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La tâche d’être soi

Sur l’ontologie égologique d’Emmanuel Lévinas


1.1 De la question de l’être à la question du soi

L’égologie cartésienne ne commence pas par l’ego mais, comme le note Foucault, par le malin
génie, en tant qu’il est nos pensées rebelles et anonymes hypostasiées.
De même, l’ontologie égologique de Lévinas dans De l’existence à l’existant ne commence pas
par l’égo, mais par l’être anonyme — il y a.
L’égologie husserlienne ne commence pas par l’ego, mais son avant-point de départ est bien un
vivre (un revivre l’impulsion/visée des sciences) — l’égologie lévinassienne commence avec
l’extinction de l’ego et donc de tout vivre subjectif.

Point de départ de De l’existence à l’existant : strictement heideggerien.


Il insiste sur « la di culté de séparer être et étant et sur la tendance à envisager l’un dans
l’autre ».
Glissement de la pensée de la notion de l’être en tant qu’être à l’idée de cause de l’existence d’un
étant dont l’essence ne contiendra à la rigueur que l’existence. Mais ce n’en sera pas moins un
étant, non pas le fait d’être, événement pur/oeuvre d’être — comprise dans sa confusion avec
l’état.

L’être est pur verbe — la fonction du verbe consiste à produire le planage — apporter les germes
de la poésie qui bouleverse les existants dans leur position et dans leur positivité même.

Objectif : atteindre l’être distinct de l’étant. L’être dans sa généralité doit être distinguée de la
généralité ultra-générique de l’être chez Aristote qui n’exprima que l’étant en général (non l’être
en général).

Le concept d’être est indé nissable. L’être n’est pas quelque chose comme l’étant. Tout se passe
comme si Lévinas voulait la di érence ontologique, mais non le sens de l’être.

La critique du sens de l’être prend la forme d’une critique de la mienneté.


Le temps et l’autre va à l’encontre de cette possession de l’être par cet étant qu’est le Dasein. Il
fait valoir la notion d’exister sans existant : d’un « exister qui se fait sans nous, sans sujet ».

Séparation se substitue à di érence ontologique. L’être n’est pas l’être de l’étant, mais l’être se
refuse à l’étant.
La destruction du sujet est paradoxalement ici avec la reconnaissance de sa primauté.

Exister sans existant => en déduire dire la signi cation de l’étant dans l’être.
Étant = sujet du verbe être ; il exerce donc une maîtrise sur l’être devenu son attribut.
L’interrogation porte là sur l’étant et non l’être ; sur la signi cation du fait même que dans l’être il y
a des étants.

Reproche de Lévinas à Heidegger : il n’y a pas un étant qui comprend l’être — ce Dasein.
Il y a un préalable à l’ouverture du Dasein au sens de l’être => l’acte par lequel il s’empare de son
être.

Re-envisager le rapport de l’étant à l’être — donc di érence de l’être/étant => non pas di érence
ouverte par la compréhension d’un sens MAIS => maitrise d’un pur fait d’être qui échappe à
toute herméneutique. « La question de l’être est l’expérience même de l’être dans son étrangeté
… elle n’a jamais comporté de réponse ».

Lévinas veut faire passer au premier plan ce qui est secondaire chez Heidegger : l’être-soi du
Dasein.
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Pour Heidegger : je suis est un Dasein, c'est-à-dire qu’il comprend l’être. L’être-soi est un être-là.
C’est ici que se trouve le sens de la mienneté. L’être-là est « toujours le mien ». Et c’est par son
rapport essentiel à l’être en général que l’être-là est lui-même. Le je suis dérive de la mienneté, et
le soi-même de mon rapport à l’être même.
Le problème de Heidegger n’est pas l’être-soi. Le fait d’être un soi caractérise sans doute
l’essence du Dasein, mais l’existence ne consiste pas dans l’être-soi, ni ne se détermine à partir
de lui (Intro à la métaphysique).
Chez Lévinas, il y a appropriation de l’existence par un existant qu’est le Je. Le Je précède à
l’existence, et c’est dans un mouvement d’appropriation qu’il se l’attribue.
Pour Lévinas, la mienneté n’est pas assez mienne chez Heidegger. Il faut davantage assujettir
l’être au sujet.
Lévinas essaye de penser l’étant lui-même, avant de se demander s’il est ou non justiciable de la
question de l’être.
Exister pur = absence même de toute subjectivité => Lévinas cherche à approcher l’idée de l’être
en général dans son impersonnalité pour analyser ensuite la notion du présent et de la position
où, dans l’être impersonnel surgit un être, un sujet, un existant.
La démarche de Lévinas a rme la précellence du sujet sur l’être — elle est encore très
paradoxale.

La notion d’il y a se tient à l’intérieur de l’horizon d’un questionnement sur l’individuation du sujet.
Elle signi e pourtant la destruction de toute subjectivité => paradoxe
L’il y a dissout tout ipséité dans un anonymat radical. Cette pensée de la subjectivité ne
commence pas avec le sujet, mais avec son absence.
L’a rmation du primat du sujet procède d’une expérience de son extinction.

Levinas ne pose la problème d’un exister authentique ou propre en décrivant l’être-soi comme
arrachement à l’anonymat de l’être. Dans l’ontologie de Lévinas : pas de distinction existence
propre/impropre.
Cette distinction existe chez Heidegger et se fonde sur la mienneté. Soit le Dasein se choisit lui-
même, soit il se perd. S’il peut se choisir soi-même proprement, « c’est parce que l’ipséité, l’auto-
appropriation appartient à l’existence. Mais il peut se laisser déterminer en son être par les autres
et exister de manière no propre dans l’oublie de soi-même » (Problèmes fondamentaux de la
phénoménologie, Heidegger).
Toutefois, il s’agit toujours du Dasein. De fait, il ne peut jamais se perdre, puisque la perte de soi
est une modalité de son ipséité : c’est encore une manière d’être soi.
Au contraire, avec l’il y a => perte absolue de mon ipséité. Il y a ≠ en soi ; il y a = « sans soi » (Le
temps et l’autre).

La question de l’être-soi se pose sur fond de il y a, non sur fond d’une mienneté originaire.
La tâche a changé, il s’agit de se conquérir l’anonymat de l’il y a. Au fond, la tâche d’être soi.
Le soi lévinassien est en proie à la menace constante d’être défait par l’anonymat de l’exister. Il
doit sans cesse re-e ectuer la tâche de s’en emparer. L’accès au soi-même propre n’est pas sans
comporter un certain volontarisme — « volontarisme extrême » pour M. Haar —, c’est d’abord
dans le refus d’être soi que l’être-soi s’accomplit.
Mode de l’esquive : être soi, c’est déjà s’évader d’un poids trop lourd, d’un tâche trop harassante,
être soi, c’est se détourner de soi. Être soi, c’est ne pas vouloir l’être.

De cela, l’analyse de la fatigue et de la relation avec le monde.


Lassitude = mouvement de l’existant par lequel il s’empare de son existence par l’hésitation du
refus.
Relation avec l’extériorité = manière d’ampli er ce refus d’être, assumer l’exister qui est la
négation du monde en s’en détournant au pro t des objets du monde — entrer dans l’être en se
liant aux objets.
Le monde et la quotidienneté ne sauraient apparaître comme le lieu de l’exister impropre. Le
monde n’est pas un épisode de chute. Il a son équilibre/harmonie et sa fonction ontologique
positivé : possibilité de s’arracher à l’être anonyme.
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