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*Antibiotiques : Les points essentiels

Résumé de la fiche
Depuis l’utilisation historique du sulfanilamide puis de la pénicilline chez l’homme au cours de la première moitié du 20ème
siècle, les preuves de l’efficacité des antibiotiques dans le traitement des maladies infectieuses ont été largement établies.

Substances organiques naturelles ou synthétiques, les antibiotiques se définissent par leur aptitude à limiter la multiplication
des bactéries pathogènes, les plus puissants pouvant même éradiquer l’inoculum bactérien.

Pour être efficace, un antibiotique doit rencontrer sa cible ou son point d’impact. Si cette cible n’existe pas, le germe est
insensible à l’antibiotique, définissant la résistance naturelle ou intrinsèque liée à l’équipement génétique bactérien. Si cette
cible est présente mais rendue inaccessible par différents mécanismes, le germe devient insensible à l’antibiotique,
définissant la résistance acquise.

Une antibiothérapie bien conduite et justifiée exige une réflexion préalable intégrant des paramètres microbiologiques,
pharmacologiques et cliniques afin de définir les modalités pratiques de sa mise en œuvre (monothérapie ou association,
posologie et modalités d’administration, durée du traitement).

Les antibiotiques ont incontestablement fait reculer la mortalité liée aux maladies infectieuses. Dans le même temps
cependant, le nombre trop important de prescriptions inadaptées nourrit une difficile réflexion de santé publique avec un volet
économique certes, en termes de dépenses pharmaceutiques, mais aussi et surtout un volet écologique, par l’émergence de
bactéries devenues résistantes aux antibiotiques, ce qui oblige à la découverte de molécules nouvelles.

Dès lors, de gros efforts pédagogiques en infectiologie sont nécessaires pour promouvoir et faire respecter les
recommandations portant sur le bon usage des antibiotiques.

Item(s) ECN
177 (R2C) : Prescription et surveillance des anti-infectieux chez l’adulte et l’enfant

330 (R2C) : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant

Rappel physiopathologique
- Une infection se définit par l’entrée et la multiplication d’un agent pathogène dans l’organisme.

Le temps séparant l’exposition à l’agent infectieux des premiers symptômes, souvent peu spécifiques comme la fièvre ou la
fatigue, constitue la période d’incubation.

Puis, apparaissent les signes cliniques caractéristiques de l’infection en cours dont le développement et la sévérité
dépendront de l’équilibre existant entre virulence de l’agent pathogène et efficacité des défenses immunitaires de l’hôte.

Si la croissance du germe infectieux est rapidement jugulée, la maladie reste asymptomatique et passe totalement inaperçue.
Inversement, si la charge bactérienne échappe aux défenses immunitaires, la maladie s’installe et requiert un traitement anti-
infectieux adapté.

- Les mécanismes responsables du pouvoir pathogène microbien sont multiples.

On trouve des enzymes désorganisant les matrices cellulaires comme la hyaluronidase (streptocoque), la collagénase
(clostridium), les lécithinases et les protéases, ceci facilitant la dissémination bactérienne.

Les germes pyogènes, comme le staphylocoque doré, possèdent une ou plusieurs coagulases accélérant la formation de
caillots de fibrine dans un contexte de nécrose tissulaire plus ou moins purulente.

Les effets à distance sont dus aux toxines bactériennes :

- Ainsi, l’endotoxine, fraction lipidique du lipopolysaccharide de la paroi des germes Gram négatif, est un inducteur puissant
des cytokines de l’inflammation comme l’interleukine-1 ou le TNF (tumor necrosis factor) expliquant l’effet pyrogène et
favorisant le choc septique.

- Les nombreuses exotoxines, plus fréquemment sécrétées par les bactéries Gram positif, sont des protéines spécifiques
cytotoxiques, neurotoxiques ou entérotoxiques.
- Pour échapper aux défenses immunitaires, certains germes possèdent une capsule à base de glycocalix inhibant la
phagocytose (pneumocoque, haemophilus, klebsiella, cryptococcus), d’autres sécrètent hémolysines et leucocidines pour
lyser les cellules sanguines (staphylocoques et streptocoques).

Parfois aussi, la réponse immunitaire est exacerbée, à l’origine d’une pathologie inflammatoire surajoutée.

Présentation des principaux germes pathogènes chez l’homme


Germes Maladies infectieuses Habitat principal
Bacilles Gram +

Corynebacterium jeikeium
septicémie, endocardite
peau, muqueuse

Listeria monocytogenes méningite, septicémie sol, aliments, fécès


Bacilles Gram -

Acinetobacter baumanii
infections nosocomiales
environnement

Aeromonas sp.
diarrhée, inf. cutanées
eau

Citrobacter freundii
infections urinaires
sol, eau, fécès

Enterobacter cloacae
infections postchirurgicales
aliments, laitages

Escherichia coli
infections urinaires, abcès
aliments, eau, fécès

Haemophilus influenzae
inf. ORL et pulmonaires
voies aériennes supérieur

Klebsiella pneumoniae
inf. pulmonaires et urinaires
voies aér. sup., fécès

Legionella pneumophila
pneumopathies
eau, circuit climatisation

Proteus mirabilis
inf. urinaires, septicémie
fécès

Pseudomonas aeruginosa
surinfections nosocomiales
environnement

Salmonella sp.
gastro-entérites, thyphoïde
eau, aliments, fécès

Serratia marcescens
infections nosocomiales
eau, plantes, fécès

Shigella sp.
gastro-entérites
flore fécale

Yersinia enterolitica diarrhée, arthrite réactive aliments souillés, fécès


Cocci Gram +
Enterococcus sp.
inf. urinaires, septicémie
laitages, fécès

Staphylococcus aureus
inf. cutanées et ostéoarticulaires
portage, environnement

Staphylococcus coagulase -
septicémie, inf. post chirurgie
environnement

Streptococcus pneumoniae
infections nosocomiales
voies aériennes

Streptococcus pyogenes inf. ORL et pulmonaires


voies aériennes
angines, RAA, septicémie
Cocci Gram -

Neisseria gonorrhoeae
urétrite, prostatite, arthrite
voies urinaires

Neisseria meningitidis
méningite, septicémie
nasopharynx humain

Moraxella catarrhalis inf. ORL, pneumonie pharynx


Bactéries anaérobies

Bacteroides fragilis
péritonite, abcès, inf. gynécol.
flore gros intestin

Clostridium difficile
colite pseudomembraneuse
flore intestinale, environn

Clostridium perfringens
gangrène gazeuse
sol, flore intestinale

Clostridium tetanii tétanos sol, flore intestinale

Médicaments existants
Le nombre de spécialités antibiotiques disponibles sur le marché pharmaceutique français est particulièrement élevé, témoin
des enjeux économiques soulevés par cette classe thérapeutique. Le tableau suivant les présente par familles
pharmacologiques ayant une structure chimique commune. D’autres classifications existent, davantage microbiologiques
comme celles basées sur le spectre d’action (exemple : espèces sensibles, espèces modérément sensibles ou espèces
résistantes) ou sur le mécanisme d’action (cibles moléculaires bactériennes) ou davantage pharmacodynamiques comme
celles comparant le mode de bactéricidie in vitro selon qu’il s’exprime en fonction de la concentration atteinte ou en fonction
du temps de contact avec la bactérie.

Présentation pharmacologique des différentes classes d’antibiotiques par structure chimique commune

ß-LACTAMINES
Pénicillines G et V, Céphalosporines de 1ère Céphalosporines de 3ème génération (C3G)
sensibles aux pénicillinases génération (C1G)
Benzylpénicilline (im, iv) Céfaclor (vo) Céfixime (vo)

Phénoxyméthylpénicilline Céfadroxil (vo) Céfopérazone (im, iv)


(vo)
Céfalexine (vo) Céfotaxime (im, iv)

Céfalotine (im, iv) Céfotétan (im, iv)

Céfapirine (im, iv) Céfotiam (vo)

Céfatrizine (vo) Cefpirome (iv)

Céfazoline (im, iv) Cefpodoxime (vo)

Céfradine (vo) Cefsulodine (im, iv)

Ceftazidime (im, iv)

Ceftazidime + avibactam (iv)

Ceftizoxime (im, iv)

Ceftriaxone (im, iv)

Cetozolane + Tazobactam (iv)


Pénicillines M, résistantes Céphalosporines de 2ème Autres ß-lactamines
génération (C2G)
aux pénicillinases
Cloxacilline (vo, im, iv) Céfamandole (im, iv) Aztréonam (im, iv)

Oxacilline (vo, im, iv) Céfoxitine (iv)

Céfuroxime (vo, im, iv)


Céphalosporines de 4ème Céphalosporines de 5ème Carbapénèmes 
génération génération
Céfépime (im, iv) Ceftobiprole (iv) Imipénem + cilastatine (iv)

Céfidérocol (iv) Imipénem + cilastatine + relebactam (iv)

Ceftaroline (iv) Méropénem (iv)

Ertapénem (iv)

Doripénem (iv)
Pénicillines A (spectre Pénicillines ANTI-STAPHYLOCOCCIQUES
élargi) antipyocyaniques
Glycopeptides et divers
Amoxicilline (vo, im, iv) Ticarcilline (im, iv) Téicoplanine (im, iv)

Amoxicilline + acide Ticarcilline + acide Vancomycine (vo, iv)

clavulanique (vo, iv)) clavulanique (iv) Acide fusidique (vo, iv) Fosfomycine (iv)

Ampicilline (vo, im, iv) Mezlocilline (iv) Dalbavancine (iv)

Ampicilline + sulbactam Pipéracilline (im, iv)


(im, iv)
Pipéracilline +
Bacampicilline (vo) tazobactam (iv)

Pivampicilline (vo)
AMINOSIDES FLUOROQUINOLONES MACROLIDES et apparentés
Amikacine (im, iv) Ciprofloxacine (vo, iv) Azithromycine (vo)

Gentamicine (im, iv) Lévofloxacine (vo, iv) Clarithromycine (vo)

Isépamicine (im, iv) Moxifloxacine (vo) Dirithromycine (vo)

Nétilmicine (im, iv) Ofloxacine (vo, iv) Erythromycine (vo, iv)

Spectinomycine (im, iv) Péfloxacine (iv) Josamycine (vo)

Tobramycine (im, iv) Délafloxacine (vo, iv) Midécamycine (vo)

Roxythromycine (vo)
CYCLINES IMIDAZOLES
Spiramycine (vo, iv)
Doxycycline (vo, iv) Métronidazole (vo, iv)
Clindamycine (vo, im, iv)
Lymécycline (vo) Ornidazole (iv)
Lincomycine (vo, im, iv)
Métacycline (vo) Tinidazole (vo)
Pristinamycine (vo)
Minocycline (vo)
Quinupristine + dalfopristine (iv)
Oxytétracycline (vo)
Télithromycine (vo)
SULFAMIDES DIVERS ANTITUBERCULEUX
Sulfadiazine (vo) Thiamphénicol (im, iv) Ethambutol (vo); Isoniazide (vo, im, iv) ; Pyrazinamide (vo); Rifabutine
Colistine (im, iv) (vo); Rifampicine (vo, iv) ; Streptomycine (im, iv)
Sulfaméthoxazole
Linézolide (vo, iv)
+Triméthoprime

ou Cotrimoxazole (vo, iv)


 vo: voie orale ; im : voie intramusculaire ; iv = voie intraveineuse

Mécanismes d’action des différentes molécules


Par définition, le mécanisme de l’action antibiotique implique une ou plusieurs cibles moléculaires spécifiques au monde
bactérien conférant à cette classe de médicaments une marge de sécurité relativement large. On décrit très classiquement
les 4 points d’impact suivants :

- (1) Paroi bactérienne : ß-lactamines, glycopeptides, fosfomycine, cyclosérine, bacitracine perturbent la biosynthèse du
peptidoglycane, glycoprotéine complexe de la paroi, induisant la perte de la viabilité cellulaire, voire la lyse de la cellule
bactérienne. L’isoniazide, l’éthambutol et le pyrazinamide, 3 antituberculeux, agissent également sur des cibles de la paroi de
Mycobacterium tuberculosis impliquant le métabolisme des acides mycoliques ;

- (2) Synthèse protéique : le ribosome bactérien est la cible supramoléculaire de nombreux antibiotiques, provoquant l’arrêt
plus ou moins brutal de la synthèse protéique. On citera l’inhibition des liaisons peptidiques par les phénicolés ; l’inhibition de
l’élongation protéique par les aminosides et les tétracyclines ; l’inhibition de la translocation par les macrolides et apparentés
(lincosamides, streptogramines ou synergistines, kétolides), le linézolide et les everninomycines ; l’inhibition des étapes post-
translocation par l’acide fusidique ;

- (3) Génome bactérien : de nombreuses erreurs dans la synthèse de l’ADN bactérien s’obtiennent par l’inhibition de l’ARN-
polymérase avec les rifamycines, l’inhibition de l’ADN-gyrase avec les fluoroquinolones, ou par l’inhibition de la synthèse des
purines par les sulfamides et le cotrimoxazole. Nitro-imidazolés et nitrofuranes agissent également sur le génome bactérien
selon des mécanismes moins bien connus ;

- (4) Membrane interne : en dénaturant les phospholipides de la membrane interne, les agents polycationiques (polymyxines,
colistine) ou polyéniques (nystatine, amphotéricine B) provoquent la fuite fatale de composés intracellulaires par rupture de la
perméabilité cellulaire.

fig. 1 : points d'impact des antibiotiques sur les bactéries

Effets utiles en clinique


Le succès d’une antibiothérapie, qu’elle soit curative ou prophylactique, dépend d’un ensemble de règles qu’il faut à la fois
bien connaître et bien respecter.

L’antibiothérapie curative s’adresse au patient déjà infecté.

Idéalement, le choix antibiotique à entreprendre devrait attendre le diagnostic formel du caractère infectieux de la maladie par
l’isolement puis la caractérisation de l’agent causal.

En pratique courante, cette documentation fait souvent défaut, de sorte que la prescription antibiotique s’opère sur un mode
probabiliste reposant sur la conviction que le tableau clinique du patient dépend d’un processus infectieux impliquant plus
probablement une certaine espèce bactérienne.

Ceci permet un choix rationnel parmi les antibiotiques considérés efficaces contre le germe supposé.

Cette prescription probabiliste, aussi appelée empirique, ne doit donc rien au hasard car elle se fonde sur une démarche
réfléchie et argumentée.

La présente les principales maladies infectieuses avec les propositions antibiotiques les plus couramment recommandées.

Parfois, la documentation bactériologique de l’infection (ECBU, hémocultures, ponction pleurale, LCR, par exemple) s’impose,
soit d’emblée, soit rapidement après l’instauration de l’antibiothérapie probabiliste.

Cette démarche assure une prescription curative adaptée à la sensibilité du germe in vitro, faisant correspondre au mieux les
paramètres pharmacodynamiques et pharmacocinétiques des antibiotiques retenus aux paramètres du terrain (âge,
localisation de l’infection, fonctions rénale et hépatique).

L’antibioprophylaxie s’adresse à un patient particulier, a priori indemne de toute infection, mais devant subir un geste médical
ou chirurgical indispensable qui, chez lui, présente un haut risque infectieux local ou général.

L’antibioprophylaxie, par nature probabiliste, doit précéder ce geste médical ou chirurgical et elle ne peut être que de courte
durée.

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique


La pharmacodynamie des antibiotiques repose sur une base microbiologique fondamentale mesurant in vitro et pour chaque
couple germe-antibiotique les index suivants :

- CMI, concentration minimale inhibitrice, plus faible concentration d’antibiotique inhibant la croissance bactérienne. Index de
sensibilité bactérienne, la CMI peut révéler la présence d’une résistance au moyen de l’antibiogramme, mesure sandardisée et
automatisable de la sensibilité, établissant le spectre de l’antibiotique sous la forme d’un classement des germes en espèces
sensibles, intermédiaires (ou modérément sensibles) et résistantes en fonction de valeurs critiques intégrant des données
pharmacocinétiques.

- CMB, concentration minimale bactéricide, plus faible concentration d’antibiotique qui, agissant sur un inoculum initial, ne
laisse qu’un faible pourcentage de bactéries survivantes (0.1% ou 0.01% selon le cas, après 18 à 24 heures de contact). Index
de puissance antibiotique, la CMB s’évalue aussi de manière dynamique au moyen des courbes de bactéricidie qui décrivent
la décroissance de l’inoculum dans le temps en fonction de différentes concentrations de l’antibiotique. La phase précoce de
la courbe (6-8 premières heures) distingue les antibiotiques dits « concentration-dépendants » à effet bactéricide puissant et
rapide dépendant principalement de la concentration, des antibiotiques dits « temps-dépendants » à effet bactéricide lent et
souvent moins marqué dépendant principalement du temps de contact avec le germe.

Antibiotiques à effet bactéricide


Antibiotiques à effet bactéricide

« concentration-dépendant » in vitro « temps-dépendant » in vitro


Aminosides ß-lactamines sur bacilles Gram moins
Fluoroquinolones sur bacilles Gram moins Fluoroquinolones sur Gram plus
ß-lactamines sur germes Gram plus Glycopeptides
Fosfomycine sur bacilles Gram moins Macrolides
Métronidazole sur les anaérobies Sulfamides
  Tétracyclines

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique


Pour être efficace, un antibiotique doit rencontrer le germe au site même du foyer infectieux. Or, la pénétration tissulaire
dépend non seulement du tissu infecté mais aussi du schéma posologique retenu. Quand elles sont disponibles, les données
cinétiques tissulaires permettent d’établir les modalités d’administration offrant la meilleure adéquation possible entre profils
pharmacocinétiques et modes de bactéricidie in vitro, tout en intégrant l’éventualité d’un EPA

Paramètres étudiés Bactéricidie Bactéricidie

concentration-dépendante temps-dépendante
Efficacité maximale Concentration la plus élevée possible Concentration supérieure au seuil d’efficacité
Vitesse de bactéricidie Rapide (d’autant plus que la concentration est Lente (et indépendante de la concentration)
élevée)
Effet post-antibiotique
Prolongé in vivo
Absent ou court, sauf exception
(EPA) (1 à 4 h in vitro)
Recroissance bactérienne Retardée par l’existence d’un EPA Effective dès que la concentration descend
secondaire sous le seuil d’efficacité
Schéma posologique à Administration rapide de fortes doses (si la Maintien de concentrations efficaces (ex :
favoriser tolérance le permet) perfusion continue)
Intervalle d’administration Allongé, par rapport à celui suggéré a priori par la Etabli selon le seuil d’efficacité, la dose et la
demi-vie d’élimination demi-vie d’élimination
Critères d’efficacité
Cmax, Cres
Cres

• pharmacocinétique
QI, AUIC ∆t supra CMI
• PK-PD
Adaptation de posologie Priorité à l’allongement de l’intervalle de prise Priorité à la diminution de la dose

Repris et adapté de : Pharmacodynamie des antibiotiques, O. Petitjean, P. Nicolas, M. Tod, pages 13 – 81. In : Infections et
antibiothérapie en réanimation aux urgences et en chirurgie , C. Martin et F. Gouin, 2ème édition, Arnette, 2000.

fig. 2 : critères pharmacocinético-pharmacodynamiques d’évaluation


Source de la variabilité de la réponse
En dehors du phénomène de la résistance bactérienne, de nombreux facteurs sont susceptibles d'influencer la réponse
antibiotique, leur effet combiné pouvant même provoquer l’échec thérapeutique. Nous citerons principalement :

- L’effet inoculum :

On appelle inoculum la quantité de bactéries présentes à l'instauration du traitement. Quand ce nombre est élevé (> 108
cfu/ml, cas des collections suppurées par exemple), on observe une élévation franche des CMI des ß-lactamines et des
glycopeptides. En revanche, aminosides et fluoroquinolones sont généralement peu influencés par l'effet inoculum;

- L’état métabolique :

Habituellement, la bactéricidie est maximale quand les germes sont en phase de croissance rapide. Si les ressources
nutritives s'avèrent localement insuffisantes, la croissance bactérienne se ralentit, approchant parfois l'état stationnaire, ce
qui diminue d'autant et principalement l'efficacité des antibiotiques "temps-dépendants";

- L’adhésion bactérienne :

Provoquée par la synthèse du glycocalix ou "slime", exopolysaccharide formant une coque autour des bactéries, ce qui les
protège de la phagocytose et de la pénétration antibiotique puisque les concentrations efficaces s’avèrent très largement
supérieures aux CMI habituelles. Ce phénomène est très fréquent lors des infections sur corps étrangers (prothèses, valves
cardiaques artificielles, …), la relative inefficacité des antibiotiques imposant alors très souvent un geste chirurgical associé;

- L’acidose et l’anaérobiose du tissu infecté :

Tout abaissement local du pH et/ou de la pO2 augmentent significativement les CMI des aminosides, des fluoroquinones et
des macrolides. Ces conditions défavorables expliquent souvent les échecs des traitements des infections ostéoarticulaires ;

- Les inhibiteurs endogènes :

La purulence des expectorations ou des abcès contient de nombreux produits de dégradation cellulaire (fragments d’acides
nucléiques, ions divalents Calcium, Magnésium, …) qui peuvent fixer et inactiver aminosides et polymyxines, et à un degré
moindre les fluoroquinolones

Situations à risque ou déconseillées


Les antibiotiques possèdent, globalement, une excellente marge thérapeutique. Les réactions d’hypersensibilité,
éventuellement croisées entre les deux familles de ß-lactamines (pénicillines et céphalosporines), constituent la contre-
indication la plus fréquente, toutes classes confondues. Quelques situations spécifiques, rapportées dan le tableau suivant,
sont aussi à connaître afin d'éviter une prescription antibiotique inadaptée exposant à un risque toxique parfois grave :

Classes
Contre-indications
Contre-indications relatives ou précautions
pharmacologiques absolues d’emploi
ß-lactamines Hypersensibilité Selon le cas : infections par les herpés virus
(MNI)
Aminosides Hypersensibilité
Grossesse : toxicité cochléovestibulaire du fœtus
Myasthénie ; Ototoxicité ; Néphrotoxicité
Fluoroquinolones Antécédents de tendinopathie
Enfant jusqu’à la période de croissance (toxicité
(sportif, sujet âgé) ; articulaire) ;

Hypersensibilité ; Epilepsie ;
Grossesse
Déficit en G6PD
Macrolides et
Hypersensibilité • selon le cas: allongement de l’espace QT ; IH
apparentés sévère
Tétracyclines Hypersensibilité
• doxycycline : ulcérations de l’œsophage
Grossesse (6 derniers mois) : anomalies du bourgeon
dentaire et dyschromie dentaire ; Enfants < 8 ans
Phénicolés Hypersensibilité; Antécédents d’insuffisance médullaire Grossesse : atteinte des lignées médullaires et
;
risque de syndrome gris du nouveau-né
IR sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min) ;
nourrisson < 6 mois ; nouveau-né < 1 mois
Sulfamides Allaitement ; Déficit en G6PD ; Hypersensibilité ; IH Grossesse : immaturité des fonctions
sévère ; nouveau-né < 1 mois enzymatiques hépatiques et risque d’ictère
nucléaire

Précautions d’emploi
Certains états ou situations physiopathologiques particulières imposent le respect de précautions d'emploi spécifiques,
comme :

- sujet insuffisant rénal (IR) :

aminosides, glycopeptides, polymyxines, fluoroquinolones et à un degré moindre, quelques ß-lactamines nécessitent une
adaptation de posologie, dès que la clairance de la créatinine s'abaisse au dessous de 50 ml/min;

- sujet insuffisant hépatique (IH) :

en l'absence de tout critère simple permettant d'adapter les posologies au degré d'IH, l'attitude reste pragmatique.
Aminosides (index thérapeutique étroit), isoniazide, pyrazinamide, téicoplanine et nitrofurantoïne (risque de cytolyse),
sulfamides, macrolides, fluoroquinolones et rifampicine (risque de cholestase), figurent parmi les antibiotiques à surveiller;

- patient de réanimation, patient polytraumatisé, grand brûlé :

toutes situations où les perturbations hémodynamiques induisent une augmentation du volume de distribution des
antibiotiques hydrosolubles (ex : aminosides, ß-lactamines, glycopeptides). Il faut, très souvent, augmenter les doses du fait,
soit des déficits d'apport (moindre débit de perfusion sanguine), soit de la forte dilution locale liée aux oedèmes;

- grossesse : une infection maternelle pendant la grossesse pose, notamment, la question du risque fœtal. ß-lactamines et
macrolides sont utilisés en première intention. Aminosides, glycopeptides, fluoroquinolones s'utiliseront avec forte prudence.
Cyclines, phénicolés et sulfamides sont, a priori, contre-indiqués;

- allaitement : seules les ß-lactamines offrent une sécurité suffisante. Les autres classes méritent réflexion mais
classiquement, phénicolés, cyclines, sulfamides, fluoroquinolones, glycopeptides et lincosamides sont contre-indiqués;

- polythérapie : les interactions médicamenteuses au cours des traitements anti-infectieux concernent la majorité des classes
antibiotiques. Parmi les plus pertinentes, citons la moindre biodisponibilité des tétracyclines, fluoroquinolones et de la
rifampicine en présence des cations métalliques des pansements gastriques (Fe2+, Zn2+, Al3+, Mg2+, Ca2+), la majoration des
effets anticoagulants (coumarine) et hypoglycémiants (tolbutamide) en présence de sulfamides, et les nombreuses
interactions impliquant macrolides, fluoroquinolones et antifongique azolés, en raison de leur potentiel inhibiteur des CYP
hépatiques.

Effets indésirables
La plupart des effets indésirables imputables aux antibiotiques sont rapidement réversibles à l’arrêt du traitement. Il existe
toutefois des situations de toxicité irréversible comme l’ototoxicité sous aminosides, ou les toxidermies bulleuses
(syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell) sous sulfamides, notamment.

Contrairement à une opinion assez largement répandue, les effets indésirables communs à toute une classe d’antibiotiques
sont plutôt moins nombreux que ceux présentés spécifiquement par une molécule en particulier à l’intérieur d’une classe.

Par exemple, le risque de rupture du tendon sous fluoroquinolones est important avec la ciprofloxacine, alors qu’il est très
faible avec la moxifloxacine.

De même, les réactions allergiques urticariennes avec les ß-lactamines imposent, par précaution, la prescription d’une autre
classe antibiotique alors même que le risque croisé de réaction allergique immédiate entre pénicillines et céphalosporines ne
semble pas dépasser 10%. Le tableau suivant présente les principaux effets indésirables répertoriés à doses thérapeutiques à
l’intérieur des grandes classes d’antibiotiques.

Présentation des effets indésirables à doses thérapeutiques spécifiques aux principales classes d’antibiotiques

Classes Nature de l’effet Gravité Estimation de la En savoir plus sur l’effet indésirable
indésirable fréquence
Pénicillines - Choc anaphylactique
- Modérée à - rare (jusqu’à 0.04 - Risque > si voies IV, IM

- Maladie sérique
sévère
%)
- Réversibilité sans séquelles

 
- Modérée
- rare à - Risque > si MNI associée
- Eruption cutanée  
exceptionnel

- Modérée - fréquent (jusqu’à


10 %)
Céphalosporines - Manifestations - Modérée à Cf. pénicillines
- Réactions croisées chez 5 à 10% des
d’hypersensibilité
sévère
 
patients sous ß-lactamines

 
 
 
 

 
 
 
- Réversibilité sans séquelles

- Néphrotoxicité
- Modérée à - exceptionnel
- Sélection de C. difficile

 
sévère
 
 

- Colite pseudo-  
- 0.6 à 7 %
- Liées aux fortes doses
membraneuse
- Modérée à  

 
sévère
- exceptionnel
- Convulsions - Modérée à
sévère
Aminosides - Néphrotoxicité
- Sévère
- Fréquent (jusqu’à - Réversibilité sans séquelles

- Ototoxicité
- Modérée à 30 %)
- Réversibilité = 50 % des cas

 
sévère
- Fréquent (jusqu’à - Risque > si formes locales
- Manifestations  
4 %)

d’hypersensibilité - Modérée à - Fréquent (jusqu'à


sévère 5 %)
Macrolides - Troubles du tractus - Faible à - Fréquent (jusqu’à - Réversibilité sans séquelles

digestif
modérée
30 %)
-Risque > avec érythromycine
- Troubles - Modérée à - Fréquent (jusqu’à
hépatobiliaires sévère 10 %)
Quinolones et - Tendinopathie et - Modérée à - Fréquent (jusqu’à - Risque > si personne âgée

Fluoroquinolones arthralgie
sévère
10 %)
- Risque > si antécédents neurologiques

- Troubles - Modérée à - Fréquent (jusqu’à - Réversibilité sans séquelles

neurologiques
sévère
10 %)
- Phototoxicité
- Troubles gastro- - Mineure
- Fréquent (jusqu’à
intestinaux
- Modérée à 8 %)

- Réactions cutanées sévère - Fréquent (jusqu’à


5 %)
Sulfamides - Eruptions cutanées
- Modérée à - Fréquent (jusqu’à - Toxidermie irréversible

- Maladie sérique
sévère
3 %)
- Réversibilité sans séquelles

- Néphrotoxicité - Modérée
- Rare
- Défaut de solubilité urinaire
- Modérée à (< 0.1 %)

sévère - Exceptionnel
Tétracyclines - Troubles du tractus - Modérée
- Fréquent (jusqu’à - ulcère oesophagien et formes sèches

digestif
 
15 %)
- coloration irréversible

- Dyschromies - Modérée
- Fréquent (jusqu’à - risque > si exposition solaire
dentaires
 
15 %)

 
- Modérée à  

- Phototoxicité sévère - Fréquent (jusqu’à


35 %)

D’après : http://www.theriaque.org/infoMedicaments/ (http://www.theriaque.org/infoMedicaments/)

Surveillance des effets


La surveillance d'un traitement antibiotique vise à s'assurer de son efficacité et de sa tolérance.

Au plan clinique, l'amélioration des symptômes initiaux et la baisse de la fièvre sont logiquement attendues dans les 72
heures suivant l'instauration du traitement, faute de quoi l'éventualité d'un échec clinique devient plausible.

Au plan biologique, on vérifie la normalisation des paramètres sensibles aux états infectieux comme la CRP, la procalcitonine,
et ceux plus généraux comme la vitesse de sédimentation, la leucocytose, voire la sérologie. Le contrôle bactériologique peut
s'avérer déterminant, en vérifiant la négativation des prélèvements, soit au cours du traitement (témoin d’efficacité), soit à
distance du traitement (témoin de l’absence de rechute).

La surveillance microbiologique permet également d’objectiver une résistance bactérienne, ainsi que l'étude des interactions
antibiotiques précisant les associations indifférentes, additives, synergiques ou antagonistes. Le pouvoir bactéricide du
sérum (PBS) est un index mesurant la bactéricidie de dilutions progressives du sérum d'un patient sous traitement
antibiotique. Index prédictif d'efficacité validé essentiellement au cours des endocardites à streptocoques et des infections
chez le sujet neutropénique, le PBS reste d'interprétation délicate.

Le suivi thérapeutique par dosage sanguin des antibiotiques pourrait théoriquement remplacer la mesure du PBS.
Actuellement cependant, seuls les aminosides et les glycopeptides font l'objet d'un suivi thérapeutique bien codifié avec
dosage sanguin permettant d'apprécier tolérance et efficacité du traitement. Le suivi thérapeutique des bêta lactamines est
également conseillé notamment pour les patients en réanimation. 

Les index pharmacodynamiques décrits au paragraphe 7 (QI, AUIC, ∆t supra CMI) sont essentiellement des outils d’évaluation
des antibiotiques avant commercialisation. Pourtant, leur intégration dans la surveillance clinique des effets pourrait rendre
de précieux services pour optimiser les traitements des infections sévères, ou pour aider à la compréhension et
l’interprétation d’une situation d’échec d’un traitement antibiotique.

>>> Pour en savoir plus :

1) http://www.infectiologie.com (http://www.infectiologie.com/)

Le site de l’infectiologie française (avec les conférences de consensus)

>>> Pour en savoir encore plus :

2) http://www.eMedguides.com (http://www.emedguides.com/) puis lien “Infection diseases & Immunology”

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12 mai 2022 Posté dans: Antibiotiques (/medicaments/par-specialites/category/antibiotiques)

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