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ABCES DU POUMON

OBJECTIFS
1. Définir un abcès du poumon
2. Enumérer les facteurs favorisants et les germes en cause
3. Poser le diagnostic positif d’un abcès du poumon
4. Savoir évoquer une cause locale (néoplasie) chez le sujet à risque et
corps étranger chez l’enfant
5. Eliminer les diagnostics différentiels
6. Connaitre les modalités de prélèvement afin d’isoler le germe en
cause
7. Traiter l’infection et le terrain sous jacent
8. Assurer la surveillance
9. Connaitre son évolution et ses complications et savoir le prévenir
Définition
• Suppuration collectée dans une cavité néo formée creusée dans le
parenchyme pulmonaire par une infection aigue non tuberculeuse.

• Trois notions essentielles:


̵ Un terrain favorisant souvent associé
̵ Le traitement médical précoce est efficace
̵ La fibroscopie est indispensable
Intérêt de la question
❖Fréquence: l’abcès pulmonaire est encore une pathologie fréquente malgré
la nette diminution de sa prévalence depuis l’introduction des antibiotiques

❖Diagnostic: tardif, souvent au stade de foyer ouvert

❖Terrain particulier: de débilité locale et/ou général

❖Thérapeutique: antibiothérapies synergiques + drainage

❖Pronostic: affection grave car le pronostic vital et/ou fonctionnel est parfois
engagé
Etiopathogénie
Age et sexe
✓Homme adulte entre 30 et 60 ans (8H/2F)
✓Nourrissons et enfants: staphylococcie pleuro pulmonaire++++
Le terrain particulier
✓Troubles neurologiques
✓Ethylisme, tabagisme
✓Diabète, corticothérapie au long cours
✓Immunosuppression
✓Réanimation respiratoire
✓Anorexie mentale
La porte d’entrée
✓Dentaire
✓Sinusienne
✓Cutanée
Mécanisme de survenue

• Par voie bronchogène++++


• Inhalation de particules septiques, régurgitations, fausses routes (AVC),
anesthésie générale

• Par voie hématogène: plus rare, abcès multiples

• Propagation suppurée locorégionale: un facteur local d’inoculation


doit toujours être recherché
̵ Obstruction de la bronche du territoire abcédé (tumoral, corps étranger)
̵ Abcès sous phrénique, Kc de l’œsophage, plaie thoracique septique….
Diagnostic positif
a. Etude clinique
Circonstances: sujet éthylo tabagique
̵ Evolution en trois phases
1. Phase de foyer fermé: symptômes très proches d’une pneumonie
aigue avec toux, douleurs thoraciques , fièvre
Crainte=abcédation:
˖ Si persistance de la fièvre,
˖ AEG plus marquée
˖ Douleurs thoracique tenace
2. La vomique (entre le 4eme et le 10eme jour)
̵ Maitre symptôme de l’abcès
̵ Expectoration très purulente, d’odeur putride (rappelant celle de la souris
crevée) et de volume souvent abondant, parfois hémoptoique
̵ La vomique s’accompagne d’une défervescence thermique
Diagnostic positif
a. Etude clinique
3. Phase de foyer ouvert

̵ Altération très marquée de l état général avec pâleur


̵ Facies infectieux, langue saburrale, asthénie, anorexie, amaigrissement
̵ Aux phase de rétention avec faible volume des expectorations et fièvre,
succèdent des périodes de détersion avec défervescence et vomique: ainsi les
courbes d’expectoration et de fièvre se croisent.

NB: Pour les 3 stades évolutifs, l’examen physique est pauvre et rarement
évocateur du diagnostic. On peut retrouver des signes en foyer de
condensation pulmonaire et/ou syndrome cavitaire.
Diagnostic positif
b. examens paracliniques
1. Rx du thorax F/P
Les 4 grands signes radiologiques sont:
• Image hydro-aérique

• Paroi fine

• Bronche de drainage

• Variabilité du niveau sur plusieurs examens

Echo thoracique et TDM dans les cas difficiles


Stade de foyer fermé
Opacité dense, homogène, mal systématisée et à limites floues.
Stade de foyer ouvert 1
• Image arrondie, contours réguliers, avec à la base une opacité liquidienne
surmontée d’une image claire aérique; leur limite est horizontale quelle que
soit la position du sujet.
Stade foyer ouvert 2
Stade foyer ouvert 3
Bronche de drainage
Diagnostic positif
b. examens paracliniques
2. Biologie: hyperleucocytose à PNN, CRP+, VS accélérée

3. Etude bactériologique
➢ ECBC (examen direct + culture): de préférence avant toute antibiothérapie,
sensibilité et spécificité faibles
➢ Prélèvements per fibroscopique: aspiration trachéobronchique, LBA et brossage
bronchique protégé++++
➢ Hémoculture: pic thermique et frissons;

4. Place de la fibroscopie bronchique: diagnostic bactériologique, rechercher


une cause locale: tumeur bronchique chez le fumeur++++ et le corps étranger
chez l’enfant
b. examens paracliniques
Technique Points forts Points faibles
Culture d’expectoration Faciles à faire de routine Peu sensible (contamination par la
Aspiration orotrachéale/nasotrachéale flore oropharyngée)

Culture du liquide pleural Spécifique Si développement d’épanchement


pleural ou d’empyème
Hémocultures Spécifiques Se positive seulement dans 5% des cas

Prélèvements par bronchoscopie Permet une inspection de l’arbre Souvent contamination par la flore
Aspiration bronchique bronchique dans le même temps oropharyngée
LBA (exclusion d’un carcinome bronchique, Le brossage protégé demande un
Brossage protégé d’un corps étranger) matériel spécial qui n’est pas toujours
disponible

Ponction transthoracique Le plus fiable pour obtenir un germe Complications (pneumothorax, fistule
bronchopleurale)
Diagnostics différentiels
Infections
Aspergillose Tuberculose
Histoplasmose Mycobactérie atypique
Nocardiose Pneumonie nécrosante bactérienne
Cryptococcose Empyeme loculé
Coccidoidomycose
Neoplasies
Carcinome bronchique Lymphome
Métastase
Maladies inflammatoires
Granulomatose avec polyangeite (wegener) Nodule rhumatoide
Divers
Infarctus pulmonaire nécrosé Sarcoidose (rare)
Pneumatocele (post infectieuse ou traumatique) Silicose
Lesions developpementales
Kyste bronchogénique Malformation adenomatoide kystique
Séquestre pulmonaire Hernie diaphragmatique
Diagnostics différentiels
Diagnostics différentiels
Diagnostics différentiels

Croissant gazeux Ondulations


Diagnostics différentiels
Diagnostics différentiels
Diagnostic étiologique

1. Terrain: à rechercher systématiquement

2. Porte d’entrée: foyer ORL+++, foyers dentaires infectés, lésions cutanées ou


plus rarement appendicite, cholécystite….

3. Les germes: flore polymicrobienne dont les anaérobies (60 à 90% des cas):
Anaérobies: haleine fétide+++, état dentaire précaire, coma, anesthésie générale,
convulsions, AVC
Staphylocoque doré: diabète, toxicomanie, lésions cutanées, cathéters intraveineux…
Klebsiella pneumoniae: diabète, alcoolisme, scissure bombée
Pseudomonas aeruginosa: très grave+++, nosocomial
Diagnostic étiologique
Anaérobie Aérobies Autres (surtout chez ID)

Peptostreptococcus Staphylococcus aureus Champignons (aspergillus, cryptococcus,


histoplasmose, blastomyces ou coccidioides

Bactérioides sp Streptococcus pyogène Parasites (Entamoeba)


Streptococcus pneumoniae

Fusobactérium nucleotum Klebsiella pneumoniae Mycobactéries atypiques

Streptocoques microaérophiles Haemophilus influenzae

Propobacterium sp Pseudomonas aeruginosa

Actinomyces Nocardia
Traitement
1 Objectifs

➢Traiter l’infection
➢Eviter les complications
➢Prendre en charge le terrain

2. Moyens et indications

a. Mesures hygiéno-diététiques
✓ Repos au lit
✓ Apports nutritionnels hypercaloriques
Traitement
b. Antibiothérapie (après avoir fait les prélèvements)

✓Précoce et probabiliste au début

✓Puis adapté à l’antibiogramme

✓Association d’au moins 2 ATB (Bêtalactamine + Métronidazole ou C3G + Aminoside)

✓D’abord par voie parentérale puis relai per os après l’apyrexie et l’amélioration
clinique, pendant 6 à 8 semaines
Traitement
c. Kinésithérapie de drainage
Le drainage postural : habituellement effectué 2 à 4 fois par jour avant les repas, pour
prévenir les nausées, les vomissements et l’inhalation de matières étrangères.
TYPE DE DRAINAGE TECHNIQUE POINTS CLES

Percutané Un cathéter de drainage est mis en place Technique réalisée le plus fréquemment.
dans l’abcès sous contrôle scannographique Peut se compliquer d’un empyème, d’hémorragie,
puis le cathéter est mis en aspiration de fistule broncho pleurale ou d’un pneumothorax
Chirurgical Par mini thoracotomie ou plus rarement Envisagé lors d’échec du traitement antibiotique et
cavernostomie du drainage per cutané ou lorsqu’une résection ne
peut être envisagée en raison d’un état général ne
le permettant pas
Endoscopique Mise en place d’un pigtail dans la cavité Pas de recul sur l’utilité en dehors des cas sans
abcédée lors d’une bronchoscopie souple drainage spontané
avec contrôle fluoroscopique sous Réussite dépendant de l’opérateur
anesthésie locale Administration d’antibiotique in situ discutée
Traitement
d. Chirurgie
En cas d’échec du traitement antibiotique bien conduit après 3 mois et
pour traiter les séquelles sources de complications.
e. Autres
✓Sevrage tabagique

✓Traitement du terrain: équilibrer un diabète, corriger une anémie, insuffisance


cardiaque, insuffisance respiratoire, BPCO

✓Traiter la porte d’entrée


Surveillance

La clinique: signes fonctionnels, signes généraux, signes physique avec une


courbe de température+++ et volumétrie des crachats+++.

La biologie: NFS, VS, CRP.

La radiographie thoracique.
Evolution et complications
1. Evolution favorable (guérison)

❑ Elle est habituelle grâce au traitement antibiotique précoce et adapté (90% des cas).
❑Amélioration clinique et biologique en 2 semaines
❑Amélioration radiologique plus tardive (4 à 6 semaines) avec image normale ou des
séquelles simples à type de réticulations linéaires ou étoilées.

2. Evolution défavorable
Exceptionnelle elle peut être due à la résistance initiale ou secondaire des
germes en cause ou à une antibiothérapie trop tardive ou insuffisante ou
surtout à la déficience du terrain:
Complications
Phase aigue

➢Vomique asphyxique par inondation bronchique

➢La septicémie responsable d’abcès cérébral, d’abcès rénaux ou de de CIVD

➢La cachexie liée au terrain nutritionnel

➢La pleurésie purulente par ouverture de l ’abcès dans la plèvre


Complications
Les complications à long terme
➢les formes chroniques : indication de la chirurgie
➢les séquelles:
✓ DDB: source d’hémoptysies et de surinfections
✓ Cavité résiduelles: sources de surinfection, hémoptysie et greffe aspergillaire+++

Evolution radiologique satisfaisante


• restitution ad integrum
• séquelle stellaire
• cavité à paroi très fine

Dans les autres cas il y a une indication chirurgicale mais à distance de la


phase aigue.
Prévention
❑ Traiter les pneumopathies aigues par les antibiotiques à dose
suffisante jusqu’à guérison complète.

❑Traiter les infections dentaires, pharyngées, sinusites et otites.

❑Equilibrer les états glycémiques

❑Arrêter l’alcool et le tabac

❑Vaccination anti pneumococcique


Conclusion
• L’abcès pulmonaire est une affection de présentation peu spécifique avec
une évolution souvent subaiguë.
• Il convient de garder à l’esprit le large diagnostic différentiel d’une
cavitation pulmonaire, avec l’aide apportée par l’imagerie.
• L’infection est le plus souvent polymicrobienne et nécessite une
couverture antibiotique comprenant les germes habituels d’une infection
des voies respiratoires, ainsi que les anaérobies qui sont retrouvé dans
deux tiers des cas.
• Un traitement antibiotique prolongé permet de guérir la majorité des
abcès pulmonaires
• En cas de non amélioration, avec un patient restant toxique, un drainage
est indiqué et les résections chirurgicales sont à considérer en cas de
complication ou de carcinome sous jacent.
• Le pronostic dépend surtout de la virulence du germe et du terrain.

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