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République Tunisienne Université de Sfax

Faculté de sciences
Commission nationale économiques et de gestion
d’Expertise Comptable de Sfax

MEMOIRE

Présenté en vue de l’obtention


Du Diplôme d’Expert Comptable

Les IFRS en Tunisie : Adapter ou


Adopter ?

Réalisé par : Dirigé par :


Ahmed SAHNOUN Monsieur Fathi KAMMOUN

Année Universitaire : 2009/2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 2

REMERCIEMENTS

J’exprime mes sincères remerciements à mon encadreur Monsieur Fathi Kammoun


pour ses conseils tout au long de la réalisation de ce mémoire et pour sa disponibilité
et son effort pour rendre ce travail de valeur ajoutée.

Ce travail n’aurait bien sûr pas pu être réalisé sans le soutien et l’aide des experts
comptables et fiscaux qui ont consacré de leur temps pour contribuer à la réalisation
de la partie empirique. Je remercie vivement :

− Monsieur Abdessattar Mabkhout, Expert Comptable


− Monsieur Ahmed BELAIFA, Expert Comptable
− Monsieur Abderrahmen Fendri, Expert Comptable
− Monsieur Rachid Tmar, Expert Comptable
− Monsieur Noureddine Hajji, Expert Comptable
− Monsieur Aberraouf Yaiche, Expert Comptable
− Monsieur Fayçal Derbel, Expert Comptable
− Monsieur Hechmi Abdelwahed, Expert Comptable
− Monsieur Abderrazek Gabsi, Expert Comptable
− Monsieur Fathi Kammoun, Expert Comptable
− Monsieur Sami Bouassida, Expert Comptable
− Monsieur Farid Kobbi, Président du CMF
− Monsieur Mabrouk Maaloui, Conseiller fiscal
− Madame Habiba Louati, DGELF

Je remercie Ma femme Sonia, mon petit fils Mohamed pour tout le soutien qu’ils
m’ont offert durant la période de préparation de ce travail de recherche,

Toute ma reconnaissance va à mes parents, mes sœurs et mon frère qui m’ont toujours
soutenu dans mes études.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 3

SOMMAIRE
Introduction Générale  _______________________________________________ 6 

CHAPITRE 1 : Impact des normes IFRS sur les sociétés tunisiennes __ 12 

Introduction _____________________________________________________________ 13 

1  Etude d’un échantillon de sociétés tunisiennes _________________________ 13 

2  Principales divergences entre normes IFRS et les NCT ___________________ 30 

Conclusion _______________________________________________________________ 48 

CHAPITRE 2 : Normes IFRS : quel intérêt et à quel coût ?  _________ 49 

Introduction _____________________________________________________________ 50 

1  Les normes IFRS : un référentiel incontournable pour une meilleure


communication financière _____________________________  Erreur ! Signet non défini. 

2  Coûts d’implémentation des normes IFRS en Tunisie ____________________ 65 

Conclusion _______________________________________________________________ 81 

CHAPITRE 3 : Les résultats de l’étude : Après avoir adapter, il


faut adopter les normes internationales en Tunisie ______________ 83 

Introduction _____________________________________________________________ 84 

1  La méthode : une démarche qualitative _____________  Erreur ! Signet non défini. 

2  Les résultats de l’étude empirique  ____________________________________ 95 

Conclusion Générale _______________________________________________ 137 

BibliographiE ________________________________________________________ 141 

Annexes ______________________________________________________________ 155 

Table des matières  __________________________________________________ 176 

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Liste des abréviations

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AICPA American Institute of Certified Public Accountants


FASB Financial Accounting Standards Board
UE Union Européenne
CAC Commissaire aux comptes
CNC Conseil National de Comptabilité
IFRS International Financial Reporting Standards
US GAAP United States General Accepted Accounting Principles
IAS International Accounting Standards
IFRS International Financial Reporting Standards
SCE Système Comptable des Entreprises
PME Petites et Moyennes Entreprises
NCT Norme Comptable Tunisienne
NYSE New York Stock Exchange
OECT Ordre des Experts Comptables de Tunisie
IASB International Accounting Standards Board
COB Commission des Opérations de Bourse
ISA International Standard of Auditing
IOSCO International Organization of Securities Commissions
SEC Securities and Exchange Commission
IFRIC International Financial Reporting Interpretations Committee
ERP Entreprise Ressources Plannig
CMF Conseil du Marché Financier
TPE Très Petites Entreprises
EIP Entités à Intérêt Public
BCT Banque Centrale Tunisienne
SIC Standard Interpreation Committe
BVMT Bourse des Valeurs Mobilières de Tunisie

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Introduction Générale

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Les normes comptables internationales se sont imposées comme référentiel comptable dans
plusieurs pays développés et émergents. Actuellement, plus de 100 pays ont adopté ou ont
permis l’utilisation des IFRS1. L’Europe a ainsi rendu obligatoire l’application des normes
IFRS pour les états financiers consolidés des sociétés cotées à partir du 1er janvier 20052.
L’Europe a été suivie par plusieurs pays qui ont déclaré leur intention expresse d’adopter ou
converger vers les IFRS (Canda, Australie, Japon, Inde, Chine, Brazil, etc.). La réaction
attendue de la SEC (« Securities and Exchange Commission ») n’a pas tardé à venir qui a
officiellement éliminé l’obligation de présenter la réconciliation IFRS-US GAAP pour les
sociétés étrangères cotées à la SEC à partir de décembre 20073. La concession du
normalisateur américain, qui était longtemps en situation de monopole grâce l’attractivité du
marché financier américain aux sociétés européennes, est intervenue suite à un travail de
convergence progressif des normes IFRS avec les US GAAP entrepris depuis 2002. Suite à
ce travail de rapprochement entre les deux référentiels, la SEC a approuvé, en août 2008, un
projet de règlement prévoyant une adoption des IFRS pour les sociétés américaines cotées à
partir de 2014.

La Tunisie était l’un des premiers pays pionniers dans le monde à adhérer au mouvement
d’harmonisation international. L’expérience tunisienne remonte à 1996 suite à l’adoption du
nouveau système comptable des entreprises (Loi 96-112 du 30 décembre 1996) construit sur
un fond de conformité quasi-totale aux normes internationales (IAS) anticipant sur un
mouvement de convergence mondial vers les IAS (ancienne dénomination des IFRS). La
Tunisie était perçue à cette époque comme un pays innovateur en matière de normalisation
comptable. Gilbert Gélard – en sa qualité de membre de l’IASB (International Accounting
Standards Commitee) – a ainsi déclaré publiquement lors de la tenue des assises de l’IFAC
(International Federation of Accountants) à Paris (en 1997) qu’en matière de normalisation
comptable, la Tunisie est devenue la référence à suivre par tous les pays Francophones – y
compris la France – (Mabkhout 2010).

1
Rappelons que les IFRS sont les normes comptables internationales émises par l’organisme international de normalisation
comptable, IASB
2
Règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 19 juillet 2002 sur l’application des normes
comptables internationales.
3
SEC Rule Release No 33-879, Acceptance From Foreign Private Issuers of Financial Statements Prepared in Accordance
With IFRS Without Reconciliation to U.S. GAAP, December 21, 2007.

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 8

Toutefois, le SCE (Système Comptable des Entreprises) était confronté à plusieurs difficultés
qui peuvent être résumées comme suit :

• Degré d’application contrasté selon la taille des entreprises : Pour certaines PME
(Petites et Moyennes Entreprises), le nouveau SCE était perçu comme un simple
renouvellement du plan comptable sans modifier profondément les fonctions
financières et les pratiques comptables dans les entreprises tunisiennes. Ceci est
expliqué par le fait de l’absence d’intérêt dans des normes d’information financière
pour des sociétés n’ayant pas un besoin et de responsabilité publique de divulgation
financière;

• Lien fiscalité-comptabilité : Les règles fiscales, et en particulier les règles de


détermination de la base de l’impôt sur les bénéfices, régissent encore beaucoup
certaines règles et méthodes comptables employées dans les entreprises tunisiennes
car les règles fiscales imposent certaines règles de comptabilisation sous peine de se
voire privé de droits à déduction d’une partie des charges (exemple des
amortissements, leasing, provisions). Les dirigeants des sociétés tunisiennes
continuent à préparer des états financiers sur la base de règles fiscales, loin de
satisfaire le besoin des investisseurs à risque explicitement qualifiés comme les
utilisateurs privilégiés des états financiers par le cadre conceptuel tunisien. 4

• Absence de mise à jour : N’ayant pas pu suivre le rythme d’évolution des normes
comptables internationales, le SCE est désormais en décalage important par rapport
aux IFRS. Ainsi certaines normes sont devenues totalement dépassées et plusieurs
nouvelles normes IFRS n’ayant pas d’équivalent en NCT. Ceci est compréhensible du
fait que les normes IFRS sont en perpétuelle évolution et il serait difficile compte tenu
des exigences juridiques et professionnelles locales de suivre le rythme de révision
des normes internationales.

4
Le Cadre Conceptuel dans son paragraphe 14 spécifie que les investisseurs et bailleurs de fonds font des
investissements à risque dans l’entreprise et leurs besoins d’information sont naturellement plus larges.
Normalement, l’élaboration d’états financiers répondant à leurs besoins peut également répondre aux besoins des
autres utilisateurs. Ce sont les utilisateurs privilégiés des états financiers

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Ces facteurs combinés avec d’autres constituent des freins à la bonne application du nouveau
SCE à vocation anglo-saxonne mais ayant gardé des traces du modèle continentale par le
maintien d’un plan comptable et la diversité des utilisateurs des états financiers. Certes, il y a
eu une évolution dans la qualité des informations financières produites par les entreprises
tunisiennes, au moins les plus importantes et les plus visibles, par l’amélioration de la
présentation des états financiers et le niveau des notes fournies, mais cette évolution reste loin
du niveau escompté lors de l’adoption du SCE. Par ailleurs, compte tenu de la quasi-
stagnation des NCT, le SCE actuel présente des divergences majeures avec les IFRS. Nous
proposons dans le premier chapitre de cerner les principales divergences entre les normes
IFRS et les normes tunisiennes et ce par une étude d’impact des IFRS sur un échantillon
d’entreprises tunisiennes. L’objectif de cette étude est de mesurer l’impact des normes IFRS
sur les capitaux propres, le résultat de la période, la rentabilité et le niveau du risque des
entreprises tunisiennes, tout en cernant les principales normes IFRS pouvant avoir un impact
significatif sur les états financiers des sociétés tunisiennes. Cette étude d’impact sera
complétée par une étude comparative entre les IFRS et les NCT. L’objectif n’est pas de
dresser un état technique des divergences entre les deux référentiels, mais plutôt de mettre
l’accent sur :

• Les principales divergences conceptuelles entre les deux référentiels et ;


• Les divergences dans les règles de mesure et de divulgation qui sont nées suite à
l’évolution des normes IFRS depuis l’adoption du SCE en 1996.

Ce premier chapitre nous permettra de répondre à la question : est ce qu’on peut continuer à
prétendre que notre système comptable est toujours basé sur le référentiel international. La
réponse à cette question est primordiale puisque le choix fait par la Tunisie en 1996, lors de
l’alignement au référentiel international IAS de l’époque, était guidé principalement par des
objectifs économiques. Le langage comptable international était l’un des facteurs pouvant
renforcer l’internationalisation des entreprises tunisiennes et donc de l’économie tunisienne.
Toutefois, avec l’évolution des IFRS et l’intensification du mouvement international de
convergence vers les IFRS, le système comptable tunisien se trouve actuellement en
déphasage par rapport au mouvement d’harmonisation internationale. La question du
référentiel international surgit ainsi de nouveau entre les professionnels de l’économie
tunisienne.

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Deux scénarios sont actuellement débattus par les professionnels : Adapter ou Adopter. La
première option consiste à relancer le processus de convergence des normes locales avec les
normes internationales, entamé avec l’adoption du SCE 1996. Cette solution a été choisie par
plusieurs pays européens (notamment ceux appartenant à l’approche continentale) afin de
généraliser l’application des IFRS au niveau des états financiers individuels et des sociétés
non cotées. La deuxième solution est plutôt de substituer les normes locales par les normes
internationales. Toutefois, avant de trancher sur la question d’adapter ou Adopter, il est utile
de cerner les avantages et les coûts d’application des IFRS pour les entreprises tunisiennes et
l’économie tunisienne. Les apports et les coûts d’adoption des IFRS en Tunisie feront ainsi
l’objet du deuxième chapitre qui sera basé sur une revue de littérature. Depuis les premières
réflexions d’adoption des IFRS en Europe (au début des années 2000), plusieurs études et
enquêtes se sont intéressées à l’apport des normes IFRS en terme de pertinence de
l’information financière, de l’utilité de la prise de décision économique, de
l’internationalisation de l’économie et de l’harmonisation internationale. Etant donné que la
Tunisie appartient à l’approche continentale, nous allons se focaliser sur les études réalisées
en Europe (notamment des pays appartenant au courant continentale comme la France,
l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne, ..) suite au passage IFRS 2005. Ces études ont essayé de
mesurer et de cerner l’impact des normes IFRS sur l’amélioration de la pertinence de
l’information financière publiée par les sociétés européennes. Toutefois, la suprématie des
normes IFRS n’était pas la conclusion partagée par toutes ces études et enquêtes. Il ne faut
pas perdre de vue que le référentiel IFRS est un référentiel très lourd et parfois très
compliqué, nécessitant ainsi des moyens importants de la part des entreprises et des organes
de normalisation comptable. Le coût d’implémentation des IFRS pourrait ainsi s’avérer
disproportionné par rapport aux avantages escomptés, notamment pour les sociétés n’ayant
pas de responsabilité publique de divulgation financière. L’orientation juste valeur des
normes IFRS, en particulier, est un obstacle à l’application des IFRS notamment pour les
pays n’ayant pas de marché et de bourses développés. La déconnexion totale entre fiscalité et
comptabilité en normes IFRS, a aussi pesé lourd sur le processus d’adoption des IFRS pour
plusieurs pays. L’adoption pure et simple des normes IFRS, ne semble pas aussi l’avis
partagé de tous les professionnels européens. Les enseignements de la première application
des normes IFRS en Europe et des réflexions menées actuellement dans d’autres pays, nous
serviront de base pour cerner d’une façon préliminaire des entreprises tunisiennes pouvant
appliquer le référentiel international.

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 11

Ces deux premiers chapitres nous amèneront à la question de recherche suivante à laquelle
que nous allons essayer de répondre au niveau du troisième chapitre :

Quelles sont les modalités optimales de passage IFRS en


Tunisie : faut-il continuer l’adaptation ou opter plutôt pour une
adoption directe des normes internationales IFRS ?

Etant donnée la nature exploratoire de cette question de recherche, la démarche qualitative est
la plus appropriée. Nous avons ainsi opté pour une enquête par des entretiens semi-directifs
auprès des experts comptables et fiscaux, ayant contribué à la réforme du système comptable
des entreprises en 1996. Ces entretiens porteront sur les deux axes suivants:

• Dans un premier temps, il s’agit de dresser un état de lieux de l’application du SCE


1996 par les entreprises tunisiennes. L’objectif est d’avoir l’avis des experts interrogés
sur les principales difficultés rencontrées par les sociétés tunisiennes dans
l’application du SCE 1996 ainsi les insuffisances observées dans le processus de
gestion du passage du système plan comptable au système à cadre conceptuel ;

• Dans un deuxième temps, on développe des propositions quant aux modalités de


passage IFRS en Tunisie sur la base des entretiens menés. Ces propositions reflètent
les positions des experts interrogés quant à la population des entreprises tunisiennes
devant appliquer les IFRS ainsi que les différentes réformes fiscales, juridiques et
professionnelles à mettre en place pour accompagner une éventuelle réforme
comptable en Tunisie.

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CHAPITRE 1 : Impact des


normes IFRS sur les sociétés
tunisiennes

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 13

INTRODUCTION

Le premier chapitre vise à dresser un bilan du SCE depuis son entrée en vigueur en 1997 tout
en mettant en évidence les divergences actuelles entre les NCT et les IFRS. Dans une
première section, on se propose d’étudier l’impact des normes IFRS sur les états financiers
des sociétés tunisiennes. Cette étude porte sur un échantillon de 14 sociétés tunisiennes
(appartenant à divers secteurs d’activité économiques) ayant retraité leurs états financiers
selon les normes IFRS, tout en présentant un tableau de passage des capitaux propres en NCT
vers les capitaux propres en IFRS. L’objectif est de mesure l’impact des normes IFRS sur le
résultat net et les capitaux propres des entreprises tunisiennes dans une première étape, puis
sur le niveau du risque et de rentabilité dans une deuxième étape. Les résultats de cette étude
nous permettrons de dresser un premier état des divergences actuelles entre les NCT et les
IFRS et de cerner les normes IFRS pouvant impacter de façon significative les ratios clés
publiés par les sociétés tunisiennes. Les résultats de cette étude seront enrichis par des études
similaires ayant été effectuées en Europe sur les premiers états financiers établis en IFRS
publiés par des sociétés européennes.

En suite, à partir des résultats de l’étude d’impact, on se propose de cerner les principales
divergences entre les IFRS et les NCT. Cette étude comparative n’a pas pour objectif de
dresser un état des divergences techniques entre les NCT et les IFRS. L’objectif est plutôt de
mettre l’accent sur les divergences les plus importantes et d’ordre conceptuelle. Par ailleurs,
les simplifications introduites par la norme IFRS pour les PME seront intégrées dans cette
étude.

1 ETUDE D’UN ECHANTILLON DE SOCIETES TUNISIENNES


La première section du chapitre portera sur une étude de l’impact des normes IFRS sur les
capitaux propres et les résultats d’un échantillon d’entreprises tunisiennes, (en majorité
filiales de multinationales) ayant retraité leurs états financiers selon les normes IFRS pour le
besoin du reporting financier pour la société mère ayant une obligation d’établir des états
financiers consolidés en IFRS ou dans le cadre d’une acquisition projetée.

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1.1 Méthodologie de l’étude

Cette étude est inspirée d’un atelier sur le thème de l’impact des IFRS sur un échantillon
d’entreprises tunisiennes lors du séminaire organisé par l’OECT en mai 2007 intitulé «IAS-
IFRS: Adoption ou adaptation & Impact sur les PME », dont nous avons participé. Cet atelier
a porté sur l’impact des normes IFRS sur les capitaux propres de trois sociétés tunisiennes.
Nous avons complété cette étude en élargissant l’échantillon en ajoutant onze sociétés
tunisiennes. L’échantillon définitif inclut ainsi quatorze sociétés, dont 3 sociétés ont été
présentées lors du séminaire cité ci-dessus. Nous avons aussi intégré l’analyse de l’impact des
normes IFRS sur le niveau de risque et de rentabilité des entreprises tunisiennes.

L’échantillon était constitué à partir des données collectées lors des missions auxquelles nous
avons participé durant notre stage professionnel. Pour des raisons de confidentialité, les noms
des sociétés ne seront pas indiqués. Par ailleurs, les chiffres utilisés dans la présente étude
sont des chiffres extrapolés à partir des états financiers des sociétés étudiées (Les chiffres
réels ont été multipliés par un multiplicateur commun).

Les sociétés composant l’échantillon appartiennent aux secteurs d’activité suivants :

• Industrie : Matériaux de construction, pharmaceutique, textile, pièces automobiles,


agroalimentaire

• Energie : exploration et développement de pétrole et de gaz, transport de gaz,


production d’électricité ;

• Banques ; et

• Services

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Les caractéristiques des sociétés étudiées sont présentées dans le tableau suivant

Tableau 1. Echantillon
En milliers de Chiffre Total Nombre
TND Activité Envergure Capital d'affaires Bilan d'employé
National
1 Industrie exportatrice 9 540 47 179 46 143 380
National
2 Industrie exportatrice 1 820 8 768 14 014
National
3 Industrie exportatrice 15 444 78 612 100 434
National
4 Industrie exportatrice 15 000 31 200 47 500
National
5 Industrie exportatrice 34 000 84 570 97 742
National
6 Industrie exportatrice 2 580 6 678 27 520
7 Energie International 99 456 110 892 256 414 55
Production de pétrole N/A
8 et gaz International (Branche) 41 486 22 4471 50
9 Energie International 119 516 95 539 375 506 35
National
10 Energie exportatrice 99 24 476 11 532
11 Financier International 100 000 24 050 301 444 182
12 Financier National 5 000 25 602 347 614 235
13 Financier International 50 000 131 400 1 792 300 1 200
14 Services International 131 879 10 827 334 210

L’étude a porté sur les états financiers de ces sociétés retraités en IFRS durant la période 2006
à 2008. Ces sociétés présentent généralement un tableau de passage de la situation nette en
normes locales vers la situation nette retraitée en normes IFRS. La mesure de l’impact des
IFRS sur les états financiers sera faite sur la base des indices de comparabilité tels que définis
par Gray (1980). Ces indices permettent de mesurer l’impact des retraitements IFRS sur le
résultat net et les capitaux propres cumulativement et par élément de divergence. Les indices
sont définis comme suit :
• Impact global sur le résultat net : ICRNi,t = 1- (RNIFRSi,t- RNNCTi,t)/
RNNCTi,t
• Impact partiel sur le résultat net : IPCRNi,t = 1- ERIFRSi,t/ RNNCTi,t
• Impact global sur les capitaux propres : ICCPi,t = 1- (CPIFRSi,t- CPNCTi,t)/
CPNCTi,t
• Impact partiel sur les capitaux propres : IPCCPi,t = 1- ERIFRS/ CPNCTi,t

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Avec :
o ICRNi,t : Indice de Comparabilité du Résultat Net de la société i au titre
de la période t
o RNIFRSi,t : Résultat Net retraité en normes IFRS de la société i au titre
de la période t
o RNNCTi,t : Résultat Net selon les NCT de la société i au titre de la
période t
o IPCRNi,t : Indice Partiel de Comparabilité du Résultat Net de la société i
au titre de la période t
o ERIFRSi,t : Elément de Réconciliation du résultat net/Capitaux Propres
en IFRS de la société i au titre de la période t
o ICCPi,t : Indice de Comparabilité des Capitaux Propres de la société i au
titre de la période t
o CPIFRSi,t : Capitaux Propres retraités en normes IFRS de la société i au
titre de la période t
o CPNCTi,t : Capitaux Propres établis selon les NCT de la société i au titre
de la période t

Le choix des capitaux propres et du résultat net est motivé par le fait que ces deux critères
constituent les indicateurs les plus privilégiés parmi l’ensemble des informations divulguées
dans les documents comptables, en particulier pour les analystes financiers et les
investisseurs, soucieux de forger une idée sur la rentabilité et sur le risque des entreprises. Les
capitaux propres servent notamment pour calculer les ratios suivants :

• Résultat net/Capitaux propres : permet d’apprécier la rentabilité des capitaux propres


investis par les actionnaires ;

• Capitaux propres/total bilan : fournit une indication sur le niveau du risque financier et
la solvabilité de l’entreprise.

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1.2 Résultats de l’indice global de comparabilité

Les résultats de l’indice global de comparabilité sont présentés dans les tableaux et
graphiques ci-dessous.
Tableau 2. Indice global de comparabilité
Résultat net Capitaux propres
En milliers de DT
Local IFRS Retraitement ICRN Local IFRS Retraitement ICCP
1 1 358 1 735 377 72% 11 630 12 200 570 95%
2 (567) (567) - 100% 1 176 1 105 (72) 106%
3 4 341 4 655 314 93% 56 720 52 007 (4 713) 108%
4 (41) (1 094) (1 054) -2487% 4 278 2 340 (1 938) 145%
5 (1 155) (1 068) 87 108% 14 072 15 649 1 577 89%
6 1 715 1 715 - 100% 2 038 2 038 - 100%
7 15 521 (1 458) (16 979) 209% 178 151 154 602 (23 549) 113%
8 41 486 54 484 12 998 69% 194 859 50 987 (143 872) 174%
9 36 254 14 776 (21 478) 159% 247 618 153 922 (93 697) 138%
10 20 (12) (32) 260% 129 (279) (408) 416%
11 5 367 4 377 (990) 200% 132 985 130 097 (2 888) 102%
12 543 (2 028) (2 571) 573% 6 422 (30 589) (37 011) 676%
13 24 261 24 900 639 97% 176 406 177 189 783 100%
14 10 828 22 534 11 707 -8% 136 439 122 416 (14 024) 110%

Graphique 1. Impact des retraitements IFRS sur le


Résultat net (RN) et les capitaux propres (CP)

CP 2 10 2

I
RN 6 6 2

Positif Négatif Nul

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Résultat net Capitaux propres

14%

7% 36%
43%
50%

29%
7% 14%

-10% De 10 à 50% De 50 à 100% +100%

Tableau 3. Impact des IFRS sur les ratios de rentabilité et de risque


RN/CP CP/Total Bilan
Société
Local IFRS Var Local IFRS Var
1 12% 14% 2,5% 34% 34% -0,2%
2 -48% -51% -3,1% 8% 8% -0,5%
3 8% 9% 1,3% 56% 51% -5,2%
4 -1% -47% -45,8% 9% 5% -4,0%
5 -8% -7% 1,4% 15% 16% 1,2%
6 84% 84% 0,0% 74% 74% 0,0%
7 9% -1% -9,7% 47% 41% -6,1%
8 21% 107% 85,6% 87% 42% -45,2%
9 15% 10% -5,0% 117% 64% -53,4%
10 16% 4% -11,2% 1% -2% -3,5%
11 4% 0% -4,0% 44% 43% -1,2%
12 8% 7% -1,8% 2% -10% -11,7%
13 14% 14% 0,3% 10% 10% 0,03%
14 8% 18% 10,5% 41% 35% -5,6%

Les principaux éléments à retenir de ces résultats peuvent se résumer comme suit :
• Impact sur le résultat net : l’impact est positif pour six sociétés, négatif pour
six autres sociétés et nul pour deux sociétés. L’impact positif concerne
notamment le secteur industriel (5/6) alors que l’impact négatif concerne le
secteur de l’énergie (3/4) et le secteur financier (2/3). L’impact des
retraitements est inférieur à 10% du résultat établi selon les NCT pour cinq
sociétés (soit 36%) dont 4 sociétés appartenant au secteur industriel. Pour sept

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 19

sociétés, appartenant au secteur de l’énergie, le secteur financier et des


services, l’impact du retraitement est important et dépasse 50% du résultat net.
Pour trois sociétés (dont deux appartenant au secteur de l’énergie et une
appartenant au secteur financier), le résultat s’est transformé d’un bénéfice en
NCT en un déficit en IFRS. Ceci est du essentiellement à la valorisation des
instruments financiers en juste valeur, au traitement des revenus selon le taux
de rendement effectif résultant d’un contrat de leasing, des provisions au titre
des crédits et des provisions pour indemnités de départ à la retraite ;
• Impact sur les capitaux propres : l’impact est positif pour deux sociétés, négatif
pour dix sociétés et nul pour deux société. A l’instar de l’impact sur le résultat
net, l’impact positif concerne principalement le secteur industriel (2/6) alors
que l’impact est négatif pour les autres secteurs à l’exception d’une société
appartenant au secteur financier. Toutefois, l’impact est inférieur à 10% pour
six sociétés (dont quatre sociétés du secteur industriel et deux sociétés du
secteur financier). Pour trois sociétés uniquement, l’impact dépasse 50%, à
savoir deux sociétés du secteur de l’énergie et une société du secteur financier.
Pour deux sociétés (dont une appartenant au secteur de l’énergie et une
appartenant au secteur financier), les capitaux propres sont devenus négatifs en
IFRS, essentiellement suite aux provisions au titre des crédits et des
engagements de retraite.
• En termes de ratios, l’impact des IFRS sur la rentabilité (mesuré par le ratio
Résultat net/Capitaux propres) dépasse 5% pour sept sociétés (en majorité du
secteur de l’énergie et des services). L’application des IFRS a entrainé une
amélioration de la rentabilité pour six sociétés (dont trois appartenant au
secteur industriel) contre une diminution de la rentabilité pour sept sociétés
(dont trois sociétés appartenant au secteur de l’énergie et deux banques).
• En termes de risques, on constate que les IFRS ont pour effet généralement de
diminuer le ratio Capitaux propres par rapport au total bilan pour la majorité
des sociétés étudiées (11/14) et donc une augmentation du niveau du risque
des sociétés tunisiennes. Ceci est expliqué essentiellement la diminution des
capitaux propres en IFRS contre une diminution moins proportionnelle du total
bilan. (du fait que les retraitements du passif n’ont pas d’impact sur le total
bilan). Le niveau de risque diminue uniquement pour deux sociétés.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 20

Ces résultats nous amènent aux conclusions suivantes :


• Les retraitements IFRS ont, dans la majorité des cas, un effet négatif sur les
capitaux propres et sur le résultat net de l’exercice de retraitement. Ceci
pourrait être expliqué par l’effet cumulé des retraitements IFRS sur les
capitaux propres lors de l’établissement des premiers états financiers en IFRS.
Les IFRS ont donc, dans la majorité des cas, un effet négatif sur la rentabilité
et le niveau des risques des sociétés tunisiennes ;

• Pour plus que 50% des cas, l’impact IFRS dépasse le seuil de 10% (du résultat
net ou des capitaux propres établis en NCT). Dans deux cas uniquement,
l’impact est inférieur à 5%. Les IFRS auront donc un impact significatif sur les
états financiers des sociétés tunisiennes ;

• Le secteur le moins touché par les normes IFRS est le secteur industriel. Ceci
pourrait être expliqué par la simplicité des transactions des sociétés
appartenant à ce secteur. Les secteurs les plus touchés sont le secteur d’énergie
et le secteur financier. L’influence des considérations fiscales et juridiques
(telles que les circulaires BCT) sur ces deux secteurs pourrait expliquer
l’ampleur des retraitements IFRS.

1.3 Résultats de l’indice partiel de comparabilité

Les résultats de l’indice partiel de comparabilité sont présentés en annexe 1. En termes


d’indices partiels de comparabilité, les principaux éléments de réconciliation peuvent être
classés en deux catégories. La première catégorie de divergences est relative à un écart du à
une mauvaise application des normes tunisiennes. La deuxième catégorie est due à la révision
des normes IFRS (depuis la version IAS 1996 qui était la base du SCE 1996) et l’émission de
nouvelles normes IFRS.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 21

Les divergences actuelles entre les NCT et les IFRS peuvent être résumées par le schéma
suivant:

Graphique 2. Synthèse des divergences entre les NCT et les IFRS

Source : Étude d'impact sur un échantillon d'entreprises tunisiennes (Séminaire


OECT 2007)

1.3.1 Ecarts dûs à la mauvaise application du SCE

La première catégorie de divergences, liée à la mauvaise application des NCT, est expliquée
essentiellement par l’application des règles fiscales au niveau des états financiers
(amortissements, leasing, provisions) ou à l’absence d’un système d’information adéquat
pouvant produire des informations nécessaires à des retraitements comptables (sous activité,
dépréciation d’actifs, frais de recherche et développement, informations à fournir). Ces
divergences peuvent être synthétisées comme suit :
• Méthodes d’amortissement : La majorité des sociétés étudiées appliquaient des
taux et des méthodes d’amortissements qui sont conformes à la législation
fiscale. Ces sociétés tiennent généralement deux tableaux d’amortissement : le
premier sert pour le calcul de l’amortissement fiscal comptabilisé dans les états
financiers locaux alors que le deuxième sert pour le calcul des amortissements

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 22

selon les durées de vie économique qui seront pris en compte dans les états
financiers IFRS. L’impact du retraitement est beaucoup plus important dans le
secteur industriel et pétrolier. Pour le secteur industriel, ceci est du au poids
important des immobilisations (notamment les équipements industriels) dans
le bilan et au décalage important entre la durée de vie économique du matériel
industriel et la durée de vie résultant des textes fiscaux. Pour le secteur
pétrolier, l’impact est du notamment à l’utilisation d’une méthode
d’amortissement variable en IFRS (U.O.P5) alors qu’une méthode
d’amortissement linéaire est utilisée pour respecter les règles fiscales. Il est à
noter que l’impact sur le résultat et les capitaux propres est dans la majorité
des cas est positif et ce du fait que les taux d’amortissements fiscaux sont
généralement supérieurs aux taux d’amortissement économique.

• Contrats de location : Avant la publication de la NCT 416, les immobilisations


corporelles résultant des contrats de location financement ne sont pas
comptabilisées par les sociétés tunisiennes et ce du fait de l’existence d’une
réglementation spécifique7. Pour les sociétés tunisiennes, la notion de propriété
juridique prime sur la notion de propriété économique ce qui est contraire à
une hypothèse fondamentale prévue par le cadre conceptuel tunisien (§49)
« Convention de prééminence du fond sur la forme ». Ce choix est justifié
principalement par un souci fiscal, du fait que la législation fiscale ne permet
pas la déduction des amortissements des immobilisations résultant des contrats
de location ;

• Provision d’éléments d’actifs et de passifs : certaines sociétés se limitaient à


comptabiliser les provisions pour dépréciation des éléments d’actif (stock,
clients) dans la limite des provisions admises en règles fiscales. Pour les
banques, les provisions pour dépréciation des crédits sont celles résultant de

5 U.O.P : la méthode « Unit of Production » consiste à amortir sur les immobilisations selon le ratio
Production/Réserves.
6 La NCT 41 « Contrats de location »
7 Loi N° 94-89 relative au Leasing

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 23

l’application des règles prévues par la banque centrale tunisienne8. Les


provisions pour dépréciation constituées par les sociétés en application des
règles fiscales et de la règlementation spécifique ne sont pas conforme, ni aux
NCT qui exigent de déterminer la dépréciation par référence à la valeur de
réalisation (la NCT 4 relative aux stocks et la NCT 24 relative aux
engagements et revenus y afférents dans les établissements bancaires), ni aux
IFRS qui exigent de déterminer la valeur recouvrable des créances pour
l’estimation de la perte de valeur. L’étude montre que le retraitement des
provisions des crédits selon les normes IFRS donne lieu à un retraitement
négatif important touchant à la fois le résultat et les capitaux propres. Ceci est
expliqué par le fait que les règles IFRS aboutissent généralement à une
dépréciation intégrale des créances douteuses contrairement aux circulaires de
la BCT qui prévoient des provisions partielles. Par ailleurs, les critères de prise
en compte des garanties pour l’estimation des provisions sur les crédits sont
généralement plus strictes en IFRS par rapport aux circulaires de la BCT (du
fait que les IFRS ne permettent pas l’utilisation des pourcentages de
dépréciation par antériorité d’impayé). L’application des normes IFRS pour
les banques pourraient donc donner lieu à une diminution significative des
capitaux propres des banques tunisiennes.

• Subventions d’investissement : pour les sociétés tunisiennes, les subventions


d’investissement constituent un élément des capitaux propres ce qui est n’est
pas conforme à la définition donnée par le cadre conceptuel tunisien des
capitaux propres9. En règles IFRS, les subventions d’investissement sont
comptabilisées en produits différés (passifs) ou en déduction des
immobilisations auxquelles elles se rattachent. Par ailleurs, le retraitement des
amortissements des immobilisations entraîne corrélativement le retraitement
de l’amortissement des subventions qui leurs sont rattachées.

8 Circulaire BCT n°91-24 du 17 Décembre 1991 relative à la division, couverture des risques et suivi des
engagements (tel que modifié par les circulaires n° 99-04 et n° 2001-12)
9 En vertu du cadre conceptuel tunisien (§55), les capitaux propres représentent l’intérêt résiduel dans les actifs
de l’entité, après déduction de tous ses passifs

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 24

• Valorisation des stocks : Aucune société de notre échantillon n’a procédé à


l’isolation de l’effet de la sous activité ou du gaspillage sur le coût des stocks
contrairement à la NCT 4 relative aux stocks qui exige d’imputer le coût de la
sous activité et le gaspillage en charges de l’exercice. Un tel traitement
nécessite de la part des sociétés tunisiennes, la mise en place d’un système de
contrôle de gestion adéquat permettant le suivi du niveau de l’activité de
l’usine et du rythme de consommation de matières. Certes de telles donnés
existent au niveau technique mais elles ne sont pas exploitées par les
préparateurs de l’information financière.
• Réduction de valeur : Aucune des sociétés, incluses dans notre échantillon, n’a
procédé à un test de dépréciation des immobilisations corporelles malgré que
ce test soit obligatoire selon la NCT 5 relative aux immobilisations
corporelles. La réduction de valeur est constatée exceptionnellement lorsque
l’actif est mis en rebus, endommagé ou en cas d’arrêt d’activité. Les sociétés
tunisiennes ne disposent pas de projections spécifiques de cash flow futurs
permettant l’estimation de la perte de valeur pour un actif, ni d’analyse des
unités génératrices de trésorerie.
• Présentation de l’état de résultat : la majorité des sociétés tunisiennes
continuent à utiliser la méthode autorisée (par nature) pour la présentation de
l’état de résultat malgré que la méthode de référence renseigne mieux sur la
marge de l’entreprise et les principaux indicateurs de performance10. Il en est
de même selon la norme IAS 1 qui encourage l’utilisation de la méthode de
référence parce qu’elle fournit souvent des informations plus pertinentes pour
les utilisateurs que la classification des charges par nature. L’élaboration de
l’état de résultat par destination suppose l’existence d’un système de contrôle
de gestion et de comptabilité analytique appropriés. Même pour les sociétés
tunisiennes disposant de tels systèmes, la majorité d’entres elles préfèrent la
publication d’état de résultat par nature pour des raisons de confidentialité ou
de coût (tout en reportant un état de résultat par destination dans le cadre du
reporting groupe).

10 Il est à rappeler que la méthode autorisée était à l’origine destinée à être une disposition transitoire lors de
la publication du SCE 1996 qui devrait être à terme remplacée par la méthode de référence.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 25

On peut conclure de ce qui précède que plusieurs dispositions des NCT sont restées lettre
morte pour des considérations fiscales et des considérations de coût et d’absence de système
d’information adéquat. Si cette option pourrait être compréhensible pour les sociétés de type
PME (essentiellement pour des raisons de coût), elle n’est pas admise pour les sociétés faisant
appel public à l’épargne redevables d’une information financière de qualité répondant aux
besoins des investisseurs à risque.

1.3.2 Ecarts dus aux nouvelles normes IFRS ou à la révision des normes
IAS/IFRS

La deuxième catégorie de décalage est liée aux divergences existantes entre les NCT les
IFRS 2009. En effet, les NCT, largement inspirées des normes IAS version 1996, n’ont pas
subi de modifications importantes (à l’exception de quelques nouvelles normes émises
essentiellement des normes sectorielles et de consolidation) depuis leur adoption par l’arrêté
du ministre des finances du 31 décembre 1996. Les IAS, désormais intitulées IFRS, quant à
elles, sont sujettes à des révisions régulières et à un rythme de plus en plus accéléré depuis
leur adoption par l’UE en 2002. Certaines normes (IAS 22, IAS 38, IAS 21, IAS 37) sont
complètement métamorphosées et s’éloignent d’une façon considérable des anciennes normes
IAS sur les quelles sont basées les normes NCT équivalentes (NCT 38, NCT 6, NCT 15 et
NCT 14). De nouvelles normes IFRS adoptées ont un impact significatif sur les états
financiers des sociétés tunisiennes (IAS 32 et 39, IFRS 4, IFRS 6, IFRS 5, IAS 40, IAS 41,..)
et n’ayant pas d’équivalent en NCT. Il est ainsi tout à fait normal que le SCE version 1996
présente des divergences significatives avec les IFRS. Les principales divergences entre les
NCT et les IFRS feront l’objet de la deuxième section. Dans ce qui suit nous allons exposer
brièvement les principaux éléments de divergence dégagés par l’étude.

• Provision des engagements de retraite : ce retraitement concerne principalement le


secteur de l’énergie et le secteur financier. Ceci est expliqué par le fait que ces deux
secteurs peuvent être considérés comme les secteurs les mieux rémunérateurs en
Tunisie (et dans le monde). Pour le cas des sociétés retenues dans notre échantillon, ce
retraitement a nécessité l’engagement d’un expert en calcul actuariaire. L’impact sur
les capitaux propres est beaucoup plus important que celui du résultat, du fait de

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 26

l’impact du retraitement des soldes d’ouverture. Il est à noter que les engagements de
retraite octroyés par les sociétés tunisiennes sont généralement limités à des
indemnités de départ à la retraite prévues par les conventions collectives. Des
avantages plus compliqués, tels que des régimes d’assurance vie, la prise en charges
des frais de soins, assurance groupe post retraite, sont rarement octroyés par les
sociétés tunisiennes ce qui simplifie l’exercice d’estimation des passifs à
comptabiliser en normes IFRS pour les engagements de retraite ;
• Les impôts différés : en l’absence de norme tunisienne traitent des impôts différés, les
sociétés tunisiennes se contentent de constater les impôts exigibles. Le traitement est
généralement significatif et donne lieu à un impact positif sur les capitaux propres du
fait de la prise en compte des actifs d’impôt différés au titre des provisions non
déductibles fiscalement et du retraitement des amortissements). Il est à souligner que
l’absence d’une norme tunisienne sur l’impôt différé est pénalisante pour les sociétés
tunisiennes du fait qu’elles ne peuvent pas constater les actifs d’impôt différé et donc
de réduire la charge d’impôt effective ;

• Les instruments financiers : le principe de juste valeur n’est pas couramment utilisé par
les sociétés tunisiennes pour la valorisation des instruments financiers en NCT. Par
ailleurs, plusieurs dérivés de couverture ne sont pas constatés en NCT et sont
généralement divulgués en tant qu’engagements hors bilan. Pour les sociétés
tunisiennes (notamment celles appartenant au secteur de l’énergie) qui font recours
aux instruments de couverture, l’impact du retraitement de ces retraitements selon la
norme IAS 39 est très significatif. Pour la société N°7 appartenant au secteur de
l’énergie, l’effet du retraitement du swap de taux11 et du dérivé incorporé de change a
absorbé le résultat bénéficiaire établi en NCT. Pour la société N° 14, le traitement du
swap a eu in impact négatif de 23% sur les capitaux propres. Il est à noter que
contrairement à nos attentes, le retraitement de la juste valeur n’a pas eu d’impact
significatif sur les états financiers des établissements bancaires tunisiens. Ceci pourrait
être expliqué par le faible recours des banques tunisiennes aux instruments financiers
complexes. Les instruments financiers utilisés par les sociétés de notre échantillon
sont contractés avec des établissements financiers étrangers.

11 Le swap est un dérivé permettant la couverture d’un risque financier (taux d’intérêt, devise, etc)

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 27

• Leasing et Concessions : Il s’agit des retraitements issus des interprétations spécifiques


IFRIC 4, Déterminer si un accord contient un contrat de location et IFRIC 12,
Accords de concession. Il est à noter que malgré l’absence de normes spécifiques en
Tunisie traitant des accords de concession et des cas particuliers des contrats incluant
un contrat de location, les sociétés tunisiennes ont opté pour un traitement conforme
aux règles fiscales pour l’établissement des états financiers en NCT. Pour les sociétés
N°7 et 9, le retraitement a un impact négatif significatif sur les revenus (et donc le
résultat) et les capitaux propres. Ceci est expliqué par le fait que ces deux
interprétations requièrent l’étalement des revenus selon un taux de rendement effectif
contrairement aux règles fiscales qui exigent la comptabilisation des revenus selon le
montant facturé. Pour la société N° 14, l’effet du retraitement est positif du fait que la
société est toujours en phase de construction de l’immobilisation objet de la
concession.

Les résultats de cette étude mériteraient d’être complétés et enrichis. Au vu des résultats,
il semblerait que l’image donnée par l’impact des IFRS sur les états financiers est
différent selon les secteurs d’activité et la taille des entreprises. Le secteur industriel
semble le moins touché. Le secteur d’énergie et financier sont les secteurs pouvant donner
lieu à des ajustements IFRS plus importants du fait de la spécificité de leurs activités. Les
petites et moyennes sociétés semblent aussi moins touchées comparées aux grandes
sociétés. Il est à noter que cette étude est basée sur des états financiers retraités par les
sociétés dans le cadre du reporting groupe ou dans le cadre d’acquisition projetée. En
conséquence, les retraitements peuvent ne pas être exhaustifs et peuvent dans certains cas
être influencés par des politiques comptables du groupe et par des seuils de signification
imposés à l’échelle groupe.

1.4 Résultat d’études similaires en Europe

Une étude réalisée par Schatt et gross (2007) portant sur 37 entreprises françaises cotés ayant
adopté les IFRS appartenant aux secteurs de l’industrie de base, de la technologie de
l’information et de l’immobilier montre que l’impact sur les capitaux propres est négatif pour
17 entreprises et positif pour 20 entreprises. Les sociétés qui enregistrent une baisse des
capitaux propres appartiennent notamment au secteur de l’industrie de base. Les sociétés

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 28

appartenant au secteur immobilier enregistrent en majorité une augmentation des capitaux


propres (8/9). Pour les sociétés du secteur de la technologie d’information, l’impact des IFRS
est relativement faible. Ceci confirme l’idée d’existence d’une certaine homogénéité dans les
choix comptables des sociétés appartenant au même secteur. L’impact sur le résultat est plus
important que celui sur les capitaux propres. En effet, pour 16 entreprises l’impact excède
+10% et pour 9 entreprises l’impact excède -10%.

Sur 37 entreprises, 26 enregistrent une variation positive du résultat. Le passage IFRS permet
donc globalement d’augmenter le résultat des sociétés françaises. Au niveau sectoriel la
tendance est plutôt négative pour les sociétés du secteur de la technologie d’information.
Dans les deux autres secteurs, l’impact est plutôt positif. Le résultat est plus important en
normes internationales pour 89% des sociétés immobilières et 78% pour les sociétés
industrielles. En termes de ratios :
• La rentabilité, mesurée par le ratio résultat net/Capitaux propres, s’améliore pour 23
entreprises sur 37 entreprises. Toutefois, la variation de rentabilité calculée en normes
IFRS par rapport à celle calculée en normes française excède de +/-10 points pour 10
sociétés française. Ainsi, la mise en œuvre des normes internationales entraîne une
plus forte volatilité des rentabilités conformément aux anticipations de plusieurs
experts. La situation varie aussi en fonction des secteurs. La rentabilité en normes
internationales s’améliore pour 78% des sociétés industrielles. En revanche, la
situation est plus contrastée dans le secteur immobilier et de technologie de
l’information ou les tendances sont partagées ;

• Concernant le risque il évolue peu : pour l’industrie, le ratio capitaux propres /Total
bilan est plus faible pour 10 entreprises sur 18 avec les normes internationales. Pour le
secteur des technologies de l’information, l’effet est légèrement positif. Pour le
secteur immobilier, le risque diminue globalement.

En conclusion, la rentabilité augmente dans l’industrie en raison de la réduction des capitaux


propres, ce qui entraîne également une augmentation du risque perçu par les investisseurs. En,
revanche, dans le secteur immobilier le risque diminue en raison d’une augmentation du
résultat net et des capitaux propres. La situation financière du secteur des technologies de
l’information semble la moins affectée par les changements comptables.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 29

Une deuxième enquête réalisée par E.K.Jemakowicz et S.G. Tomaszewski (2006) s’est
focalisée à l’étude de l’impact d’adoption des IFRS par 112 sociétés européennes Pour la
majorité des sociétés, l’application des IFRS a eu un impact positif sur les capitaux propres
malgré l’importance des passifs et charges comptabilisés initialement en IFRS. Par ailleurs,
les auteurs ont identifié les facteurs suivants qui ont contribué à l’augmentation de la
volatilité des résultats et des capitaux propres :
• Reconnaissance de plus d’actifs et passifs financiers (y compris dérivés) à leur
juste valeur ;

• Des règles plus dures en matière de consolidation des entités ad hoc (SPV et
entités similaires) ;

• Approche plus rigoureuse en terme de tests de dépréciation ; et

• Comptabilisation des gains et pertes de calcul actuariel en résultat

L’étude conclut que l’impact d’application des IFRS sur les résultats et les performances
financières des entreprises européennes est plus important pour les pays appartenant à
l’approche continentale. Traditionnellement dans ces pays, les principes de conformité à la
règlementation (fiscale et juridique) avec un focus sur la notion de maintenance du capital et
de la protection des créditeurs, sont plus importants que la notion d’image fidèle.

Une troisième enquête réalisée par Callao et al (2007) se propose d’étudier l’impact des
IFRS sur la comparabilité et la pertinence des états financiers de 26 sociétés espagnoles. La
comparabilité est mesurée par l’impact des IFRS sur les postes significatifs des états
financiers et les ratios clés des sociétés adoptant les IFRS comparés aux sociétés qui
continuent à utiliser le plan comptable espagnol. La pertinence est mesurée par le degré
d’impact des IFRS sur la prise de décision dans la bourse notamment par l’impact du recours
à la juste valeur. L’étude a conclu que l’adoption des IFRS a eu un impact significatif sur
certains postes des états financiers et ratios clés:
• Les IFRS ont aussi eu un impact positif sur le niveau des liquidités et équivalent de
liquidités, le ratio de liquidité (Cash/Dettes à court terme), le taux de rendement ROE
(Résultat/CP),

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 30

• Les IFRS ont toutefois contribué à l’augmentation des dettes à long terme et donc du
ratio d’endettement (Total dettes/CP), la diminution des créances, des capitaux
propres, du résultat opérationnel et du ratio de solvabilité (Total actifs/Total passifs)

Les IFRS ont eu ainsi un impact positif sur le niveau de rentabilité mais ont augmenté le
niveau des risques des sociétés. Ceci pourrait être expliqué par le recours moindre au principe
de prudence en IFRS entraînant généralement la reconnaissance anticipé de certains profits et
produits en IFRS.

Une enquête réalisée par PricewaterhouseCoopers (Dennis 2006) auprès des gérants de fonds
d’investissements établis en UK sur l’utilité des normes IFRS et le degré d’influence de ces
nouvelles normes sur la prise de décision d’investissement a révélé aussi que l’impact des
normes IFRS est plus important pour les sociétés de taille moyenne comparées aux sociétés
de grande et petite taille. Ce constat révèle que les sociétés de petite taille, n’ont plus les
moyens nécessaires pour une conversion totale en IFRS. Pour les sociétés de grande taille, le
constat est jugé normal étant donné que ces sociétés appliquaient des politiques comptable de
haute qualité et ce même avant l’adoption officielle des IFRS.

2 PRINCIPALES DIVERGENCES ENTRE NORMES IFRS ET LES NCT

A l’issue de cette étude, nous avons pu identifier les principales divergences entre le SCE
1996 et les IFRS. Cette section se propose de compléter ces résultats en synthétisant les autres
divergences entre le référentiel tunisien et international. Cette section ne se veut en aucun cas
une simple comparaison des NCT avec les IFRS. L’objectif est plutôt de synthétiser les
divergences selon les thèmes les plus importants susceptibles d’affecter la majorité des
entreprises tunisiennes. Nous allons aussi inclure dans cette partie les nouvelles dispositions
de la norme internationale IFRS pour les PME adoptée par l’IASB en juillet 2009.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 31

2.1 Divergences conceptuelles

Même si les deux référentiels sont basés sur un cadre conceptuel, les IFRS et le SCE
présentent une divergence conceptuelle majeure relative au plan comptable. Pour comprendre
cette divergence, il faut tout d’abord cerner la différence entre le système basé sur un cadre
conceptuel et celui basé sur un plan comptable.

Le cadre conceptuel définit les concepts qui sont à la base de la préparation et de la


présentation des états financiers à l’usage des utilisateurs externes. G.Gerard (2006) précise
que la principale utilité d’un cadre conceptuel est de forcer le normalisateur à prendre des
décisions ordonnées et rationnelles, conduisant un ensemble plus cohérent et plus lisible. Le
cadre conceptuel privilégie des concepts et des principes en adéquation avec l’objectif
d’information des investisseurs. L’investisseur à risque constitue donc l’utilisateur privilégié
de l’information financière. En IFRS, le cadre conceptuel a donc deux fonctions :
• Il est un outil pour le normalisateur qui sert de guide pour l’élaboration des normes
comptables ; et

• Il sert aussi pour les préparateurs des états financiers, en cas de silence des normes, à
déterminer la méthode comptable appropriée. Les normes IFRS font appel à un degré
important de jugement professionnel. Le cadre conceptuel sert de base pour l’exercice
de ce jugement. En d’autres termes, face à plusieurs traitements comptables possibles
d’une situation donnée, il faut choisir le traitement qui est conforme au cadre
conceptuel.

Contrairement au cadre conceptuel, le plan comptable est une fonction de prescriptions de


celui que sont déterminés les bénéfices, desquels dépendent l’impôt sur le résultat à payer ,
les dividendes à distribuer, la participation à verser aux salariés. Le plan comptable est fondé
sur une conception de l’entreprise comme centre de coordination des intérêts divers et
divergents des parties prenantes.

Le SCE 1996 est un système mixte qui inclut à la fois un cadre conceptuel et un plan
comptable. Ceci est illustré aussi par la contradiction au niveau de certaines dispositions
concernant les utilisateurs de l’information. Au niveau de son § 6, le cadre conceptuel
tunisien déclare que les états financiers constituent le principal moyen de communication de

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 32

l’information financière aux différents utilisateurs qui sont les utilisateurs internes et externes
à l’entreprise, ce qui rejoint l’utilité du plan comptable. Alors que dans le § 14 il déclare que
les investisseurs externes sont les utilisateurs privilégiés des états financiers. Contrairement
au SCE, le cadre conceptuel international tranche cette question et prévoit explicitement que
le cadre sert de base pour la préparation des états financiers à l’usage d’utilisateurs externes.
Le cadre conceptuel international exclut ainsi les utilisateurs internes, à savoir les dirigeants
et les organes d’administration puisque ceux-ci sont les personnes les mieux informées sur la
performance et la situation financière de la société. Le cadre conceptuel international
reconnait que les dirigeants pouvaient se servir des états financiers mais exclut expressément
le fait que les états financiers sont publiés pour des utilisateurs internes. Il prévoit que la
présentation d’une information au profit des dirigeants (appelée aussi la comptabilité de
gestion) est exclue du champ d’application du cadre conceptuel12. Les IFRS abordent
l’information financière par la communication qui est effectuée auprès des actionnaires, des
marchés et des tiers pour ensuite en définir des règles normées de contenu et d’appréciation.
Leur orientation est majoritairement tournée vers les investisseurs.

Par ailleurs, l’inclusion d’un plan comptable dans la norme générale N° 1 est contraire à
l’esprit d’un système cadre conceptuel .Ce plan comptable édicte aussi des règles détaillées
de comptabilisation (débit, crédit, numéros de comptes, écritures comptables,..) limitant ainsi
le rôle conceptuel du cadre conceptuel. Ce dernier est apparu donc comme un appendice « au
mieux académique », en tout cas sans portée réelle, incompatible avec une correcte hiérarchie
des textes (G.Gérard, 2006). Le nouveau SCE 1996 était perçu, pour certaines sociétés
tunisiennes, comme un simple renouvellement du plan comptable sans modifier
profondément les fonctions financières et les pratiques comptables dans les entreprises
tunisiennes. Les comptables tunisiens sont toujours guidés par le plan comptable, même si
certaines règles sont en contradiction avec le cadre conceptuel. Pour illustrer ce constat,
prenons par exemple le cas des grosses réparations. Même si ces provisions ne répondent pas

12 § 11 du cadre conceptuel international « La direction est également intéressée par l’information contenue
dans les états financiers, même si elle a accès à des informations financières et de gestion supplémentaires qui
l’aident dans sa planification, ses prises de décisions et ses responsabilités de contrôle. La direction a la
capacité de définir la forme et le contenu de cette information supplémentaire afin de satisfaire ses besoins
propres. La présentation de cette information cependant, est en dehors du champ d’application du présent
Cadre. »

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 33

à la définition donnée par le cadre conceptuel des passifs, du fait de l’absence d’une
13
obligation actuelle nécessitant un sacrifice d’avantages économiques futurs, le plan
comptable a inclus dans la partie réservée aux passifs un compte spécial de provisions
(« 1522 Provisions pour grosses réparations »). Ceci justifie pour plusieurs sociétés, la prise
en compte de telles provisions qui sont interdites en IFRS et par la cadre conceptuel tunisien
(en se référant à la définition de passifs). Il en est de même pour d’autres types de provisions
telles que les provisions pour charges à répartir sur plusieurs exercices (152), les provisions
pour renouvellement d’immobilisations (156) et les provisions pour amortissements (157).

La nomenclature comptable détermine aussi la classification de certains éléments et la


présentation au niveau des états financiers, sans laisser de marge de réflexion conceptuelle
aux préparateurs des états financiers. Il s’agit par exemple des emprunts obligataires
convertibles en action classés obligatoirement en passif selon le plan comptable alors qu’ils
contiennent une composante capitaux propres devant être séparée en application du principe
de prééminence du fond économique sur la forme juridique (principe de base prévu par le
cadre conceptuel tunisien). C’est le cas aussi de certains instruments financiers complexes
dont la classification en passifs ou en capitaux propres requiert l’exercice d’un jugement
professionnel (eu égard aux définitions conceptuelles de capitaux propres et passifs) et dont le
plan comptable exige de les classer en passifs ou en capitaux propres (tels que les titres
soumis à une règlementation spécifique classés en capitaux propres et emprunts et dettes
assorties à des conditions particulières classés en passifs en application du plan comptable).

Par ailleurs, certains comptes du plan comptable sont en contradiction avec des normes
tunisiennes. Alors que la NCT 3 relative aux revenus et la NCT 11 relative aux contrats de
constructions prévoient la méthode d’avancement pour la comptabilisation des revenus au
titre des prestations de service et des contrats de construction, le plan comptable inclut deux
comptes (355 travaux en cours et 34 En cours de production de services) utilisés pour la
comptabilisation d’un stock des travaux en cours. De tels travaux devraient être normalement

13 Le passif est constitué par les obligations actuelles de l’entreprise, résultant de transactions ou d’événements
passés, nécessitant probablement le sacrifice ou le transfert futur à d’autres entités de ressources
représentatives d’avantages économiques (cadre conceptuel tunisien, §53)

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 34

passés en revenus (augmentés éventuellement de la marge) en application de la méthode


d’avancement.

Il s’agit là de quelques exemples montrant l’incompatibilité d’un plan comptable prescriptif


de règles comptables et d’un cadre conceptuel précisant des principes et non des règles. Ceci
constitue la divergence majeure entre les IFRS le SCE 1996.

2.2 Juste valeur

Un des grands principes comptables tunisien basé sur les coûts historiques n’est que
partiellement appliqué par les IFRS. Le principe de juste valeur était limité initialement à
certains types d’instruments financiers alors que la tendance actuelle des normes IFRS est la
généralisation de la Juste Valeur (Fair value) en tant que base de mesure des actifs et passifs
moyennant un traitement différencié de l’impact (sur le résultat ou les capitaux propres). Le
principe de juste valeur touche les domaines suivants :

2.2.1 Immobilisations

Contrairement aux NCT, les IFRS autorisent la réévaluation des immobilisations corporelles
et incorporelles à leur juste valeur avec inscription de l’écart de réévaluation en capitaux
propres. Il est à noter que ce traitement autorisé a été éliminé pour les PME. Ces dernières ne
peuvent utiliser que la méthode du coût historique. La nouvelle norme pour les PME est donc
similaire aux dispositions de la NCT 5 et la NCT 6.

Il est à noter que certaines sociétés tunisiennes continuent à procéder à la réévaluation de


leurs immobilisations et ce notamment dans un objectif d’absorption des pertes reportées.
Toutefois, dans la majorité des cas, la méthodologie de réévaluation prévue par les normes
internationales (notamment la fréquence de réévaluation et les éléments susceptibles de
réévaluation) n’est pas respectée par les sociétés qui optent pour la méthode de réévaluation.

Par ailleurs, les IFRS exigent de distinguer entre les immobilisations destinées à l’exploitation
et les immeubles de placement. Ceux-ci sont définis comme les biens immobiliers détenus
pour en retirer des loyers ou pour valoriser le capital ou les deux plutôt que pour servir pour

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 35

l’exploitation de la société14. Les IFRS permettent d’utiliser le principe de juste valeur pour la
valorisation des immeubles de placement avec inscription de la variation des justes valeurs en
résultat de l’exercice. L’option de juste valeur pour les immeubles de placement a été
maintenue pour les PME. Contrairement aux IFRS, le SCE n’a pas prévu de dispositions
spécifiques pour les immeubles de placements. Ceux-ci sont présentés parmi les
immobilisations corporelles et sont donc évalués à leur coût.
Enfin, en application de la norme IFRS 5, Actifs non courants détenus en vue de la vente et
activités abandonnées, les actifs destinés à être cédés devraient être valorisés en juste valeur
en contrepartie du résultat. Les NCT ne prévoient pas de traitement spécifique pour les actifs
destinés à être cédés qui sont valorisés au coût historique à l’instar des immobilisations
corporelles.

2.2.2 Les instruments financiers

Les instruments financiers ont marqué le premier pas du projet juste valeur initié par l’IASB
au début des années 1990 et qui a aboutit à la publication des normes IAS 32 en 1995 et IAS
39 en 1999. La norme IAS 39 accroît sensiblement l’utilisation de la juste valeur dans la
comptabilisation des instruments financiers. Ainsi, tous les actifs financiers doivent être
comptabilisés à leur juste valeur, à l’exception des éléments suivants qui continuent à
apparaître pour leur coût initial : les prêts et créances émis par l’entreprise, les placements à
échéance fixée que l’entreprise à l’intention et la capacité de les détenir jusqu’à leur échéance
et les instruments de capitaux propres non cotés dont la juste valeur ne peut être évaluée de
façon fiable. Les passifs financiers ne sont pas en règle générale concernés par la juste valeur
sauf pour les passifs financiers détenus à des fins de transaction. La contrepartie de
l’évaluation en juste valeur diffère en fonction de la catégorie d’instruments financiers. Pour
les instruments financiers en juste valeur en contrepartie du résultat, les variations de la juste
valeur sont transcrites en résultat alors que pour la catégorie d’actifs financiers disponibles à
la vente, les variations de juste valeur sont comptabilisées en capitaux propres. La norme
IFRS pour les PME a simplifié le traitement des instruments financiers. Cette norme distingue
deux types d’instruments financiers :
• les instruments financiers basiques : qui sont généralement les instruments financiers
qui ne sont pas détenus à des fins de transaction ou de couverture. Ces instruments

14 IAS 40, Immeubles de placement (§5)

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 36

sont valorisés au coût amorti à l’exception des titres cotés qui sont valorisés en juste
valeur ; et

• les autres instruments financiers : cette catégorie englobe les instruments financiers
détenus à des fins de transaction qui sont valorisés en juste valeur en contrepartie du
résultat.

Contrairement aux IFRS, le recours à la juste valeur est limité par les NCT aux placements et
seules les variations de juste valeur des placements très liquides sont comptabilisées en
résultat.

Une autre divergence fondamentale entre les IFRS et les NCT qui est relative à la
comptabilité de couverture. La norme IAS 39 ainsi que la norme IFRS pour les PME
prévoient des dispositions spécifiques pour la comptabilité de couverture. La norme IAS 39
inclut un guide détaillé pour la comptabilité de couverture. Elle prévoit 3 types de
comptabilité de couverture avec des règles spécifiques de comptabilisation à chaque type :
• Couverture de juste valeur : L’élément couvert et l’instrument de couverture sont
évalués en juste valeur et les variations de la juste valeur sont comptabilisés en
résultat ;

• Couverture de cash flow : Seul l’instrument de couverture est réévalué en juste valeur et
les variations de juste valeur sont portées en capitaux propres. Les montants inscrits
en capitaux propres sont par la suite recyclés en résultat lorsque l’élément couvert
affecte le résultat ; et

• Couverture d’investissement net dans une entité étrangère : mêmes règles de


comptabilisation prévues pour la couverture des cash flow

La norme IFRS pour les PME a simplifié les règles de la comptabilité de couverture et n’a
prévu que quatre cas spécifiques de couverture : swap de taux d’intérêt, swap de devise,
contrats d’achat à terme de devises et contrats d’achat à terme de marchandises. Les règles de
comptabilisation sont similaires aux règles relatives à la couverture de juste valeur et de cash
flow prévue par la norme IAS 39.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 37

Le SCE n’ pas prévu de dispositions spécifiques pour la comptabilité de couverture. Les


sociétés tunisiennes qui contractent des instruments de couvrure traitent ces instruments en
tant qu’engagements hors bilan dans les états financiers établis en NCT. Ces instruments ne
sont comptabilisés que lorsqu’ils sont échus. La seule disposition spécifique est celle prévue
par le NCT 15, relative aux opérations en monnaie étrangère pour les contrats de change à
terme qui prévoit d’étaler la différence entre le taux de change à terme et le taux de change du
jour à la date du contrat sur la durée du contrat.

Les règles IFRS en matière classification et les règles d’évaluation et de comptabilisation des
instruments financiers ainsi que la comptabilité de couverture présentent ainsi des
divergences importantes par rapport aux NCT.

2.2.3 Stock options

La distribution massive de stock-options ces dernières années avait étendu à la couche


supérieure du salariat l’intérêt à la hausse des cours, coalisant les dirigeants et les actionnaires
autour du même objectif. Mais les derniers scandales, notamment celui d’Enron, ont montré
les limites de ces dispositifs, l’intéressement massif des dirigeants au cours de l’action ayant
débouché sur toutes sortes de manœuvres frauduleuses (y compris des manipulations
comptables) destinées à soutenir les cours, et à aboutir à un désastre financier. Pour
contrecarrer ces dérives, le nouveau traitement comptable des stocks options, prévu par IFRS
2, va rendre le recours à ces modes de rémunération beaucoup moins attractifs. Alors
qu’avant les entreprises étaient uniquement tenues de déclarer dans les annexes des comptes
les plans de stock-options adoptés, la norme IFRS 2 exige d’évaluer les stocks options
accordés au profit du personnel à la juste valeur des instruments de capitaux propres accordés
à la date d’attribution. Cette juste valeur devrait être étalée en charges sur la durée
d’attribution des actions. Le même principe d’évaluation à la juste valeur a été repris par la
norme IFRS pour les PME.

La norme IFRS 2 a eu un impact significatif des états financiers des sociétés européenes et a
changé même le mode de rémunération du personnel pour certaines sociétés. Microsoft a
estimé que son bénéfice aurait été réduit de 30 % si elle avait comptabilisé en IFRS les plans
de stock-options votés en 2003. D’après une enquête du cabinet d’audit Deloitte auprès de

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 38

165 clients américains, 46 % des groupes ont d’ores et déjà planifié de réduire la place des
stock-options dans leur stratégie de rémunération.15 Les entreprises américaines sont autant
concernées que les groupes européens, car il s’agit d’une norme élaborée conjointement par
l’IASB et le FASB.

Les NCT ne prévoient pas de dispositions spécifiques pour les stocks options. A l’instar des
instruments de couverture, les stocks option sont renseignés au niveau des notes aux états
financiers en tant qu’engagements hors bilan au profit du personnel. Ils ne sont comptabilisés
qu’à la date ou les actions sont effectivement attribuées au personnel.

2.2.4 Les actifs biologiques

En vertu de la norme IAS 41, les actifs biologiques devraient être comptabilisés initialement
et à chaque date de clôture à leur juste valeur. Les variations de la juste valeur sont
comptabilisées immédiatement en résultat de l’exercice. Le même principe de juste valeur est
maintenu par la norme IFRS pour les PME.

Contrairement aux IFRS, le référentiel tunisien ne fait aucune distinction entre les actifs
biologiques et les autres actifs. Par conséquent, ceux-ci restent régis par les dispositions
relatives aux immobilisations corporelles s’ils répondent aux critères de prise en compte
définis par la NCT 5 Immobilisations corporelles. C’est donc le modèle du coût historique qui
prime pour l’évaluation de tous les actifs biologiques.

2.3 Reconnaissance des passifs

Contrairement à l’approche juridique, les IFRS prônent une approche économique qui vise à
reconnaitre des passifs dés le moment ou l’entreprise commence à assumer une obligation
(explicite ou implicite) de sacrifier des cashs flows dans le futur, indépendamment de
l’engagement juridique. Ainsi, plusieurs passifs, exigés par les normes IFRS ne font pas

15 D’après Les Échos, supplément du 13 mai 2004, p. 17.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 39

partie des dettes bilancielles des sociétés tunisiennes. Dans le cadre du processus d’évaluation
des sociétés tunisiennes (faisant l’objet d’acquisition par des investisseurs étrangers),
l’endettement net (élément clé de détermination du prix d’acquisition d’une entreprise) est
généralement révisé à la hausse. Les principaux retraitements portent sur les engagements de
retraite, les obligations de démantèlement, le coût de restructuration et les opérations
d’escompte.

2.3.1 Passifs au titre des avantages au personnel

La norme IAS 19 exige de provisionner le coût des avantages à long terme octroyés au
personnel lors du départ à la retraite (ou dont il bénéficie durant la période de retraite) au fur
et à mesure ou le personnel rend des services pour l’entité. Ces questions ne concernent en
Tunisie que les entreprises garantissant à leurs salariés des avantages spécifiques au-delà du
régime du droit commun, c’est-à-dire uniquement les « régimes spéciaux » en matière de
sécurité sociale (en d’autres termes un régime différent du régime commun de sécurité sociale
CNSS) et les avantages accordés lors de départ à la retraite tels que les indemnités de départ
à la retraite. Selon ces dispositions, chaque mois passé dans l’entreprise ouvre pour le salarié
un droit pour la retraite dont la traduction comptable pour l’entreprise devrait donc être une
dette. Les IFRS demandent à ce que ces dettes soient dorénavant inscrites dans les passifs des
entreprises en utilisant la méthode de calcul actuariel pour l’estimation de ces dettes. La
norme IFRS pour les PME maintient ce principe mais introduit des simplifications dans la
méthodologie de calcul actuariel en permettant d’ignorer quelques hypothèses de calculs qui
sont jugés complexes (taux de croissance des salaires, taux de mortalité, taux de rotation). En
Tunisie, ces avantages ne sont généralement comptabilisés qu’à la date ou ils sont
effectivement courus par les entreprises.

En France, le cas EDF a été un cas révélateur de l’importance des passifs encourus et non
comptabilisés par les entreprises publiques françaises. La société EDF, qui devrait appliquer
les normes IFRS en cas de cotation, a effectué une simulation pour estimer l’impact de la
norme IAS 19. Avec cette norme, les capitaux propres de l’entreprise deviendraient très
négatifs, aboutissant à la nécessité pour l’opérateur d’ouvrir son capital pour se recapitaliser.
EDF et GDF ont entrepris dans cette perspective une négociation avec les régimes généraux
pour réduire l’impact des nouvelles normes comptables sur leurs comptes. Ainsi, une simple

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 40

transformation des règles comptables fait le jeu des partisans de la privatisation des services
publics puisque les entreprises seront obligées d’ouvrir leur capital, à moins soit d’une
négociation à la baisse des avantages acquis du personnel, soit de la sollicitation de l’État et
de la contribution obligatoire du public.

Le cas EDF pourrait se reproduire pour certaines grandes entreprises publiques tunisiennes
qui octroient des avantages post-retraite significatifs à leur personnel.

2.3.2 Obligation de remise en état du site

En vertu de la norme IAS 37, la provision pour remise en état du site devrait être
comptabilisée lorsque les activités qui causent dommage environnemental au site sont
encourues. Les sociétés pétrolières par exemple devraient constater une provision pour
remise en état du site lors que les activités de développements sont entamées. De même les
sociétés exerçant dans une industrie polluante (industrie chimique par exemple) devraient
constater une provision pour démantèlement de l’usine à la date d’entrée en exploitation de
l’usine. La provision comptabilisée initialement correspond à la valeur actualisée du coût de
l’opération de remise en état du site. La provision est par la suite actualisée périodiquement et
l’effet de l’actualisation est porté en charges financières. Par ailleurs, en application de la
norme IAS 16, le montant initial de la provision fait partie du coût initial de l’immobilisation
à la quelle elle se rattache.

Les NCT ne prévoient pas de dispositions similaires. Généralement, ces coûts ne sont pris en
compte qu’à la date de leur engagement. Toutefois, la NCT 5 exige de prendre en compte ces
coûts au niveau de la valeur résiduelle considérée lors de l’amortissement. Ces coûts sont
ainsi portés en déduction de la valeur résiduelle de l’actif en question et une provision est
constatée pour l’excédent des coûts de démantèlement sur la valeur résiduelle. Par ailleurs, les
sociétés opérant dans le secteur pétrolier, bénéficient d’une disposition fiscale spécifique leur
permettant de comptabiliser des provisions de remise en état du site 3 ans avant le terme de la
concession (5 ans pour les concessions off shore)16.

16 Article 118 du code des hydrocarbures

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 41

2.3.3 Provision pour restructuration

La norme IAS 37 exige de constater une provision pour restructuration si l’entité a déjà
formalisé un plan détaillé de restructuration (incluant certains éléments spécifiques) et a
annoncé les principales caractéristiques de ce plan aux personnes concernées. Les NCT ne
traitent pas spécifiquement des provisions pour restructuration. Toutefois, la NCT 14 prévoit
qu’une provision ne doit être constatée que lorsque l’entité dispose d’une information qu’un
passif est couru. Ceci implique que les provisions pour restructuration ne sont constatées que
lorsque le plan de restructuration est déjà lancé. Les provisions pour restructuration sont donc
comptabilisées en NCT plus tardivement qu’en IFRS.

2.4 Immobilisations corporelles et incorporelles

Initialement les NCT ne présentaient pas de divergences significatives avec les IFRS, à
l’exception des actifs acquis par voie de leasing. Cette situation a évolué suite à la révision
des IFRS ayant touché plusieurs règles de reconnaissance et de mesure des immobilisations
corporelles et incorporelles. Les IFRS distinguent désormais entre immobilisations
incorporelles à durée de vie définie et celles à durée de vie indéfinie. Les frais d’exploration
et de développement dans le secteur de d’exploration des ressources minières sont régis par
une norme spécifique. Les immeubles de placements, les actifs biologiques et les actifs
détenus en vue de la vente sont régis par des règles spécifiques contrairement aux NCT. Des
règles élaborées sont aussi spécifiées pour les coûts de grosse réparation et pour les
dépréciations d’actifs.

2.4.1 Immobilisations incorporelles

La norme IAS 38 distingue entre deux types d’immobilisations incorporelles :


• Immobilisation incorporelle à durée de vie définie : comptabilisée au coût diminué du
cumul des amortissements et du cumul des pertes de valeur ; et

• Immobilisation incorporelle à durée de vie indéfinie : il s’agit des immobilisations pour


lesquelles l’entité estime qu’il n’y a pas de limite prévisible à la période au cours de
laquelle on s’attend à ce que elles génèrent pour l’entité des entrées nettes de
trésorerie. Ces immobilisations ne sont pas amorties mais soumises à un test de
dépréciation sur une base annuelle et chaque fois qu’il y a un indice de dépréciation.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 42

Cette distinction n’a pas été retenue par la norme IFRS pour les PME et la NCT 6 qui ne
retiennent que les immobilisations incorporelles à durée de vie définie (amortissables).

2.4.2 Test de dépréciation

L’IASB a développé une norme spécifique pour le test de dépréciation, IAS 36 Dépréciation
d’actif. Cette norme contient un guide détaillé pour la réalisation du test de dépréciation. La
norme IAS 36 spécifie des indices de perte de valeur qui constituent le fait générateur des
tests de dépréciation et le niveau du test de dépréciation (Actif isolé ou une unité génératrice
de trésorerie définie comme le plus petit groupe identifiable d'actifs qui génère des entrées de
trésorerie largement indépendantes des entrées de trésorerie générées par d'autres actifs ou
groupes d'actifs). La perte de valeur est l’excédent de la valeur comptable nette de l’actif sur
sa valeur recouvrable. Celle-ci est définie par IAS 36 comme étant la valeur la plus élevée
entre la juste valeur de l’actif nette des frais de cession et sa valeur d'utilité (valeur actualisée
des flux de trésorerie futurs).. L’estimation de cette valeur d’utilisé suppose l’élaboration
d’un business plan pour l’actif ou l’unité génératrice de trésorerie. La norme IAS 36 contient
même des dispositions en matière d’élaboration des projections des flux de trésorerie futurs et
des taux d’actualisation à utiliser. La norme IFRS pour les PME a repris le même principe du
test de dépréciation (avec moins de détail) prévu par IAS 36.

En Tunisie, il n’y a pas de norme spécifique pour le test de dépréciation. Toutefois, il y a des
dispositions spécifiques au niveau des normes 5 et 6 traitants de la dépréciation des
immobilisations corporelles et incorporelles. Ces dispositions sont beaucoup moins détaillées
que celles prévues par IAS 36 et la norme IFRS pour les PME. La dépréciation est mesurée
par la différence entre la valeur comptable nette et la valeur actualisée des flux de trésorerie
futurs. Si l’entité se trouve dans l’impossibilité d’estimer les flux de trésorerie future, la
dépréciation est mesurée par référence à la valeur de marché. Par ailleurs, la NCT 5 distingue
deux types de dépréciations :
• Une dépréciation réversible qui donne lieu à une provision pour dépréciation,
et

• Une dépréciation irréversible qui donne lieu à une perte de valeur à imputer
directement sur la valeur brute de l’immobilisation. La question qui se pose à

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 43

ce niveau, pourquoi constater une telle perte de valeur, si on sait déjà qu’elle
sera réversible dans le futur.

Cette distinction n’est pas permise par les IFRS qui exigent d’imputer toute perte de valeur
directement sur la valeur comptable nette de l’actif. Les IFRS permettent toutefois, une
reprise ultérieure de la perte de valeur si la valeur recouvrable excède la valeur comptable
nette de l’actif.

2.5 Regroupement d’entreprises

La nouvelle norme IFRS 3 va certainement transformer le mode et la gestion des stratégies


d’acquisitions d’entreprise. Avec la nouvelle norme, les marchés vont pouvoir juger plus
rapidement et facilement le succès ou l’échec d’une acquisition avec la mise en place des tests
de dépréciation rigoureux, l’allocation transparente du coût d’acquisition, la comptabilisation
séparée des immobilisations incorporelles du goodwill, le niveau important des informations
à fournir.

Plusieurs immobilisations incorporelles qui seront incluses dans la valeur globale du goodwill
en normes tunisiennes devraient être identifiées et comptabilisées séparément à leur juste
valeur en normes IFRS même si elles n’étaient pas comptabilisées séparément par l’entreprise
acquise du fait qu’elles ne satisfont pas les critères de comptabilisation de la norme IAS 38.
Un guide détaillé de l’indentification des immobilisations incorporelles avec des exemples est
fourni en annexe de la norme IFRS 3. Des immobilisations incorporelles peuvent être ainsi
constatées au titre des marques ne bénéficiant pas de protection légale, des éléments liés à la
clientèle (tels que listes des clients, carnets de commandes, etc.), des éléments liés aux
contrats (contrats de licence, contrats de location, concessions, contrats de travail de
personnes clés, etc.).

En plus des immobilisations incorporelles, IFRS 3 exige de comptabiliser un passif au titre


des passifs éventuels dès lors que leur juste valeur pourrait être estimée de façon fiable. La
NCT 38 exclut les passifs éventuels des passifs identifiables de l’entreprise acquise.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 44

Le Goodwill est considéré comme immobilisation incorporelle à durée de vie indéfinie et


soumis donc à un impairement contrairement aux normes tunisiennes qui exigent
l’amortissement du Goodwill sur sa durée de vie utile, qui ne devrait pas normalement
dépasser vingt ans. Estimer la durée de vie du goodwill, constitue une tache complexe pour
les sociétés tunisiennes. Ces dernières retiennent généralement une durée forfaitaire de 10 ans
sans pouvoir motiver leurs choix.

Le goodwill négatif est reconnu immédiatement en résultat contrairement aux NCT qui
exigent l’amortissement de gain sur la durée de vie des actifs acquis.

Avec l’élimination de l’amortissement et la reconnaissance immédiate du goodwill négatif en


gain, les résultats IFRS pots acquisition seront généralement plus grands que les résultats en
NCT. Ce profit devrait être atténué par l’amortissement des actifs incorporels identifiables
comptabilisés en IFRS sans équivalents en NCT.

2.6 Consolidation

Les normes IFRS retiennent une notion économique du contrôle en mettant l’accent sur le
pouvoir (opérationnel, stratégique, décisionnel) exercé sur les filiales indépendamment du
lien juridique. Ainsi, certaines entités nommées les entités ad hoc17 devraient être consolidées
s’il est établi qu’elles sont contrôlées, même si la société mère ne détient aucune participation
dans le capital de ces entités. Par ailleurs, la norme IAS 27 exige de tenir compte des
instruments financiers à droits de vote potentiels qui sont exerçables ou convertibles
actuellement pour l’appréciation du contrôle. Par exemple, si une entité détient des options
sur actions, les droits de vote qui seront issus de ces options lorsqu’elles seront exercées
devraient être considérés dans le calcul du pourcentage de contrôle. Les cas d’exclusion du
périmètre de consolidation sont très restrictifs en IFRS. Seule la perte effective de contrôle
justifie l’exclusion du périmètre.

17 Une entité ad hoc est une structure juridique distincte, créée spécifiquement pour gérer une opération ou un
ensemble d'opérations similaires pour le compte d'une entité et qui est structurée ou organisée de manière telle
que son activité n'est en fait exercée que pour le compte de cette entité par mise à disposition d'actifs ou
fourniture de biens, de services ou de capitaux (SIC 12)

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 45

Même si les NCT retiennent le même principe de contrôle économique, elles ne traitent pas
des cas spécifiques des entités ad hoc et des instruments financiers à droit de vote potentiel.
Par ailleurs, certains seuils juridiques de détention de capital sont spécifiés par le code de
sociétés commerciales pour la qualification de la relation mère-filiale (40% et 50%)18. Les
NCT admettent l’exclusion des filiales du périmètre de consolidation, lorsque le contrôle est
destiné à être temporaire ou lorsque la filiale est soumise à des restrictions durables fortes qui
limitent de façon importante sa capacité à transférer des fonds à la mère.

2.7 Distinction Capitaux propres/Passifs

Les IFRS consacrent une notion plus restrictive des capitaux propres. L’existence d’une
quelconque obligation de paiement en cash sur un instrument implique un classement en
passif (classement des instruments financiers, subventions d’investissement). L’IAS 32
fournit des exemples illustratifs d’instruments financiers complexes avec les critères de
classification de ces instruments en passifs ou en capitaux propres. Pour les instruments
financiers composés (tels que les emprunts obligataires convertibles en action), les IFRS
exigent une séparation et une comptabilisation distincte de chaque composante (dettes et
capitaux propres). Une telle approche n’est pas spécifiée par les NCT.

2.8 Normes sectorielles

L’IASB se montre extrêmement réticent à l’idée des normes sectorielles ou professionnelles.


Celles-ci s’appuient généralement sur des consensus anciens existants, parfois appelés « Best
parctises ». Les normes professionnels sont souvent entachées de biais au motif parfois
discutable que chaque activité économique ou chaque business model est différent. L’IASB
considère que les normes IAS/IFRS sont applicables à tous les secteurs d’activité. Tout cas
spécifique devrait être traité en conformité avec le cadre conceptuel et les interprétations
spécifiques émises par l’IASB (SIC/IFRIC). Les seules normes ayant des traits sectorielles
publiées par l’IASB sont relatives aux:
• Entreprises opérant dans le secteur d’exploration et développement des ressources
minières : la norme IFRS 6 développée pour ces sociétés ne constitue pas une vraie

18 Article 461 code des sociétés commerciales

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 46

norme sectorielle puisqu’elle fait référence aux autres normes pour le traitement des
frais d’exploration, d’évaluation et de développement. La norme IFRS 6 constitue une
norme provisoire qui a été émise par le Board de l’IASB pour le besoin du projet
IFRS 2005. Actuellement un projet de préparation d’une nouvelle norme plus
complète est en cours ; et

• Entreprises opérant dans le secteur d’assurance : la norme IFRS 4 a été développée


spécifiquement aux activités d’assurance. La norme IFRS 4 précise les règles de
comptabilisation et d’évaluation des contrats d’assurance et de réassurance détenus
par une compagnie d’assurance. Cette norme constitue aussi une norme transitoire
émise dans le cadre du projet IFRS 2005 et va subir des changements substantiels
dans le cadre de la phase 2 du projet « contrat d’assurance ». L’accent sera mis sur la
valorisation à la juste valeur des contrats d’assurance détenus par les assureurs.

Ces deux normes IFRS incluent des dispositions sur le traitement comptable de certains
aspects spécifiques à ces deux secteurs sans pour autant développer des règles spécifiques
détaillées et sans s’écarter des principes et hypothèses du cadre conceptuel international.
Contrairement aux IFRS, le SCE 1996 a accordé une attention particulière aux normes
sectorielles. D’ailleurs l’essentiel des normes publiées depuis 1997 sont des normes
sectorielles. Des normes spécifiques très détaillées ont été développées pour les secteurs
suivants :
• Les Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) :
NCT 16 à NCT 18 ;

• Les établissements bancaires : NCT 21 à NCT 25 ;

• Les entreprises d’assurances et/ou de réassurance : NCT 26 à NCT 31 ; et

• Les associations autorisées à accorder des micro- crédits : NCT 31 à NCT 34

Outre les règles spécifiques en matière de comptabilisation et d’évaluation, ces normes


spécifiques prévoient aussi des règles spécifiques relatives au contrôle interne et à
l’organisation comptable de ces entreprises. Ces règles définissent aussi un plan des comptes
spécifique à ces SECTEURS.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 47

2.9 Informations à fournir

Généralement les IFRS sont beaucoup plus exigeantes en matière d’informations à fournir
que les NCT. Plusieurs études ont montré que le niveau des informations divulguées par les
sociétés est plus important avec les IFRS comparées aux normes nationales et même aux
normes américaines (Donna et al 2005)

La norme IFRS 8 (qui a remplacé la norme IAS 14, Informations sectorielles) oblige les
entreprises à divulguer des informations sensibles sur les rentabilités par activité (par produit
ou par zone géographique). L’entreprise dévoile son information sectorielle pratiquement
comme si elle est étudiée en interne. La norme IFRS 7 exige aussi des informations détaillées
sur les risques encourus par l’entreprise (risque de crédit, de liquidité et de marché), le mode
de gestion de ces risques, la stratégie en matière de couverture et de placement… De telles
informations sont pertinentes aux investisseurs, leur permettant d’apprécier le mode de
gestion des risques par l’entreprise et le niveau du risque assumé par les investisseurs en
plaçant leur argent dans la société (notamment pour les institutions financières). La norme
IAS 24, relative aux parties liées, dans un souci de protection des actionnaires minoritaires,
exige de publier tous les éléments (variables et fixes) de la rémunération des dirigeants. La
norme IFRS 5 exige de publier des informations sur les activités abandonnées. La norme IAS
36 exige de publier des informations sensibles sur les projections de cash flow futurs d’actifs
ou d’unités génératrices de trésorerie élaborées pour le besoin du test de dépréciation.

A ce jour les NCT n’exigent pas la divulgation d’informations aussi confidentielles et


coûteuses à préparer. Des projets de normes sur l’information sectorielles, les abandons
d’activités, les instruments financiers et les informations prospectives sont publiés depuis
1997 mais n’ont pas encore été approuvés.

Certes ils existent d’autres divergences touchant les états financiers, mais l’objet de cette
section n’est pas de relater toutes les divergences mais plutôt mettre le focus sur les
principales divergences pouvant impacter les postes significatives des états financiers et donc
la décision des investisseurs à risque.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 48

CONCLUSION

L’étude d’impact des IFRS sur un échantillon de sociétés tunisiennes a montré que les IFRS
auront un impact négatif sur les capitaux propres dans la majorité des cas. Cet impact négatif
trouve son origine principalement dans les retraitements relatifs aux engagements de retraite,
à la valorisation des instruments financiers à la juste valeur et à la dépréciation des actifs. Par
ailleurs, les IFRS contribuent à l’augmentation du niveau des risques pour les sociétés
tunisiennes.
Cette étude a aussi révélé l’existence de deux sources de divergences entre les NCT et les
IFRS :
- Divergences liées à la mauvaise application du SCE par les sociétés
tunisiennes expliquées essentiellement par l’application des règles fiscales au niveau des
états financiers (amortissements, leasing, provisions) ou à l’absence d’un système
d’information adéquat pouvant produire des informations nécessaires pour certains
retraitements comptables ; et

- Divergences dues aux nouvelles normes IFRS ou à la révision des normes IAS/IFRS :
Depuis son adoption en 1996, le SCE n’a pas connu une évolution importante à l’instar de
l’évolution des normes IFRS. Le SCE 1996, largement inspiré des IAS de l’époque, se
trouve aujourd’hui en situation de déphasage importante par rapport au référentiel
international. Le concept juste valeur, par exemple, largement utilisé par les normes IFRS
est presque absent des règles de mesure prévues par les NCT.

A travers une étude comparative entre les NCT et les IFRS, on se rend compte que les
divergences sont tellement importantes qu’on ne peut pas continuer à prétendre que notre
système comptable est toujours inspiré du référentiel international. Même avec les
simplifications apportées par l’IASB avec la norme IFRS pour les PME, les divergences avec
les NCT restent nombreuses et touchent dans certains cas des principes prévus par le cadre
conceptuel international.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 49

CHAPITRE 2 : Normes IFRS :


quel intérêt et à quel coût ?

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 50

INTRODUCTION
Le deuxième chapitre a pour objectif de cerner les avantages et les coûts de l’adoption des
IFRS pour les entreprises tunisiennes. Ce chapitre sera basé sur une revue des articles ayant
traité des avantages et inconvénients d’adoption des IFRS dans d’autres pays (notamment
européens). Depuis l’adoption des IFRS en Europe en 2005, les études et des enquêtes ayant
été menées sur l’impact des normes IFRS sur la qualité de l’information financière publiée
par les entreprises européennes se sont multipliées. Ces études ont mis l’accent sur les aspects
suivants :
- L’impact des normes IFRS sur la pertinence des informations financières publiées par
les sociétés européennes lors du premier passage IFRS. Ces études, à la fois qualitatives et
quantitatives, ont essayé de mesurer l’influence des normes IFRS sur la prise de décision
économique ;

- Les barrières rencontrées par les pays européens dans la généralisation des IFRS aux
sociétés non cotées et aux états financiers individuels.

Etant donné que la Tunisie appartient à l’approche continentale, nous allons se focaliser sur
les études réalisées en Europe (notamment les pays du courant continentale comme la France,
l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne, ..). Nous allons tout au long de ce chapitre essayer
d’adapter les conclusions de ces études au contexte tunisien. L’objectif est de déterminer
d’une façon préliminaire la population cible au sein des entreprises tunisiennes qui seront
éligibles aux IFRS en termes d’utilité et de coût.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 51

1 LES NORMES IFRS : UN REFERENTIEL INCONTOURNABLE POUR


UNE MEILLEURE COMMUNICATION FINANCIERE

Suite au passage aux normes IFRS en Europe et dans plusieurs pays dans le monde, plusieurs
études ont été menées sur l’impact de l’adoption des IFRS sur la qualité de l’information
financière produite par les sociétés cotées ainsi que sur l’économie des pays ayant adopté les
normes internationales.

Ces études ont conclu que l’adoption des IFRS a eu comme principaux avantages :
• L’amélioration de la pertinence de l’information financière ;

• Le renforcement des mécanismes de gouvernement d’entreprise ;

• L’attraction des investissements étrangers ;

• L’internationalisation des entreprises ; et

• L’harmonisation des règles comptables et donc l’amélioration de la


comparabilité de l’information financière ;

1.1 Les IFRS garantissent une information financière pertinente

Distle et Noel (2007) définissent la pertinence d’une information financière comme étant sa
capacité à estimer la vraie rentabilité d’une entreprise et son pouvoir explicatif de la valeur de
marché d’une entreprise. L’information financière devrait donc en premier lieu servir à la
prise de décision économique pour les investisseurs. Ceci est en parfait adéquation avec le
cadre conceptuel de l’IASB qui assigne comme objectif à la comptabilité la satisfaction des
besoins de l’investisseur et bien sur il privilégie des concepts et des principes en adéquation
avec cet objectif. Plusieurs études ont montré un lien direct entre la cadre comptable et la
pertinence des informations comptables pour les marchés financiers. Ainsi des études
réalisées sur le traitement comptable des frais de recherche et développement, ont montré que
le choix entre leur immobilisation ou de leur enregistrement directement en charges avait un
impact direct sur le comportement des cours d’action. L’exemple du mode d’enregistrement
des dépenses de recherche et développement est un exemple parmi d’autres sur la relation qui

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 52

existe entre le choix d’un référentiel comptable et le degré de pertinence de l’information.


D’autres études se sont intéressées à la comparaison de la pertinence et la fiabilité des
informations financières produites en IFRS avec celles produites en normes locales
(notamment pour les pays appartenant au courant « continental » ayant un système à plan
comptable). Une étude réalisée par Ole-Kristan et al (2006) ayant porté sur 38 sociétés ayant
adopté les IFRS en 2004 dans le monde (essentiellement en Europe) a conclu que les IFRS est
un moyen d’amélioration de la qualité des informations publiées visant ainsi à protéger
davantage les actionnaires minoritaires, contribue aux flux d’investissements étrangers et
accélère donc la croissance économique d’un pays. Une enquête réalisée par
PricewaterhouseCoopers (Dennis 2006) auprès des gérants de fonds d’investissements établis
en UK sur l’utilité des normes IFRS et le degré d’influence de ces nouvelles normes sur la
prise de décision d’investissement montre que l’introduction des IFRS était perçue comme un
changement significatif dans les pratiques comptables et reporting financier. Plus que 50%
des gérants pensent que les IFRS sont plus utiles pour les investisseurs que les US GAAP et
que les informations financières en IFRS ont contribué à influencer les décisions des
investisseurs. C’est ainsi que 29% des gérants pensent que les IFRS étaient à l’origine de
décision de désinvestissement de certaines sociétés, 21% estiment que les IFRS ont été à
l’origine de décision de ne pas investir dans des sociétés et 13% estiment que les IFRS ont
conduit des investisseurs a changer leurs décisions d’investissement d’une société à une autre
société. 77% des dirigeants pensent que les états financiers en IFRS sont très utiles aux
investisseurs leur permettant d’identifier les risques financiers assumés par les entreprises
ainsi que les risques opérationnels (64%).

Antill et Lee (2005) montrent une réaction immédiate du cours boursier suite à la publication
d’une société anglaise de ses premiers états financiers en IFRS. La réaction est moins
importante pour les sociétés de petite taille. Par ailleurs, les IFRS ont généralement pour effet
de refléter l’endettement net correct des sociétés. Les IFRS entraînent une augmentation de
l’endettement net à cause des dettes résultant des pensions et du changement de la
classification de certains instruments financiers de la catégorie de capitaux propres vers les
passifs.

Beckman et al (2007) montrent que les sociétés allemandes ayant adopté les IFRS ont des
résultats plus pertinents, moins prévisibles et plus prudents. Harris et Muller (1999) ont

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 53

également examiné le lien entre la capitalisation boursière et les informations financières


publiées en IFRS et US GAAP. L’étude a porté sur 89 sociétés allemandes cotées à la SEC
qui préparent des états financiers en IFRS avec une réconciliation IFRS-US GAAP sur la
période 1992-1996. Les deux études concluent que les informations financières en IFRS sont
plus liées avec le cours des titres sur le marché US et que les états financiers en IFRS sont de
qualité informative supérieure comparés aux états financiers préparés en normes allemandes.
Les facteurs contribuant à l’accroissement de la pertinence de l’information financière en
IFRS comparée à celle établie en normes locales pourraient être résumés comme suit :
• Le lien entre la comptabilité et la finance : le changement terminologique de la
dénomination des normes internationale de « IAS » à « IFRS », marque un
changement dans l’esprit et l’orientation des normes internationales. Il dénote
un lien important entre la comptabilité et la finance. Il ne s’agit plus de
comptabilité mais d’une information financière. L’entreprise ne fait plus ses
comptes pour un objectif légal ou fiscal (tenue de comptabilité), mais pour
rendre compte de sa performance économique à ceux qui y ont investi (par des
états financiers). Certes la finance est une discipline ancrée sur le présent : il
s’agit de valoriser une entreprise à un instant « t » à partir du couple
rentabilité/risque, mais il s’agit également une discipline tournée vers le futur.
Valoriser une entreprise implique d’apprécier son risque de défaillance et sa
capacité à dégager des flux de richesse à l’avenir ce qui contribue à la qualité
prédictive de l’information comptable. Les IFRS semblent répondre à cet
objectif d’information financière notamment par la large utilisation du principe
de « juste valeur ». C’est ainsi, le principe du coût historique et de la propriété
juridique, largement utilisés dans les systèmes à plan comptable, sont
relativisés par le cadre conceptuel de l’IASB. Dans une optique beaucoup, plus
financière que comptable, les éléments d’actifs et passifs sont désormais à
évaluer non plus à partir d’informations passées (coût historique) mais en
fonction d’évènements à venir en retenant la valeur de marché, si celle-ci
existe ou si celle-ci n’est pas disponible ou non pertinente en valorisant les
flux de trésorerie futurs. De plus ces éléments, ne sont pas considérés
individuellement, comme c’était le cas traditionnellement, mais bien
globalement en tenant compte de l’objet social de l’entreprise, de la synergie
entre ses activités et des investissements immatériels. L’actif net d’une société

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 54

ou ses cash flow établis en normes IFRS constituent donc une base pertinente
pour l’évaluation d’une société ou du cours de l’action. L’information
financière en IFRS est ainsi plus pertinente à l’investisseur qui s’intéresse plus
à l’avenir (Dumontier, 1999). Les preuves empiriques en faveur de la
pertinence de la valeur additionnelle de la comptabilisation en « juste valeur »
proviennent des études réalisées, notamment par (Casta, 2003), Barth et al
(1995 et 1996), Eccher et al (1996), Cornett et al (1996), Nelson (1996), sur la
première application du principe de juste valeur par les sociétés américaines.
Ils montrent que la comptabilisation en « juste valeur » appliquée aux titres
permet parfois de mieux expliquer le cours des actions des banques que les
informations relatives à la valeur comptable. En effet, la réaction du cours de
l’action à la date approximative de publication d’information en « juste valeur
» confirmerait l’hypothèse de la pertinence de telles informations en termes de
valeur. Le principe juste valeur permet aussi de limiter l’usage de certaines
techniques de comptabilité créative (induisant en erreur les investisseurs) et
d’obtenir une information comptable cohérente avec la gestion des risques.
Pour les normalisateurs prônant ce mode d’évaluation, l’application étendue de
la juste valeur a pour principale conséquence d’exclure toute faculté
d’extérioriser le résultat au moment opportun, les plus ou moins values
latentes étant systématiquement comptabilisés en résultat. En valorisant les
actifs financiers à la juste valeur, les normalisateurs ont souhaité réduire la
capacité des dirigeants à faire varier le résultat au gré de leur volonté et leur
objectif de communication financière. Ainsi, il ne sera plus possible
d’anticiper ou retarder la cession d’un titre de placement pour différer les plus
ou moins values, le résultat de la période traduira en tout état de cause la
variation de la juste valeur. Par exemple, les dirigeants, en période déficitaire,
peuvent être incités à vendre des actifs dont la valeur de marché a augmenté
pour pouvoir constater en résultat la plus-value de cession. Dans le cas
contraire, ils peuvent retarder la cession d’un actif pour ne pas constater la
perte en résultat. Ainsi, la méthode de comptabilisation en juste valeur rend
inefficace toute tentative de « gestion du résultat » en retardant ou en
accélérant une transaction puisqu’elle inclut toutes les variations réalisées et
potentielles de l’actif. Dans le même ordre d’idées, Barth et al (2005)
concluent que les sociétés ayant adopté les IFRS ont moins tendance à lisser

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 55

les résultats afin de se rapprocher aux budgets (cibles) et ont plus tendance à
reconnaitre les pertes à temps, ce qui accroit le lien entre l’information
financière et la rentabilité. Cette approche de juste valeur tranche avec
l’information comptable établie sur la base d’un système à plan comptable ou
un degré plus important est accordé aux principes de coût historique, propriété
juridique et de prudence. Pour les tenants de système à plan comptable, le
bilan constitue ainsi un inventaire à un instant donné des actifs et passifs de la
société, en excluant certains actifs dont l’entreprise n’a pas la propriété
juridique même si elle en a l’usage. En plus, de crainte que les entreprises ne
surévaluent leurs actifs et leurs bénéfices au détriment des tiers, ils
appliqueront un principe de prudence qui consiste à choisir la valeur la plus
faible entre deux valeurs plausibles (coût historique versus valeur
récupérable). Le privilège est donné à une information objective, le prix
qu’elle a coûté (sa valeur historique), au risque de faire bon marché de sa
signification économique. Pour ce qui est de l’évaluation de l’entreprise, c’est
une affaire des financiers qui retraitent les informations préparées par les
comptables. Contrairement à cette approche, l’information publiée en IFRS
implique à la fois les comptables et les financiers.

• La multiplication des informations comptables publiées en normes IFRS, tant


en ce qui concerne leur fréquence que leur domaine (informations annexes,
sectorielles, abandon d’activités, ..). La pertinence de ces informations est
conditionnée par les caractéristiques de l’entreprise, tels que le niveau
technologique, les phases de cycle de vie ou encore les opportunités de
croissance. Distle 2004, montre l’intérêt d’intégrer le contexte pour valoriser
l’entreprise à partir des chiffres comptables. Les normes IFRS intègrent les
attentes du marché en formalisant la production des états financiers
intermédiaires, en exigeant des informations supplémentaires aux informations
financières basiques et le recours accrue au principe de juste valeur. La norme
IAS 14 (remplacée par IFRS 8) impose aux entreprises de publier des
informations sectorielles sur l’activité et les zones géographiques. Le principe
de juste valeur nécessite couramment le recours aux techniques de
valorisation en l’absence de valeur de marché. Ces techniques permettent ainsi
d’intégrer plusieurs données stratégiques de l’entreprise (technologie, part de

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 56

marché, prévision de revenus, taux de rendement, etc.) et les tendances du


marché dans l’information comptable.

• Les IFRS réconcilient information externe et interne : Une des caractéristiques


de l’information financière en IFRS, c’est qu’elle intègre un grand nombre de
données et d’informations réservées avant à la discipline de la comptabilité de
gestion (destinée au reporting interne). Les sociétés géraient ainsi deux types
de reporting financier (externe) et un reporting de gestion (interne). Même si
les deux types de reporting ont des objectifs différents, les IFRS tendent à
réconcilier, voire à fusionner, ces deux types de reporting, permettant ainsi de
limiter la multiplication des comptes proforma. Jermakowiz (2004) a étudié un
échantillon de 20 sociétés belges cotées et a conclu que l’adoption des IFRS va
bouleverser la manière dont les sociétés conçoivent et gèrent leur système de
reporting interne et externe et va augmenter la comparabilité des états
financiers consolidés et la transparence de l’information financière. L’étude
montre que l’adoption des IFRS a eu un impact sur le système de reporting
financier ainsi que sur l’organisation interne du groupe. 65% des sociétés ont
été amenées à revoir le système d’information interne et externe et considèrent
que les IFRS ont eu un impact sur le mode de gestion et reporting interne entre
la société mère et les filiales. L’harmonisation du système de reporting interne
et externe, en créant un langage comptable unique au sein du groupe était le
plus important avantages des IFRS cité par les sociétés belges.

• Même si les IFRS sont orientées principalement aux investisseurs, elles seront
utiles à toutes les parties prenantes non pas uniquement aux investisseurs et
aux analystes financiers. Les établissements de crédit auront une information
plus fiable leur permettant d’estimer la capacité de l’entreprise à générer du
cash pour rembourser leurs dettes. Les fournisseurs auront une information
leur permettant d’estimer le niveau des commandes futures de l’entreprise. Les
gérants auront une information financière leur aidant à contrôler le business et
à maximiser la valeur économique de l’entreprise. Les employés auront une
meilleure information sur la position financière de l’entreprise, sur sa capacité
de génération et distribution de des rémunérations et des bénéfices
(JERMAKOWIZ 2004).

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 57

1.2 Le référentiel comptable : élément de la gouvernance

d’entreprises

L’information financière joue un rôle central dans la réduction des coûts de l’agence en
réduisant l’asymétrie d’information existante entre les parties contractantes, notamment les
minoritaires. Dans une vision actionnariale, l’information financière est produite par les
dirigeants, interprétée par la presse financière et l’analyste financier, puis réceptionnée par les
actionnaires qui réagissent par leur comportement de vente et d’achat. Dans cette perspective,
les données comptables doivent permettre le calcul rationnel de la part des actionnaires. Ce
calcul est reflété par le cours de l’action, il doit être facilité par l’information comptable. Si la
nécessité de procéder à l’établissement et à la diffusion des états financiers dans un système
économique capitaliste apparaît ainsi évidente, une telle situation pose néanmoins deux
problèmes majeurs. Le premier concerne la pertinence intrinsèque des données comptables
pour refléter la performance d’une entreprise. Le deuxième problème touche à la fiabilité des
comptes annuels, c’est-à-dire, la mesure dans laquelle ils sont fidèles aux normes comptables
de constitution et de présentation, indépendamment de la pertinence intrinsèque de ces
normes. Le référentiel comptable appliqué constitue la solution au premier problème. Mais
faut-il que ce référentiel comptable soit capable de produire une information financière
pertinente et fiable renseignant sur la performance économique de la société et utile pour la
prise de décision d’investissement. Le référentiel comptable n’est pas neutre, il véhicule avec
lui implicitement ou explicitement une théorie de l’entreprise et une conception de sa
gouvernance que sa mise en œuvre contribue à renforcer, ce qui n’est pas sans enjeux. Les
IFRS marquent l’émergence de cette conception actionnariale de l’entreprise contre une
conception partenariale qui a prévalu dans les pays continentaux, telle que la Tunisie. Le
référentiel international en consacrant la primauté de l’investisseur (boursier), en
financiarisant la comptabilité fait du problème de la valeur actionnariale de l’entreprise le
problème centrale qu’il faut résoudre (Colasse 2006). C’est ainsi que l’IASB ne cache pas que
parmi les différents destinataires potentiels de la comptabilité, il privilégie les actionnaires : «
Comme les investisseurs sont les apporteurs de capitaux à risque de l’entreprise, la fourniture
d’états financiers qui répondent à leurs besoins répondra également à la plupart des besoins
des autres utilisateurs susceptibles d’être satisfaits par des états financiers »19. Ole-Kristan et

19 § 10 du cadre conceptuel précisant les principes du référentiel IASB

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 58

al (2006) ont démontré que les IFRS permettent de protéger davantage les actionnaires
minoritaires. Cet objectif est achevé notamment en réconciliant les informations externes et
internes (en dévoilant des informations sectorielles et des informations sur les risques)
permettant ainsi de limiter la multiplication des comptes « pro forma ». Par ailleurs, les IFRS
en privilégiant le point de vue économique sur le juridique permettent de renseigner les
investisseurs sur la véritable performance de la société et de réduire l’asymétrie de
l’information entre les actionnaires dirigeants et les investisseurs minoritaires en bourse.

Cette conception actionnariale des IFRS s’oppose à l’approche partenariale de la


comptabilité, fortement défendue par les tenants de l’approche continentale. Pour les pays
appartenant à ce courant, l’Etat s’est attribué un rôle essentiel dans la sphère comptable, en
édictant le droit comptable. C’est ainsi que la comptabilité tient largement compte de
l’objectif de disposer d’un substrat comptable permettant d’asseoir la réglementation fiscale.
En outre, médiateur d’intérêts potentiellement divergents, l’Etat s’est efforcé de concilier les
attentes des différents utilisateurs de la comptabilité (dirigeants, créanciers et fournisseurs,
salariés, actionnaires…). Or il parait que la satisfaction des besoins de plusieurs utilisateurs
de l’information financière par le même type d’information est difficile, voire impossible. Au
sein de ces utilisateurs, l’investisseur en bourse est le moins informé et n’a pas d’accès à
d’autres sources d’information, autre que les informations financières publiques,
contrairement aux autres parties prenantes (dirigeants, bailleurs de fond, Etat) qui ont des
accès privilégiés aux informations. Face à cette situation, il nous parait indispensable que
l’information financière publique soit orientée vers les investisseurs à risque. Les IFRS
constituent donc une solution sure pour protéger les investisseurs à travers une information
financière pertinente.

Quant au deuxième problème, relatif à la fiabilité de l’information publiée, l’audit a apparu


pour permettre un contrôle externe et « neutre » des informations fournies par la société. Afin
de remplir sa fonction, il faut que les auditeurs soient compétents en IFRS. Ce point ne
semble pas poser de problèmes pour la Tunisie qui était l’un des premiers pays à investir dans
la formation universitaire en normes internationales. En effet, nous disposons aujourd’hui
d’une plage large de diplômés de l’université ayant un bon niveau de connaissance des
normes comptables internationales et capables de suivre leur évolution.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 59

1.3 Le référentiel international : moyen de développement de

l’économie.

Il y a un accord général dans la littérature que la comptabilité est reliée au développement


économique des pays en développement (Scott, 1968 ; Belkaoui, 1988 Gray et Roberts,
1991). En effet, une information comptable pertinente et fiable est importante pour la
croissance économique parce qu’elle facilite la prise de décision et l’allocation optimale des
ressources, que ce soit dans les firmes, ou au niveau de l’économie des pays en
développement (Samuels et Piper, 1982).

Même si l’information financière ne constitue pas le seul élément de prise de décision


d’investissement, elle constitue l’une des plus importantes sources des données économiques
qui influent sur la décision d’investissement (Antill et Lee 2005). La littérature ayant examiné
cette question affirme que la comptabilité peut jouer un double rôle. Premièrement, un
système comptable bien fondé peut créer un climat favorable pour la confiance ce qui pourrait
conduire au bon fonctionnement des marchés de capitaux, l’allocation des ressources, et la
croissance économique (Belkaoui, 2002). Deuxièmement, tous les pays et spécialement les
pays en développement comptent beaucoup sur la planification du développement
économique pour achever une certaine croissance. Pour éviter la mauvaise allocation des
ressources au niveau du processus de planification, des informations et des données
économiques fiables sont nécessaires et sont généralement présumées être fournies par la
comptabilité (Lee, 1987).

Les pays européens ont accordé une importance considérable pour la comptabilité par les
différentes tentatives d’harmonisation comptables européenne. En mars 2000, les chefs de
gouvernement européens ont annoncé que leurs objectifs pour 2010 est de rendre l’espace
économique européen le plus compétitif, dynamique au monde et capable de maintenir et
soutenir une croissance économique avec plus de création d’emplois et un environnement
social plus saint. L’information financière publiée par les sociétés européennes était au centre
de ce débat. Après des tentatives d’harmonisation comptable interne par le biais des directives
européennes, le recours à la sous-traitance auprès de l’IASB était le moyen le plus efficace à
la disposition de l’union européenne.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 60

Par ailleurs, un des éléments d’allocation optimale des ressources est le coût de l’information.
D’après notre expérience dans des missions d’évaluation de sociétés tunisiennes, les
acquéreurs potentiels demandent toujours d’avoir un état des retraitements IFRS des états
financiers établis en NCT afin d’apprécier la performance économique de la société dans un
premier lieu et d’estimer le coût éventuel d’un passage IFRS dans un deuxième lieu. Ainsi, le
coût de préparation de l’information constitue l’un des critères importants pour les décisions
d’investissements. Avec la mondialisation, les investisseurs veulent disposer d’informations
comparables sur les sociétés cotées sur les différents marchés et les grandes entreprises
souhaitent lever des capitaux sur plusieurs places financières à la fois sans à avoir à multiplier
les jeux de comptes. Weißenberger et al (2004) en examinant un échantillon de 81 sociétés
allemandes, montrent que la décision d’adoption volontaire d’un référentiel international est
motivée principalement par un objectif de réduction du coût d’accès aux marchés étrangers.
De même Bernhut (2008), en étudiant les conséquences d’adoption des IFRS au CANADA
en 2011, conclut que les IFRS vont aider les sociétés canadiennes à être compétitifs dans
l’économie globale. Le référentiel international va offrir plus d’opportunités aux sociétés
canadiennes et aux investisseurs en leur permettant la réduction du coût de capital, un accès
plus facile et moins couteux aux marchés internationaux, et en réduisant le coût de
préparation de l’information financière en éliminant les réconciliations.

Par ailleurs, les IFRS pourraient être un moyen pour donner aux sociétés tunisiennes une
dimension internationale. Le passage aux normes IFRS ne devrait pas être résumé à un
changement de techniques comptables. Ce passage constitue une opportunité pour les sociétés
tunisiennes afin d’améliorer leur business et leur mode de gestion (Bichut, 2005).
Actuellement, les multinationales implantées en Tunisie continuent à préparer des états
financiers en normes locales et des états financiers retraitées en IFRS pour le besoin de
reporting à la société mère. Une situation perçue comme anormale pour un pays ayant
explicitement déclaré la convergence de son système comptable avec les normes
internationales. L’adoption des IFRS en Tunisie sera sans doute très bénéfique aux
multinationales qui pourront ainsi réduire considérablement le coût de préparation de
l’information. Une telle adoption pourrait aussi consolider les critères d’attraction des
investissements étrangers en Tunisie.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 61

Etant donné la saturation du marché local et le niveau de concurrence élevé par les
multinationales, les sociétés tunisiennes se trouvent dans l’obligation d’explorer de nouveaux
marchés étrangers, notamment en Afrique. La région Maghreb constitue le point de départ
d’internationalisation des sociétés tunisiennes étant donné la situation géographie, les liens
économiques liant la Tunisie avec les pays du Maghreb et le potentiel économique de ces
pays. L’Algérie et la Libye, les deux pays pétroliers à fort potentiel économique, sont en train
de mener des réflexions à un stade très avancé pour la réforme de leur système comptable sur
la base des normes internationales. Les sociétés tunisiennes qui veulent s’installer sur ces
marchés devraient donc suivre ce mouvement de convergence vers les IFRS. La Tunisie étant
donné pionnier dans les pays de Maghreb en normes internationales, peut saisir cette
opportunité pour apporter des compétences en matière de formation et d’accompagnement
des entreprises locales dans le projet de transition IFRS. Par ailleurs, le passage en IFRS pour
les multinationales tunisiennes leur permet de réduire le cout de préparation de l’information
financière en minimisant les retraitements d’homogénéisation au niveau des états financiers
individuels des filiales étrangères.

L’adoption des IFRS en Tunisie pourrait aussi être un facteur contribuant au développement
de la bourse des valeurs mobilières (BMVT) dont le rôle de financement de l’économie
tunisienne est toujours marginal. Sans entrer dans l’analyse des raisons de la limite du marché
boursier tunisien, la qualité de l’information financière publiée par les sociétés tunisiennes
cotées pourrait être l’une des raisons. L’application des IFRS pourrait ainsi, donner plus de
confiance aux investisseurs (notamment les investisseurs étrangers) sur la divulgation
financière des sociétés cotées. En effet, le fonctionnement des marchés financiers ne dépend
pas seulement de l’allocation des ressources et de l’organisation structurée d’un marché
financier mais aussi de la confiance au niveau de l’accomplissement des opérations des
entreprises. La comptabilité joue un rôle important dans le processus de création de cette
confiance dans le but de faire réussir un marché financier dans un pays en développement
(Belkaoui, 2002).

En fait, les pays développés comptent sur l’information comptable conventionnelle pour les
décisions d’allocation des ressources. Un certain niveau d’efficience de marché rend cette
comptabilité conventionnelle satisfaisante dans ces pays. Par contre, les pays en
développement n’ont ni l’efficience de marché exigée, ni les autres systèmes supplémentaires

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 62

pour compenser les déficiences du système d’information comptable conventionnel. La


déficience de l’infrastructure comptable risque par conséquent d’hypothéquer le
développement du marché financier dans les pays en voie de développement. Une
infrastructure comptable bien développée améliore la communication de l’information aux
utilisateurs et permet aux détenteurs des titres de mieux évaluer la valeur de leurs titres et de
contrôler effectivement le management (Belkaoui, 2002).

Enfin, Jermakowiz et Gornik (2006) montrent que les pays qui ont le marché financier ouvert
aux investisseurs étrangers ont plus tendance à adopter les IFRS. Etant donné que
l’information financière est à la base de la prise de décision d’investissement, l’adoption des
IFRS facilite la comparabilité des informations entre des marchés financiers différents et donc
facilite, accélère et réduit le coût de la prise de décision d’investissement. Les IFRS
constituent un moyen d’intégration du marché financier d’un pays dans le marché financier
mondial.

1.4 IFRS référentiel comptable mondial unique : la SEC cède en

faveur des IFRS

L’adoption par la Communauté Européenne en juin 2002 des normes IFRS a montré que le
processus d’harmonisation va réellement pourvoir s’appliquer. Le monde des affaires qui fût
longtemps marqué par des spécificités locales et régionales forcément divergentes voire
antinomiques, s'achemine irréversiblement vers une configuration uniforme dans les concepts
et instruments économiques et managériaux (A.Mabkhout, 2004). Actuellement, plus de
7 000 sociétés européennes sont requises d’appliquer les IFRS dans les états financiers
consolidés (Distle et Noël, 2007). Le poids de l’IASB a été renforcé par la reconnaissance de
l’IOSCO en 1995 du référentiel international comme référentiel comptable admis pour les
sociétés cotées sur des places financières étrangères. En 2000, l’IOSCO a demandé aux pays
membres d’accélérer le processus de reconnaissance des IFRS comme référentiel
international admis pour les sociétés cotées sur plusieurs places financières et déclare son
support au processus d’harmonisation à travers le support de l’IASB.

Avant l’adoption des IFRS par l’UE, l’autre solution envisagée était de créer un organisme
européen de normalisation comptable mais « Le développement d’un ensemble complet de
normes comptables européennes prendrait beaucoup de temps » déclare ainsi de Karel Van

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 63

Hulle, qui est à l’époque le chef le l’Unité « Informations financières et normes comptables »
à la Commission européenne. Ce discours confirme l’impossibilité d’une harmonisation
européenne sans recours à la solution attractive de sous-traitance des normes auprès de
l’IASB. Il semble en effet à le lire, que le choix de s’associer à l’IASC ne soit intervenu
qu’après avoir essayé d’autres solutions. Ce choix était motivé par le positionnement de
l’IASC comme « organisme international indépendant ». Il a su être présent au bon moment
pour offrir un échappatoire aux résistances politiques internationales cherchant à éviter que le
pouvoir économique des États-Unis ne se transforme en pouvoir de régulation mondial sur la
question comptable. En effet, l’IASB est un organisme privé, indépendant des pouvoirs
publics, mais dont les principaux interlocuteurs sont, outre les organismes professionnels et
les grands cabinets d’audit, les principaux régulateurs boursiers (la SEC américaine, la FSA
britannique, l’AMF française...) regroupés au sein de l’OICV.

En fait, les Etats-Unis et la bourse américaine ont tenté à de multiples reprises d’imposer
leurs US GAAP (dont les règles comptables ressemblent davantage à une encyclopédie pour
experts qu’à des outils pratiques) plutôt que les normes IFRS, mais il semble que les derniers
événements permettent de rallier les anglo-saxons aux normes internationales. Le principal
reproche qui était fait aux normes américaines, c’est le fait que le référentiel américain était
basé sur des règles et non sur des principes à l’instar des IFRS. L’instauration de ces règles
était à l’origine de développement de plusieurs montages financiers et juridiques afin de
détourner ces règles comptables. Lorsque les US GAAP donnent des Bright lines quantifiés-
par exemple le seuil de 90% pour la distinction entre location simple et location
financièrement, 50% pour la consolidation, 3% pour les entités ad hoc, ils conduisent à des
aberrations telles qu’une compagnie aérienne ne puisse avoir dans son bilan un seul actif
représentant des avions qu’elles exploitent, ni bien sur aucun passif relatif à l’endettement qui
y correspond ou bien de nombreuses sociétés à ne pas consolider des entités conçues pour
cantonner des risques que la société continue à assumer. Dans un système ou ces lignes de
démarcation n’existaient pas, le principe ne pourrait pas être perdu de vue et de telles
déviations ne seraient possible qu’en cas de mauvaise foi concertée par tous les acteurs.
L’échec avéré de la prescriptivité excessive des US GAAP dans la prévention de scandales
majeurs tels ENRON ou d’autres ou même le fait qu’elle les a favorisé ainsi que la difficulté
de trouver le niveau de détail adéquat dans un cadre mondialisé font penser à certains qu’une
normalisation limitant à des principes complétés par une littérature d’accompagnement

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 64

minimale est un meilleur système que celui qui aboutit à une accumulation de règles dernière
lesquelles le principe n’est plus discernable. Les exemples d’ENRON et de nombreux autres
qui ont suivi ont abondamment montré que loin de prévenir la fraude, un maquis de règles la
favorise des lors que les principes sont perdus de vue

Le deuxième reproche fait aux normes américaines est leur complexité étant donné le nombre
élevé d’exceptions et spécificités sectorielles prévues par ces normes. En effet, les règles
américaines sont souvent construites à partir des pratiques professionnelles préexistantes et
celles-ci sont souvent polluées par des intérêts sectoriels particuliers, des aspects
règlementaires dans certaines industries et des considérations juridiques et fiscales. Les règles
comportent des exceptions qui les compliquent et les rendent moins compréhensibles.
L’IASB se montre extrêmement réticent à l’idée des normes sectorielles ou professionnelles
en partant du principe que les normes IAS/IFRS sont applicables à tous les secteurs.

Ces différents éléments ont plaidé pour la supériorité du référentiel international sur le
référentiel américain. Ainsi, après les puissances économiques des pays européens,
l’Australie, le Japon le Canada et plusieurs autres pays dans le monde, c’est les USA qui
commencement à s’intéresser aux IFRS. Ce rapprochement s’est matérialisé par la signature
en 2002 du fameux accord (« Norwalk agreement ») entre l’IASB et le FASB en vertu duquel
ils s’engagent à travailler conjointement en vue de mettre en place un référentiel comptable
unique de haute qualité. Cet accord est une véritable consécration pour l’IASB puisque son
unique concurrent ne se sent plus de taille pour continuer seul. La SEC a fini par céder et a
déclaré que le projet d’élimination du tableau de réconciliation IFRS-US GAAP prévu pour
2009 a été officiellement agrée en décembre 2007. Ainsi, les sociétés étrangères cotées sur la
place financière américaine peuvent se contenter des états financiers en IFRS pour lever des
capitaux sur la première place financière mondiale. Plusieurs voies se sont alors élevées aux
USA, pour permettre aux sociétés américaines de passer en IFRS. Le président du NYSE a
ainsi déclaré que plusieurs sociétés américaines cotées ont affiché leur volonté de migrer vers
les IFRS (Parveen et al, 2007). Ceci est motivé par un objectif d’améliorer la comparabilité
de l’information financière et d’alléger un peu le coût de préparation de l’information
financière en US GAAP, référentiel jugé très détaille et compliqué. La SEC a ainsi réagi en
annonçant en mars 2007 le projet « regulatory release » visant à étudier la possibilité de

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 65

permettre aux sociétés SEC d’adopter sur option les IFRS. Cette concession faite par le
régulateur puissant américain est justifiée par le fait qu’après l’adoption des IFRS en Europe,
les sociétés européennes seront plus compétitives en termes de coût de capital que les sociétés
américaines. Les mêmes raisons ont conduit aussi le Canada à passer en IFRS à partir de
2011. Ainsi, il est clair que le référentiel international s’est imposé comme le langage
financier unique au monde pour les années à venir.

2 COUTS D’IMPLEMENTATION DES NORMES IFRS EN TUNISIE


Outre les avantages d’adoption des IFRS, les études et enquêtes développées suite à
l’adoption des IFRS en Europe, ont aussi cerné les coûts et les difficultés rencontrés par les
pays européens dans la généralisation des IFRS au niveau des états financiers consolidés des
sociétés non cotées et des états financiers individuels. Une enquête réalisée par les six grandes
firmes d’audit (GAAP Convergence 2002 et GAAP Convergence, 2004) à identifié plusieurs
barrières à la généralisation des IFRS au niveau des états financiers individuels dans les pays
européens. Cette étude était basée sur un questionnaire renseigné par des associés appartenant
aux six grandes firmes d’audit dans 59 pays européens, responsables d’accompagnement des
sociétés ayant adopté les IFRS. Les principales difficultés identifiées sont les suivantes:
• La complexité de certaines normes IFRS, notamment celles exigeant le recours
à la juste valeur;

• Le lien entre comptabilité et règles fiscales;

• Le désaccord avec certaines normes IFRS, l’insuffisance du guide


d’application de IFRS 1 et la limite du marché boursier pour certain pays
étaient aussi parmi les facteurs évoqués; et

• Pour certains pays : les difficultés de traduction et la satisfaction avec les


normes locales

Une deuxième enquête a été réalisée par E.K.Jemakowicz et S.G. Tomaszewski (2006) s’est
focalisée à l’étude de l’approche d’adoption des IFRS par 112 sociétés européennes (des pays
appartenant aussi bien à l’approche continentale que l’approche anglo-saxonne) ayant opté
les normes IFRS (en 2004). Cette étude conclut que :

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 66

• Le processus d’adoption des normes IFRS est un processus très couteux, complexe et
lourd à gérer. Ainsi, sur les 112 répondants seulement 20% auraient adopté les IFRS
volontairement si elles n’étaient pas obligatoires ;

• La majorité des sociétés ont implanté les IFRS au niveau de l’organisation interne
dépassant ainsi le simple retraitement des états financiers établis en principes locaux
en IFRS. Les sociétés ayant mis en place un telle approche ont plus senti les avantages
des IFRS que les sociétés qui se sont limitées à une conversion des états financiers
locaux ;

• La complexité de certaines normes et le manque de guide d’implémentation sont les


plus importants défis pour les sociétés ;

• Le manque des ressources compétentes en IFRS était aussi évoqué ;

• La volatilité des résultats induits par l’application des normes IAS 32 et IAS 39 était
aussi l’une des reproches faites par les institutions financières européennes à
l’adoption des IFRS ;

• Les avantages attendus des IFRS tels que la réduction du coût de capital ne peuvent pas
être achevés si les filiales et la société mère sont toujours requises d’établir des états
financiers individuels en normes locales ;

• Le dispositif juridique d’un pays est le premier élément prioritaire à adresser dans le
processus de passage IFRS ; et

• Les pays appartenant à l’approche anglo-saxonne sont les mieux placés pour la
généralisation des IFRS au niveau des états financiers individuels et pour les sociétés
non cotées. Une telle option est beaucoup plus difficile pour les pays appartenant à
l’approche continentale et ce notamment en raison du lien entre la fiscalité et la
comptabilité.

Les principaux défis et difficultés d’adoption des IFRS en Europe, identifiés par ces études,
peuvent aussi constituer des difficultés d’une éventuelle adoption des IFRS en Tunisie. Dans
ce que suit, nous allons reprendre ces éléments en essayant de les associer aux spécificités de
l’environnement économique tunisien.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 67

2.1 La juste valeur peut –elle être appliquée en Tunisie

L’usage de la juste valeur en IFRS est loin de se limiter à la valorisation des actifs et passifs
financiers sur lesquels se sont focalisés la plupart des commentaires académiques (Casta et
Colasse, 2001). Il s’agit en fait du principe général d’enregistrement des transactions, si bien
qu’il n’est pas un seul concept comptable qui ne soit redéfini. L’enregistrement de presque
toutes les opérations économiques de la firme étant transformé, c’est l’ensemble des repères
cognitifs des acteurs et utilisateurs de la comptabilité qui bascule. L’orientation actuelle de
l’IASB et du FASB est d’étudier la possibilité de généraliser le concept de juste valeur à tous
les éléments actifs et passifs du bilan et non pas uniquement les instruments financiers. Ce
projet de Full Fair value n’est pas encore lancé, mais le mouvement est déjà là et les
organismes de normalisation anglo-américains engagent des réflexions sur l’utilité et la
pertinence des états financiers établis sur la base de la juste valeur.

Les défendent de la juste valeur pensent que l’information financière basée sur le coût
historique ne permet pas de comparer les « justes performances » des entreprises tandis
qu’une valeur du jour, observée sur les marchés, facilite la comparabilité des états financiers.
Pour les tenants de ce courant, l’évaluation de la performance d’une société est plus facile
avec l’utilisation d’une valeur de marché comparée à l’information établie en coût historique.
Or, des marchés actifs sont loin d’exister dans tous les pays pour l’ensemble des actifs et
même pour la panoplie d’instruments financiers utilisés par les entreprises. C’est le cas de la
Tunisie ou le marché financier reste très limité aussi bien en termes d’entreprises cotées,
d’instruments négociés ou du rythme des transactions (On a moins de 100 sociétés cotées et la
proportion des titres cotées reste toujours faible). Se pose alors la question : quelle juste
valeur à retenir en absence du marché actif. Les IFRS renvoient à des techniques de
valorisation largement basées sur des hypothèses développées en interne et des modèles
financiers incluant une grande part de subjectivité. Les modélisations économétriques de
l’industrie financière font donc leur entrée dans l’officine du comptable transformant
considérablement son travail et la proportion, au sein des résultats comptables, des faits
vérifiables et des estimations conventionnelles concernant l’avenir. La fiabilité de l'évaluation
dépendra de la pertinence des paramètres du modèle, mais aussi de la sincérité des
préparateurs des états financiers de chaque entité. Par exemple, la méthode d’actualisation
permet de déterminer la juste valeur des crédits bancaires. Cette méthode consiste à actualiser
les rendements futurs attendus à un taux d’intérêt qui tient compte du risque de crédit. Dans

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 68

ce cas, la valeur actuelle estimée est une fonction de plusieurs paramètres (taux
d’actualisation utilisé, estimation du risque de crédit par la banque, etc.). Toute modification
dans ces paramètres peut affecter de façon significative le calcul de la valeur actuelle. D'autre
part, l'utilisation de modèles suppose l'introduction d'éléments discrétionnaires dans la
préparation de l'information financière faisant ainsi de la juste valeur une mesure subjective.
Les valeurs ainsi obtenues sont fortement influencées par les hypothèses sous-jacentes
concernant le niveau de la chronologie des cashs flow futurs, ainsi que les taux d’actualisation
appliqués. Ainsi, une grande subjectivité est introduite dans ces valeurs de marchés qui sont
censées renseigner sur la vari performance des actifs. Winston Churchill illustre cette
subjectivité en évoquant l’évaluation faite sur la base d’avis d’experts « Quand je sollicite 10
experts, je n’ai jamais moins de onze réponses différentes : chaque expert a évidemment son
opinion et il y en a toujours au moins un parmi eux qui hésite, entre deux » (D Gouadain,
2007). L'utilisation de modèles internes va à l'encontre des l'objectifs de la juste valeur
initialement recherchés, à savoir, la comparabilité et la neutralité.

Un autre problème se pose quant à la transparence des modèles utilisés. Ces modèles sont
généralement le résultat de travaux nécessitant une très grande expertise. Ils sont, par
conséquent, un élément d'un « know how » spécifique à l’entité, voire ils revêtent un
caractère "stratégique" tel qu'ils ne peuvent donner lieu à une communication trop précise et
détaillée. Confidentialité et transparence s'opposent alors et soulèvent le problème de la
"vérifiabilité" du modèle ce qui complique la tache des auditeurs. En effet, les difficultés de
calcul, la complexité des méthodes et la part importante des estimations liées à l'évaluation à
la juste valeur pourraient remettre en question l’apport des auditeurs externes dans ce
domaine.

Par ailleurs, le recours à la juste valeur induit aussi le problème de volatilité des résultats et
des capitaux propres. Ce problème est beaucoup plus important pour les institutions
financières et les compagnies d’assurance qui ont davantage recours aux instruments
financiers de plus en plus complexes et aux activités de couverture des risques (l’impact sur le
secteur financier sera discuté ultérieurement). Cette volatilité, due aux variations des cours du
marché et des variables utilisées pour les techniques de valorisation, s’est accentuée avec les
effets de la crise financière internationale. La fiabilité de la juste valeur en contexte de crise
économique est longuement débattue ces derniers moments par le Board de l’IASB.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 69

Les variations de résultats à la hausse ou à la baisse en fonction des valeurs de marché


transforment également la conception de ce qu’est la performance économique de la firme car
la performance ainsi évaluée risque de refléter largement les mouvements de l’environnement
et des marchés financiers plutôt que la performance économique de l’entreprise. A cet effet,
une étude menée par Mazars (2005) sur un échantillon de 550 sociétés européennes ayant
adopté les IFRS montre que plus que la moitié des sociétés européennes cotées pensent que
les normes IFRS offrent un grande part de subjectivité dans l’interprétation des normes et que
les normes IFRS sont à l’origine d’une volatilité des résultats et des capitaux propres. 41%
des gérants des sociétés étudiées, pensent que les états financiers en IFRS sont moins stables
et ce en raison des normes sur les instruments financiers, stock option et avantages au
personnel. De même Ormord et Taylor (2004) montrent que l’application des IFRS pour les
sociétés anglaises a un effet d’augmenter la volatilité des résultats et des ratios clés utilisés
dans les contrats d’emprunt (« debt convenant »). Les auteurs concluent à la nécessité de
changer les « debts convenants » en les basant sur les cash flow plutôt que sur des indicateurs
comptables afin d’éviter l’impact de volatilité.

Le principe de juste valeur pose un sérieux problème pour les entreprises tunisiennes en
l’absence de marché actif et de tradition de modélisation financière. La limite du marché
boursier tunisien constitue la difficulté majeure de l’application du principe de juste valeur en
Tunisie. Les sociétés seront contraintes à utiliser des modèles financiers dont la fiabilité
dépend de la source des informations, des hypothèses retenues, et de la compétence des
évaluateurs. Par ailleurs, le recours aux techniques de valorisation va augmenter la volatilité
des résultats et des capitaux propres des entreprises tunisiennes, notamment ceux qui
recourent aux instruments financiers. Pour illustrer ce point, nous présentons ci-dessous un
graphique retraçant l’évolution du résultat net, établis en NCT et en IFRS, d’une société
tunisienne ayant recours aux instruments financiers de couverture :

Graphique 3. Evolution du résultat net d’une société tunisienne

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 70

2004 2005 2006 2007 2008

IFRS NCT

Le graphique montre la volatilité du résultat net en IFRS, comparée une tendance beaucoup
plus stable du résultat établi en NCT. Les causes de cette volatilité sont imputées à l’effet de
la valorisation des instruments de couverture à la juste valeur basée sur des techniques
d’évaluation.

2.2 Complexité de certaines normes

La majorité des répondants à l’enquête citée ci-dessus (GAAP Convergence 2002) ont
identifié le critère complexe de certaines normes internationales comme l’une des importantes
barrières à la généralisation des IFRS. Les normes les plus évoquées sont celles liées aux
instruments financiers (IAS 32, IAS 39 et IFRS 7). C’est ainsi que lors de l’adoption des
IFRS en Europe, ces normes étaient écartées provisoirement des normes IFRS adoptées par la
commission européenne. Leur adoption n’est intervenue qu’après la révision de ces normes et
notamment les restrictions de l’utilisation de l’option juste valeur.

Les autres normes évoquées par l’étude référée ci-dessus sont : Avantages au personnel (IAS
19), Dépréciation d’actifs (IAS 36), Impôt sur le résultat (IAS 12), Information sectorielle
(IAS 14), Contrats d’assurance (IFRS 4), Contrats de location (IFRIC 4) et Regroupement
d’entreprises (IFRS 3). La complexité de ces normes est due au recours à la juste valeur, à
l’actualisation, aux donnés prévisionnelles et aux estimations complexes nécessitant une mise
à jour régulière. L’élaboration d’une information sectorielle suppose par exemple l’existence
d’un système fiable de reporting interne sectoriel. Le calcul de la valeur recouvrable d’un
actif suppose son allocation à une unité génératrice de trésorerie et l’établissement d’un
business plan fiable pour cette unité. L’estimation des passifs résultats des avantages à long
terme pour le personnel nécessite le recours à un calcul actuariel. L’estimation de la juste

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 71

valeur d’un actif résultant d’un contrat de leasing inclus dans un contrat commercial suppose
des modèles financiers extrêmement complexes et sensibles.

Par ailleurs, l’application de ces normes fait appel à un degré important de jugement et
d’appréciation laissant ainsi une grande marge de manœuvre aux dirigeants. Par exemple, les
estimations sont à la base :
• Des paramètres de calcul des engagements pour retraites (taux de turn-over, taux de
mortalité, taux de croissances des salaires, taux d’actualisation, etc.),

• Des taux d’actualisation et les scenarios d’évolution de l’activité pour les calculs des
dépréciations des actifs,

• Des évaluations des justes valeurs des actifs et des passifs, des effets de synergie lors
des acquisitions d’entreprises, etc.

• Des qualifications des contrats complexes pouvant inclure des contrats de leasing ; et

• L’identification des dérivés incorporés dans des contrats complexes.

L’application de ces normes requiert aussi l’intervention des spécialistes. A ses compétences
de comptable, le praticien de demain devra donc ajouter des compétences d’analyste
économique et financier et aussi des compétences d’actuaire. Ceci peut poser un problème
pour les entreprises tunisiennes du fait de la rareté des spécialistes pour certains domaines et
le coût élevé du recours aux spécialistes étrangers. Anton et al (2004) illustrent cette
situation pour le cas d’adoption des IFRS en Sri-lankais « je suis d’accord à 100% avec la
norme IAS sur les fonds de pension. Mais comment je peux l’implémenter sachant qu’on
uniquement deux spécialistes en calcul actuaire en Sri-lankais » Ce constat s’applique
parfaitement à la Tunisie ou les spécialistes en calcul actuaire sont très rares et les données
requises pour l’estimation des dettes résultant des avantages au personnel à long terme ne
sont pas toujours disponibles à temps.

En plus du caractère complexe des estimations requises par ces normes et du fait de
l’importance de l’impact de ces estimations sur les états financiers, de nombreuses
informations, voire même des indices de sensibilité, sont requises au niveau des notes états
financiers. Ceci est de nature à compliquer d’avantage l’application de ces normes.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 72

Ce point semble ne pas poser de problèmes majeurs pour les entreprises tunisiennes (hors
secteur financier) du fait de la simplicité relative des groupes tunisiens, l’absence du recours
aux montages financiers et fiscales et l’absence d’opérations significatives de regroupements
de sociétés tunisiennes. Par ailleurs, la norme IFRS pour les PME atténue le coût de la
préparation de l’information en éliminant les dispositions jugées complexes de ces normes et
en les remplaçant par des traitements plus simples.

2.3 Système d’information et de contrôle interne

Le passage IFRS ne devrait pas être réduit à un simple processus de conversion des états
financiers locaux en normes IFRS. Mc Donnel (2006) estime que la réforme du système
d’information et de l’environnement et des procédures de contrôle interne constitue l’un des
facteurs clés de sucés du projet de migration IFRS. Bichut (2005), en étudiant le processus
d’adoption des IFRS en Europe a distingué deux types de sociétés :
• Une première catégorie de sociétés qui gèrent la transition en IFRS comme un projet à
court terme. Pour ces sociétés, les états financiers IFRS sont établis hors système
d’information en se basant toujours sur des comptes établis selon des principes locaux
moyennant des retraitements manuels (fichiers Excel) calculés lors de chaque arrêté.
En faisant de la sorte, la solidité de l’environnement de contrôle peut être remise en
cause. Par ailleurs, le personnel de la société rate l’occasion d’avoir une
compréhension correcte et profonde du nouveau référentiel international. Même s’il
est vrai que le processus de production des premiers états financiers peut s’avérer
lourd pour les sociétés, les poussant d’agir de la sorte, une fois cette première étape est
franchie, les sociétés devraient prendre un peu de recul et réfléchir s’elles ont changé
uniquement des nombres ou bien elles ont mis en place un nouveau système de
reporting financier durable ; et

• La deuxième catégorie de sociétés a saisi l’opportunité de ce passage IFRS pour


changer leur mode de gestion plutôt qu’une simple conformité à une nouvelle
règlementation. Elles ont ainsi intégré le nouveau langage IFRS dans les règles de
mesure et de communication, à la fois interne et externe, de leurs performances
financières. Lorsque les règles IFRS deviennent les bases du reporting interne de
gestion, la conformité aux IFRS devient une culture et un mode de gestion normal au
sein de l’entreprise. Les process de reporting deviennent ainsi plus efficaces et moins

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 73

consommatrices de temps et de coût que de reporter en principes locaux puis retraiter


en IFRS. Le business bénéficie aussi des avantages en termes de transparence
financière, confiance, qualité, réduction des délais de reporting et efficience des
process et des procédures de contrôle

E.K.Jemakowicz et S.G. Tomaszewski (2006) ont étudié le processus de préparation des états
financiers IFRS par les sociétés allemandes. Ils ont conclu que le système d’information le
plus efficace est celui qui permet la tenue de la comptabilité et la production d’états financiers
individuels et consolidés directement en IFRS. Plus que la moitié des sociétés étudiées
affirment que le processus de conversion dépasse le système de reporting externe et
l’information en IFRS est utilisée aussi pour le reporting interne de management pour la
société mère et/ou des filiales. Les sociétés sont ainsi en train d’étudier l’application des IFRS
au delà des comptes consolidés avec un objectif ultime d’harmoniser à terme le reporting
interne et externe.

Ainsi, la revue du système d’information s’avère une étape nécessaire du projet de conversion
IFRS. En effet, la qualité de l’information requise pour un reporting IFRS diffère d’une façon
significative de celle requise pour un reporting en normes nationales. L’information
financière en IFRS exige plus de sources et elle est largement basée sur des données
provenant des industriels, du contrôle de gestion, des techniciens, des analystes financiers et
de la direction. Ce qui change avec les IFRS, ce sont donc à la fois des principes comptables
mais aussi des procédures de contrôle interne, de remontée d’informations depuis les filiales
ou les départements, c’est donc l’organisation interne des services financiers et sans doute les
systèmes d’information. La durée d’amortissement du matériel industriel, par exemple, est
l’affaire des ingénieurs. Des paramètres comme le niveau de production nominale, le niveau
de gaspillage servant pour la valorisation des stocks ne peuvent être suivies et communiqués
que par les responsables de production. L’approche de décomposition des immobilisations
corporelles nécessite un système de gestion de production assistée par ordinateur. La fiabilité
des budgets servant pour les tests de dépréciation dépend de l’implication du Top
management (au niveau de tous les services) dans le processus budgétaire. Le calcul de la
juste valeur des instruments financiers, la mise en application de la comptabilité de
couverture est le métier des analystes financiers. Certes la plus part de ces informations

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 74

existent déjà au sein des grandes sociétés mais ne sont utilisées généralement que pour le
besoin de reporting interne. Par ailleurs, le format d’extraction de ces données pourrait être
changé afin de s’adapter au format requis pour les informations IFRS (exemple information
sectorielle). Le management doit ainsi mettre en place un système d’information permettant
la collecte et le traitement de l’information provenant de différents source et sous différents
formats. L’implémentation d’un ERP s’avère ainsi indispensable.
Outre la revue du système d’information, les sociétés devraient aussi revoir l’environnement
et les procédures de contrôle interne. Des process effectifs et des contrôles efficients peuvent
assurer un reporting à temps et pertinent avec le minimum d’intervention humaine. La société
doit ainsi actualiser son manuel comptable et de procédures en fonction des normes IFRS et
doit optimiser les process complexes et continus tels que les tests de dépréciation, les
estimations complexes (avantage au personnel, juste valeur), le process de clôture, le process
de reporting et le rapprochement entre les différents types de reporting. Le focus devrait être
mis sur le développement de l’environnement de contrôle interne étant donné le degré
important du jugement requis pour l’application des IFRS. L’implication du Top management
dans les mécanismes de contrôle est aussi indispensable pour assurer la fiabilité de
l’information.

La réforme du système et des procédures devrait s’accompagner par une revue de la structure
du département financier pour inclure des personnes ayant des compétences en finance
pouvant supporter la prise de décision par le management et l’analyse des ratios clés et
pouvant aussi maîtriser les systèmes d’information développés et intégrés plutôt que de
simples comptables spécialistes en arrêté des comptes. Les rapports budgétaires et les
prévisions établis par le département financier devraient être aussi basés sur les principes
IFRS, étant donné que toutes les communications (à la fois internes et externes) des sociétés
devraient respecter les mêmes logiques et principes et utiliser les mêmes sources
d’information.

La mise en place d’un ERP et la réforme des procédures de contrôle interne constituent ainsi
un process très coûteux en temps et en argent (en termes d’investissement initial et de mise à
jour régulière) qui n’est pas à la portée de toutes les sociétés. Les PME en particulier n’ont
pas les moyens financiers et humains et ne peuvent pas se permettre ce luxe.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 75

2.4 Lien fiscalité-comptabilité

La connectivité entre comptabilité et règles fiscales a été identifiée comme l’un des
problèmes majeurs de l’harmonisation internationale ainsi que la généralisation des IFRS en
Europe (Donna et al, 2004). Ce lien est beaucoup plus important pour les pays appartenant à
l’approche continentale, comme le cas de la Tunisie. Les règles fiscales, et en particulier les
règles de détermination des bases de l’impôt sur les bénéfices, régissent encore beaucoup de
règles comptables et les méthodes employées dans les entreprises tunisiennes car les règles
fiscales imposent certaines comptabilisations sous peine de se voire privé du droit à déduction
de charges. Le lien entre le résultat fiscal et le résultat comptable n’est pas problématique en
soi, s’il n’y avait pas une interférence des règles fiscales au niveau de la comptabilité. En
effet tant que ce lien existe, les dirigeants sont toujours tentés par les considérations fiscales
lors du traitement des transactions, laissant ainsi de coté le fond économique. En optant pour
des règles fiscales, les dirigeants par soucis de simplification, d’efficacité et de coût cherchent
à rapprocher au maximum le résultat comptable du résultat fiscal.

La connexion entre fiscalité et comptabilité est consacrée par l’article 62 du code de l’IRPP et
l’IS qui stipule que « sont assujettis à la tenue d’une comptabilité conformément à la
législation comptable en vigueur, les sociétés et autres personnes morales quelque soient leur
nature, leur forme et leur objet ainsi que toute personne physique soumise à l’impôt sur le
revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ». Le résultat comptable
constitue ainsi le point de départ pour le calcul du résultat fiscal. Par ailleurs, certaines
interprétations de l’administration fiscale (prises de position) ont tendances à imposer
certaines règles de comptabilisation. Les principaux cas d’interférence entre les règles
fiscales et les règles comptables en Tunisie peuvent être résumés comme suit :
• La définition du revenu et de l’actif net (Article 11 du code de l’IRPP et l’IS) : dés le
moment ou la comptabilité établie selon le SCE sert de base à la détermination du
résulta fiscal, il est inutile de donner une définition fiscale au résultat et à l’actif net
qui sont déjà définis par le cadre conceptuel tunisien. Une deuxième définition fiscale
serait source d’interprétation et de conflit entre les deux textes ;

• Certaines prises de position de l’administration fiscale ont énoncé des principes tels que
le principe de rattachement des charges aux produits et certaines définitions des
éléments des états financiers tels que les produits et les charges. En matière de

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 76

charges par exemple, l’administration a retenu que les charges ne peuvent affecter que
le résultat de l’exercice au cours duquel elles sont engagées, sans qu’il soit possible à
l’entreprise d'en différer la déduction, volontairement ou involontairement, d’un
exercice à un autre. En terme de produits, l’administration fiscale a retenu que les
produits réalisés au titre d’un exercice doivent indépendamment de tous critères
(recouvrement, facturation, …) être soumis à l’impôt sur le revenu au titre des
résultats du même exercice, sans qu’il soit possible aux entreprises d’en différer
l’imposition dans le cadre des résultats des exercices ultérieurs. Ces définitions des
charges et des produits peuvent être une source de conflits avec certaines règles
comptables qui permettent de différer certaines charges tels que les frais d’emprunt
immobilisés (IAS 23), les frais engagés au titre des emprunts (comptabilisés selon la
méthode du coût amorti en vertu de IAS 39) ou les frais préliminaires (capitalisés en
application de la NCT 10) ou certains produits tels que certaines services accessoires
aux ventes de matériels (IAS 18), les commissions sur prêts (IAS 39).

• Les règles d’évaluation du coût initial des actifs : A titre d’exemple les règles fiscales
permettent l’inclusion des frais généraux administratifs dans le coût du stock ce qui
est contraire aux dispositions de la norme IAS 2.
• Les règles de comptabilisation des revenus au titre des prestations de services : les
règles fiscales prévoient la méthode d’achèvement alors que les normes comptables
imposent la méthode d’avancement.

• Les règles fiscales interdisent la prise en compte de l’impact de la réévaluation de


certains éléments d’actifs en juste valeur. Les règles fiscales retiennent généralement
le coût historique. Ainsi, les plus ou moins values issues de l’évaluation de certaines
catégories d’instruments financiers à leur juste valeur (IAS 39), l’impact de la
méthode de comptabilisation des immobilisations corporelles selon la méthode de
réévaluation (IAS 16) ainsi que la réévaluation des immeubles de placement en juste
valeur (IAS 40) ne devraient pas être prises en compte pour la détermination du
résultat fiscal.

• Les limites de provision prévues par les règles fiscales : il est à noter que les règles
fiscales ne reconnaissent pas la notion de perte de valeur. Seules certaines provisions
pour dépréciations peuvent être déductibles du résultat fiscal sous réserve de certaines
conditions et certaines limites de déduction.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 77

• Fait générateur de prise en compte des subventions : Alors que les règles fiscales
retiennent l’encaissement comme fait générateur de prise en compte des subventions
en résultat, les normes comptables interdisent la prise en compte des subventions tant
qu’il n’existe pas une assurance raisonnable que l’entreprise pourra se conformer aux
conditions attachées aux subventions.

• L’administration a retenu que les charges admises en déduction devraient être réelles et
appuyées par les justifications nécessaires, c’est-à-dire des factures dûment établies.
Ce principe fiscal va remettre en cause la déductibilité de plusieurs charges
comptabilisées en normes IFRS. En effet, en normes IFRS, le principe de prééminence
du fond sur la forme et du rattachement des charges aux produits va conduire à la
prise en compte de plusieurs charges issues des estimations, du calcul actuariel, de la
réévaluation de certains actifs à leur juste valeur, de l’étalement du coût du stock
option, des pertes de valeur de certains actifs. Ces charges devraient donc être
retraitées en fiscalité.

• Les constructions issues des contrats de concession (BTO) devraient être amorties
fiscalement d’une façon linéaire sur la durée du contrat. L’IFRIC 12, traitent des
accords de concession, prévoit un traitement comptable beaucoup plus compliqué. En
distinguant entre le modèle immobilisations incorporelles et le modèle actif financier.
Les deux méthodes aboutissent à un résultat comptable différent du résultat fiscal. Le
décalage est beaucoup plus important pour la méthode d’actif financier. Le modèle
économique des BTO est devenu de plus en plus réputé en Tunisie notamment dans le
domaine de l’infrastructure publiques et de l’énergie. Compte tenu des divergences
entre les règles fiscales et comptables, les concessionnaires devraient pratiquement
tenir deux systèmes parallèles : une comptabilité financière conforme aux IFRS et une
comptabilité fiscale servant pour la détermination du résultat fiscal.

• Les règles fiscales imposent la passation en charges de l’exercice des frais de recherche
et développement alors que les nomes comptables imposent la capitalisation de
certains frais de développement sous réserve de certaines conditions.

• Les règles fiscales consacrent la notion de propriété juridique pour la définition des
actifs de la société. Ainsi, les amortissements des immobilisations exploitées par la
société mais dont elle n’a pas la propriété ne sont pas généralement admis en

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 78

déduction. Tel est le cas des constructions sur sol d’autrui. Récemment la législation
fiscale a évolué en permettant la déduction des amortissements des biens acquis par
voie de leasing (voir ci-dessous) ainsi que les immobilisations résultants des contrats
de concession.

• L’article 12 bis du code de l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés a prévu la
déduction, pour les besoins de la détermination du résultat fiscal, des amortissements
effectués par l’entreprise selon les règles fixées par la législation comptable. Par
ailleurs, l’amortissement déductible fiscalement devrait être obligatoirement
comptabilisé par la société. Cette condition est à l’origine d’une application des taux
fiscaux au niveau de la comptabilité de la majorité des sociétés tunisiennes. Il est à
noter qu’avec le décret 2008-492 du 25 février 2008, le législateur tunisien a montré
une souplesse en laissant aux entreprises le choix des taux d’amortissement (mais
toujours avec un plafond). Par ailleurs, à partir du 1er janvier 2007, l’amortissement
des actifs acquis par voie de leasing est désormais admis en déduction fiscale.
L’exclusion du droit d’amortissement des actifs acquis par voie de leasing était l’un
des principaux obstacles pour l’application du principe du prééminence du fond sur la
forme prévu par le cadre conceptuel tunisien pour la comptabilisation des actifs acquis
par voie de leasing. D’ailleurs, la nouvelle norme comptable tunisienne 41 relative
aux contrats de location n’a pu être publiée qu’après la révision de la législation
fiscale. Ceci constitue un exemple montrant comment les règles fiscales tunisiennes
influent sur les choix des méthodes comptables et sur le processus de normalisation
comptable en Tunisie.

Il ne s’agit là qu’un exposé sommaire des principales divergences et interférence entre les
règles fiscales et comptables. L’application éventuelle des normes IFRS va multiplier et
compliquer davantage les retraitements à opérer sur le résultat comptable. Il faut ainsi
éliminer tous les retraitements liés à la juste valeur, et éventuellement les amortissements en
résultant, éliminer toutes les provisions constituées (retraite, restructuration, démantèlement)
et dans certains cas revoir même le fait générateur de reconnaissance des actifs (actifs
résultant des contrats de concessions, immobilisations incorporelles, coûts de révision
majeure, charges reportées, pièces de rechange spécifiques) et les montants initiaux
capitalisés. Le processus de détermination du résultat fiscal devient ainsi complexe avec les
IFRS.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 79

L’approche des IFRS tranche complètement avec les règles fiscales car celles-ci sont traitées
à part. En Europe, seuls les pays où il n’y a pas de connexion entre comptabilité et fiscalité
ont pu généraliser l’application des IFRS au niveau des états financiers individuels (par la
convergence des normes nationales vers les IFRS) comme le cas des Danemark, l’Irlande, UK
et les pays bas. C’est le cas aussi des pays anglo-saxons comme l’Australie, la nouvelle
Zélande et le Canada. Le processus de généralisation des IFRS dans les autres pays de
l’Europe continentale se trouve bloqué à cause notamment du problème fiscal. En France par
exemple un groupe de travail « IAS/Fiscalité » a été crée par le CNC en 2003 dont l’objectif
est d’étudier les incidences fiscales qu’entrainaient l’application des IFRS au niveau des états
financiers individuels. L’une des conclusions majeures de ce comité est que certaines
divergences actuelles fiscalité-IFRS, remettent en cause les principes fiscaux actuels,
nécessiteraient des modifications les plus majeures des textes fiscaux.

Pour les pays appartenant à cette approche continentale deux options sont envisageables. La
première option consiste à maintenir la connexion comptabilité-fiscalité auquel cas il faut
simplifier le processus de calcul du résultat fiscal. Il faudrait, dans ce cas, maintenir les
mêmes définitions comptables des éléments des états financiers (actifs, passifs, capitaux
propres, revenus et charges) et les mêmes critères de reconnaissance initiale et de valorisation
ultérieure et limiter les retraitements fiscaux à la déductibilité de certaines charges ou
l’imposition de certains produits.

La deuxième option, consiste, à l’instar des pays anglo-saxons, à déconnecter complètement


déclaration fiscale des états financiers. Les sociétés auront à gérer deux systèmes de
reporting déconnectés : financier et fiscal. Cette option serait plus lourde à mettre en œuvre et
nécessite une réforme totale de la législation fiscale.

La Tunisie, dont les règles fiscales sont largement inspirées des règles françaises devrait
engager une réforme importante de l’approche fiscale si elle souhaite réformer son système
comptable.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 80

2.5 Un coût plus élevé pour le secteur financier

L’application des IFRS constitue un défi important pour les institutions financières et
nécessite un travail de recherche spécifique. Ce mémoire ne va pas aborder spécifiquement les
enjeux et les difficultés d’application des IFRS au secteur bancaire et des assurances. Dans ce
mémoire, nous allons aborder les problèmes généraux que poserait l’application des IFRS
pour les banques et les sociétés d’assurance tunisiennes. Notons qu’en Europe, les banques se
sont fortement opposées au passage IFRS 2005 en raison notamment de la complexité des
normes IAS 32 et IAS 39 et la volatilité des résultats générée par l’application de ces deux
normes. La Fédération bancaire européenne a mis en garde les autorités européennes contre
les risques liés à la mise en œuvre de la norme IAS 39. Les arguments avancés sont (a)
l’application de la juste valeur entraînerait une grande volatilité des résultats des
établissements financiers, ce qui renforcerait encore la volatilité des marchés financiers et (b)
la difficulté de l’établissement de la juste valeur liée surtout au manque d’efficience des
places européennes. Suite à cette pression exercée par les banques, la CE a adopté toutes les
normes IFRS à l’exception des normes IAS 32 et IAS 39. L’adoption de ces deux normes
n’est intervenue qu’après leur révision et notamment l’amendement de l’option juste valeur.
C’est ce principe de juste valeur ainsi que le traitement des dérivés qui sont à l’origine de
l’opposition des banques. La comptabilisation en juste valeur des instruments financiers du
portefeuille bancaire pourrait accroître la volatilité des résultats financiers de la banque qui
seraient influencés par les fluctuations à court terme du marché. En effet, les calculs des
résultats fondés sur les variations des prix de marché risquent d'être plus volatils que ceux
établis à partir du coût historique. Cette augmentation de la volatilité ne serait pas un élément
négatif en soi si elle correspondait à la réalité. Pour de nombreuses banques, les décisions
portant sur le portefeuille bancaire sont prises sur une base des prévisions de long terme et
non sur la base des fluctuations de court terme. Le bilan de la banque est composé en majorité
d'instruments non liquides (non cotés) qui comportent un risque de crédit. La volatilité des
résultats et des fonds propres de la banque résulte donc essentiellement des changements dans
la qualité du crédit et non des fluctuations à court terme du marché (le risque de taux étant
négligeable). Il en résulte donc une augmentation de la volatilité qui ne reflète pas la volatilité
économique sous-jacente de l'activité bancaire. De plus, les utilisateurs de l'information
comptable auront des difficultés à interpréter la volatilité et à isoler l'incidence des deux
facteurs - les fluctuations du marché et les cycles économiques - ce qui peut conduire à une

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 81

mauvaise allocation des fonds propres et à des stratégies d'investissement inefficaces -


augmentant par conséquent le coût du capital des banques.

Pour les banques tunisiennes, le problème de juste valeur sera moindre du fait que les
instruments financiers et la couverture ne sont pas encore très développés dans le marché
financier tunisien. L’impact significatif touchera les règles de dépréciations du crédit. Les
banques seront contraintes à développer des modèles économiques pour l’estimation des
provisions pour dépréciation des crédits étant donné que la méthode forfaitaire préconisée par
la BCT n’est pas conforme à la norme IAS 39. Ceci donnera lieu normalement à une
augmentation du niveau des provisions constatées actuellement par les banques tunisiennes
du fait que les règles IFRS sont plus strictes en matière de dépréciation des crédits.
L’application des règles internationales pourraient ainsi avoir un impact négatif sur les
capitaux propres des banques tunisiennes ce qui induit une augmentation du coût des
ressources des banques et donc de l’économie tunisienne.
Pour le secteur des assurances, la publication attendue de la révision de la norme actuelle
IFRS 4 (projet assurances phase II) va bouleverser les pratiques comptables de ces sociétés.
Elles seront désormais tenues de valoriser les contrats d’assurance détenus selon une quasi
valeur de marché (valeur actualisée des cash flow futurs). L’application de valeur de marché
aux contrats d’assurance en plus de l’application d’IAS 39 pour le portefeuille d’instruments
financiers détenus par les compagnies d’assurance entrainera une reconnaissance anticipée
des produits résultant des contrats d’assurance ainsi qu’une augmentation de la volatilité des
résultats et des capitaux propres des assureurs. Comme pour les banques, l’augmentation du
coût du capital serait ainsi l’une des conséquences de l’adoption des IFRS par les compagnies
d’assurance

CONCLUSION
A l’issu de ce chapitre, nous avons cerné les avantages et les difficultés d’application des
normes IFRS. La pertinence de l’information financière était l’avantage le plus cité des
normes IFRS comparaison faite aux normes locales, notamment pour les pays appartenant à
l’approche continentale. L’internationalisation de l’économie et des entreprises, la
comparabilité de l’information financière et le renforcement des mécanismes de
gouvernement d’entreprises font aussi partie des apports des normes IFRS. Toutefois,
l’application des normes IFRS n’est pas sans coût pour les entreprises européennes. Le

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 82

concept juste valeur en particulier suscite plusieurs critiques de la part des professionnels et
des entreprises. L’absence de marché et la volatilité des résultats et des capitaux propres sont
les principales difficultés d’application de la juste valeur, un principe de plus en plus
généralisé par les normes IFRS. La connexion entre la comptabilité et la fiscalité constitue
aussi une barrière de généralisation des IFRS en Europe. Ces facteurs, combinés à d’autres
considérations telles que la complexité et le coût d’implémentation des normes IFRS, ont
freiné l’application des IFRS en Europe en dehors des groupes cotés.
En Tunisie, l’application des IFRS apparait comme une solution urgente pour maintenir la
position de l’économie tunisienne à l’échelle internationale et dynamiser la bourse des valeurs
mobilières, qui continue à jouer un rôle marginal dans le financement de l’économie
tunisienne. En effet, l’application des IFRS serait un signe positif aux investisseurs en bourse
ainsi qu’aux investisseurs étrangers. Toutefois, compte tenu du coût élevé de la mise en place
des IFRS, il n’est pas économiquement justifiable d’étendre l’application des IFRS à toutes
les entreprises tunisiennes. Pour les PME, le coût sera disproportionné aux avantages
escomptés. Les IFRS ne sont utiles et obligatoires que pour les sociétés « ayant une obligation
de rendre des comptes » c'est-à-dire les entreprises présentant un intérêt public. L’objet du
troisième chapitre serait ainsi de délimiter le champ d’application des IFRS pour les
entreprises tunisiennes.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 83

CHAPITRE 3 : Les résultats de


l’étude : Après avoir adapter,
faut-il adopter les normes IFRS
en Tunisie

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 84

INTRODUCTION

Après avoir cerné l’impact potentiel des normes IFRS sur les états financiers des sociétés
tunisiennes ainsi que les éventuels avantages et inconvénients des normes IFRS pour les
sociétés et l’économie tunisiennes, nous nous intéressons dans ce chapitre à l’étude empirique
des modalités optimales de passage IFRS en Tunisie. Etant donnée la nature exploratoire de
cette problématique, nous avons opté pour une approche constructiviste basée sur des
entretiens avec des experts ayant contribué à la première réforme comptable en 1996. Les
entretiens porteront sur deux thèmes principaux :
- Le bilan d’application du SCE 1996 : ce premier thème nous permettra de collecter les
avis des experts sur le degré d’application du SCE par les sociétés tunisiennes ainsi que
les éventuels barrières ayant contribué au non respect de certaines normes (telles que
décrites dans le premier chapitre). L’objectif est de tirer leçon des erreurs et des fautes
commises lors du premier rapprochement avec les normes internationales en 1996 ainsi
que de dresser un bilan des apports du SCE sur les pratiques comptables en Tunisie; et

- Les modalités optimales du passage IFRS en Tunisie : cette partie constitue


l’aboutissement logique aux différentes autres parties du mémoire En effet, nous nous
proposons d’orienter les résultats de nos recherches, des entretiens que nous aurons menés
au niveau de ce chapitre, vers une proposition des modalités optimales du passage IFRS
en Tunisie. L’objectif ultime est de délimiter la population des sociétés tunisiennes devant
appliquer les IFRS ainsi que les différentes réformes et mesures devant accompagner une
éventuelle adoption des IFRS afin de réussir la transition. La méthode de collecte des
données, basée sur des entretiens auprès des experts du domaine, garantissait une richesse
des propositions qui seront formulées dans ce chapitre.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 85

1 LA METHODE : UNE DEMARCHE QUALITATIVE


Etant donné que la problématique du présent mémoire est de type exploratoire, la démarche
qualitative est la plus appropriée. En effet, l’objectif de ce travail est de cerner les modalités
optimales de passage IFRS pour les entreprises tunisiennes sur la base d’avis d’experts
concernés. Ces experts incluent les experts comptables, des experts en fiscalité et en systèmes
d’information L’étude exploratoire est ainsi utilisée pour permettre d’acquérir une vision
aussi complète que possible du problème. Une étude exploratoire, appelée aussi approche
« constructiviste » sera utilisée pour mieux formuler le problème et mener ensuite une
investigation précise. La méthode consiste à découvrir, à partir d’observations particulières,
des concepts qui peuvent être généralisés. Il s’agit en effet, de comprendre, à partir de la
revue de la littérature dans une première étape les enjeux du passage IFRS en termes
d’avantages et d’inconvénients pour l’économie tunisienne et de proposer ensuite les
modalités optimales de la réforme du système comptable actuel sur la base d’entretiens ciblés.
Selon Evard et al (2000), l’exploration d’un problème est utile dans plusieurs contextes,
notamment :
• L’exploration d’un problème vague afin de déterminer certaines propositions plus
précises ou d’hypothèses spécifiques ; et

• La compréhension d’un phénomène et son analyse en profondeur, avec toutes ses


subtilités ce qui ne permettrait pas une étude plus formalisé

La position épistémologique de la recherche, le constructivisme, et la démarche


méthodologique employée, la démarche abductive sont résumées dans le tableau suivant
(tableau 4).

Définitions

Le constructivisme (wacheux 1996)


La démarche a pour objectif d’expliquer la réalité en élaborant une
Position représentation par l’exercice de l’intelligence. Le chercheur produit
épistémologique des explications, qui ne sont pas la réalité, mais un construit sur une
réalité susceptible de l’expliquer.

La démarche est abductive (Thietart et al 2000)

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 86

L’exploration hybride consiste à procéder par allers-retours entre


des observations et des connaissances théoriques tout au long de la

Démarche de la recherche. Le chercheur a initialement mobilisé des concepts et

recherche intégré la littérature concernant son objet de recherche. Il va


s’appuyer sur cette connaissance pour donner du sens à ses
observations empiriques en procédant par allers-retours fréquents
entre le matériau recueilli et la théorie. La démarche est abductive
dans ce cas.

1.1 Fondements théoriques de l’approche qualitative.

1.1.1 Une approche constructiviste.

La question d’adoption des IFRS en Tunisie est une décision stratégique pour l’économie
tunisienne qui mérite d’être bien étudiée et réfléchie. Outre les aspects purement techniques,
l’adoption des IFRS pourrait avoir des répercussions importantes sur l’économie tunisienne.
Il faut bien ainsi cerner les enjeux d’une telle décision économique. Il faut rappeler toutefois,
que les normes internationales n’est pas un concept totalement innovateur pour les sociétés et
les professionnels tunisiens. Le SCE 1996, largement inspiré des normes IAS de l’époque,
marque le choix du normalisateur tunisien à l’époque d’une adaptation des normes
internationales. Ainsi, dans un objectif de compréhension, il serait intéressant de commencer
par cerner le degré d’application du SCE 1996 par les sociétés tunisiennes et les principales
difficultés rencontrées dans l’application de ce système, à travers des entretiens ciblés avec
des experts comptables. Il s’agit en fait de s’entretenir avec des experts comptables ayant
contribué à la mise en place du SCE 1996 et ayant accompagné les sociétés tunisiennes
pendant la période transitoire post plan comptable 1968 afin d’avoir une compréhension :
• Du degré d’application du SCE 1996 par les sociétés tunisiennes selon le type des
sociétés ;

• Les principales difficultés rencontrées par les sociétés tunisiennes et les professionnels
dans le passage au nouveau système ; et

• Les changements dans les pratiques comptables des entreprises tunisiennes

Cette approche permettra de tirer une leçon de la première expérience des normes
internationales en Tunisie et donc de cerner les erreurs commises par les sociétés, les

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 87

professionnels de la comptabilité et les autres acteurs économiques dans l’implémentation de


la nouvelle culture comptable internationale. L’objectif ultime est de proposer les modalités
de passage IFRS en Tunisie en cernant la population des sociétés tunisiennes pouvant et
devant appliquer les IFRS et les réformes fiscales, juridiques et professionnelles devant
accompagner la mise en place des IFRS, permettant de garantir la bonne application des
normes internationales . L’approche adoptée dans ce cas est une approche constructiviste dans
le sens ou la réalité sera construite sur la base d’avis de professionnels complétée par une
revue de littérature et d’une étude de terrain.
Pour les constructivistes, la réalité ne sera jamais indépendante de l’esprit, de la conscience
de celui qui l’observe ou l’expérimente. En conséquence pour les constructivistes la réalité
(l’objet) est dépendante de l’observateur (le sujet). Contrairement à l’approche positive, il ne
s’agit, pas d’expliquer la réalité mais de comprendre et participer à la construction de la
réalité des acteurs (Thiétart et al 2000). Le constructivisme selon Wacheux (1996) coïncide
avec une attitude ouverte de recherche plutôt qu’avec un paradigme définitif. La démarche a
pour objectif d’expliquer la réalité en élaborant une représentation par l’exercice de
l’intelligence. Le chercheur produit des explications, qui ne sont pas la réalité, mais un
construit sur une réalité susceptible de l’expliquer. Les conceptualisations, les discours des
acteurs, donc toutes les manifestations visibles sont des représentations du réel à l’origine de
l’émergence du questionnement. Dans une recherche constructiviste, la production de
connaissances et la validation ne peuvent être dissociées. Le constructivisme est donc à
l’opposé de l’empirisme logique puisqu’il travaille à observer, comprendre et proposer des
explications sur des phénomènes avant de les associer et de les réinterpréter. La validité de
ces recherches s’apprécie par leur pertinence, leur fécondité et leur force explicative.

1.1.2 L’utilisation de la démarche adductive.

Lorsque l’objectif est d’explorer, une approche abductive est appropriée puisque l’ont part
des observations pour arriver à une meilleure compréhension globale des phénomènes.
L’objectif de la recherche est de construire une théorie à travers la compréhension que l’on a
du phénomène. Glaser & Strauss (1967) définissent ainsi l’approche abductive (appelée aussi
approche inductive par opposition à approche déductive) « Dans un premier temps, le
phénomène est appréhendé par l’analyse des données, en dehors de tout a priori théorique. Sa
compréhension se traduit dans un second temps par la construction d’une théorie ou d’un
modèle ».

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 88

Pour l’exploration le problème de contextualisation ne se pose pas, en effet même si rien


n’oblige le chercheur à tester ensuite le résultat de son exploration, des auteurs (Glaser et
Strauss notamment) invitent les chercheurs à formuler le cadre nouveau théorique de manière
à ce qu’il soit testable par la suite.(Charreire. S et Durieux F, 2000).

Notre démarche empirique est présentée dans le graphique suivant :

Graphique 4. Démarche empirique.

Lois et théories universelles

Conceptualisations
Logique inductive (hypothèses, Logique déductive

modèles, théories)

Démarche Démarche
abductive hypothético
-déductive

Faits établis par Explications et


l’observation prédictions

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 89

Source (Thietart et al, 2000)

Notre démarche consiste à élaborer des propositions quant aux modalités d’adoption des
IFRS en Tunisie tout en exploitant les acquis et les difficultés de l’expérience du SCE 1996.

Nous avons dans une première étape cerné le degré d’application du SCE 1996 par les
sociétés tunisiennes, les principales difficultés rencontrées par les sociétés tunisiennes pour la
mise en place du SCE 1996 et les avantages et inconvénients attendus d’une application
éventuelle IFRS par :
• Une étude d’impact des IFRS sur un échantillon d’entreprises tunisiennes.
Cette étude a permis de dégager deux types de retraitements : des retraitements
liés à une mauvaise application des NCT par les sociétés tunisiennes et des
retraitements liés à des divergences entre les IFRS et les NCT ;

• Une étude comparative entre le référentiel international et tunisien. Nous avons


cerné à travers cette étude les principales divergences entre les IFRS et les
NCT. Nous avons aussi passé en revu les simplifications apportées par la
norme IFRS pour les PME ; et

• Une revue de littérature ayant étudié d’une part l’impact de l’application des
IFRS dans l’Europe dans le cadre du passage IFRS 2005 (notamment pour les
pays appartenant à l’approche continentale) et d’autre part les principales
difficultés rencontrées par les sociétés européennes lors de la préparation des
premiers états financiers en IFRS.

Après avoir, acquis une connaissance théorique du sujet, on a procédé à des observations
empiriques par des entretiens en profondeur avec des experts comptables et des spécialistes
en fiscalité très expérimentés, et qu’on a eu la chance de collecter leur avis et propositions en
la matière. Ces experts comptables ont contribué à la réforme de 1996 et sont très impliqués
dans les réformes et réflexions comptables actuelles. L’objectif est d’organiser les idées qui

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 90

ont émergé des observations, à travers l’analyse systématique des documents, des entretiens
et des notes de terrain en comparant les données pour produire une théorie bien construite. La
démarche abductive exige que « la collecte, le codage et l’analyse de données… soient
effectués ensemble autant que possible. Ils devraient s’estomper et s’entrelacer
continuellement, du début de l’enquête jusqu’à sa conclusion » (Glaser & Strauss, 1967).

Dans le cadre de cette méthode qualitative basée sur l’enquête, Glaser & Strauss (1967)
proposent trois critères de validité : l’acceptation interne qui se définit comme la validation
des explications proposées par les acteurs impliqués dans le processus de recherche ; la
saturation du terrain qui s’obtient lorsque les données recueillies n’apportent plus aucune
information nouvelle et qu’elles s’insèrent facilement dans les cadres établis ; la complétude
ou la cohérence interne concerne la logique interne des explications produites (absence de
contradiction, d’impossibilité ou d’erreurs majeures).

Le processus méthodologique s’effectue en plusieurs étapes. Tout d’abord, tout en


reconnaissant la pertinence et la portée des théories généralement acceptées dans son
domaine, le chercheur refuse de donner un rôle prééminent à une théorie préexistante
particulière en débutant une recherche. Dès lors, il ne revendique pas une neutralité
professionnelle et une absence totale de subjectivité. La question de recherche initiale,
appelée question générative, est large et se réduira peu à peu pendant le processus de
recherche (Richard, 2000).

Les idées collectées à travers les entretiens vont alimenter des propositions quant aux
caractéristiques des sociétés tunisiennes devant appliquer un référentiel comptable de qualité
tel que le référentiel international et les réformes nécessaires devant accompagner l’
implémentation des IFRS en Tunisie. Les propositions établies peuvent ensuite être utilisées
comme support pour l’établissement d’hypothèses testables dans le cadre d’une démarche
hypothético-déductive (comme l’exigent Glaser et Strauss, 1967).

Il convient toutefois de souligner que ce travail n’a pas la prétention de construire un système
théorique complet et cohérent. Il s’agira ici d’exposer très modestement quelques éléments
théoriques collectés sur la base d’entretiens permettant de sortir avec une proposition concrète
quant aux modalités de passage IFRS en Tunisie. Il s’agit donc d’un processus continu de

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 91

redéfinition de la stratégie de la normalisation comptable en reflétant les orientations des


professionnels de la comptabilité en Tunisie. Les propositions initiales sont révisées et
reformulées à la lumière des entretiens, de l’expérience professionnelle et de la revue de la
littérature. En donnant ainsi du sens aux observations, une théorie comptable complétée ou
modifiée émergera. C’est donc une vision fluide et flexible de la théorie qui est défendue,
l’explication étant constitutive de la théorie et de l’observation.

1.2 Le recueil des données

1.2.1 L’entretien : mode de collecte des données

Pour une recherche de type exploratoire, une analyse de documents au cas, quelques
entretiens avec des experts ou informateurs clés permettront d’identifier les aspects critiques
dans l’étude.(Pras et al 2000). Le recueil des données dans ce type de recherche est
caractérisé par :
• La faible taille d’échantillon compte tenu de la lourdeur et du coût de recueil
des données ;

• L’interaction observateur-observé et problèmes qui y sont liés, et

• L’observateur comme instrument d’analyse dans nombreux cas ou le rôle de


l’interprétation est fondamental (cas des entretiens)

La méthode de recueil de données est essentiellement par entretiens. Ce type de collecte de


donnée garantit une information pertinente, riche, en profondeur mais avec une fiabilité
moindre et une importance de l’interprétation de cette information.

Dans le cadre de ce mémoire on a choisi les entretiens semi-directifs comme méthode de


collecte des données. L’entretien consiste à interroger une ou plusieurs personnes qui par
leurs fonctions, leurs spécialités ou leurs expériences détiennent une expertise qui permettra
de mieux comprendre le problème posé, ses différents aspects et les points critiques à prendre
en compte. L’entretien semi-directif se déroule à partir d’un guide d’entretien défini au
préalable et qui liste les thèmes qui doivent être abordés dans le courant de l’entretien. Les
thèmes abordés ont donc été volontairement généraux : difficultés d’application du SCE 1996
par les sociétés tunisiennes, adoption des IFRS en Tunisie, réformes juridiques et fiscales. Le
guide d’entretien est présenté dans le tableau ci-dessous (tableau 4). Le guide d’entretien

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 92

peut être modifié si dans la dynamique de l’entretien le sujet aborde lui-même des thèmes non
prévus. Les sous-thèmes de la recherche ont été eux-mêmes déterminés par les interviewés ;
cela a permis au fur et à mesure que l’enquête progresse, de définir précisément la
problématique. Les relances de l’interviewer ont été de trois ordres : soit une réitération
lorsque l’interviewer estimait nécessaire l’explicitation d’une opinion ou d’une conviction
énoncée par l’interviewé ; soit une déclaration lorsque l’interviewé souhaitait connaître l’avis
de l’interviewer ou la tendance générale qui se dégageait des entretiens déjà menés ; soit une
interrogation pour ramener à l’objet thématique de l’entretien lorsque les points abordés
précédemment semblaient ne plus intéresser l’interviewé. Le recours à l’entretien semi-
directif a pour objectif l’exploration en profondeur. On recherche la richesse de contenu, sa
profondeur, sa diversité et sa qualité. On travaille donc sur un échantillon de taille réduite qui
n’a aucun objectif de représentativité au sens statistique du terme mais qui répondent à des
critères de pertinence de la structure de la population étudiée compte tenu du problème
spécifique de l’étude.

1.2.2 Le terrain.

Le choix a de la population a été délimité comme suit :


• Des experts comptables ayant participé à la réforme comptable de 1996 : Il s’agit
d’experts comptables expérimentés ayant contribué aux réflexions et à l’élaboration
du SCE 1996. Ces experts comptables ont accompagné aussi plusieurs sociétés lors du
passage SCE 1996 ;

• Des experts comptables impliqués dans les réflexions actuelles sur les modalités
d’application des IFRS en Tunisie ;

• Des experts comptables ayant une expérience dans le commissariat aux comptes de
sociétés appartenant à plusieurs secteurs (financier, industriel, pétrolier, services,..) et
de taille et type différents (PME, sociétés cotées, entreprises publiques,
multinationales, associations,..) ;

• Des experts comptables ayant des connaissances spécifiques en système d’information ;


et ;

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 93

• Des experts en fiscalité et en droit : Experts comptables, des conseillers fiscaux et des
cadres de l’administration fiscale.

1.2.3 La collecte des données

Des demandes d’entretien (par téléphone), ont été envoyées à 14 experts comptables et
fiscalistes Le taux de réponses est 100%.

La durée de l’entretien est de 45 minutes à une heure, un magnétophone a été utilisé. Les
thèmes abordés ont été inspirés de la revue de la littérature et de l’étude d’impact. Le guide
d’entretien était composé de deux questions générales et d’un certain nombre de thèmes à
aborder. Les deux questions générales sont les suivantes : « Comment jugez-vous le degré
d’application du SCE 1996 par les sociétés tunisiennes » et « Quelles sont les modalités
optimales de passage IFRS en Tunisie ». Les entretiens se sont déroulés de septembre à
décembre 2009. L’entretien porte sur les thèmes suivants :

Tableau 4. Guide d’entretien

1. Bilan du SCE 1996


a. Le degré d’application du SCE par les entreprises tunisiennes :
• Principales difficultés d’application du SCE
• Les normes ou les dispositions les plus difficiles à appliquer
• Avantages déjà acquis
b. Comment les sociétés ont géré le projet de passage au nouveau SCE et quelles sont les
fautes commises dans cette transition.
c. Rôle joué par le CNC et l’ordre des experts comptables.
d. Difficultés rencontrées par les auditeurs.
2. Modalités de passage IFRS en Tunisie :
a. Question générale adapter ou adopter ?
b. Avantage des IFRS pour l’économie tunisienne
c. Barrière à l’application des IFRS
d. Société éligibles aux IFRS : l’accent sera mis sur la délimitation du périmètre des sociétés
tenues de l’application intégrale des IFRS
e. Solution pour les PME : Norme internationale IFRS pour les PME
f. Réformes accompagnant le projet IFRS :
- l’obtention
Mémoire en vue de Réformedude la législation
diplôme fiscale
d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010

- Redéfinition des rôles du CNC


- Quiz des autorités du CMF ?
Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 94

1.3

1.4 L’analyse.

Le matériel recueilli par les entretiens a donné lieu à une analyse de contenu. L’analyse de
contenu, selon Bardin (1996), est un ensemble de techniques d’analyse des communications
visant par des procédures systématiques et objectives de description des messages à obtenir
des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l’inférence de connaissances relatives aux
conditions de production/réception de ces messages. L’analyse de contenu recouvre un
ensemble de techniques :
• Analyse syntaxique : structure du discours (exemple temps et mode des verbes.) ;

• Analyse lexicale : nature et richesse du vocabulaire (exemple fréquence d’apparition de


mots) ; et

• Analyse thématique : découpage par thèmes et fréquences d’apparition


Dans le cadre de notre démarche empirique seule l’analyse thématique paraît pertinente par
rapport à l’objectif de recherche.
Trois étapes ont été suivies pour l’analyse thématique :
• Pré analyse : il s’agit d’effectuer une lecture flottante et rapide de l’ensemble
des textes des entretiens (chaque entretien compte de 4 à 10 pages) pour faire
émerger les premières idées et affiner la problématique de l’étude. Chaque
entretien a été retranscrit intégralement dans une fiche (avec un petit travail de
synthèse) qui restitue les informations essentielles et les contributions à l’objet
de recherche. Une analyse entretien par entretien a été ainsi menée dans un
premier temps. L’objectif de cette lecture syntagmatique était de rechercher la
structuration spécifique de chaque discours mais aussi les répétitions
thématiques, mettant ainsi à jour la logique interne du processus de pensée de
l’interviewé (Bardin, 1996) Cette analyse séquentielle a ouvert sur une analyse
thématique transversale conduite dans un deuxième temps.
• Définition des règles opératoires de l’analyse : Dans cette phase on a choisi les
thèmes et les unités d’analyse. La structure du guide de l’entretien nous a

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 95

facilité le découpage des thèmes, on a retenu les mêmes thèmes structurés dans
le guide. L’unité d’analyse est une phrase entière ou un groupe de phrases.

• Exploitation du matériel : C’est la mise en œuvre des règles opératoires de


l’analyse thématique. Une fois les thèmes sont regroupés, on procède à une
analyse qualitative. Il s’agit d’apprécier l’importance des thèmes dans les
discours plutôt que de les mesurer. L’analyse qualitative va chercher à étudier
les unités d’analyse dans leur contexte afin de comprendre comment celles ci
sont utilisées. Exploratoire, la méthode d’analyse a permis, en partant des
discours eux-mêmes, d’identifier les thèmes abordés, de saisir les liaisons
entre les différents thèmes et de construire ainsi des propositions
d’interprétation. Cette analyse s’est peu à peu construite, au cours de
nombreux allers-retours entre les outils théoriques utilisés et les
retranscriptions d’entretiens, donnant jour à un canevas interprétatif. Les
résultats de cette analyse thématique sont présentés en annexe 2.
On tient à signaler qu’il ne s’agit que des propositions théoriques résultant d’une
interprétation personnelle des discours des personnes interviewées et que leur validation
nécessite une étude plus approfondie.

2 LES RESULTATS DE L’ETUDE EMPIRIQUE

2.1 Bilan du SCE 1996

Lors de l’adoption du SCE en 1996, le normalisateur tunisien a voulu rompre avec le modèle
à plan comptable prévalant à l’époque. L’objectif était d’accompagner l’économie tunisienne
qui voulait renforcer les exportations et accroitre la capacité concurrentielle des entreprises
tunisiennes. Un expert comptable explique ainsi les orientations du SCE 1996 : « Les
attentions de l’adoption du SCE étaient bonnes. On voulait aller vers un modèle comptable
qui épouse l’international. Comparativement à l’Europe, il y a avait deux modèles : un
modèle à cadre conceptuel et un modèle à plan comptable. Après diagnostic de
l’environnement tunisien, on a constaté que l’économie et les entreprises tunisiennes allaient
vers l’exportation des biens et services. Pour atteindre cet objectif et pour être compétitif, il
faut avoir un système de management sophistiqué. On a conclu qu’il faut migrer vers un
modèle à cadre conceptuel parce que dans un marché global on doit pouvoir parler un langage
international de comptabilité basé sur les normes internationales IAS. Parallèlement, la

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 96

Tunisie était basée sur une économie d’endettement. On voulait donc aussi migrer vers une
économie de marché pour diminuer l’impact de l’économie d’endettement. Tous ça a fait les
attentions qui ont poussé d’aller vers un modèle à cadre conceptuel.».

Le passage d’un modèle à plan comptable à un modèle à cadre conceptuel était un challenge
pour l’économie tunisienne. La question qui se posait lors de l’adoption du SCE en 1996 :
Est-ce que les sociétés tunisiennes et les professionnels de la comptabilité sont prêts à rompre
avec la culture de plan de comptes enracinée dans l’économie tunisienne. La majorité des
experts interrogés ont souligné l’apport du SCE 1996 en termes de changement de culture
comptable mais ont confirmé que son application n’était pas parfaite. Un expert comptable
résume ainsi le bilan d’application du SCE comme suit : « En gros, après 10 ans le système
tel qu’il a été conçu est globalement appliqué avec un degré d’application différent selon le
type des sociétés. Les banques par exemple ont mieux respecté le système et ce du fait que les
banques sont par définition les entreprises les plus grandes en Tunisie et sont donc mieux
outillées pour appliquer le système. Par ailleurs, la banque centrale a joué un rôle important
comme contrôleur de la bonne application du système. Les défaillances résident
essentiellement au niveau du chapitre de divulgation, le poids de la fiscalité qui a continué à
être en quelque sortes le driver de la comptabilité et une utilisation faussée de certains
concepts et méthodes comptables, parfois de bonne fois et parfois de bonne fois contestée
dans un objectif de lissage du résultat. Je fais allusion notamment à la norme sur les charges
reportées et la réévaluation des actifs.».

Les principales défaillances de l’application du SCE peuvent être résumées comme suit.

2.1.1 Aspects culturels

Lors de la réforme de 1996, la profession comptable et les sociétés tunisiennes n’avaient pas
encore la maturité pour rompre avec un modèle à plan comptable. Les empruntes du plan
comptable continuent à influer les pratiques comptables des sociétés tunisiennes. Ces propos
sont confirmés par un expert comptable qui pense que l’application du SCE était plutôt
satisfaisante sur le plan de la forme mais moins satisfaisante sur le plan du fond : « Le
problème est à mon avis un problème culturel. Le comptable tunisien est habitué à une
approche de plan de comptes. Il est donc habitué à des schémas de comptabilisation, à des

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 97

règles fermes claires et à des solutions clés en main. Les comptables tunisiens n’ont pas les
compétences pour juger, interpréter et analyser ».

Pour un deuxième expert comptable, ceci est du en grande partie à certains choix faits lors de
l’élaboration du nouveau système qui n’étaient pas partagés par l’ensemble des professionnels
tels que l’inclusion d’un nouveau plan comptable dans la norme comptable générale. Pour
plusieurs comptables, le SCE était perçu comme un « nouveau plan comptable » accompagné
d’un guide comptable comme l’illustre parfaitement un expert comptable « Lors de la
publication du SCE, j’ai eu des discussions avec un grand enseignant qui m’a dit que
finalement il n’y avait pas un grand changement. Vous avez changé des numéros de comptes,
il y a quelques changements au niveau de la présentation et vous avez ajouté des guides
supplémentaires de comptabilisation».

D’autres experts comptables défendent l’idée de l’inclusion d’un plan de compte dans la
norme générale par des aspects purement culturels et pédagogiques comme l’illustre ces
propos d’un expert comptable « La culture de l’époque était une culture de plan comptable et
de traitement systématique de l’information (imputations comptables des factures et des
pièces). Passer du jour au lendemain à un système à cadre conceptuel en disant aux
entreprises que le plan comptable c’est une cuisine interne à vous, ce qui est important pour
moi, c’est que vous me communiquez une information qui respecte des concepts et des règles
techniques tout en laissant la piste d’audit aurait été très choquant pour les entreprises
tunisiennes. Les comptables, voir même les professionnels, de l’époque n’étaient pas prêts à
rompre complètement avec le plan comptable. L’introduction de cette norme générale a
permis un passage en douceur au nouveau SCE. Elle a aussi servi aux entreprises qui ne sont
pas concernées par le nouveau SCE (en l’occurrence les TPE et quelques PME)».

Le deuxième objectif du plan comptable était de rompre avec l’ancien plan de comptes qui
inclut plusieurs incohérences et plusieurs comptes en contradiction avec les nouvelles règles
comptables comme l’illustre un expert comptable « Si on n’a pas inclus le nouveau plan de
compte, toutes les sociétés vont garder l’ancien plan de comptes. Il est vrai qu’on a adopté
une approche internationale, il est vrai qu’on s’est tourné vers une approche anglo-saxonne
mais il est aussi vari qu’on a une culture technico technicienne dans nos esprits depuis plus de
30 ans qu’il est impossible de la changer radicalement en un jour ».

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 98

En conclusion, les experts comptables pensent que l’inclusion du plan de compte dans la
norme générale a permis le passage en douceur du nouveau système comptable. Le problème
est plutôt culturel et transitionnel. L’accent était mis plus sur le plan comptable que le cadre
conceptuel alors que ce plan comptable était annexé à la norme générale en tant qu’outil
pédagogique optionnel. « Le problème est que ce plan de comptes est devenu l’élément clé,
voire la partie la plus importante du SCE pour plusieurs préparateurs de l’information
financière », conclut ainsi un expert comptable.

Notons que les aspects culturels constituent un phénomène universel et normal qui
accompagne tout changement de référentiel comptable. Plusieurs études menées en Europe
suite à l’entrée en application des IFRS, ont montré que le degré d’application des IFRS
diffère selon les pays. Ceci a été expliqué par l’existence d’une influence nationale et
culturelle sur l’interprétation des normes IFRS. D’autres l’expliquent par le manque
d’expérience en IFRS et la lourdeur du processus du premier passage IFRS. A cet effet, une
étude menée par PricewaterhouseCoopers (2006) a montré que divergences importantes
existent toujours au niveau de présentation des états financiers en IFRS des compagnies
d’assurances européennes. Une autre étude réalisée par KPMG (2006) montre aussi que les
pratiques existantes avant l’adoption des IFRS ont eu une influence importante sur les choix
de méthodes comptables lors du premier passage IFRS. C’est le cas par exemple de la
présentation des intérêts payés ou reçus au niveau de l’état de flux de trésorerie, le traitement
des subventions d’investissement, la comptabilisation des stocks, le traitement des charges
d’emprunt. Cette étude montre que les sociétés préfèrent continuer les mêmes méthodes
comptables, lors qu’elles sont autorisées par les IFRS, plutôt qu’à appliquer des traitements
de référence qui rendent mieux de la réalité économique pour certaines transactions ou qui
sont mieux adoptées à certains secteurs.

Dans une enquête menée par E&Y (2005) sur 65 sociétés européennes ayant adopté les IFRS
en 2005 appartenant à plusieurs secteurs d’activités, les auteurs ont conclu que la mise en
œuvre de la réforme (passage IFRS 2005) n’est que partielle. En particulier l’identité
nationale reste forte dans le choix des méthodes comptables. La plupart des sociétés
françaises ont fait des choix comptables lors du passage IFRS de façon à minimiser au

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 99

maximum les divergences par rapport aux pratiques comptables applicables selon le PCG
français avant le passage. « Les états financiers d’une société commerciale française en IFRS
rassemblent beaucoup plus aux états financiers d’une société industrielle française que les
états financiers d’une société commerciale allemande ou anglaise ayant adopté les IFRS »,
concluent les auteurs.

En conclusion, les aspects culturels constituent un facteur important à prendre en compte lors
de toute réforme comptable. A.Mabkhout (2006), en étudiant les facteurs ayant une influence
sur le choix et le développement de système comptable propre à un pays donné, identifie
l’aspect culturel comme facteur déterminent dans les choix comptables des dirigeants. Ainsi,
le degré de conservatisme, les attitudes vis-à-vis du monde des affaires et l’importance
accordée à l’information en général et à la communication financière en particulier agissent
tout naturellement sur le langage comptable emprunté dans un pays.

2.1.2 La population ciblée

L’un des choix stratégiques était de généraliser l’application du SCE à toutes les entreprises
tunisiennes, indépendamment de leurs tailles et leur vocation. A ce propos un expert
comptable souligne : « On n’a pas fait de système à plusieurs vitesses. On a décidé
d’appliquer ça à tout le monde. En adoptant le SCE 1996, la Tunisie était dans un stade
d’harmonisation beaucoup plus avancé que plusieurs autres pays, y compris l’Europe. Les
IAS de l’époque n’étaient pas utilisables du fait du nombre élevé des options. Je considère
que la Tunisie a fait un bon pas et le problème c’est que nous avons été plus rapides que les
autres (comparé à la France par exemple). Généraliser l’application du SCE à toutes les
entreprises tunisiennes était un défi. Il y a avait des dispositions dans les normes comptables
tunisiennes inapplicables pour certaines sociétés tunisiennes, en raison du coût ou d’absence
d’intérêt ». Un autre expert comptable ajoute, « Après plus de 10 ans d’application, on se
rendait compte qu’il fallait tout simplement tracer une ligne de démarcation entre les
entreprises. On aurait du exonérer les TPE, c'est-à-dire celles qui correspondraient au régime
forfaitaire en fiscalité, de toute obligation de tenir une comptabilité commerciale. »

Ces propos sont confirmés par les résultats de notre enquête présentée au niveau du premier
chapitre. Des dispositions comme l’approche par composantes pour les immobilisations

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 100

corporelles, les tests de dépréciation, l’amortissement économique n’étaient pas appliquées


par les entreprises tunisiennes.

Pour un deuxième expert comptable le degré d’application du SCE 1996 était différent selon
le type de société. Les sociétés d’intérêt public (comprenant les sociétés cotées, les
établissements financiers et certaines entreprises publiques) ainsi qu’une catégorie de PME
structurées ou les dirigeants (ou les organes de gouvernance) cherchent vraiment à avoir une
information pour qu’il puisse mener à bien la gestion de l’entreprise ont respecté le SCE dans
sa quasi-totalité à l’exception de quelques traitements fiscaux et un manque dans le contenu
des informations à fournir. Pour ces sociétés, l’objectif était d’éviter à tout moyen les réserves
des commissaires aux comptes en se conformant aux dispositions du SCE. Pour une
deuxième catégorie d’entreprises constituée par des PME de type familiale ou le propriétaire
est en même temps dirigeant (confusion entre le propriétaire et son entreprise) ainsi que pour
les TPE, le SCE était comme une contrainte légale et tout l’effort était de rechercher comment
contourner cette contrainte. L’objectif des dirigeants de ces sociétés était d’éviter tout ce qui
coûte soit de moyens de mettre en place ou ce qui pourrait amener à un résultat qui ne les
intéresse pas ».

Pour les PME tunisiennes, l’utilisateur principal était plutôt les dirigeants et dans un degré
moindre les actionnaires contrairement aux dispositions du cadre conceptuel tunisien ou les
utilisateurs externes (actionnaires et investisseurs en bourse) étaient les utilisateurs
privilégiés de l’information financière. « Ceci résulte d’une distorsion au niveau du cadre
conceptuel (venant de la pratique française) ou on a fait la confusion entre la comptabilité de
gestion et la comptabilité financière.», explique ainsi un expert comptable. Le normalisateur
tunisien voulait utiliser le système comptable aussi bien à des fins d’informations externes
qu’internes. La cadre conceptuel tunisien ajoute que les dirigeants des PME peuvent trouver
20
dans les états financiers un moyen de gestion. « On laisse croire que la comptabilité
financière pourrait être utilisée à usage interne et externe alors qu’elle sert fondamentalement
à usage externe. Est-ce que les dirigeants, même d’une PME, peuvent attendre le 25 mars

20
Cadre conceptuel de la comptabilité, §6

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 101

pour avoir un état de résultat par destination pour prendre des décisions de gestion de l’année
en cours » se demande un expert comptable.

2.1.3 Lien entre fiscalité et comptabilité

Sans s’étaler beaucoup sur ce point qui a été développé au niveau du premier et deuxième
chapitre, les experts comptables interrogés ont confirmé que ce lien était l’un des freins à la
bonne application du SCE 1996. C’est ainsi que la norme comptable N° 41 relative aux
contrats de location qui était prête depuis la publication du premier lot des 15 normes en
1996, n’a pu être approuvée que suite à l’introduction de nouvelles règles fiscales ayant
permis la déduction des amortissements des actifs acquis par voie de leasing. Toutefois, les
experts confirment que le problème ne réside pas dans le lien qui existe entre les règles
comptables et fiscales mais plutôt dans l’attitude des dirigeants tunisiens et dans un degré
moindre, le rôle joué par les commissaires aux comptes. En effet, ces divergences entre les
règles comptables et fiscales peuvent être gérées par l’intermédiaire du tableau de
détermination du résultat fiscal. « Il faut reconnaitre que la législation fiscale a trop évolué.
Personnellement, j’ai audité des bilans dans les années 1980 ou les règles fiscales étaient très
contraignantes. Aujourd’hui le législateur fiscal reconnait explicitement que le référentiel
comptable est le système de base de comptabilisation pour les sociétés », affirme ainsi un
expert comptable. Le vrai problème réside dans l’attitude des préparateurs de l’information
financière. Les dirigeants tunisiens sont toujours guidés par des considérations fiscales et
juridiques dans leurs choix comptables. Un expert comptable résume cette situation comme
suit : « Aujourd’hui la majorité des sociétés tunisiennes tiennent leurs comptes
particulièrement pour se conformer aux exigences fiscales et pour déterminer le niveau des
dividendes à distribuer. Pour les PME, le véritable système comptable c’est le système fiscal.
Et ça je peux le comprendre pour certaines PME dont le principale utilisateur des états
financiers n’est que l’administration fiscale ». Pour expliquer ce phénomène il faut tout
d’abord comprendre l’origine du problème. Le principal utilisateur de l’information
financière déclaré par le cadre conceptuel tunisien est l’utilisateur externe bailleur de fond. En
Tunisie, cet utilisateur externe pourrait être soit le petit porteur en bourse soit les banques. Du
fait de la limite du marché boursier tunisien, le rôle des petits porteurs est marginalisé en
Tunisie comme l’explique un expert comptable « Les petits porteurs qui sont les investisseurs
à risques qui auraient du exercer une pression sur le préparateur de l’information financière
sont marginalisés de part leur participation dans le capital ». Le deuxième utilisateur, à savoir
les banques, n’a pas joué pleinement son rôle de demandeur de l’information financière de

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 102

qualité. Les banques se basent beaucoup plus sur la garantie réelle que sur l’information
financière. Le volet information financière est toujours marginalisé au niveau des dossiers de
crédit alors que le dossier de garantie est bien documenté. Les règles de la banque centrale
accentuent la donne en donnant plus de poids à la garantie réelle lors du calcul de la
provision. Un expert comptable s’interroge « Une société qui a un historique de bénéfices et
de cashs flows et qui a un business plan raisonnable dégagent des cashs flows futurs ne peut
pas obtenir un crédit bancaire parce qu’elle n’a pas dans son actif des propriétés immobilières
pour offrir en garantie à la banque. Par contre un hôtel qui travaille à moins de 50% de sa
capacité, qui a un historique déficitaire et qui n’arrive pas à dégager des cash flows suffisants
obtient plus facilement un crédit bancaire parce qu’il a des constructions qu’il donne en
garantie. Les banques ont oublié que le personnel, la CNSS, l’administration fiscale et l’Etat
se font payer avant la banque ». En l’absence de pression de la part des investisseurs en
bourse, des autorités du marché financier, des banques et des établissements leasing,
l’administration fiscale a pu facilement imposer ses règles de comptabilisation aux sociétés
tunisiennes. Un expert comptable ajoute « Hélas que les commissaires aux comptes ont
manifesté une attitude laxiste qui a permis aux entreprises de se cacher derrière les règles
fiscales. Il faut dire toutefois, que la tache des commissaires aux comptes était compliquée à
ce niveau. Le commissaire aux comptes ne peut pas imposer des taux d’amortissement à la
société autre que ceux appliqués même s’ils sont conformes à la législation fiscale. Il s’agit
d’une estimation qui devrait être faite par le management et le commissaire aux compte n’a
pas assez de preuves techniques pour remettre en cause cette estimation.». Un deuxième
expert comptable ajoute : « Les CAC n’ont pas un grand pouvoir et ne peuvent pas
contrecarrer les choix fiscaux des sociétés. Finalement, le dernier mot, et toutes les recherches
l’ont démontré, revient à l’entreprise. L’entreprise a la possibilité de changer son CAC. Le
CAC qui respect l’éthique professionnelle, il peut influer les entreprises mais avec une
certaine limite. Pour que ça soit significatif, il faut que la masse des CAC se comportent de la
même manière ».

2.1.4 Absence de mise à jour

Depuis son entrée en vigueur en 1996, le SCE n’a pas connu une importante évolution.
Durant la période 1997 à 2009, seules des normes sectorielles (OPCVM, établissements
bancaires, assurances, OPCVM, microcrédit), cinq normes relatives à la consolidation et trois
autres normes techniques ont été publiées. Par ailleurs, les normes publiées en 1996 n’avaient

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 103

pas fait l’objet de mise à jour suite à l’évolution des normes internationales. Un expert
comptable résume la situation « Pour moi le vrai problème c’est la stagnation, on n’a pas
avancé le système depuis 1996. A part quelques normes sectorielles et de consolidation, il n’y
avait pas de nouvelles normes. Des normes comme l’information sectorielle, l’impôt différé,
abandon d’activité, avantages au personnel étaient prêtes depuis 1996. La volonté fait défaut.

Même les normes publiées en 1996 qui étaient conformes aux normes internationales ne le
sont plus aujourd’hui.». Pour un autre expert comptable « Le SCE est complètement amorti et
il est devenu pire qu’un modèle à plan comptable. ». Cette stagnation trouve son origine
essentiellement par la structure et les règles de fonctionnements du CNC qui ne favorisaient
pas la production de normes comptables. Les défaillances citées du CNC se résument comme
suit :
• Composition du CNC basée plutôt sur la représentativité et non sur la
compétence.

• Inexistence d’organe(s) permanent(s) issus du conseil en charge de la


réalisation d’un programme déterminé au cours de délais prédéfinis (ce qui
explique le faible niveau de production et la lenteur de réalisation des projets).
Un expert comptable membre du CNC illustre ce constat « Les réunions du
CNC étaient organisées pendant les heures creuses. Pendant les dernières
années, on se réunit sur des projets ou il y a 15 membres. Dans la réunion
suivante il y a 15 noms dont 3 uniquement ont assisté à la réunion précédente.
Il fallait donc repartir de nouveau. On n’évoluait pas parce qu’il n’ ya pas de
structure fonctionnelle.

• Forte participation de non membres du conseil de façon informelle sur la base


du volontariat. Un expert comptable illustre « Malheureusement aujourd’hui le
travail de normalisation, c’est un travail qui fait appel au volontariat et au
bénévolat et il est normal qu’il est difficile de maintenir le même niveau
d’enthousiasme pour ces gens la. D’ailleurs le SCE a vu le jour parce qu’il y
avait des fonds et il y avait des structures qui étaient rémunérées pour faire le
travail. Pour avoir un système comptable qui fonctionne, il faut un organisme
professionnel qui s’en occupe ».

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 104

2.1.5 Notes aux états financiers

L’ensemble des experts comptables interrogés ont mis le focus sur la faiblesse du niveau des
informations publiées par les sociétés tunisiennes au niveau des notes aux états financiers.
« Globalement, l’impression que je garde qu’on n’a pas appliqué convenablement les
dispositions du SCE en matière de présentation et de divulgation. Je n’ai pas audité un rapport
financier qui a été préparé conformément à l’esprit lorsqu’on a rédigé le SCE. Les gens ont
repris la forme et le contenant mais pas le contenu» affirme un expert comptable. Dans le
même ordre d’idées, un expert comptable ajoute « Les gens ont l’impression que les états
financiers, c’est le bilan et l’état de résultat voire un état des engagements pour les banques et
on oublie sciemment les notes aux états financiers. Les notes ne disent pas ce qu’elles
devraient dire ni dans les banques, ni dans les assurances, ni dans aucun secteur. Les notes
c’est le parrain pauvre du système. Il suffit de lire les états financiers publiés par les sociétés
cotées dans les journaux locaux ou les rapports annuels de ces sociétés pour situer le gap qui
nous sépare de l'information financière basée sur les IFRS »

Le faible niveau des informations publiées au niveau des rapports annuels des sociétés
tunisiennes a été expliqué principalement pour les raisons suivantes :
• Confidentialité de certaines informations financières : les dirigeants des
sociétés tunisiennes sont réticents en matière d’informations financières
divulguées dans les rapports annuels destinés aux actionnaires, y compris les
minoritaires. Un expert comptable explique « Sont très peu les entreprises qui
respectent le contenu minimum des notes aux états financiers parce qu’elles
l’exposent à des situations de divulgation qu’ils jugent confidentielles. Ce
constat s’applique aussi bien pour les grandes sociétés, les sociétés cotées et
les petites sociétés. Sont très peu les sociétés qui donnent des informations
complètes sur les transactions avec les parties liées. Le problème est beaucoup
plus lié à un aspect culturel qu’à la structure de capital de la société ou sa
taille». Les principales faiblesses de communication concernent les
informations sur les politiques comptables, les informations sur le périmètre de
consolidation, les regroupements d’entreprises, le calcul du coût des stocks, les
revenus et les informations sur les parties liées.

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 105

• Le coût de l’information : les notes aux états financiers dépassent le simple


exercice de divulgation d’informations complémentaires au bilan ou l’état de
résultat. En fait, certaines informations nécessitent des divulgations
quantitatives (comme s’il s’agissait d’un élément du bilan ou de l’état de
résultat). Un expert comptable illustre cette situation « Pour des raisons de
coût, certaines sociétés se contentent à divulguer certaines informations sans
inclure des éléments quantitatifs requis par les normes ». Des exemples sont
les informations sur les capitaux propres, certaines informations sur la
valorisation des stocks et sur les immobilisations, les informations sur les
placements, etc.

Ce problème sera beaucoup plus important avec l’adoption éventuelle des IFRS ou le niveau
et le contenu des informations à fournir sera beaucoup plus important que les NCT.

2.1.6 Gestion du résultat

Certains dirigeants se cachent ainsi derrières les règles fiscales et juridiques pour justifier
certains choix comptables. Le shopping de méthodes comptables constitue l’une des
manœuvres utilisées par les dirigeants tunisiens dans la pratique de lissage du résultat. En
procédant de la sorte, les sociétés tunisiennes cherchent à cacher leurs mauvaises
performances et leurs déséquilibres financiers. Un expert comptable explique « Il y a un
problème réel de performance des entreprises et un déséquilibre financier des entreprises
tunisiennes. La structure de financement des entreprises tunisiennes n’est pas parfaite Donc
les entreprises se basent sur des choix comptables pour le lissage du résultat et l’amélioration
des fonds propres et des ratios ». Un autre expert comptable se demande « On a développé
une nouvelle caractéristique de l’information financière en Tunisie, on parle désormais de
bilan bancable et non de bilan fiable. Les banques ne financent pas les pertes alors qu’elles
financent l’investissement. Les sociétés veulent donc par tout moyen activer les charges pour
capitaliser les pertes subies ».

Par ailleurs, le vide laissé par les normes comptables tunisiennes a permis aux préparateurs de
l’information financière du faire de shopping des méthodes comptables. Par exemple le
principe de réévaluation à la juste valeur n’a pas été explicitement admis par les normes
tunisiennes et n’a pas été par contre explicitement interdit. Ceci a conduit certaines

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 106

entreprises déficitaires à procéder à une réévaluation de leurs actifs afin de revaloriser les
capitaux propres. S’il est vrai que la réévaluation pourrait être justifiée économiquement, du
fait que l’actif en question pourrait prendre réellement de la valeur, mais les modalités
d’application de la méthode de réévaluation par les entreprises tunisiennes ne sont pas
conformes aux principes de la méthode (telle que la catégorie des immobilisations
susceptibles de la réévaluation et la fréquence de la réévaluation)

En conclusion, avec le SCE 1996, la Tunisie était l’un des pays pionniers à s’orienter aux
normes comptables internationales. Toutefois, on peut retenir les idées clés suivantes de
l’expérience SCE 1996 qui seront utiles pour une réforme du système comptable :

• Avec le SCE 1996, la Tunisie a opté pour la solution « Adapter » en préparant


un système comptable basé sur les normes internationales de l’époque. Cette
option, quoiqu’a permis la gestion de la transition d’un modèle à plan
comptable à un modèle à cadre conceptuel, a montré beaucoup de limites
comme décrites au par avant. « Dans les années 90, on était le pays qui a
anticipé le plus sur l’application généralisée des normes internationales et sur
le mouvement d’harmonisation internationale. On a même anticipé sur la
reconnaissance de l’OICV de l’IASB en 1995 alors que la Tunisie a déjà pris
l’option des normes internationales en 1993 et 1994. 1997 L’histoire nous
ainsi donné raison. La Tunisie était à ce moment là vu comme un pays
innovateur dans le domaine de normes comptables. Ça a donné une image
positive de la Tunisie. Avec la stagnation du système, on est en train de perdre
cette image. Il n’est plus désormais possible d’affirmer que notre système
comptable est conforme aux normes internationales, alors qu’un tel discours a
été pendant des années à juste titre soutenu et nous a valu la reconnaissance de
plusieurs organismes internationaux. Le choix de l’ouverture de la Tunisie est
irréversible. Notre position pionnière dans l’espace régional doit être retrouvée
et consolidée. Actuellement plus que 100 pays ont adopté les IFRS dans le
monde. La Tunisie ne devrait pas être dans la minorité des pays n’ayant pas
encore adopté les IFRS » affirme un expert comptable. Pour cela, Il est
impératif que la Tunisie passe sans trader à la deuxième étape, à savoir
« Adopter » », insiste ainsi un expert comptable.

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 107

• La généralisation du SCE 1996 à toutes les entreprises tunisiennes n’était pas


la solution optimale. Le SCE était sans intérêt pour une population des sociétés
familiales qui n’accordent pas d’importance à la qualité d’information
financière. Pour ce type de sociétés, le principal utilisateur des états financiers
était l’administration fiscale et se suffisaient de ce fait de publier des états
financiers dont la forme respecte le SCE alors que le fond se rapproche
beaucoup plus des règles fiscales que comptables. Pour les experts comptables
interrogés, cette situation est tout à fait normal et compréhensible. « Pas
d’intérêts, Pas d’actions », c’est le terme qui a été repris par tous les experts
interrogés.

• S’il est vrai que l’application du SCE n’était que partielle par les entreprises
tunisiennes, le SCE a toutefois contribué à la diffusion progressive d’une
nouvelle culture comptable et financière au sein des préparateurs de
l’information financière. Les préparateurs de l’information financière
maîtrisent de plus en plus certains concepts et principes comptables. Le SCE a
contribué à une nette amélioration de la qualité de l’information financière
produite par les entreprises tunisiennes depuis 1997. Un expert confirme ainsi :
«L’application était mitigée mais le SCE a introduit une culture comptable
révolutionnaire. La comptabilité a rehaussé son statut. Le comptable est petit à
petit passé d’un simple bookkeeper à un analyste qui exerce le jugement et
défend ses choix. Les comptables tunisiens ont évolué et ont désormais un
langage compréhensible. Ils peuvent motiver leurs choix, ils peuvent
argumenter certains choix comptables. Ils peuvent défendre la
comptabilisation d’une dépense en charges ou en actifs ».

• Un important acquis du SCE 1996 est celui relatif à la formation universitaire


et professionnelle. « L’un des apports magnifiques de cette réforme c’est tout
simplement l’éducation. La SCE a permis de diffuser une comptabilité de
vision anglo-saxonne et internationale qu’aucun pays similaire n’a connu à
l’époque. Que ce soit au sein des entreprises, maintenant on sait manipuler les
normes comptables et surtout l’enseignement illustré par le niveau des
diplômés qui ont incarné les normes internationales. On a de plus en plus
d’étudiant spécialistes en normes internationales qui expliquent leurs choix, les

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 108

règles comptables, les standards qu’ils appliquent susceptibles de convaincre


les plus résistants, les moins initiés », illustre ainsi un expert comptable.

Le principe partagé par les personnes interrogées est la nécessité du passage aux normes
internationales pour la Tunisie. Un expert comptable confirme ainsi « La comptabilité est un
langage. Si on décide d’être dans le monde et si on veut communiquer avec l’environnement
externe, il faut qu’on parle IFRS et ça pour toute entreprise qui fonctionne dans
l’environnement international. On ne peut pas empêcher la circulation des capitaux et donc la
mobilité des investissements, les opérations de fusion et d’acquisitions. Ces opérations seront
plus faciles à réaliser et plus sécurisées si on adapte un langage comptable international.
Maintenant je ne vois pas que la Tunisie, qui est un petit pays dont l’économie est basée sur
les investissements étrangers, ne migre pas vers les IFRS. C’est une question de
compétitivité de l’économie nationale. L’en jeu est très important pour l’économie tunisienne.
Il faut privilégier l’application directe des IFRS, plutôt que perdre le temps et les moyens
d’adapter les IFRS». Toutefois, si la question d’adoption des IFRS en Tunisie semble
tranchée par l’ensemble des professionnels, la question la plus important à débattre concerne
les modalités du passage IFRS. Des questions importantes devraient être débattues et résolues
avant d’adopter les IFRS :
• Quelle est la population des sociétés tunisiennes qui seraient éligibles aux
IFRS ?

• Quelles sont les réformes devant accompagner l’adoption des IFRS en


Tunisie ?

• Quel est le rôle du CNC après l’adoption des IFRS ?

Proposition 1 Après avoir adapter, il faut adopter les normes internationales IFRS en
Tunisie. Le SCE 1996 a permis de gérer la transition entre le modèle à plan comptable au
modèle à cadre conceptuel. Après l’expérience SCE 1996, les sociétés tunisiennes et
l’économie tunisienne sont bien préparées pour migrer aux normes IFRS ;

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 109

2.2 Mode d’adoption des normes IFRS en Tunisie

Plusieurs études se sont intéressées à déterminer les facteurs influant le choix des politiques
comptables pour les entreprises. Parmi, ces études on cite celle de Marion (2006) qui a
identifié trois critères déterminants pour l’application volontaire des IFRS pour les sociétés
françaises:
• L’attirance pour les IFRS : La structure du capital de l’entreprise oriente le
choix du référentiel comptable. En vertu du cadre conceptuel international,
l’information, financière est orientée en premier lieu pour les investisseurs à
risque qui ne dirigent pas l’entreprise. Les IFRS ne sont pas donc conçus
lorsque le dirigeant et en même temps le principal actionnaire et souhaite le
rester. Si l’entreprise à pour culture de type « pour vivre heureux, vivons
cachés », il est probable que son attirance pour les IFRS soit faible. Par
ailleurs, si la société génère des excédents de trésorerie et n’a pas besoin de
financements à long terme (En d’autres termes elle s’autofinance), l’intérêt des
IFRS reste aussi faible. L’environnement dans lequel opère la société est aussi
déterminent dans le choix des IFRS. Par exemple, si les groupes, aux quelles la
société se compare et se mesure, sont des groupes internationaux, le choix des
IFRS s’impose contrairement à la situation ou il s’agit de groupes locaux à
capital fermé.

• L’opportunité du changement : Si une société est en cours de réorganisation de


son processus de consolidation et de changement de son système
d’information, il serait opportun d’intégrer les IFRS à la réflexion en cours,
même si son attirance stratégique pour les IFRS est faible. Plus l’entreprise est
satisfaite de son organisation actuelle et son système d’information, moins le
passage IFRS semble opportun. Il convient aussi de s’interroger sur la qualité
de remontée de l’information des filiales. Les IFRS permettent une plus grande
homogénéisation des informations remontées vers le groupe qu’un référentiel
français imposées pour des filiales étrangères.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 110

• La nature et la complexité des opérations : La complexité d’un éventuel


passage IFRS dépend de la nature des transactions engagées et des options
comptables retenues. L’internationalisation des opérations et des activités de la
société est un élément en faveur de l’adoption des IFRS. Par ailleurs, les
sociétés devraient tenir de la complexité des opérations et de l’opportunité de
migration IFRS. Si l’entreprise fournit des prestations de services complexes,
la reconnaissance du chiffre d’affaires pourrait être différente avec les IFRS.
Un tel constat permet de prévoir deux choses : d’une part le coût du passage
sera plus élevé et d’autre part l’impact sera important. En parcourant les
principaux éléments des états financiers qui peuvent être affectés par les IFRS,
on pourra identifier ponctuellement d’éventuelles opportunités ou risques. Par
exemple si la valeur comptable nette des immobilisations est significativement
plus basse que leur valeur de marché, il existe une opportunité en passant aux
IFRS et procéder à leur réévaluation. Cette opportunité est sera d’autant plus
importante que l’on a identifié le ratio dettes sur capitaux propres comme un
indicateur significatif pour les utilisateurs des états financiers.

A.Mabkhout (2007), propose le modèle suivant pour le passage IFRS en Tunisie, « Pour
protéger les dirigeants, les auditeurs, ... et les lecteurs des états financiers, je propose, tout
sagement, la mise en œuvre d'un modèle comptable à deux vitesses qui sera de nature à
crédibiliser l'information financière publiée. Ainsi, les sociétés qui cherchent à financer leurs
investissements par des concours externes – boursiers ou bancaires – s'obligent de respecter
"religieusement" les préconisations des IFRS – Light ou non –. Toutes les autres entreprises –
à financement interne - peuvent éviter le recours à des "traitements comptables" coûteux et
inutiles pour n'observer pertinemment que des "règles fiscales" véhiculées par un modèle à
plan comptable

Cela n'empêche pas ces entreprises "fermées" – petites ou grandes – qui envisagent leur
développement à travers des financements externes de vouloir changer de cap et de
confectionner une véritable stratégie, un Business Plan approprié.... et des états financiers
conformes aux normes IFRS. La décision d'ouverture vers les "bailleurs de fonds externes"
s'accompagne, pour ces entreprises, d'un passage obligé vers la Transparence et la Bonne
Gouvernance. ». Cette stratégie d’adoption des IFRS en Tunisie, reprend parfaitement les

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 111

propositions faites par les experts comptables interrogés dans le cadre de ce travail. Un expert
comptable résume ainsi l’approche d’adoption des IFRS en Tunisie : « Les entreprises qui
deviennent candidates à des projets de rapprochement doivent se mettre aux IFRS. Le terme
rapprochement et large et inclut, des investisseurs étrangers, l’accès à un marché de capitaux,
l’accès à des bailleurs du fond du marché monétaire. Ces entreprises doivent parler le même
langage qui sont forcément les entreprises les plus importantes. J’exclue de cette population
les PME locales qui s’autofinancent qui n’ont aucun avantage à retirer des autres acteurs ».

Dans ce qui suit nous allons détailler d’avantage cette approche proposée en expliquant les
avantages d’une telle approche.

2.2.1 Les entités à intérêt public

L’application des « full IFRS » pour les entités à intérêt public paraît comme une mesure
nécessaire et urgente pour les experts interrogés. Pour la définition des EIP, les experts
renvoient à la définition internationale des entités à responsabilité publique requises
d’appliquer les IFRS, adaptée au contexte tunisien en intégrant les aspects particuliers de la
loi sur la sécurité financière.

En vertu de la norme IFRS pour les PME, les entités à intérêt (responsabilité) public sont les
entités ayant les caractéristiques suivantes :
• Les entités dont les instruments de capitaux propres ou de dette sont négociés sur un
marché actif (local ou étranger) ou les entités ayant l’intention d’émettre de tels
instruments sur un marché actif ; et

• Les entités dont le business consiste à détenir et gérer des actifs dans une capacité
fudiciaire pour le compte d’un groupe de détenteurs tels que les banques, les
compagnies d’assurance, les intermédiaires en bourse, les fonds mutules et les
banques d’investissement.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 112

En vertu de cette définition, sont considérées comme entités à intérêt public :


a) Les sociétés faisant appel public à l’épargne telles que définies par l’article 1 de la loi
n° 94-117 du 14 novembre 1994 portant réorganisation du marché financier :
• Les sociétés qui sont déclarées comme telles par leurs statuts ;
• Les sociétés dont les titres sont admis à la cote de la bourse ;
• Les banques et les sociétés d'assurances quelque soit le nombre de leurs
actionnaires ;
• Les sociétés dont le nombre d'actionnaires est supérieur ou égal à cent ;
• Les Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières ;
• Les sociétés et les organismes autres que les organismes de placement collectif en
valeurs mobilières qui, pour le placement de leurs titres, recourent soit à des
intermédiaires, soit à des procédés de publicité quelconques, soit au démarchage ;
• Les sociétés dont les titres de crédit sont négociés sur un marché actif ;
• Les sociétés ayant l’intention d’émettre des titres de crédits ou des instruments de
capitaux propres sur un marché actif ;
b) Les établissements de crédit ; et
µ

c) Les sociétés d’assurance

L’adoption des IFRS pour les sociétés cotées permettrait de renforcer la protection des
investisseurs à la bourse et va nécessairement dynamiser et internationaliser les
opérations dans la bourse tunisienne. (Jermakowiz et Gornik ,2006) montrent que les
pays voulant renforcer la protection des investisseurs à la bourse ont tendance à
appliquer les normes IFRS. Ceci est expliqué par le fait que pour ce type de pays, les
sociétés familiales sont les sociétés dominantes de l’économie ce qui est de nature à
décourager les investisseurs minoritaires à des prises de participation dans ce type de
sociétés. Les IFRS constituent est un moyen d’imposer à ces sociétés familiales,
politiquement très puissantes, une obligation d’un reporting financier fiable et
pertinent. Le recours à la solution alternative de révision des lois et des systèmes
locales pourrait prendre un temps important et donc s’avérer inefficace étant donné le
pouvoir important (lobbying) que jouit ces sociétés dans le processus législatif et
économique.

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 113

En plus de ces entités répondant à la définition internationale d’entités à intérêts


publics, les experts interrogés ajoutent une deuxième catégorie d’entreprises
représentant un intérêt économique important au niveau national et ne faisant pas
APE, il s’agit des trois cas suivants :

d) Les entreprises publiques à vocation commerciale : étant donné que ces entreprises
gèrent des fonds publics, elles sont donc redevables d’une information financière
fiable envers le public. Par ailleurs, du fait du contexte historique et économique
tunisien, les entreprises publiques à vocation commerciale continuent à jouer un rôle
important dans l’économie tunisienne, même si rôle a nettement diminué suite à la
politique de privatisation entamée depuis le début des années 1990. En effet, le
Tunisie appartient au modèle économique de l’Europe Continentale caractérisé par un
rôle prépondérant joué par l'Etat dans l'administration des affaires économiques du
pays et dans la gestion de ses ressources. Les pouvoirs publics ont donc souvent
favorisé le financement des entreprises publiques et étaient tout naturellement
intéressées par l'information financière divulguée par ces entreprises et par le
référentiel comptable qui la gouverne. L’adoption d’un référentiel international pour
les entreprises publiques à vocation commerciale ne va donc que contribuer à la
pertinence des informations publiées par ces entreprises publiques qui sont destinées
aussi bien pour les pouvoirs publics que pour les contribuables qui financent
indirectement ces entreprises. (A. Mabkhout 2005) affirme ainsi : « Si on admet,
aisément, la pertinence de l'application du SCE dans sa plénitude par les sociétés
cotées à la Bourse de Tunis, on devrait accepter, volontairement, que tous les
contribuables - quitte de leurs impôts - ont le droit d'exiger que les sociétés publiques
soient assimilées, en termes d'information financière, à des sociétés cotées. Cette
exigence semble être, tout à fait, plausible surtout lorsqu'on sait qu'un investisseur à la
Bourse prend seul le "risque" - et en assume l'entière responsabilité - de décider ou
non de financer l'entreprise cotée, alors que le contribuable ne fait pas - et délègue
d'office aux pouvoirs publics - le choix des entreprises publiques qui méritent d'être
subventionnées ou créées. Ainsi, le Management des entreprises publiques a
l'obligation de rendre compte non seulement aux organes de contrôle de l'Etat mais
aussi - et surtout - au large public et ce, en se référant aux normes comptables les plus
actuelles et les plus exigeantes à savoir les IFRS.». Notons que le CANADA, qui

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 114

prépare actuellement la transition IFRS 2011, a aussi inclut les entreprises publiques à
vocation commerciales dans la population des sociétés devant appliquer les IFRS à
l’horizon 2011.

e) Les associations à but non lucratif puisqu’elles se financent par l’argent du public
(sous formes de subventions de l’Etat ou des contributions et des dons des tiers) ; et

f) Les sociétés dont le total de leurs engagements auprès des établissements de crédit et
l’encours de leurs émissions obligataires dépasse un certain seuil : Considérant la
similitude des motifs et objectifs, le seuil d’endettement bancaire de 25 MTND retenu
dans le cadre de loi n° 2005-96 du 18 octobre 2005 relative au renforcement des
relations financières pourrait être retenu pour l’application des IFRS.

L’inclusion des sociétés ayant un endettement bancaire supérieur à 25 MTND est expliquée
par le fait que l’économie tunisienne est basée en premier lieu sur l’endettement bancaire. En
effet, du fait de la limite du marché boursier tunisien, les entreprises tunisiennes continuent à
préférer l’endettement bancaire sur l’autofinancement ou la bourse. Les banques tunisiennes
sont donc le premier utilisateur de l’information financière en Tunisie et peuvent ainsi jouer
un rôle important dans la promotion de la qualité de l’information financière publiée par les
entreprises tunisiennes. Toutefois, et comme souligné par les experts comptables, le constat
général est que l’information est très peu utilisée par les banques tunisiennes dans les
décisions d’octroi de crédits et le suivi des relations. La consultation des états financiers et
des rapports de gestion n'est souvent qu'une simple formalité dans le processus d'étude du
dossier de crédit. Les banques continuent à privilégier la garantie réelle plutôt que
l’information financière qui pourrait déterminer la capacité du créancier de dégager des cashs
flow permettant le remboursement de sa dette. Dans un rapport récent, la banque mondiale a
conclu que qu’en dépit de l’engagement des autorités tunisiennes à soutenir les privés dans
leur quête de financement, la garantie bancaire demeure, hélas, la règle pour toute demande
de crédit (Abou Sarra, 2010). Un commissaire aux comptes critique ainsi le système d’octroi
des crédits par les banques tunisiennes « Apres beaucoup d’efforts on est arrivé à réduire le
taux de créances classées au niveau des banques. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’on avait
5 milliards de créances des banques accrochées. Pourtant la banque a des garanties
hypothécaires, il n’y a pas une preuve plus concrète pour dire que la garantie réelle n’est pas
la bonne solution pour la banque. La garantie réellement réelle, c’est la capacité de
l’entreprise à générer des cash flow pour honorer ses engagements. Tout ceci va se

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 115

concrétiser au niveau des états financiers, dans la valeur prédictive de l’information


financière, dans des règles d’évaluation qui ne cachent pas des actifs fictifs ou qui ne tolèrent
pas des passifs non comptabilisés ou des passifs éventuels non renseignés». En accordant un
poids plus important à l’information financière dans les décisions d’octroi des crédits aux
clients, les banques peuvent ainsi jouer un rôle important pour imposer la bonne application
du référentiel comptable par les entreprises tunisiennes. « Cette manière de voir les choses a
le mérite de n'allouer les capitaux appartenant à des tierces personnes (déposants et
actionnaires des banques, contribuables et trésor public, …) qu'à ceux qui s'engagent
véritablement à adhérer aux standards les plus élevés en matière d'information financière. »,
justifie ainsi un expert comptable l’inclusion de ce type de sociétés dans les EIP.

Concernant la question d’adoption des IFRS au niveau consolidé ou individuel, plusieurs


experts comptables ont souligné que la limitation des IFRS au niveau consolidé uniquement
ne pourra pas garantir la bonne application des IFRS comme l’explique un expert comptable
« Pour ceux qui prétendent appliquer les IFRS au niveau des états financiers consolidés
uniquement, c’est du non sens à mon avis. D’après ma compréhension, c’est que le bilan
consolidé est un ensemble de bilans individuels. Si vous n’avez pas des états financiers
individuels en IFRS, comment vous pouvez établir des états financiers consolidés IFRS ? Ça
sert à quoi d’établir des états financiers en normes locaux puis les retraiter en IFRS. Il faut
imposer les IFRS à toutes les sociétés faisant partie du périmètre de consolidation d’un
groupe tenu d’appliquer les IFRS ». L’option européenne de limiter l’application des IFRS au
niveau consolidé constitue une solution transitoire et efficace pour réactiver le processus
d’harmonisation comptable en Europe. Cette solution permet une entrée en application
immédiate des IFRS en Europe et de donner plus de temps aux pays européens (notamment
ceux appartenant à l’approche continentale) de revoir leur système fiscal et législatif de façon
à rendre possible la généralisation des IFRS au niveau individuel. D’ailleurs, l’Union
européenne encourage vivement les pays membres à étendre l’application des IFRS au niveau
individuel et aux sociétés non cotées. En Tunisie, il serait plus opportun et efficace
d’appliquer directement les IFRS au niveau des états financiers individuels des sociétés
faisant partie du périmètre de consolidation des entités EIP, sous réserve d’accompagner cette
mise en place des IFRS par des réformes juridiques et fiscales dont on discutera
ultérieurement

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 116

Proposition 2 : Les entités à intérêt public (« EIP ») définies comme suit :

a) Les sociétés faisant appel public à l’épargne tels que définis par l’article 1 de la
loi n° 94-117 du 14 novembre 1994 portant réorganisation du marché financier
b) Les sociétés dont les titres de crédit sont négociés sur un marché actif
c) Les sociétés ayant l’intention d’émettre des titres de crédits ou des instruments
de capitaux propres sur un marché actif
d) Les établissements de crédit
e) Les sociétés d’assurance
f) Les entreprises publiques à vocation commerciale
g) Les associations à but non lucratif
h) Les sociétés dont l’engagement envers le secteur bancaire dépasse le seuil de 25
MTND
i) Les sociétés dont le total de leurs engagements auprès des établissements de
crédit et l’encours de leurs émissions obligataires dépasse le seuil de 25 MTND

doivent appliquer les normes internationales IFRS au niveau des états financiers
individuels et consolidés. A cet effet, les sociétés retenues dans le périmètre de
consolidation d’un groupe dont la société mère est une EIP doivent appliquer les IFRS au
niveau de leurs états financiers individuels;

2.2.2 IFRS pour PME : Une opportunité pour les entreprises tunisiennes.

Si l’adoption des IFRS au niveau des états financiers consolidés des groupes européens cotés
a reçu l’unanimité des Etats membres de l’UE, la généralisation des IFRS aux sociétés non
cotées reste une question qui partage les experts européens. La complexité, la connexion entre
la comptabilité et la fiscalité, le coût et l’utilité des IFRS sont les arguments avancés par les
opposants à la généralisation des IFRS aux sociétés non cotées qui sont en majorité qualifiées
de PME. La réaction de l’IASB n’a pas tardé et une nouvelle norme IFRS pour les PME a été
publiée en juillet 2009. Cette norme vise à réduire la complexité de certaines normes en
éliminant certaines options et certains guides détaillés d’implémentation (qui ne sont pas
généralement applicables aux PME), en simplifiant certaines règles de reconnaissance et de
mesure et en réduisant le volume des notes aux états financiers. En retenant les mêmes
principes de base du cadre conceptuel des « full IFRS », cette norme permet de rendre les
IFRS accessibles aux PME et de maintenir en même temps la comparabilité de l’information

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 117

financière entre les EIP et les PME. Pour Packter (2007), le premier utilisateur des états
financiers des PME sont les banques (fournisseurs de capitaux) qui se basent sur les états
financiers pour les décisions de financement. Les banques ont besoin donc d’informations
fiables et comparables (notamment pour les sociétés travaillant à l’export). Les banques se
basent aussi sur les notations octroyées par les agences de notation qui elles mêmes se basent
sur des critères financiers qui devraient être harmonisées. Des organismes internationaux tels
que l’IMF (International Monetary Fund), la banque mondiale et les banques régionales de
développement s’appuient aussi sur l’information financière dans l’allocation des ressources
aux pays. L’harmonisation comptable pour les PME permet une meilleure compréhension et
comparabilité de l’information financière et donc une allocation plus optimale des ressources

Si on revient à la définition des PME, la norme internationale IFRS pour les PME, les définit
comme étant:
• Les sociétés qui n’ont pas une responsabilité publique, c'est-à-dire ne faisant
pas partie des entités à intérêt public comme définies ci-dessus ; et

• Les sociétés qui publient des états financiers pour des utilisateurs externes. Ces
utilisateurs externes peuvent inclure les actionnaires qui ne sont pas impliqués
dans la gestion de l’entité, les bailleurs de fond et les agences de notation
externe

En interrogeant les experts comptables sur la question d’application des IFRS pour les PME,
ces derniers, ont souligné l’obligation pour les PME de respecter un système comptable
garantissant une information financière comparable aux EIP tout en allégeant le coût de
l’information financière pour les sociétés. La norme IFRS pour les PME permet ainsi de
répondre à ces deux soucis de pertinence et coût. Les PME tunisiennes éligibles à cette norme
sont ainsi délimitées par les experts comptables interrogés, comme étant les PME autre que :
• Les PME de type familiale où les actionnaires sont en même temps
gestionnaires et dirigeants (A l’instar de la définition internationale). Dans ce
type de sociétés, les utilisateurs externes sont constitués principalement par les
autorités fiscales ou des instances gouvernementales. Les dirigeants qui sont
en même temps actionnaires ont déjà accès à l’information financière. Même
si ces sociétés recourent aux endettements bancaires, les crédits ne sont pas

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 118

généralement importants et sont suffisamment couverts par des garanties


réelles. Les informations financières sont généralement communiquées aux
banques afin de respecter la règlementation et non pas à des fins d’exploitation
de son contenu ; et

• Les PME faisant partie des entités à intérêt public, c’es à dire les sociétés
ayant dépassé le seuil d’endettement bancaire de 25 MTND.

L’adoption des normes internationales pour les PME tunisiennes, qui constituent l’acteur
majeur de l’économie tunisiennes (d’ailleurs comme partout dans le monde), permet de
consolider l’ouverture de notre économie sur le marché mondial. Un expert comptable
affirme « Il faut attirer les investisseurs étrangers par la qualité de l’information financière
publiée par les PME tunisiennes. Ces sociétés peuvent trouver un intérêt certain à emprunter
des normes comptables d'audience internationale chaque fois qu’elles visent à tisser des
relations de partenariat avec des étrangers. Ces derniers sont souvent sensibles à la
transparence que leur procure l'usage de normes comptables du type IFRS». En effet, des
études sur les sociétés européennes ayant adopté volontairement les IFRS (GAAP 2002,
Guerrero 2007 ) montrent que le caractère international des opérations et la taille des sociétés
(effectifs, revenus, total actifs) sont les deux critères déterminants pour l’application
volontaire des IFRS. Le recours aux IFRS donne plus de crédibilité aux informations
financières divulguées. En conséquence, leurs relations commerciales avec leurs partenaires
étrangers (Actionnaires, clients, fournisseurs) vont être améliorées. Par ailleurs, l’application
des IFRS au niveau de ces PME tunisiennes, permettra à ces entreprises tunisiennes de se «
benchmarker » par rapport à l’international et de s’intégrer dans l’économie mondiale. Un
expert comptable définit ces PME comme des entreprises à intérêt économique « Les
entreprises qui ont besoin de s’exposer au marché international doivent appliquer un
référentiel compris, accepté et reconnu par des utilisateurs ultra-nationaux donc
nécessairement un référentiel international, telle que la norme IFRS pour les PME . Ces
entreprises jouent un rôle important dans l’économie tunisiennes et sont qualifiées d’entités à
intérêt économique (non public) ».

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 119

Proposition 3 : Les PME à intérêt économique définies comme étant les :

a) Les sociétés qui ne font pas partie des entités à intérêt public ; et
b) Les sociétés qui publient des états financiers pour des utilisateurs externes. Ces
utilisateurs externes peuvent inclure les actionnaires qui ne sont pas impliqués dans la
gestion de l’entité (c'est-à-dire les actionnaires non dirigeants), les bailleurs de fond et
les agences de notation externe

doivent appliquer la norme internationale pour les PME au niveau des états financiers
individuels et consolidés. A cet effet, les sociétés retenues dans le périmètre de
consolidation d’un groupe dont la société mère est une PME à intérêt économique doivent
appliquer la norme IFRS pour les PME au niveau de leurs états financiers individuels.

Les PME à intérêt économique peuvent appliquer les normes IFRS par option.
2.2.3

2.2.4 Micro-entreprises et PME locales

« Ces entreprises s’autofinancent. Elles ne peuvent pas être redevables de la même


information à communiquer que les EIP ou les PME à vocation internationale ». Ce principe
était partagé par tous les experts interrogés. En effet, ces sociétés sont caractérisées par les
éléments suivants :

• Structure du capital familiale : ces sociétés sont généralement détenues par des
structures familiales ave un nombre limité d’actionnaires ayant un accès privilégié aux
informations financières et non financières ;

• Le coût d’implémentation d’un modèle comptable à cadre conceptuel est


disproportionné par rapport aux avantages escomptés ; et

• Ces sociétés produisent des états financiers pour les seuls besoins des propriétaires-
gestionnaires ou pour des besoins de déclarations fiscales uniquement

En conséquence, il n’y a pas d’intérêt de normaliser pour ce type d’entreprises. A ce propos


un expert comptable affirme clairement « Reprenant l'adage juridique "Pas d'intérêt, Pas
d'action", je ne vois aucune utilité pour une TFE ou PME (tunisienne, américaine ou française
soit-elle) d'utiliser des règles comptables autres que celles exigées par l’administration fiscale

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 120

et ce, dans la mesure où cette entreprise s'autofinance et n'a pas de concours bancaires
signifiants ». Ainsi, les règles fiscales seraient suffisantes pour ce type de société. Une autre
alternative serait de préparer un modèle comptable spécifique très simplifié adapté à ces
micro-entreprises. Toutefois, plusieurs experts interrogés estiment qu’il serait plus efficace de
maintenir le système comptable actuel, et notamment la norme comptable générale, qui parait
adéquat compte tenu des besoins de ces sociétés et qui permet en même temps de garantir un
certain degré de comparabilité avec les autres sociétés (notamment en matière de
présentation) et de répondre aussi aux exigences nationales en terme de statistiques
économiques. Un expert comptable propose « Le système comptable actuel, revisité en
intégrant quelques dispositions de la norme IFRS pour les PME, serait parfait pour ce type de
sociétés ». Toutefois, cela n'empêche pas ces entreprises "fermées" qui envisagent leur
développement à travers des financements externes de vouloir changer de cap et de
confectionner une véritable stratégie, un Business Plan approprié.... et des états financiers
conformes aux normes IFRS. Ainsi, il faut laisser la porte ouverte à toute société désirant
d’appliquer volontairement les IFRS.

Proposition 4 : Les entités autres que :

a) Les sociétés faisant partie des entités à intérêt public ; et


b) Les PME à intérêt économique

doivent appliquer le SCE révisé selon les principes suivants :

- Abroger les normes sectorielles, du fait de l’adoption des IFRS pour les EIP ; et
- Simplifier davantage le SCE en éliminant les dispositions des normes jugeant
complexes ou pouvant être en contradiction avec certains textes fiscaux ou légaux.
2.3

2.4 Gestion de la transition IFRS en Tunisie

S’il est clair que l’adoption des IFRS en Tunisie va contribuer à l’amélioration de la
compétitivité de l’économie à l’échelle internationale et la transparence de l’économie
tunisienne, l’expérience du SCE 1996, a montré qu’une adoption, voire une imposition, pure
et simple d’un nouvel référentiel comptable ne garantirait pas les avantages escomptés d’une

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 121

telle réforme. L’ensemble des personnes interrogées ont souligné l’importance de la gestion
de la transition IFRS afin de réussir ce passage. Un expert comptable souligne fermement
« On peut publier un arrêté qui adopte les IFRS et qui abroge le SCE. La question est ce que
ces normes seront appliquées ? Est ce que nos dirigeants (au moins ceux des sociétés cotées)
sont assez mûrs pour pouvoir tirer bénéfices du passage IFRS ou bien ils vont voir les IFRS
comme une contrainte légale à appliquer avec le minimum de coût et d’efforts ? Ce sont les
vraies questions à poser. La question n’est pas d’ordre d’obligation juridique mais c’est plutôt
d’un cadre de revoir. Si la banque et le marché financier continuent à ne pas exercer leurs
rôles, si les règles fiscales continuent à interférer au niveau de la comptabilité, si les
commissaires aux comptes continuent à accepter des traitements approximatifs des règles
fiscales, on ne va pas évoluer. Il faut que ça évolue ensemble».

La gestion de la transition IFRS est une étape capitale et critique pour réussir la réforme
comptable. Alexander et al (2005) distinguent deux niveaux d’adoption des IFRS :
harmonisation formelle et harmonisation matérielle (ou factuelle). La première se réfère à la
réforme du système légal accompagnant la mise en place des IFRS alors que la deuxième se
réfère à la réforme effective des pratiques comptables des sociétés et des professionnels. La
réforme du système comptable n’est pas une simple affaire de comptable comme le souligne
cet expert comptable « Les règles comptables n’est pas l’affaire exclusive des comptables,
c’est une affaire beaucoup plus complexe qu’un schéma de comptabilisation. La législation
commerciale, la législation fiscale, les règles de la banque centrale, le code des assurances, la
pratique bancaire, l’autorité du CMF interviennent dans l’applicabilité des règles comptables.
Il va falloir que la comptabilité soit réformée par l’ensemble de parties prenantes. Il faut que
tout le monde se mette autour d’une table pour que les comptables argumentent et
expliquent. »

Dans ce qui suit, nous allons analyser les pré-requis nécessaires de ces deux notions
d’harmonisation formelle et matérielle.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 122

2.4.1 La transition IFRS : un projet d’entreprise

Le passage IFRS constitue un véritable projet d’entreprise nécessitant l’intervention et


l’implication du top management. L’implémentation des IFRS est un projet qui doit
absolument avoir le support du Top management en termes de compréhension des enjeux et
d’allocation des ressources. Privée de ce support, la conversion sera à peine perdue et ne
produira guère les avantages escomptés. L’adoption des IFRS par une entreprise n’est pas un
simple exercice technique comme le pensent plusieurs dirigeants. C’est un véritable
changement du mode de gestion qui touche plusieurs départements, si ce n’est pas
l’ensemble des départements qui seront impliqués. La transition IFRS devrait être ainsi
inscrite dans l’agenda des activités suivies par le conseil d’administration. A cet effet un
comité spécial chargé du suivi régulier de l’avancement du projet peut être crée au sein du
conseil. Le comité devrait reporter régulièrement au conseil d’administration un état sur
l’avancement du projet, les difficultés majeures et le changement du système et des
procédures. L’implication du Top management constitue un signal aux autres personnes
impliquées dans le projet sur l’importance de la transition IFRS.

Un deuxième élément important du projet consiste dans la formation du personnel. La


formation devrait dépasser les aspects purement techniques et devrait se focaliser sur un
changement de culture comptable. Avec les IFRS, on assiste à un véritable changement de la
fonction traditionnelle du comptable dans les pays à tradition « continentale ». En IFRS, ce
qui importe, c’est moins la comptabilité en tant que système de collecte, de saisie et de
traitement de l’information (plan comptable), que les états qu’elle produit à des fins de
reporting (Colasse 2006). L’important dans le travail du comptable est l’élaboration de ces
états. D’où un changement fondamental pour les comptables tunisiens plus habitués à
appliquer des règles de traitement et de présentation que des normes de contenu exigeant plus
de jugement, d’appréciation. Les varis problèmes sont ceux de la qualification conceptuelle
des opérations enregistrées, de leur datation et de l’évaluation de bien sur les quels elles
portent, des traitements des contrats complexes plutôt que de l’imputation comptable d’une
transaction. « Les comptables de futur ne seraient plus de teneurs de comptes (traduction du
terme anglo-saxon « bookkeeper ») mais des concepteurs d’états financiers et des
modélisateurs de l’entreprise. Les comptables de futur devraient comprendre les principes,
comment appliquer ces principes, l’utilisation du jugement. Tout ceci nécessite un
changement de comportement et de culture», souligne un expert comptable. Par ailleurs, la

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 123

formation devrait concerner l’ensemble du personnel de la société et non seulement les


membres du département financier. Avec la mise en place d’un ERP et l’alignement du
système de reporting interne et externe, plusieurs personnes et départements seront impliqués
dans la préparation de l’information financière IFRS. Les responsables de contrôle de
gestion, les responsables de production, les analystes financiers, les responsables de
ressources humaines seront la source des données requises pour la préparation de
l’information. Par ailleurs, les managers devraient avoir une compréhension des règles IFRS
et leur implication sur des données clés, telles que des ratios, les décisions stratégiques,
l’impact sur le calcul des bonus et des stocks option, les opérations de trésorerie (couverture),
les dettes d’impôt et les clauses associés aux emprunts (debts convenant). Ces personnes
devraient donc avoir une formation minimale en IFRS en maîtrisant le cadre conceptuel, la
présentation des états financiers et quelques normes spécifiques. La formation constitue une
étape importante à gérer avec un degré important de sérieux afin d’éviter des situations ou le
changement est perçu comme un changement de plan de comptes, comme c’était le cas de
l’expérience du SCE 1996 pour plusieurs sociétés tunisiennes.

Un troisième aspect important qui devrait être revu à l’occasion du passage IFRS est celui du
système d’information et de contrôle interne. Un expert comptable expliquait l’importance du
système d’information « les IFRS reflètent non pas des chiffres et des pièces mais la stratégie,
le métier et la politique managériale de la société. » H. Abdelwahed et M.Fesssi (2007),
identifient les domaines suivants devant être revus lors du passage IFRS :
• La redéfinition des responsabilités et du rôle des opérationnels : Par exemple
les responsables de projets d'investissements, les responsables de production
seront davantage sollicités dans le cadre de la mise en œuvre de l'approche par
composants des immobilisations, de la définition des durées d'utilité des actifs
et du suivi des indices de perte de valeur affectant les actifs.

• Le renforcement du rôle du contrôle de gestion dans l'élaboration des états


financiers : détermination et suivi des unités génératrices de trésorerie,
affectation des résultats par secteur d'activité ou secteur géographique,
élaboration de budgets de trésorerie prévisionnels pour la mise en oeuvre des
tests de dépréciation..

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 124

• La revalorisation de la fonction comptable: Au delà de la connaissance des


normes comptables plus techniques et plus détaillées, les comptables devront
disposer de compétences minimales essentiellement dans les domaines
économiques, juridiques et financiers

• L'adaptation du système d'information de la société: En raison, aussi bien du


volume des informations à traiter que des contraintes de sa divulgation rapide,
la société doit harmoniser et faciliter le système de collecte et de traitement des
données devant servir à la production d'une information financière conforme
aux normes IFRS.

Le dernier aspect de la gestion de la transition est relatif à la communication. Le passage


IFRS devrait être aussi accompagné par un plan de communication à la fois interne et externe.
L’exposition prématurée de l’impact éventuel des retraitements IFRS sur le reporting aux
investisseurs et aux analystes financiers est un élément essentiel pour préparer le marché
financier au changement. Une planification prudente de la communication au marché
financier est importante afin d’éviter une mauvaise réaction du marché aux volatilités du
résultat ou aux performances qui seront au dessous des chiffres prévisionnels déjà annoncés.
Par la même occasion, les sociétés peuvent améliorer leur qualité de communication externe
avec les investisseurs. La mauvaise gestion du plan de communication pourrait être à
l’origine d’une mauvaise compréhension ou une confusion auprès des investisseurs et des
analystes financiers. La communication reste l’un des points faibles des sociétés tunisiennes
comme le souligne un expert comptable « Un dirigeant d’une grande société tunisienne cotée,
était interrogé sur la crise financière et la chute du cours boursier de son entreprise répond
comme suit : on n’a pas de problème pour notre groupe, on va augmenter notre chiffre
d’affaire. La baisse du cours boursier n’est pas très importante pour nous. Ces deux propos
montrent l’état d’esprit de la majorité des dirigeants tunisiens. Malgré que le groupe soit très
performant, les dirigeants sont très faibles en matière de communication financière. Les
dirigeants tunisiens résument la performance dans l’augmentation du chiffres affaires en
oubliant les autres ratios et le comportement boursier ». Un autre expert comptable ajoute en
évoquant la question du rôle des dirigeants dans la communication aux investisseurs
« Malheureusement ça reste la grande faiblesse de l’économie tunisienne. Les dirigeants
voient dans le système comptable en tant que contrainte et non pas en tant qu’outil
d’information et de gestion. On n’a pas beaucoup communiqué sur les avantages des normes

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 125

internationales auprès des dirigeants et des analystes financiers. Il y a un déficit de


communication sur les IFRS. ».

Proposition 5 : La transition IFRS devrait être gérée en tant que projet d’entreprise. A cet
effet les actions suivantes gagneraient à être mises en place par les sociétés migrant en
IFRS :

a) Le programme de transition IFRS devrait être suivi par le conseil


d’administration ou un comité dédié au sein du conseil ;
b) Un programme de formation IFRS devrait être réalisé pour l’ensemble du
personnel de la société impliqué dans le processus de préparation de l’information
financière (y compris les dirigeants et le personnel technique) ;
c) Le système d’information et l’environnement de contrôle devraient être revus à
l’occasion du passage IFRS de façon à garantir la fiabilité et l’efficacité du processus
d’établissement des états financiers en IFRS.

2.4.2 Réforme des règles fiscales

Comme déjà discuté, la connexion entre la comptabilité et la fiscalité est l’un des points qui
pèse lourd sur les pratiques comptables tunisiennes et a freiné l’application de quelques
dispositions du SCE 1996. Toutefois, la majorité des personnes interrogées ont salué
l’évolution de la législation fiscale qui admet de plus en plus de traitements comptables sans
conséquences fiscaux, comme le souligne un expert fiscal « Les règles fiscales étaient très
contraignantes : on définit même les notions de revenus, d’actifs et de charges. Tout ce qui
n’est pas comptabilisé n’était pas admis en fiscalité. Depuis les dernières réformes fiscales on
a évolué, on a accepte maintenant d’enregistrer et ne pas imposer. Le tableau de
détermination du résultat fiscal est un moyen de passage d’un résultat comptable économique
à un résultat fiscal. Je peux donc appliquer les règles comptables et retraiter extra-
comptablement pour le besoin de détermination du résultat fiscal. C’est une grande évolution
de la législation fiscale. »

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 126

Cette réforme devrait être poursuivie avec l’application des IFRS pour que le nouveau
référentiel ne reste pas qu’un acquis théorique. « Je suis pour l’adoption des IFRS mais il faut
que toutes les parties prenantes soient impliquées et à leur tête l’administration fiscale et la
banque centrale. Il y a des préalables qui doivent toucher aux règles fiscales », souligne un
expert comptable. La question de déconnexion entre la fiscalité et la comptabilité semble être
tranchée pour l’option de maintien de la connexion entre les deux disciplines comme le
confirme un expert fiscal « La comptabilité sera toujours la base de la fiscalité en Tunisie.
C’est l’esprit du législateur fiscal. Il y a un travail de rapprochement des règles fiscales de la
comptabilité mais il y aura toujours des divergences ». Partant de ce principe de maintien de
la connexion, il faut que les règles et les pratiques de l’administration fiscales évoluent pour
ne pas imposer certains traitements comptables contraires aux normes comptables sous peine
de conséquences fiscales. Le focus était mis surtout sur la question de comptabilisation des
charges. « Il manquait quelques choses pour être parfait : la reconnaissance des écritures non
prises en compte comptablement mais considérées au niveau fiscal », explique ainsi un expert
comptable. Il faut ainsi que la fiscalité accepte certaines écritures prises en compte
uniquement pour la détermination du résultat fiscal sans qu’elles soient nécessairement
comptabilisées ou qu’elles soient comptabilisées pour un montant différent. Par ailleurs, il
faut simplifier le processus de détermination du résultat fiscal en diminuant le nombre des
retraitements fiscaux à opérer. Cet objectif ne pourrait être atteint que par un travail de
rapprochement progressif entre la comptabilité et la fiscalité. « Chaque retraitement à son
coût, l’entreprise paye l’impôt et en plus il faut qu’elle paye le coût des retraitements du aux
divergences avec la fiscalité. Il ne faut maintenir que les retraitements absolument
indispensables en fiscalité », affirme ainsi un expert comptable.

En France, un groupe de travail « IAS/Fiscalité » a été crée par le CNC en 2003, lors de la
préparation de la transition IFRS 2005, dont l’objectif est d’étudier les incidences fiscales
qu’entrainaient l’application des IFRS au niveau des états financiers individuels. L’une des
conclusions majeures de ce comité est que certaines divergences actuelles fiscalité-IFRS,
remettent en cause les principes fiscaux actuels, nécessiteraient des modifications les plus
majeures des textes fiscaux. La Tunisie, dont les règles fiscales sont largement inspirées des
règles françaises, devrait engager une réflexion sur les conséquences d’application des IFRS
sur la fiscalité. A cet effet, les experts comptables et les experts fiscaux interrogés dans le
cadre de ce mémoire recommandent de créer un groupe formé par des représentants de

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 127

l’administration fiscales, du ministère des finances et de l’ordre des experts comptables afin
d’engager des réflexions sur le thème IFRS et fiscalité et les réformes éventuelles des textes
fiscaux pour permettre le passage IFRS. L’étude réalisée par A.Yaiche et F.Derbel (2007) sur
l’impact fiscal des IFRS peut constituer à notre avis une base pour ces réflexions et
discussions. Par ailleurs, les principes suivants pourraient être un guide pour ces réflexions:
• Consacrer le principe de l’autonomie des deux disciplines au cas où une règle
comptable heurte une autre règle divergente résultant d’une disposition fiscale
expresse ;

• Eliminer les situations où les règles fiscales imposent un traitement comptable.


Il faudrait maintenir les mêmes définitions comptables des éléments des états
financiers (actifs, passifs, capitaux propres, revenus et charges) et les mêmes
critères de reconnaissance initiale et de valorisation ultérieure et limiter les
retraitements fiscaux à la déductibilité de certaines charges ou l’imposition de
certains produits.

• Reconnaître les notes aux états financiers comme une composante de la


comptabilité pouvant servir de justification du respect de certaines obligations
fiscales avec un mécanisme assurant le respect de la piste d’audit fiscal. « Il ne
faut plus que la fiscalité impose des règles comptables aux entreprises, ou des
règles de reconnaissances des charges ou produits. On peut créer une note
spécifique au niveau des notes aux états financiers sur le passage du résultat
comptable au résultat fiscal. », propose ainsi un expert comptable. La même
idée était aussi proposée par un conseiller fiscal : « Il faut qu’il y ait une norme
comptable sur la liasse fiscale qui fera partie des notes aux états financiers. »

• Ceci étant, il n’est pas sans intérêt de considérer l’adaptation des règles fiscales
aux règles de la comptabilité financière. Les normes comptables tendent à
permettre une mesure « juste » des résultats d’une entreprise. Par ailleurs,
l’adoption des règles comptables est quelque fois plus rentable d’un point de
vue fiscal. Avec l’application des IFRS, les retraitements à opérer sur le
résultat comptable vont se multiplier ce qui rend le calcul du résultat fiscal un
exercice difficile et compliqué. Il convient ainsi de simplifier cet exercice en
alignant d’une manière progressive les règles fiscales sur les règles
comptables. Un conseiller fiscal souligne à cet effet : « Sur le plan législation,

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 128

je pense que la Tunisie a énormément évolué (même en la comparant par


rapport à des pays européens plus développés). La législation fiscale est en
train de s’aligner sur les règles comptables. La loi de finance pour la gestion
2010 a confirmé cette tendance en admettant la déduction intégrale des
provisions pour crédit constituées par les établissements financiers sans limites
et sans la condition de forme d’action en justice. Il restera toutefois quelques
divergences (temporelles et définitives), ce qui est tout a fait normal. Il y a
actuellement plus que 3500 entreprises étrangères en Tunisie totalement
exportatrices qui étaient exonérées de l’impôt. Ces sociétés vont commencer
maintenant à découvrir le système fiscal tunisien. Nous devons nous préparer
et mettre le niveau de notre fiscalité au même niveau de leur fiscalité qui très
proche de la comptabilité.»

Par ailleurs, L’adoption des IFRS est un évènement crucial pour les autorités fiscales
tunisiennes du fait que l’impôt est liquidé sur la base des mêmes états financiers moyennant
des retraitements fiscaux. Les IFRS peuvent ainsi avoir un impact sur le montant des impôts
collectés dans un pays. En France, une direction normes comptables a été crée au niveau de
l’administration fiscale afin d’étudier l’impact des évolutions comptables sur la fiscalité. Il est
ainsi très important de former les cadres de l’administration fiscale tunisiennes et les
vérificateurs fiscaux aux nouvelles règles comptables et leurs incidences sur la fiscalité. Un
expert fiscal confirme ainsi : « Je me rappelle lors de l’entrée en application du SCE en 1997,
on n’avait pas de personnes de formation comptable. Les vérificateurs fiscaux de l’époque
n’avaient pas les compétences comptables nécessaires. Depuis, les pratiques de
l’administration fiscale sont en train d’évoluer. L’administration fiscale est en train de
recruter des réviseurs comptables et même des experts comptables. Ceci aura un impact
positif sur la méthodologie de vérification fiscale. Il faut continuer cette réforme. Pour cela, il
faut former un groupe de travail constitué par des représentants de l’administration fiscale,
des conseillers fiscaux, des experts comptables afin d’identifier les dispositions fiscales qui
peuvent être en contradiction avec certaines normes comptables». Un autre expert fiscal
ajoute « Depuis quelques temps, on est en train de travailler avec une grande collaboration de
l’ordre des experts comptables. Les dernières réformes des taux d’amortissement et du leasing
sont faites suite à un travail commun entre l’administration fiscale et les experts comptables.
Ces derniers sont à l’origine des nouveaux taux d’amortissement qui reflètent la définition de

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 129

durée d’utilité économique des actifs. Même ci ces taux ne correspondent pas toujours, à la
durée de vie économique, les sociétés peuvent toujours appliquer des taux différents de la
comptabilité et corriger par le biais du tableau de détermination du résultât fiscal.
Actuellement toutes les notes communes de l’administration fiscale sont notifiées aux experts
comptables pour avis avant de leur publication officielle par l’administration fiscale. Il faut
que ce travail de rapprochement continue et soit renforcée et plus officialisé ».

Proposition 6 : Avant l’adoption des IFRS en Tunisie, il faut créer un groupe de travail
formé par des experts comptables, des représentants de l’administration fiscale et de
personnalités réputées pour leur indépendance et leurs compétences en matière
d’économie, de gestion d’entreprise, et de fiscalité afin de mener une étude l’impact des
IFRS sur la fiscalité et de préparer une réforme des règles fiscales selon les principes
suivants :

a) Eliminer les situations où les règles fiscales imposent un traitement comptable ;


b) Consacrer le principe de l’autonomie des deux disciplines au cas où une règle
comptable heurte une autre règle divergente résultant d’une disposition fiscale
expresse ;
c) Reconnaître les notes aux états financiers comme une composante de la
comptabilité pouvant servir de justification du respect de certaines obligations
fiscales avec un mécanisme assurant le respect de la piste d’audit fiscal ; et
d) Considérer l’adaptation des règles fiscales aux règles de la comptabilité
financière ;

2.4.3 Réforme du CNC et rôle des experts comptables

La Tunisie appartenait à l’approche « continentale » ou la normalisation est considérée


comme une affaire publique à laquelle doivent participer non seulement des professionnels de
la comptabilité mais aussi ceux d’autres parties prenantes. Ainsi, la profession comptable en
Tunisie, qui est pourtant organisée en ordre soumis à la tutelle du ministère des Finances, n’a
pas de pouvoir dans ce domaine, celui-ci revient à des organismes publics notamment le
conseil national de comptabilité. L’apport de l’organe de normalisation comptable crée au
sein de l’OECT, sous l’appellation de commission des normes comptables était limité à des
recommandations destinées aux professionnels qui n’avaient pas de force de loi pour les

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 130

entreprises. Le même constat est observé pour le comité des normes comptables crée en 1989
au sein de la BMVT. Ce comité chargé initialement de la conception d’un référentiel
comptable destiné aux sociétés faisant appel public à l’épargne, a pratiquement cessé ses
activités depuis la réactivation du CNC.

Le schéma suivant présente les organes de normalisation en Tunisie :

Bourse des Valeurs Ministère des


Mobilières finances
(1969)

La
La Conseil
Conseil Supérieur
Supérieur Ordredes
Ordre des
Comitéde
Comité de Commission
Commission de
dela
laComptabilité/
Comptabilité/ Experts
Experts
Normes
Normes Nationale
Nationale Conseil
Conseil National
National Comptables
Comptables
Comptables
Comptables duPlan
du Plan de
dela
laComptabilité
Comptabilité de
de
1989))
((1989 Comptable
Comptable ((1975/1996
1975/1996)) Tunisie
Tunisie
1982))
((1982

Commission des Normes


Étude sur le positionnement Plan Comptable Comité de Pilotage
Comptables
de la pratique comptable en 1968
Tunisie par rapport au
processus d’harmonisation Système
Comptables des
Entreprises 1996

Source : Similarités et Divergences (2009)

Dans cette partie on va s’intéresser particulièrement au CNC puisqu’il constitue le premier


organe responsable de normalisation comptable en Tunisie. Comme discuté dans la deuxième
section, la stagnation du SCE est due en premier lieu à la passivité du CNC et ceux pour les
raisons déjà discutées notamment pour l’absence de structure permanente de normalisation et
de fonds nécessaires. L’adoption des IFRS va certainement contribuer à résoudre
partiellement ces problèmes. En effet l’adoption des normes internationales est une solution
plus efficace et moins coûteuse que le processus de révision du système comptable local et les
lois relatives à la bourse étant donné que chaque pays pourrait disposer gratuitement de ces
normes, interprétations et pratiques comptables développées par les pays ayant déjà adopté
ces normes. Toutefois, le fait de sous traiter la normalisation à un organisme internationale ne
signifie pas que le CNC ne joue plus un rôle dans la normalisation comptable en Tunisie. Les
efforts et les investissements du CNC devraient être concentrés dans l’interprétation de ces
normes et leur diffusion auprès des sociétés et professionnels. Un expert comptable voit le
rôle du CNC après l’adoption des IFRS comme suit : « Le CNC doit accompagner les IFRS
par des prises de positions et des interprétations pour aider à développer cette nouvelle culture
comptable. Ces interprétations sont très importantes et ont un rôle pédagogique exactement
comme le fait l’IASB avec l’IFRIC. Des situations particulières devraient exister et c’est le

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 131

rôle du CNC de les clarifier. Je pense qu’avec une éventuelle adoption des IFRS, c’est le
premier rôle que doit jouer le CNC en clarifiant certaines normes ou dispositions par rapport
au contexte national et en encadrant les sociétés tunisiennes dans l’application des IFRS ».

A cet effet, A.Mabkhout (2006) propose de créer 3 organes au sein du CNC :


• Un organe délibératoire: le Conseil Consultatif qui sera chargé de discuter les
orientations générales et les questions stratégiques de normalisation comptable. Il doit
se réunir au moins une fois par an pour définir le budget, le programme annuel des
activités du conseil et approuver le rapport annuel. Sa composition sera basée sur la
représentativité à l’instar de la composition actuelle du conseil ;

• Un organe exécutif: le Comité de normalisation qui se sera chargé de la préparation et


l’émission des normes, des interprétations et des avis. Il sera aussi chargé de
l’établissement annuel du rapport d’activité annuel qui sera soumis au conseil. Sa
composition sera basée sur la connaissance et l’expertise dans le domaine de la
comptabilité avec un nombre de 10 à 12 membres répartis entre les professionnels de
la comptabilité, les universitaires chercheurs, les régulateurs, les préparateurs de
l’information financière et les utilisateurs. Il doit se réunir au moins une fois par mois.
Avec l’adoption des IFRS, le rôle de cet organe sera principalement de suivre les
évolutions des IFRS afin de préparer les projets textes et les interprétations devant
accompagner les nouveautés IFRS ; et

• Un organe de support: le Secrétariat général

Par ailleurs, et même s’il n’est pas directement impliqué dans la normalisation comptable,
l’ordre des experts comptable devrait avoir un rôle plus important au niveau de ce processus.
En effet dans la tradition anglo-saxonne, la normalisation est fondamentalement l’affaire de la
profession, même si elle est infinée soumise à l’approbation juridique d’une institution de
droit public chargée de veiller au bon fonctionnement des marchés financiers (à l’instar de la
SEC aux USA). En migrant à un modèle à cadre conceptuel en 1996 et en adoptant
ultérieurement les IFRS, la Tunisie se rapprochera plus du modèle anglo-saxonne et
s’éloignera davantage du modèle continentale. La profession pourrait ainsi jouer un rôle
important dans la promotion des normes internationales et dans le renforcement de la
nouvelle culture comptable diffusée depuis 1996.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 132

Proposition 7 : Les règles de fonctionnements du CNC devraient être revues, à l’occasion


de la migration IFRS en Tunisie, selon les principes suivants

a) Migrer d’un modèle basé sur la représentativité vers un modèle basé sur le
professionnalisme. A cet effet, l’OECT doit jouer un rôle plus important dans la
nouvelle structure du CNC ;
b) Supporter le travail du Conseil par des programmes annuels précis et un système
effectif de suivi de leurs réalisations dans le cadre d’un modèle de gouvernance
approprié. A cet effet, les comités suivants gagneraient à être mis en place :
- Un organe délibératoire: le Conseil Consultatif chargé d’arrêter et de suivre le
programme annuel des activités du conseil national de comptabilité ;
- Un organe exécutif: le Comité de normalisation chargé du suivi de l’évolution
des normes IFRS et de leur mise en place en Tunisie par la préparation des textes
juridiques et des interprétations accompagnant les nouvelles normes
- Un organe de support: le Secrétariat général
c) Déployer les moyens nécessaires (humains et financiers) pour assurer la
réalisation ordonnée des activités du Conseil

2.4.4 Réforme juridique

La réforme juridique et notamment le droit commercial est l’une des étapes nécessaires de la
réforme comptable étant le lien entre les certains textes juridiques avec des notions
comptables. Ledouble 2005 a étudié les conséquences juridiques d’une adoption des IFRS au
niveau des états financiers individuels des sociétés françaises et a conclu qu’un certain
nombre des dispositions des droits de sociétés devront être revues, soit parce qu’elles
imposent des règles comptables ou des dispositifs comptables qui sont contraires aux IFRS,
soient parce qu’elles s’appuient sur des notions comptables qui se trouvent fondamentalement
modifiées. Un expert comptable illustre: «Il y a un cloisonnement total entre comptabilité et
droit en Tunisie. Le droit des sociétés est en total déphasage par rapport à l’esprit des IFRS.
Des notions comme la preuve juridique, les difficultés financières, la cessation de paiement,
les capitaux propres et les dividendes fictifs sont basées en premier lieu sur la comptabilité et

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 133

ont des répercussions en matière de responsabilité civile et pénale. Ces notions seront
bouleversées en IFRS Les principaux éléments à revoir sont les suivants :
• La définition des capitaux propres en IFRS, comme élément résiduel, touche à un
principe juridique important celui de fixité des capitaux propres comme garantie des
créanciers. Avec l’introduction de la composante « Autres éléments du résultat
global », les capitaux propres en IFRS seront profondément bouleversés et seront
aussi sujets à une grande volatilité. La définition même des capitaux propres par
rapport aux passifs se trouve aussi affectée avec les règles de la norme IAS 32 en
matière de comptabilisation des emprunts obligataires convertibles et de distinction
entre instruments de capitaux propres et instruments de dettes. De simples écritures
comptables pourraient ainsi entrainer la perte de la moitié du capital social et entraîner
donc des conséquences juridiques selon le code des sociétés commerciales. Toute la
partie financière du droit sur les sociétés devrait être ainsi revue.
• La notion de résultat distribuable et de dividendes fictifs devraient être aussi révisée et
précisée en droit. Avec les IFRS, il faut s’attendre à une grande volatilité des résultats
et des capitaux propres ce qui influerait les politiques comptables adoptées par les
dirigeants, soucieux de respecter leurs engagements en matière de résultats et de
distributions. Pour couper court aux pratiques de lissage du résultat, il faut que les
dividendes soient fonction de plusieurs critères financiers en plus des résultats. Des
indicateurs comme le niveau de trésorerie, le budget d’investissement, le besoin de
fond de roulement devraient ainsi entrer en considération pour la fixation des
dividendes. Un expert comptable explique ce constat « Ce qui bloque en France et
dans les pays continentaux, c’est la notion juridique du résultat distribuable. Si je vais
appliquer les IFRS, j’aurais un résultat économique que je n’ai pas réellement entre
les mains. La culture qui prévale dans ces pays est une culture de prudence ou il ne
faut distribuer le résultat qu’après avoir constituer toutes les provisions nécessaires.
L’application des IFRS va bouleverser la notion juridique de dividende. On n’a pas
encore la culture des anglo-saxons ou les dividendes sont liés au cash et non au
résultat. La notion de résultat distribuable est une notion très sensible dans le contexte
tunisien. Cette notion a freiné les IFRS dans un environnement continental. Il faut
préciser davantage les éléments pouvant rentrer dans le résultat distribuable en
excluant certains revenus latents.».

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 134

• Une plus forte déconnexion entre droit et comptabilité : le passage d’un système
patrimonial à un système économique témoigne cette déconnexion. Il s’agit en fait du
passage de la situation ou bilan était considéré comme une représentation chiffrée
d’un patrimoine à un bilan représentation comme une situation économique. Il va
falloir que les entreprises s’habituent au fait, que plus que vous avez des écritures
compliquées, de caractère calculatoire, et plus la question de preuve juridique et de la
justification des écritures devient un sujet. Quand vous passez une écriture de vente
sur la base d’une facture classée dans les archives, c’est simple. Quand vous passez
une dépréciation des actifs sur la base d’un business plan compliqué qui résulte
d’estimations de la direction, il est évident que vis-à-vis d’un juge d’instruction qui
vous posera des questions dans 5 ans, vous avez tout intérêt à garder le détail de vos
calculs. Par ailleurs, certaines règles en matière de transfert d’éléments d’actifs et de
décomptabilisation d’actifs ou de passifs seront fortement déconnectées des règles
juridiques de transfert de la propriété ou des obligations. Le fait générateur de prise en
compte de quelques opérations en comptabilité (ventes, acquisition de sociétés)
pourrait être différent de la date de signature du contrat, qui fait fois selon la loi. De
même un contrat en IFRS pourrait être découpé en plusieurs opérations comptables
(dérivé incorporé, leasing inclus dans un contrat, ..). On peut aussi à l’inverse,
considérer une seule opération comptable à plusieurs contrats juridiquement distincts.
Avec le passage IFRS, tous ces éléments devraient entrer dans l’esprit des hommes de
droit en Tunisie comme le recommande de vive voix un expert comptable : « Il faut
rapprocher l’esprit du législateur tunisien de l’approche économique des IFRS »

En conclusion, avec l’adoption des IFRS, Il faut absolument revoir le code des sociétés
commerciales et l’ensemble des décrets ayant un lien avec la comptabilité. Par ailleurs, il faut
aussi revoir certains textes à connotation juridiques comme les circulaires BCT qui imposent
des règles comptables contraires aux IFRS. Un expert comptable transpose ainsi ce constat
sur le secteur financier : « Le cadre de la comptabilité pour le secteur financier souffre d’un
grand poids de la régulation. Le point de vue du régulateur est de protéger au maximum les
épargnants en évitant la casse. Du coup il peut être amené à exiger des modèles de provisions
étalées sur une longue période alors que le soucis du normalisateur comptable est de fournir
une information de l’investisseur sur la véritable performance de la société durant une période
donnée prise isolément, ce qui implique qu’on soit complètement dans une logique de mesure

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 135

objective de performances indépendamment des mesures conservatoires du régulateur qui


peuvent être contradictoires. Il faut rechercher une convergence entre les aspects
règlementaires et les normes comptables. Le travail actuel de rapprochement entre le comité
Bale 2 et les normes IFRS qui est en train d’être fait en Europe pourrait nous inspirer en
Tunisie pour délimiter le rôle normatif de la BCT »

Il apparaît ainsi opportun de créer un groupe de travail sous l’égide du Ministre de des
finances, et composé de professionnels de la comptabilité et de personnalités réputées pour
leur indépendance et leurs compétences en matière d’économie, de gestion d’entreprise, et de
droit des affaires afin d’examiner les incidences des IFRS sur les textes juridiques.

Proposition 8 : Il faut mettre en place un groupe de travail composé de professionnels


de la comptabilité, et de personnalités réputées pour leur indépendance et leurs
compétences en matière d’économie, de gestion d’entreprise, et de droit des affaires
afin d’examiner les incidences des IFRS sur les textes juridiques. L’objectif est
d’identifier tous les textes légaux et para-légaux (tels que les circulaires de la BCT et
autres textes similaires) pouvant avoir un lien avec la comptabilité et proposer des
modifications de ces textes en conformité avec l’esprit des normes IFRS.

En fin pour la date de migration IFRS, les experts interrogés ont souligné l’urgence et qu’il
faut rattraper le retard accusé par la Tunisie. « J’estime que l’expérience SCE 1996 est une
bonne préparation des sociétés tunisiennes pour passer aux IFRS. Je préfère adopter les IFRS
à l’horizon 2011 avec une période transitoire implicite de 3 ans que retarder davantage
l’application des IFRS parce que la Tunisie accuse déjà un grand retard », affirme un expert
comptable. En Tunisie, compte tenu de notre expérience SCE 1996, la période transitoire de 3
ans nous parait appropriée et suffisante comme l’affirme un autre expert comptable : « Il n’ y
a pas de crainte parce que je considère que l’espace aujourd’hui est beaucoup mieux préparé
pour accepter l’application des normes internationales qu’il a été en 1996 lors de l’entrée en
application du SCE. La Tunisie est peut être beaucoup mieux préparée pour appliquer la
norme internationale IFRS pour les PME que certains pays développés européens.».
L’échéance 2014 (exercices ouverts le 1er janvier 2014) pour l’application des IFRS en
Tunisie nous semble une date raisonnable. Par ailleurs, concernant le dispositif juridique et du

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 136

fait que les normes internationales subissent des changements réguliers, il faut que chaque
nouvelle norme ou chaque changement soit adopté par un texte juridique en Tunisie. Les
nouvelles mesures de stabilité des normes internationales prises récemment par l’IASB, vont
simplifier la tache. L’IASB vient ainsi de garantir la stabilité des normes internationales pour
au moins une période de trois ans ce qui donnerait le temps au législateur tunisien de préparer
et approuver les textes qui permettent d’intégrer les évolutions des normes internationales.

Proposition 9 : Les normes IFRS devraient être appliquées pour les exercices ouverts le 1er
janvier 2014. Une application anticipée est encouragées pour les sociétés tunisiennes
éligibles aux IFRS (telles que définies dans la proposition 2 et 3).

Le CNC sera chargé du suivi de l’évolution des IFRS et de préparer les textes juridiques
nécessaires pour les nouvelles normes IFRS ou les modifications des normes existantes. Il
serait opportun de définir une période de stabilité des normes comptables d’au moins 3 ans à
l’instar de la politique adoptée par l’IASB.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 137

Conclusion Générale

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 138

L’objet de ce mémoire était d’étudier les modalités optimales de passage aux normes
IFRS en Tunisie. La problématique de ce mémoire s’insère dans le cadre du débat actuel au
niveau de la profession comptable en Tunisie à savoir : Adapter ou Adopter les normes
internationales IFRS. Ce présent travail s’inscrit dans la recherche en comptabilité en faisant
appel à la fois aux champs théoriques et professionnels. L’intérêt de ce mémoire réside
notamment dans l’actualité de sujet dans le contexte tunisien à la fois pour les sociétés
tunisiennes, soucieuses de renforcer leur vocation internationale et pour les professionnels de
la comptabilité en Tunisie qui jouent un rôle important dans le processus de normalisation
comptable.

Afin d’introduire notre question de recherche, nous avons jugé utile de commencer par
une étude d’impact des normes IFRS sur les états financiers des sociétés tunisiennes et par
une étude comparative entre les NCT et les IFRS. Cette étude a révélé que le système
comptable des entreprises présente des divergences majeures par rapport au référentiel
international qui sont dues à la fois à une mauvaise application du SCE par les sociétés
tunisiennes et par une évolution importante des normes IFRS sans qu’elle ne soit suivie par
une évolution similaire des NCT. L’application de certaines normes internationales aura ainsi
un impact significatif sur les états financiers et les ratios clés des entreprises tunisiennes
(Avantages au personnel, Instruments financiers, Contrats de location, Impôt différé). Dans
un deuxième temps, nous avons analysé les avantages potentiels de l’application des normes
IFRS pour les entreprises et l’économie tunisienne en se basant sur des études réalisées en
Europe lors de la première application des IFRS en 2005. Outre les avantages liés à la
pertinence de l’information financière et l’internationalisation de l’économie, les sociétés
tunisiennes seront confrontées à des défis pour l’implémentation des IFRS. Des
considérations comme le coût, la complexité du référentiel international (notamment le
concept juste valeur) et le lien entre la fiscalité et la comptabilité rendent le référentiel
international hors portée de l’ensemble des entreprises tunisiennes. Si le choix du référentiel
IASB semble irréversible pour l’économie tunisienne, étant donné le mouvement de
convergence international (y compris les puissances économiques comme les USA, le Japon
et l’Europe) vers les IFRS, se pose alors la question des modalités optimales du passage IFRS
en Tunisie.

Pour répondre à cette question, une étude exploratoire du sujet semble pertinente vue que
l’objet de la rechercher est de type qualitatif non susceptible d’être observé directement ou
mesuré par des critères quantitatifs. Nous avons jugé ainsi utile de recueillir l’avis des experts
quant aux modalités optimales d’adoption des IFRS en Tunisie ainsi que les réformes fiscales,
légales et professionnelles devant accompagner une éventuelle réforme comptable en
Tunisie. La question de recherche a suscité alors une démarche constructiviste basée sur

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 139

l’abduction. Le recueil des données s’est ainsi fondé sur des entretiens semi-directifs auprès
des experts comptables et fiscaux très expérimentées et ayant montré un intérêt manifeste
pour le sujet.

Les entretiens ont porté sur le bilan d’application du SCE 1996 par les entreprises
tunisiennes dans une première partie et sur les modalités de passage IFRS au niveau de la
deuxième partie. Concernant la première question, il y avait un accord que l’application du
SCE n’est que partielle et que la réforme comptable de 1996 n’a pas atteint l’intégralité des
objectifs dressés à l’époque. Le poids de la fiscalité, le manque d’intérêt, les aspects culturels
et le coût de l’information sont les principales causes évoquées par les experts interrogés sur
les raisons du non respect intégral du SCE. Le SCE a, toutefois, contribué à la diffusion
d’une nouvelle culture de comptabilité financière au sein des préparateurs de l’information
financière et des universitaires. Le SCE a ainsi permis le passage en douceur d’une culture de
plan comptable à une culture de cadre conceptuel. Néanmoins, compte tenu du mouvement
d’harmonisation internationale et de la reconnaissance des normes internationales par
plusieurs pays et puissances économiques mondiales, la Tunisie est en train d’accuser un
grand retard en matière de normalisation alors qu’elle était parmi les premiers pays à épouser
les normes internationales (on était même en avance par rapport à plusieurs pays européens).
La Tunisie, dont l’économie est basée en premier lieu sur les investissements étrangers et les
exportations, doit ainsi adhérer au langage comptable international et doit donc passer à la
deuxième étape de la réforme comptable à savoir « Adopter » les IFRS comme l’ont souligné
d’une façon presque unanime l’ensemble des experts comptables interrogés. Toutefois, pour
des considérations d’utilité et de coût, seules les entités ayant une obligation d’information
financière aux bailleurs de fonds (investisseurs et banques) seront requises d’appliquer un
référentiel assez exigent en matière d’information financière, comme le référentiel
international. Ainsi, les IFRS ne devraient concerner en Tunisie, que les entités d’intérêt
public et certaines PME qualifiées de PME à intérêt économique (c'est-à-dire en excluant les
PME locales à caractère familiales et les TPE). Par ailleurs, et pour que l’adoption des IFRS
permettra d’atteindre les avantages escomptés sur l’économie tunisienne, il faut que la
réforme comptable soit accompagnée par une réforme des textes fiscaux et légaux afin
d’éliminer toute interférence dans les règles comptables. La revue des textes fiscaux constitue
une étape fondamentale pour réussir l’implémentation des IFRS en Tunisie et pour éviter les
erreurs commises lors de la gestion de la transition du SCE 1996. En effet, étant donné que la
fiscalité continue à peser lourd sur les choix des politiques comptables des dirigeants
tunisiens, les experts interrogés ont insisté sur la nécessité d’une révision progressive de la
législation fiscale afin d’éliminer toute interférence des textes fiscaux dans les politiques et
pratiques comptables dans une première étape, et de rapprocher au maximum les dispositions
fiscales des règles comptables, dans une deuxième étape.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 140

La revue de la structure et des règles de fonctionnement du CNC est aussi une étape
importante dans cette réforme comptable. L’organisation actuelle du CNC basée sur le
volontariat et l’absence des moyens nécessaires ne garantissent pas un fonctionnement
adéquat du CNC permettant de suivre et d’intégrer les évolutions récurrentes du référentiel
international. La création d’organes permanents et professionnels pourrait certainement
relancer la productivité et la réactivité du CNC. Par ailleurs, la profession comptable,
représentée par l’OECT, doit jouer un rôle plus important dans le processus de normalisation
comptable et la promotion de la qualité de l’information financière publiée par les sociétés
tunisiennes.

Il convient de signaler qu’il n’est pas dans notre objectif de proposer une solution
définitive des modalités de passage IFRS pour la Tunisie. Il s’agit plutôt de procéder à une
étude des avantages et inconvénients des différents scénarios possibles d’adoption des IFRS et
de recueillir l’avis des experts sur les modalités optimales d’une éventuelle réforme
comptable en Tunisie. Par ailleurs, la méthode qualitative adoptée ne permet pas de
généraliser les résultats de l’étude. D’une part, l’utilisation de la technique des entretiens, quoi
que garantit une information pertinente et riche en profondeur, présente l’inconvénient de la
faible taille de l’échantillon qui n’a aucun objectif de représentativité au sens statistique.
D’autres parts, les entretiens réalisés dans la cadre de ce mémoire sont limités aux experts
comptables et aux spécialistes en fiscalité. Il serait aussi intéressant de prendre l’avis d’autres
acteurs impliqués dans la réforme du système comptable à savoir les dirigeants des
entreprises, les préparateurs de l’information financière, les intermédiaires en bourse et les
autorités du CMF. Une autre piste d’enrichissement du présent travail serait une analyse
spécifique et approfondie des conséquences d’application des IFRS au niveau de certains
secteurs spécifiques notamment le secteur bancaire et des assurances. L’implication des IFRS
pour ces deux secteurs a été abordée volontairement d’une manière générale, mais la
spécificité de ces secteurs nécessite un approfondissement pour évaluer l’impact des IFRS.
Ainsi, les propositions formulées dans le présent mémoire sur les modalités de passage IFRS
en Tunisie, peuvent servir de support à la formulation d’un cadre théorique plus complet
testable par un questionnaire adressé à un nombre plus élevé d’experts comptables, de
représentants des sociétés, des experts fiscaux, des représentants de la bourse des valeurs
mobilière, des responsables d’octroi de crédit au niveau des banques et d’autres parties
concernées par l’information financière.

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http : // www.coso.org.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 155

Annexes

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 156

ANNEXE 1 : RESULTATS DE L’INDICE PARTIEL DE COMPARABILITE

Résultat net Capitaux propres


En milliers de TND
Elément de Elément de
Local IFRS ICNI réconciliation IPCRN Local IFRS ICCP réconciliation IPCCP
Société 1 1 358 000 1 735 000 28% 11 630 000 12 200 000 5%
Subvention d'investissement (IAS 20) (75 000) -6% (805 000) -7%
Leasing (IAS 17) (3 000) 0% 78 000 1%
Amortissement Immobilisations corporelles
(IAS 16) 489 000 36% 1 399 000 12%
Immobilisations incorporelles (IAS 38) (4 000) 0% (12 000) 0%
Impôt différé (IAS 12) (30 000) -2% (90 000) -1%
Société 2 (567 187) (567 187) 0% 1 176 442 1 104 820 -6%
Subvention d'investissement (IAS 20) (71 622) -6%
Société 3 4 341 000 4 655 000 7% 56 720 000 52 007 000 -8%
Leasing (IAS 17) 44 000 1% 120 000 0%
Charges à répartir (IAS 38) 611 000 14% - 0%
Impôt différé (IAS 12) (341 000) -8% 662 000 1%
Subvention d'investissement (IAS 20) - 0% (5 495 000) -10%
Société 4 (40 723) (1 094 396) 2587% 4 278 217 2 340 205 -45%
Politique d'amortissement (IAS 16) (14 657) 36% (734 935) -17%
Provisions clients (IAS 39) 16 075 -39% (34 954) -1%
Provision stocks (IAS 2) (1 055 091) 2591% (1 168 123) -27%
Société 5 (1 155 284) (1 067 935) -8% 14 072 019 15 648 894 11%
Politique d'amortissement (IAS 16) 96 632 -8% 2 808 583 20%
Amortissement subvention (IAS 39) (9 283) 1% (66 247) 0%
Reclassification subvention (IAS 2) - 0% (1 165 461) -8%
Société 6 1 715 000 1 715 000 0% 2 038 000 2 038 000 0%

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 157

Société 7 15 521 000 (1 458 000) -109% 178 151 000 154 602 000 -13%
Leasing (IAS 17) (6 439 000) -41% (3 796 000) -2%
Frais préliminaires (IAS 38) 4 983 000 32% - 0%
Ecart de conversion (IAS 21) - 0% (500 000) 0%
Frais d'émission des emprunts (IAS 32) (838 000) -5% 850 000 0%
Dérivé incorporé de change (IAS 39) (10 682 000) -69% (13 052 000) -7%
Swap de taux (IAS 39) (4 004 000) -26% (7 052 000) -4%

Société 8 41 486 000 54 484 000 31% 194 859 000 50 987 000 -74%
Stock (IAS 2) 36 000 0% (30 813 000) -16%
Indemnités de retraites (IAS 19) (333 000) -1% (333 000) 0%
Capitalisation des frais d'exploration (IFRS 6) 2 399 000 6% 1 760 000 1%
Amortissement (IAS 16 & IFRS 6) 4 577 000 11% (114 303 000) -59%
Impôt Différé (IAS 12) 7 091 000 17% (12 351 000) -6%
Coût d'abandon (IAS 37) (772 000) -2% 12 168 000 6%
Société 9 36 254 318 14 776 354 -59% 247 618 152 153 921 505 -38%
Concession (IFRIC 12) (17 052 625) -47% (38 529 253) -16%
Frais préliminaires (IAS 38) 4 585 887 13% (4 585 887) -2%
Frais d'émission des emprunts (IAS 32) (1 401 880) -4% 2 069 141 1%
Politique d'amortissement (IAS 16) (4 163) 0% (24 294) 0%
Impôt différé (IAS 12) 5 795 224 16% 9 553 956 4%
Couverture (IAS 39) (13 400 405) -37% (62 180 312) -25%
-
Société 10 20 000 (12 000) -160% 129 000 (279 000) 316%

Pensions (IAS 19) (32 000) -160% (408 000) -316%


Société 11 5 367 4 377 -18% 132 985 130 097 -2%
Juste valeur des créances (IAS 39) 744 14% (5 488) -4%

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 158

Coût amorti des crédits (IAS 39) (155) -3% 1 281 1%


Dépréciation des crédits (IAS 39) (1 254) -23% (9 955) -7%
Juste valeur des actifs disponibles à la vente
(IAS 39) - 0% 18 997 14%
Juste valeur des instruments financiers (IAS
39) 55 1% 55 0%
Politique d'amortissements (IAS 16) 5 0% 36 0%
Provision pour retraite (IAS 19) (128) -2% (1 906) -1%
Fond social (IAS 1) - 0% (2 741) -2%
Impôt différé (IAS 12) (257) -5% (3 167) -2%
-
Société 12 543 (2 028) -473% 6 422 (30 589) 576%
Juste valeur des créances (IAS 39) 244 45% (2 034) -32%
Frais préliminaires (IAS 38) 80 15% (105) -2%
Dépréciation des crédits (IAS 39) (4 356) -802% (46 125) -718%
Juste valeur des actifs disponibles à la vente
(IAS 39) - 0% (2 841) -44%
Juste valeur des instruments financiers (IAS
39) 96 18% - 0%
Réévaluation des immobilisations (IAS 16) 41 8% - 0%
Provision pour retraite (IAS 19) (60) -11% (685) -11%
Impôt différé (IAS 12) 1 384 255% 14 778 230%
Société 13 24 261 24 900 3% 176 406 177 189 0%
Provisions créances- risque spécifique (IAS 39) 526 2% 1 420 1%
Evaluation du portefeuille titres (IAS 39) (73) 0% 3 928 2%
Immobilisation corporelle (IAS 16) 61 0% 1 000 1%
Provisions pour engagements sociaux (IAS 19) 200 1% (459) 0%
Autres provisions (IAS 37) - 0% (325) 0%
Autres retraitements (453) -2% (4 165) -2%

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 159

Impôt Différé (IAS 12) 378 2% (616) 0%


Société 14 10 827 678 22 534 217 108% 136 439 451 122 415 947 -10%
SWAP (IAS 39) - 0% (31 715 934) -23%
Concession (IFRIC 12) 9 487 393 88% 10 972 903 8%
Emprunts en monnaie étrangère (IAS 21) (68 393) -1% 1 237 252 1%
Frais préliminaires (IAS 38) 1 662 493 15% 1 662 493 1%
Amortissements (IAS 16) 19 617 0% 19 617 0%
Impôt Différé (IAS 12) 605 430 6% 3 800 165 3%

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 160

ANNEXE 2 : TABLE DE SYNTHESE PAR REGROUPEMENTS : ANALYSE THEMATIQUE DES ENTRETIENS

Thèmes Sous thèmes Illustrations Idée principale


La profession n’avait pas de maturité pour rompre avec un modèle à plan comptable, ce qui a poussé certains à 1. La culture plan comptable a
utiliser la norme générale pour annexer dans cette norme un plan des comptes On était imbibé par la logique continué à influer sur les pratiques
française et on n’a pas trop osé comptables après l’adoption du
SCE 1996.
Après 11 ans, je constate que les étudiants sont conceptuellement forts, certains comptables comprennent. Dans 2. Faiblesses en matière de
la pratique il y a un grand risque que nous sommes en train de faire n’importe quoi par exemple est ce qu’il y a communication des dirigeants
une société qui appliquait le test de dépréciation. tunisiens.
3. Il faut obligatoirement une
Les sociétés tunisiennes sont sous encadrées. Les sociétés tunisiennes n’achètent pas le service comptable par ce période de transition pour changer
que l’information comptable n’est pas une priorité pour les dirigeants tunisiens, ce n’est pas une question une culture comptable.
d’ordre publique. 4. Le SCE a contribué à la
diffusion une nouvelle culture
En questionnant le PDG d’une société cotée sur la crise financière, il a répondu qu’on n’a pas de problème comptable et financière anglo-
pour notre groupe, on va augmenter le chiffre d’affaires et en lui demandant des conséquences de la baisse du saxonne.
cours des actions il a répondu que ce n’est pas mon problème. Ces propos montrent l’état d’esprit de la majorité
des dirigeants tunisiens. Malgré que le groupe est très performant, les dirigeants sont faibles en matière de
Culture communication financière
Bilan SCE 1996
Lorsque le PDG d’un groupe coté a constaté qu’il est mal noté par les agences de notation, il a décidé d’arrêter
la notation. Il a déclaré que c’est de l’argent jeté par la fenêtre et de toute façon lorsque j’ai besoin de me lancer
sur une opération sur le marché financier, je vais relancer le processus de notation.

D’ailleurs c’est un signe de non maturité que les sociétés cotées et les banques tunisiennes n’ont pas fait de
simulation pour estimer l’impact et le coût de passage IFRS Nous avons un gap énorme en Tunisie.

La culture de l’époque était très liée au plan comptable et aux imputations comptables des factures et pièces,
telle sommation qui sera faite, tel output qui sera communiqué, c’est le système à plan comptable qui ne laisse
pas la latitude d’interpréter. C’était une culture de plan comptable de traitement systématique de l’information.

Si vous voulez mettre en place un nouveau système comptable et une nouvelle culture financière, il faut donner
les moyens aux gens et faciliter cet exercice. C’est un moyen qui a facilité et accompagné la transition d’ un
système comptable à cadre conceptuel. Vous ne pouvez pas faire 180° d’un seul coup à des gens ou le plan
comptable est enraciné dans leur culture comptable.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 161

Le SCE a contribué au moins à diffuser une nouvelle culture financière et comptable. Les comptables tunisiens
ont évolué et ont désormais un langage compréhensible. Ils peuvent motiver et argumenter certains choix
comptables. Ils peuvent défendre la comptabilisation d’une dépense en charges ou en actifs.

De mon point de vue, l’origine du problème est culturel. Le comptable tunisien est habitué à une approche de
plan de comptes. Il est habitué à des schémas de comptabilisation, à des règles fermes claires, Les comptables
tunisiens n’ont pas les compétences pour juger, interpréter, à analyser. Le comptable est habitué à des solutions
clés en main. Si on veut aujourd’hui juger l’application du SCE, sur la plan de la forme l’application est tout à
fait satisfaisante par contre sur le fond ce pourcentage devient très faible. C’est un problème de culture et de
tradition.

L’application était mitigée mais le SCE a introduit une culture comptable révolutionnaire. La comptabilité a
rehaussé son statut. Le comptable est petit à petit passé d’un simple bookkeeper à un analyste qui exerce le
jugement et défend ses choix.
Le plan comptable était préparé avant que le cadre conceptuel ne soit achevé et que d’autres normes n’étaient 1. Pour une partie des sociétés
pas encore préparées et on a aussi copié du plan comptable français. Tout ceci était à l’origine de distorsions. On tunisiennes, le SCE était perçu
a un grand problème qui s’appelle la norme générale qui était préparée avant d’autres et qui n’est pas à tout comme un changement du plan
égale conforme au cadre conceptuel. comptable.
2. La norme générale a permis la
Plan comptable L’introduction de cette norme générale avait deux objectifs : le premier objectif c’est qu’elle permettrait ce gestion de la transition entre deux
passage en douceur, d’ailleurs la première année c’était une année très difficile puis les choses ont évolué modèles comptables.
doucement. Dans un deuxième objectif, elle a servi aux entreprises qui ne sont pas concernées par le nouveau 3. La norme générale a eu un rôle
SCE. pédagogique.
4. La norme générale a permis de
C’est vari que c’est une norme particulière qui n’aurait du pas exister parce qu’elle a laissé un flou :est ce qu’il couper court avec le PCG 1968.
s’agit d’un système à cadre conceptuel ou à plan comptable mais je pense que c’était une norme beaucoup plus 5. On a donné plus d’importance
pédagogique qu’autre chose. Elle a été explicative au niveau de certaines méthodes de traitement et de au plan comptable alors que ce
présentation. dernier est un guide optionnel.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 162

L’idée d’inclure un nouveau plan de compte a permis de pousser les gens à rompre avec le PCG de 1968. Ce
PCG était un casse tête avec des comptes inutilisables comme les comptes « provision sur frais financiers
d’acquisition d’immobilisations » et « frais financiers sur acquisition d’immobilisations ». On s’est trop inspiré
de la nomenclature française faute de temps pour préparer un plan comptable. Le nouveau plan comptable a
permis de couper court avec le plan de 1968. Il est vrai qu’on a adopté une approche internationale, il est vrai
qu’on s’est tourné vers une approche anglo-saxonne mais il est aussi vari qu’on a une culture technico
technicienne dans nos esprits depuis plus de 30 ans qu’il est impossible de la changer radicalement en un jour

A mon avis l’inclusion d’un plan comptable était un outil pédagogique pour éviter la rupture. C’est un moyen
qui a facilité et accompagné la transition à un système comptable à cadre conceptuel. Conceptuellement on peut
en débattre, mais ça n’a jamais était un frein à l’application du SCE. C’est sur qu’il y a des déviations au sein de
certaines entreprises et professionnels, mais ces déviations existeraient toujours même en l’absence d’un plan
comptable.
Plan comptable
Le problème aujourd’hui c’est que ce plan de compte est devenu l’élément clé ou la partie la plus importante du
SCE. Moi j’ai eu une discussion avec un grand enseignant qui m’adit que finalement il n’y avait pas un grand
changement vous avez change des numéros de comptes, il y a quelques changements de présentation.

La norme générale permet de rallier les deux systèmes bien qu’on n’a pas investi de manière approfondie. Elle
respecte la culture comptable de l’époque

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 163

1. Il faut séparer entre la


Pour les EIP, il faut séparer entre fiscalité et comptabilité, il faut deux liasses. Il faut un système qui génère deux
types d’amortissement : un amortissement comptable basé sur des taux économiques pour le reporting et un comptabilité et la fiscalité.
amortissement sur la base des taux fiscaux pour la déclaration fiscale. Ca devient donc une règle de gestion et de 2. Le tableau de détermination
système d’information. Je peux traiter l’opération en deux fois : système fiscal et système comptable. Bien sur fiscal est mal exploité par les
cela suppose que j’ai des gens très formés et très compétents qui sont capables d’alimenter les règles de gestion sociétés tunisiennes.
3. Les dirigeants sont influencés
Certains enseignants et professionnels disent que je ne peux pas appliquer certaines règles comptables du fait par les règles fiscales dans les choix
que certaines règles fiscales imposent la comptabilisation de certaines charges sous peine de non déduction. La de méthodes comptables.
loi de finances 1998 a stipulé que le système comptable des entreprises est la référence pour la fiscalité, si j’ai 4. Le système fiscal tunisien a bien
des règles comptables qui sont contraires aux règles fiscales, j’applique les règles comptables et on retraite pour évolué ces dernières années.
le besoin du fisc. Les gens veulent bloquer parce qu’ils ne connaissant pas les normes comptables. 5. Le décalage entre comptabilité et
fiscalité est un phénomène
Il faut dire que notre système évolue dans le bon sens depuis quelques années. D’abord, il est explicitement dit universel.
dans les textes fiscaux que le SCE est le référentiel officiel de comptabilité. Tous ce qui crée les problèmes c’est 6. Il faut qu’il y ait une réforme
les décalages. La norme IAS 12 aurait du être appliquée depuis longtemps. Depuis les dernières réformes fiscale et juridique qui accompagne
fiscales on a évolué, on a accepte maintenant d’enregistrer et ne pas imposer. Ce qui n’est pas encore admis et la réforme comptable.
j’espère qu’on va y arriver, c’est que lorsqu’il y a un élément qui n’est pas enregistré en comptabilité mais 7. Certains CAC ont favorisé le
enregistré uniquement en fiscalité. L’administration fiscale évolue, elle se base sur le SCE rien ne l’empêche de respect des règles fiscales.
se baser sur les IFRS si demain on décide d’appliquer les IFRS. Tout le reste c’est des exceptions qui devraient 8. L’administration fiscale a pu
Fiscalité être énumérées par les textes fiscaux sans qu’il y ait de conditions de comptabilisation. imposer ses règles comptables en
l’absence d’un autre organisme
Le décalage a toujours existé et dans tous les pays du monde quelque soit le système comptable et heureusement puissant pouvant imposer le respect
depuis la publication du SCE il y a eu beaucoup d’efforts pour rapprocher la comptabilité de la fiscalité avec les des règles comptables.
nouvelles dispositions fiscales qui tendent à harmoniser et rapprocher les règles fiscales des règles comptabilité 9. On ne peut pas harmoniser entre
règles fiscales et comptabilité.
Personnellement, j’ai audité des bilans dans les années 80 établis sous l’égide du plan comptable 1968 avec des 10. La comptabilité sera toujours la
règles fiscales très contraignantes. A cette époque, la fiscalité était un véritable guide de la comptabilité. C’est base de la fiscalité en Tunisie. C’est
vrai qu’actuellement il a y a une nette évolution mais l’emprunte de la fiscalité sur la comptabilité reste toujours l’esprit du législateur fiscal.
présente surtout dans les petites entreprises.

Il y a des préalables qui doivent toucher aux règles fiscales. Obligatoirement il faut qu’il y ait une réforme
fiscale qui accompagne la réforme comptable. En plus, il faut obligatoirement une réforme juridique pour
déconnecter entre les notions de dividende et résultat comptable

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 164

Il y a de plus en plus d’efforts pour rapprocher la fiscalité de la comptabilité en Tunisie. On est très loin des
temps ou la fiscalité rejetait toute prescription qui se ferait en dehors des règles fiscales. Par contre, les gens sont
en train de faire du shopping au niveau des règles fiscales lorsque ça leur arrange sous prétexte de l’autorité
fiscale. Ces dirigeants se cachent derrière la fiscalité pour justifier des pratiques de lissage du résultat.

Il ne faut plus que la fiscalité impose des règles comptables aux entreprises, ou des règles de reconnaissances
des charges ou produits. On peut créer une note spécifique au niveau des notes aux états financiers sur le
passage du résultat comptable au résultat fiscal.

En droit, on dit pas d’intérêts pas d’actions. Aujourd’hui nous tenons une comptabilité particulièrement pour se
conformer aux exigences fiscales et pour déterminer le niveau des dividendes à distribuer

Les autorités fiscales jouent pleinement son rôle, on la respecte. Le CAC a manifesté une attitude laxiste qui a
permis aux entreprises de se cacher derrière les règles fiscales. Qui sont les entreprises qui sont en train de
respecter leur test de dépréciation (0), quel est le CAC qui a formulé une réserve la dessus, très peu.

Le dirigeant tunisien a une culture fiscale. Il est réticent de comptabiliser toute charge qui n’est pas admise par
les règles fiscales (telle que la perte de valeur).

Le fisc a suivi la révolution comptable par la loi de finances 1997. Il manquait quelques choses pour être
parfait : la reconnaissance des écritures non prises en compte comptablement mais considérées au niveau fiscal.
Ceci a constitué un biais pour l’application parfaite du SCE

On ne peut jamais harmoniser les règles comptables et les règles fiscales. Les objectifs sont différents, on peut
réduire les différences mais les décalages existeront toujours.

La non publication de la norme sur les impôts différés a contribué en partie à des choix comptables qui étaient
guidés par des raisons d’optimisation fiscale. L’actif d’impôt différé permettrait aux sociétés tunisiennes de
prendre en compte les économies d’impôts futurs, ce qui leur permettrait d’améliorer le résultat et d’amortir
l’effet pénalisant de la fiscalité sur la charge d’impôt.

Le poids de la fiscalité a continué à être le driver du processus d’établissement des états financiers. Il faut
impérativement neutraliser l’effet fiscalité et règlementation sur la comptabilité pour pouvoir appliquer
convenablement les IFRS.

La comptabilité sera toujours la base de la fiscalité en Tunisie. C’est l’esprit du législateur fiscal. Il y a un travail
de rapprochement des règles fiscales de la comptabilité mais il y aura toujours des divergences.

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 165

Il y a un échange régulier entre les cadres de l’administration fiscales et l’ordre des experts comptables en
Tunisie. Les experts comptables ont ainsi participé à la dernière réforme en matière d’amortissement et de
leasing. Les taux d’amortissement fiscaux ont été arrêtés en collaboration avec les experts comptables afin de
refléter la durée de vie économique des actifs.

Les notes communes sont notifiées aux experts comptables pour avis avant de leur publication officielle par
l’administration fiscale.

Les dispositions qui dégagent des divergences avec la fiscalité ne sont pas suivies en pratique. Là où la fiscalité
ne vas pas avec le système comptable, les entreprises ne suivent pas la fiscalité. Le véritable système comptable
tunisien est le système fiscal.

Les méthodes qui entrainent des complications ou des pertes de possibilité de déduction ne sont pas suivies. Par
exemples, du fait que les pertes de valeur sont définitivement perdues, les entreprises tunisiennes passent par des
provisions puisqu’elles peuvent les reprendre dans le futur.

Il faut dire que le tissu tunisien est composé essentiellement de PME très sensibles aux questions fiscales. Et
même les grandes entreprises sont en train d’appliquer un système fiscal.

Les CAC n’ont pas un grand pouvoir et ne peuvent pas contrecarrer les choix fiscaux des sociétés. Finalement,
le dernier mot et toutes les recherches l’ont démontré, revient à l’entreprise. L’entreprise à la possibilité son
CAC. Le CAC qui respect l’éthique professionnelle, il peut influer les entreprises mais avec une certaine limite.
Pour que ça soit significatif, il faut que la masse des CAC se comportent de la même manière.

L’administration fiscale doit développer ses compétences comptables. Il ne faut maintenir que les retraitements
absolument indispensables en fiscalité. Chaque retraitement à son coût, l’entreprise paye l’impôt et plus il faut
qu’elle paye le coût des retraitements du aux divergences avec la fiscalité. Il faut que l’administration fiscale soit
dotée de compétences en comptabilité aussi équivalent aux experts comptables

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 166

La faiblesse, qui à mon avis reste, est celle liée aux informations à fournir. Quel est le nombre de sociétés 1. Les notes aux états financiers
tunisiennes qui respecte le contenu des informations à fournir prévu par les NCT. constituent les défaillances
majeures d’application du SCE.
Pour les PME familiales, le SCE constitue plutôt une contrainte et tout l’effort qui est fait est de chercher à 2. Le SCE était une contrainte
contourner cette contrainte. légale pour les PME familiales et
les TPE.
Au début il y avait quelques difficultés d’application de compréhension et de mise en application du système. 3. Actuellement, le SCE est
On trouvait des états financiers sans notes, sans état de flux. Je constate actuellement que le SCE 1997 est totalement amorti.
globalement correctement appliqué. Les faiblesses restent au niveau des notes telles que la note sur les parties 4. On a repris la forme mais pas le
liées, les notes sont parfois trop agrégées contenu.
5. La pratique de lissage de résultat
Le système comptable est complètement amorti et il est devenu pire qu’un modèle à plan comptable. a conduit à une mauvaise
Défaillances application du SCE.
A part quelques normes sectorielles et de consolidation, il n’y avait pas de nouvelles normes. Des normes
comme l’information sectorielle, l’impôt différé, abandon d’activité, avantages au personnel sont prêtes depuis
1996. La volonté fait défaut. Même les normes publiées en 1996 qui étaient conformes aux normes
internationales ne le sont plus aujourd’hui.

Globalement, l’impression que je garde qu’on n’a pas appliqué convenablement les dispositions du SCE en
matière de présentation et de divulgation. Je n’ai pas audité un rapport financier qui a été préparé conformément
à l’esprit lorsqu’on a rédigé le SCE. Personnellement, j’ai contribué à la rédaction de la norme générale. Les
gens ont repris la forme et le contenant mais pas le contenu.

Il y a un problème réel de performance des entreprises et un déséquilibre financier des entreprises tunisiennes.
La structure de financement des entreprises tunisiennes n’est pas parfaite. Les entreprises se basent sur des choix
comptables pour le lissage du résultat et l’amélioration des fonds propres et des ratios

Les gens ont l’impression que les états financiers, c’est le bilan et l’état de résultat voire un état des
engagements pour les banques et on oublie sciemment les notes aux états financiers. Les notes ne disent pas ce
qu’elles devraient dire ni dans les banques, ni dans les assurances, ni dans aucun secteur. Les notes, c’est le
parrain pauvre du système.

Il y a aussi certains thèmes traités par les NCT et ont été faussement appliqués, je fais allusion notamment au
thème de charges reportés. Les sociétés mettent toutes les charges dans cette rubrique : il y a une mauvaise
compréhension de bonne fois et dans certains cas de mauvaise fois ou de bonne fois contestée dans une volonté
de différer certaines charges en utilisant le canal des charges reportées

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 167

La comptabilité est un langage, si on décide d’être dans le monde, il faut qu’on parle IFRS et ça pour toute 1. Il faut adopter les IFRS en
entreprise qui fonctionne dans l’environnement international. Tunisie.
2. Il faut stratifier la population des
La question d’adoption des IFRS au niveau consolidé ou individuel est un faux problème. Si on prend le cas de entreprises tunisiennes : EIP, PME
la France qui a appliqué les IFRS uniquement au niveau consolidé. Si elle a pensé alléger le travail pour les à intérêt économique et autres
sociétés certainement pas, parce que les sociétés sont obligées de faire le travail pour l’individuel aussi. Ce (PME familiales et EIP).
raisonnement tient pour des motivations juridiques et fiscales. Ce qui bloque en France et dans les pays 3. L’application des IFRS ne
continentaux, c’est la notion juridique du résultat distribuable. Si je vais appliquer les IFRS, j’aurais un résultat devrait pas se limiter au niveau
économique que je n’ai pas réellement entre les mains. La culture qui prévale dans ces pays est une culture de consolidé uniquement.
prudence ou il ne faut distribuer le résultat qu’après avoir constituer toutes les provisions nécessaires. 4. Le langage comptable est un
L’application des IFRS va bouleverser la notion juridique de dividende. On n’a pas encore la culture des anglo- langage universel.
saxons ou les dividendes sont liés au cash et non au résultat. 5. Le terrain en Tunisie est préparé
pour les IFRS beaucoup mieux que
Aujourd’hui et avant d’avancer il faut répondre clairement à la question : Est-ce qu’on va adopter les IFRS. On plusieurs pays développés grâce à
n’a pas de réponse claire. Pour ceux qui prétendent appliquer les IFRS au niveau des états financiers consolidés l’expérience SCE 1996
uniquement, c’est du non sens. D’après ma compréhension, c’est que le bilan consolidé est un ensemble de
bilans individuels. Si tu n’a pas des états financiers individuels en IFRS, comment tu peux établir des états
financiers consolidés IFRS.

On n’a pas le choix en Tunisie. Actuellement plus que 100 pays ont adopté les IFRS dans le monde. La Tunisie
ne devrait pas être dans la minorité des pays n’ayant pas encore adopté les IFRS

Il faut aussi scinder la population et il faut surtout préparer les requis. On peut déjà commencer avec la norme
IFRS pour les PME qui cadre parfaitement avec notre contexte tunisien

Le langage comptable est un langage universel auquel la Tunisie doit obligatoirement souscrire. On ne peut pas
empêcher la circulation des capitaux donc la mobilité des investissements, les opérations de fusion, acquisitions,
etc. Ces opérations seront plus faciles à réaliser et plus sécurisées si on adapte un langage comptable
international. Maintenant je ne vois pas que la Tunisie, un petit pays dont l’économie est basée sur les
investissements étrangers, ne migre pas en normes IFRS.

A mon avis, ni le secteur, ni la taille, ni la répartition du capital ne détermine le modèle comptable. Si moi, en
tant que bailleur de fond, je risque mon argent dans l’entreprise, tu me dois en contrepartie une information
financière de qualité. Je privilégie cette approche pragmatique pas d’intérêt pas d’action

On peut commencer par appliquer les IFRS au niveau des comptes consolidés et engager en parallèle une
réforme des textes fiscaux et juridiques pour pouvoir appliquer les IFRS aux états financiers individuels.

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 168

La notion de EIP je la résume personnellement comme toute entreprise qui s’amuse avec l’argent du public et 1. Les EIP doivent appliquer les
utilise l’argent d’autrui comme financement externe. Ces entreprises sont à même de reproduire une information full IFRS.
qui soit de garantie réelle pour les bailleurs de fond et la meilleure information, c’est celle qui serait 2. Les EIP sont les sociétés qui
confectionnée eu égard à un cadre conceptuel tel que le tunisien mais avec les normes revisitées parce que les utilisent l’argent du public
normes tunisiennes sont totalement dépassées 3. Se référer à la loi de sécurité
financière pour la définition des
L’application des IFRS est un minimum pour les EIP parce qu’il faut aussi améliorer les autres informations EIP.
EIP 4. Les entreprises publiques à
J’incorpore les entreprises faisant appel public à l’épargne (que ce soit par la bourse ou par le système bancaire), vocation commerciale font partie
les entreprises cotées en bourse, les entreprises publiques d’intérêt général (STEG, SONEDE), les des EIP.
établissements financiers. Pour ce type d’entreprises il nous faut un standard classique.

Je ne vois pas pourquoi les banques et les assurances tunisiennes n’appliquent pas les full IFRS, pourquoi la
STEG et le GCT n’appliquent pas les IFRS. Pourquoi tu obliges un investisseur étranger de payer un sur coût de
retraitement IFRS. Le cout de l’investissement va augmenter en Tunisie. On risque de devenir non compétitif
par rapport à des pays comme le Maroc ou l’Algérie C’est une question de compétitivité de l’économie
nationale. L’enjeu est très important pour l’économie tunisienne il faut privilégier l’application directe des IFRS
que perdre le temps et les moyens d’adapter les IFRS

Les IFRS peuvent avoir aussi bien un impact négatif que positif pour les banques tunisiennes. Il y a certaines
banques tunisiennes en sur provisionnement par rapport aux règles IFRS en raison des politiques agressives de
provisionnement dans la logique d’atteindre un niveau de couverture élevé.

Mon point de vue est clair. J’ai toujours soutenu que les normes IFRS devraient s’appliquer en Tunisie mais 1. Les PME à intérêt économiques
d’une manière sélective. Elles devraient s’appliquer aux sociétés d’intérêt public. Maintenant depuis que l’IASB devraient appliquer la norme IFRS
a approuvé la norme IFRS pour les PME, il n’y a aucune raison pour qu’en Tunisie on n’adopte pas quasi pour les PME.
totalement la norme IFRS pour les PME. La Tunisie avec son tissue de PME tel qu’il existe aujourd’hui est peut 2. Se référer à la norme IFRS pour
être beaucoup mieux préparée pour appliquer la norme internationale IFRS pour les PME que certains pays les PME pour la définition des
développés. Si on ne le fait pas, d’une certaine façon on rate quelque part une opportunité parce que tout PME.
simplement dans les années 90 on était le pays qui a anticipé le plus sur l’application généralisée des normes 3. Les PME tunisiennes sont prêtes
IFRS PME internationales et sur le mouvement d’harmonisation internationale au passage IFRS.

Je suis pour l’adoption des IFRS mais il faut que toutes les parties prenantes soient impliquées et à leur tête
l’administration fiscale et la banque centrale. La France était en déphasage par rapport à la Tunisie en 1996,
mainmettent elle est plus proche des IFRS que la Tunisie suite notamment au travail de rapprochement entre
fiscalité et comptabilité. L’administration fiscale française a crée une direction intitulée « Normes comptables ».

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 169

le CNC mettra tous ses efforts principalement dans la configuration, la traduction, la conception d’exemples et 1. Après l’adoption des IFRS, le
solutions c'est-à-dire on, épouse des normes internationales avec leur évolution dans le temps et le conseil se CNC doit jouer un rôle pédagogique
limite à émettre des développements, des illustrations par rapport au contexte local. d’encadrement de l’application des
IFRS.
Des situations particulières devraient exister et c’est le rôle du CNC de les clarifier. Je pense qu’avec une 2. Il faut revoir la composition et
éventuelle adoption des IFRS, c’est le premier rôle que doit jouer le CNC en clarifiant certaines normes ou les règles de fonctionnement du
dispositions par rapport au contexte national CNC.
3. Le CNC est pratiquement en
Le rôle du CNC devrait être la mise en œuvre des IFRS en Tunisie à l’instar de ce qui se passe au CANADA. situation de veilleuse depuis 1997.
4. Le SCE a stagné depuis 1997.
Il faut revoir la composition et les structures du CNC. Il y a un grand problème aujourd’hui. C’est un problème 5. En Tunisie, Le travail de
essentiellement de moyens pour se permettre une organisation professionnelle de normalisation. On ne peut pas normalisation est un travail basé sur
continuer à fonction avec des structures composées de volontaires pour une tache publique le volontariat.

Le problème se situe dans les structures de normalisation qui se sont quasiment arrêtées à ce stade. Pour
l’histoire, il y avait 30 normes thématiques qui étaient livrées et pour lesquelles nous avons été payés. Le
système est sorti avec 15 normes plus quelques petites mises à jour. Il y avait des normes sectorielles.
Aujourd’hui et depuis plus de 2 ans, il n’ y avait pas eu de réunions et de nouveautés. Il n’y avait pas aussi une
évolution dans la culture des dirigeants et des utilisateurs des états financiers.

Je ne pense pas que l’OECT puisse jouer un rôle de normalisation. Son rôle c’est plutôt faciliter l’application des
nomes à travers la formation, l’audit, l’assistance et le conseil. Les professionnels peuvent aider à la bonne
application mais la normalisation ça relève de légiférer et ça ne relève pas de l’OECT. Maintenant il est vrai que
les professionnels de la comptabilité auraient pu être plus actifs à travers leurs contacts avec les autorités. Ils
CNC auraient du critiquer, sensibiliser et rédiger des articles

Malheureusement, aujourd’hui le travail de normalisation c’est un travail qui fait appel au volontariat et au
bénévolat et il est normal qu’il est difficile de maintenir le même niveau d’enthousiasme pour ces gens. Les
réunions du CNC étaient organisées pendant les heures creuses. Pendant les dernières années, on se réunit sur
des projets ou il y a 15 membres. Dans la réunion suivante, il y a 15 noms dont 3 uniquement ont assisté à la
réunion précédente. Il fallait donc repartir de nouveau. On n’évoluait pas parce qu’il n’ ya pas de structure
fonctionnelle.

Le CNC doit sortir des structures opérationnelles du ministère.

Le CNC en termes de production, c’est un organe loin d’être productif. Le rôle de CNC sera tout simplement
d’encadrer l’application et d’absorber tout ce qui passe au niveau de l’IASB. Il faut des comités qui suivent et
arrêtent les questions pratiques.

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 170

Il y a un autre handicap, c’est l’absence de l’évolution du système. Le plan comptable aurait du connaitre des 1.
modifications. Il y a même des incohérences qui auraient du être corrigées. Le système nait et doit vivre

C’est une question de moyens et d’allocation des ressources. Pour avoir un système comptable qui fonctionne, il
faut un organisme qui s’en occupe. Avant la réactivation du CNC, l’OECT a supplié le vide. Tout ça c’est une
question de conviction et de ressources.

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 171

Si le système bancaire donne de l’argent sans vérifier la fiabilité de l’information financière il court des risques. 2.

Les financeurs qui sont la banque, la bourse et l’Etat doivent exiger l’application immédiate sans délai des IFRS
Ceux qui veulent se financer sur le marché ils doivent engager les coûts pour la production d’une information
financière fiable et répondre aussi aux exigences de l’administration fiscale
Utilisateurs de
Je prends par exemple le secteur hôtelier, le système bancaire tunisien a financé 800 unités hôtelières et toutes
l’information ces entreprises sont en difficulté, toutes ces entreprises ont un schéma stéréotypé. Toutes ne sont pas en train de
payer leurs dettes, malgré que leurs dossiers sont appuyées par des garanties réelles. Ca prouve que les banques
gèrent mal et ne s’appuient pas sur l’information financière. Elles n’ont même pas les projections et les business
plan et si elle les ont-elles ne sont pas fiables. Autrement dit un hôtel dont les dirigeants ne sont pas capables
d’arrêter un business plan, ils sont incapables de demander l’argent par rapport un besoin géré d’une façon
continu. Ces entreprises ne sont pas en mesure d’arrêter des comptes pourquoi voulez vous que ces gens la
s’amusent avec l’argent d’autrui. L’argent de la banque appartient au déposant qu’il faut protéger et appartient
aux actionnaires qui sont cotés en bourse. Et plus grave que ça, s’il y aura de faillite, c’est l’état qui va
intervenir à travers l’argent du trésor public. Et on a effacé des dettes dans le passé, c’est l’état qui a payé et
c’est donc le contribuable qui a payé. J’ai pris l’exemple de l’hôtellerie parce que c’est catastrophique et dans
tous les autres secteurs la situation n’est pas moins alarmante

Moi je dirais je fixe un objectif, d’ici 2015 on va faire une courbe montante et une courbe descendante. La
courbe descendante, c’est des financements avec des garanties et la courbe montante c’est donner l’argent aux
plus performants, ceux qui gèrent bien et ceux qui ont un business plan et qui appliquent les normes et à terme
on va être performant. L’information financière et l’application des IFRS est un plus pour canaliser l’argent vers
les bonnes opportunités d’investissement.

Quelle est la différence entre un petit porteur à la bouse de New York, de Paris ou de Tunis. Les besoins sont les
mêmes parce qu’ils vont risquer leurs argents, ils ont besoin d’acheter ou ne pas acheter, vendre ou garder .
Conceptuellement l’information devrait être identique à tout égard mais lorsqu’on met ça comme objectif il faut
construire autour ;

Il va falloir aujourd’hui doser entre besoins et exigences. Les normes comptables c’est un label comme le label
ISO. Les IFRS aujourd’hui c’est un ISO pour les sociétés qui cherchent des investisseurs externes et des
nouveaux bailleurs de fond. Si ce bailleur de fond n’a pas besoin de ce label, pourquoi alors obliger l’entreprise
à appliquer un référentiel couteux.

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 172

L’utilisateur c’est le grand public comme le petit porteur en bourse. Si c’est une société qui s’endette auprès des
banques, moi en tant que déposant dans cette banque, je suis un utilisateur indirect de l’information. La banque
en gérant ses fonds, elle est indirectement en train de gérer les fonds des dépositaires. Les entreprises publiques 1. l’économie tunisienne reste
intéressent aussi le grand public parce qu’il s’agit d’un contribuable aux recettes de ces entreprises publiques. La basée sur l’endettement bancaire.
ou il y a un intérêt pour le public, la ou les entreprises auront à rendre compte au public, il y a exigences de 2. le rôle de la bourse est très
respecter les IFRS. limité.
3. Les banques constituent le
C’est une question d’utilisateurs : Pour les sociétés où le seul utilisateur c’est le dirigeant actionnaire ou la principal utilisateur de l’information
banque qui a constitué une garantie, le système comptable et l’information comptable n’est pas une priorité. La financière en Tunisie.
banque ne se base pas sur les états financiers mais plutôt sur une garantie réelle. 4. Les investisseurs en bourse sont
marginalisés.
On n’est dans ce contexte qui n’encourage pas l’exploitation de l’information financière. Les banques 5. L’information financière est très
demandent l’information financière mais ce n’est pas le critère le plus important dans les décisions de crédit. On peu exploitée par les banques
doit revoir le système de notation en Tunisie. Il faut que la notation intervienne dans les critères d’allocation des tunisiennes.
crédits 6. L’expérience montre que la
garantie réelle n’est pas suffisante.
Nous avons moins de 50 entreprises cotées. Le flottant des entreprises cotées est inférieur à 20%. C'est-à-dire les 7. Les normes IFRS est un label de
petits porteurs qui sont les investisseurs à risques qui auraient du exercer une pression sur le préparateur de qualité.
l’information financière sont marginalisés de part leur participation dans le capital. 8. Les normes IFRS permettent de
protéger les actionnaires.
Les banques continuent à préférer une garantie réelle. Nous sommes des CAC des banques, rares sont les 9. Le CMF n’est pas assez présent.
dossiers qui comportent des états financiers récents et des rapports CAC. Par contre le dossier de la garantie est 10. La BCT a contribué au respect
bien fait et bien ficelé. Les règles prudentielles de la banque centrale privilégient la garantie réelle et on accepte du SCE par les banques tunisiennes.
la valeur de la garantie réelle comme une valeur qui couvre l’engagement et dans le calcul de la provision même
si la relation accuse un retard de paiement.
Utilisateurs de
L’entreprise tunisienne continue à préférer l’endettement bancaire sur l’autofinancement ou la bourse, il reste
l’information donc la banque. Il faut que les banques changent de pratique d’exigence d’information financière et il faut que
le CAC, pousse ses clients à se conformer au système comptable. Je ne reproche rien au fisc, j’ai des reproches
aux banques et aux CAC

Les banques sentent une pression de la BCT pour le respect du SCE. L’autre point discutable, nous sommes en
présence d’un régulateur qui a un souci qui n’est pas forcément les mêmes soucis d’un investisseur à risque qui
est infiné l’utilisateur privilégié de l’information financière. Le cadre de la comptabilité peut souffrir d’un grand
poids de la régulation et ça ce n’est pas forcément la bonne chose. Le point de vue du régulateur est de protéger
au maximum les épargnants en évitant la casse. Du coup, il peut être amené à exiger des modèles de provisions

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 173

étalées sur une longue période alors que le normalisateur comptable vise l’information de l’investisseur sur la
véritable performance de la société durant une période donnée prise isolément implique qu’on soit
complètement dans une logique de mesure objective de performances indépendamment des mesures
conservatoires du régulateur qui peuvent être contradictoires

L’équivalent de la BCT, aurait du être joué par le CMF qui n’est pas assez présent et n’est pas fort. Et encore le
périmètre du CMF ne couvre que les sociétés cotées

1. Les TPE et les PME familiales


Moi, je tolère que toutes les entreprise dont la taille est inférieure à un certain seuil peuvent appliquer le ne sont pas concernées par les
référentiel qu’elles choisissent. Elles peuvent se suffire de la norme générale uniquement et les règles fiscales IFRS.
2. Un référentiel fiscal est suffisant
Personnellement, je pense que les TPE n’ont pas besoin de normes comptables. Elles peuvent se suffire de la pour les TPE.
norme générale, c’est le maximum. Je peux retravailler les normes, il faudrait enlever tout ce qu’on ne peux pas 3. Pour les TPE, on peut se suffire
faire et tous ce que le fisc n’accepte pas. Ca devient donc un système presque fiscal de la norme générale.
4. On aurait du exonérer les TPE
Les entreprises qui ne se financent pas par le public ou qui ont recours à des banques mais ont consenti des du respect du SCE.
garanties réelles et suffisantes n’ont pas besoin d’un système comptable économique. Les PME dont le patron
sait tout et fait tout, n’ont pas besoin de respecter les IFRS. Pour des raisons macroéconomiques statistiques on
trouvera des moyens.
TPE
Pour les autres PME (familiales) et les TPE, un référentiel national fiscalisant est largement suffisant tel que
l’actuel SCE

Toutes les autres sociétés non concernées par les IFRS, on peut leur permettre d’utiliser un système simplifié ça
peut être la norme générale par exemple. A mon avis il faut faire une lecture profonde de la norme IFRS pour les
PME et la transposer sur notre actuel SCE qui sera le nouveau système pour cette population des sociétés non
concernées par les IFRS

Après 10 ans d’expérience, on se rendait compte qu’il fallait tout simplement tracer une ligne de démarcation
entre les entreprises. On aurait du exonérer les TPE, c'est-à-dire celles qui correspondraient au régime forfaitaire
en fiscalité, de toute obligation de tenir une comptabilité commerciale.

La norme générale doit être le reflet des normes IFRS pour les PME et les TPE

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 174

La migration suppose des règles, des prés requis :c’est l’aspect opératoire et managériale qui est aussi important 1. L’entreprise doit définir une
que l’aspect comptable : « change management » c'est-à-dire il faut gérer un changement d’une situation « A » à stratégie de migration IFRS.
une situation « B ». Il y a des pré requis et des règles de formation et de communication. Pour moi comme on 2. Le SCE a contribué à la
achète des solutions technologiques, il faut acheter des solutions conceptuelles. formation des étudiants et des
comptables en normes
Je pense que pour une partie des entreprises qui pourraient être concernées, le passage IFRS ne serait pas facile internationales.
parce que ça implique une organisation en amant qui permettrait l’identification des événements, la mesure pour 3. Les dirigeants voient dans tout
qu’il y ait un traitement et une divulgation et ça ce n’est pas donné à toutes les entreprises parce que c’est une système comptable comme une
question de moyens. contrainte légale.
4. Le SCE 1996 est une bonne
En Tunisie nous avons fait un pas important au niveau de l’enseignement des IFRS. On est beaucoup plus préparation pour le passage IFRS en
avancé que plusieurs pays européens. On exporte des cadres IFRS partout dans le monde. Le terrain est préparé Tunisie.
et les moyens existent. Rien n’empêche cette population d’appliquer les IFRS 5. Il faut que les dirigeants
tunisiens améliorent le volet
J’estime que l’expérience SCE 96 est une bonne préparation des sociétés tunisiennes pour passer aux IFRS. Je communications financières.
préfère adopter les IFRS à l’horizon 2011 avec transitoire implicite de 3 ans que retarder davantage l’application 6. La réforme comptable est une
des IFRS parce que la Tunisie accuse déjà un grand retard. J’applique les IFRS à 70% la première année jusqu’à affaire qui dépasse les comptables
arriver à 90 et 95% dans 3 ans et intéresse tous les acteurs
économiques.
Les dirigeants voient le système comptable comme une contrainte et non pas en tant qu’outil d’information et de 7. Il faut engager une réflexion sur
gestion. On n’a pas beaucoup communiqué sur les avantages des normes internationales auprès des dirigeants et le dispositif juridique d’adoption
des analystes financiers. Il y a un déficit de communication sur les IFRS. C’est le rôle de tout le monde. des IFRS en tenant compte des
Gestion de la L’OECT devrait être actif par des colloques et un plan de communication sur les avantages des normes changements fréquents des IFRS.
transition internationales. 8. Il y a un cloisonnement entre
comptabilité et droit en Tunisie
Il faut communiquer avec les dirigeants tunisiens sur l’importance de la transparence de l’économie tunisienne qu’il faut revoir suite à l’adoption
parce qu’à terme elle va contribuer à la réduction du coût des ressources pour la Tunisie. Avec la cotation, plus des IFRS.
voues êtes transparents, plus c’est plus facile d’accéder au marché international des capitaux 9. Il faut rapprocher l’esprit du
législateur tunisien de l’esprit
Les règles comptables n’est pas l’affaire exclusive des comptables, c’est une affaire beaucoup plus complexe économique des normes IFRS.
qu’un schéma de comptabilisation. La législation commerciale, la législation fiscale, les règles de la banque
centrale, le code des assurances, la pratique bancaire, l’autorité du CMF interviennent dans les règles
comptables. Il va falloir que la comptabilité soit réformée par l’ensemble de parties prenantes

Il faut réfléchir au dispositif juridique d’adoption des IFRS en Tunisie. Les IFRS évoluent régulièrement, il va
falloir chaque fois intégrer ces modifications par un texte juridique. En Europe, c’était facile du fait qu’il y avait
un organe européen unique

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 175

La juste valeur c’est l’émanation du marché c’est à dire il faut avoir un marché actif dans le quel il y a 1. La juste valeur constitue un
plusieurs offreurs et demandeurs bien informés dans des conditions de concurrence normale. Théoriquement s’il problème pour les petits cabinets et
n’y a pas de marché, il n’ y a pas de juste valeur. E n Tunisie je ne vois pas un marché répondant à ces pour certains secteurs.
caractéristiques, même la bourse ce n’est pas un marché parce que les proportions négociées sur le marché sont 2. Une durée plus longue plus
insignifiantes, les prix ne sont pas donc fiables. Les prix sont pré détermines il n’ y aura jamais de crash en appropriée.
Tunisie. Il faut chercher les marchés. On pourrait remplacer ça par les modèles internes basés sur les cash flow 3. Risque d’atteinte à la qualité de
futurs. Moi je dirais si on n’a pas de marché, je préfère rester au modèle de coût en tout cas en Tunisie l’audit.
4. Rôle des cabinets pour préserver
Pour les instruments financiers, il faut un marché, or en Tunisie on n’a pas d’instruments compliqués. Si vous la qualité de l’audit
regardez le pourcentage de participation échangées dans la bourse, c’est insignifiant par rapport aux transactions
sur les titres

En Tunisie on n’a pas la maturité, on n’a pas l’objectivité, on n’a pas la compétence même d’ici 5 ans je ne vois
pas appliquer la juste valeur en Tunisie

Juste valeur On peut se mettre à l’évidence que les IFRS ont poussé le bouchon à un niveau très haut pour le concept de la
juste valeur. Economiquement, la notion de juste valeur est une notion défendable. Par contre, quand tu
appliques la juste valeur sur un actif pour lequel il n’y a pas de marché, c’est normal qu’il y ait une grande part
de subjectivité et de l’amalgame.

On n’a pas introduit des principes et des normes claires en matière de valorisation ce qui a poussé vers le
maintien du coût historique. Il y a avait un projet de norme tunisienne sur les prévisions qui malheureusement
n’a pas vu le jour (à l’instar du CANADA). Il fallait publier cette norme qui pourrait standardiser le processus
de prévision (taux d’actualisation, hypothèses,..). D’ailleurs, en l’absence de cette norme, aucune société
tunisienne n’était en mesure d’appliquer le principe de test de dépréciation.

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 176

Table des matières

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 177

Remerciements  ___________________________________________________________ 1 

Sommaire  ________________________________________________________________ 3 

Liste des abréviations _________________________________________________ 4 

Introduction Générale  _______________________________________________ 6 

CHAPITRE 1 : Impact des normes IFRS sur les sociétés tunisiennes __ 12 

Introduction _____________________________________________________________ 13 

1  Etude d’un échantillon de sociétés tunisiennes _________________________ 13 

1.1  Méthodologie de l’étude _________________________________________________  14 

1.2  Résultats de l’indice global de comparabilité ______________________________  17 

1.3  Résultats de l’indice partiel de comparabilité _____________________________  20 


1.3.1  Ecarts dûs à la mauvaise application du SCE ______________________________________ 21 
1.3.2  Ecarts dus aux nouvelles normes IFRS ou à la révision des normes IAS/IFRS ___________ 25 

1.4  Résultat d’études similaires en Europe ___________________________________  27 

2  Principales divergences entre normes IFRS et les NCT ___________________ 30 

2.1  Divergences conceptuelles  ______________________________________________  31 

2.2  Juste valeur ____________________________________________________________  34 


2.2.1  Immobilisations _______________________________________________________________ 34 
2.2.2  Les instruments financiers ______________________________________________________ 35 
2.2.3  Stock options  _________________________________________________________________ 37 
2.2.4  Les actifs biologiques __________________________________________________________ 38 

2.3  Reconnaissance des passifs ______________________________________________  38 


2.3.1  Passifs au titre des avantages au personnel _______________________________________ 39 
2.3.2  Obligation de remise en état du site _____________________________________________ 40 
2.3.3  Provision pour restructuration  __________________________________________________ 41 

2.4  Immobilisations corporelles et incorporelles ______________________________  41 


2.4.1  Immobilisations incorporelles ___________________________________________________ 41 
2.4.2  Test de dépréciation ___________________________________________________________ 42 

2.5  Regroupement d’entreprises  ____________________________________________  43 

2.6  Consolidation ___________________________________________________________  44 

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 178

2.7  Distinction Capitaux propres/Passifs ______________________________________  45 

2.8  Normes sectorielles _____________________________________________________  45 

2.9  Informations à fournir ___________________________________________________  47 

Conclusion _______________________________________________________________ 48 

CHAPITRE 2 : Normes IFRS : quel intérêt et à quel coût ?  _________ 49 

Introduction _____________________________________________________________ 50 

1  Les normes IFRS : un référentiel incontournable pour une meilleure


communication financière _____________________________  Erreur ! Signet non défini. 

1.1  Les IFRS garantissent une information financière pertinente _______________  51 

1.2  Le référentiel comptable : élément de la gouvernance d’entreprises _______  57 

1.3  Le référentiel international : moyen de développement de l’économie.  ____  59 

1.4  IFRS référentiel comptable mondial unique : la SEC cède en faveur des IFRS  62 

2  Coûts d’implémentation des normes IFRS en Tunisie ____________________ 65 

2.1  La juste valeur peut –elle être appliquée en Tunisie _______________________  67 

2.2  Complexité de certaines normes _________________________________________  70 

2.3  Système d’information et de contrôle interne  ____________________________  72 

2.4  Lien fiscalité-comptabilité _______________________________________________  75 

2.5  Un coût plus élevé pour le secteur financier ______________________________  80 

Conclusion _______________________________________________________________ 81 

CHAPITRE 3 : Les résultats de l’étude : Après avoir adapter, faut-


il adopter les normes internationales en Tunisie  _________________ 83 

Introduction _____________________________________________________________ 84 

1  La méthode : une démarche qualitative ____________ Erreur ! Signet non défini.3 

1.1  Fondements théoriques de l’approche qualitative. ________________________  86 


1.1.1  Une approche constructiviste. __________________________________________________ 86 
1.1.2  L’utilisation de la démarche adductive. __________________________________________ 87 

1.2  Le recueil des données __________________________________________________  91 

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’expertise comptable Année universitaire 2009-2010


Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 179

1.2.1  L’entretien : mode de collecte des données ______________________________________ 91 


1.2.2  Le terrain. ____________________________________________________________________ 92 
1.2.3  La collecte des données ________________________________________________________ 93 

1.3  L’analyse. ______________________________________________________________  94 

2  Les résultats de l’étude empirique  ____________________________________ 95 

2.1  Bilan du SCE 1996  ______________________________________________________  95 


2.1.1  Aspects culturels ______________________________________________________________ 96 
2.1.2  La population ciblée ___________________________________________________________ 99 
2.1.3  Lien entre fiscalité et comptabilité _____________________________________________ 101 
2.1.4  Absence de mise à jour  _______________________________________________________ 102 
2.1.5  Notes aux états financiers _____________________________________________________ 104 
2.1.6  Gestion du résultat ___________________________________________________________ 105 

2.2  Mode d’adoption des normes IFRS en Tunisie  ____________________________  109 


2.2.1  Les entités à intérêt public ____________________________________________________ 111 
2.2.2  IFRS pour PME : Une opportunité pour les entreprises tunisiennes. _________________ 116 
2.2.3  Micro-entreprises et PME locales _______________________________________________ 119 

2.3  Gestion de la transition IFRS en Tunisie  _________________________________  120 


2.3.1  La transition IFRS : un projet d’entreprise  ______________________________________ 122 
2.3.2  Réforme des règles fiscales ____________________________________________________ 125 
2.3.3  Réforme du CNC et rôle des experts comptables _________________________________ 129 
2.3.4  Réforme juridique ____________________________________________________________ 132 

Conclusion Générale _______________________________________________ 137 

BibliographiE ________________________________________________________ 141 

Lois et autres textes règlementaires  __________________________________________  142 


Thèses et mémoires __________________________________________________________  142 
OUVRAGES  __________________________________________________________________  142 
ARTICLES ____________________________________________________________________  144 
Enquêtes ____________________________________________________________________  153 
SITES INTERNET ______________________________________________________________  153 

Annexes ______________________________________________________________ 155 

Table des matières  __________________________________________________ 176 

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Les IFRS en Tunisie : Adapter ou Adopter ? 180

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