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Impact de la cristallisation des corps gras

sur les propriétés des produits finis

Maud CANSELL Abstract: In various food products, the fat phase which is almost essentially composed of triacylgly-
cerols is found in a crystallized form at temperature of use or of storage. The fat physical characteristics
Laboratoire Milieux dispersés alimentaires ISTAB influence the rheological properties and the stability of the products. In food, the fat phase is frequently
Avenue des Facultés F-33405 Talence Cedex found in a dispersed form either as oil in water emulsions (ice cream, whipped topping) or as water in oil
Fax : 33 (0)5 40 00 24 72 emulsion (butter, margarine). The mechanism of fat crystallisation is different in the bulk phase and in
<m.cansell@istab.u-bordeaux1.fr> emulsified systems so that the fat behaviour in emulsion can not simply be deduced from that in the bulk
phase. In particular, crystallization in emulsion depends on various parameters such as the fat globule
size and the presence of surfactants (proteins and low molecular weight emulsifiers). Moreover, fat
crystals play a major role in the emulsion stability, i.e., by stabilizing water in oil emulsions and
destabilizing oil in water emulsions. Conversely, crystals are implied in the formation of a fat network of
partially coalesced droplets that participates to the foam stabilization in aerated food products based on
oil in water emulsions.
Key words: fat, crystallisation, polymorphism, emulsion, partial coalescence

Dans de nombreux produits alimentaires, la Cristallisation chaînes hydrocarbonées avec des interactions
matière grasse se trouve dans un état cristallisé en phase continue spécifiques entre chaînes (formes b et b’) et la
ou semi-cristallisé aux températures de stoc- forme a associée à un arrangement plus lâche
kage ou d’utilisation. La cristallisation de la Les corps gras comme la plupart des composés des chaînes d’acides gras suite à une perte des
matière grasse influence les propriétés rhéolo- à longue chaîne peuvent exister, dans l’état interactions interchaînes. Cette notion de com-
giques et texturales des produits finis. Par solide, sous différentes formes cristallines. Ce pacité est importante dans la mesure où les
exemple, dans les produits foisonnés, la cristal- polymorphisme résulte, d’une part, de l’orga- différences de compacité sont associées à des
lisation des triglycérides participe à la stabilisa- nisation spatiale des chaînes aliphatiques différences de stabilité, les variétés cristallines
tion de la phase aérée. De plus, les corps gras contenues dans les molécules lipidiques et, les plus stables étant généralement les plus
dans les produits alimentaires se présentent d’autre part, de l’empilement en strates des compactes. Il est intéressant de noter que, pour
rarement sous forme d’un système monopha- molécules de triglycérides [1, 2]. L’arrange- un triglycéride pur, la variété cristalline stable
sique mais sont plus souvent dispersés dans la ment des éléments de répétition entre les grou- observée n’est pas nécessairement la forme b.
matrice alimentaire soit sous forme d’une pements méthyle des chaînes d’acides gras Ainsi, de par leur composition en acides gras,
émulsion eau dans huile (beurre, margarine), définit le concept de sous cellule cristalline. Ces certains triglycérides mixtes insaturés cristalli-
soit sous forme d’une émulsion huile dans eau sous cellules cristallines correspondent à des sent uniquement sous forme b’ (tableau 1) [1,
(crème chantilly, crèmes glacées). Or, la réseaux cristallins qui, dans le cas des corps 4]. Les transitions polymorphiques permettant
gras, sont représentés par les réseaux de type de passer des formes métastables a et b’ des
matière grasse en émulsion peut présenter un
triclinique, monoclinique, orthorhombique et triglycérides à la forme stable b passent par
comportement différent de celui de la matière
hexagonal [2]. Pour les triglycérides, on utilise l’état liquide, on parle de polymorphisme de
grasse en phase continue. Si la cristallisation de
les termes de variété cristalline plutôt que de type monotropique [2]. Les transitions à l’état
la matière grasse en milieu continu commence
sous cellule cristalline. Ainsi, les triglycérides les solide ne sont pas exclues mais elles sont carac-
à être bien comprise sinon maîtrisée, le com- térisées par une cinétique très lente de sorte
plus simples cristallisent selon trois variétés cris-
portement de la matière grasse en émulsion au qu’elles sont souvent négligées pour expliquer
tallines principales : la forme b associée à une
cours de la cristallisation soulève encore de l’évolution des corps gras. Parallèlement à
sous-cellule de type triclinique, la forme b’ cor-
nombreuses questions tant au niveau des struc- respondant à une sous-cellule de type ortho- l’arrangement latéral des chaînes hydrocarbo-
tures cristallines obtenues que des paramètres rhombique, et la forme a relative à la sous- nées (associé aux variétés cristallines a, b’ et b),
influençant le processus en lui-même. Ainsi, cellule hexagonale. Toutefois, dans le cas de les molécules lipidiques s’empilent en strates
des paramètres tels que la présence d’émulsi- triglycérides mixtes saturés-insaturés, ce poly- dont l’épaisseur reflète le nombre de longueurs
fiants (nature et concentration) à l’interface morphisme peut être particulièrement riche de chaînes présentes dans la couche (2, 3 ou 6
huile-eau, la taille des globules gras ou la com- puisqu’à une même température, certains longueurs de chaînes (notées 2L, 3L ou 6L)). Si
position en triglycérides de la matière grasse d’entre eux peuvent exister sous six à sept la longueur d’un des acides gras dépasse de
peuvent conditionner la cinétique de nucléa- variétés cristallines différentes [3]. Les variétés plus de deux carbones (ou quatre carbones
tion des germes cristallins et/ou la structure cristallines peuvent être regroupées en deux selon sa position sur le squelette glycérol) la
cristalline finale de la matière grasse émulsion- catégories principales : celles qui correspon- longueur de ses voisins ou si l’une des chaînes
née. dent à un arrangement dense et compact des possède une ou plusieurs insaturations, les tri-

OCL VOL. 12 N° 5-6 SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2005 427

Article disponible sur le site http://www.ocl-journal.org ou http://dx.doi.org/10.1051/ocl.2005.0427


Tableau 1. Forme polymorphique stable de quelques triglycérides purs (d’après [1, 4]). ment, la vitesse de nucléation des cristaux mix-
tes est plus rapide que celle des triglycérides
b-2 b-3 b’-2 b’-3 seuls et leur température de fusion est infé-
LLL POP PSP POS rieure à celle des deux triglycérides qui consti-
PPP SOS PSO PPO tuent ces cristaux mixtes [10, 11]. Ainsi, les
SSS OPO SSO diagrammes de phases sont le reflet direct des
OOO OSO SPO compatibilités des triglycérides dans les diffé-
PSS OEO POO rents états. C’est pourquoi des mélanges sim-
SPS OVO ples de triglycérides sont étudiés afin de com-
PEP
prendre les comportements des mélanges
complexes que sont les produits naturels. La
SES
compatibilité des triglycérides dans les variétés
PEE
stables b ou b’ est gouvernée par deux paramè-
EPE
tres principaux : la quantité de défauts que les
VVV
cristaux de triglycérides purs peuvent accepter
Le symbole représente la variété cristalline. Le chiffre représente le type d’empilement des molécules de dans leur réseau cristallin et la formation de
triglycéride. E : acide élaïdique (18:1, 9 trans) ; L : acide laurique (12:0) ; O : acide oléique (18:1, 9 cis) ; P : cristaux mixtes. Les paramètres d’interaction
acide palmitique (16:0) ; S : acide stéarique (18:0) ; V : acide vaccénique (18:1, 11 trans). régissant l’obtention d’une structure cristalline
donnée résultent de la différence entre lon-
glycérides présentent un empilement de type culaires, les formes cristallines stables sont gueurs de chaînes au sein d’un triglycéride et
3L ou 6L (tableau 1). majoritairement des variétés b’ [6]. Le polymor- entre triglycérides, de l’organisation des plans
En conclusion, on peut dire que les triglycérides phisme du beurre de cacao est généralement des groupements méthyle terminaux et de la
adoptent une variété cristalline et un type décrit par six formes polymorphiques notées présence d’insaturation (nombre, position sur
d’empilement qui répondent à la compensa- de I à VI dans l’ordre croissant des points de la chaîne, type cis ou trans).
tion des excès de matière ou des vides créés par fusion [7, 8]. Au niveau de la fabrication du Que ce soit pour les triglycérides purs ou en
les variations relatives des longueurs de chaî- chocolat, c’est la forme V qui est recherchée car mélange, les différentes formes polymorphi-
nes. elle donne au produit fini ses propriétés de ques sont obtenues en jouant sur la méthode
Dans la mesure où chaque triglycéride est texture, de brillance et de cassant. Pour com- de cristallisation, la nature des solvants et des
caractérisé par un polymorphisme complexe, prendre le comportement des mélanges de paramètres physiques tels que la température
les propriétés physiques des mélanges sont triglycérides, une approche consiste à modéli- (notamment la cinétique de refroidissement),
éminemment variables et imprévisibles car mal ser les systèmes naturels par des mélanges la pression ou la vitesse de cisaillement. Le
corrélées à leur composition en acides gras [1]. binaires. De nombreux systèmes binaires ont comportement à la cristallisation du mélange
Le tableau 2 présente les variétés cristallines été étudiés [1, 9, 10]. Il ressort de ces diagram- de matières grasses est donc fortement dépen-
stables de quelques corps gras naturels [5]. mes de phases que l’obtention d’une variété dant de l’histoire thermique de l’échantillon
Pour ces corps gras constitués d’un mélange de cristalline pour un mélange de triglycérides (température de cristallisation, vitesse de cris-
triglycérides très variés, l’adoption de la forme peut résulter de différentes organisations cris- tallisation). Ainsi, plus la température de cristal-
cristalline stable peut être estimée par la règle lisation est basse, plus la teneur en solide est
tallines à l’échelle microscopique. En fonction
suivante : la cristallisation du corps gras sous élevée [12, 13]. La période d’induction et de
de la nature des triglycérides en présence, plu-
forme b’ est d’autant plus favorisée que la nucléation des germes cristallins dépend aussi
sieurs cas de figure sont possibles [10] : i) une
structure glycéridique des triglycérides à haut de la température : la cinétique de cristallisa-
miscibilité totale des triglycérides. Cette misci-
point de fusion est différente. Par exemple, tion est d’autant plus rapide que la tempéra-
bilité est observée, par exemple, pour les for-
pour la matière grasse laitière anhydre (MGLA) ture de cristallisation est faible [12, 13]. Enfin,
mes métastables a et b’ des mélanges de SSS et
caractérisée par une composition en triglycéri- une vitesse de cristallisation lente favorise
PPP en toute proportion ; ii) une immiscibilité
des très variée avec plus de 200 espèces molé- l’apparition de cristaux de grande taille carac-
des cristaux de triglycérides pour la forme sta-
térisés par une distribution en taille plus large
ble (forme b des mélanges PPP-SSS et POP-PPP)
[14].
Tableau 2. Forme polymorphique stable de quelques ou pour les formes instables (forme a du
corps gras naturels (d’après [5]). mélange POP-PPP). Dans ces cas, les formes
cristallines observées se présentent sous la La cristallisation en émulsion
b b’ forme d’un enchevêtrement intime de cristaux
Arachide Colza des différents triglycérides ; iii) la formation de Le comportement polymorphique de la
Beurre de cacao Coton cristaux mixtes (pour un rapport équimolécu- matière grasse en émulsion a fait l’objet de
Carthame Matière grasse laitière
laire des deux triglycérides). Ce cas de figure moins d’études que pour la matière grasse en
anhydre concerne les triglycérides mixtes saturés- phase continue. La plupart des études s’accor-
Coprah Palme mono-insaturés (mélanges SOS-OSO, SOS- dent sur le fait que l’émulsification modifie le
Maïs Poisson
SSO, POP-OPO et POP-PPO). Ces cristaux mix- comportement des matières grasses au cours
tes résulteraient d’interactions attractives entre de la cristallisation. La dispersion de la phase
Olive Suif
les chaînes d’acides gras insaturées et d’interac- grasse dans des gouttelettes conduit à une
Palmiste
tions répulsives entre les résidus saturés et insa- redistribution des impuretés catalytiques ce qui
Saindoux
turés des triglycérides. Les cristaux mixtes modifie le mécanisme de nucléation du sys-
Sésame
obtenus possèdent un comportement poly- tème. Ainsi, la cristallisation de la matière
Soja morphique qui leur est propre, notamment en grasse en émulsion est souvent décrite par un
Tournesol termes de propriétés thermiques : générale- mécanisme de nucléation homogène par

428 DOSSIER
opposition au mécanisme de nucléation hété- [13] et une huile de palme interestérifiée [28]. globules gras fusionnent rapidement [20, 26].
rogène reporté pour la matière grasse en phase En revanche, les variétés a et b’ sont observées, Le phénomène de coalescence partielle et le
continue [15]. En phase continue, les impure- respectivement, en absence et en présence degré d’instabilité des globules gras qui en
tés présentes dans le liquide servent de point d’un sucroester à base d’acide stéarique utilisé résulte sont influencés par de nombreux para-
de nucléation aux cristaux de triglycérides. En pour stabiliser une émulsion à base d’une frac- mètres tels que le taux de matière grasse cris-
émulsion, l’huile étant finement divisée en glo- tion d’huile de palme [17]. Outre l’effet des tallisée [21, 34, 38, 39], les cristaux de matière
bules gras, le nombre de gouttelettes est très ingrédients de la formulation, la cristallisation grasse à l’interface (taille, forme et orientation)
largement supérieur au nombre d’impuretés en émulsion est dépendante de paramètres tels [16, 21, 32, 40, 41], la présence d’émulsifiants
de sorte qu’au sein d’une gouttelette, l’huile est que la taille des globules gras [13, 30] ou la (nature et concentration) [25, 27, 42-44], la
considérée comme « pure ». Cependant, des température (notamment si on se place au taille des gouttelettes [34, 45] ou la vitesse de
paramètres autres que la dispersion sont à dessus ou en dessous de la température de cisaillement [32, 34].
prendre en considération dans le système cristallisation de l’eau) [23].
émulsionné. Ainsi, la cristallisation en émulsion
ne peut pas être décrite par un simple méca-
Une partie des cristaux de matière grasse for- Conclusion
més est localisée à l’interface des globules, ce
nisme de nucléation homogène [16]. Les gout- La première implication résultant du compor-
qui modifie les propriétés rhéologiques de ces
telettes de matière grasse étant stabilisées par tement à la cristallisation des corps gras au
interfaces [31, 32]. Ces propriétés seraient
des tensioactifs, leur partie hydrophobe peut influencées, au moins en partie, par la morpho- niveau industriel réside dans la cristallisation
servir de point de nucléation pour la cristallisa- logie des cristaux de matière grasse. Ainsi, des différentielle des triglycérides. Ceci permet la
tion des triglycérides. Cette nucléation hétéro- cristaux aplatis augmenteraient davantage la séparation de lipides spécifiques à haut et
gène peut se produire soit à l’interface, soit au viscosité interfaciale que des cristaux sous moyen points de fusion à partir de ressources
sein du globule gras si une partie du tensioactif forme de sphérulites [31]. Une meilleure cou- naturelles. Les techniques de fractionnement
se trouve dispersée en phase huileuse. Ces verture des globules gras serait obtenue avec des corps gras développées pour réaliser cette
mécanismes de nucléation hétérogène ont été des cristaux de l’ordre du micron [32]. Par séparation aboutissent à l’obtention de frac-
reportés pour des émulsifiants tels que les ailleurs, les cristaux de matière grasse influen- tions répondant à la demande industrielle en
sucroesters à base d’acide stéarique et palmiti- cent la stabilité des émulsions et, notamment, termes de fonctionnalité (point de fusion, tex-
que [17], des esters de polyglycérol et d’acides la coalescence des gouttelettes. Les cristaux les ture, nutrition) ou de nouvelles réglementa-
gras à longue chaîne [18], des diacylglycérols à plus rigides seraient les plus impliqués dans la tions. Néanmoins, le polymorphisme com-
longue chaîne [19]. Enfin, des gouttelettes sous déstabilisation des émulsions car ils sont les plexe des corps gras ainsi que la formation de
forme solide peuvent induire la nucléation de moins susceptibles à s’adapter aux variations cristaux mixtes rendent quelquefois la sépara-
triglycérides contenus dans des gouttelettes de courbure des interfaces [29]. Quand les tion des fractions délicate. En contrepartie, la
sous forme liquide suite à une collision de ces cristaux de matière grasse solide sont dispersés présence de cristaux mixtes peut conférer aux
deux types de gouttelettes [16, 20]. Ces diffé- dans la phase continue et ont une taille plus fractions des propriétés rhéologiques particu-
rences de mécanisme de cristallisation condui- petite que celle des gouttelettes dispersées, ils lières. La seconde implication de la cristallisa-
sent à des comportements distincts de la inhibent la coalescence. En revanche, quand tion des corps gras réside dans les comporte-
matière grasse en phase continue et en milieu ces cristaux sont préférentiellement mouillés ments différents de la matière grasse en milieu
dispersé, notamment en termes de tempéra- par la phase dispersée, ils entraînent générale- continu et en phase dispersée notamment en
ture de cristallisation, voire de polymorphisme. ment une diminution de la stabilité du système termes de cinétique de nucléation. L’un des
Ainsi, on observe généralement des tempéra- en favorisant le phénomène de coalescence. rôles de la matière grasse cristallisée se situe au
tures de cristallisation de la matière grasse infé- Ainsi, les cristaux de matière grasse ont ten- niveau de la stabilité des émulsions. Générale-
rieures dans le cas de systèmes émulsionnés par dance à déstabiliser les émulsions huile dans ment, les cristaux de triglycérides stabilisent les
rapport aux systèmes continus [17, 20-24]. eau et à stabiliser les émulsions eau dans huile. émulsions eau dans huile. En revanche, dans les
Néanmoins, l’amplitude des écarts de tempé- Néanmoins, dans le cas des émulsions huile émulsions huile dans eau, les cristaux de
rature de cristallisation est très dépendante de dans eau, la présence de matière grasse cristal- matière grasse entraînent une diminution de la
la nature et/ou de la concentration des ten- lisée empêche la fusion totale des globules stabilité en favorisant la coalescence. Le com-
sioactifs utilisés dans les formulations [17, gras : c’est le phénomène de coalescence par- portement des cristaux de matière grasse est
22-26] Certaines études reportent néanmoins tielle. Ce phénomène est largement décrit dans plus complexe quand des tensioactifs (protéi-
un comportement thermique similaire pour la la littérature [16, 20, 32-37]. Il est contrôlé par nes par exemple) sont présents dans la formu-
matière grasse émulsifiée et en phase continue la rupture de l’interface de deux globules lation. La connaissance du comportement des
[27, 28]. Ces résultats apparemment contra- entrant en contact. En effet, les cristaux s’orien- produits alimentaires contenant de la matière
dictoires pourraient correspondre à des locali- tent à la surface du globule gras et percent grasse cristallisée émulsionnée (margarine,
sations différentes des émulsifiants (à l’interface l’interface séparant deux gouttelettes agglo- beurre, crème chantilly, crèmes glacées...) est
ou en phase huileuse) et/ou des interactions mérées. Il y a ensuite transfert d’une partie de la fondamentale pour la maîtrise des propriétés
émulsifiant-matière grasse différentes. L’effet phase huileuse liquide d’un globule à l’autre. texturales et organoleptiques des produits finis.
de l’émulsification de la matière grasse sur la Cette étape est liée à la meilleure mouillabilité En particulier, dans les produits foisonnés (crè-
modification du comportement polymorphi- des cristaux de matière grasse par la phase mes glacées, crème chantilly) dans lesquels la
que semble dépendant de la matière grasse huileuse que par la phase aqueuse. Cependant, matière grasse se trouve dans un état cristallisé,
et/ou des tensioactifs utilisés dans la formula- les contraintes au sein du réseau cristallin de la coalescence partielle est un élément détermi-
tion de l’émulsion. Ainsi, aucune différence matière grasse sont suffisantes pour que les nant de la stabilisation de la phase aérée.
dans le comportement polymorphique de la gouttelettes ne perdent pas totalement leur À l’heure actuelle, des avancées majeures dans
matière grasse en phase continue et en émul- forme initiale. Les gouttelettes restent partielle- la connaissance et la maîtrise des produits ali-
sion n’est reportée pour la MGLA [29], le lard, ment coalescées tant que le réseau solide est mentaires ont été obtenues grâce à une appro-
le mélange stéarine de palme-huile de canola maintenu. Si on augmente la température, les che macroscopique des systèmes. Notam-

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