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L’importance de l’argent en politique ne saurait se réduire à son influence sur tel ou tel

acteur, si démesurée soit-elle. Le problème est plutôt que l’argent permet, à ceux qui en
disposent, de dominer le champ des idées politiques et des politiques publiques (notamment
en ce qui concerne leur dimension économique).

Certes, le financement des campagnes fait partie du problème, mais le véritable enjeu est
ailleurs : de fait, l’argent détermine qui a droit au chapitre, quels problèmes sont abordés, et
quelles politiques publiques sont envisageables. :

L’influence de l’argent n’est donc pas à chercher dans de simples quid pro quo (où telle ou
telle personne en paierait une autre, en échange de faveurs politiques), mais dans le fait qu’il
structure le débat en contrôlant l’accès à l’arène politique. Il s’agit là d’un pouvoir
déterminant, puisqu’il décide des candidats, des thèmes qu’ils abordent en priorité, et de la
manière dont ceux-ci sont trait

Examinons pour commencer les effets de l’argent privé dans les campagnes électorales. Le
public, on le comprend, semble craindre que ses représentants politiques ne soient vendus à
de riches donateurs. En réalité, ce genre de quid pro quo n’est pas vraiment généralisé, dans
la mesure où les donateurs ne soutiennent financièrement que ceux et celles dont ils savent
déjà qu’ils défendront leurs intérêts.
Tout ceci suggère que l’argent ne joue pas tout à fait le rôle que l’on croit. Avant tout, l’argent
en politique sert à maintenir le statu quo, puisque les entreprises et les grandes fortunes
individuelles ont tendance à financer ceux et celles qui sont déjà au pouvoir
Le pouvoir des lobbies et des ‘think tanks’

Les distorsions imputables à l’argent se voient encore plus nettement dans le rôle des lobbies
et des think tanks (notamment en ce qui concerne la politique économique). En 2018 aux
États-Unis, les dépenses en lobbying se sont élevées à 3,4 milliards de dollars, soit presque
cinq fois plus que ce qu’ont dépensé les groupes d’intérêts lors de campagnes électorales.
Ces dépenses émanent à 85 % du monde de l’entreprise (ce qui ne surprendra personne).
Certes, les efforts des lobbies n’aboutissent pas toujours ; mais le fait qu’ils tendent à préférer
le statu quo leur donne l’avantage. En effet, le système américain dispose de plusieurs points
de véto où il est relativement aisé d’enrayer d’éventuelles modifications règlementaires,
mêmes minimes.
Les lobbies les plus riches ont également d’autres atouts, puisqu’ils peuvent s’approprier les
recommandations de think tanks, eux-mêmes financés par des groupes d’intérêt alliés ou par
de riches individus. On dénombre ainsi près de 2000 think tanks aux États-Unis, à travers
divers domaines. Bien souvent, le but de ces think tanks n’est pas tant de développer un point
de vue expert sur tel ou tel problème, mais de développer des projets de politiques qui
s’accordent avec leur position idéologique.

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