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Saint-John Perse

Chant I
Chant I
Portes ouvertes sur les sables, portes ouvertes sur l’exil,
Les clés aux gens du phare, et l’astre roué vif sur la pierre du seuil :
Mon hôte, laissez-moi votre maison de verre dans les sables…
L’Eté de gypse aiguise ses fers de lance dans nos plaies,
J’élis un lieu flagrant et nul comme l’ossuaire des saisons
Et, sur toutes grèves de ce monde, l’esprit du dieu
fumant déserte sa couche d’amiante.
Les spasmes de l’éclair sont pour le ravissement des Princes en Tauride.
Analyse et interpréta4ons
« Portes ouverte sur les sables, portes ouvertes sur l’exil, ».

Il s’agit des deux propositions introductives du premier chant d’Exil.

Nous constatons que dans ces deux octosyllabes, il y a un parallélisme parfait, et qu’un seul mot diffère de
l’un à l’autre : c’est le passage des « sables » à « l’exil ». Un rapport d’égalité se crée entre la notion de sables
et le concept ou la situation d’exil.

Ces deux mots sont situés exactement à la même place, à la fin de chaque octosyllabe. Ainsi les deux énoncés
semblent vouloir dire la même chose. C’est aussi l’exemple du passage d’un concret « sable » à un abstrait «
exil ».
« Portes ouvertes » : ces deux termes nous font penser à Janus Bifrons, cette divinité romaine qui avait deux
faces. En effet, selon la tradition romaine, les portes du temple de Janus étaient fermées en temps de paix, et
ouvertes en temps de guerre. Nous pouvons donc supposer que Saint-John Perse a voulu, dès l’ouverture de ce
poème, situer le contexte historique, avec les conséquences que ce contexte a eu pour lui : l’Europe vit à
l’heure de la seconde Guerre Mondiale, et Alexis Saint-Léger Léger a dû fuir, s’exiler.
Saint-John Perse récupère, en ce sens, cette image antique
susceptible à d’autres interprétations[1].

Cela peut donc tout aussi bien renvoyer à Janus, qu’indiquer par
exemple les débuts d’une nouvelle vie (« les portes sont ouvertes
devant moi, sur la vie… ») : Il y a tout un champ du possible…

[1] La relation à l’antiquité n’est qu’une interprétation possible d’une vision


simple (portes ouvertes).
Janus est dieu du seuil , il regarde dans les deux directions aussi bien vers
l’intérieur que l’extérieur
Le poète a donc dû s’exiler, dans un univers caractéristique par son
amoncellement de sable : soit un désert, soit une côte, soit les deux (on peut
très bien imaginer un désert au bord de la mer, surtout aux Etats-Unis
d’Amérique). Le pluriel de « sables » est important ici. C’est un pluriel
poétique qui démultiplie l’étendue. Il s’agit de la localisation de l’exil, de la
première image visuelle qui s’impose à nous parce qu’elle s’impose au poète.
C’est un véritable enfermement dans l’univers aréneux.

Ces « portes ouvertes » peuvent également signifier l’ouverture du poème et


du chant. Exil, dans sa totalité, est un chant : l’aspect symétrique de cette
ouverture, son côté répétitif, font son lyrisme.
Contexte
l’europe vit l’heure de la seconde guerre mondiale
Alexis Saint léger a dû fuir , s’exiler
les clés aux gens du phare, et l’astre roué vif sur la pierre du seuil

- con4nua4on d’une métrique classique , après les deux octosyllabes de l’ouverture,


nous avons maintenant un hexasyllabe suivi d’un alexandrin
- l’image des clefs se retrouvent plusieurs fois dans Exil
- la clé permet d’entrer et de sor4r, ici les clés symbolisent l’entrée dans la vie de l’exil.
Elles sont confiées aux gens du phare qui auraient donc le pouvoir de permeFre
l’entrée dans ceFe vie.
- l’image du seuil est lisible à deux niveaux: concrètement le seuil désigne en
apparence l’entrée de la maison “portes et clés”, il indique la fronDère entre un
univers et un autre, entre un passé et un présent
- le seuil n’est pas un lieu de séjour mais un lieu qu’on franchit. il permet à l’exilé
qu’un séjour provisoire
- qui dit seuil dit entrée vers le mystère
- sur la pierre du seuil désigne la croix gammée , emblème du nazisme, ce chant est
considéré comme un poème de la résistance
- ou encore la gloire du poète détruite, broyée
- un poète ruiné par la guerre
- un vilgaire coucher de soleil sur une grève déserte
- allusion au supplice de la roue
- les : annoncent un discours
Mon hôte, laissez-moi votre maison de verre dans les sables…

- invoca4on discrètement lyrique réfère certainement à Francis Biddle ministre de la


jus4ce et à sa femme Katherine
- pas de pause à l’hémis4che
- les sables reviennent comme leitmo4v, le mot est présent deux fois en 3 versets
traduisant à la fois une obssession et une quête de sable dans lequel on peut se perdre
et se retrouver
- Perse semble sensible à la sonorité de sable qui termnie le verset avec les…. qui
prolongent cet effet de douceur
la maison de verre appar4ent aux Biddle comme l’ a évoquée dans des correspondances
maison de verre à cause de ses baies vitrées, c’est une maison transparente et lumineuse
(ou la verrière du phare, une autre lecture possible)
nous relevons aussi le désir de solitude, le poète veut être seul dans ceFe “maison” sans
même la présence de ses hôtes
L’Eté de gypse aiguise ses fers de lance dans nos plaies,

l’image de l’été de gypse fait allusion à la structure du gypse dont les cristaux blancs, opposés en
sens inverse, présentent la forme du fer de lance . Le gypse de fer de lance est le cristal naturel de
gypse formé par deux losanges de cristaux rassemblés pour composer une pointe de lance
ceFe image indiquait la chaleur de l’été qui, associée au soleil, meFent à vif les blessures de l’exilé
l’image de fer de lance fait penser à Apollon qui perce de flèches ceux qui doivent mourir

le poète doit mourir symboliquement pour renaitre à sa vie nouvelle : l’exil

Le gypse est une espèce minérale composée de sulfate hydraté de calcium, de formule chimique

« fers de lance » :Élément le plus dynamique ou actif d'un groupe. (Par extension) Celui qui est le plus
représentatif. Être le fer de lance d'une organisation.

Origine : Au XIVe siècle, "le fer de lance" désignait la pointe métallique placée au bout d'une lance. Cette dernière
permettait, envoyée assez fort, de transpercer de nombreux ennemis au cours de la bataille, et donc de faire de
nombreux dégâts en préparation de l'arrivée du reste des troupes.
En ce qui concerne “nos” dans “ fers de lance dans nos plaies” pourrait expliquer les
souffrances de Perse exilé mais aussi celle de ses compatriotes représentants d’un pays en
guerre, d’un pays meurtri
un sen4ment de solidarité semble se dégager de “nos”
on pourrait relever aussi un certain paradoxe entre le partage des souffrances des autres et
l’éloignement du poète
j’élis un lieu flagrant et nul comme l’ossuaire des saisons

verset qui se compose de deux octosyllabes bien rythmés bien équilibrés


ce qui frappe dans ce verset c’est la no4on d’élis4sme , le verbe élire rare à la 1ere PS. le
poète semble volontairement accepter son des4on (qu’il a choisi) ou du moins le lieu de
l’exil
il faut également retenir le sens de “flagrant” qui est celui de “ardent” chaud”, le lieu
choisi est brûlant au sens la4n du mot, et “nul” c’est-à-dire qui ne con4ent rien de
remarquable

noter le cumul des connaissances de Perse aussi bien scien4fiques que lexicales
j’élis un lieu flagrant et nul cons4tue un axe syntagma4que inaFendu, le poète nous informe qu’il
a choisi de vivre dans un endroit où il fait très chaud , lieu désert; aussi dépouillé que l’ossuaire
des saisons
la comparaison est insolite, la comparaison porte sur la totalité du verset
ossuaire des saisons fait allusion à la page jonchée de débris (épaves, squeleFes d’animaux …)
qui borde la maison des Biddle ou s’agit-il du “cime4ère des saisons” saison signifie “ vie ou
“passage” des ans
le temps est donc nul comme celle de l’espace
la mer est considérée comme productrice de mort, tous les déchets qu’elle rejeFe.

L’ossuaire des saisons signale la fin de l’abondance qu’elles procurent, des évènements sans fin
dont le cycle se révèle aussi changeant que son déroulement est stable.
Et, sur toutes grèves de ce monde, l’esprit du dieu fumant déserte sa couche d’amiante.

octosyllabe par souci de respecter une certaine métrique le poète a supprimé “les”
Et, sur toutes grèves de ce monde,

la coordination “et” présente la particularité d’inaugurer ce verset tout en continuant le


précédent, elle joue une fonction double : celle d’exprimer un ajout à l’entassement précédent
( l’ossuaire des saisons)

sur toutes grèves de ce monde met en relief l’universalité du thème de l’exil: celui - ci est
partout présent et précise également ce “ lieu flagrant et nul”

l’esprit du dieu est une autre image ouvertes à différentes interpérations: violence gratuite
dans le monde, ,la disparition du soleil, une période sombre ( la 2e guerre mondiale) ou encore
une progression vers l’orage ( spasmes de l’éclair)
l’amiante est ceFe ma4ère qui recouvre la par4e supérieure du phare où se produit la
décharge lumineuse? la couche d’amiante serait alors la plage que le soleil embrase sans
jamais la consumer.
Les spasmes de l’éclair sont pour le ravissement des Princes en Tauride.

ce verset se caractérise par sa plénitude


les spasmes de l’éclair signifie les décharges d’un éclair d’été. cet orage peut désigner la
violence qui ravage le monde
le mot “ravissement a deux accep4ons à savoir le rapt, l’enlèvement et auss le
ravissement dans le sens de ( cher à tous les gens), d’une joie très grande
l’héllinisme de Perse apparait dans “ Tauride”: il s’agit de ce lieu d’Asie mineure où
Ephigénie a été emmenée en exil
Dans l’an4quité les princes étaient souvent voués à l’exil
prince réfère à tous les exilés dont le poète fait par4e

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