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Décembre 2003
5ème promotion
INTRODUCTION
Au cours des années 1980, plusieurs pays développés sont passés à la convertibilité
totale de leurs monnaies et ont autorisé les mouvements de capitaux à l'entrée et à la sortie,
favorisant ainsi l'amplification de l'intégration financière caractérisée par la croissance des
transactions internationales et la montée des capitaux financiers. La tendance au
démantèlement du contrôle des changes s'est accélérée également dans les pays en
développement, notamment durant la première moitié de la décennie 1990. Même les
autorités monétaires internationales qui étaient auparavant dans une position de neutralité,
sont passées à un moment donné, à un soutien actif de la libéralisation des mouvements de
capitaux.
1
Certaines instances à l'échelle internationale, telles que la CNUCED, ont souligné les
risques d'une libre circulation des capitaux pour les pays en développement non encore
capables d'encaisser les chocs violents considérés comme une constante de la libéralisation.
Même le FMI a reconnu que la libéralisation complète des transactions financières n'est
bénéfique que pour certains pays ayant déjà atteint un certain stade de développement.
Toutefois, d'un autre coté, il avoue que la libre mobilité des capitaux est nécessaire pour la
croissance et le développement. On voit donc que le développement est à la fois une condition
préalable et un objectif de la libre circulation des capitaux. En réalité, le FMI parle d'un seuil
minimum de développement pré-requis et a insisté sur la nécessité d'une libéralisation
ordonnée et maîtrisée. Cependant, où peut-on situer ce seuil minimum, et comment peut-on
définir une libéralisation maîtrisée ?
L'Algérie qui a une longue histoire en matière de contrôle des changes, dans le cadre
d'une économie planifiée, a assoupli sa réglementation en la matière, suite aux choix
économiques déterminants qu'elle a annoncés à la fin de la décennie 1980. Ces grandes
réorientations avaient abouti dans le domaine des changes à l'instauration de la convertibilité
courante du dinar depuis 1997 en acceptant l'article VIII des statuts du FMI. L'Algérie qui a
également ouvert en partie le compte financier de sa balance des paiements, notamment aux
entrées d'investissements étrangers, a-t-elle aujourd'hui intérêt à assurer la convertibilité totale
du dinar en autorisant également les sorties de capitaux ? Si oui, est-elle en mesure de le faire
et comment doit-elle procéder pour tirer le maximum d'avantages tout en réduisant au
minimum les risques ?
2
dans un contexte de convertibilité accrue des monnaies nationales, accentuant de ce fait
les crises ayant secoué ces pays. Cette évolution qui a mal tourné, nécessite de poser le
problème du degré de mobilité des capitaux et la question de la pertinence d'un coté des
restrictions, et d'un autre coté de la libre circulation, tout en essayant de présenter les
arguments, les objectifs et les conséquences dans les deux cas. Ceci fait apparaître le
besoin d'introduire la notion de régimes de change intimement liés aux mouvements de
capitaux.
- Le deuxième chapitre présentera certaines expériences en matière de convertibilité et de
libéralisation des mouvements de capitaux. Parler des expériences oblige à tenir compte à
la fois des pays ayant réussi leur ouverture et de ceux qui ont été frappés par des crises
violentes, accentuées par l'instabilité des flux de capitaux. La présentation de ces
expériences permettra de tirer un certain nombre d'enseignements. Certains résultats
empiriques seront également résumés et présentés pour soutenir et renforcer les
explications théoriques.
- Le troisième chapitre est consacré à l'étude du cas de l'Algérie. A travers les expériences
et les enseignements, quelles pourraient être les perspectives de convertibilité en Algérie ?
Evoquer les perspectives ne peut se faire sans passer en revue l'évolution du contrôle des
changes depuis l'indépendance jusqu'à aujourd'hui, tout en insistant sur les faits majeurs
ayant poussé les autorités à assouplir les restrictions dans le domaine des changes. Le
concept de convertibilité allant au delà de l'aspect réglementaire, ne peut être traité sans
une analyse macro-économique brève de l'Algérie, à la fois sur les plans interne et
externe. Enfin, il s'agira de s'interroger sur l'intérêt de la convertibilité totale en
libéralisant les mouvements de capitaux en Algérie, avant de mener une réflexion sur les
perspectives et les conditions d'une telle mesure.
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
CHAPITRE I :
LE CONCEPT DE LA CONVERTIBILITE
ET SES LIENS
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
Dans cette section, il s'agit d'abord de définir succinctement certaines notions générales
nécessaires à la compréhension des développements ultérieurs. Ces notions sont des concepts liés
à la monnaie et à la notion de convertibilité. Ensuite, après avoir défini les différentes catégories
de flux de capitaux, on verra leur évolution remarquable au cours de ces dernières décennies.
Lorsque la monnaie dépasse le cadre national pour jouer un rôle international, elle implique
inévitablement la notion de convertibilité monétaire. Cette notion a évolué selon les circonstances et
les vicissitudes du système monétaire international.
1.1. La monnaie
L’affirmation de John Stuart Mill au milieu du XIX ème siècle, selon laquelle « il n’est pas dans
l’économie d’une société quelque chose de plus insignifiant en elle même que la monnaie »(1)
pourrait laisser penser que l’étude de la monnaie n’a que peu d’intérêt et donc décourager
l’économiste prêt à se consacrer aux questions monétaires. Toutefois, Karl Marx a remis en
question cette idée et a remarqué que la monnaie est une notion très complexe.
Aujourd’hui, la place que la monnaie occupe dans l’économie, tant au niveau national
qu’international, porte à croire qu’elle est l’objet d’étude des plus passionnants.
Dostoïvski a écrit : « la monnaie, c’est la liberté, frappée », plus tard, L.Harrod précisait que
« la monnaie est pouvoir ».
Nous serions tentés d’écrire que, finalement, la recherche d’une définition de la monnaie est un
exercice futile. Elle appartient à un groupe de notions qui s’appréhendent plus qu’elles ne se
décrivent. « …certains objets trouvent souvent dans l’usage qu’on en fait leur meilleure
définition. »(2).
On reconnaît traditionnellement depuis Aristote trois fonctions à la monnaie :
- intermédiaire des échanges : c’est avec de la monnaie qu’on se procure et qu’on vend un bien.
L’échange direct ou le troc n’est plus que marginal dans nos sociétés modernes.
- unité de compte : c’est un élément de référence qui permet d’exprimer le prix des biens et
services par rapport à cette unité.
(1)
Jacoud. G, La monnaie dans l'économie, Ed. Nathan, Paris, 1996, page 9.
(2)
Hawtrey. R. C, Currency and credit, 1919. Traduction française par Sirey, Circulation monétaire et crédit, 1935.
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
- réserve de pouvoir d’achat : c’est la monnaie que l’on conserve aujourd’hui pour les achats de
demain.
On conçoit que la quantité de monnaie en circulation dans un pays est en relation avec la réalité
économique. Ainsi, les contreparties de la masse monétaire sont :
- avoirs extérieurs;
- crédits à l'Etat;
- crédits à l'économie.
La force d’une monnaie par rapport à celle des autres pays résulte de la compétitivité et la
crédibilité des politiques économiques.
La création monétaire n’est pas uniquement déterminée par des considérations de politique
économique interne. La valeur de la monnaie nationale est affectée par des décisions qui sont prises
à l’extérieur. Les flux internationaux de capitaux, les effets sur la monnaie nationale d’une variation
des taux d’intérêt à l’étranger, les systèmes de stabilisation des cours des monnaies sont autant de
phénomènes qui obligent à penser l’organisation monétaire à l’échelle internationale.
Dans le cadre de ses relations commerciales et financières avec l’extérieur, un pays utilise
une monnaie forte considérée comme une liquidité internationale et acceptée de tous, ce qui
nécessite une conversion sur la base d’un taux de change qui est le prix auquel la monnaie nationale
peut être échangée contre une autre monnaie ( liquidité internationale ).
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
deuxième fonction s’ajoute à la première à la fin des années 1950, époque où les principales
monnaies nationales deviennent à nouveau convertibles dans un système de change fixe mais
ajustable, découlant des accords de Bretton Woods.
(1)
L’or n’a plus de valeur officielle depuis 1976, il a une valeur marchande déterminée par le marché et les parités des
monnaies ne sont plus définies par rapport à l’or.
(2)
Selon les termes du FMI.
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
1400
1200 devises
1000
800 position de
réserves au FMI
600
DTS
400
200
or (calculé au
0 prix de 35 DTS
l'once
1950
1954
1958
1962
1966
1970
1974
1978
1982
1986
1990
1994
Source : FMI, international financial statistics et annual report,
Washington, D.C, diverses années.
1.2.5. Les conditions à réunir pour qu’une monnaie soit une liquidité internationale(1)
- la monnaie en question doit faire l’objet d’une offre et d’une demande importantes sur le
marché des changes, c’est à dire que le pays émetteur ait une position importante dans l’économie
internationale. En effet, la Grande Bretagne, les Etats-Unis, le Japon et l’Europe ont contribué à
répandre leurs monnaies nationales par le poids et la densité de leurs échanges et de leurs
financements internationaux.
- le taux de change de cette monnaie doit être stable. En effet, une monnaie dont la valeur
interne et externe est incertaine, ne peut être conservée sans réticence dans les réserves de change
des autres pays.
- la monnaie doit être émise par un pays à structure économique puissante et diversifiée
puisqu’en fin de compte, le gage réel d’une monnaie nationale est la production des biens et
services qu’elle sous-tend.
(1)
Benissad. H, Cours Relations Economiques et Financières Internationales, ESB, 2001-2002.
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
susceptibles de quitter très rapidement le pays, satisfaire la volonté de transfert par les résidents de
leurs richesses vers l’étranger,…
Cette demande est plus ou moins satisfaite selon la disponibilité des réserves et l’intensité des
restrictions de change pouvant ainsi restreindre le degré de convertibilité de la monnaie nationale
vis-à-vis des monnaies étrangères.
2. Convertibilité de la monnaie
Il est inévitable dans la mesure où les monnaies sont un point de passage obligé des relations
avec l’extérieur, de ne pas se poser le problème de la convertibilité monétaire.
2.1.1. Définition
"La convertibilité monétaire au sens du 19ème siècle se définit comme étant la possibilité
offerte aux agents économiques d’échanger librement leur monnaie nationale contre de l’or sur la
base de la définition en or de la monnaie en question appelé pair de la monnaie."(1)
Après la première guerre mondiale, il y a eu suspension de la convertibilité en or des
monnaies et la notion de convertibilité a pris un autre sens. Alors, de façon générale, "la
convertibilité est définie comme étant la possibilité offerte aux résidents(2) comme aux non-
résidents(3) d’obtenir, sans restrictions ni discrimination, la possibilité d’échanger librement leur
monnaie contre des devises étrangères, pour quelque raison que ce soit"(4).
(1)
Morisson. G, Convertibilité monétaire, Document interne - Banque de France, colloque de Sienne, page 1.
(2)
Sont considérés comme résidents les agents nationaux ou étrangers, personnes physiques et personnes morales, qui
vivent habituellement et de façon permanente dans le pays ( y compris les filiales et succursales des sociétés étrangères
et non compris les ambassades, consulats ou institutions internationales).
(3)
Sont considérés comme non-résidents les étrangers mais aussi les nationaux qui vivent de façon habituelle et
permanente à l'étranger
(4)
Revue d'information publiée par la Banque Marocaine du Commerce Extérieur BMCE BANK, Art. Vers la
convertibilité totale du dirham, n° 287, Sept – Oct 2002, page 16.
(5)
Notamment les sections 2, 3 et 4 : voir annexe n°1.
(6)
Voir annexe n°2.
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
" Il faut savoir qu'au sens du FMI, les transactions courantes comprennent les opérations du
commerce extérieur ( importations et exportations de marchandises ), les opérations annexes au
commerce extérieur ( transport, assurance,…), les revenus du capital ( intérêts, dividendes,
loyers,…) et enfin les revenus du travail ( salaires, cotisations sociales, …)"(1).
Définition économique : une monnaie est dite convertible s'il n'existe pas de restrictions sur
les opérations courantes sans toutefois adhérer à l'article VIII du FMI.
(1)
BMCE BANK, Op. cit, p. 16.
(2)
Inspirées des sections 2, 3 et 4 de l'article VIII des statuts du FMI.
(3)
La libéralisation externe doit être coordonnée avec une libéralisation interne.
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
détenteur d’une certaine quantité d’or peut demander sa transformation en pièces, et cette frappe
libre est complétée par une convertibilité des billets en or.
Les particuliers peuvent librement importer ou exporter de l’or et les monnaies sont
librement convertibles entre elles. La stabilité des taux de change est garantie par le mécanisme des
points d’or(1).
Par expérience, les banques avaient constaté que la proportion des billets convertis représente une
fraction plus ou moins constante. Partant de cette idée, elles ont émis des billets au delà des
encaisses en or disponibles. Cette expansion monétaire a entraîné deux principales conséquences :
une forte inflation sur le plan interne qui pousse les agents à se protéger contre la baisse du pouvoir
d’achat en demandant la conversion de leur monnaie en or, et le déficit de la balance des paiements
qui devait être réglé en or. Cette politique monétaire expansionniste a provoqué l’incapacité
d’assurer la convertibilité en or des monnaies.
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
En 1973, le système s’est effondré inaugurant l’ère des flottements généralisés et les accords
de la Jamaïque en 1976 officialisent la démonétisation de L’or.
" Théoriquement depuis cette date, tout pays peut s’acheminer vers la convertibilité totale
de sa monnaie puisqu’il n’est plus nécessaire d’imposer des restrictions ou de disposer d’un stock
de réserves pour soutenir un taux de change prédéterminé "(1). Toutefois, ; certains pays ont préféré
retenir un système de parités fixes. Beaucoup ont préféré prendre des mesures pour restreindre les
échanges commerciaux et les paiements au lieu de se soumettre à la discipline monétaire et
budgétaire qu’implique la politique de change, ce qui a pour effet de limiter la convertibilité de
leurs monnaies, et donc entraîné la création de marchés parallèles illégaux, où les devises sont
échangées au prix le plus fort. Ces restrictions ont été assouplies progressivement dans plusieurs
pays pendant les années qui ont suivi.
(1)
Tchatchouang. J. C, Sortir du piège monétaire, éd. Economica, Paris, 1996, page 35.
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
2.2.4.L’échelle de convertibilité
Ce schéma résume les différentes formes de convertibilité. Il tient compte de la
convertibilité métallique ( convertibilité - or ) et de la convertibilité-devises en mettant en exergue
les différents degrés de convertibilité et en retraçant l’historique de la convertibilité du franc
français selon les périodes.
Echelle de convertibilité
décentralisée avant 1848
(pluralité des émetteurs) espèces 100%
1800-1914
convertibilité directe
métallique
lingots
Centralisé années 1920-1930
(unicité de l’émetteur :banque centrale)
pour tous 1944-1971
monnaie indirecte
via une autre devise
limitée aux banques
centrales
résidents + non-résidents depuis 1989
convertibilité
en devises
seuls non-résidents 1958-1989
inconvertibilité
métallique partielle (contrôle des changes) 1939-1958
inconvertibilité
en devises
totale 0%
Source : Morisson. G, Convertibilité monétaire, document interne - Banque de France, colloque de Sienne.
D'une manière générale, la convertibilité-or peut être totale ou partielle. Elle est directe
lorsque la monnaie est directement convertible en or et indirecte lorsqu'il faut passer par une autre
monnaie convertible en or ( convertibilité à deux paliers )(1). De même, la convertibilité-devises
peut être totale ou partielle pour les résidents ou les non-résidents. Aujourd’hui, la convertibilité
signifie qu’un résident ou un non-résident peut changer sans limites d’aucune sorte la monnaie
nationale contre des devises.
Il existe cependant, plusieurs degrés de convertibilité, qui sont fonction de l’arsenal des
restrictions de change. La convertibilité est appréciée du point de vue de trois critères(2) :
- les ayants droit : à cet égard, on distingue généralement deux types : les résidents et les non-
résidents;
- la nature des opérations : à quel titre on a droit à échanger la monnaie nationale contre des
devises. On distingue en général, les opérations courantes et les opérations en capital;
(1)
Bourguinat. H, Finance internationale, Ed. Puf, Paris, 1992, p. 484.
(2)
Cours REFI, Benissad. H, Op. cit.
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
- la nature de la monnaie : une monnaie peut être convertibles vis-à-vis de quelques monnaies et
non pas vis-à-vis d’autres.
Dans notre cas, c’est la nature des opérations qui nous intéresse, et plus précisément la
convertibilité pour les opérations en capital. Toutefois, la convertibilité, de part sa définition,
concerne la possibilité d'échanger la monnaie nationale contre des devises (autorisation des sorties),
alors que les mouvements de capitaux concerne aussi bien les sorties que les entrées.
La notion fondamentale de la convertibilité préconisée par le FMI est que les pays doivent
assurer la convertibilité pour les opérations courantes ( article VIII des statuts du FMI ).
Cependant, au cours de ces dernières décennies, la libéralisation des système internationaux de
change et de paiement s’est accompagnée d’un démantèlement de toute restriction de change dans
les pays industrialisés et la tendance à la libéralisation s’est accélérée dans les pays en
développement. Les autorités monétaires internationales qui étaient dans une position de neutralité
vis-à-vis de la libéralisation des mouvements de capitaux, sont passées à un soutien actif de celle-
ci(1). Toutefois, après les différentes crises de change qui se sont traduites par des fuites massives de
capitaux, il y a eu une certaine réticence qui a poussé les autorités monétaires internationales à
souligner les risques d’une libéralisation mal maîtrisée et à insister sur un processus graduel et
ordonné.
Les événements vécus en Asie, en Amérique latine et en Russie ont fait de l’évolution des
flux de capitaux un phénomène remarquable. Ces pays qui ont attiré des flux de capitaux
importants, grâce notamment à la levée de toutes restrictions de change ont été victimes d'un
retournement atroce. Ceci nécessite une présentation qui fera l'objet de la sous-section suivante.
Après avoir atteint en 1996 des niveaux records sans précédent, les flux nets de capitaux privés sont
tombés à près de zéro(2) en 2000. Les turbulences qui ont frappé de nombreuses économies de
marché émergentes, pendant la deuxième moitié de la décennie 1990, ont renversé d’une manière
spectaculaire l’évolution récente des mouvements de capitaux. La nature de ces capitaux a
également joué un rôle déterminant dans cette évolution dans la mesure où certains sont plus stables
que d’autres.
Cette sous-section qui se veut être consacrée à l’évolution récente des flux de capitaux,
montre le besoin de marquer d’abord un arrêt pour présenter et situer les différentes catégories de
capitaux au niveau de la balance des paiements.
(1)
Comité intérimaire du FMI, Avril 1997, Tentative d'amendement des statuts du FMI pour tenir compte des
mouvements de capitaux.
(2)
Perrault. J. F, Revue de la Banque du Canada, Art. Les flux de capitaux privés vers les économies de marché
émergentes, Printemps 2002, p. 37.
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
1.TRANSACTIONS COURANTES
1.1. Marchandises
1.2. Services
1.3. Autres biens et services
1.4. Revenus des facteurs
1.5. Transferts unilatéraux
2.TRANSFERTS EN CAPITAL
2.1. Remises de dettes
2.2. Pertes sur créances
3.CAPITAUX A LONG TERME
3.1. Crédits commerciaux
3.2. Investissements directs
3.3. Autres investissements du secteur officiel
3.4. Prêts et emprunts
3.5. Investissements de portefeuille
4.CAPITAUX A COURT TERME
4.1. Secteur privé non bancaire
4.2. Secteur bancaire
4.3. Secteur officiel
5.AJUSTEMENTS
Dans cette présentation, lorsqu’on parle du « compte capital », on désigne tous les
mouvements de capitaux. On distingue les opérations en capital selon la durée, alors que dans la
nouvelle présentation, on tient compte d’autres critères.
(1)
Bourguinat. H, Op. cit, pp. 137, 138 et 139.
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Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
Selon cette nouvelle présentation, le compte financier comprend les rubriques suivantes :
Les flux financiers hors avoirs de réserves qui se composent de :
- Investissements directs : cette rubrique retrace les prises de participation à long terme dans le
capital des entreprises résidentes dans le pays d’accueil. Elle regroupe les rachats et les
créations d'entreprises et d'une manière plus générale, les prises de participation supérieure à
10%(1) du capital de la société concernée, ainsi que les bénéfices réinvestis, les prêts et avances
entre maisons mères et filiales à l'étranger.
-
Investissements de portefeuille: le 5ème manuel regroupe non seulement les titres de
participation et les titres de créance qui portent sur moins de 10% du capital de la société, mais
également les instruments du marché monétaire et les produits dérivés(2).
- Autres investissements: ils regroupent essentiellement les crédits commerciaux, les prêts et
emprunts à court et à long terme, ainsi que les dépôts et autres avoirs et engagements.
Les avoirs de réserves: ils sont définis comme les réserves officielles inscrites au bilan de la
banque centrale: or monétaire, droits de tirages spéciaux (DTS), position de réserves au FMI,
avoirs en devises étrangères ( en monnaies et en titres) et autres créances.
Dans notre cas, on s'intéresse à l'étude de la libéralisation des mouvements de capitaux qui
composent le compte financier hors avoirs de réserves.
Les principales innovations apportées par le 5ème Manuel de la balance des paiements
concernant les opérations en capital sont les suivantes:
- La redéfinition d'un nouveau "compte de capital" ne reprenant pas tous les mouvements de
capitaux, mais seulement les transferts en capitaux (remises ou réaménagements de dettes,
conversions en actifs,etc.);
(1)
Le seuil retenu le plus souvent par les pays.
(2)
Dans la balance des paiements française, les produits dérivés constituent une rubrique à part.
16
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
- La création d'un grand compte financier(3) regroupant tous les mouvements d'engagements et
d'avoirs financiers, aussi bien à court terme qu'à long terme;
- La mise à part des mouvements des avoirs en réserves, qui sont d'habitude repris dans les
capitaux à court terme.
Lors de sa réunion de l'automne 2000, le comité de la balance des paiements du FMI, a conclu à
la nécessité de faire évoluer le cadre conceptuel de la balance des paiements et fournir
éventuellement la trame d'un sixième manuel visant à préciser certaines règles du 5ème manuel et
modifier les recommandations, qui à l'usage, se sont révélées inadaptées ou difficiles à respecter.
M ds U SD F lu x n e ts d e c a p ita u x v e r s le s E M E
300
A u tres rég io n s 2 5 0
200
H ém isp h ère 150
o ccid en ta l
100
50
A sie
0
-5 0
1971
1973
1975
1977
1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
Graphique 2
Au début des années 1980, les taux d'intérêt internationaux ont atteint des sommets sans
précédents. Suite à la chute de la valeur du billet vert à la fin des années 1970(1), les USA ont relevé
leurs taux d'intérêt pour combattre l'inflation et attirer des capitaux étrangers, ce qui a mis de
nombreuses économies émergentes en difficultés financières devant le paiement d'un service de
(3)
Par habitude, on utilise souvent l'ancienne appellation "compte capital" pour désigner le compte financier.
(1)
La parité 1 dollar = 2.56 marks en 1976 passe à 1 dollar = 1.74 marks en 1979. Le Président Carter a lancé un plan de
sauvetage du dollar ( parmi les mesures : hausse du taux d'intérêt ).
17
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
dette libellé en majorité en dollar et alourdi par la hausse des taux d'intérêt. Du fait, plusieurs pays
ont décrété un moratoire sur le remboursement de leur dette, le premier étant le Mexique en Août
1982. D'après le graphique, les flux nets de capitaux privés sont devenus négatifs en 1984 comme
conséquence de la crise d'endettement.
P r o v e n a n c e d e s I D E v e r s le s E M E
P a ys M ds U S D
e u ro p é e n s 3 0
du G7
E ta ts -U n is 2 0
10
Japon
0
1990 1994 1998 M o ye nne
9 0 -9 8
Graphique 3
En général, les flux d'investissements directs étrangers ont tendance à suivre les relations
commerciales historiques. C'est ainsi que les pays européens, membres du G7, sont les principaux
investisseurs sur les marchés émergents de l'Europe tandis que, dans la région d'Asie et du
Pacifique, c'est le Japon.
18
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
La provenance des flux de capitaux privés est largement déterminée par la proximité
géographique, les similitudes culturelles et surtout la disponibilité de l'information et le rendement
attractif.
Graphique 4
De 1990 à 1999, les banques japonaises ont été les principaux bailleurs de fonds des pays d'Asie.
2.2. Tendance récente des flux de capitaux vers les marchés émergents
Les attentes de rendements élevés ont été à l'origine de la hausse des flux de capitaux vers
les marchés émergents. Ces flux ont été stimulés par la libéralisation économique et financière,
l'adoption de politiques macro-économiques saines en apparence et, dans certains cas l'offre de
garanties explicites ou implicites par les gouvernements.
2.2.1. Croissance des flux financiers avant les crises financières vers les pays émergents
Entre 1990 et 1998, les flux d'investissements directs et d'achats de titres par les non-
résidents enregistrés pour les 19 pays émergents les plus importants, ont été multipliés par 6,5. Ce
rythme de progression apparaît supérieur à celui constaté pour les pays du G7 où les flux sur la
même période ont été multipliés par 4.
19
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
M ds U S D
1200
1000
1990 800
600
1998
400
200
0
P ays d u G 7 P ays ém erg en ts
Mds USD
250
Investissements 200
de portefeuille
150
Investissements 100
directs
50
0
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998
Encore faut il souligner que ces entrées de capitaux sont particulièrement concentrées sur
quelques grands pays, puisque la Chine et le Brésil ont reçu à eux deux la moitié des flux recensés
au cours de l'année 1998.
Les pays méditerranéens attirent peu de capitaux étrangers et n'ont guère profité de
l'accélération de la mondialisation des années 1990.
L'Algérie se classe parmi les pays les moins attractifs selon l'indice d'attractivité de la
CNUCED. L'IDE a été en moyenne de 0.5 Mds de dollars entre 1996 et 2000. Le pétrole et le gaz
attirent l'essentiel de ces flux.
20
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
Graphique 7
Source: Fiche de synthèse, les IDE en Méditerranée, Ministère De l'Economie,
des Finances et de l'Industrie, France, 2002.
2.2.2. Chute des flux nets privés vers les pays émergents pendant les crises financières
En 1999, les flux nets de capitaux vers les pays émergents ont diminué pour atteindre moins de 85
Mds USD contre près de 250 Mds en 1996. Ce renversement était la conséquence des crises ayant
fortement secoué ces pays, et accentué par la libre mobilité des capitaux.
Graphique 8 : Flux nets de capitaux vers les EME par type de financement
Mds USD
IDE 200
150
100
Flux de
portefeuille 50
0
Prêts -50 94 95 96 97 98 99
bancaires
-100
-150
21
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
Mds USD
150
100 A f rique
50 A s ie
Rus s ie
0
Brés il
94 95 96 97 98 99
-50
-100
L'ouverture financière des pays émergents les a rendus très vulnérables à la volatilité des flux
de capitaux, ce qui a fait de leur évolution un phénomène spectaculaire. Les fuites massives
entraînant ces pays dans des crises très coûteuses ont soulevé la problématique de la convertibilité
totale et de la libéralisation du compte financier de la balance des paiements et ont semé le doute
quant au bien fondé de la libre circulation des capitaux pour les pays en développement. Ceci fera
l'objet d'étude de la section prochaine.
Par degré de mobilité des capitaux, on entend l'existence ou non de la possibilité donnée aux
agents économiques d'effectuer des opérations financières internationales. Dans cette section, il
s'agira dans un premier temps de parler des restrictions aux mouvements de capitaux, ensuite de
leur libre circulation, en présentant dans les deux cas les arguments, les objectifs et les
conséquences. Dans le dernier point, on fera le lien avec les régimes de change dont on présentera
la classification, les définitions ainsi que l'évolution récente.
22
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
(1)
Cobbam. A et House. Q. E, Capital Account Liberalization and Poverty, Document CNUCED, 2001, page 13.
(1)
Wiliam. C, Arguments contre la taxation des transaction financières internationales, Un document du Cato institute,
2001, page 1.
23
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
24
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
25
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
souverainement par les Etats, et non pas imposée par le FMI ou la Banque Mondiale. Elle relève
d'un choix politique et n'est pas la seule option possible.
26
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
La principale mesure qui a fait l'objet d'un grand débat est la taxe Tobin.
"…elle consiste à prélever une taxe sur toutes les opérations de change privées. Cette taxe serait de
l'ordre de 0.1% du montant brut de la transaction. Autrement dit, le mouvement d'aller-retour qui
consiste à placer de l'argent dans un pays pour une semaine, puis de le retirer, vous coûtera 0.2% du
montant total. Et si vous faites la boucle chaque jour de la semaine, il vous en coûtera au bout de
compte 1%…En revanche, si vous réalisez l'aller-retour sur un an ou deux, la rentabilité de votre
investissement n'en sera pas affectée", a expliqué James Tobin (1).
La taxe Tobin vise donc à dissuader les opérations financières à court terme de nature
spéculative. Selon Tobin, elle permet de "mettre du sable dans les rouages trop bien huilés" de la
finance internationale.
Cependant, le projet Tobin n'a jamais dépassé le stade du débat. Certains auteurs le considèrent
comme étant une fausse bonne idée, qui serait non seulement extrêmement difficile à mettre en
place, mais également d'une efficacité toute relative. Les capitaux risquent de fuir vers les pays qui
ne l'auraient pas adoptée, tant les intérêts des Etats divergent.
(1)
Entretien avec James Tobin ( prix Nobel en économie), Op. cit.
(2)
M. Enders est le Directeur Adjoint du FMI qui s'occupe des bureaux européens. Il nous a accordé un entretien dans le
cadre du stage pratique effectué à la Banque de France, juin – juillet 2003.
27
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
Les pays industrialisés avaient presque tous renoncé à réglementer les mouvements de
capitaux internationaux. Aujourd'hui, le problème concerne donc exclusivement certains pays en
développement. Récemment encore, une majorité des pays en développement contrôlaient
strictement la mobilité des capitaux par crainte d'une fuite massive. Depuis les années 1980,
plusieurs d'entre eux ont commencé à mettre fin à ces contrôles en s'inscrivant dans le cadre de
programmes globaux de stabilisation et de libéralisation.
28
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
3.Restrictions
Indice
fortes 3
2.Restrictions
moyennes 2,5
1.pas de
restrictions
2
1,5
Pays développés
1
Asie
0,5
Amérique latine 0
73
75
77
79
81
83
85
87
89
91
93
95
97
Source: Colloque de l'IFID, Banque Mondiale, Tunis, Octobre 2001.
Comme le montre le graphique 10, la tendance générale dans les pays considérés est à la
libéralisation. De nombreux pays ont assoupli le contrôle des changes et les restrictions directement
applicables aux transactions en capital, en cherchant des moyens de financement non créateurs de
dette, notamment après la crise d'endettement au début des années 1980. Ces nouveaux moyens sont
particulièrement l'investissement direct étranger et l'investissement de portefeuille. Les cas de
durcissement de ces contrôles sont très rares.
(1)
Bulletin du FMI, Volume 27, Numéro 20, 9 Novembre 1998, page 339.
29
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
Les graphiques suivants montrent la tendance des pays à s'ouvrir aux banques étrangères qui
occupent parfois plus de 50% du secteur bancaire domestique:
30
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
République
Argentine
thèque
Chili
Hongrie
Mexique
Pologne Pérou
1999 %
% 1999
1994 0 20 40 60 80 1994 0 20 40 60
On a passé en revue les principales raisons qui poussent les pays à libéraliser aussi bien les
entrées que les sorties de capitaux. Mais, encore faut-il être attractif d'un coté et d'un autre, être en
mesure de faire face aux effets de cette libre circulation, car la mobilité des capitaux a ses
motivations ainsi que des conséquences.
- Un taux de croissance élevé: lorsque le taux de croissance du PIB est élevé, le taux de
rendement également est élevé. Ceci attire les capitaux étrangers. Il est probable que les deux
31
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
phénomènes se traduisent concurremment: les mouvements de capitaux sont plus élevés lorsque
la croissance est forte, mais une croissance robuste dépend elle-même de l'entrée des capitaux;
- Un rating attractif : la qualité des ratings accordés par les agences de notation internationales(1)
joue un grand rôle dans la mesure où la note peut se définir comme l'appréciation du risque de
défaut d'un pays. On trouve ici la notion du risque pays qui se définit comme étant le "risque
associé à l'évolution économique et politique, susceptible d'avoir un impact sur les opérations
internationales des résidents ou des non résidents"(2).
2.1.2. L'intensité des restrictions aux mouvements de capitaux imposées par les autorités
- Un assouplissement du contrôle des changes: dans une telle situation, les étrangers peuvent plus
facilement et à moindre frais investir et retirer leur argent à tout moment. L'absence du risque de
non transfert découlant de la libre circulation des capitaux, constitue l'un des éléments les plus
attractifs des capitaux étrangers;
2.1.3. Les politiques pouvant avoir une incidence sur le degré du risque et du rendement
- Le cadre juridique, financier, réglementaire et technologique: certains pays ont modifié leurs
systèmes juridiques, ont ouvert leurs marchés financiers et ont pu se doter des marchés plus
profonds en offrant les meilleurs moyens de se protéger (opérations de couverture). Le degré de
(1)
Agences de notation telles que : Moody's, Standard and Poors, Fitch,….
(2)
Maames. K, Séminaire : Le risque pays et la banque, ESB, avril 2003.
(3)
On parle de dévaluation lorsque le taux est fixé administrativement et de dépréciation lorsqu'il est déterminé par le
marché selon l'offre et la demande des devises.
32
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
- La fourniture de garanties implicites ou explicites: ces garanties peuvent bien attirer des
capitaux étrangers. Cependant, ces politiques donnent parfois lieu à des entrées excessives ou
injustifiées de capitaux. Un taux de change fixe par exemple, éliminera le risque de change et
fera augmenter les afflux de capitaux (c'était le cas des pays émergents asiatiques);
- L'anticipation de l'aggravation de la fiscalité: dans ce cas, les fonds quittent le pays pour aller
dans des endroits où le taux de pression fiscale est plus favorable, tels que les paradis fiscaux;
Qui dit flux, dit aussi reflux. Plusieurs pays ont vu les capitaux sortir massivement de chez eux
après les avoir attirés. Le revirement est le résultat d'une perte de confiance et de crédibilité dans la
politique intérieure, lequel soumet la monnaie à des attaques spéculatives et provoque une crise de
balance des paiements.
La libéralisation des mouvements de capitaux a certes des gains indéniables, mais elle peut
également avoir des coûts lorsqu'elle n'est pas bien maîtrisée.
- Une intégration financière plus poussée: l'intégration financière internationale sera d'autant plus
forte que seront réunies deux conditions: la mobilité des capitaux qui implique leur déplacement
(1)
Mme. Coudert de la Direction des Etudes de Marché et des Relations avec la place, Banque de France, a répondu à nos
questions pendant le Stage pratique.
33
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
géographique et la substituabilité des actifs, plus particulièrement d'une devise à une autre dans
un cadre de convertibilité des monnaies.
- Un risque d'érosion des réserves de change: l'instauration de la convertibilité totale peut dans
un premier temps conduire à des sorties massives de capitaux par des agents économiques qui,
pendant longtemps étaient privés de cette faculté;
- Fluctuations erratiques du taux de change: les entrées et les sorties alternées des flux de
capitaux influencent le niveau du taux de change;
- Risques liés à la pénétration des banques étrangères: la présence de banques étrangères peut ne
pas contribuer à la stabilité financière, si elles ont tendance à réduire leurs opérations et à quitter
le pays en cas de crise.
Concernant le degré de mobilité des capitaux, on peut défendre une thèse ou une autre, mais au
delà de toute théorie, la pratique apparaît beaucoup plus complexe. Il ne suffit pas, par exemple, de
choisir de basculer d'une situation de contrôle strict à une libre mobilité des capitaux. Les coût
risquent fortement de l'emporter sur les avantages lorsque l'on n'a pas mis en place les moyens
nécessaires.
(1)
Y compris en régime de change Flexible, c'est le cas notamment du Canada vis-à-vis des Etats-Unis.
34
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
a été dominé par les critiques à l'encontre des régimes intermédiaires et les prises de position en
faveur du flottement ou de l'ancrage rigide.
Cette sous-section abordera d'abord la définition des différents types de régimes de change,
ensuite elle se consacrera à la description de la tendance récente dans le choix de régimes de
change.
- Caisse d'émission (currency board): c'est le régime en vertu duquel un pays s'engage
explicitement en vertu de la loi, à échanger à un taux fixe, sa monnaie nationale contre une
devise spécifique (convertibilité totale de la monnaie nationale). Ceci suppose que le pays
détienne des réserves de change au moins égales à 100% de ses engagements. Autrement dit, les
avoirs extérieurs représentent la seule contrepartie de la masse monétaire. Dans ce contexte, les
autorités monétaires n'ont pas d'influence sur la politique monétaire, même sur les taux d'intérêt
à court terme qui sont étroitement liés à ceux de la monnaie d'ancrage.
- Régimes des pays n'ayant pas de monnaie officielle distincte: une autre unité monétaire est la
seule monnaie ayant cours légal dans le pays, ou le pays est membre d'une union monétaire ou
d'un mécanisme de coopération monétaire ayant adopté une monnaie commune qui a cours légal
dans chacun des pays membres. On trouve par exemple la dollarisation ou l'euroïsation(2).
(1)
Colloque de la Banque Mondiale à l'IFID, Libéralisation des mouvements de capitaux et régimes de change, Tunis,
2001.
(2)
On désigne par "Dollarisation " tous les régimes de ce type.
35
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
d'autre d'un taux central fixe. On trouve par exemple, le mécanisme de change européen (MCE)
du SME(1) (remplacé par MCE II depuis le 1er Janvier 1999). Les autorités monétaires disposent
d'une marge de manœuvre qui est fonction de la largeur des bandes de fluctuation;
- Système de parités mobiles: la valeur de change de la monnaie est ajustée périodiquement dans
de faibles proportions à un taux fixe annoncé au préalable ou en fonction des variations de
certains indicateurs quantitatifs ( écart d'inflation avec les principaux partenaires commerciaux,
écart entre la cible d'inflation et l'inflation anticipée chez les partenaires commerciaux,…);
- Flottement libre: la valeur de change est déterminée par le marché. Toute intervention sur le
marché des changes étant plus destinée à modérer le taux de change et à en éviter les
fluctuations indésirables qu'à le situer à un niveau particulier.
Devant la multiplicité des régimes de change, la question soulevée quant au choix du régime le
plus approprié à un pays donné dépend des caractéristiques propres à ce pays. "Il n'existe dès lors
pas de régime de change valable pour tous les pays, ni de régime de change définitivement optimal
pour un pays donné"(2) .
(1)
SME : Système Monétaire Européen : Les monnaies européennes concernées ont un cours central déclaré vis-à-vis
de l'Ecu. Chaque pays membre s'engage à respecter des marges de fluctuation de ±2.25% par rapport au cours pivot. Le
MCE II concerne les nouveaux pays candidats à l'union monétaire européenne.
(2)
Les régimes de change dans les économies émergentes, Bulletin mensuel de la BCE, février 2003, page 51.
36
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
émergentes appliquant des régimes intermédiaires dans un cadre libéralisé, sont avancées comme
une preuve de la pertinence des solutions du coin, et plus particulièrement le flottement. Les
régimes de change intermédiaires ont prouvé leur insoutenabilité devant l'incapacité des autorités à
les défendre durablement(1). Pour Friedman, la spéculation est rendue plus difficile en change
flottant. En effet, lorsque les banques centrales n'interviennent plus pour défendre un taux de
change, les spéculateurs sont dans la plus grande incertitude en matière d'évolution de ces taux(2).
T o u s le s p a ys
%
60
1991 40
1999
20
0
A n c r a ge R é gim e F lo t t e m e n t
r igide in t e r m é dia ir e
Pays émergents
%
80
1991 60
1999 40
20
0
Ancrage rigide Régime Flottement
intermédiaire
(1)
Cependant, les points de vue ne sont pas toujours unanimes sur la question.
(2)
Teulon. F, Le système monétaire international, Ed. Seuil, Paris, 1996, page 44.
37
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
Entre 1991 et 1999, on a constaté que le nombre de pays ayant un régime intermédiaire a
baissé. En revanche, le nombre de pays optant pour les régimes de taux fixe ou de taux flottant a
augmenté.
Ce phénomène est observable aussi bien pour les pays développés que pour les pays
émergents.
L'incidence accrue des crises de change au cours des années passées, constitue l'un des
facteurs essentiels qui ont influencé l'évolution des régimes de change. Ces crises ont rendu
pratiquement difficile le maintien d'un régime de change intermédiaire sans restrictions sur les
mouvements de capitaux (surtout à court terme). Ces régimes intermédiaires subissent énormément
de pression et favorisent la spéculation. Lorsque le taux est sous pression, c'est à dire à la limite de
la bande de fluctuation et les autorités n'arrivent pas à le redresser, on sait bien qu'il y a un seul sens
dans lequel le taux peut évoluer si les autorité sont dans l'incapacité de le soutenir, et ceci donne des
opportunités de spéculation.
Devant l'insoutenabilité de ces régimes, les pays ont deux approches:
- la première consiste à contrôler les capitaux à court terme, c'est le cas du Chili .
- la deuxième consiste à abandonner ce type de régime pour adopter les deux extrèmes qui sont
les régimes polaires, fixité absolue telle que la caisse d'émission(1), ou le flottement libre
considéré moins susceptible aux crises.
Les diverses expériences des années 1990 ont donné lieu à un large soutien en faveur des
régimes dits "polaires" ou encore " les solutions de coin", en particulier le flottement libre.
Cependant, il n'existe pas de régime de change idéal unique, qui serait valable pour tous les pays.
Les autorités doivent être libres de choisir un régime en fonction de la situation du pays: (degré
d'autonomie de la politique monétaire souhaitable et réalisable, degré de libéralisation des
mouvements de capitaux, intégration commerciale et financière,…).
La notion de régime de change est intimement liée au degré de mobilité des capitaux. Il faut
adapter le régime de change selon le niveau d'ouverture de l'économie et les points de vue sur la
question ne sont pas unanimes.
A la fin de ce premier chapitre, on peut d'ores et déjà dégager une lecture générale sur la
notion de convertibilité et de percevoir son lien avec la libre circulation des capitaux. La
convertibilité concerne en fin de compte l'autorisation des sorties de devises, alors que la
libéralisation des mouvements de capitaux concerne aussi bien les sorties que les entrées. A
première vue, on préfère autoriser les entrées et empêcher les sorties. Toutefois, il ne faut pas
croire que les entrées sont toujours favorables, notamment lorsqu'elles sont massives ou volatiles(1).
(1)
Cependant, même la caisse d'émission a subi des crises, c'est le cas d'Argentine.
(1)
Plusieurs pays ont pratiqué des restrictions sur les entrées de capitaux ou encore des taux d'intérêt négatifs pour
dissuader les placements des non-résidents.
38
Chapitre I Le concept de convertibilité et ses liens avec les mouvements de capitaux
Ensuite, l'autorisation des sorties constitue souvent une condition préalable pour attirer les entrées
de capitaux dans la mesure où un investisseur rationnel ne s'engage jamais là où il n'est pas certain
de pouvoir se retirer à tout moment.
La présentation de l'évolution récente des flux de capitaux, marquée par des revirements
brusques conduisant à des crises, a suscité une réflexion quant au choix le plus judicieux entre la
libéralisation d'un coté et les restrictions d'un autre. Notre démarche, en dehors de toute complexité
théorique, s'appuie sur des aspects réels et pratiques. Il s'agira alors de présenter quelques
expériences dans l'objectif d'en tirer un certain nombre d'enseignements et de leçons en la matière.
Ceci fera l'objet du chapitre suivant.
39
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
CHAPITRE II :
ENJEUX, EXPERIENCES ET ENSEIGNEMENTS
DE LA LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX
(1) Bulletin du FMI, volume 27, numéro 20, 9 novembre 1998, page 340.
39
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
Les expériences réussies en matière de libre circulation des capitaux sont nombreuses.
Pratiquement, tous les pays développés en constituent une preuve vivante. Un nombre important de
pays émergents ont également réalisé des miracles pendant des laps de temps très courts. Leur
secret selon les observateurs, repose essentiellement sur leur ouverture financière. Parmi ces pays,
on a jugé intéressant de présenter brièvement les expériences de deux d'entre eux :
- la France qui est un pays développé n'ayant complètement aboli le contrôle des changes que très
récemment ;
- le Chili qui est un pays émergent qui a ouvert son compte financier intelligemment, et a surtout
su comment faire face aux circonstances difficiles, ce qui l'a épargné des crises qui ont
fortement secoué des pays voisins et très semblables à lui.
On a retenu ces deux pays de niveaux de développement initial différents pour voir si la réussite
de la libéralisation des mouvements de capitaux n'est pas uniquement réservée aux pays développés.
La France possède une longue expérience en matière de contrôle des changes. Dès 1932, un
décret a réglementé les transferts financiers avec les non-résidents, et des dispositifs plus ou moins
restrictifs ont été maintenus – à l'exception d'une brève période de liberté entre 1966 et 1968 –
jusqu'à leur abolition définitive en 1989.
(1)
Entretien dans le cadre du stage, Direction de la Balance des paiements - Banque de France, juin – juillet 2003.
40
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
F R F /D E M
0 ,7
0 ,6
0 ,5
0 ,4
0 ,3
0 ,2
0 ,1
0
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
Source: Thomson Financial
Devant les attaques spéculatives du début des années 1980 contre le franc, le contrôle des
changes n'a pas permis d'éviter trois dévaluations successives et inévitables qui ont fait perdre 25%
à la valeur du franc vis-à-vis du deutsche mark comme le montre le graphique 15 :
FRF/DEM
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
80
85
90
95
,
Le contrôle des changes n'a fait que retarder les dates de dévaluation en accumulant les
distorsions. En plus de son inefficacité, il impose des coûts économiques.
Le contrôle des changes en France est devenu incompatible avec l'évolution mondiale et
européenne, notamment face à la Directive de Bruxelles du 18 / 06 / 1988, portant sur la libération
des mouvements de capitaux avec la date limite du 1er juillet 1990.
41
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
2. Un processus progressif
L'histoire du démantèlement du contrôle des changes en France peut être scindée en deux
périodes distinctes :
- en décembre 1958, les transactions courantes ont été libéralisées. Les contrôles concernaient
exclusivement les flux de capitaux;
- en avril 1966, les mesures du contrôle ont été supprimées. La libéralisation des mouvements de
capitaux visait un rôle international pour le franc. La France a proposé de remplacer le système
de Bretton Woods par un système à monnaies multiples y compris le franc. Cependant, la crise
politique de mai 1968 a conduit au rétablissement des contrôles pour faire face aux fuites de
capitaux devant cette crise;
- les mesures de contrôle ont été renforcées pour atteindre leur plus haut niveau en mars 1983
après l'attaque spéculative contre le franc, donnant lieu à trois dévaluations dans le cadre du
SME en dix-huit mois.
Cette situation de contrôle a résulté du style de gestion de l'économie française qui prévalait
pendant cette période :
- défendre le franc contre la spéculation devant un déficit courant persistant provoqué
principalement par les deux chocs pétroliers(2);
- encadrer le crédit devant un maintien artificiel des taux d'intérêt à des niveaux très bas,
nécessaire à cause de la situation financière difficile des firmes françaises jusqu'au milieu des
années 1980.
(1)
Une politique monétaire basée sur les instruments quantitatifs du crédit et un strict contrôle des changes.
(2)
1er choc pétrolier en 1973 et 2ème choc en 1979.
42
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
77
79
81
83
85
87
89
91
93
95
Source: IMF, International Financial Statistics
- 21 mai 1987: autorisation des emprunts en franc à l'étranger pour les entreprises et les
particuliers;
- 9 mars 1989: liberté totale des prêts en franc aux non-résidents;
- 1er juin 1989: suppression du contrôle de la position de change des banques, remplacée par une
réglementation prudentielle.
43
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
%
40
30
20
10
0
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
Source: Banque de France
Cette réforme a stimulé l'investissement dans les titres de l'Etat par les non-résidents. La part
détenue par les non-résidents qui était insignifiante dans les années 1970, a atteint 35% en 1992 et
33.5% fin 2001.
En retour, toute la crédibilité acquise de la politique économique a réduit les risques de la
libéralisation des changes et a contribué à drainer des capitaux qui sont venus renforcer les réserves
officielles.
(1)
Marché à terme d'instruments financiers.
(2)
Une réglementation prudentielle inspirée des décisions du comité de Bâle.
44
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
La crédibilité des politiques suivies et le développement des marchés financiers ont réduit les
risques d'ouverture.
4. L'importance d'une séquence graduelle
L'expérience française peut être analysée comme un cas classique de libéralisation du contrôle
des changes selon une séquence prudente et graduelle:
- la libéralisation du compte courant peut se faire en fur et à mesure ou précédée par les réformes
pour développer le secteur réel et acquérir la compétitivité de l'économie domestique;
- ces réformes permettent également d'attirer et maîtriser les investissements étrangers une fois
libéralisés;
- la libéralisation des investissements de portefeuille doit être coordonnée avec le renforcement
du secteur bancaire et le développement d'un marché financier efficient dans le cadre d'une
supervision bancaire et une discipline financière;
- les réformes ont un impact sur la politique monétaire qui, à son tour, a des effets transmis via les
intermédiaires financiers. Ils sont propagés à travers le marché financier et affectent le
comportement des agents économiques dans leurs choix d'investissement.
5. Conclusion
De l'expérience française, on peut tirer les conclusions suivantes :
- la séquence de la libéralisation du compte financier dépend de la nature des contrôles, de l'objectif des réformes et de la situation initiale de
l'économie;
- l'économie française était suffisamment solide pour réussir la transition (rôle du secteur réel );
- la nécessité de préparer un climat économique sain et cohérent caractérisé par une
réglementation prudentielle, des procédures comptables et une surveillance adaptée aux secteurs
réel et financier et capable de gérer les risques associés aux flux de capitaux;
- un rôle substantiel de choix de régime de change approprié(1) et une politique monétaire
consistante visant la stabilité des fondamentaux macro-économiques. C'est ainsi que le franc
français n'a pas vu son cours pivot ajusté malgré les pressions de 1992 – 93 provoquant la crise
du SME. Le franc a rejoint l'Union Monétaire le 1er janvier 1999 avec la parité de janvier 1987.
L'expérience française a prouvé que la libre mobilité des capitaux peut être compatible avec la
stabilité du taux de change, dès lors que les autorités adoptent des politiques soutenables et
crédibles.
(1)
Le franc français évoluait dans le cadre du SME.
45
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
(1)
Le système bancaire n'était pas préparé pour faire face à la libre circulation des capitaux.
(2)
l'investissement étranger au Chili est régi par le décret portant la loi n°600 et "le statut de l'investissement étranger"
datant de 1974 amendé à maintes reprises.
46
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
%
50
40
30
20
10
0
-1 0 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96
ta ux d 'in fla tio n ta ux d 'in térêt n o m in al
ta ux d 'in térêt ré el
Cette hausse des taux d'intérêt a provoqué un afflux massif des placements à court terme
(graphique 19), car les taux d'intérêt réels étaient toujours positifs (14.2% en 1990) malgré la forte
inflation.
A travers cette évolution, on constate un renversement total de la situation initiale où les
placements nets étaient négatifs jusqu'à 1990. A partir de 1991, ces flux sont devenus positifs.
3000
2000
Millions 1000
USD 0
-1000
-2000
-3000
86 87 88 89 90 91 92 93 94 95
Ces afflux massifs de capitaux ont exercé des pressions sur le peso vers la hausse, menaçant
ainsi la compétitivité externe de l'économie chilienne.
Pour rétablir l'ordre sur les marchés, la Banque centrale a introduit en 1991 une réserve de
20% non rémunérée sur les dépôts à court terme des non-résidents, puis élevée à 30% en 1995, pour
contrôler ce type d'entrées de flux spéculatifs. L'effet de cette réserve fut immédiat. En 1995, on
assiste à une baisse remarquable de ces flux spéculatifs.
47
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
Grâce à une politique monétaire stricte et à une politique budgétaire disciplinée, le taux
d'inflation a baissé à 21.8% en 1991 et a continué à se redresser pendant les années suivantes pour
atteindre 7.4% en 1996. Ce redressement a donné la possibilité à la Banque centrale de baisser les
taux d'intérêt et par conséquent, réduire les capitaux à court terme. Les finances publiques du Chili
sont caractérisées par une discipline très remarquable depuis le début de la période de libéralisation
en 1985. On a connu des déficits inférieurs à 3% du PIB en 1985, 1986 et 1988 et pendant les autres
années, le solde budgétaire a été excédentaire.
% PIB
3
2
1
0
-1 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95
-2
-3
Pendant la période 1990 – 96, les efforts en matière de libéralisation des mouvements de
capitaux et de convertibilité du peso ont été poursuivis :
- en 1990, face aux entrées massives de capitaux, les autorités ont commencé à autoriser les
sorties;
- en 1991, les résidents ont été autorisés pour la première fois à investir à l'étranger sous forme
d'investissement de portefeuille. Pendant cette année-là, la période minimale requise pour
pouvoir rapatrier le capital investi par les non-résidents a été réduite à 3 ans;
- en 1993, la période minimale pour le rapatriement du capital des investissements directs par les
non-résidents est passé de 3 ans à 1 an, sans restrictions sur le transfert des bénéfices. Au cours
de cette année, on a autorisé l'investissement direct des résidents à l'étranger.
- de 1993 à 1996, plusieurs autres restrictions ont été supprimées en la matière. Le tableau suivant
résume les mesures de libéralisation et les différentes réformes engagées dans le domaine des
changes :
48
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
49
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
3. Conclusion
A travers l'expérience chilienne, on peut tirer les conclusions suivantes:
- l'ouverture du compte financier a permis aux entrées d'IDE d'atteindre un seuil record en 1989;
- la libéralisation sélective des capitaux a été réalisée conformément aux évolutions macro-
économiques. Le contrôle des capitaux spéculatifs a permis au pays de se maintenir à l'abri des
renversements;
- le contrôle des capitaux à court terme a été progressivement abandonné après la restauration des
équilibres;
- la libéralisation des sorties de capitaux a été réalisée après le renforcement du solde de la
balance des paiements par les entrées;
- lors de la crise mexicaine en 1994, le peso chilien a mieux résisté que les monnaies des voisins.
D'ailleurs le Chili n'a pas eu besoin d'avoir recours au FMI comme l'Argentine et il a même
prépayé une partie de sa dette extérieure.
- la réussite de l'ouverture financière du Chili a résulté de la maîtrise des dépenses publiques, de
la crédibilité de la Banque centrale dans sa lutte contre l'inflation, de l'attractivité de l'économie
et de la surveillance stricte des institutions financières.
A travers ces deux expériences ( France et Chili ), on a déduit qu'il y a de fortes relations entre
la libéralisation du compte financier, les réformes du secteur financier et l'adaptation de la
politique monétaire et de change. On a conclu que la libéralisation du compte financier doit être
envisagée comme une part indissociable des réformes stratégiques y compris dans le secteur réel
qui doit être en mesure d'offrir des opportunités qui retiennent les résidents et attirent les non-
résidents.
Tirer le maximum de bénéfices et limiter les risques de la libéralisation nécessite de prêter une
attention particulière au "Sequencing" d'ouverture, qui peut être différent d'un pays à l'autre, selon
la situation initiale de l'économie, les objectifs et les circonstances conjoncturelles.
L'ouverture du compte financier n'est pas un luxe réservé aux pays développés à l'instar de la
France, mais elle est également envisageable pour les pays émergents qui en ont déjà fait preuve de
réussite à condition qu'ils soient bien préparés et surtout qu'ils aient une économie attractive.
50
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
Certes la convertibilité totale et l'ouverture financière stimule la croissance, mais elle expose
les pays au risque de crises, qui peuvent avoir des conséquences très dommageables.
Les crises financières qui ont touché nombre de pays émergents, souvent considérés auparavant
comme ayant un brillant avenir, ont démontré que la libéralisation complète des mouvements de
capitaux et la suppression de toutes les restrictions de change forment un processus très complexe et
que ces pays présentent des faiblesses jusque-là mal appréhendées. Dans cette section, nous
présenterons d'abord ces crises d'une manière générale, ensuite nous illustrerons les idées par
certains cas spécifiques.
Les récentes turbulences en Asie, en Amérique latine et en Russie ont ravivé la crainte que la
libéralisation des mouvements de capitaux n'ait un effet négatif et que ses coûts ne dépassent ses
avantages.
L'analyse des statistiques financières internationales des années 1990 fait clairement ressortir
que la libéralisation des comptes financiers de certains pays a été suivie d'une hausse marquée des
flux de capitaux sans précédent. Cependant, avec l'apparition de petits signes d'instabilité, un reflux
d'une ampleur inusitée a été enregistré. On consacrera quelques développements à la description de
ce phénomène avant d'en analyser les conséquences macro-économiques.
1. Evaluation du phénomène
Au cours des années 1990-95, les flux de capitaux vers les pays émergents sont établis à
60Mds de dollars en moyenne, avec des écarts pouvant atteindre plus ou moins 30 % autour de ce
chiffre.
Pendant la période 1995-96, une brusque accélération s'est produite, les flux totaux ayant
triplé par rapport à ceux constatés les années précédentes. Cependant, ainsi qu'il ressort des deux
graphiques suivants, un premier retournement s'est produit au deuxième semestre de l'année 1997
en Asie concernant notamment les deux rubriques les plus volatiles du compte financier qui sont
"les investissements de portefeuille" et "les autres investissements" ,suivi d'un deuxième
retournement dans d'autres pays d'Amérique latine et des pays en développement.
51
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
M ds US D
50
0
a u t re s
i n ve s t i s s e m e n t s -5 0
i n ve s t i s s e m e n t s -1 0 0
d e p o r t e fe u i l l e
-1 5 0
1992
1994
1996
1998
2000
Graphique 22 : Retournement des flux à court terme en 1998
M ds USD
60
tous les pays en 40
dév eloppem ent 20
Asie de l'Est et 0
Pacifique -20 1997 1998
Am érique latine -40
et Caraïbes -60
-80
-100
Source: BRI
Dans un contexte de liquidités mondiales abondantes qui régnait avant 1997, les
investisseurs ont cherché des placements plus rentables que ceux en vigueur sur les marchés des
pays développés ( Etats-Unis, Japon et Europe ) où les taux d'intérêt à court terme perdaient sur la
même période 100 points de base.
Devant cette situation, les investisseurs ont accepté des rémunérations plus élevées mais
insuffisantes par rapport aux risques pris, provoquant donc un afflux de capitaux à court terme vers
les pays émergents ayant libéralisé les sorties et les entrées de capitaux.
52
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
taux de change ont fait croire que les autorités seraient toujours en mesure de défendre la
stabilité des parités, d'où l'engagement des investisseurs sans couverture contre le risque de
change;
- une appréciation positive de ces pays par les agences de notation internationales qui ont écarté
tout risque de défaillance.
Alors que les sorties de capitaux ont provoqué un renversement dont la principale conséquence
a été l'amplification du cycle économique et sa soumission au cycle des capitaux dans des
économies qui auraient surtout besoin d'une croissance régulière pour renforcer leurs structures et
construire les bases de leur avenir.
On peut expliquer le cycle économique en distinguant deux phases différentes.
53
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
l'usage qui est fait des importations de capitaux. Au Mexique, comme plus tard au Brésil, les flux de
capitaux ont contribué au financement du déficit public et de la consommation. En Asie, au
contraire, les capitaux étrangers se sont ajoutés à l'épargne domestique déjà abondante, donnant lieu
à un taux d'investissement extrêmement élevé avec un manque flagrant de rigueur dans l'attribution
des prêts. Ceci a été amplifié par un secteur bancaire hyperliquide. La situation des pays asiatiques
avant la crise illustre bien ce phénomène avec des taux d'investissement de 30% et des rythmes de
croissance annuelle du crédit de plus de 15%. Dans un pareil environnement, les prix des actifs sont
projetés à la hausse et la bulle spéculative se construit.
Face à cette situation, un régime de change fixe ne peut pas pleinement jouer son rôle.
Quand la surchauffe s'est manifestée en Asie dans les années 90, les banques centrales n'ont pas
voulu relever leur taux pour freiner la demande interne trop importante de crainte d'attirer encore
des flux de capitaux spéculatifs supplémentaires et provoquer une pression à la hausse du taux de
change.
A ce stade, souvent les vrais choix de réformes macro-économiques sont reportés et les
politiques d'ajustement s'avèrent insuffisamment volontaires tant que les capitaux étrangers sont là
attirés par des réserves de change toujours confortables.
Une fois le ralentissement conjoncturel enclenché à cause des déficits extérieurs, provoqués
par l'appréciation du taux de change en terme réel sous l'effet de l'inflation et donc la perte de la
compétitivité externe, la politique monétaire se trouve encore confrontée à un dilemme : baisser les
taux pour relancer l'économie mais au risque d'affecter gravement le change, ou les augmenter pour
protéger la monnaie en déprimant plus encore l'activité économique.
Devant une telle situation, il y a des fuites de capitaux vers des endroits plus sûrs et plus
rentables, à la fois par les résidents et les non-résidents provoquant dans toutes les crises récentes un
effondrement inattendu des taux de change.
En Asie, comme au Mexique, ceci a entraîné la faillite des banques fragiles sous l'effet des
impayés et des positions de change inconsidérées, constituant un facteur puissant de transmission de
crises de la sphère financière à la sphère réelle.
En Asie, la reprise des exportations a tardé à réagir à la dépréciation de change. C'est
essentiellement dû à l'absence de financement pour la relance de la production et la difficulté à
trouver des crédits à l'exportation.
54
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
De la fuite des capitaux, provient la chute spectaculaire des prix des actifs, précédemment
gonflés par la spéculation amplifiée par les afflux extérieurs. En Asie, les cours des actions étaient
tombés en septembre 1998 à moins de la moitié de leur valeur en 1997 (chute brutale de la
capitalisation boursière).
L'instabilité des flux de capitaux est une conséquence des signes de faiblesse: parités de
change maintenues au delà du raisonnable, déficits extérieurs ou budgétaires trop tardivement
combattus, faiblesses structurelles touchant en particulier le secteur financier domestique, politique
monétaire laxiste et entrées de capitaux avec une trop grande proportion à court terme. En
présence de ces faiblesses, il y a fuites de capitaux aggravant le cycle économique.
La Russie avait opté pour une transition rapide vers l'économie de marché à partir de 1992
en sortant de la longue période communiste (75 ans). La libéralisation des mouvements de capitaux
durant les années suivantes a été trop large et trop rapide. Les autorités ont libéralisé les
investissements directs étrangers à l'entrée et à la sortie sans aucune restriction à l'exception du
secteur bancaire (participation uniquement minoritaire autorisée), de l'extraction des ressources
naturelles (système d'autorisation), et de l'immobilier (interdiction pure et simple), les banques pas
encore adaptées, ont reçu le droit d'emprunter à l'étranger moyennant l'octroi d'une licence spéciale
de la part de la banque centrale. A partir de 1996, le Gouvernement russe a autorisé les non-
résidents à souscrire ses bons de Trésor (les GKO). Les investissements de portefeuille ont été
également autorisés dans les deux sens.
55
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
plus grande partie est constituée par les investissements à court terme à caractère spéculatif. L'achat
des GKO par les non-résidents ( 22 Mds de dollars au total ) pour financer le déficit budgétaire
croissant n'a pas d'effet d'entraînement sur l'économie.
Les prémices de la crise sont apparus dès novembre 1997 dans le sillage de la crise
asiatique, pour éclater en août 1998 avec le flottement du rouble, qui a chuté librement, et le
moratoire sur le paiement d'une partie de la dette extérieure a été décrété.
Devant une telle situation, la libéralisation financière s'est traduite par des sorties massives
de devises par les résidents et les non-résidents comme le montre graphique 23, notamment les
investissements de portefeuille et les autres investissements très volatiles (prêts et dépôts bancaires
à court terme).
Mds USD
20
Investissements 15
de portefeuille 10
Autres 5
invetssements 0
banques
1994
1995
1996
1997
1998
1999
-5
-10
De cette expérience, on déduit que la possibilité d'avoir des flux de capitaux étrangers ne
doit pas constituer un prétexte pour différer le rétablissement de l'équilibre budgétaire ainsi que
l'assainissement du secteur bancaire. La crise russe fournit la preuve éclatante que l'ouverture du
compte financier ne peut être un substitut au bon dosage des politiques monétaire et budgétaire ni à
l'établissement d'un cadre juridique cohérent pour l'économie de marché.
La marche de la Thaïlande vers la crise de change de 1997 présente des similitudes avec le
cas mexicain : défense d'un taux de change fixe, creusement progressif du déficit courant et entrées
massives de capitaux à court terme.
2.1. Le Mexique
" Contrairement à une idée répandue, la crise mexicaine de 1994 n'a pas été principalement
provoquée par une dérive des finances publiques, mais plutôt par un emballement des dépenses
56
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
privées auquel la production nationale n'a pu faire face. La hausse de la consommation privée et de
l'investissement a été à l'origine d'un recours accru aux importations conduisant au creusement des
déficits courants", nous a affirmé Mr L.PAUL(1) , Chef du Service d'Etudes des Politiques de
Finances Publiques à la Banque de France.
Ces déficits courants très larges ont atteint 7.8% du PIB en 1994 (voir graphique 24 ci-
après), encore stimulés par une appréciation réelle du peso. Cette appréciation réelle a été le résultat
de fortes tensions inflationnistes, suite à l'expansion de la masse monétaire provoquée par une
croissance du crédit interne dans un environnement caractérisé par un manque d'épargne intérieure
et un déficit public.
Mds USD
10
0
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
-10
-20
-30
-40
Les autorités ne savaient pas si elles devaient garder les parités fixes pour défendre leur
crédibilité vis-à-vis des investisseurs, ou dévaluer pour rétablir un équilibre courant devenu trop
important.
En 1994, alors que le contexte politique se dégrade, tous les éléments d'une crise de
confiance étaient réunis, les investisseurs redoutant un abandon des parités fixes ou une déclaration
d'insolvabilité.
L'échec de la dévaluation de 1994 qui s'est avérée insuffisante, a semé le doute sur un
éventuel recours à d'autres dévaluations qui feraient courir aux investisseurs un risque de change, a
donné lieu à un retournement des flux de capitaux face auquel les réserves de change s'avérèrent
vite insuffisantes. La Banque centrale a dû dépenser sur le premier semestre de 1994 et le premier
trimestre de 1995, plus de 18 Mds de dollars de réserves en devises pour compenser les cessions de
titres par les non-résidents et les flux négatifs sur les autres investissements du secteur bancaire.
C'est uniquement le prêt du FMI de 17.8 Mds de dollars et la ligne de crédit du Trésor américain qui
ont évité la faillite financière du Mexique face aux fuites colossales des capitaux dans un cadre de
libre convertibilité monétaire.
(1)
Dans le cadre du stage pratique au niveau de la Banque de France, juin – juillet 2003.
57
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
2.2. La Thaïlande
Pendant la décennie 1990 et surtout à partir de 1994, la Thaïlande à l'instar des pays sud-
asiatiques, offrent des opportunités de profit plus avantageuses que les pays occidentaux (entre
1995 et 1996, les taux d'intérêt en Thaïlande fluctuent entre 8% et 10% alors qu'ils ne sont que de
6% aux Etats-Unis). De plus, les agences de notation n'ont pas correctement anticipé le risque pays.
C'est pourquoi, ce pays devient le lieu de destination privilégié des capitaux internationaux sous
forme notamment de placements à court terme du secteur privé. Ces capitaux à court terme ont
nourri à la fois, un surinvestissement massif et une bulle immobilière (multiplication par 7 de
l'encours de crédit immobilier de 1990 à 1997). Par ailleurs, les banques négligent les procédures
d'évaluation des risques sous l'effet de l'aléa moral et du retard pris dans les instruments de contrôle
et de supervision. Cette situation a abouti à un boom économique ( surchauffe ) creusant un déficit
courant très important comme le montre le graphique (près de 15 Mds de dollars en 1995, c'est
l'équivalent de 8% du PIB) sous l'effet de la croissance des importations pour la consommation et
l'investissement et le pire, c'est que ce déficit était financé en majorité par des capitaux à court
terme dans la rubrique "autres investissements" de la balance des paiements ( on constate une
évolution symétrique à travers le graphique 25 ).
0
1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998
A u t re s -1 0
in ve s t is s e m
-2 0
ents nets
-3 0
58
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
La Banque centrale a fini par abandonner l'ancrage le 2 juillet 1997 face à l'épuisement des
réserves officielles, et cela n'avait qu'accentuer les fuites devant les dépréciations répétées du baht.
La bulle immobilière éclate et les banques qui comptaient détenir des garanties solides (actifs
immobiliers ), étaient surprises par la chute brutale des prix et le niveaux des créances douteuses
s'établissait à 46% de l'encours total des crédits.
La dynamique de contagion régionale a été frappante : la Malaisie a abandonné son ancrage
le 8 juillet, suivie par le Philippine le 11 juillet, tandis que le même jour l'Indonésie élargissait ses
marges de fluctuation de 8% à 12% (spillover effect).
A partir des expériences vécues au Mexique et en Thaïlande, on peut tirer les conclusions
suivantes:
- l'entrée massive des capitaux provoque une surchauffe interne;
- le taux de change qui n'est pas suffisamment flexible, ne permet pas l'ajustement. Son maintien
au delà du raisonnable provoque des déficits courants conséquents intolérables;
- les déséquilibres combattus très tardivement provoquent une panique générale et une fuite
coûteuse des capitaux;
- les capitaux à court terme sont extrêmement volatils et susceptibles d'être retirés à tout moment,
notamment en période difficile.
3. Le Kenya : Une ouverture prématurée se traduit inévitablement par une fuite massive
des capitaux
L'instauration de la convertibilité totale d'une monnaie, sans que le pays soit bien préparé,
conduit inéluctablement à la fuite des capitaux. C'est ce qui s'est passé dans quelques pays africains
où l'ouverture était trop rapide.
Vers la fin des années 1980 ( commençant plus particulièrement en 1987 ), l'économie
kenyane a affiché des indicateurs détériorés : ralentissement de la croissance, déficit budgétaire
élevé (environ 6 % du PIB en 1987), hausse des taux d'inflation ( 7.6 % en 1987 ),…
- en 1989, le Kenya a entamé un processus de libéralisation générale;
- en 1991, la libéralisation des comptes courant et financier a été lancée;
- en 1993, le régime de change déterminant la valeur du shilling est passé au flottement libre;
- en 1994, le shilling kenyan est devenu complètement convertible pour les résidents et les non-
résidents.
Les politiques macro-économiques laxistes ont généré un taux d'inflation de 19,8 % en 1991 et
de 45 % en 1993.
En raison des répercutions de ces déséquilibres sur le secteur réel ( dégradation de l'économie ),
le gouvernement a serré les politiques monétaire et budgétaire contribuant à suffoquer l'économie
davantage par la répression de la demande qui était déjà faible.
Cette ouverture rapide et prématurée, dans un contexte macro-économique dégradé, n'a fait que
légalisé les fuites de capitaux accentuées par la détérioration de la confiance, la corruption et
l'instabilité générale du contexte intérieur.
59
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
2500
2000
Millions $
1500
1000
500
0
Madagascar Kenya Guinée Ghana Malawi
Source : UNCTAD, Management of capital flows, New York and Geneva, 2003(1).
En général, la fuite de capitaux caractérise les pays africains à cause de plusieurs facteurs :
risque pays très élevé, un environnement macro-économique très faible, un système financier
inefficient et archaïque,…etc.
Le Kenya, en particulier, a aggravé les fuites en libéralisant les mouvements de capitaux dans
un environnement dégradé incapable de retenir les résidents et encore moins d'attirer les non-
résidents.
En résumé, on peut dire que la libéralisation des mouvements de capitaux à elle seule n'est
pas suffisante pour qu'elle soit bénéfique. Elle doit être précédée par des réformes structurelles et
institutionnelles dans le cadre d'une prudence macro-économique indispensable.
Dans cette section, nous avons analysé comment la libéralisation du compte financier de la
balance des paiements peut, au delà de ses avantages théoriques, trouver de multiples obstacles
pratiques à une mise en œuvre dans des conditions favorables, dans le contexte de fragilité où se
trouvent de nombreux pays émergents.
(1)
Site de l'OCDE : www.unctad.org.
60
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
Dans un exposé sur " la libéralisation des mouvements de capitaux" que M. Fisher, Premier
Directeur Adjoint du FMI, a présenté le 19 septembre 1997 à Hong Kong, il avait insisté sur la
nécessité d'un processus ordonné(1).
Il existe certes des risques inhérents à une libéralisation prématurée et déstabilisatrice, mais
ceux-ci peuvent être réduits au minimum par une adaptation ordonnée et un renforcement de la
politique et des infrastructures appropriées.
Les effets de la crise n'ont pas réduit à néant la contribution que les mouvements de capitaux
ont apportée au progrès économique avant que la crise n'éclate. En fait, toute la question est de
savoir comment gérer un système qui offre de gros avantages mais peut punir sévèrement les
erreurs et soumettre l'économie à des chocs défavorables.
Les crises ont fait ressortir l'importance d'une libéralisation ordonnée et convenablement
échelonnée dans le cadre de politiques économiques et de politique de change appropriées, d'un
secteur financier solide ainsi que d'un système efficace de réglementation prudentielle et de
contrôle.
Une politique monétaire orthodoxe caractérisée par l'indépendance de la banque centrale est
recommandée. Une banque centrale indépendante vise la maîtrise de l'inflation en assurant
(1)
Voir bulletin du FMI, volume 26, n°19, 27 oct. 1997, page 321.
(1)
Dans le cadre du stage pratique à la Banque de France, juin – juillet 2003.
61
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
Un accès plus facile pour l'Etat aux financements extérieurs ne doit pas retarder la réduction
nécessaire des déficits publics. La politique budgétaire doit être saine. Dans le cas contraire, elle
génère des déséquilibres au détriment de la compétitivité et de l'attractivité de l'économie.
Le solde extérieur courant doit être viable. On entend par viabilité la possibilité de son
financement et sa capacité à faire face aux chocs. Il y a lieu de juger préoccupants des déficits
courants de l'ordre de 5 à 8%(2). Les déficits courants financés par des capitaux longs sont plus
soutenables et ceux financés par des capitaux courts sont alarmants.
Les taux de change doivent être suffisamment flexibles, mais à quel point ? Des taux
flottants librement, même entre les principales monnaies, ont fait apparaître des fluctuations
excessives, et aucun pays en développement qui vise à assurer la croissance ne voudrait
s'accommoder de telles fluctuations. Quelle est alors la solution optimale? Aucune réponse ne fait
l'unanimité. Cependant, le taux de change doit permettre l'ajustement nécessaire, sans accumulation
des distorsions lorsque les comptes extérieurs ont tendance à sortir de la fourchette souhaitée.
Même si le taux de change est proche de la fixité, les autorités doivent être prêtes à ajuster les
parités lorsque les circonstances l'exigent, et ne pas agir trop tardivement comme c'était le cas dans
la plupart des crises récentes. Les autorités doivent ajuster les taux lorsque le besoin d'ajustement
manifesté est structurel. Par contre, elles peuvent défendre les parités fixes lorsqu'il s'agit de
volatilité conjoncturelle.
(2)
Bulletin du FMI, Volume 26, Op. cit. page 322.
62
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
1.2. Doit-on ouvrir le compte financier en même temps ou après le compte courant?
En général, la libéralisation des mouvements de capitaux vient après celles des transactions
courantes. L'ouverture commerciale nécessite généralement une dépréciation progressive du taux de
change pour compenser la disparition des barrières douanières protégeant le marché intérieur. Or, la
libéralisation simultanée des mouvements de capitaux risque fortement de produire des effets
indésirables face à ces dépréciations ( spéculation et fuites de capitaux de crainte des pertes de
change ). "Au niveau des institutions monétaires internationales, le consensus reste de conseiller
aux pays une ouverture graduelle de la balance des paiements, en commençant par les transactions
non financières."(1)
1.3. Au sein du compte financier, quelles sont les transactions à libéraliser en priorité?
Ce qui est important à savoir est qu'on n'est pas obligé de tout libéraliser à la fois. Il est donc intéressant de procéder à une libéralisation
Il ne faut pas toujours voir l'investissement des résidents à l'étranger du mauvais coté. Ces
investissements permettent aux résidents de diversifier les risques et renforcent le compte courant
par les entrées des revenus des facteurs, dans la mesure où les résidents investissent à l'étranger
lorsqu'ils s'attendent à rapatrier plus qu'ils ont investi.
(1)
Laurent. P, Les enjeux de la libéralisation des mouvements de capitaux pour les pays émergents, Banque de France,
2000, page 14.
(2)
L'expérience montre qu'il est plus facile de contrôler les flux reçus des non-résidents que ceux des résidents investis à
l'étranger.
(1)
C'est le cas du Chili qui a libéralisé les sorties face aux afflux massifs entrants.
63
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
2.1. Les effets déstabilisants des flux à court terme doivent être maîtrisés
Les mouvements de capitaux à court terme, qu'ils soient en entrées ou en sorties, tendent à
réagir excessivement à l'évolution des fondamentaux macro-économiques ( les taux d'intérêt par
exemple). Ces flux sont à l'origine des fluctuations erratiques du taux de change, de bulles
spéculatives et d'instabilité de la politique monétaire.
Dans la rubrique "autres investissements", ces flux concernent les opérations dont la durée
est inférieure à un an. S'agissant des investissements de portefeuille, aucune ventilation n'est prévue.
On tient compte, d'une manière générale, du caractère négociable ou non des titres.
Les flux de capitaux à court terme apparaissent donc poser des problèmes spécifiques, car ils sont
susceptibles de sortir aussi vite qu'ils sont entrés. La modalité qui a prouvé sa réussite en terme de
maîtrise de ces flux est les réserves obligatoires non rémunérées. Ce dispositif original a été
appliqué au Chili à partir de 1991 ( comme décrit précédemment dans l'expérience chilienne )(2).
2.2. Le retour temporaire au contrôle des capitaux, en cas de crise, est-il envisageable?
Lorsqu'il y a certains déséquilibres macro-économiques, dans un cadre totalement libéralisé,
les autorités n'ont pas souvent une marge de manœuvre pour manipuler les indicateurs (les taux
d'intérêt par exemple), dans la mesure où cela risque de se traduire par un afflux ou une fuite de
capitaux.
Dans un tel contexte, l'objectif d'un rétablissement temporaire des mesures de contrôle des
mouvements de capitaux est de retrouver une plus grande indépendance dans la conduite de la
politique économique, tout en protégeant le pays contre la volatilité des flux de capitaux.
Cependant, selon plusieurs économistes, ces mesures portent atteinte à la crédibilité du pays et
comportent un coût qui est la perte de confiance des investisseurs internationaux. Dès lors, lorsque
le pays s'ouvrira à nouveau, il risque de voir la prime de risque exigée s'accroître.
Pour sauvegarder sa crédibilité, le pays en question doit effectivement opérer les réformes
promises pendant la période de contrôle ( réduction du déficit budgétaire, réforme du secteur
financier, maîtrise d'inflation,…). En l'absence de ces réformes, le rétablissement du contrôle des
capitaux serait interprété par la communauté financière internationale comme un prétexte pour
différer les réformes jugées nécessaires.
(2)
Revoir l'expérience chilienne.
64
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
Le cas de la Malaisie
Le 4 février 1999, les contrôles quantitatifs ont été abandonnés et remplacés par un système de
taxation sur les rapatriements.
Les mesures de relance se sont traduites par une croissance spectaculaire de 5% en 1999. Les
mesures de contrôle initialement annoncées ont été abolies six mois plus tard. Après un tel succès
de redressement, les investisseurs n'ont pas liquidé leurs avoirs dans le pays après la levée des
mesures restrictives. Cette confiance a été sauvegardée grâce à plusieurs facteurs:
(1)
Revoir l'expérience chilienne.
(2)
Monnaie de la Malaisie.
65
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
La leçon principale à tirer de cette expérience, c'est que le rétablissement provisoire du contrôle
des mouvements de capitaux peut réussir uniquement si le gouvernement tient ses engagements et
persuade les investisseurs du caractère transitoire des mesures. Ceci est extrêmement important
pour garder la confiance de ces derniers. De plus, le rétablissement du contrôle ne doit pas être un
recours répété en négligeant la surveillance des indicateurs.
(1)
Special Data Dissemination Standard.
(2)
Laurent. P, Les enjeux de la libéralisation des mouvements de capitaux. Op. cit. page 21.
66
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
"Certains auteurs accusent le FMI d'avoir poussé les pays qui ont été secoués par les crises à
une libéralisation trop rapide du compte financier. Quel est votre avis?"
La réponse de Mr Enders a été la suivante:
"Le FMI n'avait poussé aucun pays à libéraliser son compte financier. Cependant, le Fonds
avait une position claire qui est le soutien de la libéralisation. Dans un premier temps, il n'avait pas
souligné la vulnérabilité. Ce n'est qu'après les crises, qu'il avait insisté sur la nécessité des réformes
préalables et du gradualisme".
En avril 1997, le comité intérimaire a convenu qu'un amendement des statuts étendant le
mandat du FMI à la libéralisation ordonnée des mouvements de capitaux présenterait de nombreux
avantages en matière de conseils techniques et de surveillance. Toutefois, jusqu'à aujourd'hui aucun
amendement ne s'est concrétisé.
Le FMI fournit souvent des financements aux pays qui s'efforcent de remédier aux
déséquilibres de leurs comptes extérieurs, mais ces financements ne doivent pas donner lieu à un
risque moral ( moral hazard ). L'une des règles classiques d'un prêteur en dernier ressort est de ne
pas donner trop de précisions sur les circonstances dans lesquelles le financement sera accordé ni
sur le montant pour éviter l'aléa moral des gouvernements et des investisseurs.
Il est à signaler que cette sous-section présentera succinctement les résultats de deux
études déjà réalisées et validées par des tests appropriés. Notre objectif est uniquement de tirer
des enseignements économiques loin de tout aspect technique.
Comme son intitulé l'indique, cette étude a permis de tirer l'enseignement suivant :
"La libre mobilité des capitaux pousse le gouvernement à réduire le déficit budgétaire de crainte
d'être pénalisé par le marché international."
(3)
Dans le cadre du stage pratique à la Banque de France, juin – juillet 2003.
(1)
Traduction par nous-même :"La libéralisation des mouvements de capitaux impose-t-elle une discipline budgétaire?".
67
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
C'est dans ce sens que la Grande Bretagne qui a libéralisé les mouvements de capitaux en 1979, a
réduit son déficit budgétaire de 5.23 % du PIB en 1978 à un surplus de 1.22 % du PIB en 1988.
L'Uruguay qui a aboli le contrôle des capitaux en 1976, a réduit son déficit de 1.2 % du PIB en
1973 à un surplus de 0.03 % du PIB en 1980.
L'étude a utilisé l'estimation par la méthode OLS(2). Elle a porté sur un échantillon de 54
pays(3) (pays industrialisés et pays en développement) de 1950 à 1989. Le degré de libéralisation
est mesuré par une variable ( lib_cap) qui prend ses valeurs entre 0 et 1 avec un pas de 0.1 selon
l'assouplissement des contrôles à travers les pays. La variable endogène ( à expliquer ) est le
déficit budgétaire ( déf_bud ) qui représente les soldes budgétaires en pourcentage par rapport au
PIB.
1.1. Spécification
- ;0: constante et ;1, ;2,…….,;7 sont les coefficients des variables explicatives;
- déf_bud : la variable à expliquer;
- lib_cap : c'est la variable principale. L'étude veut montrer son impact sur la discipline
budgétaire. A priori, un pays ayant libéralisé les mouvements de capitaux adopte une politique
budgétaire stricte et réduit son déficit de peur de la détérioration des fondamentaux provoquant
la fuite des capitaux. Ainsi, on s'attend à un coefficient négatif ( β′0 );
- ch_g : changement de gouvernement. C'est le nombre de gouvernements succédés pendant la
période de l'étude. Généralement, lorsque la durée de vie des gouvernements est courte, on a
tendance à se permettre des déficits budgétaires et à accumuler une dette publique. On s'attend à
un coefficient positif ( ;1∃0 );
- coal : coalition gouvernementale. C'est le nombre de coalitions gouvernementales pendant la
période de l'étude. Généralement, lorsqu'il y a coalition, on a tendance à tolérer des déficits dans
la mesure où il n'y a pas une opposition forte qui s'inquiète des déséquilibres macro-
économiques et qui rappellent à l'ordre. Cet argument plaide pour un coefficient positif (;2∃0);
- exc_c : excédent courant. Un déficit courant veut dire qu'un nombre de résidents sont
négativement affectés par le commerce extérieur et le gouvernement doit augmenter ses
(2)
Ordinary Least Squares : méthode économétrique d'estimation.
(3)
Données tirées de "Annual Report Exchange Arrangements and Exchange Restrictions".
68
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
dépenses pour les soutenir et compenser leurs pertes. Par contre, un excédent courant a un effet
sur la réduction du déficit budgétaire ( ;3′0 );
- rég_ch : régime de change . Cette variable vaut 1 si le régime de change est fixe et 0 dans les
autres cas. Il est généralement admis qu'un régime de change fixe nécessite plus de discipline
budgétaire qu'un régime de change flexible. Dans un système de fixité, une politique budgétaire
laxiste provoque des pressions sur le taux de change et conduit à l'érosion des réserves suite aux
interventions des autorités sur le marché des changes. C'est pourquoi la fixité réduit
normalement le déficit budgétaire ( ;4′0 );
- bc_ind : L'indépendance de la banque centrale. C'est l'un des facteurs institutionnels
déterminants qui luttent contre le déficit budgétaire ( ;5′0 );
- gauche : C'est le nombre de gouvernements socialistes ou de gauche succédés pendant la durée
d'étude. Ces gouvernements ont tendance à augmenter leurs dépenses sociales, ce qui aggrave le
déficit budgétaire ( ;6∃0 );
- ouv_com : ouverture commerciale. C'est la somme des importations et des exportations par
rapport au PIB. L'argument de choix de cette variable est le même avancé pour l'excédent
courant ( ;7∃0 );
- σ : Perturbation.
1.2. Résultats
Les coefficients des différentes variables après l'estimation sont donnés dans le tableau
suivant:
Tableau 2: Résultats de l'estimation 1
coefficients
Variables
Lib_cap -2.3517 ***
Ch_g -0.0995
Coal 8.8773***
Exc_c -0.4103***
Rég_ch 0.4189
Bc_ind -11.5076*
Gauche 7.9862***
Ouv_com 0.0239**
*: la probabilité pour que le coefficient soit nul est égale à 10 % ( coefficient peu significatif
).
**: la probabilité pour que le coefficient soit nul est égale à 5 % ( coefficient significatif ).
***: la probabilité pour que le coefficient soit nul est égale à 1 % ( coefficient très
significatif )
En analysant ces résultats, on déduit une forte corrélation négative ( signe du coefficient ) entre la
libéralisation des mouvements de capitaux et le déficit budgétaire. La valeur du coefficient est égale
69
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
à (–2.3517) : cela signifie que pendant la période 1950-1989, la libéralisation des mouvements de
capitaux a contribué à la baisse des déficits budgétaires en moyenne de 2.3517 % du PIB dans les
pays concernés.
Les variables : excédent courant et indépendance de la banque centrale sont aussi significatives avec
les signes négatifs attendus.
Les autres variables : changement de gouvernement et régimes de change ne sont pas significatives.
1.3. Conclusion
Selon les résultats de cette étude, les gouvernements ont tendance à s'imposer une discipline
budgétaire lorsqu'ils libéralisent les mouvements de capitaux de crainte d'être sanctionnés par le
marché. Cette sanction se concrétise par la perte de crédibilité et la fuite de capitaux.
Dans une étude économétrique réalisée par la Réserve Fédérale de Dallas en mars 2000, intitulée
"Capital Account Liberalization and Disinflation", on a étudié le lien entre deux tendances
surprenantes des années 90. La première est la chute de l'inflation, même dans les pays ayant une
longue histoire en matière de tensions inflationnistes. Le taux moyen d'inflation en Amérique latine
a baissé de 400 % en 1990 à moins de 10 % en 1999. La seconde tendance est l'ouverture des
comptes financiers tout au long de la décennie 90.
On s'est posé une question sur un éventuel lien entre ces deux tendances et l'étude qui suit, a
effectivement confirmé son existence.
L'étude a concerné un échantillon composé de 112 pays sur la période 1981 – 1996. Tout au long de
cette période, 69 pays ont assoupli les restrictions sur les mouvements de capitaux, 17 pays ont
renforcé le contrôle, tandis que 26 pays n'ont procédé à aucun changement. Ainsi, la tendance
générale est à la libéralisation. L'indice d'ouverture du FMI qui varie entre 0 et 4 est passé, en
moyenne pour les pays considérés, de 1.6 au début des années 80 à 2.1 au début des années 90.
(1)
Ne pas confondre l'inflation et la désinflation. La désinflation est la baisse du rythme de la croissance des prix, tandis
que la déflation est la baisse pure et simple des prix.
70
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
i : indice pays
p : période
- ;0 : constante et ;1, …..,;3 sont les coefficients des variables explicatives.
- inf : inflation. C'est la variable à expliquer;
- lib_cap : libéralisation des mouvements de capitaux. C'est notre variable principale dont on
cherche d'établir le lien négatif avec l'inflation. On prévoit un coefficient négatif ( β′0 );
- rev_hab : revenu par habitant. Cette variable mesure le développement. Généralement, les pays
développés sont moins tentés par l'inflation et la majorité d'entre eux ont des politiques
monétaires strictes. On s'attend à un coefficient négatif ( ;1′0 );
- bc_ind : indépendance de la banque centrale. Le but principal d'une banque centrale
indépendante est de combattre l'inflation. Ainsi, on s'attend à un coefficient négatif ( ;2′0 );
- σ : la perturbation.
2.2. Résultats
En utilisant les méthodes d'estimation OLS et 3SLS(1), on a obtenu les résultats suivants:
Il est à rappeler que les modèles d'estimation ont déjà été validés par des tests appropriés.
L'étude, par ses deux méthodes, a démontré que la libéralisation des mouvements de capitaux
conduit effectivement à la désinflation (signe négatif du coefficient). Les autres variables ont été
également significatives dans les deux cas avec les signes prévus.
La libéralisation des mouvements de capitaux conduit à la désinflation car les pénalités d'une
création monétaire excessive sont importantes dans un cadre libéralisé.
Les gouvernements ouvrent financièrement leurs pays pour attirer la confiance des investisseurs
nationaux et étrangers, mais ils revoient leurs politiques monétaires pour éviter les fuites de
capitaux.
(1)
Three Stage Least Square, méthode d'estimation économétrique.
71
Chapitre II Enjeux, expériences et enseignements de la libre circulation des capitaux
L'accès facile aux devises étrangères augmentent l'élasticité de la demande de la monnaie locale
facilement convertible. Ceci rend la banque centrale exposée au risque de création excessive de la
monnaie et par conséquent d'hémorragie des réserves de change. C'est pourquoi, les banques
centrales ont tendance à adopter des politiques monétaires orthodoxes, réduisant ainsi l'inflation.
2.3. Conclusion
Ce qui est important à comprendre, c'est que la désinflation n'est pas une conséquence automatique
de la libéralisation, mais c'est la vulnérabilité et la hausse des coûts de l'inflation dans un cadre
libéralisé qui oblige les autorités à être disciplinées. De toute manière, les résultats empiriques ont
bien montré que les pays ont sensiblement réduit l'inflation une fois leurs comptes extérieurs
libéralisés.
A travers les résultats de ces deux études empiriques, on a mis en relief le rôle d'une discipline
macro-économique dans la réussite de l'ouverture financière. Cette discipline s'impose d'elle-même
étant donné les risques qu'engendre son absence.
La transition vers l'ouverture financière doit être menée progressivement moyennant certaines
pré-conditions : adaptation du secteur financier, dosage cohérent des politiques monétaire et
budgétaire ( discipline macro-économique ), adoption de procédures et de politiques crédibles de
surveillance et de gestion des risques et amélioration de l'attractivité de l'économie. Ces conditions,
une fois acquises, doivent être maintenues.
La libéralisation ne doit pas être prématurée, sinon le risque de crise sera amplifié. Elle ne doit
pas non plus être retardée en se privant de ses avantages. Mr I. Odonnat, Chef du Service d'Etudes
sur les Economies Etrangères à la Banque de France, nous a affirmé: " Chaque pays doit avoir
comme objectif le passage à la convertibilité totale. Pour cela, il doit se préparer en mettant en
place les conditions qui attirent et séduisent les capitaux étrangers, au lieu de rester sur une
politique ultra défensive par l'intervention des autorités dans le domaine des changes, ce qui
aboutit souvent à une mauvaise allocation des ressources et à l'accumulation des distorsions"(1).
Il ne faut pas se servir du contrôle des mouvements de capitaux pour se protéger contre
l'extérieur éternellement en accumulant les distorsions et les décalages. la libéralisation des
mouvements de capitaux doit constituer un objectif à atteindre, au moment qu'il faut, en engageant
les réformes nécessaires.
(1)
Dans le cadre du stage pratique à la Banque de France, juin – juillet 2003.
72
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
CHAPITRE III:
LES ENSEIGNEMENTS POUR L'ALGERIE:
EVOLUTION ET PERSPECTIVES D'OUVERTURE
A la lumière des expériences présentées dans le chapitre précédent, qui nous ont
permis de tirer un certain nombre de leçons relatives à la question de convertibilité et de
libéralisation des mouvements de capitaux, on tentera à présent de poser la
problématique du cas algérien. Ceci suscitera un certain nombres d'interrogations quant
aux perspectives d'ouverture en Algérie. Dans un premier temps, nous présenterons
l'évolution historique du contrôle des changes, depuis son instauration au lendemain de
l'indépendance. Dans un second temps, nous passerons en revue le panorama macro-
économique de l'Algérie marqué par une stabilisation remarquable ces dernières années.
Enfin, en se basant sur la situation macro-économique actuelle, nous traiterons des
perspectives de convertibilité et de libéralisation des mouvements de capitaux en Algérie.
73
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Le contrôle des changes a évolué en Algérie selon les différentes phases vécues par
l'économie nationale, en tenant compte des stratégies de développement mises en place, des
objectifs tracés et des contraintes subies.
Il est intéressant de considérer deux grandes phases distinctes :
- La première a duré depuis l'indépendance jusqu'à 1988, elle est caractérisée par un contrôle des
changes renforcé.
- La deuxième a débuté en 1988 avec les premiers signes de la mutation économique jusqu'à
aujourd'hui. Durant cette période, le contrôle des changes a été assoupli à maintes reprises.
Pendant cette phase du contrôle des changes renforcé, on distingue plusieurs périodes :
(1)
Annexe n° 3 : Avis n° 5 du Ministère des finances relatif à la réglementation des changes en vigueur en Algérie.
(2)
Ahmed Ouameur. H, Le Contrôle des Changes en Algérie, Banque d'Algérie, 1992, page 2.
74
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Devant la fuite massive des capitaux et la nécessité de limiter les importations à celles
strictement indispensables et compatibles avec les disponibilités en devises étrangères, les autorités
ont adopté une série de mesures visant un contrôle rigoureux des transactions commerciales et
financières avec le reste du monde dès 1963. Parmi ces mesures, on trouve :
- le contingentement consacré par les décrets du 9 mars et du 12 septembre 1963. Cette mesure
avait pour objectif la limitation de l'importation des produits de luxe, l'économie des devises, la
protection de la production nationale et l'amélioration de l'état de la balance commerciale;
- les monopoles de l'Etat sur les transactions commerciales avec l'étranger. l'Etat gère ces
monopoles directement (offices nationaux) ou à travers des sociétés nationales pour ce qui a
trait aux biens reliés directement à leurs activités;
- les accords bilatéraux pour la diversification des relations commerciales et l'extension de la zone
d'échange.
Concernant les régimes de change pendant cette période, on distingue:
75
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
- l'ordonnance 69 / 107 du 31 décembre 1969 portant loi de finances pour l'année 1970
définissant la nature des financements d'origines externes et de l'endettement extérieur.
Pendant la période 1963 – 1986, le système n'a pu fonctionner qu'au prix d'un maquillage
généralisé et grâce à l'aisance financière de l'époque. Le contrôle des changes pendant cette période
a fait du taux de change du dinar un taux administré, surévalué et déconnecté de la gestion macro-
économique.
Suite à la chute des prix des hydrocarbures en 1986, les recettes d'exportation ont enregistré
une baisse très sensible. "…Comparées à leur niveau de 1985, elles ont baissé de 39% en 1986 et de
43% en 1988"(2). Dans un tel contexte, la parité de change fixe ne peut plus être maintenue. Depuis
1986, une dévaluation progressive est entamée (glissement) pour rapprocher le taux de change
officiel surévalué à sa valeur réelle.
(1)
Le panier contient les monnaies suivantes: dollar américain USD, schilling autrichien ATS, franc belge FB, couronne
danoise DKK, franc français FRF, lire italienne ITL, florin néerlandais NLG, livre sterling GBP, peseta espagnole ESP,
couronne suédoise SEK, franc suisse CHF, mark allemand DEM, dollar canadien CAD et couronne norvégienne NOK.
(2)
Benbitour. A, L'Algérie au troisième millénaire, Ed. Marinoor, Alger, 1998, page 33.
76
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Le contrôle des changes appliqué en Algérie pendant la période 1963 – 1988, a prouvé ses
limites avec la crise de l'endettement extérieur révélée en 1986, suite à la chute brutale et durable
des prix du pétrole.
" Le bilan fait à l'époque a imputé en bonne partie au contrôle des changes la responsabilité
des surcoûts financiers et des gaspillages économiques."(1)
Il a fallu donc attendre le renversement brutal pour reconsidérer en profondeur le modèle
algérien de développement. C'est l'objet de la réforme économique adoptée en 1988 qui vise
essentiellement un passage rapide à l'économie de marché avec tout ce que cela implique en
matière d'assouplissement du contrôle des changes et de convertibilité du dinar algérien.
La libéralisation du commerce extérieur et des paiements engagée au début des années 1990,
a mis en avant le processus de la convertibilité courante du dinar par un assouplissement progressif
des restrictions de change.
(1)
Convertibilité Commerciale du dinar et mobilisation des ressources, Banque d'Algérie, 1991.
(2)
Notamment la loi n° 88-01 du 12 janvier 1988 portant loi d'orientation sur les entreprises publiques économiques.
(3)
En vertu du décret n° 88 – 167 du 6 sept 1988 relatif aux conditions de programmation des échanges extérieurs et à la
mise en place des budgets-devises au profit des entreprises publiques.
(4)
Debboub. Y, Le nouveau mécanisme économique en Algérie, OPU, Alger, 2000, page 49.
(5)
Annexe n° 4 : LIVRE VII, Changes et mouvements de capitaux.
77
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Cette convertibilité commerciale a été appuyée par la mise en place du fixing dès octobre
1994 pour la détermination du taux de change en fonction de l'offre et la demande et ainsi quitter le
régime d'ancrage à un panier instauré depuis 1973.
C'est par l'instruction n° 61 – 94 du 28 septembre 1994 que la Banque d'Algérie met en place
le système de fixing défini au sens de la dite instruction.
Le nouveau dispositif est mis en place en deux phases : la première dite d'organisation
durera quelques semaines au cours desquelles les séances de fixing sont hebdomadaires. Ces
séances seront quotidiennes durant une seconde phase.
A l'ouverture de la séance de fixing, un taux de change plancher et un montant en dollars
américains (la monnaie pivot) sont proposés par la Banque d'Algérie. Les banques commerciales
(1)
Ahmed Ouameur. H, Le Contrôle des Changes en Algérie, Banque d'Algérie, op. cit. page 10.
(2)
Voir règlement 91-07 portant les règles et conditions de change et instruction 30-91fixant les conditions et modalités
pratiques d'achat à terme des devises.
(3)
Annexe n° 5.
78
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
soumissionnent pour le montant que chacune désire obtenir et au cours acheteur qu'elle souhaite
offrir. Le président de la séance inscrit les ordres selon un ordre croissant des taux de change puis
calcule le montant total des ordres d'achat et le compare avec le montant offert par la Banque
d'Algérie.
Si l'offre est supérieure ou égale à la demande globale, toute la demande de devises
étrangères sera satisfaite au cours acheteur offert le plus bas.
Si l'offre est inférieure à la demande, il sera procédé à un ou plusieurs "rounds" au cours
desquels, d'une part, la Banque d'Algérie aura la latitude d'ajuster son offre et son taux proposés, et
d'autre part, chaque banque participante pourra ajuster sa demande et le taux auquel elle serait prête
à acheter les devises. Ceci permettra de réaliser un équilibre entre l'offre et la demande et d'arrêter
le cours de change correspondant.
(1)
Annexe n° 6.
(2)
Annexe n° 7.
79
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Le 28 août 1997, la Banque d'Algérie autorise les dépenses pour voyage à l'étranger des
nationaux. Ce droit de change est effectif depuis le 15 septembre 1997 dans la limite d'un montant
annuel. Cette mesure complète le processus de convertibilité du dinar au titre des transactions
courantes.
La convertibilité courante du dinar est donc établie, ce qui permet à l'Algérie en tant que pays
membre du Fonds Monétaire International, d'adopter les dispositions de l'article VIII des statuts du
Fonds. Sur 181 pays membres, 140 pays avaient à fin mai 1997 adopté le régime de la convertibilité
courante de leurs monnaies.
(1)
Note sur le contrôle des changes et la convertibilité du dinar, op. cit.
(2)
Annexe n° 8.
80
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
81
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Bien que la réglementation des changes en Algérie ait vécu un assouplissement considérable
depuis 1990, la convertibilité du dinar au titre des opérations en capital n'est pas encore instaurée.
Une libéralisation très avancée a été réalisée en matière d'entrées de capitaux étrangers sous toutes
les formes. Cependant, les sorties de capitaux sont très contrôlées, c'est à dire une convertibilité du
dinar encore limitée. Aujourd'hui, peut-on envisager une convertibilité totale du dinar en
libéralisant également les sorties de capitaux? L'Algérie a-t-elle intérêt à l'instaurer? L'économie
algérienne est-elle capable de supporter une telle mesure?
Avant de tenter d'apporter quelques éléments de réponse à ces questions très complexes,
nous avons jugé utile de présenter le panorama macro-économique de l'Algérie dans la mesure où
la notion de convertibilité totale et de libéralisation des mouvements de capitaux va au delà de
l'aspect réglementaire, comme nous l'avons bien constaté à travers les expériences étudiées. Dans
ce souci, la section 2 de ce présent chapitre sera consacrée à une présentation macro-économique
succincte de l'Algérie.
(1)
Annexe n° 11.
82
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Partant des enseignements que nous avons tirés des différentes expériences étudiées, la
problématique de la convertibilité et de la libéralisation des mouvements de capitaux va au delà de
l'aspect réglementaire. Elle est indissociable des évolutions macro-économiques. Par voie de
conséquence, avant de discuter de l'avenir de cette problématique en Algérie, il apparaît
indispensable de parcourir l'histoire récente des indicateurs pertinents de l'économie nationale, aussi
bien sur le plan interne qu'externe. Ces indicateurs sont caractérisés par une stabilisation relative
soutenue par une conjoncture pétrolière favorable comme on le constate sur le graphique 27 :
$
30
25
20
15
10
0
1997 1998 1999 2000 2001 2002
Il est aisé de constater que les performances réalisées ces dernières années, ne peuvent être
analysées sans que l'on fasse référence au prix du baril du pétrole qui constitue un paramètre
essentiel de la configuration financière interne et externe de l'économie algérienne.
L'un des objectifs de l'accord de 1994(1) entre l'Algérie et le FMI était la stabilisation macro-
économique sur le plan interne qui vise à :
- favoriser le retour à une croissance économique positive et durable;
- maîtriser l'inflation et la ramener à des niveaux comparables à ceux des pays principaux
partenaires économiques de l'Algérie.
Ces objectifs de stabilisation macro-économique sur le plan interne ont été atteints dans le cadre
de politiques macro-économiques saines mais vulnérables.
(1)
L'accord de 1994 n'était pas le premier avec le FMI. Il avait été précédé de deux accords en 1989 et 1991, ce dernier
n'ayant pas été mené à son terme.
83
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
8
6
4
2
0
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003(1)
-2
-4
(1)
Conférence de presse animée par le Ministre des finances le 20 / 10 / 03.
(2)
MediaBank NUMERO SPECIAL, Banque d'Algérie, 2000.
84
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
1.2. Inflation
L'inflation a été supérieure à 20 % pendant cinq années consécutives (de 1991 à 1995). Elle
a commencé à être maîtrisée depuis 1996 pour atteindre 5 % en 1998 puis 2,6 % en 1999.
Comme le montre le graphique 29, l'inflation mesurée par la variation de l'indice des prix à
la consommation ( IPC ) a augmenté de 0.3 % en 2000 pour atteindre 4.2 % en 2001. Ceci est dû en
partie à l'augmentation des salaires au début de l'année 2001.
35
Graphique 29 :Taux d'inflation
30
25
20
%
15
10
5
0
2002 est
2003 est
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
Source: Autorités algériennes - estimations et projections FMI, 2003.
(1)
Conférence de presse animée par le Ministre des finances, Op. cit.
85
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
35
30
25
20
% PIB
15
10
5
0
-5 1998 1999 2000 2001 2002 2003
esti m é esti m é
-10
sol d e b u dg éta i r e fi sca l i té p étr o l i èr e
Du graphique 31, on perçoit clairement le lien étroit entre la fiscalité pétrolière et le solde
budgétaire dans la mesure où la fiscalité pétrolière représente en moyenne 60 % des recettes totales.
Les recettes pétrolières dépendent principalement du prix du baril.
86
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
25
20
15
%
10
0
estimé
1998
1999
2000
2001
2002
estimé
2003
(1)
La masse monétaire considérée est M2=monnaie fiduciaire + dépôts à vue + dépôts à terme.
(2)
En 1998, en plus du recours à la Banque Centrale, le Trésor a émis des bons sur le marché monétaire se traduisant par
un phénomène d'éviction financière ( Crédit allant à l'Etat plutôt qu'à l'économie ).
87
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Suite à la baisse des prix du pétrole en 1986, la position extérieure de l'Algérie s'est
détériorée tout au long des années suivantes pour parvenir au bord d'un étranglement financier au
début 1994, du fait de l'emballement de la dette de courte durée.
Dans le cadre des accords avec le FMI en avril 1994 portant sur un programme de
stabilisation et d'ajustement structurel, accompagnés d'accords de rééchelonnement de la dette
extérieure, l'Algérie avait comme objectif, en plus du rétablissement des équilibres internes, la
restauration de la viabilité des agrégats macro-économiques externes. Ces objectifs ont été atteints
après de grands efforts en la matière.
Il est à signaler que l'évolution du solde courant dépend essentiellement des fluctuations des
exportations des hydrocarbures selon le prix du baril, dans la mesure où les importations des
marchandises et des services ainsi que les exportations hors hydrocarbures sont relativement
stables. Toutefois, le poids important des exportations des hydrocarbures dans les recettes en
88
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
devises (environ 97 %) agit sensiblement sur l'évolution du solde courant selon la conjoncture
pétrolière.
10
5
0
-5 1997 1998 1999 2000 2001 2002
Solde courant imports
exports hydrocarbures exports hors hydrocarbures
La performance actuelle du compte courant consolide la tendance des années 2000, 2001 et
2002, et permet d'avoir une balance des paiements viable à moyen terme et un meilleur ancrage de
la convertibilité courante du dinar.
(1)
Banque d'Algérie, Rapport 2001: Evolution économique et monétaire en Algérie, juillet 2002.
89
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
2
1
0
Mds $
-1 1997 1998 1999 2000 2001 2002
-2
-3
-4
Solde du compte capital IDE Autres capitaux nets
En 2001, les investissements directs étrangers ont enregistré un accroissement relatif (1.18
Mds $), essentiellement dû aux investissements dans le secteur des hydrocarbures et dans le secteur
des télécommunications (paiement de la première tranche de la deuxième licence GSM).
En 2002, la balance des capitaux, après avoir connu une tendance continuelle à la baisse du
déficit durant les années 1999, 2000 et 2001, a renoué avec la position d'équilibre (elle a affiché un
excédent de 200 millions $ au premier semestre 2002). A ce titre, les investissements directs
s'élevaient à 1,2 Mds $ cette année.
Au total, on peut constater la faiblesse du volume des opérations en capital.
3. Réserves de change
Les réserves étaient inférieures à 2 Mds $ pendant huit années (1988 – 1993). Elles se sont
mises à accroître à partir de 1994 pour atteindre 8 Mds $ en 1997. "…Cela n'est pas dû à une
quelconque percée des prix du pétrole puisque sur la période 1985 – 1997, le prix moyen était de
18,7 $ le baril, c'est à dire équivalent au prix moyen sur la période 1986 – 1993 où il était de 18,8 $
le baril."(1) Ce redressement des réserves est dû essentiellement à la baisse du service de la dette
suite au rééchelonnement, et aux financements exceptionnels dont a bénéficié l'Algérie pendant
cette période.
Sous l'impact du choc externe, les réserves ont commencé à s'éroder dès juin 1998 pour
tomber à 6,84 Mds $ à fin 1998.
Les prix du baril se sont redressés à partir du second semestre 1999, ce qui a permis au prix
moyen annuel d'atteindre 17,9 $ le baril et de dégager un solde courant équilibré. Toutefois, la
balance des paiements était déficitaire de 2,38 Mds $, entraînent ainsi la baisse des réserves de
change à 4,4 Mds $.
(1)
Communication de l'ex Gouverneur de la Banque d'Algérie à l'Assemblée Populaire Nationale , 2000 dans
MediaBank NUMERO SPECIAL, 2000.
90
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Tableau 5 Graphique 35
Mds $
Année Réserves en mois Réserves de change
25
d'importations
20
15
10
1997 9,39
5
0
1998 7,56
1997 1998 1999 2000 2001 2002
Les réserves de change en terme de mois d'importation ont atteint environ 20 mois en 2002,
alors que la norme générale est de 6 mois.
Les réserves de change accumulées constituent un point d'ancrage de la viabilité de la
position extérieure, un moyen d'intervention pour soutenir la monnaie nationale, un clignotant pour
les investisseurs étrangers, un facteur essentiel pour assurer la convertibilité courante et une
condition préalable pour aboutir à la convertibilité totale du dinar algérien.
91
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
60
40
20
0 1990
1996
taux de change effectif nominal taux de change effectif réel
Source: FMI.
En 2001, le taux de change effectif réel s'est apprécié de 2,8 % par rapport à son niveau en
2000, et cela après deux ans de dépréciation. En revanche, il s'est déprécié de 3,7 % pendant les dix
premiers mois de 2002.
Le spread entre le taux sur le marché interbancaire des changes et le marché parallèle s'est
élargi à environ 20 % en 2002, reflétant en partie l'augmentation de la liquidité de l'économie(2) qui
a provoqué l'augmentation de la demande des devises pour régler les transactions pour lesquelles le
dinar n'est pas convertible. Sur le marché parallèle qui obéit complètement au jeu de l'offre et de la
demande, l'offre est restée stable et la demande a augmenté, d'où cette dépréciation du dinar.
5. Dette extérieure
Les indicateurs de la dette extérieure de l'Algérie ont enregistré des améliorations notables
aussi bien en matière de l'encours qu'au niveau du ratio du service de la dette par rapport aux
exportations.
L'encours de la dette extérieure à moyen et long terme enregistre une tendance baissière
depuis 1997. Après avoir atteint 33 Mds $ en 1996, elle s'est située à 22,5 Mds $ fin 2002.
L'encours de la dette extérieure à court terme(3) a atteint environ 600 millions $ fin 2002
(environ 2 % de l'encours total) contre 260 millions $ fin 2001 (environ 1 % de l'encours total).
Le ratio du service de la dette sur les exportations qui indique le pourcentage des recettes
d'exportation consacré au paiement du service de la dette extérieure et qui était en moyenne de 70 %
sur la période 1986 – 1993, a commencé à baisser à partir de 1994 (suite au rééchelonnement) pour
se situer à 30 % entre 1996 et 1997 puis à 21 % en 2002.
(1)
- Taux de change effectif nominal : C'est la moyenne pondérée des taux de change nominaux d'un pays donné par
rapport aux monnaies des pays partenaires commerciaux.
- Taux de change effectif réel : il donne la valeur réelle de la monnaie nationale par rapport au panier des monnaies
des partenaires commerciaux. Il tient compte de l'évolution nominale de la monnaie et de l'évolution des prix dans les
pays partenaires.
(2)
L'augmentation des liquidités favorise l'augmentation de la demande en général et la demande des devises en
particulier.
(3)
Durée initiale d'une année et moins.
92
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Mds $
20
15
10
5
0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
E n cou rs total D ette à M LT S ervice d e la d ette
Le délai moyen de remboursement de la dette à moyen et long terme est passé de moins de 4
ans entre 1990 et 1993 à près de 9 ans depuis 1998.
Les performances de ces indicateurs confirment le caractère soutenable de l'endettement
extérieur de l'Algérie.
Ce nouveau contexte caractérisé par une viabilité de la dette extérieure prépare et milite en
faveur du retour de l'Algérie sur les marchés financiers internationaux.
93
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Après avoir survolé l'historique du contrôle des changes en Algérie, caractérisé par un
démantèlement progressif et en tenant compte des caractéristiques de l'économie nationale, peut-on
envisager la convertibilité totale du dinar?
La convertibilité totale du dinar n'est envisageable que si elle est jugée bénéfique. Bien que
la convertibilité totale d'une manière générale ait des avantages indéniables, les risques qu'elle
comporte peuvent fortement l'emporter sur ses avantages lorsque le pays n'est pas bien préparé. Tel
est l'enseignement fondamental tiré à travers les expériences étudiées précédemment. Dans l'objectif
de mener une réflexion sur le cas algérien, aussi modeste soit-elle, nous nous sommes d'abord
interrogés sur l'intérêt d'une convertibilité totale du dinar. Ce point fera l'objet de la première sous-
section, tandis que la deuxième tentera de présenter quelques éléments relatifs aux conditions
préalables pour envisager une éventuelle large convertibilité qui permettra notamment d'attirer la
confiance des investisseurs tout en évitant les fuites de capitaux.
Comme nous l'avons constaté, le dinar est aujourd'hui convertible pour les opérations
courantes et les entrées de capitaux sont libéralisées. Cependant, des restrictions significatives
demeurent sur les sorties de capitaux ou autrement dit, la convertibilité du dinar pour les opérations
en capital (convertibilité totale) n'est pas encore instaurée.
La problématique de l'intérêt de la mise en œuvre d'une telle mesure se pose. Pour discuter de
cette préoccupation, nous proposons d'étudier les éléments suivants:
(1)
Benhabib, Benbouziane et Ziani, Marché de change informel et mésalignement : le cas du dinar algérien, Université
de Tlemcen, 2002.
94
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
l'écart est de plus en plus significatif lorsque les restrictions à l'accès aux devises sur le marché
officiel sont plus sévères.
En Algérie, le marché parallèle des devises est rattaché au franc français puis à l'euro depuis son
introduction.
La demande des devises sur ce marché est expliquée principalement par les besoins de :
- transfert de capitaux;
- paiement des importations pour lesquelles la monnaie n'est pas convertible;
- paiement des importations illégales;….
L'offre des devises sur ce marché est alimentée, entre autres, par:
- les transferts des travailleurs émigrés;
- l'apport des touristes étrangers;….
Le tableau 6 et le graphique 38 ci-après montrent l'évolution de la parité du dinar par rapport au
franc français sur les marchés des changes officiel et parallèle:
16
14 FRF/DZD
12 taux
10 officiel
8
6
4 taux
2 parallèle
0
1970
1974
1977
1980
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
95
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
- L'écart s'est également amplifié en 1993 suite aux difficultés d'accès aux devises sur le marché
officiel à cause des difficultés financières qui ont conduit l'Algérie à rééchelonner sa dette
extérieure.
Il est à signaler que la tendance ces dernières années tourne autour d'un écart de 3.5(1) ( en
raisonnant par rapport au franc ).
En Tunisie, la convertibilité courante du dinar tunisien a été instaurée en 1993. Jusqu'en mars
1994, toutes les opérations de change étaient traitées par la Banque Centrale de Tunisie et le taux de
change était fixé administrativement. A partir de cette date, le marché interbancaire des devises a
été établi et la convertibilité totale du dinar était prévue pour 2002. Cependant, les autorités ont jugé
qu'il était encore trop tôt pour établir la convertibilité totale mais cela demeure un objectif à
atteindre(3).
Présidant la séance d'ouverture du forum international de la revue " l'Economiste maghrébin"(4),
le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) avait déclaré : " La convertibilité totale du
dinar, plutôt qu'une nécessité ou une possibilité, serait l'aboutissement naturel des performances
économiques réalisées par le pays et de la réussite des réformes structurelles engagées".
Lors d'une conférence de presse, une délégation d'administrateurs du FMI a affirmé que le
Fonds et la Tunisie sont d'accord sur la politique à engager et les étapes à franchir en vue d'aboutir à
une convertibilité totale du dinar tunisien(5).
(1)
Benhabib, Benbouziane et Ziani, Marché de change informel et mésalignement, le cas du dinar algérien, Op. cit.
(2)
Dades. A, L'Office des Changes et ses clients, Maroc. 1999.
(3)
Aglietta. M et Baulant. C, Régimes de change et intégration des pays méditerranéens, Revue Economie Politique,
janv-fév 2000, page 123.
(4)
Forum organisé le 24 mai 2001 à Tunis autour du thème " La convertibilité totale du dinar tunisien".
(5)
Publié sur le web le 23 octobre 2003 : www.allAfrica.com.
96
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
L'Algérie qui fait partie d'un monde de plus en plus intégré où la concurrence est le principal
facteur déterminant, a-t-elle intérêt à se laisser dépasser par ses voisins ? La convertibilité est l'un
des facteurs déterminants qui attirent la confiance des investisseurs en leur offrant la possibilité de
rapatrier leurs fonds à tout moment sans justification, ni autorisation et ni délai.
Dans ce sens, le Professeur Issad a déclaré:" La concurrence à l'échelle planétaire est intense. Il
faut donc savoir ce qu'on offre ailleurs, pour offrir la même chose, ou si nécessaire davantage"(1).
En suivant ce raisonnement, l'Algérie devrait-elle se fixer l'objectif de convertibilité totale en
engageant les réformes nécessaires pour l'atteindre et réussir sa mise en œuvre ?
(1)
Issad. M, L'actualité du droit des investissements, 1998.
97
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
30
20
10
Tunisie
Jordanie
Liban
Algérie
Syrie
Maroc
Source: Autorités nationales et estimations FMI, 1998.
L'Algérie a reçu peu de capitaux étrangers et les restrictions sur les mouvements de capitaux
n'étaient pas la seule cause. L'attractivité de l'économie algérienne est affectée par d'autres facteurs
comme le climat des affaires non favorable et surtout non compétitif.
(1)
Traduit par nous-même, la version originale étant en anglais dans Algeria : Selected Issues and Statistical Appendix,
IMF, 2003, page 10.
98
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Servises
Industries hors
BTP
Hydrocarbures
La part importante des hydrocarbures dans le PIB a rendu les équilibres macro-économiques
très vulnérables aux évolutions des prix du baril.
Par ailleurs, la Bourse d'Alger qui existe depuis environ cinq ans, demeure à un stade
embryonnaire. Bien que les investissements de portefeuille des non-résidents soient totalement
libres et convertibles en vertu du règlement 2000-04, aucun investissement des non-résidents n'a été
(1)
Fiche de Synthèse, Trésor France, 2002.
99
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
enregistré à l'inverse de la bourse de Tunis ou celle de Casablanca. A Tunis par exemple, en 2000,
une part de 21 %(1) de la capitalisation boursière était détenue par des investisseurs étrangers.
Ainsi, se pose la problématique de la convertibilité totale du dinar algérien. Contribuera-t-elle à
améliorer l'attractivité en attirant davantage la confiance des investisseurs ? ou bien aggravera-t-elle
la situation en ouvrant les barrières aux fuites de capitaux ?
Aujourd'hui, on fait face à une mondialisation croissante inévitable. Elle se réalisera avec
nous ou sans nous. Avons-nous intérêt à ce qu'elle se réalise sans nous ? Dans un monde où les
pays ne peuvent vivre en autarcie, la question la plus pertinente n'est-elle pas plutôt de savoir
comment s'intégrer en défendant ses intérêts ? L'ouverture financière externe de l'Algérie, au cas
où elle est envisageable, ne peut réussir sans la mise en place d'un processus ordonné visant le
maintien des équilibres macro-économiques, la mise à niveau de l'économie nationale et
l'amélioration de son attractivité.
(1)
Revue de la Bourse de Tunis, 2002, page 2.
(2)
Traduit par nous-même, version originale en anglais dans Nsouli. M and Rached. M, Capital Account
Liberalization in the Southern Mediterraneen Region, Op. cit.
100
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
" Les récentes turbulences auxquelles ont fait face les pays asiatiques n'ont pas résulté de la
libéralisation des mouvements de capitaux, mais des politiques macro-économiques appliquées, du
cadre institutionnel adopté et de la séquence suivie dans ces pays"(1), avait déclaré en 1998
M.Camdessus, alors Directeur Général du FMI.
Comme on l'a déduit à travers les enseignements, les crises financières récentes n'ont pas
remis directement en cause la libre circulation des capitaux, mais elles ont montré les risques d'une
ouverture prématurée et la nécessité de la mise en œuvre des conditions préalables. La preuve est
que les pays frappés par les crises n'ont pas réintroduit le contrôle sur les mouvements de capitaux,
mais ils ont renforcé davantage leurs systèmes de surveillance et de réglementation et ont adopté
des disciplines macro-économiques plus prononcées.
Aujourd'hui, pour que l'Algérie réussisse la mise en œuvre de la convertibilité totale, au cas
où elle optera pour cette mesure dans l'avenir, elle devrait suivre une séquence graduelle et engager
des réformes adéquates.
1. La séquence d'ouverture
Un sequencing approprié est essentiel pour un processus maîtrisé. L'Algérie a-t-elle suivi un
processus ordonné de par le passé ? Comment devrait-elle procéder pour l'avenir ?
(1)
Traduit par nous-même, version originale en anglais dans Nsouli. M and Rached. M, Capital Account
Liberalization in the Southern Mediterraneen Region, Op. cit.
101
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
D'une manière générale, la séquence suivie en Algérie en matière d'ouverture externe jusqu'ici a
été graduelle et classique par rapport aux expériences des autres pays. Cependant, ce qui est
frappant, c'est que malgré cette réglementation permessive notamment pour les entrées de capitaux,
l'Algérie n'a pas séduit les investisseurs étrangers. Le Professeur Mebtoul a déclaré: " Si les
capitaux ne s'investissent pas en Algérie, il y a des raisons fondamentales et il s'agit de lever les
obstacles car un texte juridique même bien fait n'est pas une condition suffisante"(1).
(1)
Intervention du Professeur Mebtoul à l'Ecole Nationale d'Administration d'Alger, le 2 novembre 1998.
102
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Ces dernières années sont caractérisées par l'expansion de la liquidité de l'économie suite à
la conjoncture pétrolière favorable qui a permis la recapitalisation des banques publiques et la
hausse des dépôts du secteur pétrolier ( surliquidité bancaire ) et la mise en place d'un plan de
soutien à la relance économique ( injection de la monnaie dans l'économie ). Les autorités ont
réaffirmé leur engagement à conduire la politique monétaire avec un objectif de stabilisation des
prix.
Une étude économétrique récente du FMI intitulée "Money Demand and Monetary Policy :
Evidence From Algeria" a montré que la demande de la monnaie en Algérie est relativement stable
et lorsque l'offre dépasse la demande de la monnaie, ceci exerce des pressions sur les prix.
Cependant, malgré l'expansion monétaire ces dernières années, l'inflation est relativement maîtrisée.
Pour juguler l'effet inflationniste de cette expansion monétaire, la Banque d'Algérie a réactivé les
instruments de la politique monétaire:
- Le taux des réserves obligatoires a été élevé en décembre 2001 de 3 % à 4.25 % puis en
décembre 2002, de 4.25 % à 6.25 %;
- L'instrument de reprise de liquidité a été introduit en avril 2002.
D'une manière générale, la politique monétaire en Algérie est vulnérable aux revenus
d'exportation des hydrocarbures et leurs conséquences sur la liquidité de l'économie. Face aux
fluctuations des prix du baril, les autorités monétaires doivent être prudentes dans leurs politiques
pour sauvegarder les équilibres macro-économiques.
(1) (2)
Algérie: Consultation au titre de l'article IV, FMI, 2002, page 31.
103
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
(1)
La lettre de la DGI n° 9, Juillet 2002, disponible sur le site Internet : www.impôts-dz.org.
104
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
1993 2000
Secteur
public
Secteur 22%
Secteur
public Secteur
privé
33% privé
67%
78%
(1)
Report on the Observance of Standards and Codes (ROSC) : Algeria, FMI et Banque Mondiale, juin 2000.
105
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Les privatisations en Algérie progressent lentement pour diverses raisons dont les lenteurs et la
complexité des procédures administratives, la résistance des salariés et le problème du foncier.
L'accélération du processus de privatisation contribuerait à l'amélioration de la compétitivité,
créerait des occasions pour l'investissement étranger et renforcerait la relance de la croissance.
3
2,5
2
1980 1,5
1
1995 0,5
0
-0,5
-1
Jordanie
Algérie
Egypte
Maroc
Israel
Syrie
Turquie
Tunisie
On constate que l'indice d'infrastructures en Algérie est négatif et figure parmi les plus
faibles dans l'échantillon considéré (1980 et 1995). Pour réhabiliter et mettre en place des
infrastructures solides contribuant à améliorer l'attractivité de l'Algérie et servir de base à la relance
de l'investissement privé, national et étranger, un plan de soutien à la relance économique PSRE a
été lancé en 2001 (le renforcement des infrastructures n'est pas le seul objectif de ce plan)(2). C'est
un programme fondé sur des dépenses d'investissement public s'élevant à 525 Mds dinars (environ
13 % du PIB de l'année 2000 ) s'étalant sur la période 2001-04. L'échelonnement initial de ce plan
est donné par le tableau 9 suivant :
(1)
Bouklia-Hassane. R et Zatla. N, L'IDE dans le bassin méditerranéens : ses determinants et son effet sur la croissance
économique, CREAD, octobre 2000.
(2)
Le plan vise le soutien de l'agriculture, la réalisation des travaux publics, le développement local,…
106
Chapitre III Les enseignements pour l'Algérie: évolution et perspectives d'ouverture
Bien que les premiers résultats de ce plan soient jugés positifs, le FMI lors de la consultation au
titre de l'article IV (mars 2003) a recommandé aux autorités algériennes de considérer le plan
comme un complément et non un substitut aux réformes structurelles.
107
CONCLUSION
Pendant les deux dernières décennies, une tendance à la libéralisation économique, d'une
manière générale, et à la libéralisation des mouvements de capitaux en particulier, a été observée.
Ce constat est vrai aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Ces
derniers ont opté pour cette mesure avec l'objectif de forcer le destin de leur relance et d'accélérer la
croissance de leurs économies. Ainsi, la libéralisation des mouvements de capitaux ne se limite plus
à quelques grands pays développés, mais s'étend désormais à un nombre croissant de pays
émergents. Un tel processus apparaît autant lié aux choix politiques faits par les gouvernements
nationaux ( en général, les thèses favorables à l'économie de marché se sont aujourd'hui imposées
dans la plupart des pays ) qu'au progrès de l'innovation financière et des moyens de communication,
qui font qu'il est de plus en plus difficile pour un Etat, sauf à accepter une situation d'autarcie, de
contrôler l'ensemble des flux financiers entre ses résidents et le reste du monde.
Les crises financières intervenues dans bon nombre de pays émergents au cours de la
décennie 90 ont rappelé que le processus d'ouverture n'était pas exempt de risques et devait donc
être envisagé avec gradualisme en tenant compte de l'état de préparation des économies nationales.
Aujourd'hui, le consensus international n'a pas remis en cause la libéralisation des mouvements de
capitaux, mais il a bien souligné la vulnérabilité engendrée par la libéralisation. La responsabilité
des crises financières a été imputée, dans la majorité des cas, à l'inadaptation de la séquence suivie
et / ou à la mauvaise gestion de l'après ouverture.
108
Après de telles expériences, des enseignements majeurs ont été tirés. En effet, la
libéralisation des mouvements de capitaux a des avantages indéniables. Cependant, ces avantages
ne sont significatifs que lorsque les risques – qui sont une constante inévitable de l'ouverture – sont
réduits au minimum. Ces risques ne peuvent être réduits sans une séquence d'ouverture graduelle et
ordonnée, fondée sur des réformes institutionnelles et structurelles dans un cadre de politiques
macro-économiques saines.
A la lumière des enseignements tirés des expériences présentées et des points de vue
recueillis, suite aux entretiens réalisés dans le cadre d'un stage pratique qui s'est déroulé à la Banque
d'Algérie et la Banque de France, nous nous sommes posés un certain nombre de questions quant au
cas algérien. En effet, une convertibilité plus large du dinar pourrait s'inscrire dans les perspectives
du développement économique de l'Algérie. Cependant, des efforts considérables doivent être
réalisés en matière d'accélération des réformes institutionnelles et structurelles déjà engagées, et les
équilibres macro-économiques appréciables de ces dernières années doivent être soutenus par des
fondements structurels, notamment par la diversification de l'économie et l'amélioration de sa
compétitivité, loin de la vulnérabilité aux évolutions de la conjoncture pétrolière.
L'Algérie pourrait bien tirer des avantages d'une libéralisation plus poussée dans le domaine
des changes à condition que cela s'opère en sa faveur en dégageant un flux net positif des capitaux.
Ceci ne peut se réaliser sans l'amélioration de l'attractivité de l'économie jugée insuffisante jusqu'ici.
Telles sont les conclusions principales tirées de l'étude du cas algérien. D'autres
investigations peuvent être réalisées dans la direction de ce présent travail, en s'intéressant à d'autres
aspects qui pourraient, par exemple, porter sur le degré optimal d'ouverture en Algérie ou la nature
des capitaux à libéraliser en premier.
Enfin, nous espérons que l'apport de ce présent mémoire sera bénéfique à la poursuite des
recherches dans ce domaine.
109
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION..................................................................................................................................... 1
BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………………………