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Stoyan Maslev

Les lettres de Théophylacte de Bulgarie à Nicéphore Mélissènos


In: Revue des études byzantines, tome 30, 1972. pp. 179-186.

Résumé
REB 30 1972Francep. 179-186
S. Maslev, Les lettres de Théophylacte de Bulgarie à Nicéphore Mélissènos. — La correspondance de Théophylacte de Bulgarie
contient trois lettres adressées au césar Mélissènos. De l'examen de leur contenu l'auteur conclut que leur destinataire n'était
pas le beau-frère du basileus, mais le basileus lui-même. Ceci ressort des expressions employées par Théophylacte à l'égard de
son correspondant, des pouvoirs impériaux reconnus à ce dernier et de la chronologie des lettres.

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Maslev Stoyan. Les lettres de Théophylacte de Bulgarie à Nicéphore Mélissènos. In: Revue des études byzantines, tome 30,
1972. pp. 179-186.

doi : 10.3406/rebyz.1972.1455

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1972_num_30_1_1455
LES LETTRES DE THÉOPHYLACTE DE BULGARIE
A NICÉPHORE MÉLISSÈNOS

Stoyan MASLEV

Parmi les lettres de Théophylacte, archevêque de Bulgarie (1089/90-ca.


1126)1, qui sont déjà publiées, il y en a trois qui portent les adresses sui
vantes : Τφ Καίσαρι (Lamius 5 : PG 126, 512-513), Τω Καίσαρι τω Με-
λισσηνω (Lamius 9 : PG 126, 517-520), Τφ Καίσαρι (Meursius 12 : PG 126,
377-380). On s'accorde jusqu'ici à attribuer ces lettres au césar Nicéphore
Mélissènos, le beau-frère de l'empereur Alexis Ier Comnène (1081-1118).
Dans la première lettre (Lamius 5), Théophylacte exprime sa reconnais
sance au destinataire qui a promulgué un prostagma l'autorisant à percevoir
le kanonikon, c'est-à-dire un impôt spécial en faveur de l'archevêché bulgar
e2. De plus, il suggère qu'on lui accorde le même droit sur les autres villages
qui constituent des δεσποτικά κτήματα3. La deuxième lettre (Lamius 9)
nous laisse entendre que le destinataire se trouvait non loin de l'archevêque.
Théophylacte lui exprime l'espoir de recevoir ses lettres, par lesquelles le
destinataire lui témoignerait sa bienveillance et qui lui serviront à intimider

1. Je suis la chronologie établie par P. Gautier, L'épiscopat de Théophylacte Hé-


phaistos, archevêque de Bulgarie, REB 21, 1963, p. 1.62-165 et 169-170. On continue
cependant à respecter les données traditionnelles : 1090-1107 ou 1108 ou peu après. Voir
par ex. A. Milev, Les vies grecques de Clément d'Achrida (en bulgare), Sofia 1966, p. 31 ;
D. Angelov, Histoire de Byzance3, II, Sofia 1968, p. 130 ; R. Katicic, Théophylacte
d'Achrida (en serbo-croate), Vizantijski izvoriza istoriju naroda Jugoslavije, III, Belgrade
1966, p. 216.
2. Sur cet impôt, voir dernièrement G. Litavrin, La Bulgarie et Byzance aux XIe-XIIe
siècles (en russe), Moscou 1960, p. 358-362, avec la littérature qui y est citée.
3. On interprète différemment ce terme, à savoir comme domaines seigneuriaux (G.
Litavrin, op. cit., p. 361) ou comme domaines impériaux (V. N. Zlatarski, Histoire
de ΓEtat bulgare [en bulgare], II, Sofia 1934, p. 328).
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à l'avenir des ennemis éventuels. Par la troisième lettre (Meursius 12),


l'archevêque cherche à consoler le destinataire à l'occasion de la mort du
sébastocrator Isaac Comnène.

Fausses adresses

Jusqu'ici on n'a jamais mis en doute que ces lettres aient été adressées
au césar Nicéphore Mélissènos, comme il ressort des suscriptions. On y lit
tout de même des adresses, des épithètes et des expressions qui ne convien
nent point à un césar. Ainsi par exemple dans la première lettre, Théophyl
acte s'adresse au destinataire de la manière suivante : Όρφς δπως με
νικάς..., βασιλεΰ φιλοδωρότατε και χρηστότατε ; Όρφς δπως βασιλεύεις και
κρατιστεύεις ημών εν άπασι ;4 Plus loin dans la même lettre il l'invite à régner
en faisant beaucoup de bien : ... και τη άγαθ-οχυσία βασίλευε5, selon
l'expression du Psaume 44, 5. Mais l'expression suivante nous paraît d'une
importance toute particulière pour contester l'authenticité de l'adresse de
cette lettre : Ει γαρ Θεού μεν είκών άπας βασιλεύς, σύ δε τούτου του
θ-ειοτάτου μετέσχηκας και πράγματος και ονόματος, πάντως ώσπερ απάν
των ύπέρτερον τό άρχέτυπον, οΰτω δη πάντως ύπερέξει και το έκτύπωμα6.
Nous traduirions ainsi ce passage : « Puisque tout empereur est une image
de Dieu et que tu es en possession à la fois de cette réalité et de ce nom très
saints, à coup sûr de même que le prototype est au-dessus de tout, de même
l'image aussi l'emportera absolument. » II est donc expressément question de
l'empereur comme destinataire. Un autre argument contre l'authenticité
de l'adresse réside dans le fait que Théophylacte parle dans cette lettre d'un
prostagma que le destinataire a promulgué en sa faveur, alors que cette
catégorie d'actes était de la compétence de l'empereur, comme on le sait7.
Il faut relever aussi une inconvenance d'ordre chronologique en rapport
avec l'adresse suspecte de la même lettre, sur laquelle nous nous arrêterons
plus loin. Dans la deuxième lettre (Lamius 9), le destinataire est désigné
comme θ-εοστεφής δεσπότης8, c'est-à-dire de la même façon que Théophyl
acte désigne l'empereur dans sa lettre à Jean Comnène, le fils du sébasto
cratorIsaac Comnène9. On y trouve encore d'autres expressions qui sont,

4. PG 126, 512fl.
5. PG 126, 513^.
6. PG 126, 512°.
7. Cf. F. Dölger, Aus den Schatzkammern des Heiligen Berges, Munich 1948, p. 20.
8. PG 126, 5\1D.
9. PG 126, 516D.
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pour autant que nous sachions, tout à fait propres au basileus, à savoir
το θ-εοστεφές σου κράτος, το Ιίν&εόν σου κράτος10. La troisième lettre
(Meursius 12) qui est, comme je l'ai déjà dit, exclusivement de consolation,
nous paraît étrange par le fait qu'elle est adressée non pas au parent le plus
proche et de la ligne directe du défunt, mais au mari de la sœur du défunt,
Nicéphore Mélissènos, sans faire aucune mention du parent direct, c'est-à-
dire de la sœur du défunt. Cependant cela n'est pas absolument exclu;
mais nous nous heurtons à une autre anomalie : Théophylacte compare non
seulement la sagesse, mais aussi le pouvoir impérial du destinataire à ceux
du grand roi Salomon : Και πάντοτε μεν γάρ σε πιστεύω, κατά τον του
Παροιμιαστοΰ λόγον, ώ την σοφίαν ούχ ήττον ή την βασιλείαν έχεις ταύτόν...11
Ces particularités des trois lettres en question sont-elles compatibles avec
la position du césar Nicéphore Mélissènos ? Il est bien connu que Nicéphore
Mélissènos fut proclamé empereur en 1080, quand il se révolta contre
Nicéphore Botaniate, mais après la prise de la capitale par Alexis Comnène
en 1081 il dut se contenter du titre de césar suivant l'accord conclu au
préalable avec son beau-frère. Jusqu'alors ce titre était le plus haut après
celui d'empereur. C'est pourquoi on l'accordait rarement et on le réservait
spécialement aux princes héritiers12. D'autre part en ce temps-là le principe
dynastique de la succession à l'empire était devenu très solide et Alexis Ier
Comnène prit tout de suite des mesures pour prévenir de nouvelles préten
tionsdu césar Nicéphore Mélissènos au trône impérial. En poursuivant
ce but il créa un nouveau titre plus haut que celui de césar — celui de
sébastocrator — et l'accorda à son frère Isaac. En tenant compte de cette
évolution de la position du césar Nicéphore Mélissènos, il nous semble donc
que les appellations, les expressions et les circonstances ci-dessus mention
nées ne correspondent pas à ce qu'on attendrait pour un destinataire portant
le titre de césar. C'est pourquoi nous sommes porté à croire qu'elles étaient
destinées à l'empereur Alexis Ier Comnène.
Naturellement on s'interroge tout de suite sur la possibilité d'une pareille
confusion dans les lemmes, et cela dans trois lettres qui se trouvent dispersées
dans les manuscrits. En principe, comme on l'a déjà plus d'une fois relevé,
les erreurs ne sont pas exclues. Il est acquis qu'une lettre publiée par Meur-

10. PG 126, 5\1C-D. Cf. aussi F. Dölger, op. cit., p. 24.


11. PG 126, 38(M.
12. Cf. G. Ostrogorsky, Das Mitkaisertum im mittelalterlichen Byzanz (dans E.
Kornemann, Doppelprinzipat und Reichsteilung im Imperium romanum, Leipzig-Berlin
1930), p. 174 ; R. Guilland, Le César, Recherches sur les institutions byzantines, II,
Berlin 1967, p. 29.
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sius et portant l'adresse Τφ αύτω13, c'est-à-dire au métropolite de Corfou,


était en réalité destinée à Grégoire Taronite14. Une autre erreur est commise
par un copiste qui a rassemblé deux lettres en une, notamment Lamius 215.
Un cas identique a été relevé par Alice Leroy-Molinghen dans la lettre
Lamius 1316. La lettre n° 62 des manuscrits de Budapest (cod. n° 2 fol.
graec.) et de Berlin (cod. Philipp. 1417) devrait avoir le même destinataire
que la lettre précédente d'après l'adresse Τω αύτω, c'est-à-dire Nikolaos
Pakourianos, mais dans la collection de Meursius elle porte, à juste titre,
l'adresse de Grégoire Taronite17. Une autre fausse adresse précède la lettre
Finetti 12 : Τω Καματηρω κυρω Γρηγορίω18 ; en effet, selon Vasilievskij,
elle est envoyée à une personne du clergé19.
Si on analyse ces erreurs, on en distingue de deux sortes : il y a en premier
lieu des fautes dues à la négligence des copistes et en second lieu des fautes
qu'ils ont commises sciemment, mais pour des raisons que nous ne voyons
pas. Dans le cas des lettres au César Nicéphore Mélissènos, il est évident
qu'il s'agit de la deuxième catégorie de fautes. On ne peut pas croire que
Théophylacte lui-même ait changé les adresses, afin d'effacer les traces
de sa servilité envers l'empereur dans un moment de mécontentement envers
celui-ci. En tout cas il nous paraît étrange que parmi les lettres de Théophyl
acte à divers hauts dignitaires on n'en trouve aucune à l'empereur, bien
que dans beaucoup d'entre elles l'archevêque demandât d'une façon
indirecte l'intervention de l'empereur dans ses affaires. C'est encore plus
étrange si l'on considère le fait qu'il y a une indication directe que l'empereur
Alexis Ier Comnène a reçu de Théophylacte quelque chose à lire20 et que
Théophylacte a visité une fois l'empereur, certainement pour solliciter
avant tout son concours dans ses affaires21.

13. Il s'agit de M 23 : PG 126, 401 B.


14. La faute du copiste a été découverte par V. Vasilievskij. Voir son compte rendu de
l'ouvrage de Th. Uspenskij, La formation du second empire bulgare, dans Éurnal minis
terstva narodnogo prosvesëenija 204, 1879, II, p. 329.
15. Alice Leroy-Molinghen, Du destinataire de la lettre Finetti 1 de Théophylacte
de Bulgarie, Byz. 36, 1966, p. 431-437, où se trouve citée aussi la littérature plus ancienne.
16. Eadem, Prolégomènes à une édition critique des «Lettres» de Théophylacte de
Bulgarie ou de l'autorité de la « Patrologie grecque » de Migne, Byz. 13, 1938, p. 259-261.
17. Il s'agit de M 26 : PG 126, 409.
18. PG 126, 325e.
19. V. Vasilievskij, compte rendu mentionné à la note 14, p. 327.
20. M 24, lettre à Michel Pantechnès : PG 126, 460e.
21. M 22, lettre à l'évêque de Corfou : PG 126, 400e ; L 22, lettre au chartophylax
Nicéphore : PG 126, 537^.
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La chronologie des lettres

La chronologie des lettres présente également quelques difficultés. Uspens-


kij croit que les lettres Lamius 5 et 9 devraient être traitées en rapport avec
deux autres lettres adressées à Jean Comnène, le fils du sébastocrator
Isaac Comnène, Lamius 16 et 20, et datées de 1088-1090, au moment où
Nicéphore Mélissènos était chargé de recruter des soldats en Bulgarie en
vue de la lutte contre les Petchénègues et les Coumans22. Chalandon et
Katißic les mettent en rapport avec le même événement qu'ils datent de
109123. Le métropolite Siméon ne trouve pas d'indications qui puissent
servir à leur datation, mais il relève que la lettre Lamius 5 devrait précéder
Lamius 924. Zlatarski est d'avis que dans la lettre Lamius 5 il s'agit d'un
droit que l'archevêque a perdu pendant la lutte contre les percepteurs,
surtout contre Iasitès et sur les instances d'évêques hostiles. C'est pourquoi
cette lettre serait, selon Zlatarski, postérieure à 1105, quand Iasitès dut
quitter la Bulgarie25. Dans la lettre Lamius 9 Zlatarski relève l'expression
θεός ελευθέριος comme argument pour la datation de 1107-1108. D'après
lui ce dieu libérateur devait sauver le pays d'un danger extérieur, notamment
du Normand Bohémond. Zlatarski précise plus encore la date, à savoir
le printemps de l'année 1108, parce que la lettre a été écrite pendant le
carême.
D'après nous, les deux lettres Lamius 5 et 9 ne contiennent rien qui per
mette d'affirmer qu'elles furent écrites en même temps et pour cette raison
leur chronologie doit être établie indépendamment l'une de l'autre. Nous
voudrions nous arrêter d'abord sur la lettre Lamius 9, parce qu'elle est,
semble-t-il, plus facile à dater, bien que les datations jusqu'ici se soient
orientées vers les deux extrêmes chronologiques de toutes les lettres déjà
publiées. De cette lettre il ressort clairement que le destinataire venait
d'arriver en Bulgarie. L'interprétation de l'expression dieu libérateur par
Chalandon, Katicic et Zlatarski dans le sens que le destinataire devait sauver
cette région d'un ennemi étranger, soit les Petchénègues, soit Bohémond,
ne trouve pas d'autre argument dans la lettre. Au contraire, le contexte nous
parle seulement des ennemis intérieurs dont on espère la délivrance par le

22. Th. Uspensku, La formation du second empire bulgare (en russe), Odessa 1879,
p. 25-26, n. 4.
23. F. Chalandon, Essai sur le règne d'Alexis Ier Comnène (1081-1118), Paris 1900,
p. xxvi, n. 5 ; R. Katiökü, Vizantijskij izvori, III, p. 262.
24. Métropolite Siméon, Les lettres de Théophylacte d'Ohrid (en bulgare), Sofia 1931,
p. 196-197 et 205.
25. V. N. Zlatarski, op. cit., p. 326 et s.
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destinataire : Δέσποτα μου άγιε, τη βαρβάρω καΐ καθ·' ημάς οικουμένη Θεός
έπιπεμφ&είς ελευθέριος και πασι μέν εΐ παράκλησις και παραψυχή τοις τω
■9-εοστεφεΐ σου κράτει προστρέχουσι26, μάλιστα δέ τη της έμής ταπεινότητος
άσ&ενεία ράβδος δυνάμεως και πύργος ισχύος άπό προσώπου έχθ-ρου27,
δντινα νοητέον τον έχθρον είναι είτε πειραστήν άδικώτερον, είτε λύπην
την εντός τα βέλη έναπερείδουσαν · εί τι τούτων και όπωσοΰν ένο-
χλήσειεν, εύ&ύς έγγύ&εν σύμμαχος...28 L'expression que le destinataire
était envoyé dans cette région signifie que cela était dû à la Providence.
La chronologie proposée par Uspenskij, Chalandon et Katicic nous paraît
mal fondée pour une autre raison encore, à savoir parce que le territoire
de l'archevêché de Bulgarie n'était pas menacé en ce temps-là par les Petché-
nègues et les Coumans. On peut ajouter aussi que la lettre Lamius 9 laisse
supposer un plus long séjour du destinataire dans le voisinage de l'archevê
que que celui de Nicéphore Mélissènos pendant sa campagne de recrutement
parmi les Bulgares et les Valaques, dont parle Anne Comnène29. La présence
en Bulgarie du destinataire, qui est à mon avis Alexis Ier Comnène, indique
que la frontière de l'empire n'était pas sûre et que le destinataire devait
faire des préparatifs militaires ou plus encore une expédition quelconque.
Alors il faudrait prendre en considération, pour déterminer la chronologie
de la lettre, les possibilités suivantes : 1091, lors de l'expédition de l'empereur
contre les Serbes; 1093-1094, lorsqu'Alexis Ier Comnène apparut dans les
régions bulgares de l'ouest à cause de l'hostilité du jupan serbe Vucan ;
septembre 1105-novembre 1106 et hiver 1106-1107, lorsque l'empereur
mettait au point la défense de la frontière de l'ouest. La période de novembre
1107 à septembre 1108 serait à exclure, parce que l'empereur était engagé
dans la lutte contre Bohémond, car Théophylacte ne fait aucune allusion
à des combats. Etant donné ces possibilité:», il faudrait également tenir
compte des circonstances suivantes : 1) dans la lettre il n'y a de plainte
contre personne et Théophylacte ne parle que d'ennemis éventuels ; 2) pen
dant la période 1107-1108 Théophylacte s'était rendu en personne auprès
de l'empereur, contraint évidemment par ses difficultés d'affaires ; 3) les
lettres précédentes (Lamius 6, 7 et 8) se réfèrent à une période antérieure à
1105. C'est pourquoi nous pensons que la lettre 9 provient de la période
1091-1094.

26. προσπαρέχουσι L : προστρέχουσι coni. Siméon.


27. Psaume 60, 4.
28. PG 126, 517C.
29. Anne Comnène, Alexiade, vra, 3, 4 : Leib II, p. 134-135 et 138.
LETTRES DE THÉOPHYLACTE DE BULGARIE 185

La lettre Lamius 5 nous renseigne sur un fait important : Théophylacte


a reçu le privilège de percevoir le kanonikon d'un village, comme l'inter
prète, à juste titre, Xanalatos 30, et pas de tous les domaines particuliers
et ecclésiastiques, comme le veut Zlatarski31. Ce dernier a tout de même
raison de mettre ce kanonikon en rapport avec les privilèges que Basile II
(976-1025) accorda à l'archevêque de Bulgarie, mais l'affirmation que ses
privilèges étaient suspendus et qu'ils furent restitués par le prostagma
évoqué dans la lettre Lamius 5 est, pensons-nous, dépourvue de fondement.
D'après nous, il s'agit d'un cas particulier : on cède des revenus publics
à l'archevêché bulgare et Théophylacte aimerait voir ce privilège étendu
à d'auties villages. Dans la même lettre l'archevêque mentionne aussi d'au
tresbienfaits de l'empereur, dont il entretient par exemple également Jean
Comnène32. En examinant les autres références aux bienfaits de l'empereur
envers l'archevêque, nous croyons pouvoir identifier le prostagma dont il est
question dans la lettre Lamius 5 avec la prostaxis impériale mentionnée dans
une lettre à Adrien Comnène et concernant le droit de l'Eglise sur un villa
ge33. Nous sommes donc porté à croire que la lettre Lamius 5 fut écrite
avant 1105, c'est-à-dire avant la mort d'Adrien Comnène. D'autre part
nous ne voyons aucune raison de placer cette lettre après Lamius 9, comme
le fait Katicic ; nous nous rallions à l'opinion du métropolite Siméon, selon
qui la lettre Lamius 5 devrait précéder chronologiquement la lettre Lamius 9.
La lettre Meursius 12 ne crée pas de difficulté en ce qui concerne l'inte
rprétation de son contenu. Le sujet est absolument clair : Théophylacte
console le destinataire à l'occasion de la mort du sébastocrator Isaac
Comnène. Quant à la date de cette mort, il y a cependant des divergences
d'opinion. Vasilievskij la situe après 1108 en suspectant l'exactitude de
l'information que nous donne Anne Comnène, à savoir qu 'Isaac aurait
assisté à la discussion dogmatique avec le bogomile Basile qu'on date
ordinairement de 1114, d'après l'affirmation de Vasilievskij34. Chalandon
la fixe sans grande certitude peu après 110635. Siméon et Zlatarski
acceptent l'opinion de Vasilievskij, mais ils ne l'ont pas très exactement
reproduite en affirmant, le premier, qu'Isaac Comnène serait mort « vers

30. D. A. Xanalatos, Beiträge zur Wirtschafts- und Sozialgeschichte Makedoniens


im Mittelalter, hauptsächlich auf Grund der Briefe des Erzbischofs Theophylaktos von
Achrida, Dissertation, Munich 1937, p. 39.
31. V. Ν. Zlatarski, op. cit., p. 328.
32. PG 126, 516°.
33. PG 126, 457e.
34. V. Vasilievskij, compte rendu mentionné à la note 14, p. 326, n. 1.
35. F. Chalandon, op. cit., p. 273.
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l'année 1108 » et, le deuxième, « en cette année » (c'est-à-dire en 1108)36.


A l'opinion de Vasilievskij se joint également Xanalatos qui indique les
années 1 107-1 10837. C'est seulement par inadvertance que Katiôic date les
trois lettres en question de 109138. Denise Papachryssanthou donne une
nouvelle solution au problème après avoir constaté que le césar Nicéphore
Mélissènos était mort le 17 novembre 1104 : elle en déduit que la mort du
sébastocrator Isaac Comnène aurait eu lieu entre 1102 et 1104 et que de
cette période devrait, par conséquent, provenir la lettre Meursius 1239.
La date de la mort du sébastocrator Isaac Comnène proposée par Denise
Papachryssanthou et la date de la lettre Meursius 12 qui s'ensuit sont pour
nous inacceptables en ce qui concerne l'interprétation que nous avons don
née et en vertu de laquelle nous sommes porté à admettre comme destina
taire plutôt l'empereur Alexis Ier Comnène que le césar Nicéphore Mélissè
nos. D'autre part pour la datation de la lettre Meursius 12 la constatation
de P. Gautier que Théophylacte est mort après 1126 et précisément en
Bulgarie est importante. De ce fait les raisons invoquées contre le témoi
gnage d'Anne Comnène à l'égard de la présence du sébastocrator Isaac
Comnène au procès du bogomile Basile perdent leur valeur. Ce procès
d'ailleurs doit avoir eu lieu avant ou en 1 1 1 1, compte tenu de la présence du
patriarche Nicolas Grammatikos (1084-1111). Et puisqu'on date ce procès
d'habitude entre 1109 et llll40, il s'ensuit que la lettre Meursius 12 est de
la même période. A l'appui de cette datation pourrait servir, sans constituer
un argument sûr, le renseignement contenu dans la lettre que son auteur
était en mauvaise santé.

36. Siméon, Les Lettres de Théophylacte, p. 197 ; V. N. Zlatarski, op. cit., p. 328, n. 2.
37. D. A. Xanalatos, op. cit., p. 20.
38. R. KATièié, Vizantijskij izvori, III, p. 262.
39. Compte tenu de cette chronologie, Denise Papachryssanthou (JREB 21, 1963,
p. 253) date le procès contre le bogomile Basile d'avant 1104. Ljubarskij (Anne Comnène.
Alexiade [en russe], Moscou 1965, p. 622, n. 1555) écrit que les données de V Alexiade
ne nous fournissent pas de points d'appui sûrs pour la datation de ce procès ; tout de
même il est porté à accepter l'année 1111, comme le laissent entendre la note 1262 (p. 593)
et la table chronologique (p. 655). D. Angelov (Le Bogomilisme en Bulgarie [en bulgare],
Sofia 1969, p. 417) se déclare en faveur de l'année 1111 pour le procès et soutient l'opi
nion que le sébastocrator Isaac mentionné en rapport avec le même procès aurait été le
neveu de l'empereur Alexis Comnène (ibidem, p. 394), malgré l'affirmation expresse
d'Anne Comnène que c'était le frère de l'empereur (Anne Comnène, Alexiade, xv, 8 :
Leib III, p. 220-221).
40. Voir les discussions sur ce problème chez Ljubarskij, Alexiade, p. 621, n. 1555.

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