icterohemorrhagica Mycobacterium bovis
Escherichia coli Borrelia burgdorferi
Giardia lamblia Streptococcus
Cryptosporidia Staphylococcus aureus
Entamoeba histolytica Propionibacterium acnes
Taenia saginata

Comment ces bactéries déclenchent-elles Y a-t-il des arguments en faveur du rôle


une arthrite ? des micro-organismes dans les autres
Ces dernières années, un point important a été la découverte
spondylarthropathies ?
de génome bactérien (acide désoxyribonucléique [ADN] et Dans la SPA, le rôle de Klebsiella pneumoniae a été évoqué sans
parfois acide ribonucléique [ARN]) dans les prélèvements pouvoir démontrer le rôle direct de cette bactérie. Dans les
synoviaux des AR par de nouvelles techniques de biologie manifestations inflammatoires des entéropathies, le rôle des
moléculaire (amplification génique ou polymerase chain reaction : entérobactéries, dont le passage pourrait être facilité par les
PCR). Ces constatations ont été faites pour presque toutes les lésions de la muqueuse digestive, a été évoqué sans pouvoir être
bactéries arthritogènes, sauf pour Yersinia. Ces résultats viennent formellement confirmé. Dans le RP, le rôle des streptocoques
conforter des études plus anciennes qui avaient déjà montré cutanés dans le déclenchement des manifestations articulaires
l’existence d’inclusions cytoplasmiques d’allure bactérienne par est une hypothèse défendue par certains (Tableau 5). [9-11]
des techniques immunohistochimiques et microscopiques.
Il est donc possible que les AR, jusqu’à présent présumées Quel est le rôle de HLA B27 ? Existe-t-il d’autres
stériles, soient liées : gènes prédisposants ?
• soit à la persistance intrasynoviale de formes bactériennes
viables non réplicables, c’est-à-dire non cultivables (Chlamydia HLA B27 est indiscutablement impliqué dans la pathogénie
trachomatis et Ureaplasma urealyticum, Salmonella typhimurium des SP pour différentes raisons (Tableau 5).
et enteritidis, Shigella flexneri) ; • Quelle que soit l’ethnie, la prévalence des SP est proportion-
• soit à la persistance intrasynoviale de résidus antigéniques nelle à celle de HLA B27 ;
bactériens, notamment lipopolysaccharidiques (Yersinia • toutes les formes de SP sont associées à un degré variable à
pseudotuberculosis et enterocolitica). HLA B27. Toutes les formes moléculaires de B27, dont on
Ces constatations microbiologiques originales pourront peut- connaît aujourd’hui 11 types différents (B*2701 - 2711),
être déboucher sur une meilleure compréhension des SP et peuvent être observées dans les SP avec une fréquence qui
surtout sur une nouvelle stratégie diagnostique et thérapeutique. varie avec la prévalence de chaque sous-type dans la popula-
Cependant, pour l’instant de nombreuses questions restent sans tion étudiée (80 à 90 % des caucasoïdes sont B*2705).
réponse : Néanmoins, il est intéressant de noter que, dans certaines
• comment une bactérie peut-elle persister dans la synoviale en populations, B*2706 et 2709 pourraient être des allèles
échappant au système immunitaire tout en déclenchant la protecteurs. [12]
réaction inflammatoire intrasynoviale ? Ainsi, HLA B27 est un facteur génétique prédisposant aux SP,
• comment expliquer l’apparition des enthésopathies axiales et mais celles-ci n’apparaissent vraisemblablement que sous
périphériques caractéristiques des SP alors que ces germes ont l’influence d’un facteur d’environnement, le plus souvent
un tropisme plutôt synovial ? microbien. Dans cette hypothèse, HLA B27 pourrait intervenir
• quel est le rôle de HLA B27 ? de différentes façons :

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7-0510 ¶ Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies

• HLA B27 pourrait servir de molécule de présentation de Tableau 7.


peptides bactériens arthritogènes. Cette théorie classique est Dix étapes du bilan diagnostique initial d’une spondylarthropathie (SP).
actuellement très controversée ; 1. Rechercher une notion de SP familiale
• HLA B27 a des similitudes moléculaires avec certaines
2. Rechercher une affection extra-articulaire récente ou passée (person-
protéines bactériennes (Yersinia pseudotuberculosis et Shigella
nelle et familiale) : psoriasis, acné, pustulose, entéropathie, infection
sonnei). En raison de ces similitudes, HLA B27 pourrait
génito-urinaire ou digestive, atteinte oculaire
devenir une cible « par homologie » pour le système immu-
3. Confirmer et caractériser la SP (cf. Tableaux 1, 10)
nitaire de l’hôte. Néanmoins, cette théorie ne permet pas
d’expliquer les manifestations cliniques des SP car les molé- 4. Rechercher une complication extra-articulaire (surtout uvéite et val-
cules HLA de classe I sont exprimées par toutes les cellules vulopathie...) : discuter un bilan ophtalmologique et cardiologique
(électrocardiogramme, échocardiographie)
nucléées de l’organisme ;
• HLA B27 pourrait favoriser une invasion intracellulaire par 5. Biologie standard
différentes bactéries (Yersinia, Salmonella), notamment en • hémogramme
servant de ligand aux molécules d’adhésions bactériennes • VS – CRP
et/ou en modulant la réponse anti-infectieuse. Ces constata- • bilan hépatique et fonction rénale
tions, qui sont essentiellement expérimentales, n’ont pas 6. Bilan radiographique
encore été confirmées in vivo ;
Radiographie standard
• la fonction et la structure des molécules HLA B27 pourraient
• systématique : bassin (sacro-iliaque), rachis lombaire face et profil,
être modifiées par l’interaction avec certaines bactéries
rachis cervical profil
(Yersinia, Salmonella). Les molécules « HLA B27 modifié »
exprimées plus spécifiquement par les cellules infectées • accessoire : enthèses et articulations douloureuses
pourraient alors servir de cibles au système immunitaire de *Ne discuter un scanner sacro-iliaque qu’en cas de sacro-iliite non
l’hôte. Cette hypothèse séduisante doit aussi être confirmée confirmée
dans les SP humaines. Scintigraphie : pas de scintigraphie osseuse sauf exception pour recher-
Malgré ces arguments, il est vraisemblable que les SP ne cher une enthésopathie
soient pas directement liées à HLA B27 car 10 à 50 % des SP ne IRM : l’IRM des sacro-iliaques et du rachis dorsolombaire est utile pour
sont pas associées à HLA B27. La prévalence de la SPA est de rechercher des signes spécifiques (validation en cours)
1-3 % dans une population caucasoïde B27 mais elle est de Échographie des articulations et des enthèses : cette méthode est en
20 % si les sujets B27 sont apparentés à un patient atteint de cours de validation
SPA. Ces chiffres suggèrent une prédisposition familiale indé- 7. Bilan génétique uniquement dans les formes atypiques
pendante de HLA B27 mais à ce jour, il n’a pas été identifié • HLA B27 (typage sérologique classique)
d’autre gène de susceptibilité aux SP. L’étude d’autres gènes HLA
8. Analyse du liquide articulaire en cas d’arthrite pour éliminer une étio-
(B60, B35) et de gènes proches ou non d’HLA est en cours.
logie infectieuse ou microcristalline : cellules, cristaux, protéines, micro-
organismes
L’évolution des spondylarthropathies 9. Bilan infectieux uniquement dans les SP indifférenciées et les arthrites
est caractéristique réactionnelles
Cette évolution a trois caractéristiques. • sérologie de Chlamydia trachomatis (IgA ?)
• De fréquentes rémissions spontanées sont observées dans • recherche de l’ADN de Chlamydia trachomatis par PCR sur les urines
toutes les SP, même dans la SPA. Cette évolution est particu- du 1er jet et/ou sur le frottis cervical
lièrement caractéristique des AR au cours desquelles la • bactériologie de toute infection extra-articulaire
première poussée est généralement suivie après 1 à 6 mois • coproculture seulement en cas de syndrome diarrhéique ou de
d’une rémission complète. Cependant, 2 ans après, près de signes digestifs
60 % des patients ont rechuté souvent sur le même mode. 10. Bilan immunitaire uniquement pour le diagnostic différentiel
• Toutes les SP peuvent évoluer vers un tableau de SPA chroni- • anticorps antinucléaire => rhumatismes auto-immuns
que. À titre d’exemple, 10 ans après la première poussée, 10
• facteurs rhumatoïdes et anticitrulline (anti-CCP) => polyarthrite
à 15 % des AR développent un tableau axial proche de la SPA. rhumatoïde
Ce pourcentage est de 25 à 40 % après 15 ans d’évolution.
• Le passage d’une forme à l’autre ou la survenue simultanée de VS : vitesse de sédimentation ; CRP : C reactive protein ; IRM : imagerie par
résonance magnétique ; HLA : human leukocyte antigen ; Ig : immunoglobulines ;
différentes SP est possible chez un même patient. Par exem- ADN : acide désoxyribonucléique ; PCR : polymerase chain reaction.
ple, l’évolution d’une SPA apparemment primitive peut être
émaillée d’épisodes d’AR et, quelques années après, par
.
l’apparition d’un authentique RP. Ces interrelations entre les • De rechercher des antécédents personnels d’atteintes enthé-
différentes formes de SP illustrent bien l’originalité du sopathiques ou articulaires.
concept. • De rechercher une affection extra-articulaire récente ou
passée : psoriasis, acné, pustulose, entéropathie, affection
■ Démarche diagnostique génito-urinaire ou digestive, atteinte oculaire. Dans certains
cas, la présence de ces signes chez les parents du 1 er et
dans les spondylarthropathies 2e degré peut aussi permettre d’orienter le diagnostic.

Une démarche diagnostique en trois temps justifie une bonne


connaissance des caractéristiques cliniques et de la physiopa-
L’examen clinique doit analyser
thologie des SP. Cette démarche, résumée dans le Tableau 7, et rechercher avec précision les signes
peut s’effectuer de la façon suivante. caractéristiques des SP
• Évoquer le diagnostic de SP en recherchant un symptôme ou
un signe caractéristique. Syndrome pelvirachidien
• Confirmer le diagnostic de SP en éliminant un autre rhuma-
• La symptomatologie pelvirachidienne s’explique essentielle-
tisme inflammatoire et en recherchant d’autres arguments
ment par des enthésopathies axiales qui peuvent toucher le
diagnostiques (critères diagnostiques : Tableau 2).
pelvis, le rachis mais aussi la paroi thoracique. Les rachialgies
• Caractériser le type de SP (Fig. 1).
inflammatoires sont surtout lombaires et dorsolombaires. Le
caractère inflammatoire n’est pas toujours facile à confirmer
L’interrogatoire a pour objectifs mais il est vraisemblable si au moins quatre des cinq caracté-
• De rechercher une notion familiale de SP en s’arrêtant par ristiques suivantes sont observées : survenue avant l’âge de
convention aux parents du 1er et 2e degrés. 40 ans, début insidieux, évolution depuis plus de 3 mois,

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Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies ¶ 7-0510

présence d’une raideur matinale, améliorée par l’exercice. Ces Cette uvéite régresse habituellement sans séquelle mais peut
rachialgies ont aussi la particularité d’être bien soulagées par laisser des synéchies cicatricielles exceptionnellement responsa-
les AINS. Les autres signes (limitation de la mobilité, défor- bles de cécité.
mation) sont plus tardifs et peu utiles au diagnostic précoce.
• Les douleurs fessières, souvent à bascule, traduisent une sacro- Autres manifestations extra-articulaires
iliite habituellement bilatérale, mais parfois à début unilaté- Différentes autres manifestations extra-articulaires caractéris-
ral. Les douleurs inflammatoires siègent à la partie supérieure tiques de chaque SP peuvent être observées, parfois successive-
de la fesse et peuvent irradier jusqu’aux genoux, plus rare- ment ou simultanément chez un même patient.
ment aux mollets. L’examen clinique est assez difficile car Le psoriasis cutané observé dans le RP est souvent minime,
peu de manœuvres sont spécifiques, surtout quand le sujet touchant surtout le cuir chevelu et les plis. L’atteinte unguéale
souffre de rachialgies. La douleur reproduite par la palpation parfois polymorphe est très spécifique. Parfois, ces lésions ne
directe est l’un des meilleurs signes cliniques. sont évoquées qu’à l’interrogatoire, ce qui rend le diagnostic de
• Des douleurs thoraciques antérieures (sterno-costo- certitude difficile.
claviculaires et chondrosternales) et postérieures (costoverté- Les lésions digestives de la maladie de Crohn et de la rectocolite
brales) sont très spécifiques. Parfois, les atteintes antérieures ulcérohémorragique précèdent souvent l’atteinte articulaire. Plus
peuvent se manifester par une véritable tuméfaction inflam- rarement, l’atteinte digestive peut être précédée et parfois
matoire de la paroi thoracique. révélée par un tableau de SP. Dans ce cas, les signes digestifs
peuvent être uniquement décelés à l’interrogatoire. En pratique,
Syndrome enthésopathique périphérique en l’absence de tout signe digestif ou d’anomalies biologiques
Ces enthésopathies sont responsables de manifestations (syndrome inflammatoire, troubles de l’absorption), les examens
cliniques caractéristiques. digestifs systématiques (endoscopie) ne sont pas nécessaires
• Les talalgies inflammatoires rétro- et sous-calcanéennes mais il est intéressant de noter que des coloscopies systémati-
doivent absolument faire évoquer le diagnostic de SP chez le ques ont montré des lésions inflammatoires iléales dans plus de
sujet jeune. Le caractère inflammatoire de cette atteinte se la moitié des SPA et des AR. La signification de ces lésions n’est
traduit habituellement par des douleurs qui surviennent dès pas univoque. Il s’agit, soit de lésions liées aux AINS, soit de
la marche au lever et gênent les premiers pas. lésions digestives spécifiques des SP.
• D’autres enthésopathies touchant la tubérosité tibiale anté- Les signes extra-articulaires des AR sont de deux types :
rieure, le grand trochanter et le pubis se traduisent aussi par • les signes infectieux génito-urinaires (urétrite, prostatite,
des douleurs inflammatoires caractéristiques qu’il ne faut pas salpingite, cervicite) ou digestifs (gastroentérite), qui précè-
confondre avec des tendinopathies microtraumatiques. dent de 4 à 6 semaines l’apparition des manifestations
articulaires ; cette porte d’entrée peut passer inaperçue dans
Syndrome articulaire périphérique plus de la moitié des cas, surtout quand il s’agit d’une
infection génitale féminine ;
Le tableau caractéristique est une oligoarthrite des membres • certains signes oculo-cutanéo-muqueux, apparemment non
inférieurs touchant surtout les genoux et les chevilles. Cette infectieux, peuvent marquer l’évolution d’une AR :
oligoarthrite peut se voir dans toutes les SP, notamment dans la C l’atteinte oculaire est une conjonctivite banale souvent
SPA (dans 30 % des cas), mais elle est très caractéristique des AR. bilatérale ;
Plus rarement l’atteinte peut être monoarticulaire ou polyarti- C les lésions muqueuses génitales sont une balanite (20 % des
culaire. Ces formes polyarticulaires ne doivent pas être confon- cas), et parfois peuvent s’accompagner de macules ou
dues avec une polyarthrite rhumatoïde ou un autre rhumatisme d’érosions du scrotum disparaissant sans séquelles ;
périphérique.
C les lésions muqueuses buccales sont des plaques érythéma-
Deux localisations particulières méritent d’être signalées.
teuses (6 % des cas), indolores, s’étendant exceptionnelle-
• L’atteinte coxofémorale (coxite) est un signe de sévérité des
ment autour de la bouche et du nez (ectodermose
SP. Cette atteinte assez fréquente (20 à 40 % des cas), surtout
dans les SPA, survient souvent dans les 5 premières années pluriorificielle) ;
d’évolution. Cette coxite doit être distinguée des enthésopa- C les autres lésions cutanées sont exceptionnelles. Il s’agit de
thies des adducteurs et du pubis qui sont également respon- papules ou de pustules le plus souvent palmoplantaires qui
sables de douleurs inguinocrurales inflammatoires. forment des lésions hyperkératosiques parfois difficiles à
• Les orteils et doigts en « saucisse » se caractérisent par une différencier d’un psoriasis.
tuméfaction inflammatoire érythématoviolacée qui s’observe
Autres complications viscérales des SP
surtout dans les AR et le RP. Cet aspect très spécifique est
assez rare, observé par exemple seulement dans 5 à 10 % des Elles sont rares.
AR à Chlamydia trachomatis. • Les manifestations cardiaques (surtout des valvulopathies,
Ces atteintes périphériques sont liées à une synovite souvent parfois des myocardites et rarement des péricardites) sont
non spécifique. Parfois, l’aspect histologique peut être plus observées, surtout dans la SPA et les AR. Ces atteintes sont
caractéristique, marqué par une intense hyperplasie vasculaire et rares (moins de 5 % des cas, même après 10 ans d’évolution).
une inflammation périvasculaire, mais sans nécrose importante • Les atteintes pulmonaires sont presque exclusivement obser-
et sans hyperplasie synoviale. En pratique, l’histologie synoviale vées au cours de la SPA. Le plus souvent il s’agit d’une
n’a pas d’intérêt diagnostique. atteinte respiratoire restrictive liée à une atteinte des articu-
lations thoraciques. Plus rarement, dans 1,3 % des cas, il a été
Syndrome extra-articulaire décrit une altération fibrobulleuse des sommets, sans signe de
tuberculose.
Signes généraux
• Une atteinte rénale amyloïde (de type AA) est observée dans
Les signes généraux (asthénie, amaigrissement, fièvre) sont 0,5 à 10 % des SPA, surtout dans les formes à début juvénile.
rares mais peuvent être observés dans les AR aiguës, en particu- Plus rarement, des néphropathies à immunoglobulines (Ig)A
lier dans les formes postdysentériques. Ces signes seraient aussi ont également été décrites, surtout dans la SPA.
plus fréquents dans les formes à début tardif (> 50 ans). • Des atteintes neurologiques liées à des subluxations atloï-
doaxoïdiennes sont possibles dans 1 à 2 % des cas. Il a
Uvéite
également été décrit des épidurites aseptiques parfois compli-
C’est le signe extra-articulaire le plus fréquent. Il s’agit d’une quées de syndrome de la queue de cheval caractérisé par
uvéite antérieure qui se traduit par un œil rouge et douloureux l’existence d’un mégafourreau dural.
(pendant plus de 48 heures). Sa prévalence, liée à la présence de .
• Une ostéopathie fragilisante parfois révélée par des fractures
HLA B27, varie selon les SP. Dans la SPA, elle est observée dans rachidiennes est observée dans les formes évoluées de SPA. Sa
30 % des cas et peut être inaugurale chez 2 à 5 % des patients. fréquence est mal connue.

Traité de Médecine Akos 9


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7-0510 ¶ Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies

■ Quelle est la valeur des examens • Dans les formes postdysentériques, les coprocultures sont
généralement sans intérêt car il n’y a plus de germes dans les
complémentaires ? selles quand les signes articulaires apparaissent.
• La recherche de germes intra-articulaires par des méthodes
Quel est l’intérêt du bilan standard ? classiques (culture, immunofluorescence) ou par d’autres
techniques (PCR) n’a pas démontré son intérêt en pratique
• Un syndrome inflammatoire est noté dans 60 à 80 % des cas
quotidienne. Des travaux complémentaires sont justifiés pour
mais la vitesse de sédimentation (VS) est souvent inférieure à
démontrer la valeur diagnostique et l’utilité réelle de ce type
50 mm à la 1e heure et la C reactive protein (CRP) inférieure à
de recherche.
60 mg/l. Un syndrome inflammatoire plus fréquent et plus
• Les examens sérologiques apportent exceptionnellement une
intense est observé dans certaines formes périphériques, en
certitude diagnostique car la présence d’anticorps peut être
particulier dans les AR à porte d’entrée digestive, les arthrites
simplement la cicatrice sérologique d’une infection ancienne.
des entéropathies et certains rhumatismes psoriasiques. En
Une infection récente ne peut être évoquée qu’en cas de
revanche, dans les formes purement axiales, le syndrome
primo-infection documentée (apparition d’abord d’IgM, puis
inflammatoire peut être discret ou absent dans près de 30 %
quelques semaines après d’IgG à titre croissant). Ce profil
des cas. Au total, quand elles sont présentes, ces anomalies
sérologique n’est pas fréquent chez un adulte qui développe
biologiques sont des marqueurs d’évolutivité des SP.
une SP. En pratique, la seule sérologie dont la valeur est
• La thrombocytose est une anomalie biologique inconstante qui
reconnue est celle pour Chlamydia trachomatis. En revanche,
peut s’expliquer par un syndrome inflammatoire, mais égale-
les sérologies des germes digestifs des entérobactéries (Yersinia,
ment par une carence martiale liée à un saignement digestif
Salmonella) ne sont pas spécifiques en raison de phénomènes
induit par les AINS ou une entéropathie inflammatoire.
de réactivité croisée avec d’autres entérobactéries. L’étude
• Une hypergammaglobulinémie polyclonale est observée le
d’isotype particulier peut être intéressante car il a été montré
plus souvent dans les formes inflammatoires. Dans ces
que la persistance d’IgA anti-Chlamydia trachomatis et anti-
formes, l’élévation polyclonale des IgA pourrait être le reflet
Yersinia pouvait être liée à la persistance d’une infection
des réponses immunitaires à une stimulation antigénique des
extra-articulaire. Néanmoins, dans l’état actuel des choses, ces
muqueuses génitales et/ou digestives. La recherche de ces
résultats n’ont pas démontré leur intérêt pratique.
anomalies n’a pas d’intérêt en pratique quotidienne.

Faut-il faire un bilan immunitaire ? La recherche de HLA B27 est-elle


L’intérêt d’un bilan immunitaire est limité mais la recherche systématiquement justifiée ?
d’autoanticorps doit permettre d’éliminer certains diagnostics L’analyse des molécules HLA de classe I est inscrite à la
différentiels. En particulier, ce bilan peut permettre d’éliminer une nomenclature (B 400) et remboursée. Mais la recherche de HLA
affection auto-immune révélée par des manifestations articulaires B27 ne se justifie que dans les formes débutantes et/ou atypi-
périphériques (anticorps antinucléaire) et surtout une polyarthrite ques de SP. Dans ce contexte, la découverte de HLA B27 doit
rhumatoïde débutante (facteurs rhumatoïdes et anticitrulline [anti- toujours être interprétée avec prudence car 7 à 10 % de la
CCP]). En fait, la valeur diagnostique de ces marqueurs sériques n’est population caucasoïde porte au moins un allèle HLA B27.
jamais absolue et doit être discutée en fonction du contexte clinique.
Les seuls autoanticorps qui peuvent être observés dans les SP L’examen ophtalmologique doit-il être
sont les facteurs rhumatoïdes (FR). Ces FR sont observés dans 5 réalisé systématiquement ?
à 10 % des SPA et des AR et dans 10 à 20 % des RP. Dans ce
contexte, ces FR n’ont pas d’intérêt diagnostique ou pronostique La recherche systématique d’une uvéite se justifie dans les
particulier. formes juvéniles HLA B27. En revanche, chez l’adulte, l’examen
ophtalmologique n’est indiqué qu’en cas de symptômes ou
Faut-il faire un prélèvement articulaire ? d’antécédents oculaires mal expliqués.
Le liquide et le tissu synoviaux n’ont aucune particularité qui
permette de poser avec certitude le diagnostic de SP. En revan- Quelle est la valeur des examens
che, il est toujours très utile d’analyser le liquide articulaire en radiographiques ?
cas d’épanchement pour éliminer une arthrite infectieuse ou
Des radiographies des sites de prédilection (articulations
microcristalline.
sacro-iliaques, charnière dorsolombaire et calcanéus) peuvent
Le bilan infectieux a-t-il des implications être réalisées même en l’absence de douleurs car, dans certains
cas, des lésions peuvent s’installer à bas bruit. Quelques pièges
pratiques ? doivent être évités.
Ce bilan ne se justifie que dans les AR et les SP indifféren- • Dans les formes juvéniles, une enthésopathie ne doit pas être
ciées. Il a été montré que dans près de 30 % des oligoarthrites confondue avec une épiphysite de croissance. Il faut savoir
indifférenciées, il existe une infection asymptomatique à que les clichés sacro-iliaques sont ininterprétables chez
Chlamydia trachomatis ou à Ureaplasma urealyticum. Dans ce cas, l’enfant et l’adolescent car l’aspect est physiologiquement
l’identification de ces agents bactériens a un intérêt pathogéni- pseudoélargi et irrégulier (« pseudo-sacro-iliite »). Chez
que, mais aussi des implications thérapeutiques. l’adulte, une sacro-iliite peut être confondue avec une
• La recherche d’une infection génito-urinaire est justifiée arthrose sacro-iliaque ou une ostéose condensante banale.
même si l’identification d’un germe extra-articulaire est rare L’atteinte axiale doit être distinguée des lésions dégénératives
quand les manifestations articulaires sont apparues. Cette banales (ostéophytes) ou d’une maladie hyperostosante
recherche peut être effectuée par immunofluorescence directe, (maladie de Forestier) (Tableau 8).
par une méthode immunoenzymatique ou par amplification • Le scanner est particulièrement utile pour l’exploration des
génique (PCR). La sensibilité et la spécificité de ces méthodes articulations sacro-iliaques (coupes axiales) et des atteintes
de détection sont très variables selon la qualité des prélève- thoraciques et rachidiennes (charnière cervico-occipitale). Le
ments, la valeur intrinsèque du test et l’expérience du scanner des sacro-iliaques n’est justifié que si la radiographie
laboratoire. Actuellement, on préconise d’effectuer la recher- standard n’est pas suffisamment évocatrice ou en cas d’hési-
che d’ADN de Chlamydia trachomatis par PCR sur les urines tation diagnostique (Fig. 2, 3).
du premier jet matinal (chez l’homme et la femme) et sur le • La scintigraphie osseuse aux bisphosphonates marqués au
frottis du col de l’utérus. Cette technique est plus spécifique technétium 99 n’a qu’un intérêt limité pour le diagnostic
(environ 100 %) et plus sensible (environ 80 %) que les d’une sacro-iliite débutante, car en général la fixation du
méthodes classiques. Elle permet aussi d’éviter le traumatisme traceur est bilatérale et peu intense. Chez l’enfant et l’adoles-
du frottis urétral. Cette PCR est inscrite à la nomenclature des cent, il existe une hyperfixation physiologique des sacro-
actes biologiques depuis août 1997 (B 80 à B 120). iliaques pendant la phase de croissance qui rend cet examen

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Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies ¶ 7-0510

Tableau 8. car il n’est pas possible d’affirmer le diagnostic de sacro-iliite


Diagnostics différentiels des spondylarthropathies en fonction du type de sur la scintigraphie. De nombreux faux positifs (arthrose,
l’atteinte clinique et/ou radiographique pelvirachidienne. fissure, tumeur) peuvent faire porter abusivement le diagnos-
1. Atteinte sacro- sacro-iliite infectieuse (infection à pyogènes, tu-
tic de sacro-iliite. Elle peut être éventuellement utilisée dans
iliaque unilatérale berculose, brucellose) les formes atypiques débutantes sans signes radiographiques
maladie de Paget objectifs ou exceptionnellement pour la recherche d’une
tumeur complication ostéoarticulaire (fracture, fissure).
2. Atteinte sacro- ostéose iliaque condensante • L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’a pas d’intérêt
iliaque bilatérale arthrose sacro-iliaque
pratique pour l’instant mais, dans l’avenir, cet examen
pourrait faciliter le diagnostic précoce des enthésopathies
variante de la normale « pseudoérosion »
axiales et périphériques et permettre une exploration plus
3. Atteinte maladie de Scheuermann
rachidienne
précise des complications neurologiques d’origine rachidienne
discarthrose
des SP.
hyperostose vertébrale (maladie de Forestier)
• L’échographie (échodoppler) peut avoir un intérêt pour le
spondylodiscite infectieuse ou microcristalline
diagnostic d’une enthésopathie, mais sa valeur diagnostique
(chondrocalcinose)
et pronostique doit encore être précisée avant d’être utilisée
en pratique quotidienne.
ininterprétable. La scintigraphie peut avoir plus d’intérêt dans En pratique, le diagnostic de SP peut être facilité par un arbre
la détection d’enthésopathies périphériques. En pratique, elle décisionnel (Fig. 7) et par des conseils par le diagramme
n’est jamais utilisée comme un argument diagnostique formel (Tableau 7).

Mode d'entrée Rachialgies Signes articulaires Signes extra-articulaires


dans une inflammatoires périphériques • psoriasis
spondylarthropathie • lombaires • arthrite • uvéite
• dorsales • oligoarthrite • entéropathies (Crohn,
• cervicales (surtout membre RCUH)
inférieur) • infections digestives
• enthésite ou génito-urinaires
• acné sévère

Bilan diagnostique Arguments diagnostiques


clinique

• Histoire familiale de spondylarthropathie


• Apparition d'une manifestation articulaire (axiale
ou périphérique) ou extra-articulaire évocatrice
• Sensibilité de la symptomatologie rhumatismale
aux AINS

Examens Bilan complémentaire


complémentaires

Recherche de signes Recherche des manifestations associées


(enthésites et arthrites) • infection génito-urinaire (Chlamydia)
de spondylarthropathie • entérocolopathie inflammatoire
• uvéite
• atteinte cardiaque (valvulopathie)
RX des sacro-iliaques
et des articulations +
douloureuses

-
HLA B27 Autres examens d'imagerie
• Scanner sacro-iliaque pour rechercher ou affirmer une sacro-iliite
• Scintigraphie pour rechercher des signes d'enthésopathie
- + • IRM sacro-iliaque et dorsolombaire pour rechercher une atteinte
inflammatoire spécifique

! L'échographie articulaire et des enthèses est en cours de validation

Figure 7. Arbre décisionnel. Comment faire le diagnostic de spondylarthropathies. Cet arbre doit se faire en tenant compte des dix étapes du bilan
diagnostique (cf. Tableau 6). RCUH : rectocolite ulcérohémorragique ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; RX : radiographie ; HLA : human leukocyte
antigen ; IRM : imagerie par résonance magnétique.

Traité de Médecine Akos 11


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7-0510 ¶ Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies

■ En pratique, comment surveiller Tableau 11.


Version française de l’index d’activité (Bath ankylosing spondylitis disease
une spondylarthropathie ? activity index : BASDAI) des spondylarthropathies.
1. Comment décririez-vous le niveau global de fatigue/asthénie que
Le suivi quotidien d’une SP a comme objectifs (Tableau 9) :
vous avez ressenti ?
• d’évaluer l’évolutivité subjective et objective de la maladie ;
• de rechercher des complications, en particulier une uvéite. 2. Comment décririez-vous le niveau global de douleur de spondyl-
arthropathie du cou, du dos, ou des hanches que vous avez ressenti ?
3. Comment décririez-vous le niveau global de douleur ou gonflement
Évaluation des symptômes d’articulations autres que le cou, le dos, ou les hanches que vous avez
Cette évaluation peut se faire par l’appréciation globale de la ressenti ?
douleur, de la fonction, de la raideur et de l’asthénie. Ces 4. Comment décririez-vous le niveau global d’inconfort dû à des en-
différents signes peuvent être évalués séparément en utilisant droits sensibles au toucher ou à la pression que vous avez ressenti ?
différents instruments validés, tels que l’échelle visuelle analo- 5. Comment décririez-vous le niveau global de raideur matinale que
gique ou l’échelle numérique pour la douleur ou l’index BASFI vous avez ressenti au réveil ?
pour la fonction (Tableau 10). 6. Combien de temps dure votre raideur matinale après votre réveil ?
Il est aussi possible d’utiliser des index composites. Différents
index ont été validés mais l’un des plus faciles à utiliser est le Le patient répond à chaque question par une cotation sur une échelle visuelle
analogique de 0 à 10. Pour chaque question, la valeur obtenue va donc de 0 à
10 sauf pour les questions 5 et 6 pour lesquelles est établie une moyenne de 0 à 10.
Ainsi, le score global de ces six questions va de 0 à 50. Ce score est converti en valeur
Tableau 9.
de 0 à 10 qui définit le score final du BASDAI.
Surveillance pratique d’une spondylarthropathie. L’objectif est
d’apprécier l’évolutivité et de rechercher une complication extra-
articulaire. Bath ankylosing spondylitis disease activity index (BASDAI). Cet
Évaluation des symptômes : asthénie, douleur, fonction, raideur index peut être utilisé au quotidien car il permet une apprécia-
L’évolution peut se faire soit séparément pour chacun des symptômes, tion pragmatique et rapide de l’état fonctionnel du patient
soit globalement par un index validé : Bath ankylosing spondylitis disease (Tableau 11). [13]
activity index (BASDAI) (Tableau 11)
Évaluation de l’atteinte ostéoarticulaire Évaluation objective de l’atteinte
• taille ostéoarticulaire
• mesure de l’atteinte rachidienne (distance doigts-sol et occiput-mur,
Cette évaluation repose sur l’étude de la mobilité par diffé-
test de Schöber)
rentes mesures simples qui apprécient l’atteinte rachidienne
• mesure de l’atteinte thoracique (ampliation thoracique) (test de Schober, distances doigt-sol et occiput-mur) et l’atteinte
• compte des enthésopathies et des arthrites thoracique (ampliation thoracique). La perte de taille (liée à la
Évaluation biologique uniquement dans les formes caractérisées par cyphose) et le nombre d’enthésopathies et d’arthrites peuvent
une élévation de la VS et/ou CRP aussi être comptabilisés.
• VS - CRP
Recherche des complications extra-articulaires : uvéite, valvulopa- Évaluation biologique
thie....
Les examens biologiques ont un intérêt moindre dans le suivi
Évaluation radiologique des SP en raison de l’absence de corrélation absolue entre
• Rachis lombaire face + profil l’évolutivité clinique et l’élévation des protéines de l’inflamma-
• Rachis cervical profil tion. Cependant, dans les formes caractérisées par une élévation
• Bassin face de la vitesse de sédimentation et la CRP, il est licite de suivre
ces marqueurs de l’inflammation.
VS : vitesse de sédimentation ; CRP : C reactive protein.
Tableau 10. Recherche des complications extra-articulaires
Version française de l’index de fonction (BASFI) des spondylarthropathies.
Le patient répond à chaque question par une cotation sur une échelle La seule complication extra-articulaire qui doit être recher-
visuelle analogique de 0 à 10. Le score global de ces dix questions va de 0 chée systématiquement est l’uvéite. Le patient doit être informé
à 100. de ce risque afin de l’inciter à consulter rapidement. C’est la
précocité du traitement qui permet d’éviter des complications
1. Pouvez-vous mettre vos chaussettes ou collants sans l’aide de
irréversibles. Il faut être attentif au risque de valvulopathie,
quelqu’un ou de tout autre moyen extérieur (exemple : petit appareil
même si ce risque est rare.
vous aidant à mettre les chaussettes) ?
2. Pouvez-vous vous pencher en avant pour ramasser un stylo posé sur le
sol sans l’aide d’un moyen extérieur ? Évaluation radiologique
3. Pouvez-vous atteindre une étagère élevée sans l’aide de quelqu’un ou Le suivi régulier radiologique d’une SP comprend des clichés
d’un moyen extérieur ? de :
4. Pouvez-vous vous lever d’une chaise sans accoudoir sans utiliser vos • rachis lombaire face et profil ;
mains ou toute autre aide ? • rachis cervical de profil ;
5. Pouvez-vous vous relever de la position « couché sur le dos », sans • bassin de face (hanches et sacro-iliaques).
aide ?
6. Pouvez-vous rester debout sans soutien pendant 10 minutes sans res-
sentir de gêne ? ■ Quelques aspects cliniques
7. Pouvez-vous monter 12 à 15 marches, en ne posant qu’un pied sur
chaque marche, sans vous tenir à la rampe ou utiliser tout autre sou- particuliers
tien ?
8. Pouvez-vous regarder par-dessus votre épaule sans vous retourner ? Arthrites réactionnelles
9. Pouvez-vous effectuer des activités nécessitant un effort physique
Initialement, les AR se manifestent surtout par des atteintes
(exemple : mouvements de kinésithérapie, jardinage ou sports) ?
articulaires périphériques (oligoarthrite des membres inférieurs),
10. Pouvez-vous avoir des activités toute la journée, que ce soit au domi-
parfois associées à des signes extra-articulaires dans le syndrome
cile ou au travail ?
de Reiter complet. Le doigt ou l’orteil en « saucisse » est une

12 Traité de Médecine Akos

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Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies ¶ 7-0510

Tableau 12. pustulose palmoplantaire) peuvent se compliquer de manifesta-


Critères diagnostiques du rhumatisme psoriasique. tions ostéoarticulaires comportant une oligoarthrite et/ou une
1. Psoriasis cutané ou unguéal (critère obligatoire)
hyperostose (le plus souvent sterno-costo-claviculaire) et/ou des
lésions d’ostéites. Ces manifestations sont regroupées sous
2. Un des critères suivants :
l’acronyme SAPHO (synovite, acné, pustulose, hyperostose,
• douleur et gonflement articulaires des interphalangiennes distales du- ostéite). Les ostéites récurrentes multifocales isolées et les
rant plus de 4 semaines hyperostoses primitives (maladie de Köhler) s’intègrent proba-
• douleur et gonflement articulaires, asymétriques, des articulations pé- blement aussi à ce syndrome. L’étude de ce groupe d’affections
riphériques durant plus de 4 semaines a montré qu’il existe dans 30 % des cas une sacro-iliite (unila-
• arthrites périphériques symétriques durant plus de 4 semaines, en l’ab- térale dans la moitié des cas) et un terrain HLA B27 dans 20 à
sence de facteur rhumatoïde et de nodules sous-cutanés 35 % des cas. Au cours de l’évolution, il a été constaté que dans
• radiographies (atteinte périphérique) : ostéolyse en « pointe de 20 % des cas apparaissait une entéropathie inflammatoire.
crayon » dans une cupule, érosion des phalangettes, périostite irrégu- L’ensemble de ces caractéristiques rapproche le SAPHO des SP.
lière, ankylose osseuse
• douleur et raideur rachidiennes et limitation des mobilités durant plus Autres affections pouvant se manifester
de 4 semaines par une spondylarthropathie
• radiographies (atteinte axiale) : sacro-iliite bilatérale de stade 2 ou uni-
latérale de stade 3 ou 4 La maladie de Behçet et la maladie périodique peuvent
s’associer à un tableau de SP mais cette notion repose surtout
sur des observations isolées. Il est possible que certains tableaux
manifestation clinique inconstante mais caractéristique. L’évo- d’aphtose de type Behçet associés à une SP soient en fait une
lution se fait dans 10 à 30 % des cas vers une forme axiale, en forme de début de maladie de Crohn à localisation digestive
moyenne 6 ans après le début de l’AR. Cette atteinte axiale est haute.
comparable à celle de l’ensemble des SP, même si elle est
souvent réputée moins sévère, plus diffuse (cervicale) et à début
asymétrique (sacro-iliite unilatérale).
■ Principes thérapeutiques
Le traitement des SP repose surtout sur le traitement médical,
Rhumatisme psoriasique en particulier les AINS et la rééducation (Tableau 13). [14] Le rôle
L’expression clinique du RP est assez polymorphe puisqu’il de l’information et de l’éducation du malade est souvent très
associe souvent des manifestations périphériques assez caracté- important, permettant une bonne compréhension du traite-
ristiques (atteintes asymétriques souvent monodigitales prédo- ment, et donc une amélioration de son observance et de sa
minantes aux interphalangiennes distales) et une atteinte axiale surveillance, ainsi qu’une meilleure gestion globale de la
observée dans 30 à 50 % des cas. Le RP peut répondre aux maladie et de ses conséquences dans la vie de tous les jours.
critères de SP mais aussi à des critères spécifiques qui ont pour
objectif de différencier le RP d’une polyarthrite rhumatoïde. Plus Traitements médicaux
rarement, il existe des formes purement axiales qui sont assez
rarement associées à des complications extra-articulaires (œil, Anti-inflammatoires non stéroïdiens
cœur, poumon) (Tableau 12). Les AINS sont le traitement de base des SP axiales et périphé-
riques. De nombreux AINS ont démontré une efficacité compa-
Manifestations articulaires rable sur les douleurs et la mobilité articulaire. En pratique, il
des entéropathies inflammatoires (maladie est impossible de prévoir individuellement quel sera l’AINS le
plus efficace et le mieux toléré. On procède donc par essais
de Crohn et rectocolite hémorragique) successifs en l’expliquant au patient. Initialement, la dose
Ces entéropathies se compliquent dans 10 à 30 % des cas prescrite est souvent maximale puis elle sera adaptée ultérieure-
d’arthrites périphériques touchant presque toujours les membres ment en fonction de l’évolutivité de la SP. La phénylbutazone,
inférieurs (rhumatisme entéropathique). Ces arthrites évoluent qui est un AINS responsable de complications hématologiques
généralement parallèlement à l’atteinte digestive. Les formes sévères (agranulocytose), n’est utilisée que dans les formes
chroniques exceptionnellement destructrices (coxite) sont rebelles comme nous le verrons ultérieurement.
parfois observées dans la maladie de Crohn. Dans 5 à 15 % des Le traitement par AINS doit être prescrit au long cours tant
cas, ces entéropathies s’associent à une atteinte axiale qui, dans que persistent la douleur et la raideur inflammatoire. Ce
plus d’un tiers des cas, peut précéder l’apparition des signes traitement prolongé a surtout un intérêt symptomatique, mais
digestifs, parfois de plusieurs années (surtout dans la maladie de il pourrait peut-être aussi prévenir l’apparition de lésions
Crohn). Cette SP, qui évolue indépendamment de l’atteinte osseuses ankylosantes sans que cela ait été formellement
digestive, semble souvent moins sévère et plus asymétrique démontré.
(sacro-iliite unilatérale). Les risques des AINS sont digestifs (surtout gastroduodénaux),
rénaux, cutanés et hématologiques. Ces risques, qui varient
Spondylarthropathies indifférenciées selon la classe d’AINS, sont difficiles à prévoir. L’intolérance la
plus fréquente est digestive, mais les accidents graves (hémorra-
Certaines formes, caractérisées par une oligoarthrite et des
gies digestives, ulcères perforés) sont rares. Les anti-
enthésopathies des membres inférieurs, sont difficiles à classer
.

inflammatoires inhibiteurs spécifiques de la cyclo-oxygénase


en l’absence de signes axiaux et de manifestations extra-
2 peuvent permettre de limiter les risques chez certains patients.
articulaires spécifiques. Il s’agit le plus souvent d’une forme de
début de SP, mais parfois l’évolution de ces formes indifféren- Antalgiques
ciées peut être prolongée. Ce sont les caractéristiques cliniques
Ces médicaments sont intéressants en traitement d’appoint
et immunogénétiques (HLA B27 et notion de SP familiale) qui
des AINS lorsque leur efficacité n’est pas complète, ou lorsque
les rapprochent du cadre nosologique des SP.
leur tolérance à pleine dose n’est pas bonne. Tous les antalgi-
ques (classes I et II de l’Organisation mondiale de la santé
■ Aux frontières [OMS]) peuvent être utilisés avec efficacité en complément des
AINS.
des spondylarthropathies
Traitements de fond et anti-« tumor necrosis
Concept SAPHO factor » (TNF)-a
Certaines affections dermatologiques (acnés conglobata et De nombreux « traitements de fond » utilisés dans la polyarth-
fulminante, hidrosadénite suppurée ou maladie de Verneuil, rite rhumatoïde ont aussi été utilisés dans les SP : antipaludéens,

Traité de Médecine Akos 13


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7-0510 ¶ Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies

Tableau 13. Anti-TNF-␣


Stratégie thérapeutique dans les spondylarthropathies (SP). Les premières informations concernant le traitement de SP
Principes généraux réfractaires par un médicament anti-TNF-a, initialement déve-
loppé dans la polyarthrite rhumatoïde et la maladie de Crohn,
Anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS)
l’infliximab (Rémicade®), ont été dévoilés en 1999. [15] Ces
• traitement de première intention prolongé aux doses minimales effica- premiers résultats spectaculaires ont engendré un grand espoir
ces
qui a pu être confirmé dans les années suivantes grâce à la
• contre-indication : allergie, ulcère gastroduodénal évolutif, grossesse publication d’études randomisées en double aveugle contre
(1er et 3e trimestres), sujets âgés (insuffisance rénale) et entéropathie placebo. Ces résultats très positifs dépassent le seul domaine des
évolutive (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique)
formes axiales pour concerner l’ensemble des SP, et ne sont pas
Antalgiques, en complément des AINS limités au seul Rémicade® mais concernent également un autre
Rééducation, physiothérapie et hygiène de vie anti-TNF-a disponible, l’etanercept (Enbrel®). Ces études ont
Corticothérapie locale pour les arthrites sacro-iliaques et périphériques toutes montré une amélioration rapide, fréquente et nette de
et certaines enthésopathies rebelles (calcanéite inférieure, bursite préa- tous les paramètres cliniques d’activité de la SP, en particulier la
chiléenne et sous-acromiale) douleur et la raideur matinales, mais également un contrôle des
Synoviorthèse pour les arthrites périphériques rebelles paramètres biologiques de l’inflammation. Ceci s’accompagne,
Chirurgie de remplacement prothétique (hanche, genoux...) comme on pouvait s’y attendre, d’une amélioration significative
Traitement précoce des complications oculaires (uvéite) de la qualité de vie de ces patients. Ajoutons que ces médica-
ments ont également montré leur efficacité dans le traitement
Cas particuliers des formes sévères de psoriasis et de maladie de Crohn (sauf
Phénylbutazone l’Enbrel® dans la maladie de Crohn). Concernant les effets
• autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les SP secondaires, ce sont ceux que l’on connaissait avec ces médica-
• efficace mais risque hématologique (agranulocytose) ments dans leur utilisation dans la polyarthrite rhumatoïde, ce
qui justifie des précautions avant la mise en route de ces
• indication réservée aux formes rebelles aux AINS classiques
traitements et ensuite une surveillance vigilante. Des inconnues
Traitements de fond (sulfasalazine, méthotrexate, azathioprine...) persistent telles que l’éventuelle toxicité au long cours chez des
• pas d’AMM dans les SP sujets jeunes, les modalités d’administration optimales au long
• efficacité sur les signes périphériques uniquement démontrée pour la cours, ainsi que l’éventuel effet de freination ou d’arrêt de la
sulfasalazine progression de l’ankylose. Les autorisations de mise sur le
• pas d’efficacité démontrée dans les formes axiales pures marché (AMM) de ces médicaments dans le domaine des SP ont
• indication dans certains cas particuliers (formes rebelles, intolérance été obtenues en 2003. Il est de toute façon clair que ces
aux AINS) traitements ne peuvent être utilisés dans les SP qu’après l’échec
• après avis du spécialiste d’un traitement conventionnel conduit de façon optimale et sur
Anti-TNF-a
avis d’un rhumatologue ayant une grande expérience des SP et
de ces traitements.
• très efficaces sur les symptômes dans toutes les formes
• AMM en cours suivant le produit et la forme de la maladie considérés Rééducation, physiothérapie et règles
• à envisager après avis d’un spécialiste connaissant bien ces traitements
dans les situations d’échec complet ou d’intolérance vraie du traitement
d’hygiène de vie
conventionnel La rééducation fonctionnelle est indispensable dans la prise
Corticothérapie générale en charge thérapeutique des SP, même si peu d’études ont
• efficacité pour des doses habituellement > 0,5 mg/kg/j de prednisone évalué l’intérêt réel de ces mesures. Quoi qu’il en soit, le succès
de la rééducation dépend beaucoup de la motivation du patient
• indication : si contre-indication des AINS et des anti-TNF-a dans les
formes généralisées rebelles
et de son kinésithérapeute.
• En période douloureuse, il faut surtout obtenir l’antalgie et
• contre-indications : psoriasis cutané sévère et foyer infectieux évolutif
éviter les déformations grâce à l’association du repos et de
Antibiothérapie : cycline ou macrolide pendant 3 mois techniques passives : posture, physiothérapie antalgique,
• indication dans les arthrites réactionnelles (AR) massages décontracturants. Les enthésopathies peuvent être
=> si AR postvénérienne, avec confirmation bactériologique d’un foyer améliorées par la cryothérapie et les ionisations. Le port de
urogénital talonnettes est particulièrement utile pour les talalgies. Des
TNF : tumor necrosis factor. orthèses de posture et de stabilisation sont prescrites dans les
formes sévères. Exceptionnellement, des corsets anticyphoti-
ques en plastique moulés sont utilisés mais ils sont souvent
mal tolérés.
sels d’or, D-pénicillamine, lévamisole, sulfasalazine, méthotrexate, • En période non douloureuse, il faut surtout récupérer une
azathioprine... Cependant, en dehors de la sulfasalazine, aucun de bonne mobilité et une bonne musculature axiale et périphé-
ces traitements n’a démontré formellement son efficacité dans les rique par une gymnastique médicale et une activité sportive
études contrôlées. Dans chaque forme de SP, différents traite- adaptée. Les sports qui permettent des postures adaptées et
ments de fond ont été utilisés avec parfois une certaine efficacité un étirement harmonieux du rachis sont tout à fait indiqués.
comme nous le verrons plus loin, mais il faut bien reconnaître La natation, les jeux aquatiques, le ski de fond sont des sports
qu’à l’heure des anti-TNF-a, il reste peu de place pour ces à conseiller. La course en terrain souple avec des chaussures
traitements non évalués (hors sulfasalazine). adaptées n’est pas déconseillée, car l’effort prolongé permet
d’améliorer la capacité respiratoire en développant la capacité
Sulfasalazine (Salazopyrine®) de la cage thoracique.
De nombreuses études ouvertes et contrôlées (contre placebo) La rééducation doit être obligatoirement associée à des règles
ont démontré l’efficacité de la sulfasalazine (2 à 3 g/j) sur les d’hygiène de vie, justifiant que l’on informe et que l’on motive
indices d’évolutivité (douleurs, raideur) et les indices fonction- avec conviction son patient (Tableau 14). Seules les formes
nels. Cette efficacité, qui apparaît surtout dans les formes manifestement non enraidissantes après quelques années
périphériques, se révèle à partir de la 8e semaine et se stabilise d’évolution pourront prendre quelque distance avec ces
obligations.
à partir de la 16e semaine. En l’absence de réponse, il n’y a pas
d’intérêt à poursuivre le traitement au-delà du 4e mois. Globa-
Traitements locaux
lement, le bénéfice de ce traitement est souvent modéré et il ne
semble pas induire de rémission prolongée. Globalement, les traitements locaux sont particulièrement
utiles dans les formes localisées ou les arthrites rebelles.

14 Traité de Médecine Akos

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Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies ¶ 7-0510

Tableau 14. persistantes. Cette attitude permet de contrôler les symptômes


Hygiène de vie des spondylarthropathies. et de donner une qualité de vie au moins acceptable à une
Proposer Déconseiller
grande majorité de patients. Chez ceux chez lesquels elle s’avère
insuffisante, on peut essayer la Salazopyrine®, surtout dans les
Literie ferme, oreiller plat Port de charges lourdes formes avec arthrites périphériques, puis, en cas d’échec,
Alternance décubitus ventral et dorsal Décubitus latéral considérer l’éventualité d’un traitement anti-TNF-a, même dans
Activité sportive (natation ++) Sports de combat les formes axiales.
Automobilisation infradouloureuse Station assise ou debout
des articulations touchées
Postures et gymnastique pluriquoti-
prolongée
Surcharge pondérale
■ Principes thérapeutiques
diennes spécifiques des différentes formes
Tabagisme
de spondylarthropathie
Gymnastique à domicile. Les exercices suivants doivent être effectués plusieurs
fois tous les jours : étirement musculaire global des membres, extension du rachis,
amélioration de la lordose et de la mobilité vertébrale, étirement de la paroi Arthrites réactionnelles
thoracique et de la musculature pectorale, exercices respiratoires.
Faut-il prescrire une antibiothérapie ?
Corticothérapie locale Il faut bien distinguer deux situations différentes.
• L’antibiothérapie est justifiée s’il existe une affection extra-
L’indication essentielle de la corticothérapie locale est
articulaire (urogénitale, digestive). Néanmoins, ce traitement
l’arthrite périphérique, en particulier des grosses articulations
n’a démontré son intérêt dans la prévention des manifesta-
(hanche, genou, cheville). Dans les atteintes axiales, les infiltra-
tions articulaires que pour les AR postvénériennes. Dans ce
tions intra-articulaires sacro-iliaques, effectuées sous amplifica-
contexte, il faut toujours être attentif à la nécessité de traiter
teur de brillance, peuvent apporter un bénéfice intéressant. Les
conjointement le ou les partenaires à risque.
enthésopathies peuvent parfois bénéficier d’une corticothérapie
• En l’absence d’infection extra-articulaire, une antibiothérapie
locale mais il faut éviter d’injecter le corticoïde au contact du
peut se justifier si on accepte que les AR soient bien liées à la
tendon en raison du risque de rupture secondaire (surtout pour
persistance d’agents bactériens intra-articulaires viables et
le tendon rotulien et achilléen).
pathogènes. En effet, dans les AR postvénériennes, plusieurs
Synoviorthèses travaux ont montré que les cyclines, les macrolides et peut-
être les quinolones pouvaient diminuer la durée d’évolution
Les synoviorthèses isotopiques sont particulièrement indiquées et la fréquence des récidives. [9] Cependant, ces résultats
dans l’atteinte des grosses articulations, notamment de la semblent être assez modestes, en particulier dans les formes
hanche. Elles ont une action beaucoup plus longue que la chroniques. Quoi qu’il en soit, on ne connaît pas actuelle-
corticothérapie locale. Ce geste, qui peut être répété, permet ment les modalités thérapeutiques idéales (type d’antibioti-
souvent de retarder un geste chirurgical prothétique à condition ques, doses, durée de traitement) et il n’existe pas à ce jour
d’agir avant l’apparition de lésions ostéoarticulaires trop évoluées. de consensus universel, mais une antibiothérapie pendant
3 mois par une cycline ou un macrolide peut être instaurée
Traitement chirurgical lors de la première poussée d’une AR postvénérienne. En
La synovectomie chirurgicale précoce n’a pas vraiment revanche, dans les AR postdysentériques, plusieurs études ont
démontré son intérêt comme dans la polyarthrite rhumatoïde. récemment démontré l’absence d’intérêt d’une antibiothéra-
Il s’agit donc surtout d’une chirurgie de remplacement (pro- pie même prolongée.
thèse) pour la hanche et le genou. La seule particularité dans
cette indication est le risque d’ankylose secondaire dans les
Y a-t-il des traitements de fond efficaces ?
formes sévères. Ce risque peut être réduit par les AINS. Le seul traitement ayant démontré une efficacité est la
La chirurgie de correction vertébrale est exceptionnelle ; elle sulfasalazine® (2 à 3 g/j), parfois dans des formes résistantes aux
ne s’envisage que dans les déformations cyphotiques handica- AINS. En revanche, les autres traitements (azathioprine, métho-
pantes pour la marche ou la vision (impossibilité de relever la trexate, bromocriptine et rétinoïdes...) n’ont pas formellement
tête). démontré leur intérêt. En 2005, aucune de ces molécules, même
la sulfasalazine, n’a d’AMM dans cette indication.
Traitement et prévention des complications
extra-articulaires Rhumatisme psoriasique
Les principes thérapeutiques sont les mêmes que pour
Ces complications sont dominées par les uvéites. Les uvéites
l’ensemble des SP, hormis quelques points particuliers.
sont une urgence thérapeutique justifiant une corticothérapie
locale car l’acétate de prednisolone est bien absorbé par la Peut-on utiliser les AINS dans le rhumatisme
cornée. Ce traitement est associé à un collyre dilatant la pupille psoriasique ?
pour éviter la constitution de synéchies. Quand l’uvéite est
globale (antéropostérieure) et rebelle au traitement local, on a Les AINS peuvent être prescrits, même si leur utilisation fait
recours aux injections sous-conjonctivales et parfois à des cures craindre en théorie un risque d’exacerbation des lésions cuta-
courtes de corticoïdes par voie générale. La sulfasalazine et nées psoriasiques. Le risque d’aggravation d’un psoriasis cutané
surtout la ciclosporine (qui a l’AMM dans les uvéites sévères) par les AINS n’est basé que sur des considérations physiopatho-
peuvent être efficaces dans les uvéites rebelles. Les anti-TNF-a géniques. En effet, les AINS inhibent la voie de la cyclo-
semblent aussi être efficaces dans certains cas d’uvéites rebelles. oxygénase et favorisent ainsi la formation de leucotriènes B4,
Les autres complications (neurologiques, cardiaques...) molécules dont l’accumulation dans la peau pourrait favoriser
justifient exceptionnellement un traitement chirurgical. les lésions psoriasiques. Ce risque théorique n’a pas été confirmé
En cas de valvulopathie, les conseils de prévention de par la pratique clinique, puisque les observations d’aggravation
l’endocardite doivent être enseignés au patient. du psoriasis cutané par les AINS sont exceptionnelles. Les AINS
peuvent donc être employés dans le RP mais avec une prudence
Grands principes de recours de principe.
aux traitements Quel traitement de fond utiliser ?
Le recours aux AINS reste l’attitude thérapeutique incontour- La sulfasalazine (2 à 3 g/j) a démontré une efficacité modeste
nable, éventuellement associé aux antalgiques, et à des injec- mais réelle. Le méthotrexate (10 à 20 mg/semaine) et la ciclos-
tions corticoïdes locales en cas d’arthrites ou d’enthésites porine (3 à 5 mg/kg/j) ont probablement aussi une efficacité sur

Traité de Médecine Akos 15


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7-0510 ¶ Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies

les manifestations périphériques comme l’atteste la pratique


quotidienne pour ces deux médicaments, qui ont l’AMM (2003)
■ Problèmes thérapeutiques
dans le psoriasis sévère. La place des autres traitements de fond particuliers
(antipaludéens de synthèse, D-pénicillamine, sels d’or, azathio-
prine, bromocriptine, cimétidine, somatostatine, 1,25 OH
vitamine D3) reste à préciser mais aucun de ces médicaments Comment traiter une spondylarthropathie
n’a d’AMM (2005) dans cette indication. Finalement, on pendant la grossesse ?
retiendra surtout que dans les formes rebelles aux AINS et à la On constate que les SP féminines débutent après une gros-
sulfasalazine, il est licite de considérer le recours aux anti- sesse dans 21 % des cas et que 58 % des SP développent une
TNF-a (cf. supra). poussée inflammatoire dans les 6 mois suivant l’accouchement.
Durant la grossesse, différentes évolutions des SP sont possibles.
Peut-on prescrire des corticoïdes par voie La symptomatologie clinique s’améliore dans 39 % des cas,
générale dans le psoriasis ? s’aggrave dans 31 % des cas et demeure inchangée chez 30 %
des patientes. Au moment de l’accouchement, une césarienne
La corticothérapie par voie générale est habituellement est nécessaire dans 30 % des cas en raison des atteintes pelvien-
contre-indiquée car elle expose à un risque d’exacerbation du nes de la SP.
psoriasis cutané lors du sevrage. Néanmoins, dans les formes
articulaires périphériques sévères, elle est utilisée notamment en AINS et grossesse ?
bolus intraveineux (méthylprednisolone).
Les AINS peuvent être utilisés au cours du 2e trimestre de
gestation. Il sont à éviter si possible pendant le 1er trimestre de
la grossesse en raison d’éventuels effets tératogènes non
Manifestations articulaires démontrés dans l’espèce humaine. Le célécoxib, plus récent et
des entéropathies inflammatoires ayant montré certains effets tératogènes chez l’animal, reste
contre-indiqué. Les AINS sont contre-indiqués durant le
Comment traiter les atteintes périphériques 3e trimestre, car ils peuvent induire une fermeture prématurée
du canal artériel chez le fœtus.
de la maladie de Crohn et de la rectocolite
hémorragique ? Sulfasalazine et grossesse ?
Le traitement de la maladie digestive (corticoïdes, azathio- Un traitement de fond par sulfasalazine peut être poursuivi
prine, méthotrexate) est souvent efficace sur les arthrites durant toute la grossesse et au cours de l’allaitement.
périphériques. Dans certains cas, une corticothérapie locale
et/ou des corticoïdes par voie systémique peuvent être utilisés. Corticothérapie locale et grossesse ?
Il faut aussi signaler que dans la rectocolite ulcérohémorragique,
les arthrites périphériques disparaissent généralement lors du Les atteintes mono- ou oligoarticulaires peuvent bénéficier
traitement radical de l’entéropathie par colectomie totale. d’infiltrations locales de dérivés cortisoniques, sans risque pour
la mère et le fœtus, à condition d’éviter la répétition des
injections qui majore les risques d’effets systémiques.
Peut-on donner des AINS dans les formes axiales ?
Les formes axiales posent souvent des problèmes thérapeuti- Corticothérapie générale et grossesse ?
ques complexes. Les AINS sont susceptibles d’aggraver, voire de Une poussée polyarticulaire invalidante peut être traitée en
favoriser une poussée inflammatoire d’entérocolopathie, en milieu hospitalier par une corticothérapie parentérale (méthyl-
facilitant la synthèse des leucotriènes et en augmentant la prenisolone). En dehors des effets secondaires habituels des
perméabilité de la muqueuse intestinale. En pratique, il faut de corticoïdes, ce traitement majore le risque d’éclampsie et
principe éviter d’utiliser les AINS durant la phase active de probablement le risque d’hypotrophie fœtale. Il doit donc être
l’entérocolopathie. Si la maladie digestive n’est pas évolutive, les réservé aux formes sévères de SP.
AINS peuvent être essayés en cure courte, en particulier pour
traiter les manifestations inflammatoires axiales qui ne répon- Anti-TNF-a et grossesse ?
dent généralement pas aux autres traitements (sulfasalazine,
corticoïdes). Dans l’état actuel des connaissances, un traitement anti-TNF
est contre-indiqué en cours de grossesse.
Quels traitements de fond utiliser ?
La sulfasalazine peut apporter un bénéfice lors des atteintes Comment traiter les formes réfractaires
articulaires périphériques alors que la mésalazine, qui est la localisées de SP ?
partie salicylique de la sulfasalazine largement utilisée
• Les enthésopathies peuvent être traitées par la physiothérapie
aujourd’hui pour les atteintes digestives, ne semble pas efficace.
(ionisation, cryothérapie) et les synovites par infiltration
Le méthotrexate à faibles doses pourrait être une thérapeutique
locale d’un dérivé cortisonique. Dans les enthésopathies, les
intéressante dans les formes périphériques, mais il n’a pas
injections de corticoïdes doivent être évitées, uniquement
l’AMM dans cette indication et son utilisation peu fréquente ne réservées aux bursites préachilléennes et sous-acromiales et
permet pas de conclure à son efficacité. aux calcanéites inférieures.
En cas de non-contrôle des symptômes avec les thérapeuti- • La radiothérapie locale à dose anti-inflammatoire doit être
ques conventionnelles (AINS si possible, corticothérapie locale, d’indication exceptionnelle. Ce traitement peut être efficace
Salazopyrine®), on pourra avoir recours aux médicaments anti- dans les enthésopathies rebelles, mais les risques oncogènes
TNF-a. Dans cette situation, le recours au Rémicade® est plus ou leucémogènes doivent être pris en compte, surtout chez le
logique qu’à celui de l’Enbrel®, car le Rémicade® a fait la preuve sujet jeune.
de son activité dans le traitement de maladies de Crohn • Le traitement chirurgical des enthésopathies est formellement
rebelles, alors que l’Enbrel® ne semble pas efficace sur les signes déconseillé, en raison des résultats souvent médiocres et
digestifs. Cette approche thérapeutique peut permettre de surtout de l’évolution habituellement favorable de l’inflam-
contrôler globalement les manifestations articulaires et digesti- mation des enthèses après quelques mois d’évolution.
ves des formes rebelles. Notons qu’en 2005, les anti-TNF-a n’ont • L’utilisation des anti-TNF dans cette indication n’est pas
pas d’AMM dans le traitement des manifestations articulaires validée, mais en cas d’enthésopathies sévères et rebelles, elle
des entérocolopathies inflammatoires. peut être discutée avec un spécialiste.

16 Traité de Médecine Akos

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Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies ¶ 7-0510

■ Références
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Comment traiter une SP en cas


d’antécédents d’ulcère gastroduodénal
ou d’ulcère évolutif ? [1] Amor B, Bouchet H, Delrieu F. Enquête nationale sur les arthrites
En cas d’antécédent d’ulcère, les AINS doivent être évités si réactionnelles de la Société française de rhumatologie. Rev Rhum Mal
possible, et on préfère utiliser les traitements locaux ou la Osteoartic 1983;50:733-63.
sulfasalazine dans les formes périphériques. Si les AINS s’avèrent [2] Amor B, Dougados M, Mijiyawa H. Critères de classification des
nécessaires, il est indispensable de leur adjoindre un traitement spondylarthropathies. Rev Rhum Mal Osteoartic 1990;57:85-9.
antiulcéreux. Le misoprostol et plusieurs inhibiteurs de la [3] Bardin T. Les arthrites réactionnelles. In: Kuntz D, Bardin T, editors.
pompe à protons ont actuellement l’AMM pour la prévention Thérapeutique rhumatologique. Paris: Flammarion; 1995. p. 391-3.
des lésions gastriques induites par les AINS. [4] Dougados M, van der Linden S, Juhlin R, Huitfeldt B, Amor B, Calin A,
D’une manière générale, lors d’un traitement anti- et al. The European spondylarthropathy study group preliminary
inflammatoire pour une SP : criteria for the classification of spondylarthropathy. Arthritis Rheum
• l’association avec un antalgique de la classe des AINS (féno- 1991;34:1218-27.
profène, ibuprofène et kétoprofène) est interdite en raison de [5] Calin A, Elswood J, Rigg S, Skevington SM. Ankylosing spondylitis.
la majoration des risques digestifs sans augmentation du An analytical review of 1 500 patients: the changing pattern of disease.
bénéfice thérapeutique ; J Rheumatol 1988;15:1234-8.
• le risque de saignement digestif est augmenté par l’association [6] Guillemin F, Saraux A, Guggenbuhl P, Fardellone P, Fautrel B,
avec un anticoagulant, mais aussi par l’association avec Masson C, et al. Prévalence de la polyarthrite rhumatoïde et des
l’aspirine à dose antiagrégante plaquettaire. spondylarthropathies en France en 2001. Rev Rhum Mal Osteoartic
2002;69:1014.
Comment traiter une SP du sujet âgé ? [7] Saraux A, Guedes C, Allain J, Devauchelle V, Valls I, Lamour A, et al.
Survey of rheumatoid arthritis and spondylarthropathy in Brittany.
Les risques de complications digestives induites par les AINS J Rheumatol 1999;26:2622-6.
sont plus importants chez le sujet âgé. De plus, les polymédica- [8] Zachariae H. Prevalence of joint disease in patients with psoriasis:
tions, fréquentes chez ces patients, peuvent majorer les effets implications for therapy. Am J Clin Dermatol 2003;4:441-7.
secondaires du traitement anti-inflammatoire. Ceci est vrai en [9] Sieper J, Braun J, Kingsley GH. Report on the Fourth International
particulier lorsqu’un AINS est prescrit conjointement à un Workshop on Reactive Arthritis. Arthritis Rheum 2000;43:720-34.
diurétique ou un inhibiteur de l’enzyme de conversion, associa- [10] Sieper J, Braun J. Pathogenesis of spondylarthropathies: persistant
tion qui entraîne souvent une insuffisance rénale. Si les AINS bacterial antigen, auto-immunity or both? Arthritis Rheum 1995;38:
s’avèrent indispensables, il faut toujours leur adjoindre un 1547-54.
traitement préventif antiulcéreux et surveiller régulièrement la [11] Sieper J, Kingsley J. Recent advances in the pathogenesis of reactive
fonction rénale. arthritis. Immunol Today 1996;17:160-2.
Pour traiter une SP du sujet âgé, on préfère utiliser les traitements [12] Feltkamp TE, Khan MA, Lopez De Castro JA. The pathogenetic role of
locaux et la physiothérapie et parfois la sulfasalazine. HLA B27. Immunol Today 1996;17:5-7.
[13] Garrett S, Jenkinson T, Whitelock N, Kennedy G, Gaisford P, Calin A.
■ Conclusion A new approche to defining disease status in AS: the Bath Ankylosing
Spondylitis Disease Activity Index (BASDAI). J Rheumatol 1994;21:
Les SP sont un groupe de rhumatisme inflammatoire fré- 2286-91.
quemment observé chez le sujet jeune. Ces affections répondent [14] Van Reeth C. Pelvispondylite rhumatismale ou spondylarthrite
à des critères diagnostiques précis et posent des problèmes ankylosante. In: Kuntz D, Bardin T, editors. Thérapeutique
thérapeutiques particuliers qui justifient une véritable prise en rhumatologique. Paris: Flammarion; 1995. p. 527-36.
charge globale. La confirmation de l’efficacité des anti-TNF dans [15] Wendling D, Claudepierre P, Lohse A, Toussirot E, Breban M. Utilisa-
les formes rebelles est une formidable avancée thérapeutique qui tion thérapeutique des agents anti– TNF– a au cours des spondyl-
va changer la prise en charge de ces patients. arthropathies. Presse Med 2003;32:1517-24.

J. Sibilia (jean.sibilia@wanadoo.fr).
Service de rhumatologie, Centre hospitalier universitaire de Strasbourg, Hôpital de Hautepierre, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France.
T. Pham.
Service de rhumatologie Sud, Centre hospitalier universitaire de Marseille, hôpital La Conception, 27, boulevard Jean-Moulin, 13005 Marseille cedex,
France.
C. Sordet.
Service de rhumatologie, Centre hospitalier universitaire de Strasbourg, Hôpital de Hautepierre, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France.
B. Jaulhac.
Laboratoire de bactériologie, Centre hospitalier universitaire de Strasbourg, Hôpital de Hautepierre, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France.
P. Claudepierre.
Service de rhumatologie, Centre hospitalier universitaire de Créteil, Hôpital Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil
cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Sibilia J., Pham T., Sordet C., Jaulhac B., Claudepierre P. Spondylarthrite ankylosante et autres
spondylarthropathies. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 7-0510, 2005.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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