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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

PHILOSOPHIE DU DROIT

2019-2020

Polycopié « pirate » : je n’en garantis ni l’exhaustivité, ni l’exactitude.


C’était le support par lequel j’ai appris et révisé mon examen. Si cela peut vous aider (avec le temps et l’énergie
que j’y ai mis), cela me ferait très plaisir.
Si vous le télécharger, même dans 10 ans que sais-je (soyons fous), et que cela vous a servi, cela me ferait très
plaisir de le savoir. Vous pouvez me contacter via gaelle.valterio@outlook.com ou par mon Facebook (Gaëlle
Valterio (non sans rire)). Je vous embrasse, et bon courage (vous allez gérer).

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

PHILOSOPHIE DU DROIT I : «L A PHILOSOPHIE DU DROIT : CE QU ’ELLE EST – SES MAÎTRES- PENSEURS ET GRANDES
E COLES»

TITRE 1. QU’EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE DU DROIT OU DES CHOSES A SAVOIR


AVANT DE COMMENCER (PROLEGOMENES)

La philosophie est un moyen de comprendre le droit. On va parler du droit en passant par la perspective
philosophique.
Le droit enseigné jusqu'à aujourd'hui suivait le courant du positivisme : notamment en suivant l'Art 1
CC, et les raisonnements juridiques, on a simplement suivi ce mouvement en écartant le naturalisme.
Il y a trois positivismes :
• Classique
• Sociologique
• Historique
On va déconstruire pour comprendre le droit au travers des mouvements philosophiques : on va le
comprendre, plus que l'appliquer. -> On va rechercher ce que signifie appliquer : extrêmement difficile
et subtile.

Il n'y aura jamais aucun syllogisme en droit : ce n'est pas possible à cause de la structure de la loi. Le
droit se base sur le besoin de faire des relations : on doit mettre ensemble des concepts pour comprendre
les règles. Donc de la pure déduction est impossible.
Arrêt commune de Romanel : loi - c'est général et abstrait. La décision est individuelle est concrète - il
est impossible logiquement de passer de l'un à l'autre. -> Il n'est donc pas possible de faire de syllogisme
au sens strict du terme (majeur, mineur, conclusion par déduction) → problème de logique.
Comment passe-t-on d'une catégorie à l'autre ? On va devoir déconstruire.

Pourquoi on en est là ? Où ? Le point de départ, c'est le code. Pourquoi un juriste prend un code et dit
que "la loi dit que" ? La loi ne dit cependant rien du tout - lorsque l'on ouvre un code, il y a des pages
avec de l'encre, avec l'alphabète latin et en français. La loi ne va rien dire - il n'y a que des signifiants.
C'est notre cerveau qui fait le raisonnement, pas le code.
"La loi dit que" - c'est une prosopopée - on fait croire que le code parle lui-même. En réalité, c'est nous
qui faisons parler le code. Comment peut-on croire aujourd'hui que c'est le cas ? (on l'applique comme
cela aujourd'hui) D'où est venu la croyant du juriste qu'il n'a pas besoin d'assumer sa responsabilité
sociale ?
→ Notion de « Juris dictio »
• Ius : juste/le droit
• Déclinaison : iuris
• Dictio : dire
-> Cela donne le terme en français "juridiction" = c'est le lieu où on dit le droit. Avant, ce ne sont que
des formules vagues. Tant que le juge ne déclame pas le droit, il n'existe pas - c'est le juge qui donne le
sens au droit. On peut essayer de deviner le sens avant l'application, mais on ne saura pas le sens réel
tant qu'il n'y a pas eu d'application concrète.
Ex : Art 7 Cst : "La dignité humaine doit être respectée et protégée" - Le niveau d'informations est très bas, voir nul.
Surtout que cela semble une coquille vide, parce qu'aucun ordre juridique ne voudrait mépriser la dignité humaine.
De plus, on a aucune définition de la dignité humaine -> donc on ne peut le définir sans cas d'application.
Ex : lancé de nains - l'attraction a été dénoncée, pour des raisons d'ordre public, le ministère public a interdit
l'activité. Le nain était d'accord, consentant. Il fait recours, et la cours de Cassation décide que c'est contraire
à la dignité humaine. Le nain était d'accord, mais la cour dit que le nain ne peut pas choisir pour la terre
entière ce qui est digne de la dignité humaine, c'est la juridiction (iuris dictio) qui va déterminer le
sens de la dignité humaine pour toute la France.
Tout n'est donc pas dans le code - on ne peut pas juste donner la base légale. On ne peut pas qu'appliquer
bêtement le droit, mais le comprendre. -> Le cœur du droit est donc la juridiction, déjà depuis les
romains. C'est seulement un biais cognitif qui nous fait croire que tout est dans la loi. -> Ex : sans un

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jugement du TF, on ne peut pas savoir si une réponse rentre dans le cadre légal ou pas. Une réponse ultime ne sera
jamais dans la loi, mais toujours dans une jurisprudence.

Quelle est la fin, les moyens et les ressors par lesquels on va passer ?
• Fin : comprendre ce qu'il y a derrière la formule "le code dit que"
o Comment on en est venu à croire cette formule (croire que la solution est dans la loi) ?
o Qu'est-ce que l'on a perdu se faisant ? On a perdu énormément du droit en pensant que tout
est dans la loi - la vision que l'on peut qualifier de légaliste est faussée.
La loi n'est qu'une source du droit, ce n'est donc pas le droit dans son ensemble. La loi n'est
pas le droit - ce n'est qu'une source de ce dernier.
Par exemple, l'Art 1 CC n'énonce pas le droit, mais les sources du droit. Ex : le common law, le droit
tribal, clanique - tout cela se fait sans loi, sans problème.
La loi n'est en plus qu'une source parmi d'autres : le légalisme confond donc le droit avec la
loi, et une source avec toutes les sources. Donc le droit est beaucoup plus large que la loi.
• Les moyens : que va-t-on utiliser pour mettre en évidence la croyance du juriste dans le code ?
Ce sera 8 écoles philosophiques, dont on va voir l'idéologie complète. Ce ne sont que 8 positions
majeures, parmi d'autres, pour qu'on puisse voir toute la réflexion et l'économie interne. On va
voir que ces 8 positions sont toujours actuelles pour comprendre le droit aujourd'hui - des
éclairages qui nous permettent encore aujourd'hui de comprendre le droit actuel.
Ce n'est donc pas un cours d'histoire. On passe simplement par l'histoire pour comprendre
l'actualité du droit : on va voir d'où cela vient, pourquoi on en est là - on passe par le passé, et pas
par l'actualité, mais pour comprendre le présent.
• Les ressors : les idées maitresses qui vont nous permettre de comprendre cela. Ce sont des
éléments d'une certaine déconstruction du droit.
D'abord il faut comprendre l'idée globale pour déconstruire pas à pas : 3 idées maitresses :
o "Le code dit que" / "quelle est la base légale" / "théorie des sources formelles" - la technique
juridique est absolument nécessaire. Mais ce qui est dangereux, c'est de réduire le droit à
cette technique juridique.
Il ne faut pas réduire la fin (le droit, la globalité) à un de ses moyens d'application. Il ne faut
pas mélanger la fin à les moyens.
Problème du légalisme : c'est plus une technique qu'une recherche du droit. Ex : le gazage
pendant le nazisme - on avait des critères. Si c'était rempli, alors on gazait. Quid si ce n'était pas sur
? Ex : 1 grand-mère juive et le reste des grands parents ne le sont pas. Alors on n'avait aucune
réflexion sur l'équité, la justice, mais juste une réflexion sur l'application du droit.
Le légalisme pur est pure horreur - les horreurs qui sont nées pendant cette période ne vient
que de cette vision du droit en effet. On a réintroduit du jusnaturalisme, notamment par la
déclaration des droits de l'Homme, la convention européenne des droits de l'homme , pour essayer
d'y parer.
o A-t-on toujours un système légaliste ? Oui parce que l'on a dans l'Art 1 CC des sources
plutôt formelles. On n'a pas le concept de l'équité, ni des principes généraux du droit. A-t-
on une possibilité d'introduire l'équité ?
• Impossible que le droit suisse admette un résultat aussi choquant. -> Ce serait l'inverse
même du droit. Le choc est le premier argument, ensuite il faut un argument
technique.
▪ Il y a donc une lacune de la loi.
▪ Arbitraire : contraire au sentiment d'injustice dans notre société actuelle.
• Si on arrive à dire cela : alors on sort du légalisme. Même si aucune source pour
l'arbitraire, la lacune, on peut sortir des sources formelles pour faire du droit = on va
dans un droit plus large que les sources.
o Présentation - Effectuation : jusqu'à aujourd'hui, le droit a été enseigné par présentation. On
dit "le droit se déroule comme cela, se fait comme cela" ex : dans un jugement du TF, il y a
toujours la partie faits, et la partie droit. Dans la partie faits, il n'y aurait pas de droit (comme deux
parties, alors dans la partie faits, pas de droit, c'est scindé). Est-ce que n'importe quelle preuve peut
alléguer un fait devant un (n'importe lequel) tribunal ? Non, on sélectionne des types de preuve.
(établissement des faits par les codes de procédure) Le codes de procédure sont utilisés pour établir
les faits, et donc pour établir les faits de la partie faits, on a déjà utilisé du droit, au moins les articles

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sur les preuves. La partie faits n'est donc pas une partie fait, elle est complètement construite à travers
des conceptions juridiques, notamment les preuves. Ex : on refuse la preuve testimoniale - alors tous
les faits qui en découlent n'existeront pas dans le droit, même s'ils existent dans la réalité. La
distinction faits / droits est complètement illusoire.
Cela a une conséquence sur la partie "faits" : Un jugement s'écrit plutôt dans le sens
droit / faits. « On établit le droit avant d’établir les faits (pour) ». On a le résultat en droit, et on
construit les faits pour prouver que le résultat est juste. / ! / : On ne part donc pas des faits pour
donner un résultat, on part du résultat pour bâtir les faits autour. On le voit déjà avec les codes
de procédure. → Il n'y a donc pas une partie faits objectifs, et une partie droit avec une science
derrière quasiment objective.

D'ailleurs, dans les procès, on a plus souvent des indices que des preuves.
• Indices : on est dans la science (sciences criminelles, médecine, physique, chimie,
balistique).
▪ On est dans le domaine du vrai.
• Preuve : c'est un domaine du droit.
▪ On est dans le domaine du juste.
Comment on passe de l'un à l'autre ? Les concepts ne se recoupent pas. Ex : présomption
d'innocence - cela relève du juste. Pourquoi pas du vrai ? Parce qu'il se peut très bien que dans la
réalité la personne est coupable. Mais comme on n'a pas assez de preuve, il est juste de relâcher la
personne. Mais cela ne veut pas dire que la personne est non coupable ! On ne le saura jamais.
Ex : une science s'occupe-t-elle du vrai ou du juste ? (rapports nécessaires ou jugements de
valeurs/subjectivité/arbitraire)
• Sciences dures : elles s'occupent du vrai
• Sciences humaines : elles s'occupent parfois plus du juste.
Cela montre aussi que le droit n'est pas une science, parce qu'elle ne cherche pas le vrai,
mais le juste. (subjectivité)

Le droit n'est passé que dans la perspective de la présentation : on le voit par le résultat.
/ ! / =/= On ne le fait pas par effectuation : comment on arrive au résultat (ex : comment on
trouve la bonne catégorie dans un code)
Trois exemples de la tension présentation / effectuation (qu'est-ce qui relève de quoi ? -
raisonnement réel (effectuation) ou présentation après coup)
➢ ex : jugement au TF - on n'a jamais de réflexion sur les faits -> lesquels on dit etc.
On sélectionne les faits pour montrer que notre résultat est juste. -> On esquisse une
solution en droit en regardant quelques pièces importantes, puis on sélectionne tous les
faits ensuite pour prouver ce résultat. / ! / Est-ce arbitraire ? Non parce qu'humainement
il n'y a pas d'autre solution. = c'est donc une présentation
➢ Ex 2 : Methodenpluralismus - on n'a pas une science de l'interprétation, mais des
critères (plus mous). C'est une méthode, et pas une science, au cas par cas, on va
choisir le critère le plus pertinent. Mais on ne saura pas pourquoi c'est le plus
pertinent ! (ex : pourquoi la méthode grammaticale l'a emporté ?) - on nous maintient
la présentation.
Le résultat pratique du Methodenpluralismus, c'est qu'on retient toujours l'interprétation
téléologique (le but / l'idée) : cela vient d'Aristote (telos)
"oxymore"(les deux termes sont contradictoires) - est-ce que c'est encore une méthode
? Quand on dit que toutes les méthodes se valent, alors on n'a plus de méthode stricte,
on peut choisir sans hiérarchie etc. -> Pluralisme et méthode : ce n'est pas possible.
Le pluralisme, c'est l'absence d'une méthode stricte.
Avant : ordre de la présentation - on disait que l'on regardait la lettre avant de
regarder l'esprit. On disait que les juristes faisaient comme cela.
Maintenant : on dit que les juges ne font plus comme cela - ils choisissent au
cas par cas -> c'est de l'effectuation. On effectue vraiment comme cela.
/ ! / Mais dans les arrêts, ce n'est pas montré comme cela. Le raisonnement est
bon, est juste, mais n'est pas démontré comme cela dans les arrêts.
➢ Ex 3 : les jugements. Dans le droit anglais, le juge dit ce qu'il y a dans la loi -
dit le contenu et c'est accepté. Il fait de la juris dictio. Dans le civil law, les

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juges font pareil mais ce n'est pas accepté - alors on fait de la pure présentation
en se cachant derrière la loi.
Ex : mère porteuse - la loi l'interdit, avec un texte assez clair. Du coup, si aucun
père n'a un lien biologique avec l'enfant, on ne devrait pas pouvoir enregistrer l'enfant
dans le RC. Mais est-ce qu'il pourrait le faire en soi ? Oui, mais ce serait de la pure
effectuation, et c'est très peu accepté en Suisse. (le juge décide du sens du texte, et ce
n'est pas le texte qui décide du sens des cas) → / ! / : Rappel : l'interprétation littérale,
même avec un texte claire, n'est pas constitutive de la loi.

On ne fait donc pas de la déduction de la loi au cas. On fait en réalité de


l'induction : on part du cas d'espèce pour savoir comment s'interprète la loi. ->
C'est les cas qui donnent du contenu à la loi ( ex : Art 7 Cst - on ne déduit pas à
partir de la loi l'affaire du nain. C'est l'affaire du nain qui va donner du sens à l'article -
> c'est parce que l'on a des cas comme le cas du nain que l'on va comprendre
juridiquement le sens de la loi = je comprends la normativité de la loi à partir du cas.
Sans le cas, je ne sais pas ce que signifie juridiquement la loi)
La décision doit surtout être juste. / ! / « Objectivement » ? Ce n'est pas possible
parce que décider, c'est trancher. Ex : deux femmes vivent au même endroit avec
deux enfants. -> Ils dorment ensemble et un des enfants meurt écrasé pendant la nuit.
Les deux femmes disent que l'enfant vivant est le leur est le veulent. Les femmes vont
devant le juge Salomon, et il demande qui est la mère de l'enfant vivant. Elles disent
que chacune est la mère, et il ne peut pas savoir. Il n'était pas sur la scène du crime, il
ne peut pas savoir les faits, il n'était pas sur place - il n'a qu'un dossier. A la base du
droit, dans cette histoire, on a la ruse et pas la raison, parce qu'il propose de trancher
l'enfant vivant en deux pour le partager (équitable). La mère de l'enfant vivant dit de
laisser l'enfant à l'autre tant qu'il reste vivant. → Il découvre la vérité.
Maintenant on dit que les décisions viennent de la raison/la loi pour ne pas
assumer la décision -> on pourrait même dans cette logique donner la justice à
un robot, qui calcule, qui sera objectif. -> Mais en réalité, il ne va pas juger /
trancher, parce que c'est le travail de ruse d'un juge. -> Décision ne peut donc
en réalité pas être objective.
➢ Ex 4 : ADN - on peut difficilement trouver qqn de précis avec. Mais le juge va trancher
que quelqu'un est coupable dessus.
Les indices sont dans le vrai. La preuve est dans le juste, et non pas du côté de
la science (c'est dans le droit - c'est la parole du juge et des codes de procédure
qui donnent la preuve). -> Les indices : plus probable que ce soit quelqu'un que
quelqu'un d'autre -> ce sont des indices argumentés. Les indices peuvent aussi
se recouper, mais cela reste des indices. -> La preuve, le fait de couper "le doute
encore raisonnable" de la science, c'est le travail du juge. Ex : le juge ne peut pas
appeler l'expert pour connaitre le coupable - c'est le juge qui tranche (ce n'est pas un
avis de l'expert qui donne le résultat), en effectuation. Il peut se baser sur des rapports,
mais c'est lui qui fixe le résultat en droit.
Question : comment on a masqué l'effectuation du droit par une propre présentation ?
(avec les codes, syllogisme). Comment en est-on arrivé là ? (pas imaginable pour un
grec, un romain) Démarche générale du droit, réelle, c'est de l'analogie.

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Ex : école d'athènes de Raphaël. Il y résume toute la philosophie de l'époque en représentant tous les philosophes
de l'époque. On est dans la renaissance : on renait après la période sombre du Moyen - Âge. (en réalité intéressant
si on connait le latin). Renaissance : on veut renouer avec toute la philosophie des grecs. Les deux stars des
philosophes sont Platon et Aristote. → Toute la philosophie occidentale, depuis Omer jusqu'à aujourd'hui,
est une composition d'Aristote et de Platon : ce sont les deux matrices auxquels se nourrissent toute la
philosophie occidentale = c'est un mélange des deux. Intéressant : parce que l'on peut voir ce que ces
deux philosophies ont porté au droit, et qui existe toujours aujourd'hui.
• Platon : a créé l'académie, Socrate le lycée. Platon est donc supérieur à Aristote.
De plus, Platon est à droite, et Aristote à gauche (gauche - sinistre - la mal) -> Platon > Aristote.
• Platon indique le ciel : parce que pour Platon, les vraies réalités, les essences des choses se
trouvent dans un monde transcendant, au-delà du monde des humains (parce que les humains sont
vils et pourriraient les essences). Les essences sont pour lui appeler les Idées.
Platon : c'est la matrice de tous les idéalismes occidentaux. Les jusnaturalistes modernes
sont donc platoniciens : ils sont dans un monde transcendantal. Aujourd'hui, on le retrouve
dans les conventions des droits de l'homme (surtout quand cela a été posé - c'était idéaliste.
Aujourd'hui, cela devient surtout pragmatique -> Aristote)
Les idées sont dans un autre monde. Ici, on en a que des images, et on est notamment privés
d'une liberté par le corps.
Aristote : les réalités ultimes, les essences, sont là, dans notre monde, sous nos pieds. Il est donc
pour les immanences, et non les transcendances = les essences sont là, sous nos yeux. L'origine
du droit sera là, dans les pratiques humaines, et non dans les cieux. C'est donc le modèle de la
philosophie réaliste, pragmatique. C'est la vision common law du droit : on part des cas, on fait la
loi (induction =/= Platon : déduction - on va du ciel dans les cas)
Dans le droit, on a toujours cette double tendance (bottom-up / top down) = l'abduction.
• Platon : la présentation - on a d'abord les faits, puis le droit, puis on applique selon les dieux. Mais
ce n'est pas la pratique !
On est plus dans une pratique d'Aristote : on fait du pragmatisme, de l'analogie, mais on le cache.
On veut faire croire que l'on fait de la présentation (et pas de l'application)
Ex : que fait un avocat sur le télésiège ? Il lit la jurisprudence. Si tout était dans la loi, les avocats n'auraient
pas besoin de lire la jurisprudence. Le légalisme est donc une position aberrante. Le légalisme
n'explique pas la pratique - la loi est nécessaire, mais pas suffisante. Il faut la jurisprudence pour
plaider = montre les faiblesses du légalisme. -> Comment on a pu croire une théorie du droit aussi
naïve ?
• Aristote est l'élève de Platon : lorsqu'il écrit, il se base sur Platon, et essaie de s'en dissocier. ->
Egalement Saint Augustin, c'est un néo-platonicien = il se base sur Platon.
Hockam : il écrit les lois d'aujourd'hui -> Il faut donc comprendre les premières idéologies pour
comprendre les suivantes.

Table des matières : permet de savoir où on va. Les 8 articulations principales sont les 8 écoles
principales : on va voir leur logique (pour concevoir le droit et la justice), et non pas juste rapidement.
Comment l'auteur construit la connaissance, et comment on peut y voir le juste et la justice ? (définition
du droit, dans sa conception du monde en générale)
• Platon : un juste intellectuel. Il conçoit la justice de manière intellectuelle, idéaliste. On prend des
grands principes, hors du temps, qui transcende notre droit.
Quand on nous demande de fournir la base légale, idéalement, on doit remonter : toutes les normes
devraient pouvoir poser leur assise dans la Cst. Toute la juridicité de notre système découle de la
Constitution. On retrouve donc la pyramide des normes de Kelsen avec en haut la Grundnorm,
qui permet la juridicité du reste. Conséquence ? Une loi doit toujours reposer sur la constitution
pour être valable. Ex : on ne peut pas avoir de restriction si on ne peut pas le baser sur la constitution.
Platon : justice idéaliste/intellectuelle.
• Aristote : un juste prudent et équitable - il est dans la réalité, dans le bottom-up, pas dans le top
down. On a de la prudence dans les faits car ils sont difficiles à établir. La prudence et l'équité
doivent se trouver chez le législateur et le juge, dans leur travail.
Ex : quid de rendre une décision équitable dans le cadre d'une loi ? Comme on est dans un
mouvement positiviste, le juge est limité par le cadre de la loi pour donner une décision. Mais

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c'est la décision qui donne le sens du droit = collaboration. Le juge prolonge le travail du
législateur.
• Saint Augustin : le juste moral. Il marque une coupure avec les anciens et le Moyen-Âge tardif, la
Renaissance, le monde moderne. Notre justice est très marquée par la morale, la vision subjective.
Ex : théorie des droits subjectifs - c'est référé à la subjectivité, à la morale. Le droit des anciens ne
connait pas les droits subjectifs (ex : il n'y pas de droit de l'homme chez Aristote, Platon, le Moyen-
Âge). On ne mettait pas de droit dans les individus, mais dans les relations. -> La naissance des
droits subjectifs commence au Moyen-Âge et la pensée chrétienne : c'est une personne
individuelle qui a les droits parce que c'est l'image de Dieu. Avant, c'était le membre de la société.
-> Saint Augustin est à la base de ce renversement, de la théorie des droits subjectifs (ex : le milieu
naturel du droit c'est l'individu et non plus la collectivité. Preuve : au début des droits de l'homme,
il n'y avait pas de dignité humaine. Maintenant, on la rajoute partout, et on centre tous les droits
de l'homme sur la dignité humaine)
Avant, on peut avoir les mêmes institutions, mais pas de droits subjectifs. Les personnes n'étaient
pas des purs individus - ils étaient reliés à la société. Il n'y a pas de droit subjectif dans le droit
romain par exemple (ex : le père a le droit de vie et de mort sur le fils, mais pas le fils - ex : trahison) (ex
: on a un dernier enfant que l'on n'arrive pas à élever, éduquer. On le laisse sur la place centrale : 3 solutions
- mort, manger, ou alors quelqu'un le prend = c'est une adoption automatique, légale. L'enfant n'a pas de
droit de l'homme = c'est une exposition. Il n'y a pas de droit subjectif)
• Thomas d'Aquin : le juste relatif - c'est le grand retour du pragmatisme. Le juste se base dans une
société donnée, dans un temps donné, par des personnes données.
• Ensuite : on met la volonté, et le commandement au cœur du droit (positivisme)
o Don Scott : un droit posé par la volonté
Ius positum : droit positif. Droit posé : ce n'est pas un droit induit du réel, observé. -> On
retourne donc à la théorie de Don Scott : le droit est posé par la volonté du législateur.
Droit : ensemble des comportements édictés ou acceptés par l'autorité public dotées de
sanctions coercitives. -> C'est donc la volonté du législateur qui impose la loi. "Imposé" =
le droit se vit dès lors sous le monde de la contrainte.
=/= Les jusnaturalismes : pas besoin de sanctions - parce que dès que c'est juste, alors on
respecte la loi. Si on met des sanctions, on réduit l'homme a l'impulsivité et la méchanceté.
En Suisse, on n'a pas toujours des sanctions, peu de normes liberticides et on se révolte peu
= on mise sur l'intelligence.
o Occam : construction de la base des droits subjectifs -> on base tout le droit dessus ensuite.
C'est le fondement du droit. Il pense que le droit n'est plus dans la relation à autrui, mais
directement dans la personne. Ex : Robinson a ses droits tout seul sur son île.
• Ecole du droit naturel moderne : modèle déductif, qui s'applique directement dans les droits (ex :
droit de l'homme) sans passage / dénaturation.
Le droit vient de la raison et est ordonné en système. Avant, on ne pense qu’à des systèmes
juridiques -> le système / systématique / systémique vient de là.
Avant on déduit simplement des droits généraux/ principes généraux, sans système.
• Ecole du droit historique : c'est le retour du droit bottom-up, inductif. C'est important pour la
Suisse, où les cantons ont pu l'utiliser contre la Confédération pour ne pas être mangé. Comme on
est plus proches des citoyens, un droit doit être fait par eux, car ils sont plus proches : on doit
d'abord avoir le droit cantonal puis le droit fédéral. -> Aujourd'hui : cela explique la tension entre
l'Etat fédéral et l'Etat confédéral avec les cantons.

➔ Platon est le modèle de l’idéalisme, Aristote du réalisme. On va voir la victoire du premier courant
au moment de la codification/l’avènement du règne de la loi.
o Pour y arriver, le droit aura pris un tour fondamentalement moral avec Augustin, tout
pénétré des commandements divins et des Ecritures, soit « du texte »
o Thomas d’Acquin avait une vision plus pragmatique, le droit ne se pensant que dans la
relation à l’autre = retour de la prudence aristotélicienne/raison pratique.
o Duns Scot : la volonté reprend son monopole → ce qui est bon (=un bon
comportement), c’est ce qui est prescrit.

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o Occam : prolongement en « subjectivisant » le droit, en lui retirant cette limitation de la


présence de l’autre que constituait le « relatif » de Thomas. Le droit est un pouvoir de la
personne, « un droit émanant du sujet » considéré en lui-même et non comme membre
d’un tour qui le dépasse.
o Idée, idéal moral, commandement, volonté, pouvoir d’un sujet (droit subjectifs) →
ressorts d’un « droit rationnel ordonné en système » présents dans la pensée occidentale
et se trouveront rassemblés par l’Ecole du droit naturel moderne → dont découlera
l’entreprise de codifications.
o A l’opposé : « L’Ecole du droit historique allemande » - droit organique enraciné dans
l’esprit du peuple, « Volksgeist ». C’est une pensée bottom-up, qui se ralliera cependant
elle aussi aux projets de codification, en particulier sous l’égide du « droit savant » =
« Rechtswissenschaft », qui semblait laisser à des lieues le traditionnel ars juris.
➔ Mais les réalités sociales devaient bientôt faire mentir le code dans sa prétendue complétude/sa
manière d’achèvement de l’histoire du droit/de perfection du législateur. La révolution
industrielle du 19ème siècle et l’absence de droit social rendirent amère la liberté contractuelle du
Code Napoléon (ex : situation des ouvriers) : l’égalité de principe manquait en réalité et la loi, baisée,
sombrait dans l’injustice, même si elle correspondait aux formes légales. →On redécouvrit que
le droit n‘est juste qu’en situation, que le réel déborde alors toujours, excédant la norme et que
cette insuffisance/inadéquation frappe même le législateur le mieux intentionné et le plus précis,
avec la loi la plus équilibrée dans l’articulation des intérêts en lice → pour rendre justice.

Rappel : présentation vs effectuation (Platon vs Aristote)


• Présentation : présentation théorique du droit, comme le présente le TF. Le droit/majeur, les faits/mineurs,
conclusion
• Effectuation : Aristote dit comme on réfléchit réellement par une approche bottom-up
-> Les autres pensées se placent entre les deux : comme tous les juristes, on est comme Aristote avec un peu de
Platon

La loi et la décision de justice se basent sur les caractéristiques de ces 8 courants : ils ont toujours des
éléments de raison, juste, morale, droit subjectifs, pragmatisme etc. -> Les phénomènes juridiques sont
attrapés par ces perspectives. Ce qui change, c'est l'influence par type de lois (ex : lois sans droits subjectifs,
des où il y en a partout, des plus justes, des plus techniques).
Montre que la technique juridique est pauvre : elle ne s'occupe que des moyens, et ne réfléchit / ne donne
pas la substance. → Les juristes doivent être des techniciens, mais pas seulement. Dans les lois moins
techniques, plus justes, il faut plus de pensée et moins de technicité.

Hugo Grotius : grand représentant du droit naturel moderne. "En vérité, je le reconnais ouvertement, comme
les mathématiciens considèrent les figures séparément des corps, ainsi en traitent du Droit j'ai détaché mon esprit
de tout fait particulier" - Grotius pense un droit sans aucun cas. Cela ne semble pas possible, pourtant c'est
la base du droit actuel. On doit trouver mécaniquement une solution en appliquant le droit, sans rien n'y
apporter.
C'est en dehors de toute pratique juridique, on est dans la présentation et non l'effectuation.
Victor Hugo : "Tout n'est pas dit quand un code a parlé" - démonte le légalisme. La loi ne suffit pas : il faut
tenir compte du contexte d'application de la loi.

Ex : Les chiens sont interdits sur les quais de gare. Quid d'un guépard en laisse ?
• Littéraliste : "chiens" =/= guépard, donc pas d'amende.
• Ratio legis : il faudrait regarder le but (ex : ordre public, hygiène)
o Pourquoi le législateur a mis chien ? Animal qui en Suisse représente le mieux le danger que l'on
redoute dans une gare. Le chien ne représente en fait pas le chien. -> Le danger général n'est que
représenté par le chien.
Chien =/= zoologique, mais paradigme de société avec animaux de compagnie, à 4 pattes.
o Donc le chien a été écrit sans penser aux chiens.
On peut voir le problème, mais on doit l'expliquer. Il y a de nombreux moyens et paradigmes pour y
parvenir par la réflexion cependant.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Hugro Grotius : sa conception du droit s'éloigne des cas particuliers, et donc de la justice. C'est une des
matrices de notre droit - le droit positif actuel a donc oublié le passage du droit au cas, ce qui constitue
la justice. Les juristes se focalisent sur la loi : Grotius ne regarde pas le droit en situation, dans des cas
particuliers. Mais en tant que juriste, on s'intéresse au droit dans la situation. On ne regarde pas la loi en
tant que telle, elle doit servir à résoudre les cas.
Cela va donner le légalisme : on ne regarde que la loi, et on oublie le droit dans la situation. / ! / :
On ne peut pas trouver le sens de la loi sans cas d'application. On n'a que des sens théoriques : si
on veut des sens juridiques, il faut des cas. -> Avant, ce sont des théories doctrinales, ensuite c'est
de la juridiction.
Grotius est comme Platon : dans une optique tout à fait abstraite. Ce qui l'intéresse, c'est l'idée de
justice : Idée. Cela explique une manière de comprendre le droit.
Pour nous, le droit doit être compris comme une praxis, une pratique. Le but est de résoudre des cas
concrets, et donc comprendre le contexte (ce qui va avec le texte). Le texte de la loi ne suffit pas, il faut
la situation, le cas particulier -> alors on a le droit. Le droit est la dialectique entre le texte et le contexte
= c'est du pragmatisme.

La plupart des philosophes du droit sont des idéalistes : il regarde l'idée du droit. Comme ils ne sont pas
juristes, ils ne sont pas capables de regarder les cas. -> Tout le droit pratique repose sur la procédure :
parce qu'on peut avoir tout le droit substantiel que l'on veut, si on n'a pas de droit de procédure (formel)
qui nous permet de faire valoir notre droit, alors il n'y a pas réellement de droit. Le droit dans les livres
n'est pas intéressant : ce qui est intéressant, c'est le droit en action et les solutions. Les philosophes
donnent l'idée du droit et non le droit en soit.
Il y a un grand cas de procédure, de la forme. Ex : les preuves interdites. - ex : filmer dans la rue, on
veut l'utiliser dans un procès pénal. Si ce n'est pas un crime, alors la preuve est illicite donc n'aura aucune
force.
La procédure permet d'accéder au droit, ce qui est parfois incompréhensible. Ex : en droit américain,
on peut plaider non coupable et négocier. C'est si la victime accepte d'être dédouané comme cela + morale
publique sauve.

Semaine 2
Hugo Grotius : en une phrase, on voit le droit se détacher de la justice, à tout le moins de la justice telle
que l’entend le praticien : celle qui opère dans le cas particulier, celle qui toujours s’applique « en
situation ».
Les idéalistes sont souvent des non juristes. Les juristes sont souvent des réalistes. Pourquoi ? Parce que
le droit est une praxis - c'est une pratique = il faut que la philosophie aide à résoudre des cas concrets
pour qu'elle soit intéressante (plutôt réaliste).
Ce sont les deux extrêmes de la philosophie du droit :
• Les idéalistes : représentants du droit naturel (ex : droits de l'Homme) – ils conçoivent la justice dans
l’abstrait, pensent « l’Idée de justice » davantage que la justice concrète
• Les réalistes : ils permettent de résoudre les cas. On y retrouve la notion d'équité et de justice ->
Aristote. – ils procèdent par induction, bottom-up, articulant leur recherche du juste autour du droit
en acte, du droit (ou de la loi) en situation.
= Nombre de philosophes épouseront la première école, laquelle rend plus aisée la création de concepts
et de réflexions abstraites.
La seconde, qui semble plutôt ingrate/incarnée par les vicissitudes des hommes, reflète d’avantage la
manière de procéder réelle des juristes, praticiens et juges en particulier (= acteurs moteurs du phénomène
juridique concret)
➔ Les deux courants seront analysés. Mais comme le but du cours est de comprendre la codification
du droit, et l’avènement de la loi écrite comme source quasi exclusive du droit, l’analyse du
premier sera faite en tant qu’ils fournissent les outils conceptuels les plus prégnants du légalisme
(règne de la loi écrite), doctrine dominante ajd.
Le deuxième courant est utile pour comprendre ce qui se passe lorsque le code se trouve
confronté aux cas concrets/singuliers/en situation et pour lesquels le juge doit dire le droit ou
juridiction.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

➔ Cette introduction à la philosophie du droit se conduira du point du vue du juriste s’intéressant à


la philosophie, et non du point de vue du philosophe s’intéressant au droit. → Pourquoi ? Parce
que la seconde perspective aboutit souvent à surdéterminer l’Idée du droit, sorte de « Justice hors
sol », au détriment du « juste » concret/du droit tel que pratiqué/de la loi en situation.
Le juriste, praticien en situation, s’y avance le code à la main. Le philosophe du droit en acte doit se
demander comment fut acquis cet ouvrage et comment on usera de cette encre et de ce papier face à
différentes personnes (ex : la veuve, l’orphelin, la crapule)
L’Idée du droit, de La Justice, ne lui est concrètement pas d’un grand secours pour trancher ici
et maintenant. → La codification est le point de départ du droit en situation : le droit ne s’y déduit en effet
pas comme une approche historique définitive pourrait le faire croire.
= on veut parler du droit en acte, du code en situation, donc du droit du juriste et ce dans un contexte
contemporain.
• La philosophie politique dépasse donc nos ambitions / philosophie de l’Etat
• Comme on se contente d’un code à la main, on étudiera les auteurs dont les pensées ont influencé
l’entreprise des codifications. (on n’étudiera que les idées principales qui ont influencé l’esprit de la
codification, leurs liens intellectuels (et pas forcément historique) entre elles. On n’étudiera pas les
auteurs ultérieurs dont les réflexions n’ont pas modifié la conception juridique de la loi codifiée)

Pourquoi les juristes sont plus à l'aise avec les idées réalistes ? Cela vient de la naissance des assurances
sociales.
On crée le Code Napoléon, que l'on souhaite imposer à toute l'Europe. Il y a une grande prétention
intellectuelle : on pensait que cela couvrait tout le droit privé. Le Code était parfait, complet. On
pense que le Code Napoléon suffit.
/ ! / Cependant, cela n'a pas duré plus d'un demi-siècle avec la création des usines de charbon : on
a des patrons face à des milliers d'ouvriers. Il y a bien plus de demandes que d'offre d'emplois -
les patrons avaient le choix. Les patrons faisaient donc des contrats avec des ouvriers qui n'avaient
aucune maitrise des conditions du contrat, et qui étaient même prêt à tout pour avoir un travail. -
> Conséquence : aucun droit à des assurances, des taux horaires importants, une vie horrible.
On s'est rendu compte que seule la forme du contrat n'était pas nécessaire - il faut encore regarder
le contexte dans lequel la forme prend sa place. D'un point de vue formel, ces contrats étaient
légitimes - d'un point de vue matériel, c'était choquant -> La France a alors réagi : on a imposé
des conditions sociales aux patrons, et on crée des assurances (naissance de droit public dans un
domaine où il y en avait peu)
Des concepts complètement top-down se sont donc écrasés devant les réalités sociales : on a donc
dû faire des règles réalistes (à l'Aristote)
= ce sont les risques d'être purement idéalistes. Il faut donc être positiviste en tant que juriste, mais
avec des bases de naturalisme.

Art 2 al.2 CC : comment peut-on le comprendre si on n'adopte pas une conception réaliste du droit ?
L'article qui traite de l'abus manifeste de droit.
-> L'abus de droit est permis en droit suisse : c'est l'abus manifeste de droit qui est interdit. Si l'abus n'est
pas manifeste, ce n'est pas interdit, il ne l'est que lorsqu'il est manifeste. Comment définir un abus
manifeste de droit ? Approche réaliste = il faut regarder les cas pratiques - les cas passés pour voir ce
qui se passera par la suite, parce que l'on a aucune définition.
Un juriste sera donc fondamentalement réaliste, avec seulement un peu d'idéaliste. (principiellement -
le principe même de la pensée juridique est le réaliste, puisque le droit est positif)

Pendant 25 siècles, on n'a jamais pensé que le droit n'était que dans la loi, voir primauté (absolue) de la
oi = on est fondamentalement légaliste. Sauf que ce n'est pas possible dans la pratique. Cela date du
moment de la force des codes au 19-20ème siècle. (Le code dit que depuis cette époque, mais c'est faux.
Comment y est-on arrivé ?)
Fondamentalement, on va regarder la philosophie en tant que juriste - on va analyser les grandes
figures du droit positif actuel par la philosophie.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

On ne va pas fondamentalement regarder l'idée du droit : on doit déjà distinguer le juste du vrai.
(Vrai : les indices. Juste : les preuves/la présomption d'innocence) ex : aux USA on peut négocier
avec le juge une peine, et du coup, on aura une décision juste, mais on ne saura jamais le vrai.
-> On va donc plutôt regarder la pratique du droit = on va essayer de droit ce qu'est le droit en
situation (le droit dans un cas), et pourquoi on pense que la loi dit que, alors que c'est faux ?
On va complexifier le droit : il n'y a pas de syllogisme, de déduction, et on ne sait même pas
comment on opère une identification.

Ex : on a un pont dentaire - 3 ans après, il tombe complètement. On veut faire une action parce que cela aurait dû
être mieux fait au vu du prix. Comment qualifier l'acte médical du dentiste ?
• Contrat d'entreprise
• Contrat de mandat
Comment faire pour qualifier ? On a une vague idée de ce qu'on fait : si on n'a pas une vague idée, on
est incapable d'analyser la situation que l'on a. -> Qu'est-ce que c'est que cette vague idée, comment elle
vient ? Ce n'est pas de la science infuse : on a toute une série de catégorie en tête, avec des cas topiques
en tête.
Avant : mandat - on travaillait selon les règles de droit. Mais aujourd'hui, on le garantit à vie - entreprise. Comme
le contexte autour a changé, la même situation juridique a changé de qualification.
Comment on a acquis cette qualification ? Parce que l'on a déjà une idée des catégories, on peut
les appliquer sur un cas. On doit déjà être juriste pour faire le juriste.
-> Comment la philosophie nous permet de comprendre comment on opère en droit ?
On nous dit qu'il faut lire dans la loi : mais laquelle ? (ex : répudiation de la femme selon le mode islamique
dans le pays d'origine - le lien homme-femme disparait et les enfants sont attribués à l'homme. La femme vient en
Suisse et veut reconnaitre la répudiation. Problème de qualification juridique : c'est un problème de droit
international privé - situation légale en Algérie. Demande de reconnaissance de la décision algérienne en droit
suisse : qu'est-ce qui pourrait correspondre analogiquement en Suisse ?
• Le divorce
• Séparation de corps
• L'annulation du mariage
• Rien : on oppose l'ordre public suisse et on ne reconnait pas la décision
On a 4 ordres juridiques possibles - comment on découvre les catégories possibles, puis la bonne ?) Le problème
ce n'est pas quand on a découvert la catégorie, parce que l'on doit juste faire des syllogismes, c'est
comment on découvre la catégorie.
Pensée positiviste : quand on a fait un syllogisme juridique, il y a deux phases :
o Phase rechtsfindung : découverte de la catégorie juridique : on ne sait pas comment on fait
- comment on fait pour raisonner en droit, comment on fait pour trouver l'identification de
la catégorie.
On doit trouver comment dans le raisonnement on construit à partir du déjà connu : au moins
avoir une vague idée de ce qu'on fait - une vague idée des catégories pour les appliquer.
Ex : nouvelle loi - difficile de l'appliquer parce que l'on connait mal les catégories.
o Phase Rechtsanwendung : développement de la catégorie juridique - le syllogisme se trouve
ici. Dans cette catégorie, plus que quelques problèmes techniques pour faire le syllogisme.
-> Pour trouver la reconnaissance et le système juridique.
On a hésité parfois entre divorce et ordre public. -> Ce n'est pas à partir des catégories que l'on tranche, mais
à partir des cas : on regarde toutes les relations que l'on a dans une répudiation, et on regarde dans quelle catégorie
on tombe. On ne fait pas top-down : on ne part pas de la loi, mais du cas.
Le droit ne fonctionne pas en top down, même dans le civil law (le case law est plus évident vu
que c'est le droit des cas - dans le civil law, on fait aussi du case law)
Preuve : on ne comprend pas la catégorie par les termes généraux/les concepts, mais par les
exemples topiques. On raisonne sur la base d'exemples pour comprendre si les notions sont
remplies (ex : volonté réciproque et concordantes - exemples caractéristiques permettent de qualifier en
droit)
En droit, on doit apprendre les exemples/les cas les plus typiques de chaque catégorie : on raisonne
principalement bottom-up, par analogie. On essaie de trouver dans le nouveau cas les mêmes
logos/principe/social pattern de cas connus. (Aristote, Thomas d'Aquin, école historique = bottom-
up)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

On ne saurait se plonger dans le parcours intellectuel vers la codification légaliste sans rappeler les figures
logiques principales du légalisme : tous les ressors / les figures du positivisme/du légalisme.
• Réduction du droit à la seule loi : c'est le ressort principal du positivisme juridique dit légaliste.
Normalement, pour eux, tout le droit se résume à la loi.
Ex : orientation légaliste du juriste romand "application de la loi". + Art 1 al.1 : c'est d'abord la loi, puis la coutume,
puis le droit judiciaire. / ! / La jurisprudence n'est qu'en dernier, alors qu'au fond, le droit est complètement dans
les cas, d'un point de vue pratique. (Alors que tout le droit est dans le code annoté, on dit que c'est dans les cas)
• Quasi monopole du droit : notamment le code Napoléon : on pense que lorsque l'on a un code, on
a pratiquement épuisé le droit - c'est faux (= idée du code, instauré et garanti par la théorie des
sources et le privilège reconnu aux sources formelles, en particulier la loi)
• Théories des sources juridiques : en particulier la théorie des sources formelles. Les sources
matérielles ne sont pas considérées comme des sources du droit, vu que le droit commence aux
sources formelles - mais c'est faux, car quand on interprète en regardant les sources matérielles
(ex : les principes généraux, la coutume). On pense que l'on commence par les sources formelles alors
que l'on commence par les matériels
-> Les positivistes sont donc des idéalistes parce qu'ils sont éloignés de la réalité
• Déduction : raisonnement top-down qui ne laisse pas de la place à la subjectivité : c'est objectif /
automatique / mécanique. La personne de l'interprète ne devrait avoir aucune influence.
/ ! / Mais cela semble faux, parce que normalement, même dans les sciences dures, on a de la
peine à faire des déductions.
Aristote montre que l'on ne peut faire aucune déduction. Preuve : Art 8 CC : "Chaque partie doit, si
la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit." -> article
totalement incohérent : on doit alléguer des faits, pour en déduire notre droit, alors que la
déduction est censée être une inférence qui se fait top-down (du haut vers le bas : le droit, les faits,
la conclusion). Alors qu'ici, on a en haut les faits, et on en déduit le droit = les faits sont en réalité
le bottom, donc on ne peut pas déduire, aller plus bas (rien plus bas que les faits) -> on est donc
dans une induction (bottom-up)
Donc pas de réelle déduction, de syllogisme : on est dans de la présentation pure, et pas dans de
l'effectuation.
-> Comment peut-on d'ailleurs tirer des droits de faits, alors que les faits sont déjà "juridiques"
par les codes de procédure ? On déduit en réalité du droit par le droit : il n'y a pas de faits en droit,
rien ne découle des faits. Le droit ne connait pas les faits, il ne connait que les faits juridiques =
les faits en tant qu'ils ont déjà été médiatisé par un code de procédure, un système de preuve
juridique.
La déduction à partie de la loi (syllogisme) des soltuions aux cas pratiques présuppose l’univocité
du texte légal.
• Univocité du texte légal : le texte serait univoque, avec un seul sens. On dit qu' "un texte clair
n'aurait pas d'interprétation = si un texte est clair, il ne donne pas lieu à interprétation", sans savoir
ce que c'est la lecture des signifiants (opération actuelle et culturelle derrière la lecture).
Normalement un texte serait univoque et ne donnerait pas lieu à interprétation.
Mais pourquoi il y a procès ? Surtout que parfois, les procès se font sur le même article, avec 2
avocats et un juge qui donnent un sens différent à l'article. → On n'est pas dans un monde où
chaque mot n'a qu'une seule signification - on n'a aucun mot, ni phrase, qui soit parfaitement claire.
Ce n'est pas possible sémantiquement.
Ex : art 7 Cst : est-ce que le lancer de nains est interdit en droit suisse ? Rien n'est dans le texte. C'est le cas
concret qui donne un sens au droit, et c'est peut-être là qu'on aurait un sens univoque - l'univocité vient
des cas qui pourrait montrer un sens unique.
-> Théorie encore tenue par le TF, alors que Methodenpluralismus : elle devrait primer alors ? Pas
logique.
Ex : Suisses - en 1970, cela concernait que les hommes. En 1971, sans changement de texte, les femmes se
retrouvent sous le même mot = on double les électeurs sous le même mot, qui n'a pas changé. Le signifiant
n'est donc jamais clair. Le sens n'est donc pas dans le mot, mais dans le contexte. Le mot n'est donc pas
clair, c'est le cas qui donnent le sens.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Interprétation des textes est perçue comme secondaire et auxiliaire : parce que l'on devrait
appliquer sans interpréter, sauf que ce n'est pas possible. Aucun texte n'est clair, donc on doit
pouvoir l'interpréter pour l'appliquer - cela vient de la nature humaine.
Si on a un problème de sens, on pourrait appliquer une science pour trouver le sens - on a une
méthode d'interprétation, hiérarchisée (puis, puis) / ! / Sauf qu'on voit qu'en vrai, on fait une
"Methodenpluralismus" = il n'y a plus de méthode à proprement parler, ce sont les 5 critères, sans
hiérarchie. Le TF est sorti de la science, pour aller dans l'argumentaire, avec rigueur.
Preuve : parce que Methodenpluralismus - oxymore. Quand on a un pluralisme, il n'y a plus de
méthode.
• Méthodes hiérarchisées donne un résultat objectif : le seul moyen d'avoir un résultat objectif, c'est
la déduction. Si induction, abduction - ce sera subjectif, parce que les juges s'accorderont sur une
solution = c'est la réalité, parce que la solution ne s'impose jamais telle quelle, on doit trancher. Il
y a toujours une place pour le jugement, l'avis subjectif.
L'objectif n'est pas à notre portée : parce que pas de texte clair, de déduction. -> On a du subjectif
=/= l'arbitraire : parce que les juges doivent fournir les arguments qui ont fait pensé la balance
plutôt que de l'autre. "Si on a pensé subjectivement comme cela, c'est qu'on avait de bons motifs
de le faire"
= vision idéaliste du positivisme (idée du droit, perfection)
• Vrai sens d'une norme : on n'est pas dans le domaine d'une démonstration, on est dans le domaine
du langage. Comment on trouve qu'un mot n'a qu'un sens ? Rien que dans le dictionnaire, on a
souvent des sens propres/figurés. On n'a jamais un seul sens, vrai : on aura un sens plus adéquat,
pertinent.
S'il y avait un sens vrai d'une norme : cela voudrait dire que ni le contexte, ni la personne de
l'interprète ne serait important - cela ne dépendrait pas de qui lit, et de quel contexte (pour trouver
le sens de la norme). Or, ce n'est pas vrai : ex : Art 1 CO n'a plus le même sens à travers le temps (ex :
ordre public, bonne foi - ce sont des notions qui ont évolué)
Si vrai sens d'une norme : pas besoin de codes annotés - pas besoin des affaires que l'on a plaidé
• Egalité de traitement : comment on la définit, alors que c'est un principe cardinal du droit suisse ?
"On doit traiter de manière égal deux situations semblables et de façon distincte deux situations
différentes" Mais sous quel critère ? On donne des formules et on glose à partir des formules - le
fond de l'affaire, ce qui nous manque, c'est par quel critère on peut dire quelles situations sont
semblables ou dissemblables.
C'est uniquement du raisonnement par analogie : jeu de ressemblance et de dissemblance
simultanée. Mais comment fonctionne l'analogie ? Cela a une structure, pas pure idée arbitraire.
Cela ne donne pas une méthode parfaite (déduction, science dure) qui nous permet de trouver une
solution : mais on a une série d'arguments qui nous permet de comprendre quand c'est analogue
ou pas.
Ex : homme balancé ou lancé d'hommes nains, on les rend analogue ou pas ? -> Incidence sur la solution :
légal ou illégal pour l'homme balancé.
Le droit est basé sur l'analogie. Egalité de traitement, c'est au centre de notre droit, mais on ne sait
pas comment il fonctionne. Pareil : sentiment de la justice tel qu'il existe à un moment donné dans
la société suisse = arbitraire. Choquant : on parle de Rechtswissenschaft, mais on se pose des
questions des sentiments. On ne fait pas de la science avec des sentiments - donc toute la science
juridique est complètement incompatible avec la pratique du TF, les sentiments. Et comme le droit
est une pratique, on doit laisser tomber le positivisme.
• L'équité : où se trouve-t-il dans le droit suisse actuel ?
o Pas à l'Art 1 CC - qui s'applique pour tout le droit suisse quasiment constitutionnel.
A l'Art 1 CC il manque, pour être un article honnête sur les sources du droit, les principes
généraux (ex : l'analogie qui se trouve consacrée dans la jurisprudence, l'égalité de traitement, l'état
de droit, la démocratie). Ce ne sont pas officiellement des sources formelles vu qu'elles ne
sont pas dans l'Art 1 - mais tout le droit est orienté sur l'analogie, où il manque donc l'équité
= base du droit.
o Si l'équité n'était pas une source formelle du droit, alors tout le droit pourrait être
inéquitable. -> Choquant. Ex : pour un philosophe, une loi injuste n'est pas une loi, même si valide

13
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

au sens formel - repris par le TF : si on a un résultat matériellement choquant, alors on


n'applique pas la loi. -> Pour un pur positiviste, si c'est légal, c'est juste.
L'équité doit avoir une place centrale, sinon on aurait le droit d'être inique, ce qui serait
contraire au droit. -> Le positivisme est faux, et c'est inquiétant de croire que la réponse est
dans la loi où on ne parle pas d'équité.
– Il apparait secondaire dans le légalisme puisque le raisonnement juridique se développe de manière
déductive – donc sans jugement de valeur mais selon les seules exigences de la logique formelle – de la
catégorie légale au cas → L’hétérogénéité du « général et abstrait » de la loi et du « singulier et concret »du
cas (= incommensurabilité initiale) y surmontée par la figure du syllogisme, donc sans le secours d’une
subjectivité assimilée à de l’arbitraire. → On atteint ainsi la science du droit (« Rechtswissenschaft »), fruit
de la Raison, à partir de laquelle ont été déduits le droit naturel moderne et les droits de l’Homme ; la
Raison serait le meilleur gage de la sécurité juridique : elle permettrait la certitude et la prévisibilité.

Le positivisme juridique est donc une très belle doctrine du point de la cohérence = corps de figure
intellectuel très bien construit, avec des figures qui se répondent. Mais le positivisme n'est qu'une
doctrine de l'idée du droit, mais pas de la pratique du droit. Le positivisme ne répond absolument pas à
la pratique effective d'un juge, avocat, notaire, conseiller juridique.

INTRODUCTION. VOUS AVEZ DIT « DROIT » ?


« Cette idée | de nation | nous est aussi familière dans l’usage et présente dans le sentiment qu’elle est complexe
ou indéterminée devant la réflexion. Mais il en est ainsi de tous les mots de grande importance. Nous parlons
facilement du droit, de la race, de la propriété. Mais qu’est-ce que le droit, que la race, que la propriété ? Nous
le savons et ne le savons pas ! »
-> on a aucune peine a utiliser le mot droit dans l'usage, en tant que juriste. On sait à peu près ce que
c'est le sentiment du droit. Mais si on essaie de le conceptualiser, il nous échappe très largement.
= on en a une vague idée, au fond. Cette vague idée est platonicienne - on devra se contenter de
circonscrire le droit, et non pas de le définir.
Du Pasquier se fonde ainsi sur cette citation de P. Valéry pour expliciter la difficulté guettant quiconque
se propose de définir ce qu’est le droit, et, en conséquence, en quoi consiste la philosophie du droit.
Flaubert disait même "On ne sait pas ce qu'est le droit / la justice". Cela explique pourquoi le juriste
aime tellement la loi : on la connait, de par la procédure et les termes, alors que le droit nous échappe
toujours un peu.
-> On ne peut pas fournir une définition du droit, même si ce n'est pas un défaut en tant que tel. Pourquoi
on ne sait pas ce qu'est le droit ? C'est le propre de la conscience humaine : on n'arrive plus facilement
à éliminer ce qui est faux que ce qui est vrai.
→ La philosophie du droit veut précisément tenter d’en savoir un peu plus, quitte à mieux comprendre
pourquoi on ne sait pas ce qu’est le droit !

Du Pasquier dit qu'il faut une grande vision sociale, de la culture générale pour connaitre le droit. On
retrouve dans sa citation les 8 principes écoles - ces matrices-là sont toujours présentes dans le droit
actuel. -> Il y a trop de visions à avoir à la fois pour donner une définition du droit.
« Le droit, en effet, est un régulateur de la vie sociale dans lequel entrent des éléments multiples et divers. A
certains égards, c’est une création de l’esprit qui reflète un idéal ; à d’autres, il résulte des circonstances de fait.
A certains égards, il exprime la volonté des gouvernants ; à d’autres, il traduit les mœurs du peuple. Pour le saisir
et l’appliquer, il faut recourir tout en même temps à la grammaire, à la logique, à l’histoire, à la morale, à la
psychologie, à l’économie politique, à la sociologie. Aussi, selon l’angle sous lequel on l’examine, se présente-t-
il sous des aspects très différents. Suivant qu’on place l’accent sur l’un ou sur l’autre de ces éléments, sa
physionomie change complètement. Il n’est dès lors pas étonnant qu’envisagé par des esprits très divers, dont
chacun suit sa propre pente, le droit se dérobe à une conception unanime et que le désaccord règne lorsqu’il s’agit
d’en définir la notion »
" Le droit régule la vie sociale, c'est le régulateur le plus puissant.
/ ! / : "A certains égards" = il y en a d'autres : le juriste est condamné à une pluralité d'égards. C'est
stimulant intellectuellement, mais rien ne sera univoque, car rien ne sera jamais clair (ex : principes
généraux du droit)
• "Création de l'esprit qui reflète un idéal" = Platon (top-down)
• "résulte des circonstances de fait" = Aristote (bootom-up)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• "volonté du gouvernement" = Scott, Occam, voir Augustin


• "mœurs du peuple" = école historique du droit.
• "morale" = saint augustin.
Ce sont des exemples parmi tant d'autres.
• "ainsi, selon l'angle", pour Aristote "en tant que" = quand on parle du droit, on doit d'abord fixer
la perspective selon laquelle on s'exprime (quand nous on parle, on a une perspective
philosophique très précise - le positivisme légaliste)
-> Il change en fonction des aspects qu'on veut lui faire porter.
• "Le droit se dérobe à une conception unanime" - les différents systèmes politiques n'ont pas la
même du droit (ex : socialiste, nazisme etc.)
• "Le désaccord règne lorsqu'il s'agit d'en définir la notion" = on est d'accord que l'on ne peut pas
se mettre d'accord sur la définition du droit.
= on aura une vision caricaturale pour saisir correctement les enjeux.

On va essayer de définir la philosophie du droit, sachant que les notions constitutives de ce domaine de
pensée, à savoir « philosophie » et « droit » s’avèrent imprécises, ne donnant lieu à aucun consensus entre
les différents auteurs.
• On va essayer de définir la philosophie : quelles sont les notions pertinentes de philosophie pour
ce cours de droit ?
Il semble possible d’établir un certain accord concernant la définition de philosophie, à tout le
moins pour l’usage qu’en font les juriste.
• Essayer de définir le droit : ce sera une définition large, pour avoir une hypothèse de travail (ex
: positivisme - une des manières d'aborder le droit)
Quand on va parler du droit, essayer de trouver une définition, ce sera extrêmement difficile :
parce que l'on aura deux manières de faire qui sont imparfaites :
▪ A priori (causa) : sans cause aucune - on donne une vérité, on la dit, et on n'a pas de
fondement / on ne les fournit pas. Ex : L'Homme est bon selon Rousseau, l'Homme est
intrinsèquement mauvais selon les protestants - on n'a pas de cause. Cela n'a pas été prouvé par
l'expérience, l'expérimentation = c'est dit juste comme cela.
Ensuite, je regarde cette définition du droit dans chacun des mouvements philosophiques -
et on regarde la définition qu'eux offre. → On risque de ne jamais retrouver la définition
dans les autres définitions des autres mouvements de pensée tellement c'est différent.
En d'autres termes, je ne serai pas capable de reconnaitre cette définition dans les courants
de pensée.
▪ Bottom-up : je vais prendre toutes les définitions de tous les mouvements philosophiques,
et je vais essayer de faire une définition qui synthétise toutes ces définitions. Problème : les
définitions sont tellement différentes qu'on ne sera pas sûre qu'elle touche le même objet.
(ex : Marxisme - loi du tout puissant. Mais pour les suisses, on a une protection de la partie faible
importante)
= on n'arrivera pas à une définition du droit.
▪ On va prendre une définition du droit chez les anthropologues : on aura une notion du droit
beaucoup plus consensuelle qui sera notre base de travail. (parce que connaissent bien de
nombreux systèmes)
Qui veut définir la notion de « droit » doit choisir au préalable un système philosophie, celle-ci étant
inséprable d’une « Weltanschauung » donnée/d’une certaine conception du monde : « le rôle assigné du
droit dépend de la vision qu’une société se crée de l’univers et de l’homme » (Roland) / ! / La démarche d’un
choix préalable apparait cependant peu logique : on devrait pouvoir trouver ou arrêter une définition
générale du droit, puis analyser ce que chaque courant enseigne à ce propos. / ! / : Si chacun d’eux avance
une définition différente, on se retrouve avec autant de définition que de doctrines philosophiques. →
Cette situation ne permettra plus de savoir si l’on parle toujours du même « droit » en passant de l’étude
d’un courant de pensée à l’autre (= dialogue de sourd)
Ex : Philosophie politique libérale – centrée sur l’individu en tant qu’atome sociétal, auquel il convient de
laisser le plus de liberté possible, notamment par la garantie de ses droits individuels (libertés fondamentales) à
l’encontre de l’Etat. L’Etat assure le minimum de la régulation sociale, laissant l’initiative de la vie sociale et politique
à la responsabilité de chacun. → Le juridique est la meilleure manière de limiter la toute-puissance de l’Etat/son

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

pouvoir absolu. Cette limitation est caractéristique de « l’Etat de droit », destiné à perdurer en tant qu’il assure, d’une
part le minimum de régulation sociale dont toute collectivité a besoin pour s’établir et se développer, d’autre part le
maximum de liberté au profit de l’individu.
Vs Marxisme : le juridique est un instrument de domination de la classe bourgeoise possédantes (monopole de
l’appariel de production) sur celle des exploités (réduits à une force de travail) ; le droit est voué à disparaître ensuite
de la révolution prolétarienne qui conduira les dominés au pouvoir.
➔ Afin de sortir du cercle vicieux tournant de la définition du droit à l’adoption d’une certaine
métaphysique et de cette représentation métaphysique du monde (et de la société) à une certaine définition
du droit, on tentera d’une manière souple et libre une énumération des éléments caractéristiques
que les auteurs attribuent le plus souvent au concept de droit.
▪ On va aussi le faire par l'étymologie : parce que par l'étymologie, on trouve souvent la même
définition.
➔ Chapitre 4 : définition d'anthropologue relativement simple et neutre qui nous permettra de faire
notre parcours (hypothèse de droit)- philosophie par un juriste pour des juristes (le droit
d'aujourd'hui éclairé par la philosophie)
/ ! / Définition provisoire : cette définition variera en effet suivant les auteurs et les mouvements
philosophiques.
Le droit positif : le droit d'ici et maintenant = même terme d'un mouvement philosophique. Alors
notre conception qui semblait neutre du droit est déjà complètement éclairée par le positivisme.
On est purement légaliste, preuve note marginale de l'Art 1 CC
• On va donc ainsi essayer de circonscrire positivement la notion de « philosophie du droit », afin
que chacun puisse saisir l’esprit général dans lequel l’examen des différents courants de la
philosophie du droit sera conduit.

CHAPITRE 1. QU ’EST- CE QUE LA PHILOSOPHIE ?


On a des définitions des anciens et des modernes : il y a une coupure :
• Chez les anciens, ce sont surtout les grecs et les romains, avec une partie du Moyen-Âge (parce
qu'ils suivent en partie le droit romain et les coutumes - prolongement), la philosophie a deux
définitions principales :
o Etymologie même : "philo sophia" = "aimer la sagesse" = grec.
Philosophie du droit : amour de la sagesse du droit - ce rattachement au droit n'est pas du
tout évident - cela ne fonctionne pas très bien avec l'idée du droit / ! / A réfléchir.
Mais en latin, dans la sagesse, on trouve la prudence - comme dans le droit, on a de la
jurisprudence, on peut peut-être dire que l'on n'est pas complètement éloigné du droit quand
on définit la philosophie comme l'amour de la sagesse
o Apprendre à mourir : prendre conscience que nous sommes des êtres finis, avec une
existence éminemment courte, que nous sont soumis à la mort = on est des êtres pour la
mort, même si on est vivants, et on doit avoir beaucoup de respect.
/ ! / Comme le droit se pose surtout des questions sur les vivants, cela ne parait pas très
adéquat.
➔ Il nous faudrait des termes plus pratiques vu que le but du droit est de résoudre des cas : il
conviendra d’entendre « philosophie » dans un sens moins « spirituel »/méditatif. Ici vaut une
signification plutôt technique, celle de la réflexion sur un tel objet, en l’occurrence l’objet «droit »
(= « jus) qui donnera « juste, justice, jurisprudence, juridiction »
Réfléchir sur un objet, c’est immanquablement porter sur lui un jugement d’appréciation, ce que
la philosophie, à la suite de Kant, appelle « critique », pour essayer d’en appréhender sa définition.
• Les modernes
o Kant : la philosophie est une philosophie critique. -> "Que puis-je savoir d'un objet, quel
qu'il soit (ex : droit, physique), de manière certaine si j'use correctement de ma raison ?" Pour
Kant, son a priori est que chaque homme est doté de raison, dont il peut tirer des inférences
du monde humain. Il se demande alors ce qu'il peut savoir des objets de manière certaine
par sa raison -> Donc, quand je pense au droit, quelles sont les choses certaines que je peux
en trouver ? (quelles sont les choses vrais ou fausses ?)
/ ! / Mais comme le droit est plus juste que vrai, avec la philosophie de Kant, on n’aura
aucune philosophie du droit comme praxis, mais on l'aura comme idée. → Kant dit qu'un

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

droit est parfait s'il est d'une certaine façon. Mais si le droit n'est pas comme cela, quid ?
(comme Hegel) - cela ne répond pas aux besoins d'un juriste, mais on peut avoir une idée
du droit.
. → Le but du droit, c'est de trouver le juste et l'injuste. Ce n'est pas de trouver le vrai, parce
que c'est le rôle de la science - si le but du droit était de dire le vrai, alors ce serait l'expert
qui trancherait. On peut trancher contre un expert = donc on cherche le juste, pas le vrai.
/ ! / On ne peut pas définir la raison, comme on ne peut pas définir le droit. On n'a jamais
eu aucune définition non contestée de la raison - on n'a jamais pu avancer une définition
univoque de la raison. S'ils se basent tous sur le mot "raison", on n'est pas d'accord sur ce
que c'est (ex : jusnaturalistes - ils se disent rationalistes, certains parlent de réflexion et d'autres de
volonté) → Si le terme de base flotte, toutes les conséquences flottent. On ne peut pas être
convaincus par des arguments jusnaturalistes, parce que l'on ne sait pas sur quoi ils reposent.

On ne peut donc pas se reposer sur une seule vision philosophique. (ex : il doit y avoir du juste
au-delà de la légalité - on peut contester qu'une solution est légale, mais injuste ex : déclaration
universelle, CEDH -> Position extrême positiviste (ex : Nazis) doivent être rééquilibrées)

CHAPITRE 2. QU ’EST- CE QUE LE DROIT ?


Hart : qu'est-ce qu'est le droit, et comment il arrive ? "Ibi societas, ibi ius" = parce qu'il y a une coutume
- avec un élément objectif et subjectif = c'est parce que les personnes pensent qu'il y a un droit
contraignant qu'il existe. -> Cela montre que cela ne sert à rien de chercher l'origine du droit : il n'y en
a pas. Il y a toujours, dans les sociétés dont on a des traces, des documents sur la mort et le droit =
questions fondamentales.
« Il est peu de questions relatives à la société humaine qui aient posés avec autant de persistance et qui aient fait
l’objet, de la part de théoriciens réputés, de réponses aussi différentes, étranges et même paradoxales que la
question « Qu’est-ce que le Droit ? » »
Sa conclusion : tout le monde se demande ce qu'est le droit : personne n'a pas réponse, et de plus,
on a des définitions paradoxales - qui donnent des réponses complètement différentes les unes des
autres.
-> ex : le TF est positiviste, mais il dit "que l'on ne peut se contenter de la lettre de la loi s'il y a
un résultat matériellement injuste" / ! / Choquant : normalement, on ne se pose pas la question du
"juste", et du "résultat matériel" = normalement, on regarde juste si on a respecté les formes. Tant
que les formes sont respectées, la loi s'applique si on est positiviste. On ne devrait pas regarder de
la justice.
-> On a une loi, on l'applique par le syllogisme : on n'a pas de matérialité, que de l'application, et
normalement, on ne devrait pas se préoccuper de la justice de la chose.
Donc le TF n'est pas un positiviste radical, parce que c'est pas une position tenable
pragmatiquement = on a donc un double discourt : on dit qu’on ne s'occupe que des formes, mais
on se préoccupe au fond du contenu. Un juriste est toujours les deux. Si on disait qu'on ne
s'occupait que du fond, on serait jusnaturaliste.
Art 1 CC : définition paradoxale du droit : on dit que le droit ce n'est normalement que la loi, mais en
même temps, ce n'est pas que la loi vu les autres éléments. Heureusement, mais du coup on a une
définition pluraliste du droit - parce que c'est la loi, mais pas que etc.

Juste/Injuste : est-ce qu'il est universel/directement reconnaissable ? Oui et non. On confond deux choses
• Le discours théorique : on est d'accord pour dire que les droits de l'Homme sont universels, comme
on souhaiterait qu'il y a un juste universel.
• La pratique (un peu comme Présentation/effectuation) : le droit étant une praxis, le juriste regarde
la pratique - en pratique, nous n'avons quasiment aucune valeur.
Ex : la liberté du mariage n'est pas la même dans chaque système juridique du monde. Ex 2 : exposition des
enfants à romains. Ex 3 : quand une tribu gagnait un village, ils rendaient tout le monde en esclavage, ou
tuaient tout le monde - aujourd'hui, ce serait crime pour l'humanité.
Maintenant, regarde-t-on la notion du point de vue théorique ou pratique ? Les notions existent, mais
elles ne s'appliquent pas en pratique.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Comment fait-on pour mélanger les deux ? Des concepts qui existent partout, mais qui ne sortent
pas de la théorie, et une pratique très relative. On peut le considérer comme du droit universel
analogique, et pas univoque = montre l'extrême relativité du droit/la fragilité : une démocratie est
fragile (le droit est limité)
Il n'y a pas de valeur intrinsèquement universelle dans la pratique, même dans l'idéologie (ex : on
a 8 déclarations des droits de l'Homme - ex : en Afrique, tout le droit est construit à partir de la famille et
pas la personne. Personne ne peut dire ce qui est le plus juste )
-> Il n'y a donc pas 1 droit international public. La preuve : où s'exerce-t-il au quotidien ? Quel
est le lieu d'exercice naturel du droit international public, son lieu d'application ? Ce sont les droits
internes : on n'a pas d'ordre juridique comme tel, avec un territoire/une administration/un peuple
où on a un droit international. Le droit international s'applique dans les Etats vu que pas de
structure au dessus des Etats -> donc le discours est universel, mais la pratique sera interne. Et on
y voit que les notions n'y sont pas appliquées de la même manière.
Quand on soutient un principe universel, on le soutient en tant qu'idéaliste/philosophe, et de lege
lata pour le juridique.
Ex : COP 21 - c'est du law in books, mais pas in action. Quels sont les instruments de contrôle pratique pour punir
les états qui ne réduisent pas leurs émissions ? Il n'y a pas de mécanismes de contrôle contraignant - donc aucune
application.
➔ Nombre des philosophes célèbres n’étaient pas juristes. Ainsi, ils adoptèrent souvent une
conception du droit un peu extérieure, artificielle ou idéalisée.
Ce caractère s’accentua avec les philosophes systématiques = les pensées qui se développent
conformément à une vision globale et intégrée de l’ensemble des connaissances humaines, chacun
se voyant assignée une place précise dans le tout et recevant, de cette place déterminée, sa
signification propre. Le juriste pensera naturellement à la méthode d’interprétation dite
systématique.

Mises en garde :
• Le pénalisme : on lit toute structure juridique comme structure pénale - il n'y aurait pas de droit
sans sanction (ex : COP 21, décisions de l'ONU - c'est du droit, au moins de la soft law). Beaucoup de
philosophes et juristes ont comme modèle le modèle pénaliste - on est dans un Etat avec une force
juridique très forte où on peut imposer la contrainte aux personnes.
Mais on a des systèmes/des domaines du droit sont complètement extérieurs à ce concept ex : droit
privé/droit de l'arbitrage - le but c'est l'accord entre les parties, pas de contrainte comme moteur. C'est pareil
pour le droit de l'environnement qui est surtout un droit négocié.
Souvent, jamais de sanction en droit international - mais c'est du droit quand même.
Pénalisme = trop simpliste.
• Eviter de rabattre le droit sur la loi : on cherche présentement une 1ère approximation de la notion
de droit, sous la forme d’une hypothèse de travail qui permette l’entente minimale nécessaire à
l’identification (peu précise encore) de cet objet droit que l’on se propose de traiter
philosophiquement.
Toutes les écoles jusqu'à la pensée du code ne confondent pas le droit et la loi : même quand on
parle de loi on parle de droit (ex : peu de lois chez les grecs et les romains - 2000 lois par année en
France/1000 ans de Rome - 2000 lois en tout. Le droit romain est un droit peu légaliste, mais qui est construit
sur l'honneur. Le droit romain est un droit non légal, mais un droit paternel/des grandes familles)
-> Toute la méthodologie du droit, encore aujourd'hui, découle du droit privé parce que c'est
comme cela que Rome l'a conçu.
Cela montre que les légalistes ont une vision très serrée, pauvre du droit (ex : explique combat
légal/illégal, juste/injuste) ex : même si la loi est le moyen principal de l'Art 1 CC; ce n'est qu'un
moyen parmi tant d'autres. Il faut regarder le but de droit, et ne pas regarder les moyens = on ne
doit pas regarder le résultat juste/injuste, on ne devrait regarder que la loi, mais ce n'est pas tenable.
-> Preuve : Eugen Huber avait mis dans les sources formelles au sens étroit la doctrine et la
jurisprudence - parce qu'il sait que le droit ne s'applique pas que dans les lois. La loi est
impraticable sans la pratique.
La définition du sens commun « le droit c’est la loi » s’avère dangereusement insuffisante : que fera-
t-on, par exemple, de la jurisprudence (déterminante dans l’exercice quotidien du droit, en
particulier devant les tribunaux et essentielle même dans le système anglo-saxon du commun law)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

et de la coutume (si importante en droit international public par exemple) et de la doctrine, qui
toutes à des degrés divers, participent au maintien et au développement de l’ordre juridique ? →
L’identification du droit avec la loi, plus exactement l’habitude intellectuelle consistant à réduire le
droit à la loi (= le légalisme) n’est pas une idée purement abstraite : elle se retrouve dans les textes
légaux, et parmi les plus emblématiques. (ex : Art 1 du Titre préliminaire du CCs)
Cette action de réduire tout le « droit » à la seule loi, quand elle est opérée intentionnellement en
tant que position philosophique concernant le droit, est plus précisément désignée par
l’expression « positivisme légaliste », et, en abrégé, « légalisme ».
La métonymie – prendre la partie pour le tout, en l’occurrence la loi pour l’entier du droit, mise
en évidence tient moins à une confusion dans l’esprit qu’au dessein de faciliter le discours : on
utilise alors le mot « loi » comme (quasi) synonyme de « droit ». On qualifiera ainsi un
comportement d’illégal alors même que la norme violée n’est pas une loi au sens entendu dans
la théorie des sources formelles du droit, mais une coutume ou un principe jurisprudentiel.
Alors que la version allemande porte en titre marginal « Anwendung des Rechtes », application du
droit, la version français dispose « Application de la loi » → le rapprochement des deux textes met en
évidence l’une des tendances intellectuelles les plus fondamentales du juriste du droit continental (par
opposition au common lawyer) : l’autorité incontestable, quasi-exclusive, du droit écrit, c’est-à-dire de la
loi, jusqu’à la concevoir, de manière erronée, comme la source unique du droit. = attitude très marquée
en France, suite à l’adoption du Code Napoléon dont on estimait, non sans idéalisme, qu’il contenait tout
le droit civil, au point qu’un professeur de l’époque pouvait affirmer qu’il n’enseignait pas le droit civil,
mais le Code Napoléon.
• Le fétichisme de la loi écrite (F. Gény) : comment on en est venu à une vision fétichiste de la loi
? La loi est considérée comme le grâal, la perfection, qui nous parle et donne des résultats. C'est
puérile, cela ne marche pas, mais c'est une croyance générale dans la Civil law (sauf pays
catholiques - importance du contenu). Le contenu ne serait pas important.
Mais les Cours et les avocats ne fonctionnent pas comme cela. Preuve : Victor Hugo avait mis en
garde dans les Misérables "tout n'est pas dit quand un code a parlé" = quand le juriste a saisi son
code, il va donner la réponse de la loi. Il n'a pas encore donné la réponse au cas et dit le droit. On
n'aura que la réponse du code, qui pourrait être matériellement injuste et donc pas la réponse du
droit (ex : lacunes en droit, lacunes improprement dite - interdiction du déni de justice, pas de réponse dans
la loi, le juge doit quand même répondre. Il faut donc qu'il y ait un au-delà de la loi, qui sera le droit. Le
droit est plus large que la loi -> c'est ce qui permet de qualifier d'injuste certaines lois)
Ex : le grec regarde d'abord le contenu de la loi avant de regarder la procédure -> il y a peu, on ne se posait
que la question de conformité au forme, sans regarder le fond, pour dire que c'était légal et juste.
-> La loi écrite n'est qu'une manifestation du droit, et rien de plus que l'une de ses manifestations.
Sans doute, constitue-t-elle la manifestation la plus tangible du droit et la mieux assurée, par l’écrit,
précisément ; il n’en demeure pas moins que la loi ne constitue qu’une des manifestations du droit,
à côté de la coutume, de la jurisprudence et de la doctrine. Elle est d'ailleurs insuffisante, parce
que la loi est générale et abstraite, et la décision individuelle et concrète. Il faudra d'autres sources
du droit pour trouver des solutions (ex : coutume, droit prétorien, doctrine, jurisprudence)
On est tellement fétichiste que l'on a oublié que la loi est un moyen/une manifestation du droit
parmi d'autres, que l'on qualifie du terme illégal pour disqualifier des textes qui n'ont aucun lien
avec la loi.
Ex : coutume manifestement contraire à une loi - illégale. Mais au fond, elle ne peut pas être illégale vu
qu'elle n'est pas de l'ordre de la loi, mais de la coutume. → On parle par métonymie : on prend la partie
pour le tout - on est tellement légaliste que l'on ne trouve pas d'autre mot pour qualifier quelque
chose de contraire au droit dans le fond.
/ ! / Aussi, quand une solution de la loi est injuste (mais est dans la loi), on dit qu'elle est illégale
- non, elle est légale, mais contraire au droit (solutions prater legem, contra legem)

Première tentative de définition du droit qui devrait transcender à peu près transcender toute la
philosophie - par un anthropologue juriste. Il a fait l'Afrique et les inuites
(ex : celui qui chante le mieux gagne le procès – parce que le plus pur) . Ex : France - faisait trois codes, dont un
code nègre, en ratifiant les conventions européennes des droits de l'Homme. Ex 3 : Europe : on pense à l'Etat, la
loi, la sanction)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

➔ Deux descriptions empruntées à l’anthropologie juridique, partant de l’idée que si « comparaison


n’est pas raison », le point de vue d’autres cultures sur ce qu’est le droit ne peut que nous aider à
mieux cerner ce que nous entendons nous-même à ce propos.
➔ L’esprit spécifique du droit et, vraisemblablement, sa fonction originelle, consisterait dans « le
contrôle des actes et valeurs considérés comme essentiels par une société », s’il est vrai que « le
groupe conçoit comme juridique ce qu’il estime essentiel à sa cohérence et à sa reproduction »

Semaine 3
"Ensemble des comportements / règles de conduite édictées et ou acceptées par l'autorité publique et dotées de
sanctions coercitives" = modèle positiviste/pénaliste.
Roland : les 3 concepts positiviste disparaissent : il n'y a pas de loi, d'Etat, ni de sanction.
"Le droit sert au contrôle des actes et valeurs considérés comme essentielles par une société" -> on devrait
laisser à part ce qui n'est pas essentiel. "Ce qu'il estime essentiel à sa cohérence et à sa reproduction " = les
règles pour la société perdure, c'est ce qui est essentiel.
On voit que la fonction du droit, c'est l'ordre (pas maintenir l'ordre au sens militaire), mais au sens
de l'ordre de la société - garder les valeurs essentielles pour faire perdurer de la société.
Normalement le droit ne doit s'occuper que de l'essentiel, sans penser à loi, à l'Etat et à la sanction = on
peut entrevoir le droit sans le positivisme. → Dans cette description, on relèvera que la sanction
n’apparait pas comme élément essentiel, qu’il ne s’opère aucune focalisation sur la figure juridico-politique
de l’Etat et qu’elle ne mentionne même pas le concept de loi = cela ne devrait pas être important.

-> Existe-t-il des valeurs générales du droit ? "Les personnes conçoivent comme juridique que ce qu'ils
estiment essentiels à sa cohérence ". Ce n'est donc pas imposé, c'est vu/appréhendé. Estimer = évaluer, on
a affaire à une valeur de soi, le groupe choisit ce qui est essentiel.
= la clef de voute de la philosophie pratique (politique, droit, moral), tient dans le « considéré comme
|essentiels| » de la citation où s’explique son ressort fondamental ou principiel (= c’est-à-dire que se situe
au principe de, à la base de) : le choix.
➔ Pour avoir un droit commun partout, tous les hommes devraient faire les mêmes choix, vu que
le droit n'est pas donné mais choisi.
➔ Toutes les cultures n'auront jamais en même temps les mêmes choix, surtout pour les rapports
essentiels (ex : religion, famille - plus les cultures auront des visions différentes). On n'aura donc
jamais de droit universel. (ex : jamais de droit de l'environnement universel) - Ibi societas ibi ius : si
on n'a pas de société universelle, on n'aura jamais de droit universel.

Le droit est donc avant tout une affaire de choix : il n'y a de droit que s'il y a du choix. Si on prend une
relation qui est régie par la nécessité, alors le droit devient complètement inutile.
= en effet, si l’on se trouve face à des phénomènes complètement étrangers à la problématique du choix
– ex : question de chute des corps, de baignoire qui se vide, de chrysalide qui se transforme en papillon, etc., en bref
le domaine des sciences naturelles – alors aucune question de juste/injuste ne se pose.
Ex : il ne sert à rien de mettre dans la Cst que l'on doit respirer 4x par minutes - on va le faire. Ex 2 : si interdiction
de respirer, on violerait de toute façon la loi. Ex 3 : l'état de nécessité en droit pénal montre, par contradiction, que
le droit est affaire de choix. Que se passe-t-il du point de vue de la responsabilité lorsque l'on se trouve dans un
Etat de nécessité ? S'il est réalisé, on ne sera pas condamné. Qu'est-ce qu'il manque pour qu'on le soit ? La volonté
- état de nécessité supprime la volonté : si on n'a pas le choix, on n'est plus auteur volontaire de notre acte (même
pas de responsabilité par négligence) = donc, on voit que le cœur du droit c'est le choix : il faut un choix possible
pour qu'il y ait le droit.
C'est ce qui permet de distinguer le droit des sciences naturelles : le propre des sciences naturelles est
de saisir des relations qui sont nécessaires : elles ne peuvent pas se dérouler autrement qu'elles se
déroulent ex : on ne va pas condamner les grenouilles parce qu'elles mangent des insectes, vache parce qu'elle
mange de l'herbe, lion de dévorer des antilopes (sans défense/inexpérimentées = c'est sa nature. Comme son
instinct conduit à le faire, elle le fait = pas de réel choix (=/= contrainte : parce que l'on a un choix opprimé) = ces
animaux appartiennent à leur instinct, et ne peuvent en sortir, par conséquent, elles ignorent la question même du
choix.
On l'oublie souvent en droit : ex : on aimerait que les experts désignent le coupable. Stupide : parce que
si on est dans une relation de nécessité, il n'y a pas de coupable. L'expert ne doit donc pas dire qui est

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

coupable, il doit donner des probabilités de désignation de la bonne personne - c'est le magistrat qui devra
décider s'il est coupable ou pas.
Si trouver le coupable était automatique, on n'aurait pas besoin de magistrat : on serait dans le vrai et pas le
juste -> pas le droit.

Rousseau : Rousseau essaie de faire la différence entre les animaux et les hommes - pas de contrat entre
les animaux, pas de procès entre eux. Pourquoi ? Ils sont enfermés dans leurs instincts : ils ne connaissent
pas le choix, ils sont enfermés dans leur nature. Ex : si on prend un chat affamé, et qu'on lui met une assiette
de blé à côté, il ne la mangera pas (même s'il ne risque pas d'en mouri)r. Ex 2 : si on met de la viande à côté d'un
pigeon affamé - il n'en mangera pas, et crèvera aussi. Les animaux sont alors liés alors leurs instincts, et non pas
par leur proximité à une nourriture qui pourrait les sauver physiologiquement → C'est pour cela qu'il n'y a pas
de droit entre les animaux, parce que leurs relations sont régies par la nécessité.
Toutes les philosophies prennent comme point de départ le choix - / ! / on peut l'enlever, c'est
lorsqu'on doit se plier au raisonnement divin. "Le devoir du destinataire de la norme est d'obéir à la norme "
: où serait son choix ? Celui de ne pas obéir, c'est ce qui fait qu'il est condamné.
C'est un choix extrêmement pauvre, et c'est la vision que l'on a : le droit ce sont des commandements -
on doit respecter la volonté du législateur. Cela date d'il y a 2 siècles - avant, on le pensait autrement, et
c'était une vision extrêmement étroite. (ex : on voit les faiblesses du positivisme avec l'arbitrage, la soft law
etc.) -> la pratique n'est pas positiviste.
= les relations sociales ne sont donc pas sujettes à la nécessité, mais à la contingence. Les relations
sociales pourraient donc être autres qu'elles ne le sont aujourd'hui (ex : esclavage, servitude des paysans, on
ne connaissait pas le mariage homosexuel - on ne l'avait pas/on l'a, on l'avait/on ne l'a plus) -> cela peut changer
très vite. C'est un choix de valeur, mais aucune nécessité ( ex : peine de mort - on l'avait, on ne l'a plus, on
peut la réintroduire = tant qu'il y a une volonté politique)
Si toute la nature humaine et sociale est contingente : comment mettre de l'ordre dans la
contingence ? Si tout est contingent, on n'aurait plus d'ordre - il faut donc trouver de l'ordre dans
la contingence.
1. Chaque philosophie constate que le droit est contingent, on pourrait le faire autrement.
2. Comment y mettre un peu d'ordre ? → / ! / : Ce ne sera en tout cas pas le déterminisme, sinon
on tomberait dans les sciences dures. Si les relations sont déterministes, elles sont de l'ordre de la
nécessité = cela ne pourrait pas être autrement que cela est. (Sciences humaines : oxymore - ce
serait déterministe et on n'aurait plus besoin d'humain)

Ainsi, pour conclure, les sciences naturelles ont des lois qui relèvent de la nécessité = on a des
mécanismes linéaires. Les raisonnements découlent du syllogisme, et de la déduction =/= en réalité le
droit : au fond, seule la présentation du droit est déductive. Dans son effectuation, dans son raisonnement
réel, il n'y aucun syllogisme, aucun raisonnement top-down.
Le droit est marqué par l'indétermination = le non déterminisme de ses relations. Comme on veut
chercher de la sécurité juridique, on va donc devoir chercher de l'ordre malgré la contingence.
On retrouve ainsi la différence essentielle entre lois au sens des sciences naturelles et lois au sens juridique
du terme : les premières opèrent dans un contexte de nécessité, de déterminisme, suivant des
enchaînements mécaniques et linéaires de cause à effet : alors que les secondes exigent la possibilité du
choix donc de la liberté, c’est-à-dire au moins une certaine indétermination quant au comportement qui
sera concrètement adopté

Propriété étrange du droit (rarement formulée, on ne la réfléchit pas/on n'y pense pas) : le propre d'une
loi / de toute normativité est de pouvoir être violée. Une loi, pour pouvoir être juridique, doit être ouverte
à sa propre violation / à son propre irrespect. → En effet, si la loi en question ne pouvait pas être violée,
alors elle comprendrait la nécessité = les comportements qu'elle décrit seraient déterministes et
nécessaires = donc le droit serait inutile.
Les relations ne sont donc pas nécessaires : les participants pourraient faire autrement les relations
qu'elles ne le sont - cela explique la notion de responsabilité en droit. Pour être responsable en
droit : il faut avoir le choix (acteur), et la loi doit être violable = sinon aucune responsabilité
possible.

21
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

C'est ce qu'on appelle le prescriptif (droit = normatif : ceux qui sont normés pourraient faire
autrement - on les oblige à être dans la norme, mais ils ne pourraient pas l'être. C'est possible d'être
en dehors de la loi pour qu'elle le prévoit - on risque juste un risque), par opposition avec le
descriptive (sciences naturelles = elles observent)
Ex : Bentham : ce qui nous coûte d'enfreindre la loi nous coute moins de la respecter - calcul utilitariste. ->
Preuve : on veut toujours faire des sanctions plus lourdes : l'idée c'est que plus la sanction sera lourde, moins
on voudra commettre l'infraction.
• Cette vision est partiellement fausse, parce que jamais un violeur va faire un calcul rationnel avant de violer.
NB : L'Homme serait alors comme un animal. - mais cela n'en est pas un, au fond il a le choix, donc il peut être
puni.
Ex : enfermement pénal - l'enseignement ne marche pas en prison / on les enferme pour les neutraliser (à ce
moment-là, si irrécupérable, devrait être tué). Ex 2 : on pourrait faire des mesures pour soigner les personnes - les
aider - si on considère qu'ils ont une volonté.
/ ! / Les animaux ont au fond une certaine volonté, les hommes se comportent parfois comme des animaux (dans
leur instant ex : mode, environnement - les animaux meurent quand ils n'ont plus à manger, ce sera pareil pour
l'homme)
• Par contre, ce qui est vrai, c'est qu'il y a un choix de violer la norme. Sinon, il n'y aurait plus de prescription,
de normativité.
= On comprend alors que l’un des caractéristiques essentielles de la loi au sens juridique soit la possibilité
même d’être enfreinte/violée. → Il n’y a là rien de paradoxal : tout au contraire, il en va de l’existence de
la normativité elle-même, soit en termes philosophies de sa condition de possibilité : si la loi (dans son
acception juridique) commandait un comportement que toute personne suivrait de toute façon parce que
son instinct la contraint à ce comportement – ex : respirer ou boire – la loi devient inutile. De plus, elle ne
peut commander ou indiquer un certain comportement que si celui-ci ne sera pas nécessairement
respecté. → Et c’est bien parce que l’on choisit de ne pas respecter telle ou telle loi que l’on peut être
déclaré juridiquement responsable.

On faisait des procès avec les animaux au MA : on leur mettait les qualités humaines. (ex : un coq pond
un œuf - condamné à mort. Les ours ex : la ruse, la méchanceté)
Truie de Falaise : une truie a mangé un enfant pendant que les parents étaient au champ. On fait un procès avec
des avocats. La truie perd - alors elle est écartelée sur la place publique et tous les agriculteurs doivent venir avec
leur truie en laisse pour montrer ce qu'elles risquent si elles font des infanticides
Les animaux sont des créateurs de Dieu, comme nous - ils ont donc alors la volonté. Ils n'ont pas
toutes les qualités humaines - mais ils ne sont pas enfermés dans l'instinct.
Aujourd'hui, le droit est pensé pour les hommes, en disant que le choix n'est que pour les humains/ la
nécessité uniquement pour les animaux. On ne peut pas faire des animaux un sujet de droit (-> pb en
droit de l'environnement)
= Les procès médiévaux d’animaux déclenchent nos rires contemporains parce que nous imaginons
l’animal en train de réfléchir et de préparer un mauvais coup. Notre rire provient de
l’anthropomorphisation de l’animal auquel le lecteur prête dans ce contexte des traits humains comme la
volonté de faire le mal, le calcul, la ruse. L’effet comique nait de ce que l’on sait aujourd’hui que les
animaux ne sont pas dotés de libre arbitre, qu’ils n’opèrent pas de choix en pesant le pour et le contre des
différentes actions qu’ils se représenteraient comme possibles dans un contexte donné.

La définition de Roland est très statique : ce n'est pas dynamique comme vision du droit - on ne regarde
le droit qu'à un moment donné, pas l'évolution.
Processus : cela vient du mot procès. Un procès est toujours processuel (ex : droit la procédure en
allemand - droit processuel). → Un procès est donc un processus - c'est donc contraire au
positivisme. Le droit est dynamique, pas statique. Il ne suffit pas uniquement des sources formelles
statiques pour faire du droit : il faut aussi la pratique. Le bon juriste s'intéresse à la pratique parce
que le droit est une praxis - il sert à résoudre des cas pratiques.
Il faut donc une définition neutre, comme Roland, mais avec plus de dynamisme - il nous faut une
définition plus large. Philosophie du droit : permet de trouver l'aspect dynamique du droit =
comment on résout des cas, quelle est l'influence des cas sur la loi / de la pratique, sur le droit.
C'est pour sortir purement du positivisme.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

= En raison de sa brièveté notamment, cette première description anthropologique du droit demeure


statique : elle donne de la société considérée une image arrêtée, une photographie en quelques sortes. →
/ ! / Or, le droit est loin de se réduire à un état, à une situation figée, mais participe bien d’avantage à l’idée
de processus, d’action, de projet (très exactement « pro-jet », « jeté devant ») en quoi réside d’ailleur le
ressort de la normativité : réguler les comportements pour l’avenir (« à-venir, analogue à « pro.jet ») c’est-
à-dire à partir du jour de l’entrée en vigueur de la loi.
➔ Si on fait une loi maintenant, c'est pour que dès le moment où la loi est adoptée, le
comportement change. Il y a donc une interdiction de la rétroactivité (le droit regarde en arrière).
Pourquoi ? Parce que le droit, dans sa normativité, doit regarder vers l'avenir - les normes sont
pour le sollen et non le sein : on fait des normes pour faire changer les comportements, et non
parce qu'ils sont déjà parfaits.
Il convient alors de compléter cette première description en tenant compte de la dimension prospective
(« qui regarde l’avenir, tourné vers l’avenir ») du droit : « Le droit est une réalité sociale. C’est une composante
des activités humaines marquées, comme toutes les activités humaines, par la culture et les formes d’organisation de
chaque société. Mais c’est une réalité singulière. Elle est tout ensemble le reflet d’une société |aspect statique|et le
projet d’agir sur elle|aspect dynamique|, une donnée de base de l’agencement social et un moyen de canaliser le
déroulement des relations entre les individus et les groupes. Le droit adhère ainsi intimement à l’état de la société
qu’il représente, mais s’il s’en distingue pour exercer sa mission d’organisation, sa tâche normative »
= dimension prospective d'Andrieu, anthropologue (pas d'Etat, de loi, etc.)
• "Droit éminemment marqué par la culture et l'organisation" = pas de droit universel (ibi societas ibi
ius)
• "Réalité singulière" = en quoi le droit se différence de l'éthique, la politique, l'économie
• "le reflet d'une société" = aspect statique, comme la photographie
• "et le projet d'agir sur elle" = "projet" = ce qui est jeté devant. On a du normatif - le but est donc de
changer l'avenir, on est dans le "sollen"
Si on ne veut que décrire la société, on est dans le "sein" = c'est le travail des sociologues. Le
législateur, lui, veut faire changer la société - c'est pour cela qu'il impose des sollen.
Donc le droit est à la fois statique (= donnée de base de l'agencement social), et normatif (= moyen
de canaliser le déroulement des relations entre les individus et les groupes).
Ex : sociologue - le droit est le meuble d'une société. Ex : les animaux - on voit la structure des animaux
(changement de l'agencement social - personne, animal, choses : même si les animaux ressemblent aux choses, il
y a une catégorie juridique proche)
• "Le droit adhère ainsi intimement à l'état de la société qu'il représente" - les juristes sont forcément un
peu conservateur, parce qu'ils sont en charge de la société.
• "Mais il s'en distingue pour exercer sa mission d'organisation, sa tâche normative" - lorsque le législateur
fait du droit, il est hors de la cité : il est capable de la critiquer pour la changer. "Le sollen veut
tirer le sein" -> on veut faire des règles pour changer la société telle qu'elle est : on change le sein
pour que le comportement change.
-> Positivisme : lui est très statique, il n'explique rien à la jurisprudence.
= Cette seconde définition anthropologique s’avère plus complexe et plus dynamique que la première en
ce qu’elle mêle la dimension de « valeurs fondamentales de telle société » et celle de « projet d’action sur
elle ». On dispose de la sorte d’une approximation plus raffinée de ce qu’est le droit / son essence.

Le droit : c'est définir les valeurs et les maintenir + le projet : le législateur doit s'adapter aux réalités et
les changer pour avoir des meilleurs citoyens.
-> Les auteurs mettent l'accent soit sur le sein, soit les sollen, soit sur le jeu entre les deux ( ex : pour le
sollen marche, il ne doit pas trop être éloigné du sein - si une loi est trop forte, alors elle ne serait pas appliquée =
c'est le problème de la commensurabilité)
Qu'est-ce qu'une bonne loi ? Ce n'est pas un texte clair que tout le monde comprend. -> Ce n'est
pas du tout le critère formel/ce n'est que l'apparence/la forme/matériel. L'essentiel d'une loi, c'est
qu'elle soit commensurable/adaptée - elle ne doit pas être trop éloignée de ce que pourrait faire les
humains. Si c'était le cas, alors elle ne serait pas intéressante normativement.
Qu'est-ce que le Juste, comment on le construit ? Est-il statique, dynamique ? Comment peut-il régir la
société ? Est-ce qu'on l'a dès le départ, ou comment l'obtient-on ?
= L’absence de définition rigoureuse du droit acceptée par l’ensemble des juristes constitue certainement
l’argument le plus percutant en faveur de la philosophie du droit : ne pouvait fixer une fois pour toutes ce

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

qu’est le droit, l’homme de loi comme l’honnête homme n’a d’autre choix que d’assumer des
approximations successives, multiples et variées de notions de « droit » et de « justice » et de tenter d’en
dégager les tendances lourdes, les caractéristiques principales.
La recherche de ce que signifie « droit » constitue précisément l’objet central de la philosophie du droit,
en particulier de son acceptation « jus » au sens de la détermination du juste et de l’injuste.

Aristote est un penseur bottom-up parce qu'il part des cas pour aller vers la loi = cela va bien avec le
droit suisse, qui est un droit très inductif (qui vient des cas, proches des comportements des citoyens)
-> Le droit est le plus commensurable à ses peuples (cantons/Confédération) :
• Le droit suisse est un droit de principes généraux, ce qui fait que l'on est obligé de passer par les
cas pour comprendre ce qu'il veut dire (=/= le droit allemand qui se veut précis)
• Il y a des procédures de consultation, des référendums et des initiatives dans la technique
juridique. -> En Suisse, grâce aux procédures de consultation, on sait ce que les milieux concernés
et le peuple en pensent. On a aussi un régime avec la droite et la gauche = on a donc des
compromis.
Par les avant-projets, après avoir connu les possibilités des citoyens dans une affaire donnée, on
rédige un texte, qui va être accepté par les chambres = cela permet des droits commensurables.
Aristote a la même méthode lorsqu'il fait la philosophie du droit : en allant vers de nombreux peuples,
il va regarder ce qu'est le Juste/le droit.
« L’Homme se distingue des animaux, enfermés dans leur instinct : seul parmi les animaux, l’homme a un langage
|lequel|existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste. Il n’y a en effet
qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception
du bien et du mal, du juste, de l’injuste et des autres « notions de ce genre ». Or avoir de telles notions en commun
c’est ce qui fait une famille et une cité »
• "Seul parmi les animaux" = c'est un animal parmi les autres, avec une âme rationnelle en plus. S'il
est fort - cela vient des dieux. C'est donc une fripouille, un petit animal amélioré parmi les autres.
/ ! / Différence = son rapport avec les autres.
• Langage : logos (pas pour les animaux) → plusieurs raisons pour soutenir un avis - on est dans la
rhétorique, l'argumentation.
• Parce que l'Homme a un langage, il peut choisir et distinguer le juste et l'injuste = le droit est donc
viscéral/intimement à l'homme (l'homme a un langage - le droit est un langage)
• L'Homme est différent de l'animal - parce qu'il cherche le bien et le mal ( ex : génocide vs un lion
tue une gazelle), le juste / l'injuste = avoir la même vision de cela, c'est être une famille/une cité.
Donc seuls les hommes sont des animaux politiques - on est des êtres vivants, qui, grâce au
langage (-> recherche du bien et du mal), créent une cité. C'est dans notre nature : on a le besoin
de la présence d'autrui pour cerner sa propre identité = on est nous-même par la présence d'autrui.
On est triste si on n'a pas créé une cité (ex : Facebook - pas besoin de cela pour vivre l'amitié, mais cela
montre que l'on est lié aux autres. Mieux de se voir en vrai : mais par contre, cela montre que les hommes
sont intrinsèquement reliés entre eux.)
La meilleure philosophie est celle qui prend en compte l'homme politique : les droits subjectifs,
l'individu que pour lui-même, est une vision fausse qui rend dépressif - droit purement
individualiste : on n'a du droit que pour soi-même, on n'est pas relié aux autres. (ex : pas de bien
commun possible, parce que l'on a que des droits individuels - difficile de faire un droit de l'environnement
sans droit commun)

Difficultés de l'Homme, intrinsèque, à cause de la réalité sociale de l'articulation du Juste / Injuste dans
une société - le droit doit prendre en compte, autant que faire se peut, des intérêts contradictoires. Il y a
autant d'intérêts divergents que de personnes : le législateur qui doit organiser une société doit faire un
compromis de tous ces intérêts- surtout aujourd'hui qu'on n'a plus une morale qui nous tient ensemble.
(Ex Balance des intérêts, la proportionnalité - exemple pour essayer d'articuler les intérêts en place). On doit aussi
regarder l'intérêt commun, celui de l'administration, de la société (ex : droit pénal), de l'Etat.
-> C'est tellement compliqué que le droit est complexe. Le droit est avant tout une affaire de
prudence et non de calcul.
Pourquoi la justice prédictive ne va jamais réussir dans le « bien/juste » ? - Si on donne le droit
aux machines, elles n'auront pas forcément raison, mais on se sera cachée derrière elle par
flemmardise.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Ex : intérêt commun - privé : un mariage célébré entre deux musulmans dans le 93. Après le mariage, l'époux
constate que sa femme n'est pas vierge. Il demande l'annulation du mariage - scandale en France. Le tribunal lui a
donné raison - tous les laïcs français se sont énervés parce qu'il y avait une islamisation de la société.
Il faut aller regarder le dossier : le droit ne s'est pas écrasée devant les besoins d'un Homme (ce qui serait
un problème : tout le monde s'écrase devant le besoin de chacun) - ils ont plaidé la tromperie. Une qualité
que l'Homme attendait de sa future épouse qu'elle soit vierge : il lui a demandé expressément qu'elle était
vierge, elle a dit oui - elle a menti. Donc le contrat est vicié, et il peut être annulé - on ne veut pas de contrat
déséquilibré : on ne veut pas de contrat contraire aux mœurs : on ne peut pas mentir pour se marier.
-> On ne doit pas penser qu'aux droits individuels : on doit penser à l'articulation de toute la société et
des individus (-> tous les juristes)
= La question du juste et de l’injuste se pose aussi bien lors de l’élaboration de la norme – point de vue
du législateur – que lors de son application – point de vue du juge. Elle se pose également à l’égard des
intérêts de la cité ou communauté politique et des intérêts de l’individu. Le droit doit articuler ces divers
perspectives et ces divers intérêts, ce qui en fait une branche des plus complexes, toute pénétrée d’esprit
qu’équilibre, de prudence disaient les anciens.

Chapitre 3. Un peu d’étymologie… et déjà de la philosophie.


Différence entre la robe de l'avocat et du pasteur ( ex : collerette blanche et robe noire) - les robes d'avocat
peuvent mettre de l'hermine (aussi robe rouge), sinon aucune autre différence = quasiment pas de
différence.
-> Qu'est-ce que cela dit ? Comme les grecs, égyptiens, romains : à la base des sociétés, on n'a pas de
différence entre les prêtres et les juges = entre les hommes de religion et de loi ( ex : rabbin est à la fois
prêtre et juge) = on est incapable de différencier le régime théologique et juridique.
-> On a toujours des origines téléologiques : punition, jugement dernier, Top down, commandements. -
> Etymologiquement, le droit et le sacré sont extrêmement reliés.
On ne regarde que le droit des humains, sachant qu'il a des notions religieuses dedans. On n'est
pas coupé du droit en faisant de la téléologie.
• Droit civil, par opposition au common law : le droit civil est romano-canonico germanique. Le
droit canon est donc la base de notre droit actuel. (une des matrices)
o Si on a des codes de procédure, c'est par le droit canon - c'est par l'Inquisition = code de
torture (on avait des règles très précises, sur qui on torture, comment, dans quelle situation,
à quel degré). -> "Maxime inquisitoire"
o C'est par là qu'on est passé du Codex au corpus
• Codex : juste compilation - pas d'organisation des textes
• Décrétales : première organisation du droit -> cela mène aux Codes prussiens et
Napoléon.
= La plupart des cultures disposent aux origines du droit une ou des divinités. Les fonctions de prêtre et
de juriste furent longtemps confondues.
On ne va s’intéresser qu’au droit humain, au droit quand il tombe sous la maitrise des hommes.

Le but du droit, de l'Egypte à aujourd'hui, était d'opérer des partages (ex : des terrains, des pouvoirs) = le
droit tranche, organise le monde social à travers des catégories = "decisere" en latin qui veut dire
trancher. Le législateur tranche le réel pour faire des catégories, et le juge tranche dans le différent pour
trouver une solution.
• Egypte : le droit est éminemment inductif - conception moderne de penser que le droit tombe de
la volonté du législateur. → Le droit est confronté aux réalités pratiques : cela part donc des
réalités pratiques pour qu'il soit commensurable.
Réalité pratique ? Les crues du Nil : cela recouvrait tout le delta - on était désormais dans un
monde qui était homogène = on ne reconnaissait plus les terrains des uns et des autres sous le
limon (la propriété)
= confusion : tout est fusionné ensemble. On est devant un immense problème juridique : avant la
crue, on avait des terrains répartis entre les paysans, et chaque année, avec les crues, les propriétés
disparaissent (tout est nivelé)
Les pharaons envoient des scribs (= harpédonaptes, des arpenteurs = des géomètres civils) sur le
terrain. Ils vont faire de grands exercices de trigonométrie pour redessiner toutes les terres - ils

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

vont les partager entre les paysans pour qu'ils recommencent la production. Une fois que les
paysans ont les terres, ils peuvent recommencer la production.
Le partage est ici aussi matériel. = mesurer : le ius, c'est la mesure, et si possible la bonne.
"Justesse/Justice" ont la même origine = la bonne mesure. C'est autant la bonne mesure technique (sur
le terrain) que morale (les bons comportements) -> si je distribue bien, j'aurais une bonne société -> pas
d'opposition matérialité et psychologique = cela va ensemble.
Cela montre la fusion, à la base des sociétés, de la science et du droit. On a un géomètre qui fait des
calculs scientifiques - cela a une portée juridique, parce que l'on redéfinit des propriétés. Cela permet
une troisième portée : cela relance l'activité économique -> cela montre la force du droit et son lien avec
les autres activités humaines. Le droit est donc un art concret, fondamentalement lié aux autres activités
humaines.
Chaque année, on recommence l'entier du droit de propriété, par la science, pour relancer l'économie.
= La naissance du droit dans la vie politique concrète de la civilisation égyptienne s’opère de manière
pragmatique : après chaque crue du Nil, les arpenteurs reprennent leur travail de mesure, de délimitation
des terres rendues au ciel dans un très grand désordre après le retrait des eaux. Cette redistribution, ce
partage, qui relance la vie économique en désignant les propriétaires ou possesseurs des terrains fertilisé
constitue l’un des gestes inauguraux du droit . « Les Egyptiens (…) avaient pris pour juges de leurs contentieux
de bornage ceux qui savaient obtenir les superficies par des opérations sur les longueurs, par le cordon, l’unité, la
mesure, l’écriture et le prestige : voilà les harpédonaptes, les premiers des géomètres. » Le droit a toujours affaire
à des partages, des délimitations, des distributions.

• Les grecs : tout commence avec le mot "dikaion" -> Dike = le dieu de la justice.
Dikaion = droit. C'est un mot intéressant, parce qu'il est au neutre, comme si le droit était neutre
= c'est la conception grecque. Le droit est neutre parce qu'il est objectif- des romains aux
médiévaux, il n'y avait pas de droit subjectif (cela n'existe pas). C'est une création chrétienne (entre
d'Acquin, Scott et Occam = en téléologie, on a la naissance des droits subjectifs -> mis en œuvre
par les codifications allemandes -> ex : droits de l'Homme, qui naissent à Saint-Augustin, dont on a plus
besoin à la fin de la WW2)
C'est un neutre = le droit n'est pas le petit carré de chacun, mais ce qu'il y a entre les humains. Le
droit ne peut être alors qu'une relation = il est relation à autrui. C'est la raison pour laquelle il n'y
a pas de droits subjectifs : (droits subjectifs = cela existe indépendamment des autres : rien que parce que
l'on est humain, on a ses droits -> ex : Robinson a tous les droits subjectifs seul sur son lit - pas besoin des
autres pour avoir les droits.)
Avant : le droit n'est porteur que s'il y a quelqu'un d'autre = le droit est éminemment relationnel.
Explique problème actuel avec le droit de l'environnement : il faut la relation entre les hommes et
les hommes et la nature.
Le droit grec essaie surtout de traduire ce qui est déjà = "ethos" : on regarde les mœurs, les
coutumes, les pratiques, les usages telles qu'elles sont déjà. Le droit essaie de saisir ce qui
est déjà. Le droit essaie d'être descriptif, et peu perspectif. Le droit montre le terrain : le
droit est enseigné dans des écoles de rhétorique. -> Le droit n'est un art que de la bonne
argumentation devant le peuple : parce que l'on est dans une démocratie au sens grec du
terme = toutes les décisions, politiques ou juridiques, sont pris par les citoyens = c'est
toujours des discours devant des personnes importantes (ex : Socrate - 200 juges)
Citoyens = les personnes libres (10% de la population) - c'est comme de la politique - les
rhéteurs doivent convaincre le public.
C'est très pragmatique, casuistique : on part des cas, avec des rhéteurs/des juristes, pour
former la loi. C'est un droit très populaire, mené par le judiciaire = ce qui est important, c'est
le judiciaire et les plaidoiries.
Ex : pour être sûr que le droit est objectif - on appelle le législateur d'une autre cité pour faire la loi
(ex : pas de corruption)
Cela ne fonctionne que pour des sociétés petites et inégalitaires = on ne doit donc pas
comparer la démocratie grecque à la notre. De notre point de vue, de ce qu'est la démocratie
aujourd'hui, la démocratie grecque n'est pas une démocratie ( ex : les hommes seuls votent,
esclavage)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Le mot est la prudence : parce que l'on doit convaincre. Il est proche du peuple vu qu'il est tiré des
cas et doit être commensurable. On a donc un droit qui est proche des mœurs.
On n'a pas de grande théorie, de codes complets - comme les romains.
= Le terme de « droit » en grec, dikaion, provient de dikè qui signifie usage, manière d’être. Cette vision
descriptive se prolonge dans les significations plus professionnelles de procès, poursuite, châtiment, justice
humaine. Ces éléments ressortissent non pas à un système juridique bénéficiant d’une certaine autonomie
par rapport à d’autres domaines du politique, mais à la rhétorique. Il s’agissait en effet de plaider devant
des assembles de citoyens non formés au droit. Ce caractère populaire de la justice grecque (Dike)
explique l’importance déterminante de l’art de convaincre (ou rhétorique). Le judiciaire, ici prégnant, ne
consacre toutefois aucunement des droits subjectifs, droits liés à l’individu comme tel, indépendamment
de toute appartenance à un groupe, à une cité. La vertu de prudence vient souligner l’orientation objective
que le droit reçoit dans la civilisation grecque.

• Rome : comme toute fondation des sociétés, cela commence par un meurtre. Ius = aire (territoire)
à l'intérieur de laquelle le pater familias est le maitre = c'est le chef de la gens (gens, droit
patricien). Il y en a peu, à la base, celle de Romulus et de Rémus seulement.
Le droit (ius) = désigne cet air où le pater familias a tous les pouvoirs = ils ont leur air juridique
d'action. Les autres paters familias ont d'autres airs où ils exercent leurs pouvoirs.
La naissance de Rome va débuter par la confrontation des deux airs : celle de Romulus et de
Rémus. Les mythes sont intelligents : si on rapproche les hommes, la jalousie et la colère naissent.
Entre les deux airs, il y a une zone où les hommes n'ont pas le droit d'aller, sauf s'ils sont invités
par les dieux. C'est sacré. Mais Rémus est curieux : il veut voir ce que fait Romulus et lui piquer
sa terre et ses femmes. Il souille alors le sacré, parce qu'il passe dans la zone sans y être autorisé
- il a pollué (-> montre problèmes de l'écologie : on a tellement désacralisé (une forme de
transcendance) la Terre qu'on l'a polluée)
Rémus, être profane, a provoqué les dieux en traversant le sacré (polluer) = le profane qui entre
dans le sacré souille le sacré. Donc Romulus doit punir Rémus : il va donc devoir le tuer. Il prend
le sang de Rémus, qui est le sien vu que c'est son frère, et le met au 4 coins du territoire pour
consacrer Rome.
Il y avait deux sphères juridiques compétentes, et c'est l'articulation qui a posé problème : le
problème entre la religion et le droit, en sachant qu'à la base le prêtre était le juriste.
Ex : pire torture au Moyen-Âge : on l'écorche vif. C'est seulement pour les juges qui trahissent leur mission
- le pouvoir de rendre la justice venait de dieu (conféré par Dieu au juge). Le juge qui ne remplit pas sa
charge a commis le pire des crimes.
Le droit est une question de répartition et de partage : partage entre les airs, contestation des règles de
partage, des charges, des privilèges entre Romulus et Rémus. Le droit sert donc à délimiter → la
délimitation/les mesures concrètes = on distribue des charges, des privilèges, des sanctions (ex : donner
le chômage quand etc.) On s'occupe d'organiser la cité = problème du droit -> vision inductive : bottom-
up. On regarde le réel pour créer des règles : c'est n'est pas inductif, le droit ne tombe pas. On part des
cas, et on crée des règles / des principes généraux (ex : Corpus iuris civilis - ce sont les cas qui font le droit.
On a fait pleins de cas pour créer des principes généraux que l'on a regroupé )
-> Qu'est-ce qui fait aujourd'hui le droit surtout ? La loi : l'application de la loi. Quand on pense au
droit, on pense d'abord loi -> ce n'est pas le cas du droit romain où il y avait peu de lois. On voit à quel
point nous n'avons pas une vision pragmatique - on a une notion top-down : on part de la loi pour
l'appliquer sur les faits. Tandis que les romains partent des faits pour faire le droit. Nous sommes des
idéalistes, les romains sont des réalistes.
-> Montre pourquoi, dans le positivisme juridique, on ne se demande pas comment on fait la loi = parce
que le cœur c'est d'avoir le résultat (et pas comment on arrive au résultat). -> La présentation du droit et
non son effectuation (en réalité, on part de ce qu'on veut et on doit le justifier en droit)
Pragmata = le droit est pragmatique dans le sens qu'il part des réalités concrète/le terrain.
= Avec la civilisation romaine, le droit deviendra une construction élaborée par des spécialistes. En latin,
jus (juste, droit) semble signifier, dans ses origines romaines, une aire, une zone d’action ou de prétention
propre à un groupe ou à un individu. La notion de partage, de répartition apparaît intrinsèquement liée
(consubstantielle en termes philosophiques) à celle de droit. Le propre du droit est donc d’opérer des
partages d’une manière stable, définitive pour une société donnée.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Lié à des mesures et à des délimitations concrètes, le droit reçoit un tour objectif : des masses de
biens, des terres, sont à répartir ; des usages, des manières d’être se constatent. Ces deux représentation
du droit consacrent une démarche inductive ou bottom-up : le droit s’élabore et se dit (« juris-dictio ») à
partir des réalités concrètes, des pragma-pragmata (en grec). Il s’agit d’un droit résolument pragmatique.

Tout à coup, à Rome, par arrogance, on va complètement inverser le mode de créer et de penser
le droit. Au lieu d'avoir un droit inductif/très casuistique, intellectuellement, on va dire que le droit
opère de manière top down (même si au fond il reste casuistique) = "Justicia" (dame justice). Les
romains, lorsqu'ils sont devenus les plus puissants au monde, ont décidé qu'il fallait que le droit
ne vienne pas du peuple - il fallait quelque chose de plus grandiose. Ils ont donc créé la déesse de
la justice qui donne aux hommes le droit - le but étant de pouvoir l'imposer. On pense qu'il y a
une déesse justice qui octroie aussi aux humains la qualité de justice - conceptuellement le droit
inductif devient déductif, même si la pratique a peu changé. De plus, on se trouve devant une
déesse, donc on se trouve face à des questions de vertu - les déesses représentent des vertu, Justicia
la justice.
On a donc une vertu où se développe le droit. Vertu -> moral : le droit devient moral. (avant, le
droit c'était objectif : descriptif). Le droit rentre ainsi dans l'homme et devient de plus en plus
subjectif, et non objectif. -> Subjectif vient du latin "subjectum" = le sujet. Donc, le droit qui était
dans la relation entre les citoyens commence à migrer pour se retrouver à l'intérieur même du
sujet.
-> Cela commence donc à Rome : ensuite, avec Augustin, d'Acquin, Scott, Occam - on aura les
caractéristiques des droits subjectifs modernes. Le droit ne sera plus dans la relation à autrui : ce
sera des qualités que l'on a uniquement à l'intérieur de l'individu = "droit à", même si on est tout
seul sur notre ile. On a le droit en nous-même, on perd le droit en relation.
On passe d'un droit plutôt objectif/mesure, à un droit qui devient subjectif/caractéristique propre de
l'individu. -> Preuve : comment on donne des droits à la nature quand on ne peut en donner qu'aux
individus en tant que personnes humaines (pas de droit aux animaux, les plantes, les montagnes) ex :
droit animalier difficile aujourd'hui
Droit à l'intérieur de la personne, pouvoir d'agir = le droit est donc surtout de la puissance, de la potestas
"j'ai le droit de, le pouvoir de" -> cela s'oppose profondément à la mesure.
Ex : avortement - question d'être pour ou contre (morale/religion), pas prenant. Juridique : le droit absolu de la
femme à jouir de son corps, et le droit absolu de l'enfant à vivre = les deux droits absolus se confrontent. Quand
fait-on lorsque deux droits absolus se confrontent ? = une aporie (a-poros) : qui n'a pas de chemin pour s'en
sortir/sans issue. = c'est un dilemme (50%/50%). On peut aussi bien soutenir que la femme, comme l'enfant, qui
doit triompher au niveau juridique -> quand deux droits sont absolus, ils sont au même niveau, et ils se confrontent.
Il n'y a donc pas de solution juridique.
D'un point de vue juridique : si on choisit la femme, ou l'enfant, la solution sera arbitraire (même tiré au
sort) = on aura des arguments des deux côtés de la balance. Les procès intéressants/durs seront ceux avec
un dilemme.
Ex : 2 homosexuels à Saint Gall - ils ont un enfant d'une mère porteuse. Aporie : bien de l'enfant vs violation
claire du droit = on ne peut pas légitimer une violation du droit (ex : on devrait renvoyer l'enfant chez la
vraie mère) -> ici, solution : on a trouvé le père avec un lien génétique.
Si pas de lien génétique ? Choix entre le bien de l'enfant et le bien de la cité - c'est un dilemme, un choix,
qui ne s'impose pas comme cela. (ex : Afrique - on préfère les vieux aux jeunes. Europe : on préfère les
jeunes aux vieux = le droit c'est de l'anthropologie. La technique juridique n'est qu'un moyen du droit, la
pointe apparente, mais pas une fin)
Les Anciens, pourtant, retournèrent cette filiation, faisant provenir jus de justizia, à l’effet d’imprimer au
droit une coloration morale : l’accent du droit se déplace de l’ordre de l’avoir (partage, distribution) vers
l’ordre de l’être (l’homme juste, être juste), de l’objectif vers le subjectif. Son accent se portera de moins
en moins sur les tâches, les devoirs, les biens, les partages, les usages et de plus en plus sur les qualités ou
propriétés attachées à la personne humaine et plus tard encore à l’individu : en bref, au sujet (subject)

• La civilisation moderne : on pense avoir un droit très apaisé, mais il n'a pas l'air plus que le droit
romain/du Moyen-âge. C'est un droit très violent philosophiquement, même caché derrière la
démocratie. C'est un droit subjectif très fort.
Le droit est orienté vers le sujet (subjectum). On va internaliser le droit, qui n'est plus dans la relation,
mais dans la personne. Le droit est rattaché à la nature humaine et non plus la cité = avant, le droit était

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

relié à la politique/la cité (uomo politikum). -> Cette situation existe aujourd'hui avec les droits de
l'homme : ils sont indépendants de l'appartenance à l'apatridie, la culture, la religion, la cité. On les a
juste parce que l'on est un homme.
Les droits des citoyens viennent après : on est d'abord une personne humaine, ensuite des citoyens.
o Les droits fondamentaux sont avant les droits politiques dans la Cst.
o "Droits fondamentaux, citoyenneté"
o On reconstruit tous les droits fondamentaux sur la base de la dignité humaine = construction
des droits fondamentaux sur la base d'une matrice = la dignité humaine.
On construit tous les droits fondamentaux sur une notion non définie. -> On part vraiment
de l'individu pour construire d'abord les droits fondamentaux, puis les droits du citoyen.
C'est l'inverse à Rome : on partait du citoyen et alors on avait des droits = on a un rapport complètement
inversé : le droit n'est plus construit sur la cité, mais sur l'individu avec au centre la dignité humaine.
On n'a donc plus de commun : on n'a que des individus juxtaposés avec la dignité humaine - on n'a plus
de bien commun naturel = si on a un bien commun, on l'a négocié (ex : droit des contrats) = c'est pour cela
qu'on considère les contrats comme le plus important en droit des obligations. Parce que comme on a
des individus, et qu'il faut qu'ils agissent ensemble, il faut qu'ils fassent un contrat.
On construit même la société par des contrats = contrat social. -> Ce n'est pas avec la technique juridique
d'aujourd'hui que l'on peut sauver les hommes sur la planète. On a un obstacle interne au droit qui nous
empêche de penser autrement = un obstacle technique.
Ex : arbitraire - dilemme contre dilemme. Si on a deux droits subjectifs qui s'affrontent, c'est au tribunal de trancher.
Le droit est un art et pas une science.
• Problème de la dignité humaine : on est dans une conception complètement morale du droit. On
n'a rien de plus moral que la dignité : la dignité humaine essaie en effet de traduire de la valeur de
la personne. Si on parle de la valeur, on est dans le domaine de la morale. Ce n'est pas un problème
en soi d'être dans la morale avec le droit - le problème c'est qu'on croit que l'on a séparé le droit
de la morale (preuve : révolution française - on voulait couper la morale du droit/ la religion du
droit - la morale, c'est chez soi). C'est incohérent par rapport à la notion de droits subjectifs : s'ils
naissent sur la base de la dignité humaine, qui est fondamentalement morale, ils sont moraux.
Ex : le lancer de nains, c'est permis ou pas ? Pas de réponse juridique - réponse morale. Ex 2 : tout le monde
doit reconnaitre le mariage homosexuel - moral.
Le droit passe donc son temps à faire de la morale - spécialement lorsque l'on a un droit inductif,
mais aussi avec un droit déductif fondé sur la dignité humaine.
• Comme on ne supporte pas l'idée d'être moraux, parce que l'on est laic, on dit que le critère
d'application du droit doit être complètement indépendant de la valeur morale (critère pour dire
que c'est ok du point de vue du droit, sans regarder la morale) : comment on relie la catégorie
juridique trouvée et le cas ? Ex : ECOS en droit pénal - est-ce que mes éléments se retrouvent dans le cas
? Si oui, ok. Si non, cela ne va pas = on utilise le critère de la conformité (ex : les faits du cas doivent
être conformes aux conditions. Ex 2 : loi conforme à la constitution, plan d'affectation à la loi)
Conformité : forme s'oppose au fond = le matériel/le contenu. -> Permet de comprendre les Nazis
: ex : il est légal de gazer des juifs : parce que le seul critère du positivisme juridique, c'est la conformité de
l'acte à la loi. On s'en fiche du contenu : si la loi prévoit les 5 conditions et que le cas y répond, application
directe de la loi. -> ex : les juges appliquaient la loi (positivisme juridique qui ne se pose que la question
de la conformité, et pas du contenu) faites légalement, avec les pouvoir octroyés à Adolph Hilter.
C'est pour cela qu'on a fait les droits de l'homme - parce que l'on a poussé à l'extrême la vision
formaliste du droit, on a dû réintroduire des droits "naturels" pour l'homme, des considérations de
contenu. = opposition entre droit naturel et positif (mais en réalité nuancé)

Semaine 4
Rappel : étymologie rappelle fonction permanente du droit - et comme philosophie sert ce qui est permanent dans
un domaine donné - on recherche le droit.
On a vu que le droit avait pour but d'opérer des partages : on délimite puis on partage des droits, des obligations,
des biens.
Aujourd'hui, on fait toujours des partages, mais on le pense différemment.
Droits subjectifs : les droits subjectifs émanent des personnes. Il faudra arbitrer les droits qui s'affrontent "ma
liberté s'arrête là où commence celle des autres" -> ce qui compte pour nous, c'est le triomphe de l'individu : battre
l'adversaire (=/= auparavant : c'était l'harmonie du groupe social le but)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Les modernes :
o pour la même fonction, comment on la pense ? Avec la théorie des droits subjectifs, et son avatar
dans les droits de l'homme, on rattache les droits à la personne même. (Art 7 Cst - dignité humaine :
c'est à partir de la personne que commencent les droits des individus). Le droit n'est donc plus dans
les relations dans les partis politiques.
On perd la notion de l'homme en zoon politkum : on perd alors une notion sociale. -> Le commun
est construit (=/= avant : le commun est un ordre - on est fait pour vivre dans une communauté, on
doit avoir cela pour se réaliser. Aujourd'hui : chaque individu vit et choisit son type de vie). -> On
construit l'ordre juridique à partir de l'individu.
• Reconstruction des droits de l'Homme à partir de la dignité humaine (qui n'était pas dans la
DH; et la première CEDH, juste dans le préambule)
On commence la constitution avec une personne comme individu et ensuite on construit l'ordre
juridique - quintessence de l'individualisme -> problème notamment avec les droits qui ont
besoin d'un intérêt commun.
• Il y a très vite un défaut : si on construit le droit sur la dignité humaine, on n'arrive pas à
séparer la morale du droit. Alors que le but du droit moderne était justement de séparer cela =
projet révolutionnaire. (la morale pour la sphère privée, le droit pour la sphère public -> faites
ce que vous voulez dans la sphère privée, mais dans la sphère public, tout est régi par le droit
= donc le droit pourrait ne pas être moral)
On est exactement la position inverse : on refonde tout le droit sur un concept purement moral
= la dignité humaine. Pourquoi ? On ne peut pas séparer le droit de la morale : le droit est une
affaire d'axiologie = de choix de valeurs.
Ex : pas de mariage homosexuel en Suisse, interdiction des mères porteuses, interdiction de
l'adoption par les gens pauvres (il faut un niveau moyen de vie que les ouvriers ne peuvent pas
avoir), aucune politique familiale en Suisse (un couple marié paie plus d'impôts qu'un couple
concubin = pénalisé) = axiologie.
Le droit ne peut pas se dérouler sans valeur.
• Depuis la WW2, on sait que l'on ne peut priver le droit de valeurs. Si on est arrivé à des
catastrophes juridiques pendant la WW2, c'est qu'on a appliqué le droit simplement selon le
critère de la conformité. Les dignitaires nazis disaient qu'ils obéissaient à la loi, qui avait été
régulièrement adoptée (même si procédure spéciale - le Fürher avait les pleins pouvoirs). Le
comportement était conforme à la loi = les juristes ont appliqué la loi. Ce n'était pas au juge
d'opérer des choix de valeurs sur ce qui a été fait par le législateur.
/ ! / Ils ont quand même été condamné (à mort) ? On a construit une responsabilité
juridique alors qu'ils ont parfaitement respecté le critère de la conformité, celui qui
était la base du positivisme. On a cherché du droit naturel, pour créer le crime contre
l'humanité : on a dit qu'en plus du droit positif allemand, on devait respecter le droit
naturel.
-> On a donc compris que l'on ne pouvait pas se passer d'un corpus du droit qui
viennent juger la légitimité du droit positif. (ex : DH, CEDH) - Un Etat ne peut pas être
considéré comme un Etat de droit s'il n'a pas d'abord assuré au dessus du droit positif
des droits fondamentaux, sur lesquels les Etats ne peuvent pas revenir.
Ex : Kosovo entre dans l'Europe à la condition qu'ils inscrivent dans leur Constitution tout le
catalogue des droits de l'homme. Ce n'est pas dans leur tradition (ex : Suisse - ils n'étaient pas
dans la Cst, c'était de la coutume.)
Pourquoi ? Il faut protéger l'individu contre le pur critère de la conformité, qui est
pourtant le centre de la théorie du positivisme juridique (ex : Brésil, communisme,
socialisme). C'est une grande menace pour les juristes : il faut résister à cela - il faut
avoir la force de ne pas appliquer la loi pour le bien commun, même si cela n'existe
pas.
• Notion d'Etat de droit : l'Etat doit consacrer les droits fondamentaux, et l'Etat doit
respecter les droits - le droit est au-dessus de la loi. / ! / C'est du droit naturel, parce
que selon le positivisme, l'Etat fait le droit, le détient, donc est dessus. -> On a des
valeurs substantielles à la base même du droit.
-> Les juges ne sont donc pas objectifs : ils font des jugements de valeurs = subjectifs.
Il ne faut juste pas qu'il soit arbitraire. -> Objectivité impossible au droit.
-> Cela devrait permettre de ne plus avoir les horreurs du nazisme et du socialisme : les juges
doivent désormais résister par les lois scélérates. (droits de l'homme, Etat de droit)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Cette « subjectivisation » du phénomène juridique se renforcera encore dans la concpetion moderne du


droit, laquelle hypertrophie, surdétermine, les droits dits « subjectifs », grosso modo les droits en tant qu’ils
sont liés à la personne, voire à la nature humaine et non plus à la cité, à l’appartenance « politique » (de
polis, la cité en grec). Le rôle central joué par les droits de l’homme dans l’appréhension contemporaine
du phénomène « droit » le confirme, au point que des tentatives naissent, ici ou là, de reconstruire
l’ensemble de l’ordre juridique à partir des seules libertés fondamentales. → L’accentuation de la
dimension subjective du phénomène juridique rend difficile la distinction entre morale et droit, distinction
sur laquelle prend appui l’esprit moderne appliqué à la philosophie pratique.
On a connu, il est vrai, des philosophies du droit formelles voir formalistes : elles réduisent le
phénomène juridique aux actes pris en « conformité » avec les formes fixées dans la Constitution où les
procédure arrêtés dans quelque Loi fondamentale, sans prendre en considération le contenu de ces
normes : le respect des formes prévues ou conformité suffisait à en assurer la légalité, la validité et même
la légitimité.
/ ! / Les philosophies du droit élaborées par des juristes ne se permettent plus guère d’évacuer les
considérations du contenu des normes, c’est-à-dire les valeurs que consacrent telle ou telle norme
juridique. C’est la dimension « axiologique » (qui concerne les valeurs ou la théorie des valeurs) du
phénomène juridique : en termes moins techniques, sa dimension morale. → Les valeurs occupent
aujourd’hui le cœur du droit, ce depuis la Shoah au moins. On adopta en effet, en réaction du « droit »
national-socialiste et aux funestes actions qu’il légitimait par le fait qu’elles étaient conformes aux
procédures requises, la Déclaration universelle des droits de l’Homme, adoptée dans le cadre onusien
par les peuples de la Terre. → Cette déclaration affirme explicitement une série de valeurs c’est-à-dire des
contenus juridiques matériels (vs formels) que l’on estime indispensable de voir consacrer par tout système
ordonné qui prétend constituer un ordre juridique. Cet apport irremplaçable de la Modernité, désigné
par l’expression « Etat de droit », équivaut à l’affirmation d’un modèle donc un « devoir-être » ou sollen
soit une position morale. Là se trouve la raison pour laquelle on qualifie parfois les droits de l’homme de
droit naturel. / ! / Si cette qualification demeure fort problématique, elle n’en témoigne pas moins d’un
enracinement moral du droit contemporain. La dignité de la personne ne constitue-t-elle pas la valeur
cardinale du droit contemporain occidental ? Cette notion éminemment morale, axiologique de la dignité
de la personne ne se dit-elle pas dans le langage courant « valeur de la personne » ? Le droit de
l’environnement par exemple, sans prendre aussi directement en compte le pôle « subjectivité » du droit,
consacre à son tour la dimension morale du phénomène juridique à travers le principe de précaution et
le développement durable notamment. On parle ouvertement, à ce sujet, d’ « éthique de précaution »
appelée à un développement rapide que le droit devra assumer dan sa propre sphère de compétence.

• Le droit est lié à la notion d'autorité, plus que jamais. C'est à cause de la notion d'Etat
(en droit romain, on avait les notions de famille. Puis, un peu centralisé, mais reste
très décentralisé. L'empire ressemblera à une sorte d'Etat = l'autorité est donc assez
peu présente). C'est chez nous, qui nous croyons libres, que l'autorité a un lien
inévitable avec le droit. (le droit est obligatoirement lié à l'Etat)
Domaine qui relève assez peu de l'Etat ? Normalement l'arbitrage - on n’a
normalement pas besoin de l'Etat. L'Etat n'est utile que si on ne peut pas faire exécuter
la sanction arbitrale.
Sinon, l'Etat est omniprésent : par notre droit, nous sommes complètement soumis à
l'Etat. (même si droit librement consenti)
L'idée d'autorité est assez rude : Etat potestas = l'Etat du pouvoir = l'Etat impose ses
décisions au peuple. -> Plus puissant que les individus, il les contraint à avoir des
comportements (cf. Le Léviathan et Hobbes, même si plus bienveillant). En Suisse,
on ne peut que de temps en temps faire des référendums = sinon, l'Etat impose / la
puissance.
Top down : en haut, on a l'Etat, en bas, on a des subordonnés (ils sont assujettis : ils
sont ordonnés dessous, ils sont sujets). Sujets : cela veut dire deux choses :
➢ on est sujet de droit, donc on a des pouvoirs d'actions dans la sphère juridique.
➢ Par contre, on est assujetti à la notion du droit, et du pouvoir
→ l'individu est maitre du jeu et sujet du jeu (cf. droit privé/droit public) =
pourvu que le jeu soit équilibré.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Pour les non juristes, il y a une crainte du droit, et du juge. On a une idée de la
présence de l'Etat et de l'autorité forte = cela vient de l'idée ancienne que la parole
du juge, comme le prêtre, donnait la parole sociale (Juris dictio) = la parole du juge
est encore un moment symbolique et effrayant. Quand le juge décide quelque chose,
notre destin est complètement déterminé = il y a encore un pouvoir énorme du juge
sur la réalité sociale.
Ex : Uber - dépendant de comment le juge déclare les "employés" (comme indépendant ou
travailleur) cela peut avoir d'énormes conséquences = on renverse les réalités sociales,
notamment par le biais des assurances sociales.
. → Les juges ont donc un grand pouvoir, que l'on espère autorisé.
Comme Bourdieu le dit (extrême gauche : le droit n'est fait que par des gens de droit
qui veulent écraser la veuve et l'orphelin avec un pouvoir et des termes trop
compliqués ) « Le droit le plus rigoureusement rationnalisé n’est jamais qu’un acte
de magie sociale qui réussit » = les juristes ne sont des magiciens. Mais au fond c'est
vrai - on peut changer les réalités sociales.
L’une des caractéristiques fondamentale et permanente du droit : son lien intime, intrinsèque même, avec
l’autorité. → Le renversement de l’étymologie à la suite duquel jus se voit tiré de justitia, droit de justice,
a sans doute partie liée avec la notion d’ « autorité »
Dans ce conteste, l’autorité s’entend de qui occupe une position hiérarchique supérieure et qui, de ce fait,
peut imposer ses vues à ses subordonnées (sub-ordonnés, c’est-à-dire ordonnés sous le supérieur) → A
cette supériorité de position se trouvent mêlés crainte et respect face à la mission de dire le droit (juris-
dictio), laquelle revêtait dans les premiers temps de la civilisation toutes les marques du culte. L’acte de
parole du prêtre-juriste crée carrément le social : il institue le juste du simple fait que ce juste a été
prononcé par une personne autorisée, c’est-à-dire une personne investie d’un pouvoir considéré à
l’époque comme magique.

o Pensée du droit actuel : elle est liée à la notion de "puissance de", "pouvoir de" (de l'Etat).
Les modernes vont prendre une autre étymologie pour construire la notion de droit (ius). Ils
vont respecter la notion de ius en tant qu'héritier du droit romain / ! / Mais ils vont dire que
cela vient de jussum - dont la principale signification est le commandement
(ordre/décret/loi). Cela vient de ius abeo = décréter. Le droit se décrète donc avant tout.
Le droit est donc le fruit de (le droit ne se constate pas, ne s'observe pas, ne nait pas
de manière spontanée) la volonté du législateur (la source du droit) = positivisme.
Preuve : méthode d'interprétation - recherche de la volonté du législateur. C'est la
volonté du législateur qui donne les ordres auxquels les personnes doivent obéir. On
doit obéir à la volonté du législateur (preuve : police, armée) (commandement,
directum = diriger, donner la direction. On y voit aussi rex = c'est le roi qui donne la
direction. Le roi y distingue le sacré du profane. Dux = duc - un duc, c'est celui qui
est en dessous du roi, qui donne la direction = on donne la direction en dehors d'eux-
mêmes. Ex : éduquer - diriger les jeunes en dehors de leur ignorance pour la connaissance
Regula = règles, régularité. Commandement = clef de voute : le droit posé ou accepté
par le législateur est muni de sanctions. Les sanctions viennent punir si on ne respecte
pas le droit (ex : COP 21 - on peut le considérer comme du non droit en tant que positiviste.
Droit international public : pour un positivisme, c'est du non droit. Mais au fond, cela a un
pouvoir = c'est un droit qui se déploie autrement, avec moins de force et pas selon les
mêmes modalités)
Si des règles ne donnent pas lieu à contrainte, quid de ce qu'est le soft law, alors que cela
devient très important ? (il n'y a pas de tribunal ni de sanction en cas d'irrespect). On devrait
le considérer pas comme du droit - cependant, les acteurs juridiques sur place le respectent. (-
> Donc le droit existe sans sanction)
Les Modernes, eux, choisiront une autre filiation pour jus, là encore pour servir d’autres intérêts que ceux
de l’étymologie. → Pour un esprit contemporain, qui dit autorité dit commandement – cette équivalence
ou équation est une marque de la modernité et non un donné qui s’impose à l’esprit - selon une
éthymologie basée sur jussum (=ce qui est commandé) et sur directum dont on retrouve la racine dans
regere (gouverner), regnum (le règne), rex (le roi), et regula (la règle) → Cette filiation souligne encore
plus nettement le lien entre droit et autorité, autorité réduite à un pouvoir, en l’occurrence pouvoir d’un

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

supérieur de commander et de contrainte (/ ! / Le pouvoir est aussi le pouvoir sur soi, qui est la définition
même de liberté pour les modernes : l’ « auto-nomie », littéralement être à soi-même la norme, le nomos
(en grec, coutume, convention, loi, institution)

On est donc passer :


• d'une conception qui était objective du droit (dans la relation à autrui, et non dans la personne
o + ars iuris (plutôt modeste = c'est un art seulement, une affaire d'artisan, artiste).
• La vision moderne du droit est subjective (le droit dépend du sujet, à l'intérieur de chacun, et
non dans la relation à autrui
o -> donne naissance à la Rechtswissenchaft : vision subjective qui tente d'être
scientifique / ! / Cela n'a aucun sens - parce que la science essaie d'être objective)
➔ Le positivisme est incohérent, et idéaliste (ne représente pas la pratique)
= L’esprit du droit a donc profondément évolué, passant d’une conception plutôt objective (ars juris, l’art
du droit procédant pour l’essentiel d’usages, de pratiques, à la manière de l’artisan) de la répartition (des
biens et des charges) à une conception subjective, expression de la volonté du souverain, de son pouvoir
(potestas), c’est-à-dire d’une puissance (potestas) publique qui commande.

CHAPITRE 4. DÉFINITION PROVISOIRE DU DROIT (HYPOTHÈSE DE TRAVAIL )


Définition du droit à travers les âges = les anthropologues. → + L’étymologie permet de découvrir une
nouvelle définition du droit.
Ici, la définition du droit pour un positiviste de civil law : "ensemble des règles de conduite (=
commandements) édictées ou acceptées par l'autorité publique (= volonté du législateur / commandements
pas décrétés, mais acceptés par l'autorité public = la coutume. La coutume n'est pas édictée par l'autorité
publique, mais elle doit être reconnue par l'autorité publique, notamment par un jugement. Avant,
impossible de savoir s'il y a ce statut selon l'art 1 CC) et munies par elles de sanctions coercitives "
➔ Cette définition est utile pour saisir, dans un premier temps, comment fonctionne la technique
moderne et donc l’esprit des manuels de droit : elle recoupe également ce que les laïcs (au sens
de « non-juristes » ou l’opinion publique estime sur le droit.
➔ On voit que cette définition est insuffisante.
/ ! / Il n'y est jamais question de contenu - dans cette définition du droit, il manque en effet deux choses
en corrélation.
• Juste : il n'y a pas dans cette définition la notion de juste - dans le droit contemporain, on n'a donc
pas besoin du juste pour définir le droit. On pourrait donc avoir du droit sans la justice - c'est
totalement effrayant = position légaliste. (→ En effet, la définition proposée laisse de côté des
questions aussi essentielles que l’équité ou le jugement juste)
Dans le positivisme légaliste, il manque tout un pan du droit = les affaires concrètes, qui sont tranchées
+ toutes les aspirations à la justice. (droits de l'homme comme une pièce rapportée : on a ajouté cela
simplement parce qu'on s'est rendu compte que le système juridique parfaitement organisé avait des
problèmes pratiques)
-> La forme vient avant et le fond après (le contraire avant : on s'intéressait d'abord au contenu du droit,
et on lui donnait ensuite des formes)
• Art 190 Cst : à placer entre le droit naturel et le positivisme (que le fond, que la forme) -> c'est la
forme qui prime. La loi fédérale, même si elle est contraire à la Cst, est valable.
La Cst donne des contenus - si la loi fédérale a un problème de contenu = elle est anticonstitutionnelle,
on s'en fout ! On va quand même appliquer la loi fédérale. Pourquoi ? Parce que le peuple / qui est au
fond le législateur, est au dessus de tout. Donc le juge doit appliquer la forme de la loi fédérale qui est
contraire au contenu de la Cst.
-> Art 190 : c'est comme une application pure du critère de la conformité. (toutes les dictatures
ont un 190 Cst - conformité). On veut des droits de l'homme, mais on introduit en parallèle un tel
concept.
Ex : comment le positivisme s'empare des esprits et nous empêche de réfléchir. 120 km/h - deux approches
possibles :
• Par la forme : réflexe du positiviste - sur les autoroutes, on peut rouler à 120.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Par le contenu : / ! / C'est faux - la loi ne dit jamais cela. Le critère est une conduite adaptée aux circonstances
(ex : conduire à 110 avec du brouillard, de la neige - si on fonce dans quelqu'un et qu'on le tue, l'assurance ne nous
donnera rien car faute grave)
120 : c'est seulement dans des circonstances parfaites.
120 : c'est le cas exceptionnel quand tout va bien - 120 c'est juste comment nous apparait la règle.
On peut même rouler plus vite si, au vu des circonstances, le dépassement était proportionnel - la règle n'est donc
pas le chiffre numérique, mais l'adaptation aux circonstances (la protection de la vie d'autrui)
Ex 2 : un dépassement de 30km/h de la vitesse autorisée n’a pas le même poids juridique, très exactement la même
gravité suivant le contexte de référence, sur l’autoroute ou par exemple dans un village. Selon les lois de la physique,
il s’agit toujours d’un dépassement de 30km/h mais sa signification juridique n’est pas univoque : on n’en déduira
pas les mêmes conséquences, la même peine. En d’autres termes, le juge – mais déjà le législateur, à un niveau
d’abstraction et de généralité plus élevé – élabore une appréciation de la situation à juger, qui tiendra notamment
compte de la gravité de la mise en danger de la vie d’autrui, plus élevée dans un village que sur l’autoroute.
-> Avant on le voyait bien : on regardait le contenu, avant la forme. Aujourd'hui : strict inverse.
Cela approche toujours plus les juristes d'un calcul (syllogisme - on pense que l'on applique sans
jugement)
-> On s'abandonne désormais aux machines alors que les machines ne font que calculer, et non
pas juger. -> Une machine calcule et ne décide pas. (par contre l'informaticien derrière décide)
On oublie que les juristes ne sont pas dans le calcul, mais dans le jugement. (ex : Via-sicura : les
juges se sont révoltés parce que ce ne sont pas aux machines de juger. Il faut juger le retrait de permis au
cas par cas, en fonction des circonstances et des antécédents)
En effet, cette définition va se révéler insuffisante dès lors que l’on s’attache à réfléchir sur le droit (selon
une perspective critique au sens philosophique du terme) et non plus dans le droit.
➔ Par raisonner dans le droit, on entend généralement utiliser une technique juridique, à savoir des
méthodes (ou recettes) qu’il suffirait d’appliquer mécaniquement et fidèelement, pour aboutir,
par simple déduction à partir de la règle de droit, à la solution du cas litigieux.
➔ On verra que pareille conception correspond bien d’avantage à l’idéal moderne du droit, conçu
comme système ordonné de normes, à l’image du corps des lois physiques qui permettent de
décrire l’ordre du monde naturel. → On y découvrira à l’œuvre un esprit de logique (le fameux
more géométrique de Descartes – selon une démarche géométrique ou mathématique, cet esprit
de géométrie auquel Pasqual opposait l’esprit de finesse tenant plus à l’art qu’à la méthode ou
calcul) et de calcul, tenant d’avantage à l’Idée que l’on se fait du droit, à sa représentation idéalisée,
qu’à la pratique du droit, le droit effectif, en particulier le droit tel qu’il est dit (juris-dictio) par le
juge.

La définition proposée présuppose de surcroit que la sanction constitue le ressort même de l’obéissance,
ce qui requiert que tout citoyen connaisse la loi et les sanctions qui en assortissent les violations.
➔ / ! / : Pour ne prendre que l’exemple du droit pénal, il n’y a guère que les juristes qui aient ouvert un code
pénal et pourtant l’immense majorité des citoyens respectent le droit pénal, sans même connaitre les
commandements précis et les sanctions : ils savent simplement, par leur éducation, que ce n’est pas bien
ou guère profitable de ne pas respecter les principes énoncés dans le Décalogue ou élaborés dans son esprit
et qui constituent les « lieux communs », les habitudes comportementales des sociétés occidentales : ne pas
tuer, ne pas violer, ne pas voler etc.

De plus, chemin faisant à travers l’étymologie, cette dernière a mis en avant un lien intime du droit avec
l’éthique/avec les valeurs.
➔ La réflexion sur le droit, plus particulièrement sur le juste, ne peut donc se contenter d’enregistrer
l’existence de commandements, quand même seraient-ils adoptés aux exigences de formes posées
par la Constitution comme le fit pour bonne part le droit national-socialiste.

On voit donc ainsi bien que la définition proposée, comme n’importe quelle définition, n’est en rien
neutre. → Elle présuppose une certaine conception de la politique, du citoyen, de l’homme, du pouvoir,
de l’Etat, etc. C’est pourquoi il existe une multitude de conceptions philosophiques différentes de ce que
sont la justice et le droit.
On la prend parce que c’est la définition la plus immédiatement compréhensible, puisqu’elle
correspond au courant dominant de la philosophie occidentale du droit → tous les esprits en sont
pénétrés, même ceux qui n’ont jamais étudié le droit.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

NB : Pourquoi prendre une définition tout court ? Il faut avoir à l’esprit une certaine silhouette du droit, de ses
principaux contours au moins, pour commencer à réfléchir à son propos. → On ne peut en effet pas réfléchir sur
une chose si l’on n’a pas la moindre idée de ce dont il s’agit.

Orientation actuelle du droit : elle est théologique.


• Dans le contenu des normes actuel, on a un droit laic (athée) = pas de téos
• En revanche, les formes dans lesquelles le droit se pense ont encore une forme téléologique.
Pourquoi il y a ces formes-là ?
Pourquoi le juge pense que tout est dans le code ? Pourquoi on pense qu'il y a une prééminence
du texte sur tout le reste du droit ? (ex : Art 1 CC - prééminence de la loi, le texte écrit). Cet amour du
texte vient de la place qu'a la Bible dans la pensée chrétienne. Comme on est issu d'une pensée
chrétienne et d'un droit romanico-canonique, on cherche la réponse dans un texte (comme un
théologien recherche la réponse dans la Bible)
Preuve : les méthodes d'interprétation (4) sont les mêmes que celles qu'utilisent les rabbins, les
juristes médiévaux (amour du texte, des méthodes = biblique = matrice de la culture)
Mais aussi la verticalité : on fait remonter le droit dans un seul texte (tradition). Protestant : écriture
seule. Coran : écrit de la main de Dieu, Mahomet a juste transmis la parole même du dieu =/=
juifs/chrétiens : ce sont les humains qui ont écrit = on est quand même tous obnubilés par le texte.
=/= Common law : aucune constitution, mais on peut quand même avoir des démocraties qui
fonctionnent. Montre le poids ici de la parole de la loi, du texte.
La conception occidentale plonge ainsi ses racines dans le Décalogue, dans une vision théologique
(chrétienne) du droit dont la laïcisation n’éliminera ni la prééminence du texte (droit écrit) ni la verticalité
du droit, l’imposition d’ »en haut » (commandement). → Or, la culture occidentale, même laïcisée avec
succès, demeure à bien des égards chrétienne, ne serait-ce qu’en ses racines encore vivaces (comme l’a si
bien démontré le débat concernant la référence à l’héritage chrétien dans le Préambule de la « Constitution »
européenne). → L’esprit éduqué dans cette culture se trouve naturellement familier avec la conception
textuelle et verticale du droit-commandement.

La définition de Batifole permet de regarder la distance des positions philosophiques que l'on va voir et
notre vision actuelle. (on est assez radicalement positiviste - pas autant que Kelsen). → Nous, en droit
aujourd'hui, on prend les moyens pour la fin (grosse erreur) = on est trop rivé sur la technique juridique,
notamment avec la conformité. (ex : conformité à une loi scélérate -> forme > fond. On ne regarde pas à quoi
cela sert, mais on regarde juste nos textes)
La définition de Battifol fonctionnera donc comme modèle heuristique, c’est-à-dire un étalon de
mesures faisant mieux ressortir les différences entre les divers courant de philosophie du droit, soit en les
illustrant avec plus ou moins de fidélité – ce sera particulièrement le cas avec les courants modernes – soit
en explicitant la distance qui sépare certains courants – ceux anciens et réalistes notamment – de la
conception actuelle du droit que traduit ce modèle.

Les divers courant de la philosophie du droit recèlent tous une part de vérité, mettant en évidence telle
ou telle dimension essentielle du droit. → L’expression « part de vérité » exprime parfaitement la nature
profonde de la philosophie (du droit en l’occurrence) : la philosophie est un art du toute. → Rien n’est
plus étrange que les affirmations dogmatiques, les positions arrêtées une fois pour toutes : la vérité absolue
n’appartient pas à la sphère philosophique.

CONCLUSION
Dans la discussion fin/moyen : le droit est une institution humaine. Il est fait par les hommes, pour les
hommes. Il est donc intrinsèquement imparfait : cela ne sert à rien de se plaindre d'une justice toujours
imparfaite sur le principe = elle ne peut être qu'imparfaite (preuve : Saint-Augustin : montre pourquoi
la justice humaine est toujours injuste ?)
Les tribunaux sont ceux qu'on a (ex : leurs moyens de preuve). -> On peut se plaindre du mauvais
travail des juristes, mais pas de la finité de l'être humain (l'être humain a des réflexions et des
connaissances finies = mediocritas)
On rejette la médiocrité alors que l'on applique des lois parce que cela a des formes : on doit faire des
droits pour les situations humaines, pour les régler, et non juste pour avoir une cohérence.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Preuve : la place de l'équité - si on l'enlève dans l'ordre juridique (comme dans le positivisme, vu que le
juge ne fait qu'appliquer la loi. On ne lui demande pas de juger mais d'être la bouche de la loi) = le
système vaut pour lui-même. Le système doit juste être cohérent dans la décision = mais on ne regarde
pas le contenu, le résultat de la décision. Si plus d'équité, si on la sacrifie, on sacrifie l'homme pour le
système.
L'Homme doit primer : on doit mettre de la contradiction dans le système pour le rendre juste. "si un
résultat est matériellement contraire au droit, mais conforme à la loi, on ne l'applique pas"
= la menace du non droit est donc présente.

L'individu, au sens de complètement désincarné (ni famille, ni culture, ni amour, ni ami), n'existe pas.
Il faut donc faire un droit pour les hommes qui existent, et non par ce qu'on pense qu'ils sont = comme
on doit régler des cas concrets par une praxis - on doit regarder l'homme comme il est.
Nous sommes un animal politique : on est intrinsèquement fait pour vivre dans divers groupes
politiques. (familles, unis, pays etc.) → Il faut regarder donc les philosophies qui voient l'homme
dans ses relations à autrui / ! / : =/= le positivisme ne se préoccupe pas des relations de l'homme.
C'est un droit non relationnel. Cela crée de nombreuses incohérences ( ex : crise bancaire,
environnementale - notion d'individu est insuffisante).
On est fait pour vivre dans la relation à autrui (ex : facebook, dépression quand on se dispute avec un
ami) → Individu : on ne peut pas choisir tout notre cadre, mais le positivisme fait comme si.
Le droit est donc toujours directement/indirectement au service de la société, même dans une décision
individuelle. -> Ce qu'il y a de grandiose dans le droit en dehors de la pratique. Le droit ne fait pas que
régler les litiges entre parties (hors pensée positivisme). Même dans le judiciaire, dans la sphère la plus
technique du droit, il a une dimension sociale :
Quelque soit la définition du droit adoptée, il faudra avoir soin de toujours articuler les dimensions
sociales (ou sociétales) et celles individuelles. → / ! / : On n’oubliera surtout pas que le droit est fait pour
l’homme et non l’homme pour le droit, d’une part, et que cet homme n’est pas hors de toute cité ou
société : l’homme est un vivant (animal) politique (zoon politkon en grec), c’est-à-dire un sujet dont
l’identité ne se constitue qu’aux contacts des autres, avec lesquels il fait précisément société.

Le philosophe P.Ricoeur exprime sur le plan judiciaire, c’est-à-dire le juridique tel qu’il est assumé par les
tribunaux, cette nature double du droit : « la finalité courte de cet acte | de juger | est de trancher un
conflit – c’est-à-dire mettre fin à l’incertitude -, sa finalité longue est de contribuer à la paix sociale, c’est-à-
dire finalement à la consolidation de la société comme entreprise de coopération, à la faveur d’épreuves
d’acceptabilité qui excèdent l’enceinte du tribunal et mettent en jeu l’auditoire universel si souvent évoquer
par Ch. Perelman »
• Droit : imposé de la certitude juridique sur de l'incertitude sociale.
o On peut même le faire sur la science - ex : du point de vue du juste, on ne veut pas de quelque
chose, qu'il voit dangereux ou pas.
• Paix sociale : paix de la société - toute la société est donc engagée même dans un procès privé =
cela nous concerne tous.
• Société : grande entreprise de coopération : le droit est en charge de maintenir cette coopération.
Pour toutes les sociétés avant la nôtre, le but premier du droit (même pénal), ce n'est pas de punir
(vision très chrétienne), c'est de maintenir l'harmonie. Le plus important, c'est que le groupe puisse
continuer à fonctionner comme groupe -> liens avec les définitions des anthropologues.
= on ne doit pas s'arrêter aux cas que l'on voit (plus facile pour pénal et admin - intérêt de l'Etat,
mais aussi pour droit civil)

"Ius est ars boni et aequi" = le droit est l'art du bon et de l'équivalent. C'est profond, et c'est le mot d'ordre
de l'arbitrage - en dehors de tout ordre juridique, de tout droit national, l'arbitrage doit juger selon le
juste.
➔ "L'art du bon et de l'équitable" = on est dans l'art et pas la science (cela ne peut pas être calculé
= on juge)
Cette destinée du droit habite la pensée juridique occidentale depuis longtemps, depuis l’Antiquité au
moins. →Les Romains, sous la plume d’Ulpien reprenant Celse, définit la justice comme « l’art du bon
et de équitable », iurs est ars boni et aequi.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Aecqum : repartir avec des droits et des obligations équivalentes à la situation


• Boni : qui doivent répondre à l'intérêt général = en même temps, la solution trouvée ne doit pas
déstabiliser la société. Une décision de jurisprudence n'est donc pas qu'une décision entre deux
parties, mais une décision sociale (ex : Uber)
L’art du droit – et non la science du droit car le droit n’est pas une mathématique, les solutions juridiques
ne se calculent pas à l’aide d’un ordinateur – consiste à « trouver une solution qui réalise un équilibre
entre les intérêts légitimes de cahcun (aequum) et qui réponde à l’intérêt général (bonum)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

TITRE 2. MAITRES-PENSEURS ET ECOLES DE PHILOSOPHIE DU DROIT

INTRODUCTION

Il faut décrire dans chaque école la démarche que l'on va adopter : elle sera identique :
• Théorie générale de la cohérence/de l’intelligence
• Et à l'intérieur, la théorie du juste et du droit
Pourquoi nous, juristes, on a besoin d'examiner la théorie générale de la connaissance de chaque auteur
? Epistémologie.
• Epistémo : savoir
• Logie : la science
Qu'est-ce qui se passe dans notre esprit quand on connait ? Comment est-ce que l'on connait le réel ?
Ensuite, on se demande à l'intérieur comment il connait le juste/la justice ?
Il faut voir la conception de la réalité de chacun pour comprendre la conception de la justice. → C'est
donc d'abord une philosophie théorique (science dure), puis pratique (politique. Économique, droit etc.).
Philosophie pratique : ius donne justice et justesse = c'est donc lié. -> Justesse : c'est que l'on peut
savoir du réel.
-> Donc pour avoir la notion de la justice, on doit savoir ce qu'est la justesse.
= savoir ce qu'est le réel, puis la vie au sein de la société -> La vie en société se définit différemment en
fonction du réel (-> aussi la définition de la justice) = on qualifie la notion de juste : "Weltanschauung"
→ on doit d'abord voir la vision du monde d'un auteur pour comprendre comment il amène la vision du
juste et de la justice. Il n'y a pas de juste et justice sans vision du monde (au nom de l'individu, du peuple,
de Dieu etc.)

En grec :
• La physis : le monde de la nature = physique. "Tout ce qui nait, croit et meurt" = tout ce qui a en
lui-même le principe du mouvement. La physique n'a pas besoin d'extériorité pour être - elle fait
tout toute seule.
• Nomos : tout ce qui a attrait à la culture, et donc à la norme, en particulier le droit.
C'est une grande opposition :On s'occupait avant du noomos parce qu'il fallait s'occuper de la société,
de la cité (zoon polikon). Ce qui faisait du physis perdaient du temps.
-> Comment les visions philosophies articulent ou séparent ces deux visions ? Et a-t-on vraiment le
choix de séparer ou de mettre ensemble ces notions ?
= la question du juste et de la justice c’est-à-dire, dans un sens large, du droit, s’élabore suivant un double
questionnement.
• D’une part, comment le réel est-il conçu / de quelle manière l’homme en prend-il connaissance ?
(philosophie théorique)
• D’autre part, comment la vie en société – vie politique – est-elle conçue, les relations à autrui ?
(philosophie pratique).
En bref, la question du juste se pose toujours au sein d’une certaine métaphysique, de l’intérieur d’une
certaine « Weltanschauung »
➔ Etude de différentes métaphysiques de première importance, chacun ayant laissé des traces dans
la mesure actuelle dont nous concevons la nature (physis) et la culture (nomos – qui signifie en
grec notamment coutume, convention, loi, institution), c’est-à-dire tout ce qui fait pour l’homme
le monde.
➔ Ces doctrines philosophiques constituent comme des modèles de pensée dont les principes
continuent d’opérer sous les prises de position philosophique contemporaines.
o De ce que nature et culture se distinguent l’une de l’autre ou non, coopèrent ou non, ou
carrément s’opposent entre elles, découlent de conceptions bien différentes du juste et
donc du droit.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Ex : Nature humaine : où suis-je ? Ex 2 : droit naturel ? Expression du droit naturel est donc contradictoire ou
difficile de compréhension. Ex 3 : droits de l'homme - est-ce que c'est le choix d'une société (nomos), ou une
affaire de naturalité (physis)
-> Ce n'est jamais défini par les juristes. Il faut se demander si c'est un choix, ou si c'est vraiment en lien
avec la nature de ce fait. Ex : "il est évident que" - plus aucun argument, mais on veut trancher dans un sens. Ex
2 : "selon l'expérience de la vie" = pur constat d'une réalité objective ou c'est un choix déguisé sous une réalité
objective ?
Le juriste doit affronte les notions que sa pratique de l’art juridique le conduit à rencontre comme « nature
des choses », « droit naturel » ou « ordre de la nature » → Ces trois notions sont courantes dans le débat
juridique.
• La notion de nature des choses se retrouve dans nombre de décisions judiciaires où elle ne
fonctionne que comme un argument péremptoire : puisqu’il en va de la nature des choses, il ne
peut en aller autrement. Elle équivaut donc à l’argument, lui aussi par définition indémontrable
(donc à portée rhétorique) ex : il est évident que.
• La notion de droit naturel, quant à elle, a recouvré une pleine actualité avec la problématique des
droits fondamentaux, pour qui admet, à la suite de P. Martens, que le droit démocratique les
« emprunte au droit naturel : il en fait du droit positif ». L’auteur relève également l’invasion de
la jurisprudence par le droit naturel dès lors que les juges, de plus en plus souvent, déduisent des
valeurs éthiques des prohibitions et des injonctions. Il en va ainsi pour les systèmes juridiques qui
ont inscrit dans leur constitution le droit de vivre conformément à la dignité humaine, notion si
vague qu’elle fonctionne comme « une véritable délégation constitutionnelle au juge »
Ces notions mixtes, mêlant des aspects culture et à des aspects nature sont révélatrices des positions
métaphysiques originelles à partir desquelles vont être pensée la justice et le droit dans telle ou telle
doctrine philosophique
➔ Incidence de l’adoption de telle ou telle métaphysique sur la conception du droit et de la justice
ex : visions marxistes et libérales de l’homme et de la société ex 2 : étymologies entre les anciens – droit
comme règle ou mesure – et les modernes – droit comme commandement, ordre de l’autorité publique.

Le cœur du droit, au fond, c'est le choix = le droit est donc nomos avant tout. Mais pour une question
d'acceptabilité de la norme, le droit doit comprendre le réel : c'est pour qu'il y ait un droit qui est une
emprise sur le réel / ! / mais pas de dépendance : on peut s'en distancer. On doit le comprendre pour s'en
séparer.
Ex : pour certains, les droits de l'homme sont des droits naturels qui s'expriment simplement dans une forme
humaine - cela devrait s'imposer à tout le monde. Le noyau dur doit être garanti, comme s'il n'était plus de
nous - mais au fond, c'était un choix à l'époque.
Comme jus cogens - le nomos essaie de s'approcher du physis.

On fait de la philosophie critique : on va comprendre la philosophie en regardant le mécanisme. -> Une


institution ce n'est pas de l'arbitraire : il y a une cohérence interne. (ex : positivisme - projet complet derrière
qui a des incohérences : comment le savoir ? En regardant les articulations = permet de comprendre)

Toute la philosophie occidentale est un dialogue entre les positions inductives (Aristote : les essences
sont parmi nous et il faut remonter pour avoir les idées = Bottom up) et déductives (Platon - top down,
les idées viennent du ciel et tombent sur la terre) = réalistes et individualistes. -> Aujourd'hui :
Ex : histoire d'une loi fédérale. Procédure législative : qu'est-ce qui est top down, qu'est-ce qui est bottom-
up ?
• Bottom-up : la procédure de consultation. On regarde ce que pense et désire les gens devant un avant-projet.
L'administration pense faire quelque chose (top down), elle propose l'avant-projet que l'on discute (bottom-
up) avec les personnes concernées.
= immanence
• Top-down : Avec toutes les discussions, l'administration modifie le projet. Elle rédige le projet (top-down)
et les chambres le votent.
= trascendance
En Suisse : on n'a pas le modèle purement positiviste du top-down. On veut être sûr que les lois soient
acceptées.
Par contre, que du bottom-up : pas de loi, c'est que de la coutume. La loi ne ferait que décrire, et le but
de la loi c'est aussi de diriger la société.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

= c'est bien d'avoir de l'immanence (la prescription doit être commensurable au destinataire de la norme
- cela ne sert à rien de faire des normes que les personnes ne peuvent pas appliquer ex : pas les moyens
économiques, moraux) et de la transcendance (pour obliger les gens à faire des choses qu'ils ne font pas
encore)
= ce sont donc des lois compliquées, mais pragmatiques. Une loi, une fois qu'elle existe, sera appliquée
(=/= France notamment, malsain)
L’œuvre de Platon et d’Aristote constituent les matrices intellectuelles de la pensée philosophique
occidentale prise dans ses grandes lignes. En effet, l’interprétation courante, vulgarisée (ou vulgate) de ces
deux doctrines fait de Platon le représentant emblématique de l’idéalisme et d’Aristote le modèle du
réalisme. → Ces deux modes d’approche du réel se retrouvent dans toute pensée humaine, souvent – si
ce n’est toujours – intimement mêlés.
➔ Pareille schématisation est au reste monnaie courante : on se souviendra de la fresque de Raphaël
intitulée « L’Ecole d’Athènes » représentant Platon et Aristote côte à côte.
o Platon marche le doigt pointé vers le ciel, indiquant par ce geste que le lien avec les
réalités authentiques (les essences des choses) se trouve au-delà des apparences sensibles,
dans un monde transcendant c’est-à-dire séparé du monde dans lequel nous vivons
quotidiennement : le monde des idées. Les choses d’ici-bas n’en sont que le pâle reflet.
o Aristote tend le bras vers le sol, lieu où se déroule notre vie concrète, parce que la réalité
véritable (essence) est immanente aux choses d’ici-bas. Pour lui, en effet, les essences
n’existent pas en dehors des choses concrètes, sensibles, à savoir les réalités dont nous
faisons l’expérience tous les jours.

Permet de comprendre toutes les pensées philosophiques, et donc le droit d'aujourd'hui.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

CHAPITRE 1. PLATON (428 – 347 AV. JC) – UN JUSTE INTELLECTUEL.

Idée fondamentale de Platon : c'est par l'intellectuel que l'on comprend le monde et que l'on établit la
justice. Même la notion de juste et de justice est donc intellectuelle, et pas pratique (pas une affaire de
cas, où on remonte vers la loi, de coutume). -> On pense abstraitement le réel et le juste, et on découvre
la législation = top down.
/ ! / Il a quand même des conceptions pragmatiques du droit.

Rappel :
• La philosophie théorique : les sciences dures, de la nature, avec mathématiques et épistémologie
• Pratique : tout ce qui a attrait aux comportements humains (politique, éthique, droit, économie) =
le droit est tout cela.
Platon aligne la philosophie pratique sur la philosophie théorique. C'est comme s'il n'y avait pas de
philosophie pratique, elle est dépendante de la philosophie théorique. On ne peut en effet comprendre la
philosophie pratique que par les mécanismes de la philosophe théorique.

Quelles conséquences cela a d'adopter la conception de Platon sur le droit ? La plus grande conséquence
pour la conception aujourd'hui du droit d'adopter ce point de vue, c'est : la Rechtswissenschaft. Si on
admet que le juste/justice s'aligne sur la philosophie théorique, alors on admet que le droit est une science
(le modèle de la science étant l'épistémologie)
Quand on pense faire une science, on est déjà dans l'idéalisme. -> On ne s'occupe pas vraiment de la
pratique (il n'y a pas de vraie distinction entre la théorie et la pratique)

SECTION 1. QUELQUES INDICATIONS BIOGRAPHIQUES


Origine aristocratique très élevée : haute sphère de pouvoir, riche, et famille influente à Athènes.
Sa vie prend un tour particulier par sa rencontre avec Socrate : il va suivre ce dernier jusqu'à sa mort (20
ans). On n'a pas d'écrit de Socrate : on ne connait Socrate que dans les dialogues philosophiques de
Platon où il le met en scène.
Platon fonde en - 387 : l'académie - il n'y avait pas d'université à l'époque, ni d'école officielle. On a au
moins de précepteurs (= un enseignant privé sophiste qui gagnait de l'argent auprès des riches). Platon
décide de créer une école avec une bibliothèque où on enseigne.
Aristote, son élève, créera aussi une école : le lycée - on la considère comme inférieure vu
qu'aujourd'hui le lycée > collège.
Platon vient d’une famille aristocratique d’Athènes. Il fait la rencontre de son maitre Socrate en -407 av.
JC, dont il suit l’enseignement jusqu’à la condamnation à mort et l’exécution de ce dernier en -399. En -
387, il fonde l’Académie, première Ecole de l’Antiquité, à savoir un lieu permanent dans lequel
l’enseignement est organisé de manière méthodique (bibliothèque, salle de cours, etc.)

Les ouvrages que l'on a de Platon sont surtout des dialogues : on a des personnages qui discutent de
thèses (ex : théologique nécessaire, qu'est-ce que le bonheur, qu'est-ce que la justice). Il est difficile de saisir
les arguments philosophiques, parce que c'est agréable à lire. C'est subtil, mais on ne le voit pas à la
première lecture. -> Et à la fin du dialogue, il n'y a aucune réponse : aucune réponse à la question posée,
mais on a des arguments des deux côtés de la thèse.
Philosophie : il n'y a pas de résultat : mais il est important d'avoir les lignes d'argumentation -
comment a-t-on construit un concept ? Travail de modestie =/= ce n'est pas regarder le résultat et
s'il est opérationnel.

Il n'y a aucune systématicité dans sa pensée, parce que ce sont des dialogues. -> Preuve : la notion de
système est une notion moderne (ex : preuve - 1ère œuvre systématique : Kant. Il veut faire toute la philosophie
: il sépare - philosophie théorique, pratique, du jugement - il part d'un endroit et épuise toutes les étapes) =/= droit
romain, médiévaux. On ne veut pas épuiser le monde : l'homme ne connait rien et ne comprend rien au
monde : alors pas de prétention de faire des systèmes.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Comme en droit, pas de Code systématique avant les codes nationaux avec le Code napoléon et
Prussien. A Rome, il n'était tellement pas systématique que c'était une grande méthode (pas de loi
générale, spéciale, mais de la case law car pas de système juridique au sens fort) = montre
qu'aujourd'hui on a un monde juridique artificiel : on a un système et toutes les réponses seraient
dans le système / ! / En réalité, on a des lacunes.

Dialogue de Platon : parce que pour lui, le dialogue montre une pensée vivante. "Dia-logos" : la parole,
la raison, le rationnel, le discours, l'argument etc. qui va de l'un à l'autre (les partenaires du dialogue) ->
Pour Platon, la philosophie n'existe que dans le dialogue avec autrui. Comme le droit n'existe que dans
la relation avec autrui = cela n'existe pas directement dans une personne, cela existe dans les relations.
Il n'y a donc pas d'individu, leur sort n'a aucune importance.
Ex : on est plus un individu au-delà de Rome - on est donc citoyen ou esclave.
-> Intéressant la notion de citoyen, mais avec une autre conception de liberté.

Aujourd'hui : préférence du code sur la jurisprudence :


• Code : monographie : catégories + statut
• Jurisprudence : faire vivre les catégories dans un cas et regarder leur combat.
-> Platon : on aura une préférence pour le Code, Aristote la pratique.
Idéaliste : on a une préférence pour la loi, ce qui est statique.
Pragmatique : on aura une préférence de la jurisprudence.
-> On voit l'influence sur le droit actuel.

On a donc une préférence du dialogue parce que la philosophie est disputatio - on discute sur des
domaines. -> Montre qu'avant, on pouvait dissocier la position intellectuelle que l'on avait et la position
personnelle. Disputation : on défend une position philosophique, qui n'est pas forcément la sienne. On
ne plaide pas forcément pour ses convictions, mais pour une idée intellectuelle.
-> Un avocat fait d'ailleurs de la disputatio : on peut défendre n'importe qui. On ne défend pas
forcément des choses qui nous parle - on fait de la disputatio dans un cadre procédural.
Ex : politique - on devrait s'attaquer aux idées et pas à la personne
Différence avec le moderne : solipsisme - on parle tout seul avec soi. (ex Saint-Augustin, premier auteur à
dire je, Descartes "je pense donc je suis", Rousseau "Confessions") = il n'y a plus besoin d'autrui = ce sont des
philosophies modernes qui montrent que l'on est dans une société individualiste. On a perdu le sens du
droit qui est dans les relations et pas dans la personne.
Preuve : la définition du droit n'est plus annexée à la relation avec autrui, mais sur le
commandement avec le législateur.
Ex : droit de l'environnement : problème de relation homme-nature : homme trop lourd pour la nature.
Comment régler un problème relationnel alors que l'on a effacé la relation du mode intellectuel de pensée ?

Les œuvres retrouvées se composent essentiellement de dialogues → par opposition aux traités
systématiques, typiques de la philosophie idéaliste allemande, qui exposent de manière très abstraite,
conceptuelle et selon un strict enseignement logique, les différentes notions et positions, le tout dans les
formes du monologue impersonnel.
Platon, au contraire, considère la parole vivante supérieure à l’écrit, une parole bien davantage
discussion qu’exposé unilatéral, ex cathedra, d’une doctrine.

La finalité de la philosophie pour Platon c'est de trouver des essences, de la justice, de la colère, du
contrat, de la vente et de la religion. Elles seront statiques car c'est des choses en dehors de soi. (Mythe
de la Caverne)
Pour le platonisme : le corps est une prison (somma) - on est emprisonné. On a déjà la prison du
corps chez les grecs, ce n'est pas seulement une pensée chrétienne. L'âme ne voit pas les essences
parce qu'elle est dans la prison du corps.
Par le dialogue, il recherche des essences qu'il ne peut pas trouver. -> On a un ensemble de sens.
Le concept est général et abstrait, l'expérience de justice est singulière et concrète. Il n'y a pas de logique
formelle pour passer de l'un à l'autre. → On peut poser des justices en soi, mais on ne sait plus ce qui

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

est bien ou mal (ex : Religion : intérêt de la cité ? On n'arrive pas à trancher) -> pas de référence en soi : c’est
ce que Platon essaie de faire.
On a besoin de se donner des choses fixes pour avoir des référentiels dans la pratique.
/ ! / Avis de Papaux : le juste, le bien, l'amour ne se définit pas abstraitement - cela va dans le
concret. Ex : bonne foi - c'est un concept général (défini abstraitement), mais dont on ne connait pas la portée tant
que ce n'est pas dans la pratique.
Pour Platon, on ne se préoccupe que des référentiels, pas de la pratique.

Platon a voulu tenter pratiquement ces thèses : il va en Sicile. (haute société, encore plus Grèce). Platon
a proposé pour faire une société idéale - le tyran l'a d'abord mis en prison, puis a voulu le vendre (puis
que plus à Athènes - donc plus de citoyenneté). Les athéniens l'ont racheté - il est revenu échauder.
Il fera plusieurs expériences politiques concrètes, toutes malheureuses, auprès du très puissant Denys de
Syracuse et de son fils.
Il se rend alors compte que sa vision de la justice ne s'applique pas dans la pratique. Preuve "Pour
avoir une société juste, il faut d'abord des hommes justes. Pour avoir des hommes justes, il faut avoir une
société juste" = on tourne en rond, c'est impossible. -> Platon sait que la justice comme il l'idéalise
n'est pas réalisable ici bas.
Platon est donc très méfiant envers les lois : d'ailleurs il pense que toutes les démocratiques
tournent en démagogie - on dit ce qui plait au peuple sans le faire avancer.
Mise en garde très étrange pour lui :
• Vrai : pas les mêmes notions pour la science, religion et mythe. Pour les grecs, la science a la
même définition mais il comprend la religion et la philosophie = vision autant sérieuse. Elle a la
même rigueur.
De plus, le mythe, c'est une manière de parler de façon sérieuse sur le réel quand il est trop concret. Le
mythe =/= une fable. Le mythe a un aspect symbolique, mais il parle du réel pour qu'on puisse mieux le
comprendre.
• Pour la politique, la sophistique, on a des problèmes. Parce que cela ne relève pas du vrai, mais
au mieux de la vraisemblable/vraisemblance = cela a l'apparence du vrai, cela peut s'en rapprocher,
n'empêche que ce n'est pas du vrai. C'est une chute du statut métaphysique, déontologique.
Vrai -> vraisemblance -> faux : Platon est donc très méfiant sur les discours de la justice,
cohérents, le bien. Les hommes ne sont pas très cohérents à ce niveau-là.
Platon a une détestation de l'opinion : la doxa - c'est au mieux de la vraisemblance.
/ ! / : Pourquoi c'est ennuyeux aujourd'hui de renier la doxa en disant qu'elle est dangereuse
? La doctrine et la jurisprudence. -> (d'ailleurs reproche positiviste : les avis peuvent varier
selon les opinions des juges - donc ce n'est pas scientifique. Donc on va consacrer tout le
droit dans la loi parce que c'est complètement géré par le législateur, et donc scientifique.
Tout ce qui est l'opinion est à la fin, comme une source moins importante)
(Donc, notre Art 1 CC est platonicien - c'est une lecture platonicienne du droit. Donc, on
maitrise la jurisprudence -> en réalité, on devrait mettre en jurisprudence en premier, car
c'est la pratique, et finir par la loi. Preuve : peut-on avoir un ordre juridique sans tribunal,
sans jurisprudence - dans la pratique/pas théoriquement ? Non ex : droit de la femme à disposer
de son corps vs droit de l'enfant à naitre - deux droits absolus l'un contre l'autre. Sans tribunal,
comment résout-on le problème ? Aucun système juridique ne peut exister sans tribunal. Par
contre, il y a beaucoup de système juridique sans loi - ex : case law
L'article premier est donc idéaliste. On ne se base pas sur la loi en premier et éventuellement
sur les cas - cela ne représente pas la pratique)
• Apparence : c'est ce qui se manifeste à nous. Ce n'est pas la chose en soi - c'est la manière par
laquelle la chose est apparue. On n'accède pas au réel, on voit des indices du réel.
Platon déteste l'apparence, parce que c'est ce qui nous arrive par les sens - c'est que l'on perçoit/sent
du réel, ce n'est pas le réel en soi. (ex : preuve - chien et homme on n'a pas la même apparence du monde)
On ne vit en tant qu'humain que dans le monde de l'apparence. Tandis que les philosophes doivent
chercher par les essences -> L'âme est trop touchée par l'affectif et l'émotionnel.
A l’époque, le domaine de la philosophie ne se distingue guère de la science et de la religion mais plutôt
de la rhétorique, de la sophistique et de la politique (au sens de praxis), des lieux où se substituent au vrai

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

de la science, le vraisemblable (vrai-semblable, qui n’a que l’apparence de la vérité, qui semble vrai) et à
la raison l’affectif (les affects)

Problème de la vie de Platon : Platon va être déchiré entre deux positions :


• La position complètement idéaliste : il la chérit le plus - il pense que le philosophe peut accéder
par cela aux essences - contempler les essences
Il n'aura donc plus envie de réfléchir et s'occuper de la cité - elle a des problèmes extrêmement
concrets. Pour Platon, c'est ne plus être un philosophe que de redescendre aider les siens.
• Mais l'homme est zoon politikum : on ne peut pas vivre sans la communauté - et s'il est compétent,
alors il doit aider la société en étant roi.
Idée de roi/philosophe : le philosophe devait redescendre dans la cité pour diriger les hommes.
-> Il n'a pas su comment faire dans sa vie : entre aller aider la cité et rechercher le juste. La
politique s'étant très mal passée, il abandonne et dit comment aurait dû la société idéal.
On se moque de l'opinion.
La philosophie de Platon se développe dans la tension entre
• Un philosophe volontairement coupé du monde, menant une vie pure dans la contemplation des
Idées (infra) qu’ignorent le sophiste et le politique
• Un philosophe engagé dans l’élaboration de la cité (polis) juste, pensant les rapports sociaux comme
devant refléter, imiter, l’harmonie régnant dans le monde des Idées. Seule l’âme du philosophe peut
contempler cette harmonie, ensuite de quoi il doit revenir par les hommes pour prendre la tête en
qualité de philosophe-roi (infra)

Le platonisme influencera profondément les doctrines philosophiques dénommés idéalismes. La


Renaissance s’enflammera pour le platonisme, et toute la philosophie moderne, en particulier la
philosophie politique, en porte les traces, de l’Ecole moderne du droit naturel et des gens jusqu’aux Droits
de l’homme contemporains.

Semaine 5 et 6
Matrice de pensée dominante.
Courant néoplatonicien, assez puissant à Rome, puis St Augustin. Toute la culture occidentale.
Il y a cette présence durant tout le moyen Age.
La renaissance est ouvertement platonicienne. L’Idée des Lumière c’est l’idéalisme.
On trouve un condensé de tous les idéalismes en Europe, jusqu’au Marxisme.
Influence de Platon sur la théorie du droit. Tous les idéalismes dépendent d’un type de pensée
platonicien.

SECTION 2. MONDE RÉEL ET REFLETS DU MONDE


Epistémologie : on se demande comment l'auteur pense que l'on connait avant de se demander quelle
est la conception du droit.

Il y a le vrai monde, et notre monde qui est le reflet du monde.


Pour Aristote : on parle de monde au-dessous et au-dessus de la lune.
En effet, les grecs regardaient les étoiles qui étaient stables = il y a une idée de permanence.
L'inverse, c'est notre monde : il est marqué par le changement / l'adultération / le devenir. Cela
vient du mot physis - la nature : tout ce qui contient en lui-même son principe de développement.
Dans la nature, en effet, tout nait, croit et meurt ( ex : même les montagnes) = le processus de
grandeur n'est pas externe mais interne à l'homme.
-> Notre monde est impermanence - donc imparfait, parce qu'il change.
= donc on n'est dans un monde imparfait : le monde parfait, permanent, existe, mais il est ailleurs.

SOUS- SECTION 1. L E MYTHE DE LA CAVERNE


Pour expliquer ces deux mondes, Platon va passer par un mythe / allégorie.
Mythe : mythos = pour un grec, le mythe n'a absolument rien de ridicule comme nous aujourd'hui (fables,
balivernes) - aujourd'hui, on ne pense pas à un argument ou une prestation sérieuse. =/= les grecs : le

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

grec conçoit le mythe comme la manière la plus intelligente et rationnelle de parler de quelque chose
auquel il n'a pas accès.
Ex : l'homme n'aura jamais accès à l'origine : de la vie, de l'homme, de la cité, du droit.
Pour un grec, il ne faut pas parler de l'origine avec le logos = démonstration. Ils passent alors par le
mythe : donner la parole pour trouver l'origine des choses opaques.
-> D'ailleurs, pour Platon, l'origine de la connaissance est opaque -> donc il passe par un mythe pour
expliquer comment un homme connait, quelle est sa connaissance.
Ex : qui a constitué, comme constituant, le constituant de la Cst ? Personne n'a pu le faire - vu que pas de
constitution, pas de constituant. Ils se sont nommés constituants, personne ne les a nommé - donc c'est un mythe
d'un premier constituant que l'on nous explique.
On ne peut pas changer de structure politique (Confédération - Fédération) sans avoir une unanimité : mais
on l'a imposé : on a imposé une loi en en violant plein d'autres.

Ce « mythe » (mythos – il faut moins voir dans ce passage par le mythe un défaut, voir une
démission, de la pensée platonicienne, qu’une claire conscience de la faiblesse des facultés
humaines, de la finitude de notre pouvoir de connaissance par la raison) constitue l’une
des figures les plus connues de l’œuvre de Platon (dans la République).

Le mythe de la caverne a donné lieu a de multiples interprétations : on verra la plus simple. Cela traduit
le point central pour Platon : la finitude humaine - l'homme est une créature aux possibilités limitées.
-> Comme on l'oublie aujourd'hui, alors on a des problèmes environnementaux (ex : on pense notre
capacité technique infinie)
= Philosophie théorique : qu'est-ce que l'on connait du réel ? On va voir des positions idéalistes, vu que
Platon est le grand modèle pour tous les idéalistes (=/= Aristote : le grand maitre du réalisme)
Quand bien même ce mythe donne-t-il lieu à quantité d’interprétation plus ou moins
divergentes, on peut y lire l’illustration la plus didactique de sa conception du réel et de ce
que l’homme, être doté de facultés limitées, peut en connaitre → en bref, « sa philosophie
théorique »
→ Le modèle du réel vaut aussi bien pour la philosophie pratique (en bref, les sciences
humaines, en particulier le droit) que pour la philosophie théorique (en résumé, les
sciences naturelles). Il engage la pensée sur la voie de l’idéalisme : la véritable
connaissance du réel s’acquiert à partir des idées à partir des Idées (idées > idéalisme)

Premier temps : on imagine une caverne. Tout au fond de cette caverne, à l'endroit le plus profond et le
plus noir, il y a des hommes enchainés depuis très longtemps, de telle sorte qu'ils ne voient que le fond
de la caverne. Sur le fond de la caverne, il y a une lumière très vague qui vient du dos, et ils voient des
ombres passer. Que sont ces ombres ? Derrière eux, dans la caverne, il y a un petit chemin avec un feu
dedans : entre le feu et le fond de la caverne, il y a des gens qui passent, et cela fait des reflets sur le
fond de la caverne.
On a des objets portés par des personnes, mais on ne les voit pas : on ne voit que les reflets que
sur le fond. Les humains ne se rendent donc pas compte qu'il y a des objets, ils n'en appréhendent
que les reflets.
Deuxième temps : Un de ces hommes parvient un jour à se libérer de ses chaines. La première chose
qu'il va faire, c'est se retourner. Cela va être dur, car il voit enfin de la lumière (celle du feu). Il se déplace
difficilement parce qu'il n'a pas l'habitude. Il va ensuite à l'entrée de la caverne avec une lumière plus
intense. Il sort de la caverne et est complètement aveuglé par le soleil.
Troisième temps : en tant que grec, ce n'est pas un individu, mais un citoyen : il a le devoir de retourner
auprès des siens pour les aider à mieux vivre - même si la lumière est plus intéressante que le fond de la
caverne, il y retourne pour les libérer. De nouveau, son déplacement est difficile parce qu'habitué au
soleil, il n'a plus l'habitude de se déplacer dans la nuit. Cela fait rire les camarades. Ce qui les fait encore
plus rire, c'est dire qu'ils ne voient que le reflet de la réalité avec un feu, le feu qui est tout petit par
rapport à la lumière du soleil. Ils disent qu'il est fou et le menace de mort.
Soient des hommes vivant dans une demeure souterraine en forme de caverne, laquelle
est ouverte tout d’un côté sur le jour. Il vivent en son fond, enchaînés depuis leur enfance
et de telle manière qu’ils ne peuvent fixer du regard que le fond sombre de la caverne. Un

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

feu situé loin dans leur dos leur fournit un peu de lumière. Entre cette source de lumière
et eux se trouve une route sur laquelle passent des hommes portant toutes sortes d0objets.
Seuls ceux-ci dépassent du mur qui bonde la route et leurs ombres se projettent donc sur
le fond de la caverne, en face des prisonniers. De leur vie n’ayant vu que cela, ces hommes
prendront pour la réalité vraie ce qui ne constitue que des ombres, des reflets de ces objets.
Imaginons maintenant que l’un d’eux parvient à s’échapper et se dirige du còté du
feu puis du jour. Dans un premier temps, il sera à ce point ébloui qu’il ne pourra pas
regarder les objets dont il ne connait que les ombres et moins encore la lumière du soleil
elle-même. Comment ne considérait-il pas ces ombres comme la réalité vraie ? Pour peu
qu’on le laisse s’accoutumer à la lumière, il comprendra que les objets sont plus réels que
leurs ombres, lesquelles ne sont que le reflet du réel.
Imaginons encore qu’il retourne, abruptement, à son ancienne place au fond de la
caverne : dans un premier temps, il ne distinguera rien et ses anciens camarades se
moqueront de la faiblesse de sa perception. Ensuite, ils refuseront de croire ce qu’il dit à
propos de ce que eux tiennent pour la réalité vraie : de simples reflets, des ombres, des
copies nécessairement imparfaites, grossières.

Interprétation :
• Platon essaie de décrire de la manière la plus simple ce que les personnes peuvent connaitre du
réel. La clef du tout, c'est de comprendre ce qu'est la caverne = la caverne, c'est le monde sensible
= le monde des affects/des sensations. (Soma = sema : le corps est une prison - le corps est la
prison de l'homme). La caverne, c'est donc l'enfermement de l'humain dans les sensations et les
affects : nous sommes comme esclaves de nos sensations et nos affects.
L'Homme a une existence pitoyable parce qu'il est esclave des sensations, de la sensiblerie. Les
sensations en soi, c'est bien, c'est juste que l'on est emprisonné par ses sensations. Ex : on doit avoir des
sensations, parce que sinon on mourrait. Le problème pour un grec - c'est que trop de sensations nuisent à l'homme
: donc Platon est très méfiant de cette focalisation de l'homme sur le corps. Pour lui, la partie grande et
noble du corps, c'est l'âme.
On a déjà l'idée de la chute de l'âme dans le corps. -> On a déjà une haine du corps : l'homme c'est
d'abord le corps. Ex : L'homme aime la consommation, la luxure, et non vivre simplement et méditer.
• Nous avons le fond de la caverne et une première source de lumière : le feu. Quid ? Cela représente
l'âme humaine, le logos humain. Platon se rend compte que nous avons une raison, que nous
sommes des êtres rationnels = donc on a déjà une source de lumière en nous = logos.
-> Dans la conception occidentale : la métaphore de la connaissance c'est la lumière. (ex : élucider
- éclairer un problème, éloigner le brouillard etc.)
Le feu c'est une première étape de libération pour l'homme : parce que l'homme va être conscient
qu'au fond de la caverne, il ne voit que des reflets des objets et non les objets eux-même. L'homme
peut se rendre compte ainsi que le corps ne permet de voir que les sensations des choses, les
reflets, et non les choses eux même.
• Il y a une deuxième source de lumière : le soleil - de la vérité, de l'illumination. Platon dit que le
Soleil, c'est l'idée de Bien, l'idée suprême. L'homme bien né, celui qui peut se libérer de ses
sensations, sera attiré par le bien (le bien de tout : du citoyen, de l'homme, du cosmos). Le bien
permet alors l'harmonie.
Harmonie : le mot d'ordre de quelle branche du droit ? Dans quelle branche du droit a-t-on encore
aujourd'hui comme finalité l'harmonie ?
➢ Droit international privé : par la technique juridique, en croisant les ordres
juridiques (et les catégories de droit interne), on cherche l'harmonie entre les
Etats.
➢ Droit pénal : le but du droit pénal est toujours l'harmonie de la société. Ce n'est
pas tellement de punir le coupable (ex : dans les petites communautés, on ne désigne
pas de coupable - on essaie de compenser par contre = le but premier est d'obtenir
l'harmonie)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

L'idée de Bien, le Soleil, c'est celle qui va permettre l'harmonie : en regardant cette idée, on
l'aura comme finalité - en visant le bien, on va réaliser l'harmonie, notamment de la cité = le
bien est donc une notion très morale qui influence tout.
➔ Pour Platon, le bien de la cité, c'est la Justice.
• Les deux idées les plus importantes sont le cosmos, qui influencent tout, et la Justice (qui est juste
guidée par le bien). Donc le droit, c'est la vertu qu'il y a de plus haut dans la moralité humaine
(au-dessus ou avec la religion).
Platon : on a une des centralités du monde : le droit. (avec la philosophie pour Platon au-dessus :
parce que le philosophe voit le monde)
• L'homme qui se libère de ses chaines : c'est un philosophe. Le philosophe est celui qui est le plus
à même de mettre de côté/de se rendre indépendant de ses sensations. Vu que la prison de l'âme
c'est le corps, alors plus on peut se détacher des sensations, plus on peut réfléchir ( ex : une foule,
même d'intellectuels, devient con parce que sensations)
o Le philosophe sort de la caverne et voit le Soleil = le bien. Le ciel = c'est donc le ciel des
idées.
Pour Platon, toutes les essences se trouvent là-haut, dans le monde supra-lunaire. On y
trouve toutes les essences (ex : le bien en soi, l'homme en soi, la vertu en soi, l'animal en soi).
Toutes les idées existent (au sens fort) comme modèle dans ce monde supra-lunière. Le bien
est l'idée la plus importante.
Le philosophe qui s'est libéré de ses sensations va pouvoir regarder les idées : Platon pense
que le philosophe a pu contemplé une fois toutes les idées avant que son âme retombe dans
le corps. → Il ne fait que les redécouvrir
o Le mythe de la caverne montre donc que la connaissance, c'est la visibilité - on a toujours
cette idée dans la métaphore de la connaissance aujourd'hui (influence platonicienne)
(même que l'on a changé de langue)
= on est donc dans une société idéaliste pour la théorie de la connaissance, mais dans la
pratique, on sera plutôt réaliste (pragmatique).
Il suffit alors de substituer, dans cette narration : au lieu sombre de la caverne, notre situation ici-bas dans
le monde sensible (symbolisé dans le mythe par le visible) ; au prisonnier libéré, l’âme du philosophe qui
monte vers le « lieu intelligible » (lieu où s’origine la connaissance vraie) ; à la lumière du feu, la lumière
de l’intelligence – la raison – qui éclaire toute connaissance ; de substituer au Soleil, le bien ou Idée
suprême.

• Champ sémantique de la lumière : théoria = théorie : 3 acceptions


o Théoros : Démocrite (physicien) : c'est la vision physique de l'objet - voir un objet physique,
matériel.
o Platon : reprend, mais dit : que c'est la vision intellectuelle - contemplation par l'âme
humaine d'une idée. L'homme peut par son intelligence contempler les essences.
Ex : contempler l'idée d'humain dans la dignité humaine - vague idée. Théoros = intelligence humaine
qui a contemplé une fois les réalités mêmes qui sont les essences.
o Aristote : activité la plus élevée/la plus noble de l'âme humaine - vision occidentale : toute
théorie est une histoire de lumière.
Définition de Platon de la philosophie : c'est un dialogue de l'âme avec elle-même. Comment on s'y
prend ? Il faut voir les choses avec les yeux de l'âme. (théoria)
=/= Démocrite : voir avec les yeux du corps.

Il faut rappeler ici les acceptions de theoros (dont vient theoria, théorie) : vision d’un objet physique chez
Démocrites ; chez Platon, contemplation des idées, de l’être ou encore du monde intelligible ; chez
Aristote enfin, activité la plus noble de l’homme parce que divine.

• Le ciel des idées : on appelle aussi cela le lieu des intelligibles. Pour Platon, quand on doit penser
un cas concret, on ne peut pas partir du cas concret (Platon n'est pas un penseur inductif, bottom-
up). C'est un modèle déductif, top-down.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

o Ex : on voit du sal, un poil - il y a-t-il une Idée de cela d'ailleurs ? Normalement cela devrait grandiose.
Vu que quand on voit, on sait que c'est cela - alors il y a une idée de crasse. C'est parce que l'on a
cette idée que l'on peut savoir que ce que l'on voit c'est un reflet de cela.
Lieu des intelligibles : dans un monde stable, on a les idées de toutes les choses, les cas, qui
peuvent arriver sur notre terre. On ne peut le voir que si on sort de la caverne.
Enfin « le lieu intelligible » n’est autre que le ciel des Idées, dont la clef de voûte est constituée par le Bien,
Idée suprême, et dont l’harmonie se dénomme Justice.
• La maladresse du philosophe qui redescend parmi les siens
o Montre la vie politique de Platon
o + partagé entre deux positions : Platon, comme philosophe, il trouve les hommes médiocres,
il n'a pas envie de s'en occuper. D'un autre côté, il est grec, et il ne peut pas concevoir la vie
hors de la cité. Pourquoi ? Parce que notre identité même est attachée à la cité - cela a des
conséquences en droit notamment : ex : si on sort de la cité, on peut être réduit à l'esclavage (ex :
on est athénien que dans Athènes)
Notre identité était liée à un droit : le droit n'est pas quelque chose qui est extérieur à soi,
mais le droit était dans les personnes = anthropologique. Le droit était partie de nous-même,
intime. (explique la mort de Socrate - il préfère mourir que de perdre sa citoyenneté)
Lien intime entre être humain et vivre le droit : -> maintenant vie plus triste du droit.

Théorie de la connaissance de Platon : résultat surprenant - nous sommes au cœur de la théorie de la


connaissance - ce que je peux savoir (épistémologie) : et au sommet de la théorie de la connaissance, on
a le bien.
Pourtant aujourd'hui, ce n'est pas l'objet des sciences dures - c'est un domaine des sciences humaines. -
> Clef d'interprétation principale de Platon : pour Platon, il y a un alignement de la philosophie pratique
sur la philosophie théorique. Toute la philosophie pratique (comme le droit), s'alignera sur la philosophie
théorique. On aligne le droit sur la science dur : c'est comme si on avait une science dure, des règles
strictes, qui permettraient de régler les problèmes pratiques d'ici bas, sans science humaine.
Logos : La Raison permet de parvenir au monde des idées, parce que parsemé par les dieux (on
met de l'âme dans le corps des hommes pour parsemer les idées) -> qui fait que l'on peut les
appliquer ici.
Pose des problèmes avec les criminologies.
Ex : criminologie - on n'a pas de criminel dans les banlieues. On a juste des gens mal éduqués. S'ils étaient bien
éduqués, ils ne feraient pas le mal. Si tout le monde avait la connaissance, l'épistémologie -> vu le bien, on ne
commettrait plus le mal.
-> Nul ne ferait ainsi le mal volontairement. (prison ne sert à rien : on devrait réhabiliter - si on remet
les gens dans le bien, sur le bon chemin, les gens ne feraient plus le mal / ! / mais psychologiquement, on
peut dire que des hommes ont des compositions pour faire le mal)
Ex : est-ce que la castration chimique est permise en Suisse ? -> Quel motif juridique ? La dignité humaine.
→ Que fait-on si l'auteur du crime la demande ? (ex : parce que dès que l'on a une pulsion, on n'arrive plus
à se contrôler - la castration chimique : enlève toutes les pulsions. Dès le moment où on la fait, plus de
récidive, parce que plus d'envie)
Ex : enfermement administratif en droit suisse - montre que l'on peut penser que des hommes sont
intrinsèquement mauvais. -> Ex : criminalité au col blanc : ce sont des personnes très éduquées, qui ont une
bonne vision du bien (le mal, c'est plus facile à faire, et cela nous fait pas d'argent - pas forcément envie
d'élever l'âme). Si cela ne touche pas le corps, cela touche les fondements des sociétés même.

SOUS- SECTION 2. L E MONDE DES I DÉES, LIEU DES RÉALITÉS AUTHENTIQUES


Le réel n'est pas dans notre monde : le réel est ailleurs, dans le monde supra-lunaire.
(ex : monde sensible - la caverne, on a que des reflets). Le monde réel = ce n'est pas notre monde pragmatique,
mais le monde des Idées, le monde des intelligibles.
=/= Pragmatique : vocabulaire d'Aristote - pragma/pragmata : tout ce qu'on peut faire l'expérience
concrète.
-> Pour Platon, ce n'est que le monde des sensations : Platon s'intéresse d'abord au monde des
idées, et on dit que les expériences que l'on peut faire ici ne sont que le reflet des idées.

Le monde réel/des Idées - là où on peut voir ce qui est.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Ici, on est dans un monde sombre.

PARAGRAPHE 1. CONTEMPLER LES IDÉES


Toute une série de dualisme : matrice de toute la pensée occidentale. L'Occident est éminemment
dualiste : c'est aussi pour cela qu'on a des problèmes environnementaux
• Âme/corps :
o Corps : prison, ce qui nous maintient ici bas. On est rythmé comme un animal - on a une
haine du corps, parce qu'il est bas. On a donc une haine de la nature - explique problème
environnemental.
• On s'intéresse à l'esprit et non à la matière.
o Âme : partie qui peut s'évader, et rejoindre les dieux
= elle est marquée par Descartes. Il distingue deux mondes dans l'homme :
o Res extensa : la chose étendue - c'est donc le monde physique.
= c'est tout ce qui est le corps, étendu.
La mise en place du réel par la physique, par les équations (ex : les trous noirs, le numérique)
- on réduit du qualitatif au pur quantitatif. = le monde de l'étendue est complètement sous
forme algébrique, de l'équation.
o Res cogitans (cogito) : la chose qui pense (je pense donc je suis)
= c'est l'âme.
Pour Descartes, qui est Platonicien : on a donc deux mondes en soi. La vie humaine est pénible
parce que l'on est partagé entre deux mondes. -> Il y a le corps et l'âme. -> On a un moyen de
relier le corps et l'âme. (la glande etc.)
Cette pensée est au cœur de la révolution industrielle : c'est Platonicien à la base.

On retrouve cela à l'Art 1 CC : qu'est-ce qui relève de corps, et de l'esprit ? = lecture Platonicienne
du droit.
o La loi (esprit) c'est une pure réflexion générale et abstraite : elle ne se préoccupe pas des cas
• Ensuite à défaut de : la loi a vu les idées, il a contemplé le bien, il a fait la justice.
Ensuite, on s'approche des cas : donc c'est le concret, le sal
o Les cas (corps) : c'est la matière, le sal. Top down - on applique la loi sur les cas.
/ ! / Mais al.1 : on commence par la lettre, puis l'esprit - donc on serait matérialiste. (mais au fond
on ne le fait pas : "on ne peut se contenter de la lettre que si cela reflète l'esprit" -> donc on n'aurait
pas besoin de regarder la lettre, on va directement regarder le but. La lettre doit refléter le but pour
être prise en compte = invraisemblable)

• Monde intelligible/monde sensible


o Intelligible : c'est le monde des essences - ce qui est inaltéré, permanent
o Sensible : monde de sensations et des affects : il change tout le temps, et subit l'avenir.
• Sciences / opinion
o Art 1 CC : tout le droit est là.
• Science : la loi - pas d'opinion (Kelsen, c'est du normativisme)
Dans l'idéal : la loi est le produit de la raison du législateur. Le législateur regarde le
monde des idées, et dire le juste, et est censé de la science.
• Opinion : dans la doctrine, la jurisprudence (appréciation, opinion du juge autorisée),
la coutume (parce que l'on considère qu'une règle est obligatoire = opinion qui nous
montre que la règle semble obligatoire)
= toutes les sources du droit, sauf la loi, est frappée d'opinion.
On voit donc que l'Art 1 CC est typiquement Platonicien.
Comme juriste, on ne peut jamais se contenter de la loi (ex : code annoté, les notes : n'importe
quel praticien va commencer par la jurisprudence, avec la loi en tête. La loi n'est qu'un point, mais la
réflexion commence sur les cas qui ont été fait.
Pourquoi ? La loi on peut toujours la faire parler. Les cas, non - on prend les cas pour faire
suivre l'interprétation de la loi. La jurisprudence est donc plus importante que la loi : la loi
doit être fournie comme base légale : mais comme elle est générale et abstraite, ce n'est pas le
nœud d'une solution individuelle et concrète = ce sont les cas )

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

o Le syllogisme : avec, le juriste peut répondre à tout - ressort du positivisme. Même si cela
n'existe pas.
/ ! / En réalité, dans les lois suisses, on a les deux courants philosophiques (Platon/Aristote)
: on tient compte de l'opinion pour faire du top down ensuite. Cela explique pourquoi les
lois fonctionnent.
Comme on doit passer par la loi, qui peut être considérée comme inductive, on fait du
déductif automatiquement (Platon)
=/= Common law : que cas et analogie : pur bottom-up = Aristote.
La philosophie platonicienne est marquée par les dualismes. En premier lieu, âme/corps, distinction qui
affirme le corps être le tombeau ou la prison de l’âme ; monde intelligible (ciel des Idées) / monde sensible
(où nous vivons quotidiennement) ; parallèlement, science / opinion (doxa)

Nous sommes incarnés : dans le monde sensible, enfermé dans notre corps. Le travail humain d'un
philosophe est de remonter au monde des idées par un travail de l'âme en se rendant le plus indépendant
possible des sensations - parce que la contemplation permettra de voir les idées (âme tombée dans le
corps)
Comment l'homme peut-il connaitre alors qu'il est incarné / dans un monde de reflet ? Comment
peut-on accéder au monde des réalités vraies ?
= Nous sachant immergés dans le monde sensible, enfermés dans nos corps comme les prisonniers dans
la caverne, comment nos âmes pourraient-elles monter vers le ciel des Idées pour les contempler et
acquérir une connaissance vraie ?
Réponse : se trouve dans le dialogue du Ménon. C'est un riche propriétaire qui a des esclaves : Platon
va voir Ménon et va dire que ces esclaves sont très intelligents, parce que toute personne a beaucoup de
connaissance en elle. Ménon a beaucoup de doute. Platon (sous le visage de Socrate) propose
d'interroger l'esclave pour savoir de quoi il est capable. Il donne un problème de géométrie en le faisant
résoudre par des réponses à des questions. Ménon découvre que son esclave sait plein de choses. Mais
d'où ? Il n'est pas allé à l'école.
= théorie de la réminiscence : se remémorer, se souvenir. L'idée de Platon n'est pas aussi
abstraite/idéaliste qu'on peut le croire. Ex : pensons à notre propre vie - quand on doit résoudre une énigme,
résoudre un casus juridique.
-> Platon dit que si on a aucune idée de ce que je cherche, comment puis-je débuter ma recherche
? Je ne sais même pas comment empoigner le problème. Pour commencer à chercher, je dois au
moins avoir une vague idée de ce que je cherche. Et inversement : si je sais tout de manière
certaine, cela ne sert à rien de chercher.
= on se trouve devant une expérience concrète : pour commencer une recherche, on doit avoir une
idée de ce que l'on cherche/de ce que l'on veut dire, pour le dire. -> Il est donc faux de dire que
l'on ne connait rien, ni tout : on a tous une idée de ce que l'on cherche quand on commence à
chercher.
Ex : preuve en droit - l'opération centrale en droit (à part la technique juridique qui suit) c'est la qualification.
On a un cas -> comment découvrir les différentes catégories juridiques pour répondre à cette question ?
Souvent, pour un cas donné, on a différentes catégories possibles, et une est surement mieux que l'autre =
il faut le prouver. Sinon, il n'y aurait pas de procès si c'était sur. Personne ne sait comment on qualifie ?
Quelle est l'opération juridique ? Ce n'est pas un syllogisme, parce que l'on a toujours au moins la majeur -
ici non.
o Rechtsfindung : trouver la catégorie - abduction. En le faisant, on est platonicien, parce que
l'on a une vague idée de ce que l'on cherche.
Réminiscence.
o Rechtsanwendung : développer la solution par le syllogisme.
Platon est pragmatique sous cet angle-là : il comprend la nature humaine. On le voit sous des
termes quotidiens : réfléchir - on a déjà fléchi, on a déjà subi les catégories. Ensuite, on doit
retrouver, vu qu'on les a déjà trouvé, la catégorie légale pertinente. = les juristes font beaucoup de
réminiscence. / ! / Différence : on sait comment on a appris les catégories légales - tandis que pour
Platon, d'où viennent les catégories générales dans la raison ?

Comment cela se fait que l'Homme a l'idée de toutes les catégories générales ? Platon pense que les
âmes, avant de chuter dans des corps, se promenaient dans le monde supra-lunaire. Dans ce moment des

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

âmes sans corps, elles ont pu contemplé les intelligibles/les idées. Ensuite, les âmes tombent dans les
corps, où les hommes sont dominés par les sensations. Les hommes sont tellement dominés par les
sensations qu'ils ont de la peine à trouver en eux.
Celui qui a l'accès le plus propre/lucide aux idées, parce qu'il pâtit le moins des sensations, ce sont
les philosophes -> donc même si tous les hommes ont contemplé les idées : certains l'ont mieux
fait que d'autres : avec le travail d'émancipation, et de se libérer des sensations, ces philosophes
peuvent réatteindre le monde des idées.
Introspection : on doit réfléchir sur soi-même pour trouver les idées, sans les sensations (=
Descartes, Freud)
= Le principe de la connaissance, qui vaudra aussi bien pour la philosophie théorique que pour la
philosophie pratique, se trouve énoncé dans le dialogue Ménon : le ressouvenir. L’argument peut se
résumer de la sorte : comment mener une recherche si l’on ignore tout ce que l’on cherche ? Et la
recherche n’est-elle pas inutile si l’on connait ce que l’on cherche ? Dès lors, ne faut-il pas que celui qui
cherche ait une certaine idée, une certaine représentation de ce qu’il cherche, même vague, mais dotée
de contours suffisamment précis pour mobiliser les forces de l’esprit ? En bref, « rechercher » et « savoir »
doivent être conçus comme réminiscence.
Il s’agit de mobiliser, de se remémorer, un savoir déjà connu mais oublié depuis l’enfermement
de l’âme dans le corps : ex : habilement interrogé par Socarte, un esclave de Ménon, dépourvu de toute éducation
en matière de géométrie, s’avère capable de calculer l’air d’un carré, notamment par la seule ré-flexion. → En effet,
les âmes humaines, avant d’être enfermées dans des corps, ont contemplé les Idées : le « beau en soi », la
« piété en soi », le « grand en soi », etc. Elles peuvent donc se remémorer ces idées, à force de travail,
d’ « introspection », de recherche.
Les âmes ne sont toutefois pas toutes de mêmes qualité. Leurs facultés ou puissances de réminiscence ne
sont pas identiques : l’âme du philosophe s’avère la plus apte à se remémorer les Idées – en particulier
celle suprême du Bien (en soi) – et leur harmonie : la Justice.

Les deux idées les plus nobles à se resouvenir : c'est le bien (suprême), et la justice = parce que c'est
l'harmonie de toutes les idées. C'est l'idée des idées : donne l'organisation et le sens de toutes les idées
dans la lumière du bien (oriente toutes les recherches)
Justice : on est dans une science suprême. On n'a que le bien dessus : et donc tout le reste sera affaire de
justice, de juste, de droit.
On garde la même organisation que la théorie de Kelsen : la constitution, c'est le bien, et ensuite
cela descend jusqu'aux lois communales = modèle top-down, déductif. Représentation que l'on en
a, même si pas forcément la pratique.
S’annoncent ici tant la science suprême, science du Bien, que l’harmonie des Idées c’est-à-dire leur ordre,
ordonnancement auquel préside le Bien. Cette harmonie équivaut à la Justice en soi, que seul l’âme du
philosophe peut contempler et se remémorer.

PARAGRAPHE 2. L A J USTICE COMME HARMONIE DES IDÉES


Idée de justice : Platon ne pense pas par discipline - il est interdisciplinaire. -> Souvent on a un parallèle
entre le cosmos (univers en tant que hiérarchie), la cité, et les individus = organisation de ces parties
sont parallèles. Tous essaient en effet de recopier l'ordre du cosmos, c'est ce qui fait l'harmonie et la
justice.
"Il faut des hommes justes pour réaliser une cité juste, et il faut une cité juste pour découvrir les hommes justes".
C'est une teutologie : les hommes justes requièrent d'avoir une société juste, et une société juste a besoin
d'hommes justes = on tourne en rond. On ne peut donc pas réaliser de société juste sur terre : l'un exigeant
déjà de l'autre ce qu'il ne peut précisément lui donner = pas d'harmonie complète du cosmos = l'homme
est fini.
Pour Platon, il faut que l'âme humaine soit équilibrée, comme la société et le cosmos. C'est pour
cela que la Justice est importante : c'est la notion par laquelle l'harmonie se fait : dans l'homme, la
cité, le cosmos. Tout va graviter autour de l'idée de bien.
Pour la pensée contemporaine, souvent marquée (encore) par le cloisonnement des discriplines, le
dialogue « La République » pose une redoutable question : il aborde en effet, tant la question de
l’harmonie de l’âme (de l’individu, et par là la question de l’homme juste, bon, équilibré), tant l’harmonie

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

de la cité (ou polis, c’est-à-dire la question de l’ordre politique juste), quand elle ne mêle pas les deux
objets en les concevant comme interdépendants.
Comment comprendre ce texte aux enseignements si fondamentaux pour les juristes de toute époque ?
La réponse de Platon s’avère pour nous aussi étranger qu’exigeante : équilibre de l’âme et harmonise de
la cité se répondent l’un l’autre ; l’homme juste ne pourra être pleinement tel qu’au sein d’une cité juste
et, inversement, il n’y aura de cité juste que conduite par un philosophe-roi, homme juste par excellence.
Platon ne fait toutefois d’illusion sur la coïncidence concrète, pourtant nécessaire, de ces deux données
dans ce monde trivial peuple d’hommes, monde sublunaire (par contraste avec l’harmonie des astres du
monde supralunaire)

-> Si tout gravite autour de l'idée de bien, même l'épistémologie/la philosophie juridique, comme
c'est une vertu = alors pour Platon, tout est question de morale. Pourquoi ? Le bien = c'est la
finalité de la morale. Le but de la morale est en effet d'organiser le bien. Si on met le bien au
sommet de la philosophie, alors on a une philosophie complètement morale.
Pourquoi est-ce plus facile pour un grec de penser que toute l'organisation de la société doit être
morale, la philosophie théorique aussi ? -> Pour nous c'est même très choquant : qu'est-ce qui
permet la cohérence dans un système tourné autour des droits de l'homme ?
-> Le grec est citoyen : il n'est pas individu. Il est intrinsèquement citoyen : le droit n'est pas
complètement extérieur de ce fait. Le droit est une relation, qui est intime. Si on est
intrinsèquement citoyen, alors tout est moral : tous nos comportements sont citoyens, parce que
cela fait partie de nous complètement (ex : mort de Socrate)
Nous qui sommes des individus et non plus des citoyens, on a la liberté de conscience et de
croyance = notre morale, on en fait ce que l'on veut chez nous. Par contre, on est limité dans la
place publique (droit de l'homme). Pour nous, on pense avoir séparé la société de la morale.
Par contre, si on est que citoyen, jamais individu, c'est logique d'avoir la morale : tous les
comportements d'une personne regardent la société puisqu'ils sont citoyens =/= nous : nos
comportements ne nous touchent en principe que nous.
La force de la communauté : dans n'importe quel acte individuel, on pense que la famille
voir le collectif est engagé - la morale/la communauté est importante. =/= pays dominant
protestant : l'individu est au centre avec les droits de l'homme. -> Maintenant même tout le
monde avec les droits de l'homme, même si on a une importance de la communauté.

La science du bien c'est ce qui organise l'harmonie : les citoyens entre eux, la société, et les sociétés
entre elles = le cosmos.
La vertu de justice est le principe :
➢ la vertu est une disposition d'âme permanente (réflexe sain) à vouloir accomplir
une sorte déterminée d'actes moraux. -> On a un penchant, grâce à la vertu, qui
se construit, à se comporter d'une bonne manière.
➢ La vertu la plus importante est la justice : on ne prend pas plus que ce qui nous
revient.
Point très étrange : on arrive à un point où la quintessence de la connaissance est un domaine moral -
comment peut-on connaitre scientifiquement une vertu ? Pas de réponse chez Platon : on sait juste que
le philosophe a vu le bien. Il revient sur terre pour montrer l'exemple et convaincre les autres de son
comportement/de sa cité. -> Comment va-t-on implémenter réellement ce modèle dans les cas concrets
? On ne sait pas.
On dit ce que devrait la société idéale, mais on ne dit pas comment la réaliser pratiquement =
idéaliste. Depuis Platon, on ne sait pas comment on rend concret des utopies - peut-être ne sont-
elles jamais mises en œuvre.
-> Mieux démocratie que les idéalistes : mais pour Platon, c'est la limite avec la démagogie qui
mène à la révolte.
Pour pénétrer quelque peu cette énigme, il convient de revenir aux fondements de l’harmonie des Idées
: le Bien. C’est autour de l’Idée de Bien que s’organisent et s’ordonnent les autres Idées, assurant ainsi
unité et vérité, mais aussi harmonie, bon ordre, justice. La finalité de la justice se confond alors avec le
Bien et corrélativement, la science du Bien, science suprême (qui transcende la particularité de toutes les
autres sciences), oriente la recherche du juste. C’est pourquoi la justice, qui est une vertu – elle doit même

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

se comprendre comme « vertu des vertus » puisqu’elle équivaut à l’harmonie des Idées et donc à l’équilibre
de toutes les vertus que les Idées assument : piété, courage, honnêteté etc. – se trouve intrinsèquement
liée au savoir, à la science.

Si on a le savoir pratique et le guide (le bien), on arrive à l'idée que nul ne commet le mal volontairement.
On commet donc le mal par ignorance : comme on ne connait pas le bien, on fait le mal. Personne
n'aurait la volonté intrinsèque pour faire le mal - limite : il n'y a pas de mal : il n'y a que l'ignorance. (ex
: preuve - travail d'éducation en prison : ex : peu de vocabulaire - si on n'a pas d'autre moyen d'exprimer l'injustice,
on va devenir violent) -> L'ignorance est source de violence : donc il faut éduquer les plus ignorants.
Permet de comprendre "un juste intellectualiste" : le bien/le juste est le fruit du savoir, de
l'intellect. -> On a la même démarche dans les droits de l'homme : ex DH, CEDH (1948-1950) :
dans l'après-guerre, quand on décide des textes des droits de l'homme, on sait qu'ils sont
inapplicables : pas de droits de l'homme vu que normalement, positivisme juridique. On n'a pas
l'idée d'un corpus de droits de l'homme : applicables contre et par les tribunaux contre les Etats.
A l'époque, c'est complètement idéaliste. Ce n'est pas pragmatique : on n’a jamais autant violé les
droits de l'homme, donc on les crée. -> maintenant, c'est devenu pratique : on n’a jamais eu autant
de recours que sur ces sujets = pragmatique. (on a même une cours au-dessus de l'Etat en Europe).
C'est devenu pratique, cela aurait pu ne jamais le devenir.
-> Cela ne l'est dans le monde en soi (pas de cours mondiale). Idéal : c'est l'idée, la révélation que
l'on doit faire des droits de l'homme -> maintenant cela a rencontré l'histoire.
Ce lien conduira le philosophe allemand contemporain H.-G. Gadamer à affirmer que la conception
platonicienne de la justice est une conception intellectuelle ou intellectualiste. Inversément, la méchanceté
– l’homme mauvais – se réduirait à une question d’ignorance : la méchanceté n’existe pas pour elle-même,
elle n’est que la conséquence de quelque méconnaissance.

Conséquence : quel est le but du droit chez Platon ? (de la loi) Puisque l'idée suprême est le bien, que la
plus haute vertu est la justice (= l'harmonie du cosmos, de la cité, de l'individu), la loi a forcément pour
but la vertu = la vertu du citoyen (tout est moral chez Platon : pas d'individu, et le collectif n'est pas le
destinataire). Comme pour tous les grecs, les romains, les médiévaux : le but de la loi est donc de rendre
bon (bien) le citoyen = on veut exhausser l'âme et la vertu du citoyen. (mettre plus haut - exhausser le
citoyen à être meilleur)
Ex - ducere : c'est éduquer, conduire hors de : conduire hors de l'ignorance = c'est de nouveau le problème
de l'ignorance de Platon. On sort le petit homme de l'ignorance. On est ignorant parce que l'on est
inexpérimenté. Il nous faut des maitres pour nous sortir de l'ignorance (duc = celui qui guide. Le rex = c'est
celui qui sépare le profane et le sacré : le duc permet de comprendre les deux et ne pas les mélanger (polluer
: le profane qui entre dans le sacré))
• Quand on dit que la loi vise à rendre les citoyens meilleurs, on fait du paternalisme (=/=
Libertarien) :
• ajd - c'est l'idée de toutes les démocratiques libérales. (gauche) : on est des humains
animés d'un certain nombre de libertés (droits fondamentaux, droits de l'homme). L'Etat
n'est que pour articuler les libertés entre elles, parce que les libertés s'arrêtent là où
commencent celles d'autrui. Aujourd'hui, communauté de personnes articulées avec
leur liberté. Pourquoi ? Parce que l'on considère que chacun est le mieux à même de
comprendre ce qui lui convient - on ne doit rendre de compte à personne, l'Etat ne doit
pas nous commander. -> Donc si on fait des lois pour arriver au bien, on demande
quelque chose à l'individu, alors c'est paternaliste.
• Avant : le but de la loi c'est de montrer l'exemple, de montrer le comportement juste. Ex : c'est ce
qu'on fait aujourd'hui pour le droit de l'environnement, on donne de moins en moins de choix aux citoyens
à qui on impose des choses pour le bien commun.
o On a la même structure dans la Grundnorm : l'ensemble des lois, toutes les vertus
découlent du bien. Pour être exercées, elles doivent l'être en vertu du bien. C'est
une structure idéaliste.
Ex : droits fondamentaux : ils découlent tous de la dignité humaine, qu'ils doivent
respecter. -> Tout découle de la notion de dignité, comme pour Platon tout découle du
bien.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

o / ! / Paternalisme : ce n'est pas une idée de commandement (idée moderne du


législateur qui commande). Les grecs estiment qu'ils ne commandent que les
esprits médiocres. Les bons esprits vont comprendre les raisons de la loi,
comprendre que la loi est bonne, et vont adhérer eux-mêmes à la loi -> pas de
commande pour les personnes qui ont de la philosophie pratique. La loi n'est alors
contraignante que pour les idiots : ceux qui n'ont pas de philosophie pratique ou
qui veulent détourner la loi.
=/= les modernes : que des commandements. Les modernes sont des
êtres infinis : comme la liberté s'arrête commence là où s'arrêtent celles
des autres, alors sans individu, la liberté est infinie. Comment on se
coordonne du coup pour les libertés infinies ? La sanction.
Comme pas d'individu avec une volonté absolue : alors, même si un peu de
commandement, ce n'est pas le ressort de l'ancien droit. -> Parce que la liberté,
notamment chez les grecs, est limitée : zoon politikon = en effet, dans notre
nature, on doit vivre avec autrui (on ne se développe qu'ainsi). On ne peut pas
être infini, parce que toujours avec d'autres –
ex : on doit faire des concessions en couple - montre déjà que dans notre
conception, vu qu'on vit avec les autres, on ne peut plus faire comme on veut,
c'est se restreindre =/= Grecs : on vit grâce aux autres.
En découle que le but « ultime » recherché par les lois est la vertu : elles visent à rendre bons les citoyens,
et non à leur ménager ou à leur garantir une sphère d’autonomie la plus large possible au sein de laquelle
chacun puisse agir selon son bon vouloir. → La finalité du droit consistant à rendre les citoyens bons –
but assurément étrange sous un regard contemporain – exige du législateur d’être meilleur que les
destinataires de la loi, d’avoir une perception plus aïgue et complète qu’eux de ce qu’est le Bien.
Pareille qualité se retrouve dans la personne du philosophe-roi, figure fameuse et bien singulière de la
pensée platonicienne.

• Que se passe-t-il quand la finalité de la loi est le bien ? Si on est en présence d'une loi qui ne sert
pas le bien (ex : on a un législateur, volontairement, qui émet une loi qui ne fait pas le bien - ne permet pas
aux citoyens d'être meilleurs, voir l'écrasent), comment la qualifie-t-on ?
o Que peut faire un juge en droit suisse aujourd'hui contre une loi scélérate ? Si
anticonstitutionnelle : on doit l'appliquer. Si une loi fédérale est injuste au sens qu'elle viole
la constitution, le juge doit l'appliquer. On est donc dans un système juridique où on
applique des lois injustes. (ex : impôts plus chers pour des époux que des concubins - les juges
appliquent alors un droit fiscal injuste)
Pourquoi ? Parce que le critère de la juridicité n'est pas le contenu de la norme, mais la
forme. (conformité) -> Qu'importe le contenu de la loi, tant qu'elle a été adoptée
correctement, on l'applique-
o Grec : même si une loi est bien faite, si elle ne fait pas le bien, alors on ne doit pas l'appliquer
et le citoyen doit refuser de l'appliquer (désobéissance civile) = la loi n'est pas la pure forme,
c'est avant tout le contenu, la valeur = tout est affaire de valeur et de vertu.
La loi injuste n'est pas du droit.
• =/= droit suisse : les suisses doivent respecter la loi, parce que la loi injuste est du
droit.
C'est pour cela qu'on définit le droit comme un commandement : on ne doit pas
regarder le contenu, mais juste suivre le commandement. On comprend alors la
violence du critère de la conformité : on doit avoir la même forme/suivre la loi, sans
regarder le contenu.
/ ! / En théorie : en pratique, les juges sont quand même plus censés - contrôle abstrait,
droit international, équité etc.
En présentation, on a 190 - mais en effectuation, on veut se débrouiller.
On comprend dès lors parfaitement pourquoi une loi mauvaise c’est-à-dire une loi qui ne vise pas au Bien,
à l’harmonie de la cité et de l’âme, en d’autres termes une loi injuste, n’est pas du droit. Le contenu (la
teneur) de la règle se révèle donc déterminante pour juger de sa qualité juridique ou a-juridique, position
très éloignée d’une certaine conception moderne de la règle de droit pensée dans la logique du droit

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

commandement. Dans cette dernière, la question du contenu, de la matière (par contraste avec la forme),
de la règle est reléguée au second plan, l’accent étant mis sur la régularité formelle ou procédurale de
l’élaboration et de l’adoption de la norme.

• Qui va rendre bon le droit ? C'est le philosophe roi. (notion des commentateurs de Platon). Pour
qu'une cité fonctionne bien, il faut mettre à la tête de la cité un philosophe - pourquoi ? Parce que
c'est celui qui a contemplé le plus lucidement les idées : il a la meilleure idée de bien. Il peut donc
faire les lois les plus intelligentes pour bien conduire la cité.
Le philosophe = le plus sage doit conduire la cité -> le moins sage doit obéir.
On a des graves problèmes avec le philosophe roi à cause de sa nature particulière :
o Il est le seul, s'il existe, à avoir contemplé avec autant de lucidité les idées - il faut en trouver
un qui a eu ce privilège = pas sûr d'en trouver un.
C’est une figure singulière de la pensée platonicienne, parce qu’il a été donné au seul philosophe roi de
contempler l’ordre divin des idées et donc de connaitre la jusitce.
o La vocation sociale de ce philosophe roi : celui qui a contemplé le bien n'a aucune envie de
retourner dans le monde des hommes - parce qu'il voit que c'est triste, pauvre, médiocre - il
ne sait plus se comporter dans le monde ordinaire. Comme il était dans le bien, la sagesse,
retomber dans le monde des petites affaires, c'est fatiguant. (cf. mythe de la caverne)
Pour les philosophes rois, il faut être dur : il faut lui demander de gouverner, sinon on lui
donne de l'argent (déjà dégradant pour lui), sinon on le menace de mort.
Le philosophe, traité de fou, n'a aucune envie de diriger la société -> mais c'est son devoir :
vu qu'il est le plus élevé des citoyens, il doit donner aux autres sa sagesse.
C’est aussi une figure spéciale parce que sa vocation sociale à partager son savoir avec ses concitoyens ne
va nullement de soi : il faudra le convaincre, voir le contraindre, à redescendre parmi les prisonniers
demeurés dans la caverne pour leur enseigner et leur imposer une vie juste, bonne. Ne passera-t-il pas
dans un premier temps, voir à tout jamais, pour fou ? Il n’importe.
o Comment le philosophe roi va concrètement réaliser l'harmonie qu'il a contemplé ? Il a le
modèle de la société parfaite dans la tête, comment la mettre en place ? Pas de réponse. On
sait juste que ce n'est pas de la pure volonté politique (volontarisme) - ce serait du droit
commandement.
La politique, c'est l'émanation du bien : quelle est la solution de Platon du coup ? C'est
la cause exemplaire : au fond, c'est par l'exemplarité qu'il va convaincre les autres
citoyens de le suivre - il doit avoir un meilleur comportement des autres pour que les
autres veuillent l'imiter. C'est par l'imitation du philosophe roi que l'on pourrait mettre
en place une société juste.
C'est cohérent dans une société intellectualiste : comme personne ne fait le mal
volontairement, une fois que l'on comprend que le comportement est juste, alors on va le
suivre -> ce n'est que de la théorie, pas possible en pratique.
Très éloigné de notre manière de faire : on pense au social engineering - on pense que
le droit permet de diriger la société par la loi. On peut orienter par la volonté politique
intelligente la société = volontarisme strict. (cela ne marche pas forcément, il faut être
méfiant)
Cette harmonie demeure, de surcroît, difficile à comprendre en ce qu’elle ne résulte pas, en son principe,
de l’activité humaine, de la mobilisation de bonnes volontés et de moyens adéquats. Loin de découler de
quelconque conquête volontariste des gouvernants (social engeenering) sur la chaos ou le désordre, ou
encore la maitrise d’un instinct belliqueux par nature, l’harmonie s’offre comme réalité suprême, ordre
ultime des réalités, auquel a accès l’intuition-réminiscence de l’âme la plus noble, la meilleure, laquelle
doit simplement rechercher l’imitation ici-bas de ce bon ordonnancement des Idées entre elles.
La République et Les Lois exposent un certain nombre d’enseignements qu’aurait recueillis le philosophe-
roi concernant le juste, un juste aussi bien politique qu’individuel.

SECTION 3. L A JUSTICE DANS LA CITÉ ET DANS L ’HOMME


SOUS- SECTION 1. L E PRINCIPE
C'est l'application concrète : vu que tout est moral, on doit retrouver la morale dans la société et dans le
citoyen (→ tout est moral, on doit retrouver la morale dans la société et dans le citoyen (et dans le

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

cosmos)). Cela veut dire que la même harmonie que l'on trouve dans la cité doit se trouver dans l'âme
du citoyen, et réciproquement -> d'où « il n'y a une cité juste qu'avec des hommes justes et des hommes
justes avec une société juste » = on tourne en rond.
Parallèle de ce fait entre les vertus dans l'homme et la vie de la cité : ce sont les deux une copie
de l'harmonie parfaite des idées.
Point surprenant pour nous : comment va se construire la solidarité sociale entre ces trois
corps ? C'est par l'inégalité des statuts que l'on obtient les statuts = c'est la différence qui
fait la solidarité sociale.

Point de départ de Platon : il s'agit de la distinction de trois fonctions au sein de la cité. Cette distinction
n'est pas de Platon, elle court dans tout le monde occidental jusqu'à l'Inde = tout le monde indo-européen.
Dans tous les pays, on trouve la même répartition : dans la cité, on a :
• Une fonction de production : des biens matériels - pour faire tourner matériellement la cité
• Une fonction de défense : police/armée (ordre intérieur/extérieur)
• Une fonction de gouvernement
Puisque le monde dirige tout, cela doit se retrouver dans l'âme de chaque citoyen 3 vertus : individu et
le collectif de l'autre -> la vertu permet de rendre harmonique les fonctions de la cité et du citoyen.
= Psyche : psychologie de l'âme.

D'abord, on doit comprendre les valeurs dans la cité, à cause du principe de l'harmonie - harmonie de la
cité, de l'individu, et comment on la relie pour ne faire qu’une notion.
• Société
o Production de biens matériels : responsable - paysans, artisans
o Défense : ce sont les soldats
o Gouvernance (diriger la cité) : ce sont les gardiens - ils sont les gardiens de la bonne
conduite de la cité.
=/= complètement différent aujourd'hui : c'est l'égalité devant les fonctions (égalité des chances)
qui fait la solidarité.
Grèce : pas l'identité de statut qui fait la solidarité : c'est nos talents, nos capacités qui fait dans
quelle catégorie on va. Et peu importe le sexe - c'est la différence qui fait le lien.
Copie de l’harmonie des Idées, la justice sociale ou politique réside dans l’équilibre des diverses fonctions
ou parties constitutives de la société, lesquelles sont au nombre de 3 : la production, la défense et
l’administration.
La première est assurée par la classe des artisans et fournit la cité en biens matériels.
La seconde est assumée par la classe des soldats.
La troisième échoit à la classe des « gardiens » qui administre la cité et fait respecter la loi.

Comment les qualités que l'on trouve dans la cité se voient dans le citoyen ? On en a besoin vu que c'est
une harmonie, la justice - il faut un homme juste pour une société juste, et une société juste pour un
homme juste.
-> Cosmos : tant que l'on vit dans un ordre hiérarchisé, l'égalité se pense au travers des différences. En
effet, tout le monde ne peut pas être tout en fonction des qualités propres, personnelles, la persévérances.
C'est parce qu'il y a des groupes que la société fonctionne.
On a renoncé au cosmos aujourd'hui : on vit dans un univers, qui est homo-gène. (par définition)
-> La physique a eu des conséquences directes sur le droit : on a repris dans la philosophie les
idées de la science, par l'égalitarisme : tous les individus sont les mêmes de par leur qualité
d'humaine - on est égaux - tout le monde, malgré la personnalité différente, a le droit aux mêmes
droits de l'homme.
La justice sociale se réalise donc autour du principe de la division du travail, de la répartition des fonctions
sociales. La cité se comprend donc comme la réunion d’être dissemblables et inégaux. Mais leurs
différences sont loin de les séparer : elles forment au contraire la base même de la solidarité entre les
parties constitutives de la cité.
La « solidarité par différence » appelle pour principe cardinal, centrale, la forme de justice dite distributive,
traditionnellement ramassée dans l’adage latin « sum cuique tribuere » : à chacun la part adéquate, à
chacun « le sien », à chacun son dû (tribuere signifiant répartir). Elle consiste à répartir les biens, les

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

pouvoirs, les charges et les devoirs entre les membres d’un groupe en fonction de leurs responsabilités,
de leur possibilités (physiques, morales, psychiques) et de leurs besoins – cette vertu de justice répartissant
ou départageant selon l’égalité géométrique (ou proposition X/A = Y/B) constitue vraissemblablement
l’une des définitions les plus originelles du droit : opérer des partages, des distributions.
➔ Semblablement, l’âme humaine se divise en 3 fonctions différentes dont l’équilibre réalise la
justice en l’homme, soit un homme juste. Ces trois fonctions sont parallèles à celles rencontrées
sur le plan de la société et se traduisent respectivement, en termes psychologiques (psyche, signifie
l’âme, l’esprit en grec) par :
• Fonction de production - pourquoi produit-on ? Parce qu'il faut assouvir les désirs élémentaires -
première génération des droits de l'homme. Qu'est-ce qu'on y trouve ?
Manger, boire, se vêtir, pouvoir être abrité. -> pour cela, il faut produire de la nourriture,
des briques etc. Il nous faut donc des paysans et des artisans.
A quelle vertu correspond-il ? Quelle disposition de l'âme faut-il pour se gérer face aux
besoins élémentaires ? La tempérance - pour un grec, il serait honteux d'être volontairement
obèse, ou anorexique, parce que sinon on pèse sur la société et on ne l'aide pas. (on doit
manger ni trop ni pas assez) = tempérance face au corps.
Les désirs élémentaires et la vertu de tempérance pour les ordonner (en correspondance avec la
production)
• Fonction de défense : on y trouve la colère - thymos : c'est un sentiment d'indignation (ex : grève
des femmes - les femmes sont indignées que leur place de la société avance trop lentement. Grève climatique
: indigné que la civilisation actuelle ne fasse rien pour le climat)
Juriste : on connait cette sensation sous le sentiment d'injustice - cela va nous pousser à agir
fortement.
Quelle est la vertu qui correspond à l'indignation ? Ce serait le courage. -> Le courage est
intéressant, parce qu'il écarte deux excès (vertu : c'est toujours un juste milieu entre deux
extrêmes). Ainsi, une réaction trop violente serait disproportionnée pour les juristes (ex :
représailles - si elles sont autorisées dans le droit international public, elles doivent être proportionnées.
Pareil pour la légitime défense) et ne pas agir, ce serait une erreur pour un grec (ex : si une loi est
injuste, on doit réagir - pour un grec, on ne doit pas respecter une loi injuste)
Le sentiment de colère (indignation) et la vertu de courage pour la canaliser et bien en user (en correspondance avec
la défense)
• Fonction de gouvernance : ce qui est attendu comme capacité c'est l'intelligence réfléchie - la
réflexion = la prudence. Le bon gouvernement est un être prudent.
Donc la vertu est la prudence (sentiment : intelligence réfléchie, pour fonction gouvernement)
o Juge : sage, sophia, phronesis - il n'est pas un philosophe, mais par son expérience, il connait
la bonne mesure.
o Montre la vision de Platon : le bien est une affaire de savoir - on pourrait presque mettre ici
"episteme" -> La prudence est une affaire de savoir : personne ne peut volontairement être
méchant.
=/= Aristote : la prudence c'est une affaire d'expérience - de doxa.
Explique les deux visions du CC : Platon : législateur → doxa (sagesse jusqu'à opinion (du
meilleur au moins bien)). Aristote + = ce qu'il y a de plus pragmatique, c'est la doxa
(notamment celle des juges). Et ce n'est que par la doxa des juges que l'on peut connaitre la
loi -> ce n'est que par la jurisprudence que l'on comprend la loi.
Ex : signification de l'Art 7 Cst - on a meilleur temps de voir les opinions pour essayer de comprendre
la loi (notamment s'inspirer des affaires françaises pour comprendre les idées suisses)
= on voit donc que les juristes se sont complètement inspirés de ce vocabulaire.
L’intelligence réfléchie et la vertu de prudence qui admet l’adaptation à toutes les situations (en
correspondances avec l’administration intérieure, la « gouvernance »)

On voit donc que c'est par la vertu que l'on peut relier les besoins de la cité et les réalités phycologiques
de l'humain (physiologiques) -> alors : pour Platon, la justice c'est l'équilibre par la vertu de la cité et du
citoyen - cela ne devrait au final être compris que dans une seule sphère.
"Mos mores, mœurs" : si les mœurs sont bonnes, alors la cité sera bonne parce que les mœurs c'est le
lien entre citoyens - cité, cité-citoyens. = tout est affaire de vertu, de morale.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Somme toute, le juste traverse tous les aspects de la praxis (vie pratique) : il est proprement moral au sens
large du terme : mos, mores signifie en latin les mœurs, les habitudes, les coutumes. On comprend sans
difficulté cette conception large, transversale, du juste dès lors que l’on garde à l’esprit que l’individu, pour
les Anciens, n’existe pas pour lui-même, qu’il est toujours déjà un citoyen, c’est-à-dire membre d’un
groupe social. Son identité vient de cette appartenance.
-> / ! / Comment obtient-on un juste morale par l'épistémée ? Comment la morale qui est un objet
pratique se définit par le savoir ? Comment peut-on théoriquement connaitre le juste ? - Aucune
réponse.
Comment peut-on poser des valeurs en dehors de toute pratique ? On ne peut pas savoir si c'est
concrétisable, réalisable.
/ ! / On a des visions encore idéalistes comme cela aujourd'hui : ex : droits de l'homme - à la base,
pure théorie, aucun cas. Maintenant, on a du pragmatisme - qui montre que cet idéalisme a réussi. Mais est-
ce que tous les idéalismes réussissent ?
Montre pourquoi l'individu n'a qu'un lien avec la cité : c'est par ces vertus internes qu'il est lié à la cité -
intrinsèquement lié à la cité. -> Le collectif est donc toujours déjà là avant l'individu ex : parce que l'on a
des parents quand on nait, on entend sa mère pendant 9 mois. -> on ne nait pas comme individu : on nait déjà dans
une institution : la famille, dans un système juridique et social précis.

Qu'est-ce qu'être juste pour un citoyen ? C'est accomplir le mieux possible sa fonction sociale - si on a
par nature et par compétence l'appartenance à une des trois fonctions, on doit, suivant la fonction à
laquelle on appartient, la réaliser le mieux possible pour la cité. Pourquoi ? Parce qu'en la réalisant le
mieux possible pour la cité, alors on la réalise le mieux possible pour nous, parce que l'on nait pour faire
partie de la cité - plus la cité sera heureuse, plus on sera heureux.
Ex : En Suisse, nous ne sommes pas au fond que des individus - on trouve des gens pour s'occuper des
communes, des associations, des groupes.
-> Notre destin de citoyen s'accomplit dans un Etat : si l'Etat fonctionne bien, nous fonctionnerons
bien. Il faut donc l'aider.
Il faut un minimum de bonheur de la cité qui rejaillit sur le bonheur du citoyen, et inversement. Si
une société est injuste, la personne sera malheureuse.
Il y a donc un lien entre la politique et la psychologie : un lien en la morale (siège de l'âme) entre le
citoyen et l'organisation de la cité - ils doivent être en harmonie. Ils vont de pairs, même parallèlement
pour Platon.
/ ! / Inverse en droit moderne : en théorie, on a séparé la morale du droit. Le juriste n'a pas à
émettre des jugements de valeur en faisant du droit, parce que c'est une science. -> C'est faux !
Preuve : correct que les juges puissent donner des jugements de valeur - donc dire que la loi est
inéquitable. / ! / Mais on a quand même 190 : si la loi est contraire à la Cst, alors le juge doit
appliquer la loi inégalitaire. Mais on a des protections notamment avec les référendums.
-> Vouloir dissocier moral et droit, c'est très dangereux. / ! / Mais trop les lier aussi, si on a peu
de vertu.
Etre juste signifie, dès lors, accomplir adéquatement sa fonction sociale, celle qui nous revient « de nature »
et participer de la sorte au bonheur de la cité toute entière : justice politique et justice « psychologique »,
cité bonne et homme juste vont de pair. C’est donc bien une morale non séparée de la politique, et,
surtout, non séparée du droit qui prévaut ici, alors que tout l’effort des Modernes consistera à disjoindre
morale et droit, en prétendant mettre ce dernier, plus exactement la science du droit, à l’abri des jugements
de valeurs.

SOUS- SECTION 2. QUELQUES APPLICATIONS DU JUSTE PLATONICIEN


Comment se concrétisent les Idées de Platon ? (idées très abstraites -> mais Platon est conscient des
réalités du terrain, et il est pragmatique. S'explique parce que les philosophes doivent retourner dans son
monde pour l'éduquer après avoir vu les essences)
Platon, conscient du caractère très (vraisemblablement trop) exigeant de sa concpetion du juge, y apporte
deux ajustements témoignant d’un pragmatisme acquis au fils des expériences politiques malheureuses.
• La loi (au sens des juristes) : comment Platon la pense-t-il ?

58
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

o D'un certain côté comme nous : Platon pense que les lois sont nécessaires à la société (là où
on a une société, on a du droit, et la plupart du temps les lois). Platon n'a donc rien contre
la loi.
• =/= Marxisme : ils en veulent à la loi elle-même - cela permet la propriété privée, notamment des
moyens de production, qui garantit la domination des bourgeois sur les ouvriers - on veut donc
faire tomber les lois et le droit pour laisser place au peuple, au prolétariat.
-> Les hommes étant des crapules, si on ne les conduit pas, ils iront droit dans le mur.
• Quelle est la base juridique du capitalisme ? (néo-libéralisme montre que c'est vrai)
Liberté de la concurrence. On s'en fout du social. / ! / Mais on constate qu’il n’y a pas
de concurrence pour les énormes entreprises - ce sont des anticapitalistes absolus. Le
capitalisme est censé interdire la concentration, alors qu'il y en a des énormes. On
devrait les disloquer.
Platon est communiste, mais pas dans le sens moderne, parce qu'il n'est pas contre la loi.
Pour Platon, par contre, la loi n'est pas un instrument de domination (ex : pas comme
aujourd'hui - toutes les lois sont liberticides). Une loi ne vient pas automatiquement diminuer
la liberté individuelle : non, la loi a pour but de rendre meilleur, exhausser les citoyens (=
vision du droit, de la morale, de la justice du citoyen) -> Portée juridico-éthique des
citoyens.
= rendre meilleur les citoyens lorsque celui manque de raison pratique. Idée générale d'un
grec : un citoyen bien éduqué a suffisamment de raison pratique pour obéir à la loi, sans la
subir. -> Le grec : pas besoin de sanction si la personne est assez censée pour se rendre
compte du bien-fondé de la norme.
Par contre, tous les humains ne sont pas dotés de suffisamment de raison pratique - il faut
des lois pour ceux qui ne sont pas capables de suffisamment voir le bien-fondé. La loi est
donc morale, juste - parce que sinon, les citoyens n'y adhéreraient pas par raison pratique
(parce que si la loi est injuste, on ne devrait pas l'appliquer)
o Platon : il ne veut pas du social engeeniring. -> On ne veut pas faire des lois pour changer
les gens : on veut faire des lois suffisamment bonnes pour convaincre les citoyens. C'est
l'exemplarité, la conviction qui doit mener la société.
Ex : Cela se voit aujourd’hui en Suisse par la procédure de consultation : il y a besoin de peu
de sanctions, le droit est facilement appliqué - profonde réflexion des suisses.
En premier lieu, le fondateur de l’Académie ne doute pas un instant de la nécessité pour une cité de
diposer de lois : le monde humain étant ce qu’il est, on ne saurait concevoir un ordre politique sans lois
– au contraire de la lecture communiste du marxisme : la révolution prolétarienne pleinement réalisée
conduit à la disparition du droit, puisqu’il n’y a plus de distinction exploitants/exploités et que le droit est
perçu comme l’instrument de domination de la classe bourgeoise sur les prolétaires.

o Platon ne sacralise pas la loi : (aujourd'hui, on l'a sacralisé : Art 1 CC - tout le droit c'est la
loi).
• Premier problème : la loi ne peut être qu'imparfaite, en particulier dans ses applications.
Pourquoi ? Parce que les réalités sociales sont éminemment changeantes. Pourquoi ?
Parce que l'on est dans le monde sub-lunaire (monde marqué par le changement
permanent : tout est affaire de changement). On est attaqué à nos sens, qui fluctuent,
donc il n'y a rien de permanent.
-> Comment peut-on avec un instrument permanent saisir des réalités changeantes ?
Ce n'est pas possible - il ne faut donc pas abuser de la loi, parce que ce n'est pas un
instrument adéquat. Alors, il faut l'utiliser, car on n'a que cela, mais on ne doit pas
trop jouer avec : parce qu'elle ne s'adapte pas à l'écoulement du temps.
Preuve : le juge adapte la loi - c'est lui qui fait de la loi du droit vivant. -> La
loi c'est du droit intemporel.
De plus, la loi est générale et abstraite, les cas singuliers et concrets - ce n'est donc
pas adapté, surtout qu'il est impossible logiquement de passer de l'un à l'autre.
Ex : le fait n'entre jamais tout seul dans le droit - le fait entre dans le droit selon le code de
procédure - il n'y a donc pas de faits réels, il n'y a que des faits juridiques. On doit en effet
regarder dans le code de procédure si on peut faire entrer les faits que l'on veut rapporter :

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

donc la partie faits des arrêts sont déjà du droit (ex : si pas de preuve par témoins, tous les faits
qui en découlent tombent)
• Deuxième problème : obstacle de la langue - vu que la loi est faite de mots, qui sont
généraux et abstraits par rapport aux réalités qu'ils désignent, on perd aussi du sens
entre la loi et le cas.
Il y a donc une inadéquation intrinsèque de la loi au cas : il est donc impossible logiquement
de passer de la loi au cas. -> aucune logique formelle derrière le syllogisme : cela cache le
vrai pouvoir d'appréciation du juge.
Simultanément, Platon ne sacralisera pas la loi écrite – contrairement au fétichisme de la loi écrite – la
sachant notamment imparfaite en particulier dans ses applications.
Les réalités sociales sont essentiellement mouvantes, changeantes, de sorte que la loi écrite, ne serait-ce
que par l’écoulement du temps, ne sera plus adaptée à ces réalités.
De plus, générale et abstraite, la loi écrite ne peut rendre pleinement compte de la singularité de chacun
des cas d’application, eux singuliers et concrets, alors même que le droit doit assumer la particularité de
chaque situation pour être véritablement juste – Aristote développera longuement ce thème de
l’inadéquation intrinsèque (inévitable) de la loi aux cas, attitude empreinte de modestie que l’on oublie
trop souvent alors qu’elle éclaire magnifiquement le travail, dans une certaine mesure « créateur » du juge :
relier le cas à la loi.

La preuve de ces nuances est le cas du dépôt :


• Le dépôt : ex : on a un ami qui dépose des armes chez nous. Ensuite, il part faire un séjour. Il revient,
complètement fou de rage, voulant tuer toute la société. Il a perdu la raison, et il veut qu'on lui restitue les
armes qu'il a déposé auprès de vous.
Qu'est-ce que l'on fait ? Il y a un contrat de dépôt : les armes ont été déposées, il revient -
normalement, on doit lui rendre les armes.
/ ! / Platon est ici très réaliste : il dit qu'il ne faut pas restituer le dépôt sachant que la personne
risque d'utiliser les armes pour commettre le mal, c'est-à-dire faire du mal à la cité. -> Le droit privé
ne peut pas être utilisé contre la société : le droit privé doit lui-même être organisé au vu du
bien commun.
On a perdu ce réflexe en droit moderne : le droit privé n'est pas là pour le bien
commun, mais l'économie (ex : l'environnement)
Kant : il faut restituer les armes - peu importe le but. Parce que si on ne respecte pas
les contrats, on perd le principe de la confiance. Si on perd la confiance, tout s'écroule
-> sur ce principe, il a raison : si on perd la confiance, tout s'écroule. (ex : le fond du
marché, c'est la confiance - quand les grecs n'ont plus eu confiance dans leur système bancaire,
on a dû bloquer tous les bancomats pour que les banques ne soient pas ruinées ) preuve :
principe de la confiance 2 CC
Kant / Constant : a-t-on le droit de mentir ? On n'a pas le droit de mentir selon Kant
(ex : même si on cache un juif chez soi et que la Gestapo vient et nous demande s'il est là, on
doit dire oui) - si on introduit le droit de mentir, on ne peut plus faire confiance en la
parole donnée (plus de contrats : pas de pacta sunt servanda, tout s'écroule) →
Constant est choqué : mais c'est le résultat d'une pure philosophie idéaliste. -> On
pense que l'on ne peut pas avoir d'exceptions au principe, sinon tout le principe tombe.
En réalité, on peut avoir des exceptions au principe (comme dans les lois, pas la
science), et le principe reste.
Platon l'a compris : même si on a des idées, on doit rester réaliste.
Platon : il n'y a pas de droit hors contexte = le droit en situation. -> Le contexte est constitutif du
sens de la norme. / ! / Positiviste : les normes devraient avoir un sens en soi - sans contexte, elles
devraient toujours avoir le même sens (ex : méthodes d'interprétation pures de la loi). -> Or Platon a
compris que ce n'était pas possible - ex : ordre public - pas le même en droit privé, public, dipublic/privé,
militaire etc. -> On ne peut pas comprendre une norme autrement que comment elle s'applique dans
notre cas concret, dans notre situation concrète. -> Preuve : Art 7
Le contexte est central dans l'application d'une norme, parce qu'il donne son sens. -> Comment
on fait parler des normes générales et abstraites dans des cas individuels et concrets ? C'est le
contexte qui fait vivre la loi.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Ex : Methodenpluralismus : on prend une méthode en fonction du contexte - montre ce qu'on fait


réellement = valeur du contexte.
Le contexte est constitutif : le droit n'est pas absolu, il est toujours relatif. Le droit ne peut pas
être absolu = oxymore. Même dans les droits fondamentaux, quand on doit trancher entre eux !
(ex : droit de la femme à sa personnalité, droit de l'enfant à naitre ) -> Parce que le juge doit trancher,
sinon déni de justice.
Le droit est toujours une relation : il n'existe que dans la relation -> tous les droits subjectifs
sont faux : parce qu'il n'y a pas de droit dans le sujet directement. Le droit n'existe que dans
la confrontation avec l'autre : il faut un contexte pour savoir quel est le contenu de son droit
(ex : droits subjectifs de Robinson - aucune pratique, n'existent au fond du coup pas - aucun sens)
L’exemple classique du dépôt permet d’expliciter ce dernier point. L’objet déposé doit être restitué à son
propriétaire. Cette prescription, incontestable en son principe, c’est-à-dire dans l’abstrait, ne saurait
toutefois être suivie dans tous les cas, aveuglément. Prescription abstraite donc émise en dehors de la
considération de la singularité de la situation réelle, du contexte : on n’y obéira pas le cas échant. Par
exemple, lorsque le propriétaire, entre-temps, est devenu fou ou gravement dépressif, que l’objet déposé
est une arme, que le dépositaire peut légitimement craindre que le propriétaire en fasse un usage
malencontreux, voir funeste.
Par cet exemple anodin, Platon livre au juriste et au philosophe l’un des enseignements les plus
fondamentaux, indépassable en tous les cas, de toute réflexion juridique : le droit n’est jamais absolu, il
est essentiellement relatif à autrui et à la situation concrète à régir. En d’autres termes, le droit est toujours
une relation.

• Comment on fait pour appliquer ces considérations du droit de Platon, très réalistes, avec son idée
de Philosophe roi ? Aucune réponse.
o Philosophe roi : top down - il voit les idées mieux que les autres. Ensuite, en dehors de la
caverne à dedans la caverne, il descend pour dire au peuple ce qu'il en est. Qu'est-ce qui
nous dit que le philosophe roi a une vision pragmatique / adéquate ?
o On a des philosophies a priori : on n'a d'expérience de la réalité, et on essaie d'en faire du
droit/de la philosophie. Si on pose des valeurs de base, sans savoir si cela correspond à la
pratique (le philosophe voit les idées, mais on ne sait pas comment cela s'applique dans la
caverne, quid ?) - problème.
On devrait pouvoir, dans un monde réel, faire comme dans le monde parfait - c'est
parfaitement illusoire.
-> Les juristes doivent être très méfiants face à ces philosophies.
On a posé dogmatiquement que, mais on n'a pas la garantie de la commensurabilité de la loi
à la pratique de ce fait.
• Platon dit peu importe, parce que pour lui, il veut juste offrir un modèle parfait. Il s'en
fiche alors de savoir si son modèle est pragmatique.
Pourquoi le fait-il ? Eclairer les gens en montrant un modèle parfait, pour montrer ce
que les gens vivaient là était complètement opposer pour montrer la tyrannie
galopante.
La compatibilité de cet enseignement avec la figure du philosophe-roi et la vision très abstraite du juste
parait difficile. La position d’un droit relatif ressortit à une démarche (de l’esprit) inductive, bottom-up,
partant des réalités concrètes pour élaborer un savoir général, alors que la figure du philosophe-roi
participe d’un tour d’esprit déductif, top-down, posant a priori c’est-à-dire postulant des vérités (donc sans
en passer par des données d’expériences et les vérifications concrètes du principe de la loi établis) dont
on tire des conséquences logiques dont nul n’est assuré qu’elles correspondent – ni même qu’elles peuvent
correspondre – aux institutions réelles.

De cette vision déductive et intellectualiste du juste, Platon tire divers éléments d’organisation de la société
propres à en assurer l’harmonie, l’équilibre.
o Egalité basée sur les différences : Tout se fait dans la vie publique (=/= USAS : Etat fédéral
ne fait qu'articuler la vie des personnes, des Etats entre eux. On n'a que des individus/des
Etats, dont on ne peut rien leur imposer). Tout est public, de ce fait tout est moral. -> Le

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

droit est la justice doit donc aussi légiférer la vie privée/de l'individu : on doit veiller à ce
que la vie privée ne soit pas coupée de la vie publique.
L’équilibre suppose une certaine solidarité entre les éléments concernés. On l’a vu avec la tripartition des
fonctions sociales, trois classes différentes mais dont aucune ne peut se passer de l’autre pour faire société.
Pour garantir l’unité et le bonheur de la cité, Platon cherche à éliminer les sources de division sociale, au
premier rang desquels se trouve la famille.

On doit donc éviter toutes les divisions sociales :


• Famille : obstacle social à la cité - plus le lien est fort, plus le citoyen va vivre les
évènements importants de sa vie avec les siens, et non avec toute la cité. -> Platon
craint que les familles soient des sources de divisions de l'unité de la cité. Platon
propose que les femmes portent les enfants, non pas de leur homme/ni d'un homme,
"mais ceux de tout la cité". -> L'enfant qu'elle porte (on ne sait pas forcément de qui),
dans l'idée, n'aura pas de père, ce serait les pères de la cité. Il n'y aura qu'une maman,
et pas de papa désigné - il serait éduqué dans le sens du bien commun, de la cité.
Montre avance du communisme : on éduquait les enfants dans le sens du parti
et non de la famille.
Les enfants naitront tous égaux.
La famille brise la solidarité sociale, parce qu’elle permet à ses membres de vivre les joies et les peines
pour eux-mêmes, dans leur « petit monde » (avec les siens), dans leur milieu familial : ils les vivent de leur
côté, sans les partager avec leurs concitoyens (précisément « con-citoyens », con- venant du latin cum,
avec). A la famille biologique, il convient donc de substituer la communauté des femmes et des enfants.
Les femmes y donneront naissance dans le seul « intérêt » de la cité, rendant inutile la détermination du
père biologique. On évite de la sorte le risque de division qu’occasionne la paternité, c’est-à-dire la
désignation de tel homme pour père de tel enfant, lequel sera désormais le descendant de tous les citoyens.
• Alors c'est uniquement la compétence qui va désigner l'enfant dans une des trois
fonctions : alors Platon n'enferme pas les femmes dans une fonction. Les femmes sont
comme les autres citoyens
Si cet aspect communautaire (on a parfois dit « communiste ») peut aujourd’hui choquer, Platon est loin
de mépriser la femme puisqu’il lui reconnait le pouvoir d’occuper n’importe laquelle des trois fonctions
sociales constitutives de la société. Insistant sur les fonctions, seules en effet entrent en ligne de compte
les aptitudes de chacun à les remplir, quelle que soit la nature de son sexe.
▪ Production : pas plus capables que d'autres
▪ Gouvernance : intelligence
▪ Surveillance : armée.
On a donc un système différentiel mais égalitaire : parce que chacun y trouve sa juste
place. Egon = pourquoi les choses sont-elles faites ? - les choses/gens sont adaptées
à certaines places. On doit trouver ce pour quoi on est fait - et le faire.
Si chacun est à sa juste place, même si elle est inégalitaire, alors la personne sera
heureuse comme citoyen, et la société sera heureuse et inversement.
= Aristote : c'est quoi notre but dans la vie ? (le télos)

CONCLUSION
Quels sont les principes du point de vue du droit ?
• Platon est porteur d'un juste intellectuel : c'est le savoir qui conduit la justice - la justice est
conduite par le savoir, et non pas par l'expérience. = guidé plus par la loi que par la jurisprudence
et la doctrine. (doxa = savoir de la pure populace)
Avec Platon, la pensée occidentale accède à un juste intellectuel, un droit (au sens large) objet de savoir et
non d’expérience laquelle se trouve toujours mêlée d’opinions, d’avis (doxa), pseudo-savoir de la
populace.
• Droit naturel de Platon : il est complètement top-down, idéaliste, a priori. Ce n'est pas admiré par
les réalités sociales - philosophie déductive, top-down.
o Comme le positivisme : pas de pratique, juste top down de la volonté du législateur.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Dans ce spectacle de la société, la justice est importante. C'est la vertu des vertus : on obtient par
elle l'harmonie, qui s'élabore elle-même sous l'égide morale du bien - cela devrait infléchir tous
les convenants.
o Le bien ? C'est le fruit du savoir, et non de l'expérience pratique. Comment il s'obtient ?
Réminiscence : médiation, très peu concret. -> Mais on en a trouvé des réalisations
notamment par le biais des droits de l'Homme
Et s’il est possible de parler d’un droit naturel platonicien, encore ne s’obtient-il pas par l’observation des
réalités sociales du monde sublunaire, monde de la contingence, des changements incessants mais il est
déduit par le philosophe-roi de la contemplation des Idées, en particulier de celles du Bien – Idée
suprême – et de la Justice – harmonie des Idées, vertus des vertus.

• Aucune théorie des droits subjectifs chez Platon : parce qu'il n'en a pas besoin. Les individus ne
sont en effet pas pertinents - les personnes sont intrinsèquement liés à la citoyenneté (ils la
préfèrent même à la vie ex : Socrate). Comme on n'a pas d'individus, on n'a pas de droits subjectifs
ou de droits de l'homme -> pas besoin de leur univers de pensées. (pas de mépris de l'Etat de
quelque chose qui n'existe pas)
Contrairement à maintes conceptions modernes du droit naturel, Platon n’envisage aucun catalogue de
droits subjectifs, droits individuels, ou droits fondamentaux, universels et immuables dans l’espace et dans
le temps. Et pour cause, l’individu n’a pas véritablement d’existence propre : c’est l’appartenance à une
cité qui le constitue comme personne, ainsi le montre tragiquement « L’Apologie de Socrates ». Socrate
préférera mourir citoyen d’Athènes, malgré une condamnation injuste, que de s’exiler ou de fuir dans la
nuit précédent son exécution, c’est-à-dire vivre en dehors de sa cité, exil dans lequel il ne serait
littéralement plus personne. En bref, la notion de droit subjectif ne fait pas sens à l’époque et ne viendra
qu’une quinzaine de siècles plus tard, se dessinant avec Occam.
• Platon est essentiel aux juristes parce que c'est le modèle des théories idéalistes - et beaucoup de
théories qui font le droit sont idéalistes. On va voir encore aujourd'hui à quel point on est idéaliste,
voir Platonicien.
o Il n'y a que le modèle qui change : modèle, Dieu, nature humaine, essences.
Le structure et la méthode sont cependant les mêmes = bonne matrice.
Sans doute ne faut-il pas nier toute filiation entre Platon et les versions modernes du droit naturel. Elles
procèdent en effet toutes d’un tour d’esprit idéaliste, se référant plus ou moins explicitement à un Ciel des
Idées, qu’on l’appelle Commandements de Dieu, la Nature, la Raison, la nature humaine, l’essence de
l’homme, le genre humain, etc.
• Traces dans le positivisme d'aujourd'hui : dans l'application de la loi, on enseigne une technique
déductive - on a la règle qui subordonne le cas. Le cas n'est rien comparé à la loi : elle subit.
Déductive : la volonté du législateur tombe sur le cas concret.
Le législateur est rationnel depuis la Révolution française : c'est comme le philosophe roi,
en version rationnelle : le philosophe roi sait mieux que les autres et par sa volonté il va
faire obéir le peuple = la conformité. La conformité du peuple doit être face aux
comportements.
Dans la pratique, on doit avoir la même forme que ce qui est voulu par la raison du
législateur = c'est complètement Platonicien.
Le modèle de Platon est totalement idéaliste, toujours plus : cela finira même avec les
mathématiques. Il va partir de l'idée que d'abord, tout est un, et ensuite on a une division : on a le
cosmos/la société de base, puis on le divise. (influence de Pythagore)
o Un : univoque - univocité : quand on fait une loi, elle doit être univoque, elle ne doit avoir
qu'un seul sens. -> Cela n'est jamais le cas (preuve avec les plaideurs et les interprétations
de la loi : semble univoque de base, mais ne l'est pas dans la pratique. Aussi, parce que la
loi est à la base un combat d'idées)
o L'ordre juridique est un : on a une Grundnorm, puis la constitution et le reste = c'est un ordre
juridique, qui devrait être homogène, sans trou - lacune : cela devrait être le 1 platonicien.
o La constitution est une : les constitutions cantonales doivent même respecter les garanties
de la Cst fed. -> On a une forte présence de la pensée du 1, de l'unité - tout ce qui parait
divisé parait imparfait.
Dyade ? (= séparation) c'est une chute dans la perfection.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

o Philosophe roi : au-dessus des lois qu'il élabore. Vu que c'est un homme bon, il ne va faire
que des bonnes lois.
• Mais on a aucune garantie que les dirigeants soient intrinsèquement bon, donc que leurs
lois le sont aussi.
Le tour d’esprit idéaliste reçoit sa marque de reconnaissance la plus caractéristique de la déduction : la
pensée opère selon une démarche top-down, déduisant le particulier à partir du général (ici les essence
ou Idées), ce que réalise (théoriquement) le philosophe-roi. Ce dernier se situe au-dessus des lois
humaines parce qu’il possède une science d’un ordre supérieur, connaissance d’une justice parfaite, elle-
même expression d’un ordre mathématique qu’il s’agit alors d’imiter dans le monde sublunaire.
Aristote contestera la pertinence de la déduction dans le cadre de la vie pratique : la praxis est
tissée de contingences, d’occasions et non de phénomènes nécessaires. La vie du droit ne relève donc pas
du savoir, d’une vision (theoria) ou conception intellectuelle du juste mais d’un esprit pénétré de la vertu
de prudence. La prudence requiert la capacité de juger (et non principalement de déduire ou de
simplement observer, attitudes supposant la neutralité ou objectivité de l’observateur), ce qui exige à son
tour de l’expérience et le sens de l’équité.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Chapitre 2. Aristote (385-322 av. J.-C.) - Un juste prudent et équitable

Aristote est un penser inductif : toute la pensée est bottom-up.

SECTION 1. QUELQUES INDICATIONS BIOGRAPHIQUES


Il est baigné dans la biologie et la médecine : ce sont des sciences inductives.
-> Il va reprocher à Platon d'avoir un système beaucoup trop désincarné : pour lui, il n'y a pas de
déduction en droit, parce que ce n'est possible que lorsque l'on a des sciences dures. On ne peut pas
prendre en compte un droit qui ne tient pas compte de la personne telle qu'elle est - le droit doit partir
de ce qui est, ce n'est pas le citoyen parfait = on est un peu médiocre.
La justice n'est pas purement inactualité : il propose une juste pragmatique, bottom-up. -> Cela va
servir de modèle d'enseignement du droit catholique.
La conception qu'a Aristote du droit est extrêmement proche de ce que l'on a aujourd'hui : si notre
monde est beaucoup plus complexe et donc plus difficile à discerner, le rapport entre lois et cas,
invidu et citoyens collectifs - cela est proche.
On a un droit induit : pour cela, on a besoin de deux vertus : la prudence du législateur et l'équité du
juge. -> Les acteurs de la justice doivent être soumis au terrain.
Grand principe (ex : RC) Qu'est-ce que l'on regarde pour appréhender la faute de la personne attraite ?
"Le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie" = on va regarder ce qui se fait, quelle est la
diligence des personnes habituellement pour ce sujet - on regarde une société, ce que fait les citoyens -
> c'est bottom-up : pas de philosophe roi, de grandes idées : on dans l'ordinaire, le pragmata.

Comme ce qui est inductif est très confus, il faut pouvoir effacer cette confusion. Comment ? Il faut la
prudence du législateur et l'équité du juge (montre que la loi est inadéquate vu qu'il faut l'équité)

Originaire de Macédoine, c'est un Métèque. Il parle un grec non athénien : on se moquera de lui du coup
au début de sa carrière à Athènes, dans l'école de Platon ou la sienne - comme il est étranger, on craindra
son impartialité (on pensera qu’il est partial)
Né à Stagire, ville de Macédoine (patrie d’Alexandre le Grand), mort à Chalcis, dans l’île d’Eubée.
Relevons que les Macédoniens, sans être d’authentiques métèques (étrangers) par rapport aux Athéniens,
n’en sont pas moins mal vus car toujours supposés vouloir attenter à l’indépendance d’Athènes. D’ailleurs,
on moquera l’accent « étranger » d’Aristote quand il étudiera à Athènes.

-> Il vient d'une famille de grands dirigeants, de médecins : il est éduqué dans un monde de médecin =
de pragmatisme. Il aime toucher le monde de la nature - cela va lui donner son mode de pensée inductif.
On part des réalités concrètes, et à partir de ces réalités concrètes, on fait des règles générales et abstraites
(a posteriori, l'expérience a une grande importance)
Descendant d’une famille de médecins, il en héritera un goût profond pour l’expérience, pour la nature
en général, la biologie et la physique en particulier. Son père fut le médecin du roi Amyntas III de
Macédoine, père de Philippe de Macédoine, grand-père d’Alexandre le Grand.

Il va rejoindre Platon dans l'académie - école la plus reconnue de la philosophie. Aristote est l'élève le
plus doué de Platon - il reste une 20aine d'années auprès de Platon. -> Il a donc une influence
platonicienne : il prend juste les problèmes dans l'autre sens, de manière inductive.
Platon refuse de lui donner la direction de l'école parce que c'est un Métèque. Aristote est très
déçu, et il quittera à ce moment-là l'école.
Vers 366, il se rend à Athènes pour étudier et entre à l’Académie, auprès de Platon dont il sera l’un des
disciples les plus brillants (surnommé « Le lecteur ») pendant une vingtaine d’années. Platon meurt en
347 en mettant à la tête de l’Académie son neveu Speusippe, nomination intellectuellement peu légitime ;
Aristote, faisant des recherches sur les îles, ne rentrera pas à Athènes.

Aristote sera appelé de nouveau à la cour de Macédoine pour devenir le précepteur d'Alexandre le Grand
: il s'est occupé de son éducation (mais il resta belliqueux). Quand Alexandre le Grand devint le roi de

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Macédoine + de toute la Grèce, alors Alexandre le Grand n'a plus besoin de lui. Il retourne à Athènes
pour y fonder son école - le lycée : c'est une période très heureuse car comme la Macédoine dirige la
Grèce, il n'est plus mal vu.
Sa méthode de philosopher est marcher : peripatos. -> / ! / : On avait ce terme pour
péripatéticienne : on utilise donc ce terme pour se moquer des aristotéliciens. -> Preuve : il était
du côté sinistre (gauche) sur le tableau de Raphaël.
Vers 434, il est appelé à la Cour de Macédoine comme précepteur du prince Alexandre. En 335,
Alexandre devient roi, les Macédoniens dominent alors les Athéniens : Aristote se rend à nouveau à
Athènes où il fonde sa propre école philosophique, le Lycée (ou Peripatos, sorte de péristyle dans lequel
Aristote et ses disciples philosophaient en se promenant).

Aristote devra s'exiler sur son île à la fin du règne de le Grand (île de sa mère). → Alexandre le Grand
meurt en 323 : les Athéniens menacent les Macédoniens demeurant en leurs murs : Aristote abandonne
le Lycée et la vile, s’installe à Chalcis.
Il va avoir des femmes et des enfants / et il s'en est occupé - homme normal, qui explique sa
philosophie inductive : il trouve qu'on est liés par ses sensations - on va ressentir les choses par
les sensations pour s'en faire des idées.
Il faut encore noter qu’Aristote se maria à deux reprises, suite à un veuvage, qu’il eut deux enfants et qu’il
semble avoir montré de l’intérêt pour sa famille, nous éloignant ainsi de la vision éthérée du philosophe
mi-ascèete, mi-ermite et souvent parfaitement misogyne.

=/= Pour Platon, on ne connait que les œuvres terminées - on a perdu les notes de cours.
Pour Aristote : on a perdu toutes les œuvres littéraires, parfaites pour être montrées au public, on a que
les notes de dur - c'est donc très difficile et désagréable de lire Aristote. -> Peut-être pour cela qu'il est
mal aimé.
De ses écrits, seuls furent retrouvés des notes de cours, lesquelles ne permettent pas de résoudre toutes
les difficultés d’interprétation que pose la pensée d’Aristote.

Il convient toutefois de la connaitre tant son influence sur la culture occidentale est profonde et décisive.
Notre manière d’appréhender le monde est jusque dans les concepts par lesquels nous nous le
représentons empruntent à la philosophie d’Aristote : → tous les concepts que l'on utilise encore
aujourd'hui, dans la vie courante/philosophique/juridique, remontent à Aristote - notre société est donc
aussi profondément aristotélicienne.
• Notions de matières et de formes : premières théories chez Aristote.
o Forme : le corps - droit formel, de procédure
o Matière : l'âme - droit de fond
Une chose est toujours fondé de matière et de forme ex : le droit du fond est inutile si pas de procédure
pour le mettre en œuvre, la procédure est inutile sans droit matériel derrière.
• Notion du juste milieu : "ni oui, ni non, bien au contraire" -> il n'y a pas d'excès : le trop et le trop
peu sont toujours des défaites de la pensée. -> Optimum dynamique.
• Economie : la notion vient directement des travaux d'Aristote. -> Economie vient de negoce =
ancien mot chic de commerce : neg-otium - c'est la négation du temps libre qu'a le citoyen pour
s'occuper de la cité (ex : les travaux de la maison / l'économie privée - que géré par les femmes et les
esclaves. Les hommes ne s'occupaient que de la politique, pas de sa fortune = parce que c'est vulgaire )
o Négocium : celui qui n'a pas de temps libre pour la cité : le travailleur pauvre qui est obligé
de gagner sa vie - du coup, il ne peut pas faire de la politique toute la journée. -> Il n'y a pas
plus triste destin que le négoce : parce que si on l'est, on n'a pas de temps libre à consacrer
la cité.
Cela ne concerne que la vie privée, à l'interne de la maison - ex : faire du ménage, de la
production, de la société - l'économie est ce qui dirige le monde aujourd'hui. Société vulgaire.
-> pas de droit de l'environnement possible.
• Aristote démontre logiquement qu'il ne peut pas y avoir de syllogisme en droit. -> Ce n'est qu'une
manière de présenter le droit et non de l'effectuer.
• Animal social : zoon politikum : vivant fait pour la société. -> Il théorise longuement l'idée de
Platon.

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• La finalité : le telos (le but) : non seulement la méthode téléologique est l'une des 5 méthodes,
mais depuis le Methodenpluralismus, on n'a quasiment plus que la méthode théologique -
d'ailleurs, cela a été intégré au début de toutes les nouvelles lois. -> Aristote explique pourquoi la
pensée humaine commence toujours par le but : il faut commencer par le but pour connaitre
l'action - on ne peut pas commencer à faire quelque chose si on ne sait pas pourquoi ex : on ne peut
pas interpréter une loi face à un cas si on ne connait pas le but de la loi.
Toutes les méthodes d'interprétation servent à trouver le but.
• Potentialité : rayons - on doit réaliser notre potentiel/la potentialité en nous - Aristote : on a tous
un potentiel, comme l'ergon. Le but de la vie c'est de faire passer à l'acte toute notre potentialité.
-> Il faut donc reconnaitre ces potentialités, pour pouvoir les faire passer à l'acte.
• Habitus : avec la coutume, l'usage, la procédure - c'est un précipité de manière de faire. Ex : avocat
- prendre des habitudes du métier.
• Passage à l'acte : c'est réaliser ses potentialités, les concrétiser. (actualisation)
• Justice distributive/commutative : ce sont des notions théorisées par Aristote, même si déjà
formulées par Platon.
Quelques notions clefs d’Aristote : matière, forme, juste milieu, économie, syllogisme, animal social,
finalité, potentialité, habitus, passage à l’acte (actualisation), justice distributive, commutative, etc.

Aristote a tout fait : de la science, de l'éthique, de l'économie - parce qu'il avait une méthode inductive,
et cette méthode parle dans tous les domaines.
Par contre, il se refuse d'avoir une pensée systématique : un système de philosophie. Il n'y a que
des matrices (puissance cause etc.). Il prend les problèmes de manière inductives et essaie de
pousser le problème jusqu'au bout - il prend juste les problèmes les uns après les autres et en a
beaucoup fait -> mais pas tous : parce que l'on pense que le réel est trop complexe pour la finitude
humaine.
De là un jugement d’Hegel : « Aristote a pénétré la masse entière de l’univers réel, dont il a assujetti au
concept la richesse et la diversité : la plupart des sciences philosophiques lui sont redevables de leur
différenciation et de leur début »
A l’instar de Platon, Aristote ne développa pas de système de pensée, à la manière des Modernes,
de la philosophie idéaliste en particulier.

Comme démarche inductive : on peut s'arrêter dans des raisonnements, et recommencer avec d'autres
raisonnements. -> ex : quand on fait des catégories, comme celles des animaux, on n'arrive pas toujours à mettre
tous les animaux - on peut recommencer, ou admettre que les catégories ne peuvent pas être parfaites. -> ex : en
droit, parfois on a des problèmes pour qualifier. C'est quand on a des conflits de catégories que l'on a de vrais
casus.
La sources des incohérences viennent de deux sources :
• L'infini variété et variation du réel : le réel est tellement riche et il varie tout le temps - il nous
échappera donc tout le temps. -> Les catégories ne sont que des modélisations approximatives du
réel. (ex : catégories juridiques)
• La finitude intrinsèque de l'homme : nos capacités intellectuelles ne sont pas assez grandes /
adéquates pour la richesse du monde. -> Les hommes ne font que simplifier le monde (ex : les
juristes simplifient le réel dans les catégories juridiques pour faire de la justice)
Quand on cherche la vérité, c'est utile, mais on ne soulèvera qu'une partie du problème.
Ses notes de cours témoignent bien plutôt d’une recherche en train de se faire, une pensée en acte, en
voie d’élaboration, nuançant constamment son propos, tant il a conscience de l’infinie variété (et variation)
du réel et de la faiblesse intrinsèque de nos outils intellectuels – les concepts – par excès de généralité,
d’abstraction.

= Le droit est confronté à la richesse : les cas sont beaucoup plus précis que les lois - ex : trouver les
éléments constitutifs de la loi dans le cas : cas plus précis, pas forcément ce qu'attend la catégorie juridique - on
doit dépasser la catégorie juridique pour appréhender la pratique.
Aristote va donc se préoccuper du droit vivant : ce n'est pas la loi qui intéresse au premier chef.
La loi, c'est statique : ce n'est qu'une photographie du réel. C'est utile - mais il ne faut pas se leurer
: le juge voit des cas qui sont beaucoup plus complets.

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-> La loi va retenir dans le cas que les aspects de généralités. Le cas, c'est singulier, c'est plus
pointu - donc le juge doit essayer d'appréhender tous les détails de par la loi.
On ne peut pas simplement appliquer la loi au cas ex : on doit prendre en compte les particularités
d'une infraction et la personnalité de l'auteur - ce n'est pas écrits dans les ECOs. On doit chercher en plus
de ceux-ci les singularités du cas les circonstances utiles pour résoudre le cas – la loi est intrinsèquement
insuffisante.
-> Les mots ne sont pas les choses : la loi n'est qu'un moyen d'accéder aux cas, aux faits.
= c'est cela le droit vivant : c'est le droit en tant qu'il atteint le cas vivant (droit en acte)
Preuve : les juristes ne se préoccupent pas que de la loi ex : dans des systèmes, il n'y a pas de lois -
common law. -> Le problème ce n'est pas la loi, puisqu'on peut s'en passer. Par contre, les cas, on ne peut
pas s'en passer.
Aujourd'hui on a inversement les choses : on prend comme base la loi, alors que ce n'est
qu'un point de départ, alors que l'on n'a pas la finalité du droit : le juste dit dans le droit -
c'est la décision, les cas qui est la finalité, le reste n'est que moyen.
Soulignant ce point, il s’agit moins de mettre en garde contre les interprétations dogmatiques (partant
erronées) d’Aristote que de rendre dès l’abord le juriste attentif à la profonde communauté de tout d’esprit
entre cette philosophie et le droit vivant, droit en acte ou pratique du droit : pareille concordance explique
pourquoi le Livre V de L’Ethique à Nicomaque est traditionnellement considéré en Occident comme le
texte fondateur de la philosophie du droit en tant que branche « autonome »

Aristote, comme tous les philosophes, recherche les essences. Qu'est-ce que l'essence ? Ce qui reste
stable, malgré le changement = ce qui ne s'altère pas.
-> Le problème des humains, c'est qu'on est dans le monde sublunaire = tout nait, croit et meurt. -> Il
n'y aucune permanence absolue dans notre monde. / ! / : On ne pourrait cependant pas vivre s'il n'y avait
que le changement : donc, on va chercher ce qui reste permanent, ou à peu près = l'essence.
Ex : Qu'est-ce que l'essence homme ? Ce qui est commun à tous. -> sous les changements, il y a de la
permanence : l'essence.

Différence entre les idéalistes (Platon) et pragmatiques (Aristote)


• Platon : les essences se trouvent dans les Idées (mais en haut), qui se trouvent dans un monde
transcendant - au-delà de notre monde, qui est comme une caverne (le monde des copies). Les
essences sont transcendantes, elles viennent du haut.
• Aristote : les essences sont là, sous nos yeux (main en bas) : les essences sont dans notre monde,
elles sont incarnées. Elles sont donc immanentes et non pas transcendantes. -> Dans les
changements que l'on constate, il y a de la permanence - il y a un être qui reste, malgré que
beaucoup de choses chez lui changent.
"Substance" - ce qui se tient dessous les apparences qui changent.
Les essences sont là : l'esprit ne fait que distinguer : à l'intérieur de ce qui change, reconnaitre ce
qui reste. Abstraction : c'est au sein du monde des apparences (pragmata) que l'on peut distinguer
les essences - travail bottom-up/inductif.
Même le droit, la notion de justice, est incarnée pour Aristote : cette notion existe de par les
hommes.
o "Arbitraire c'est un acte qui est au contraire au sentiment de la justice tel qu'il existe en
Suisse" : hinc et nunc - sentiment.
= vision réaliste bonne pour juriste praticien : les cas font tout le droit plus que la loi.
L’explication ultime de cette communauté de tour d’esprit doit être recherchée dans le pragmatisme
d’Aristote et son mode de pensée inductif, bottom-up : il part des réalités concrètes, particulières puis, en
leur sein, tente de distinguer ce qui perdue sous les changements qu’elles subissent. Cette permanence,
cette constance découverte sous la chose concrète équivaut à l’essence de la réalité considérée ; elle
correspond, en langage platonicien, à l’Idée, qu’Aristote, contrairement à son maître, ne place pas à part
la chose, ailleurs, dans un autre monde (ciel des Idées), mais dans la chose, littéralement en elle ce qui la
« sous-tient » en tant que substance c’est-à-dire (« sub-stance » : ce qui se tient (« stance », de « stat »)
dessous (« sub »)
Où l’on retrouve l’une des oppositions cardinales de la philosophie occidentale entre essences
transcendantes (modèle platonicien) et essences immanentes (modèle aristotélicien) aux choses concrètes,
au pragma.

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Quand on pense essence, on pense en premier lieu à ce qui est nécessaire = ce qui est stable en dessous,
qui ne bouge pas. On pense que les essences sont uniquement de l'ordre du nécessaire de ce fait = vu
que cela ne varie pas, cela devrait être nécessaire. / ! / Aristote dit que si on se préoccupe du domaine
du nécessaire : ce n'est pas très difficile - en effet, dans les sciences dures, on doit juste trouver la loi
pour l'appliquer. -> Les lois décrivent alors le nécessaire : les cas ne peuvent jamais dépasser cela.
Mais ce n'est possible que pour les sciences dures (même médecine ! - pas toujours les mêmes
effets pour tout). Le plus difficile pour le domaine des essences, c'est donc d'en trouver pour ce
qui est contingent - tout ce qui pourrait être autre de ce qu'il est maintenant. (ex : si on change notre
couleur de cheveux, on les perd - on est toujours un humain)
-> Pour Aristote : peut-on découvrir de la permanence dans le contingent ? On sait que ce ne sera
pas une permanence parfaite parce que tout ce qui est là pourrait être autre que ce qu'il est. Ex :
philosophie pratique - si aucune nécessité, contingence pure, parce que tout est individuel en soi. / ! / Or, ce
ne sont pas comme cela que vivent les humains - même si leurs comportements sont contingents, ils essaient
de trouver une linéarité (contingence ? Les hommes ont toujours le choix - ex : les règles : on peut toujours
faire autrement, on les choisit, on peut faire autrement). On doit donc trouver une solution pour avoir
un peu de régularité dans le monde de la contingence.
= c'est tout le défi aussi de la praxis - Aristote : a réglé le problème à travers le télos : les
comportements qui se répètent peuvent être identifiés par le but (ex : les décisions des hommes sont
toujours muées par les mêmes buts) = on trouve des regulas par les buts que se donnent les hommes.
=/= Platon : c'est une affaire de savoir qui nous indique ce qu'on doit faire dans le monde de la pratique.
=/= Aristote : il n'y a pas de savoir absolu qui permet d'avancer dans le monde de la contingence. Tous
les choix peuvent être changés, donc ce n'est pas une science (pas de rapport nécessaire)
-> Il ne peut pas y avoir de science juridique selon Aristote : le droit vise des cas concrets, matériel
contingent - donc on ne peut pas le résoudre avec de la science, parce que cela ne part pas de la matière
nécessaire. / ! / Sauf si les hommes étaient déterministes/déterminés - science juridique dirait donc que
les hommes sont déterminés et sont dans un rapport de nécessité. Alors, on aurait plus besoin de droit :
juste de quoi être domestiqué. -> Ajd on n'a donc pas de science juridique.
Pourquoi on n'est pas des animaux ? Pas complètement : on a le choix -> régularités dans le monde
de la contingence.
Aristote distingue la philosophie pratique de la philosophie théorique -> on aura donc une épistémologie
et une théorie du juste. (=/= Platon -> les deux sont alignés l'un sur l'autre -> Pratique : le monde dont
les relations sont soumises à la nécessité)
Aristote :
• Les relations dans la philosophie pratique sont marqués par la contignence - tout ce qui pourrait
être autrement, qui est frappé par le devenir.
Aristote : peut-on trouver des essences dans la philosophie pratique, alors que tout est en
changement, en devenir ? Equation de base à résoudre.
• Le télos, la fonction : c'est par l'identification du but que l'on parvient à mettre un peu d'ordre dans
la contingence de la philosophie pratique (politique, éthique, droit, économie)
-> A travers la contingence, on pourrait donc trouver des regula -> régularité, règles = une règle
de droit permet de saisir le comportement le plus récurrent de comportement (=/= décision)
-> On les retrouverait à partir de la fonction et du but -> ex : ce qu'on fait particulièrement aujourd'hui
: preuve - les lois d'aujourd'hui commencent toujours par la circonscription du but.
C'est profondément Aristotélicien - c'est pratique, pragmatique. -> Le droit suisse est surtout
pratique, ce qui fait qu'il est repris par les autorités d'arbitrage.
Comment on fait ? On part des cas concrets pour trouver les règles par le but.
Si les essences relèvent par définition de l’ordre du nécesaire (puisque l’essence est ce par quoi une chose
est ce qu’elle est), Aristote est loin de réduire ses études au domaine du nécessaire. Bien au contraire, de
très nombreux ouvrages concernent le domaine du contingent, à savoir les choses qui pourraient être
autres qu’elles ne sont actuellement : ex : pour un homme, d’être grand ou petit, noir, jaune ou blanc, ne le fait
pas moins homme pour autant.
Et parmi les réalités contingentes, Aristote portera une attention particulière à celles dont l’existence est
marquée par le choix, dont on dit qu’il constituait le ressor ultime de toute praxis, par opposition à la
philosophie naturelle ou théorique. D’où les ouvrages qu’Aristote consacre à l’éthique – au sens large
comprenant la justice et donc le droit – à la politique, à l’économie.

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Le juriste sera naturellement porté à cet Aristote-là. Toutefois, avant d’aborder sa conception de la justice
marquée par les figures juridiques si actuelles encore de l’équité ou de la prudence, il convient d’insister
sur le tour d’esprit général de sa démarche, à savoir une pensée inductive (bottom-up) : la connaissance
part des réalités concrètes, singulières, pour remonter par abstraction aux considérations ou règles
générales et abstraites – le latin regula explicite le lien avec la régularité, cette constance que le scientifique
résumé dans une loi physique ou chimique, apte à saisir tous les cas futurs et même à les prévoir, alors
que le juriste qui opère aussi avec des lois les sait moins mécaniques, moins déterministes parce que ne
s’appliquant pas dans le domaine du nécessaire, mais du contingent. La loi juridique n’est donc pas plus
« faible ». moins « parfaite » que la loi physique : elle relève simplement d’un autre ordre de la réalité que
celui des phénomènes naturels nécessaires. → Ne jamais faire dire à Aristote des réalités toutes faites.

Aristote est le père du syllogisme (M : loi, m : cas, c : dispositif - mais on ne sait pas comment on passe
de l'un à l'autre) : il montre pourquoi personne ne sait, parce qu'on ne peut pas savoir. Le syllogisme
existe uniquement pour la philosophie théorique : si les relations sont nécessaires, je peux avoir un
déroulement automatique M - m - c.
Sinon, on n'aura pas de syllogisme (philosophie pratique) - on en donne l'apparence, l'enthymène.
Comme la majeur n'est pas nécessaire, qu'elle vient de la volonté du législateur, on ne peut pas dérouler
un syllogisme avec un résultat automatique, déductif, objectif. -> La démarche est donc fausse.
Ex : le raisonnement du TF n'est pas objectif - ce n'est pas une science dure. C'est subjectif, parce que lui aussi doit
travailler avec la contingence.

Semaine 7
Aristote est contre les syllogismes : c'est un très grand logicien. C'est censé être au cœur de notre
démarche - mais cela ne l'est pas. En effet, le raisonnement en droit ne fonctionne pas du tout par
syllogisme.
Aristote : en bon logicien, pour faire un syllogisme qui tient du point de vue formel (on s'en fiche du
contenu, on regarde juste que les enchainements puissent se faire) -> il faut que la majeure régisse des
relations nécessaires, pour qu'on puisse poser la mineur puis la conclusion.
Or, le droit ne connait pas de relation nécessaire = on n'a que des relations contingentes. -> Donc
les syllogismes sont logiquement impossibles.
Dans les sciences humaines, on donne l'impression qu'il y a des syllogismes - mais cela n'a que
l'apparence du syllogisme. En réalité, du point de vue technique (de la logique), on appelle cela
des enthymèmes - on a des raisonnements qui nous font penser à des syllogismes, mais ils n'en
ont que l'apparence = au niveau de la logique, ce n'est pas parfait : on n'a pas de démarche
purement déductive, on n'a pas de choix.
Ce serait imparfait si on pense que le modèle du droit doit être comme les sciences dures -> comme
les positivistes. Mais cela ne pose pas de problème pour les grecs, parce que l'on un ars iuris, et
on n'a pas besoin de déduire en art.
-> Montre pourquoi on est en ars iuris, et pas dans une Rechtswissenschaft.
Ex : preuve - texte qui prévoit la majorité a 18 ans est clair, seulement si on suppose que le cas est purement
interne -> parce que si c'est un cas de droit international privé, si l'enfant a déjà la majorité dans son pays,
il l'a déjà en Suisse.
Du coup, comment on passe de la règle générale et abstraite au cas individuel et concret ? On n'a pas de
syllogisme, d'algorithme vu que pas de logique.
Loi : est doublement générale et abstraite par rapport au cas que l'on doit appliquer. Pourquoi ?
Parce que la langue est aussi générale et abstraite.
-> On ne va pas pouvoir faire de déduction, mais on pourra quand même le faire de manière rigoureuse.
Il est vrai qu’Aristote est le père du syllogisme et qu’il était donc facile de l’enfermer dans une vision
déductiviste (top-down) du réel. C’est oublier que le syllogisme, à strictement penser, ne vaut que pour les
démonstrations scientifiques, celles qui ont précisément pour objet des réalités soumises à des lois
nécessaires, déterministes. En dehors de ce domaine, Aristote montrera inlassablement à quel point les
réalités de la praxis, réalités concrètes, courantes, toujours échappent à la déduction et à la nécessité. Ce
non déterminisme de la philosophie pratique, qui constitue le problème central de toute théorie du droit,
provient principalement de ce que toute règle de la praxis est générale et abstraite, alors que les cas qu’elle
tente de résoudre sont singuliers et concrets.

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Ces deux ordres de la réalité ne correspondent pas : il y a logiquement (ou cognitivement) un écart à
combler, un hiatus à franchir, un saut qualitatif à réaliser. Et cet écart est d’autant plus grand que la règle
juridique est formée en langage naturel (et même en trois langues officielles différentes en droit suisse,
chacun faisant également foi), qui lui aussi s’éprouve général et abstrait par rapport aux réalités concrètes
dont il parle. Ex : Cela vaut déjà pour la notion de « nom propre », c’est-à-dire propre à chacun, nom en théorie
unique (« propre ») mais que l’on sait être porté par d’autres, ce qui suffit à prouver la nature abstraite par rapport à
la réalité qu’il est censé désigner en « propre ».

Aristote a une pensée réaliste, profondément bottom-up, inductif - ses élèves vont l'oublier. / ! / Ne pas
analyser les textes d'Aristote avec une vision de Platon.
• Aristote : pragmatique - le point de départ de tout, c'est le corps, les sensations - il n'y a accès au
monde que par les sensations, et les impressions qui viennent des sensations - parce que nous
sommes des êtres éminemment corporel.
• Dans les textes d'Aristote, on voit son humilité et sa finitude : il a conscience que nous sommes
des corps, et on ne peut pas demander aux corps plus que ce qu'il peut donner. On ne peut par
exemple pas demander une justice parfaite, parce que les hommes ont des capacités limitées -> la
justice sera donc aussi limitée. La justice ne peut pas être parfaite parmi les hommes.
o On sait que la justice est imparfaite, c'est pour cela que l'on a prévu dans nos
codes de procédure, pour limiter cette imperfection, les voies de recours. ( ex :
LASI - 3 voies où on revoit complètement le dossier, 2 recours)
o -> Il y a aussi la collégialité : il n'y a jamais pour des décisions graves de juge
unique. Dès que la décision devient grave / ou dilemme, on a des collèges de
juges. On a même des pleinières : on a tous les juges d'un tribunal qui se
réunissent.
"à ce qu'il semble", "d'une certaine manière", "considéré la chose sous cet angle - en tant que"
"En tant que" - cela veut dire que nous sommes entrain de regarder une entité que sous un aspect,
et qu'il y en a d'autres - ex : en tant qu'animal, on est limité (on nous dépasse), mais en tant que vivant,
on est assez développé.
Ex : TF et droit cantonal - droit cantonal n'est examiné qu'en tant qu'il y a une violation de droit fédéral =
un abus manifeste de droit. -> Parce que comme ce n'est pas une cours cantonale, on doit respecter
l'identité cantonale par rapport à l'entité fédérale -> c'est pour cela que le pouvoir d'examen du TF est
limité.
Le TF limite son pouvoir d'examen au vu de la structure de l'Etat.
/ ! / : Il est difficile d’identifier la postérité exacte de l’aristotélisme dans tels courants philosophiques, le
mot réalisme englobant des visions contradictoires du réel. Le trait inductif (bottom-up) permet de mieux
reconnaitre certaines filiations, sans oublier que les figures de l’aristotélisme ont pénétré tout le champ de
la philosophie occidentale. / ! / De cet héritage, les fils ou filles de l’aristotélisme n’auront généralement
pas su conserver le tour d’esprit le plus marquant : l’humilité constante d’Aristote dont l’œuvre fourmille
d’hésitations, de retours et de nuances, comme en témoignent ces formules, courantes pour le coup, du
type de : à ce qu’il semble, d’une certaine manière, à considéré la chose sous cet aspect, etc. Autant de preuves
d’une prudence à l’œuvre.

SECTION 2. LES ESSENCES SOUS NOS YEUX


On devrait plus parler de substances sous nos yeux que d'essences, parce qu'Aristote est le tenant d'une
vision immanentiste des essences.
-> Aristote : pour lui, les essences sont devant nous ou en nous, mais pas dans un monde à part. Pour
Aristote, on n'est pas dans un monde imparfait - même si notre monde n'est pas parfait, c'est le notre, et
il n'y en a pas d'autre où il y a des idées parfaites.
-> Le point de départ de toute pensée, pour Aristote, c'est le confus, et il faut partir de là pour trouver
les idées.

1. Epistémoligie. 2. La justice - a rapport avec la connaissance

SOUS- SECTION 1. UNE DÉMARCHE INDUCTIVE (BOTTOM- UP)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Puisque sa démarche est inductive, cela veut dire qu'Aristote va partir des cas / des situations concrètes
/ des expériences. A partir des expériences, il va essayer de remonter vers les concepts - pour Aristote,
on part tout le temps de cas.

Ex : qu'est-ce qu'une table ? (qu'est-ce - typiquement la recherche des essences pour les philosophes -
quiddité) → La démarche inductive, se développant à parti du concret, des réalités sensibles, recourt
naturellement aux exemples, souvent traditionnels, voir scolaires comme celui de la table.
• Platon : on ferme les yeux, on se concentre. Par la réminiscence, il y a une connexion entre nous
et le monde des idées, et le concept de table vient à notre esprit. -> On a donc d'abord le concept.
C'est parce que l'on a le concept que l'on regarde une table autour de nous, même si elles sont
toutes différentes, on les reconnait = pensée top down. J'ai le concept de table - je reconnais une
table = pensée descendante.
Il n'y a pas besoin de notre corps : notre intellect suffit à reconnaitre les idées, et à appliquer l'idée
sur tous les objets correspondants autour de nous.
Les idées chrétiennes de Platon sont cohérentes : pour lui, on peut avoir des idées d'objets qui
n'existent pas - parce que l'idée est première, la réalité est seconde. -> Il suffit que l'idée soit dans
le monde des idées, il n'y a pas besoin que cela corresponde à quelque chose dans le réel = ce n'est
qu'un problème de chute de l'âme dans le corps.
Si l’on s’en remet à la vulgate – c’est-à-dire à la manière simple et courante dont les philosophies et les
sciences sont vulgarisées dans le savoir populaire -, on dira que la démarche platonicienne débute par
l’ « Idée » de table, Idée existant en dehors de toute table concrète, voir même indépendamment de toute
table existante. De cette Idée, première, l’esprit déduit que l’objet que l’on a devant les yeux est bien une
table. Cette table-ci, concrète, sous nos yeux, apparait, dans le processus de connaissance, comme
seconde ; elle vient à la pensée en dernier lieu, elle est reconnue en référence à l’Idée a priori de table.
• Pour Aristote : on passe par notre corps, nos sensations - ex : on compare les tables entre elles.
Malgré leurs différences - on voit l'idée de base : elles doivent supporter quelque chose. -> On
reconnait la même fonction, donc on a le même objet.
On a donc un constat. Grâce à notre mémoire, on enregistre toutes les entités qui ont la même
fonction. On imagine la fonction -> c'est de là que l'on tire le concept de table. L'idée vient après
l'expérimentation des choses.
Inverse de Platon - avec mythe de la caverne, on part des idées, et les choses n'en sont que des
reflets.
o Common law : on déduit le droit des cas et non des règles générales et abstraites =/= civil
law.
Le maitre mot pour Aristote serait donc abstraire : on voit des choses, on imagine que leur fonction est
identique, mais on voit aussi les différences entre ces choses. -> L'abstraction consiste à garder ce qui
est commun entre toutes les choses dont on a fait l'expérience, mettre à part ce qui ne nous semble pas
essentiel = on ne garde que la fonction de base de la chose. -> Par abstraction : on a retrouvé le concept
de la chose.
Le concept est la fin du processus cognitif, et non la base.
/ ! / Cela nous montre que le droit nous a été expliqué de manière platonicienne : on a des catégories qui
existent avant nous, que l'on doit faire descendre sur le cas -> on fait descendre la loi sur le cas. =
subsumieren - on descend : on a déjà la catégorie, et on met dessous.
Ex : entreprise vs mandat - on voit bien que c'est la réalité qui donne la catégorie. -> On ne peut pas appliquer que
les catégories, car souvent, on a des conflits entre les catégories. C'est donc bien les cas qui définissent les
catégories, et pas vraiment les catégories qui définissent les cas.
Ex 2 : common law - tous les cas où on a été condamné avant de faire un contrat -> c'est de la culpa in
contrahendo -> ce sont les cas qui ont obligé à créer la catégorie.
Comme en droit suisse : mais on dit que cela a été déduit de l'Art 2 CC - reconstruction a posteriori d'une
réalité réelle a priori.
Pour Aristote, il ne s'agit pas de reconnaissance ou de réminiscence. Il s'agit en effet d'un travail d'abord
de comparaison :
• Il faut avoir une mémoire des cas concrets, comme une casuistique.
• C'est en comparant par l'imagination que l'on relie tous les cas concrets.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Comment peut-on faire un ensemble des cas concrets ? Parce que l'esprit arrive à faire des
analogies : ensemble de ressemblances et de dissemblances. =/= ce n'est pas de l'identique (qu'en
mathématique), et de l'autre = c'est un peu les deux à la foi.
Analogie : on a regardé les ressemblances et on a écarté les dissemblances.
On en applique tout le temps. Ex : égalité de traitement - traiter de manière semblable des situations
semblables et de manière dissemblable les relations dissemblables. C'est quoi le critère ? C'est sous quel
angle, quel aspect que les situations se ressemblent ou pas ? -> ex 2 : dignité humaine - tant que l'on n'a pas
un cas, on ne sait pas ce que cela veut dire.
On ne donne pas les critères du semblable : pourquoi ? Parce qu'on les définit au cas par cas. -> Dans la
formule, on trouve la définition de l'analogie "traiter de manière analogue les situations analogues. Mais si
les situations ne sont pas suffisamment analogues, on traitera les cas de manière dissemblances"
Pourtant l'analogie n'est pas dans les sources du droit, et dans les méthodes réelles
d'interprétation - on n'a pas de référence à l'analogie dans les doctrines, alors que c'est le
fondement de toute théorie. Pourquoi ? Parce que Platon a gagné sur Aristote : Platon n'a
pas besoin de comparaison, vu que les idées tombent sur les choses.
Aristote : c'est uniquement par la comparaison que l'on arrive à trouver des concepts.
Comment peut-on savoir que des deux situations sont semblables ou pas assez -> savoir quel
traitement juridique on fait ? Le juge n'a pas de critère scientifique / mécanique / automatique /
déductif qui nous indique que deux situations sont semblables -> c'est une pure estimation : on a
un jugement d'analogie derrière chaque analogie. On doit arrêter que les choses sont semblables :
c'est un jugement humain qui rend les situations semblables ou dissemblables, elles ne le sont pas
en elles-mêmes. On n'a donc pas une démarche objective, mais subjective.
-> On ne peut pas analyser le judiciaire comme objectif : tout ce qui est judiciaire est subjectif.
En droit, on veut oublier tout ce qui est objectif, parce que déjà difficile en sciences dures (ici
science humaine), mais aussi ce qui est arbitraire - parce que le but du droit c'est de l'éviter. Entre
deux, il nous reste donc la subjectivité = donc le choix. Ex : on choisit que les situations sont
semblables ou dissemblables.
Ex : congé paternité et maternité - situations sont pas assez semblables. Ex 2 : service militaire pour les
hommes et femmes - dissemblables -> pas les mêmes conséquences. Ex 3 : pour même fonction et même
travail, situations semblables entre hommes et femmes.
= Rapport hommes-femmes dans trois situations différentes : ce n'est pas objectif, ce sont juste des
choix.
Analogie pour Aristote : tout le raisonnement humain.
La démarche aristotélicienne débute, au contraire, avec une table concrète, telle table ici et maintenant,
objet dont on compare les caractéristiques, abstraites par la pensée, avec celles que la mémoire a
enregistrées d’objets analogues précédemment rencontrés. Des expériences passées d’objets analogues,
l’intelligence a abstrait le concept de table, que l’on distingue maintenant dans ou « sous » l’objet concret
et particulier que l’on a sous les yeux. Et l’on estime donc on juge que l’objet présent constitue une
nouvelle occurrence, un cas supplémentaire du concept de table, lui-même induit (bottom-up) par
comparaison entre les propriétés de plusieurs tables concrètes précédemment rencontrées dans
l’expérience et mémorisées. Ici, le concept de table, c’est-à-dire la table « en général » apparait second : il
s’élabore ensuite des expériences représentées dans la pluralité de tables concrètes rencontrées.

• Ex 2 : Aristote se promène avec des gens. Il passe à un endroit où un ouvrier vient d'avoir la main
coupée. Il y a l'ouvrier qui pleure, la main sur le sol. -> On demande à Aristote si c'est encore une
main : il répond « de principe » que ce n’est pas une main -> ce n'est qu'une main par homonyme.
Comme on ne sait pas comment déterminer cette main qui n'est plus attachée à l'ouvrier, on
l'appelle encore main, mais cela ne prend plus la réalité d'une main.
Pourquoi ce n'est plus une main ? La fonction : On utilise la main pour appréhender des
choses - si la main est sectionnée, l'homme ne peut plus utiliser la main. La main a perdu
son utilité. -> Comme la main a perdu sa fonction, elle a perdu sa substance de main. Son
but ne peut plus être réalisé.
On reprend le nom parce que l'on ne sait pas comment l'appeler, mais on mériterait de
donner un autre nom. -> Aristote dirait la même chose pour les sculptures de main, le pouce
de César.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Cela veut dire qu'on ne comprend qu'une loi, une institution juridique, que si on comprend son
pourquoi / son utilité - comme on est dans une praxis, on doit comprendre l'utilité des éléments
juridiques que l'on applique. On doit donc trouver le pourquoi : pourquoi elles ont été pensées par
son créateur ? (ex : législateur, jurisprudence)
Le but est parfois considéré comme l'ultima ratio dans les méthodes d'interprétation : deux façons
de le voir :
o Méprisante : lorsque l'on n'a rien trouvé de bon, on adopte la méthode téléologique.
o Mais ce n'est pas le premier sens du mot ultime : la plus élevée - celle avec laquelle on
comprend enfin tout -> la méthode téléologique serait alors la méthode la plus importante
de l'interprétation.
= c'est ce qu'a conclu le TF lorsqu'il a abandonné la hiérarchie des méthodes d'interprétation
pour le Methodenpluralismus (pluralisme méthodologique) -> on n'a pas de méthode, de
hiérarchie, que l'on peut expliquer - on a que des critères, et souvent, le plus simple, c'est de
voir le but de la règle.
Montre qu'il est un peu aristotélicien.
Ex : Droit européen : qu'est-ce que l'on fait quand on a un texte dans pleins de langues - les textes sont
contradictoires entre eux. Qu'est-ce qu'on a voulu faire ? Comment va-t-on choisir l'interprétation qui va
être pertinente ? -> sans parler de la méthodologie de l'interprétation : interprétation selon l'effet utile -
vision pragmatique, inductive : on va faire parler le traité pour lui trouver une fonction, un but. Et ensuite,
on va interpréter le tout en fonction.
• Main qui exerce sa fonction ? Il faut qu'elle soit attachée au corps : la main n'a plus de but parce
qu'elle a été complètement séparée du corps. -> Primauté des sensations, même si unité corps-âme
| / ! / : on n'a pas deux mondes séparés - le monde de l'âme et le monde du corps, pire encore chez
Platon et la pensée chrétienne, non seulement deux sources séparées, mais la chute de l'âme dans
le corps. -> L'âme humaine est polluée en entrant dans le corps ( ex : pêché pour Luther - pour lui
l'âme est intrinsèquement mauvaise. Catholique : l'âme est pervertie juste par le corps )| Aristote met les
deux ensemble.
Ex : développement personnel - ils font de l'Aristote : parce que la société entretient un mépris du corps
complètement domestiqué, on est mal heureux. La réalité serait le psyco-somatique : c'est du Aristote. (cela
veut dire âme corps chez les grecs)
-> Comme la médecine actuelle découvrent que les hommes sont des corps, et non juste ont des corps -> on
découvre qu'en réparant la psyche, on répare le somma.
On est comme un animal : l'animal est un être animé (Aristote : seul parmi les animaux) -> Anima
: âme : c'est ce qui anime. L'homme est donc fait pour bouger - et en parlant d'animal : l'homme
est fait pour bouger -> l'âme anime le corps, et le corps n'a de sens que s'il est animé par une âme.
-> Donc si le corps meurt, l'âme meurt -> parce qu'elle n'a plus rien à animer.
L'âme et le corps sont donc 1 - c'est une unité transcendantale / ! / A posé des problème avec la
mort du christ et la pensée chrétienne - on a trouvé des parades.
Ex : preuve - le bonheur se vit charnellement et intellectuellement. On ne peut pas nier la réalité corporelle,
c'est la nôtre. Ex 2 : civilisation dépressive, parce que l'on nous enseigne que l'on a une âme sans corps,
alors que l'on ressent l'inverse -> on aurait dû faire l'inverse. Cela explique aussi pourquoi on ne respecte
pas l'environnement : l'environnement, ce n'est pas en nous, c'est autour de nous. Alors que l'environnement,
c'est nous - on fait partie de la biosphère.
Platon : âme - la loi, corps - les cas -> l'âme et la loi sont belles et grandes, les cas/le corps
sont tristes. On a tout mis du côté de l'âme, tout le reste est accidentel - les cas sont négligés.
-> C'est notre vision du droit aujourd'hui : alors que l'on devrait nous enseigner le lien entre
les lois et les cas - on ne fait que passer entre les deux (c'est comme les liens entre l'âme et
le corps) selon Aristote.
Ex : on ne comprend pas l'obligation de résultat / d'aide par l'idée, mais par les cas et par l'analogie.
L'âme ne fait sens que dans le corps qui est le tout : l'âme n'a pas de sens sans le tout. -> La partie
n'a pas de sens sans le tout.
Comme la loi et le cas sont communs : la loi ne fait pas de sens sans les cas, éventuellement
dans l'autre sens mais en réalité les cas font office de loi. -> Comme l'âme et les corps, on
ne doit pas les séparer, parce que l'on doit créer un lien difficile entre les deux.
On ne devrait pas les séparer comme on le fait (ex : Art 1 CC - la loi au début, les cas à la fin
qu'en inspiration) -> on ne vit la loi que dans les cas, on ne peut vivre notre âme sans notre

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

corps - tout ce que l'on vit passe par notre sensation. Si quelque chose change dans notre
corps, on va vivre différemment - le cerveau va peut-être même changé.
Un second exemple, la main, plus complexe → permet de comprendre les idées d’Aristote, et sa vision
du juste. → Regardant une main coupée, le philosophe se demande s’il s’agit encore véritablement d’une
main. La réponse d’Aristote apparait au premier abord surprenante : non, la main sectionnée n’est pas
(ou plus) une main ! Pourquoi ? La main n’est main qu’en tant que partie d’un corps vivant, animé, c’est-
à-dire mis en mouvement, passant à l’acte sous l’action de l’âme (l’âme se dit en latin animus, anima).
L’unité que forment ensemble l’âme et le corps – en bref le corps animé, vivant – constitue le seul lieu où
la main peut exercer sa nature propre : la partie anatomique main n’existe que par et dans le tout qu’est
le corps animé, sans pour autant se confondre avec lui. Contrairement à Platon, on voit ici qu’Aristote ne
fait pas de l’âme et du corps deux réalités distinctes au point que la seconde devient le tombeur de la
première. Ame et corps forment une unité dont on peut distinguer intellectuelle (par la pensée) les deux
éléments, mais que l’on ne peut séparer matériellement, pratiquement.
La main en effet ne peut réaliser ses potentialités, exercer sa fonction propre, naturelle, qu’au sein d’un
corps vivant, sans lequel elle sera inerte, inanimée, de nul usage. C’est pourquoi la main « morte », coupée,
ne se dit main que par homonymie, c’est-à-dire selon un pur jeu de langage qui ne correspond toutefois
plus à la réalité concrète, pratique : coupée, morte, comment exercerait-elle sa fonction de main, comment
passerait-elle à l’acte ?
Où l’on voit l’acte ou la fonction assumer le rôle de référentiel par rapport auquel le réel est
intellectuellement (cognitivement) organisé et donc appréhendé.

Excursus : Comment enseigner alors ? Common law : on ferait de l'induction. Civil law : catégorie et
loi - on déduit du droit la réponse des cas. Qu'est-ce que fait un juriste ? Il fait ni l'un, ni l'autre et les
deux à la fois = c'est de l'abduction.
• Platon : on a forcément des idées - parce que si on ne les avait pas, on ne pourrait pas chercher ce
que l'on cherche. Et si on avait tout, alors on ne pourrait pas chercher.
• Si on a des cas, et avec aucune idée de la catégorie, on ne va pas pouvoir ordonner des cas. -> on
va donc devoir allier un mouvement inductif, choses dont nous faisons l'expérience, mais on ne
peut pas les avoir sans avoir aucune idée, parce que sinon on ne saurait pas y mettre de l'ordre.
o Donc il faut des classifications les premières années : grande cartographie juridique.
o Donc ensuite, quand on aura des cas, on doit pouvoir les reconnaitre et les cartographier -
les mettre dans les catégories.
o Cela ne sert à rien de garder des catégories abstraites tout le temps - il faut les rendre
concrètes, sans en ajouter, car les catégories se retrouvent souvent et sont cycliques.
• Donc entre les deux : même le common law, on a des principes généraux par le stare decisis - et
on les met en place avec des cas.
-> Donc on fait de l'induction et de la déduction = de l'abduction.
Ex : plus important la partie générale qu'une partie spéciale - parce que les parties spéciales ne sont que des
catégories vides. -> si les cas sont entre plusieurs catégories, voir problèmes juridiques, alors on remonte aux
principes généraux.
Ex 2 : culpa in contrahendo - on avait rien nul part. Alors on regardé les principes généraux - la bonne foi que l'on
a étendu aux discussions précontractuelles. Cela montre que les principes généraux sont la matrice du droit quand
celui-ci semble lacunaire.
Kant : on ne comprend rien à la théorie si on n'a pas la pratique, et on ne comprend pas la pratique
si on n'a pas la théorie.
-> Dans la pratique, on a besoin de la théorie juridique, et on a aussi besoins des cas.
= on a donc besoin des deux modèles - Platon pour la théorie, et Aristote pour la pratique. Toutes les
philosophies sont basées sur les deux (même dans le common law comme supra)
Abduction : plus facile à faire que comprendre - pourquoi, parce que par l'analogie, les personnes
peuvent faire des liens incroyables. L'abduction, c'est la logique de l'analogie.

Comment peut-on mettre de l'ordre dans la contigence ? Il faut aborder la contigence, les réalités
sociales, avec l'idée d'analogie / de télos / de fonction. C'est par la fonction que l'on arrive à relier des
éléments concrets qui se ressemblent - c'est par la fonction que l'on dresse des ressemblances, qui
forment des catégories.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Quand on part d'une catégorie, on doit trouver sa fonction / son télos - on va donc reconnaitre à quels
cas cela s'applique -> pour qu'un cas entre dans une catégorie, il doit avoir la même fonction que celle-
ci. Sinon, cela ira dans une autre fonction.
Ce qui permet de relier la catégorie et le cas : une fois, elle est abstraite, et parfois elle est concrète.
-> et c'est par cela qu'on relie les choses.

"Passer à l'acte" vision d'Aristote : ce qui est en acte - ce qui est exercé ici et maintenant = en acte.
-> Dans les rapports que l'on voit entre loi et cas : la loi n'est pas en acte, elle est statique - elle a été faite
pour cela, ce n'est pas un défaut : elle a été mise dans un code de façon statique. Elle n'est pas les cas :
elle est générale et abstraite. Elle est statique, contrairement aux cas.
C'est donc une potentialité : -> on doit réaliser - rendre réelle cette potentialité. Une potentialité,
ce n'est pas encore en acte : le but est alors de les accoucher - de les faire passer à l'acte = de les
accomplir.
Accomplir = rendre complet. -> Pour qu'une potentialité soit complète, il faut la réaliser, la mettre
en cas.
La loi et les cas ne sont pas dans deux mondes différents : les cas mettent en œuvre la loi - les cas mettent
en œuvre la potentialité de la loi = les actes exercent la loi -> Il n'y a pas de séparation mais une continuité
entre les deux.
La loi n'est pas finie, dans un code, pas en action -> c'est le juge qui fait que la loi fonde une décision.
On a de la praxis - par le juge, on passe de la loi aux cas. -> Passer à l'acte par le juge : le juge est la
continuité du législateur. Le législateur nous offre le jus prudent, il est statique, pas achevé, le juste
abstrait -> Mais on a besoin de passer dans la juris dictio, par le juge, dans le cas concret : le droit n'est
complet que dans les cas - le juste concret, équitable.
Une loi sans cas, selon les anglais, ce sont les law in books (ex : convention internationale sur
l'environnement) -> si on n'a pas de juge qui fait passer le law in books in law in action, il ne se
passe rien.
Critère effectif sur ce qu'est le droit : qu'est-ce qu'on peut plaider ? Si on a un texte qui ne désigne
aucun moyen de procédure, de juridiction, alors ce n'est pas une loi - cela ne dit rien sur la vie
concrète du droit.
-> Explique échec du droit international public : on a aucun moyen de le mettre en acte -> on n'a
aucune décision de justice qui peut être rendue dans le droit international public.
Analyse d'Aristote est réaliste, dure, mais au moins pas illusoire.

Comparaison n'est pas raison : l'analogie n'est pas une figure objective - c'est bien issu d'un jugement
d'analogie, il y a donc un choix que l'on ne peut pas cacher = il faut assumer le choix.
Mais le critère comparatiste est utile : en tant que praticien, on l'utilise tout le temps ex : dès qu'on a un
cas nouveau, on va essayer de le rattacher à un cas déjà connu -> le common law le fait plus clairement que le civil
law. -> cela montre aussi pourquoi on lit les codes annotés : on n'a pas besoin que de la loi - on a surtout besoin
de savoir comment la loi a été mise en œuvre dans les cas -> pourquoi ? Comment la loi va tomber dans le cas que
l'on a à plaider ?
Preuve ? Nuria novit curia : on ne plaide pas le droit. (D'ailleurs ni les faits : on va juste manipuler
les faits pour essayer d'avoir ce que l'on veut à la fin -> un bon plaidoyer est entre les faits et la
catégorie que l'on vise)
Et si comparaison n’est pas raison, la démarche comparatriste ne permet pas moins d’éduquer
l’intelligence inductive (bottom-up). Les juristes praticiens le savent depuis toujours, eux si attentifs à la
jurisprudence c’est-à-dire aux cas concrets jugés et publiés et qui sont autant de points de comparaison sur
lesquels le raisonnement s’appuie pour décider de la solution qu’ils ont sous les yeux. C’est le point de
vue en acte, tel que pratiqué.

SOUS- SECTION 2. UNE APPROCHE COMPARATISTE


Comment ramener des situations inconnues à des situations connues ? Comparaison.
• C'est une nécessité cognitive lorsque l'on fait une démarche pragmatique : la comparaison permet
de faire naitre les concepts. -> C'est donc un argument a posteriori : elle suit l'expérience, elle
vient après -> j'expérimente, je compare, je regarde et ensuite vient le concept de la connaissance.

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• Cette connaissance s'établit principalement en fonction du but : c'est en reconnaissant des


fonctions analogues que l'on arrive à ramener l'inconnu au connu.
Ex : on n'a jamais vu de poisson - on n'aura aucun problème à comprendre que le poisson a des nageoirs
pour bouger, et que cette chose, en l'activant permet d'avancer.
o On n'a pas une idée de la motricité dans le ciel des idées
o Par contre, on peut le comparer avec les ailes d'un oiseau - les ailes permettent d'avancer l'air
• Les jambes permettent d'avancer sur la terre
• Les nageoires peuvent donc avancer, surement, par comparaison avec les nageoirs.
Il n'y a aucun problème pour faire l'analogie.
Aile Nageoire Jambe
oiseau poisson Homme
= ce qui fait la comparaison, c'est la fonction. La fonction permet de faire l'analogie. -> On fait de
l'analogie, alors la connaissance est faite.
Comme en droit ex : on a fait la culpa in contahendo (l'inconnu) en partant de la bonne foi = on a connu
l'inconnu en la ramenant au connu -> on a étendu par analogie la bonne foi à ces cas.
Ex 2 : justice distributive ex3 : partenariat enregistré - on a pris le régime légal d'un couple marié, et en
gros, on a fait le même (mais pas exactement la même chose parce qu'on ne le voulait pas)
Ex 4 : Art 641a - les animaux ne sont plus des choses (plus division seulement choses personnes) -> mais
si on n'a pas déterminé de régime spécial, alors les animaux sont traités de manière analogues à des meubles
-> au lieu de créer un régime propre complet pour les animaux, on ramène l'animal à un meuble, mais on
sait que parfois on peut le traiter autrement qu'un meuble (ex : divorce)
-> Traduction de l'expérience humaine en choses plus logiques
L’exemple de la table a révélé la nécessité (cognitive) de la comparaison : elle est indispensable à
l’élaboration du concept et à l’organisation de la connaissance.
L’exemple de la main a, lui, mis en exergue le rôle central de la fonction, de l’usage, qui sont autant de
manifestations de l’expérience humaine.

• Aristote, quand il commence ses enquêtes par comparaison, il commence par le langage - la
manière de parler : parce que lorsqu'on parle, on ne fait que faire des analogies. Il s'occupe donc
des jeux de langage -> cela révèle trois choses très importantes sur la loi (caractéristiques
problématiques pour nous)
o La loi est générale et abstraite (structure logique même) alors qu'elle vise des cas singuliers
et concrets - les deux logiques ne sont pas donc pas liés logiquement.
-> Pas de mécanique : c'est un ars du juge de passer de l'un à l'autre.
o La loi est écrite en langage naturel : mais la langue est grandement abstraite. Ex : nom +
prénom - on a souvent le même que quelqu'un d'autre, malgré que ce soit un nom propre. -> Chaque
mot de la langue française va désigner énormément de cas.
-> La loi utilise des mots : donc ce n'est pas commensurable au cas.
o Le législateur ne peut pas tout prévoir : le législateur n'est pas omniscient (lacune
improprement dite) : preuve que le législateur, parce que c'est un être fini, ne peut pas
connaitre l'intégralité de l'avenir.
La loi est donc intrinsèquement insuffisante / ! / ce n'est pas une faute - mais aucun
législateur ne peut l'éviter, comme les deux points au dessus.
La réponse n'est donc jamais dans la loi : ce n'est qu'un départ, parce que l'on doit ensuite la mettre
en acte dans un cas individuel et concret -> on doit donc faire parler la loi (l'idée) dans le cas
concret en fonction de nos intérêts.
Même en droit pénal : l'analogie est possible en droit pénal, mais il est impossible d'élargir
l'analogie à une autre incrimination. / ! / La difficulté : est-ce que cela concrétise une incrimination
ou est-ce que cela l'élargit ? Ex : la fellation - subir agir ? Pour concrétiser/élargir l'analogie.

Homme est parasseux : en manipulant les mots, il ne manipule pas les choses. Il y a beaucoup plus
de choses que de mots -> on est prétentieux : parce que l'on pense qu'en manipulant les mots de
la loi, on règle le cas. Mais en réalité, cela ne donne que des indications aux juges pour passer de
la loi au cas, parce qu'on ne peut pas passer intrinsèquement de la loi au cas.
Ex : droit pénal - on ne peut pas régler les cas horribles seulement en faisant une nouvelle loi -> ce n'est pas
encore fait.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Aristote débute souvent ses enquêtes par l’analyse des usages linguistiques qui, eux aussi, reflètent, à leur
manière l’expérience. Ainsi, a-t-il pu écrite que la main morte n’est main que par homonymie, c’est-à-dire
par simple jeu de langage, de manière de parler.
De la comparaison des usages linguistiques, il tire une considération générale, sorte de mise en garde, en
particulier précieuse pour les interprètes de la loi : il ne faut pas confondre les mots et les choses auxquels
ils renvoient et croire, alors, que, manipulant les mots, on manipule aussi les choses.
• on ne peut pas prendre les choses, on ne peut que les nommer et les symboliser. On suppose
que ce qui se passe dans les mots se passent dans les choses. -> mais en réalité, ce n'est pas lié
: les mots sont limités, les choses sont infinies en nombre. -> L'homme parle toujours en général
alors que les choses sont singulières
= c'est le drame du juriste qui doit appliquer la loi : la loi est générale et abstraite dans un langage général
et abstrait. -> On aurait dû faire des études de langage avant de faire du droit - parce que l'on
comprendrait les noms ne sont pas les choses mais signifient des choses.
• "en manipulant les mots, on croit manipuler les choses mais il n'en est rien" parce qu'il y a
beaucoup plus de choses que de mots - cela nous renvoie à l'infirmité inhérente à toute loi écrite.
-> Le meilleur législateur ne pourrait pas les écarter.
-> Ambiguité : elle est aussi intransèque - les lois ne peuvent pas être clairs, parce que les mots ne sont
pas clairs - il n'existe pas de mots univoques.
On relèvera donc, à la suite d’Aubenque : « Puisqu’il n’est pas possible d’apporter dans la discussion les
choses elles-mêmes, mais qu’au lieu des choses nous devons nous servir de leurs noms comme symboles,
nous supposons que ce qui se passant les noms se passe aussi dans les choses (…) Or entre noms et choses
il n’y a pas ressemblance complète : les noms sont en nombre limité, ainsi que la pluralité de définitions,
tandis que les choses sont infinies en nombres. (…) Le drame du langage humain (…) c’est que l’homme
parle toujours en général alors que les choses sont singulières (…) ».
Aubenque rappellera que cette mise en garde vaut particulièrement dans le champ de la praxis – éthique,
droit et politique – lequel doit compter avec « l’infirmité inhérente à toute loi écrite, qui est universelle,
alors que les actions humaines, qu’elle prétend régir, sont de l’ordre du particulier. L’ambiguïté est donc
la contrepartie inévitable de l’universalité des mots, conséquence elle-même de la disproportion entre
l’infinité des choses singulières et le caractère nécessairement fini des ressources du langage »

On est renvoyé à la triade diabolique : signifiant, signifié, la référence -> on aurait ces trois pôles, qui
forment le triangle sémiotique. On doit trouver le sens par le biais de signe, de mots et de cas(par le biais
du signifiant, le signifié, la référence) -> mais comme cela, avec ce triangle, on ne sait pas où est le sens.
-> Le sens est quelque part entre les trois.
o Signifiant : matérialité physique du son, des mots que l'on lit.
o Le signifié : -> On aura par notre intellect une idée, une représentation mentale de la chose
que l'on matérialise. On a des concepts. -> Mais le concept, ce n'est pas encore le cas.
o La référence : c'est le cas.
Ex : Quand on a un code, sous les yeux, matériellement, on a que des signifiants - on a que l'apparence du mot tel
qu'il est écrit.
Ex 2 : quand on dit état de droit, on l'entend - ce n'est que signifiant.
-> Le concept n'est pas posé objectivement là dedans : il est dans notre esprit. C'est le signifié (il n'y a pas de
concept dans le papier) -> dans la loi, il n'y a pas de solution dans la loi, de concept : on va avoir des signifiants
qui peuvent nous inspirer à nous des concepts. / ! / Cela ne répond encore pas au cas, ici, devant nous - c'est le cas.
Ex 3 : le concept de chien n'aboie pas - il n'y a que le chien concret qui aboie - le concept se déclare dans la
référence.
Dans un code, on trouve un signifiant. En nous, on doit trouver le signifié - qui nous permet de l'appliquer
sur le cas.

Il n'y a donc pas d'univocité : les possibilités d'interprétation sont toujours ouvertes. -> On ne peut pas
trouver l'univocité dans les passages signifiant / signifié / référence. -> On ne trouve pas de moyen : pas
de cas sans concept, le signifié est obligatoire. Le signifiant aussi pour savoir sur quoi partir. Et la loi
sans cas est unique. -> et aucun moyen de passer des uns aux autres de manière univoque.
Ex : la connaissance nécessite comparaison - testis unus, testis nullus. -> on ne peut pas connaitre le réel qu'avec
un seul avis.

78
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

/ ! / Selon les positivistes pensent que derrière les signifiants de la loi, on trouve directement
le cas - le législateur met de manière objective et claire sa volonté dans la loi qui tombe
directement et parfaitement sur le cas. / ! / ce n'est pas possible - dans les mots, on n'a pas
le sens, on n'a que le signifiant : tout le reste est ailleurs (ex : avocats pas d'accord sur une
interprétation)
On fait un cercle herméneutique sans fin entre les trois. Ex : le CC a les mêmes signifiants qu'en 1907, mais
on n'a plus du tout la même signification et la même application. Ex 2 : "les suisses", le même signifiant, mais a
inclus d'un coup au niveau du signifié les femmes.
Le texte n'est donc pas la norme : le signifiant n'est pas le signifié de la référence - le texte, c'est que du
texte -> l'interprétation littérale du texte n'a aucun sens : cela ne va nous donner que les signifiants, le
sens doit être ailleurs.
Droit : on construit les signifiés sur la base des signifiants pour les appliquer sur les cas.
Ex 2 : si on voit "cocigru", on ne sait pas ce que c'est. -> on ne peut donc rien comprendre des signifiants de la loi
si on n'a pas le signifié - le droit n'est pas dans la loi, mais dans le cerveau, qui permet de passer des idées au cas .
-> Les juristes manipulent le réel (ex : interdiction des preuves illicites en cas de délits) -> rien n'est objectif
dans le droit, tout est issu d'un choix.
Ex : la carte n'est pas le territoire - c'est la même chose en droit : ce n'est pas parce que l'on comprend la loi que
l'on va résoudre les cas.

Il y a donc un décalage, souvent immense, entre 1) telle ou telle chose (concrète) 2) la représentation
(mentale) que l’on se fait de cette chose (l’ « idée de la chose » dans le sens commun de « avoir une idée
de la chose ») et 3) le mot, le symbole, le son qui exprime cette chose – on reconnait la triade diabolique
au cœur de la linguistique et de la sémiotique : référent, signification (ou concept) et signifiant (le mot,
plus exactement le son (phonème)). Cette triade apparait diabolique de par l’impossibilité dans laquelle
on se trouve d’élucider intégralement les relations que ces éléments entretiennent.
Les juristes connaissent bien ce décalage, ce hiatus : ex : la vérité judiciaire, celle établie sur la base des
seules preuves autorisées devant le tribunal, « vérité » qui s’établit donc sur la base des seuls faits considérés comme
juridiquement pertinents et prouvés, ne correspond jamais complètement à la vérité factuelle, à ce qui s’est
réellement passé.

• Les enquêtes comparatistes d'Aristote : la question qu'on se pose tout le temps en philosophie
politique / pratique, c'est un bon gouvernement. On ne peut pas juste regarder le signifiant pour
savoir : ex "c'est un gouvernement juste, qui recherche l'égalité" -> on va regarder tous les textes proches
pour savoir.
Aristote va parcourir toutes les grandes cités pour lire la constitution. Il essaie d'interroger les
juges, les membres de l'exécutif, pour savoir comment ils ont compris la constitution - il va voir
des cas. Ensuite, il va retourner à Athènes pour essayer d'élaborer le concept de bon
gouvernement.
Dans toutes les cités, il a trouvé trois types de décisions :
• Celles qui sont prises par un seul : la royauté
• Un petit collège de personne : l'oligarchie
• Tout le peuple réuni : c'est la démocratie
De manière inductive, pour Aristote, le bon gouvernement sera celui qui mêle des éléments
de royauté, d'oligarchie et de démocratie -> on peut même avancer un argument de droit
naturel : il est dans la nature juridique des choses que les gouvernements contiennent les
trois types de décisions.
/ ! / Par contre, l'équilibre n'est pas le même dans toutes les sociétés. ( ex : dans toutes les
armées du monde, on a qu'un seul général, parce qu'on ne peut pas ne pas être d'accord - pas possible.
Ex 2 : en Suisse, on a des généraux qu'en temps de guerre)
-> Droit naturel : on a toujours les 3. Mais il est variable : parce que le mélange change
d'une cité à l'autre. (répartition et composition des autorités sont différentes)
Le droit naturel, du coup, qu'est-ce que c'est ? Pas immuable, parce que nous ne sommes pas divins
: tout est changeant et contingent. Le droit naturel pour lui alors existe, mais il est variable.
Enquête comparatiste par Aristote en matière constitutionnelle : il étudie les constitutions ou projets de
constitution de plus d’une centaine de cités-Etats afin de dresser la carte des différents régimes politiques,

79
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

de leurs liens avec la géographie du lieu, l’histoire, l’économie, le climat etc. En bref, des conditions
variables de la vie sociale et politique.

De prise en compte de la finitude de l'homme par Aristote : il prend en compte que l'Homme est fini et
voit le monde à travers cette finitude :
• L'homme cherche des principes, mais on ne peut pas les affirmer absolus - tout est toujours affaire
de recherche. C'est comme le cycle sémiotique : c'est infini.
On a de cesse d'essayer de trouver des principes généraux, mais ils peuvent changer ( ex : état de
droit) -> le droit est donc imminemment changeant.
Rappel : la loi est statique, mais c'est pris sous l'angle du signifiant. -> Par contre les signifiés
changent de sens derrière (= le droit)
• Justice parfaite chez les humains n'existent pas, parce que l'homme est fini et vit des réalités finies
-> le droit doit faire des normes atteignables, commensurables - on ne peut pas demander aux
humains plus que ce qu'ils peuvent donner. Ex : grand avertissement au droit de l'environnement.
Cela ne sert à rien de plaquer des idées toute faite sur la réalité : on doit regarder si c'est
réalisable dans le cas d'un tribunal.
Ce véritable travail de sociologie révèle deux traits fondamentaux de la pensée aristotélicienne,
particulièrement importants pour qui veut comprendre le droit tel que pratiqué, un droit concret et non
idéalisé, en bref, le droit vivant et non l’Idée du droit : Aristote 1) cherche des principes qui soient 2) à
notre portée parce qu’ils ont été réalisés dans l’histoire ou existent aujourd’hui ou sont potentiellement
atteignables parce qu’ils s’appuient sur les expériences du passé pour préparer l’avenir. Ils tiendront en
particulier compte de la faiblesse avérée de la volonté comme de la raison humaine.

Cette considération pour ce qui est concret ou pseudo-concret permet à Aristote de ne pas s'occuper de
l'individu : parce que l'on ne rencontre jamais d'individu dans la vie concrète. On ne rencontre que des
personnes qui sont attachées avec d'autres, des territoires, des idées partagées.
La notion moderne d'individu est donc très stricte : notre existence serait auto-nomos : elle ne
dépendrait que de nous. (théorie des droits de l'homme, des droits subjectifs) -> on l'a construit
sur une irréalité : individu habité intrinsèquement par aucune culture, langue, appartenance
(ethnique, religieuse, géographie) -> on pourrait changer notre identité, on reste les mêmes avec
les mêmes droits.
Mais cela n'existe pas ! Les gens sont intimement liés aux autres. -> L'individu voudrait le nier,
mais nous sommes un zoon politikon = à l'abris de tous c'est impossible.
Quand on pense la notion de droit et de juste, on doit donc se séparer de l'idée d'individu. -> L'homme
ne peut pas ne pas être social - la société est naturelle, et pas artificielle. -> L'élan qui nous pousse à
vivre avec autrui est naturel. La société est donc naturelle : les humains ne vivent normalement que par
des relations avec autrui - ce qui nous fonde c'est notre compagnonage avec autrui.
La seule chose qui change, les choix, c'est la forme de la société : par contre, le fait de vivre en
société est naturel - comme animal politique, on est fait pour vivre avec autrui.
• Le droit était fait pour réaliser un zoon politikum. = Le droit des anciens correspond à notre élan
naturel de vivre avec autrui.
• Aujourd'hui, on regarde comment articuler notre rapport avec autrui par rapport à notre droit.
Cette enquête constitutionnelle explicite une Weltanschauung profondément différente de la nôtre en
matière de philosophie pratique, plus exactement de politique : l’individu n’y est jamais considéré en lui-
même et pour lui-même mais se comprend d’abord comme citoyen membre d’un groupe dans lequel il
s’enracine, milieu à partir duquel il construit son identité. On a vu Socrate, injustement condamné,
préférer mourir en pleine jouissance de sa qualité de citoyen d’Athènes plutôt que de vivre en fuyant ou
en exil c’est-à-dire de perdre toute appartenance à une cité, somme toute perdre le ressort fondamental
de son identité.

Aristote ne dira pas autre chose en soulignant : « Que donc la cité soit à la fois par nature et antérieure à
chacun « de ses membres », c’est clair. S’il est vrai, en effet, que chacun pris séparément n’est pas
autosuffisant, il sera dans la même situation que les autres vis-à-vis du tout, alors que celui qui n’est pas
capable d’appartenir à une communauté ou qui n’en a pas le besoin parce qu’il se suffit à lui-même n’est
en rien une partie d’unec ité, si bien que ce soit une bête soit un dieu »

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Le groupe précède les personnes


• Comme les gens ne sont pas autosuffisants, ils sont faits pour vivre avec autrui.
• Monstres : celui qui n'arrive pas à vivre dans une communauté et ne veut pas, ce n'est pas un
citoyen : c'est une bête à chasser ou un dieu à ne pas regarder.
On veut tous vivre avec autrui dans une cité.
-> Le droit est donc beaucoup plus naturel qu'on le croit dans ces principes. -> L'idée que les sociétés
ont un droit est profondément naturel : le contenu sera par contre du choix. On ne peut pas ne pas avoir
de droit et de société - les juristes sont des représentants de l'intérêt collectif, même quand on aide un
individu - parce qu'ici vit le droit, le fondement de la communauté naturelle.

Dans la Weltanschauung moderne et contemporaine (depuis les doctrines du droit naturel et du contrat
social, dès le 16ème siècle), l’élément de base de la cité, la brique ou, dans le langage sociologique « l’atome
sociétal », est l’individu. Pour ce dernier, l’appartenance à une culture, à des traditions et des mœurs
s’apparente à un vêtement dont il peut se débarrasser et changer au gré de ses envies, sans que son identité
n’en soit altérée. Dans cette conception du politique, la culture s’apparente à l’avoir et non à l’être.
En simplifiant à l’extrême, on peut dire que cette opposition divise la philosophie politique américain
entre « communautariens » et « libéraux » (au sens premier, originelle du terme) et celle française entre
les « communautaristes » (qui ne se dénomment eux-mêmes jamais de la sorte) et les « républicains » pour
lesquels il ne saurait y avoir de groupes identitaires entre l’individu et la République.

Semaine 8
Notre droit est imménament pratique. -> Enquête sociologique de la Cst.
• Aristote cherche des principes (=/= la position inverse de toute philosophie a-priori. Elle pose des principes,
elle ne tire pas les principes du réel et des expériences -> rien ne garantit que ces principes vont prendre le
réel) -> Aristote part du réel et formule des principes. Aristote est toujours en recherche et affirme peu.
En effet, la réalité est trop complexe pour la nature humaine - nos catégories juridiques sont alors plus pauvres que
le réel. Ex : choses, personnes, on a ajouté les animaux (qui est un peu un meuble quand même)
On fait de l'induction avec A - on fait plutôt des hypothèses plutôt que des grandes affirmations.
• On veut faire aussi des principes qui soient à notre portée, donc pas d'idéalisme, pas d'a priori. (U-topia =
qui n'a pas de lieu. U = privation - On ne regarde pas les hommes réels ex : philosophie marxiste est utopique)
Les juristes partent du réel : les hommes sont médiocres, et donc la justice le sera aussi. -> Le droit est
relatif à une situation et à un ordre juridique donné.
-> Importance notamment en Suisse de la procédure de consultation : le législateur regarde ce qui est
commensurable au peuple et aux cantons (commensurabilité morale, physique, psychique) - cela indique ce
qui est possible pour ce peuple là à ce moment-là de l'histoire.
-> Les textes sont souvent bien acceptés par les chambres et le peuple, parce qu'on a déjà regardé les besoins
du peuple. = commensurabilité, inductif (consensus)

Ces deux principes sont importants pour les juristes, parce que le droit est une praxis, et on doit regarder
uniquement ce que l'on peut plaider. -> Le droit est très réaliste : le reste n'est que discussions.
Ex : CIC - les gens se comportent toujours plus mal dans la phase de conclusions des contrats, mais le droit ne commence qu'au
moment des contrats. Le juge étend alors, a posteriori, la bonne foi - c'est une démarche inductive.
Il n'y a pas de philosophe-roi : on est tous soumis à la finitude humaine, il faut le partager avec les autres.

La politique ne pense jamais à partir de l'individu, il n'a aucun rôle politique. -> Le rôle politique est tenu par les
citoyens : ce n'est pas pertinent pour l'organisation de la cité.
-> On n'a pas de droits de l'homme chez les grecs et les médiévaux, parce qu'ils n'en ont pas besoin. Il n'y a pas
d'opposition Etats - individus. (cela vient de la Renaissance et de la WW2)
De quand date la théorie des droits subjectifs ? - 1840/50 : cela a un siècle et demi. Pendant 24 siècles, on
a pensé le droit autrement que dans la forme des droits subjectifs : les individus à partir duquel tout se
construit.
Avant, on avait la cité, le tout, et à l'intérieur les citoyens. (premières traces, par contre, fin du M-A = Scott
et Occam)
Ex : droit romain - toutes les institutions sont collectives. -> pas du tout la même notion de contrat.
Ex : Socrate - pour un grec, il n'y a pas un simple attachement à la cité. La cité, c'est vraiment l'identité - les personnes
sont d'abord citoyens avant d'être individus. Notre qualité de citoyen vient avant celle d'individu - Socrate préfère
mourir que d'être plus rien, plus d'identité politique - la pire condamnation pour un grec de bonne éducation.

81
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Politique, éthique, droit, économique - si on est dans la politique, on est de toute façon dans le juridique pour un
grec : "Que la cité soit à la fois par nature et antérieure à chacun de ses membres, c’est clair. S’il est vrai, en effet,
que chacun pris séparément n’est pas autosuffisant, il sera dans la même situation que les autres vis-à-vis du tout,
alors que celui qui n’est pas capable d’appartenir à une communauté ou qui n’en a pas besoin parce qu’il se suffit
à lui-même n’est rien partie d’une cité, si bien que c’est soit une bête, soit un Dieu"
• La cité est naturelle pour Aristote "par nature", parce que nous sommes de zoon politikon - comme notre
nature est d'être des animaux politiques, le lieu de la cité (de la polis) ne peut être que notre milieu naturel.
• =/= notre vision actuelle : la société est un arte fac - c'est une pure construction des hommes selon leur
bonne volonté = condensé de la notion de contrat social. C'est le petit individu, selon sa volonté, qui décide
comment sera la société en passant le contrat = la société est un artifice de l'homme.
o La conception du droit et de la justice seront donc très différentes
Ex : droit de l'environnement - ajd : on est tous conscients que le droit de l'environnement demande une vision
naturaliste de l'homme (l'homme ne décide pas de tout, il y a quelque chose avant avec lequel on vit en complète
dépendance)
Grec : le commun est déjà là et on s'y insère.
Ajd : chaque individu décide tout pour lui, y compris de faire la société - il décide donc aussi
pour la nature. Il n'y a plus de bien commun
Comme faire un droit de l'environnement, alors qu'on a besoin d'un bien commun qui dépasse l'homme.
-> Tant qu'on ne crée pas de bien commun, pas de droit de l'environnement = à cause de la structure
moderne du droit (ex : conventions internationales - pas de biens communs, pas de réel pouvoir des états
- juste contrats et on peut s'en départir)
Grec : la société préexiste - on doit l'accepter comme elle l'est. Les personnes sont des membres, pas
des individus ( / ! / D'ailleurs, on ne trouve pas le mot individu dans le préambule de la Cst)
• Pour Aristote 3 catégories d'êtres
o Normaux : on est naturellement fait pour vivre avec autrui - parce que cela fait partie de l'identité, du
bonheur (du besoin - de la nécessité)
o Ceux qui peuvent vivre en dehors de la société (ex : les hermites)
o Les dieux (auto-suffisant) → pas intéressant pour le droit.
Cela va changer la vision du droit / de la justice : on doit chercher des rapports naturels. De ce fait, la
volonté n'est pas le maitre mot du droit - on cherche des rapports naturels, qui sont directement induits des
réalités humaines. Cela explique qu'A est sceptique face au volontarisme : même s'il y a une volonté du
législateur, elle n'est pas première (ex : législateur - procédure de consultation, puis décision prise dans ce cadre. Si
c'est fait autrement, il y a des référendums, et cela bloque tout - volontarisme très contrôle = c'est pour cela que cela
marche)

Modernes : plus de zoon politikum, on n'est plus naturellement un citoyen - on rentre dans la logique de l'individu.
On va tout reconstruire le droit à partir de l'individu. Sociologue = atome social : c'est la plus petite brique de la
société, et on va tout reconstruire (droit, éthique, politique) à travers cela.
Ex : 1800 - Déclaration de l'homme et du citoyen
1900 : CEDH - plus que des hommes, des individus, donc plus de citoyens - plus de bien commun naturel : cela ne peut
être que construit artificiellement.
On doit essayer de baisser le poids de l'homme dans la société pour qu'elle perdue (environnement, social)
Comme l'homme est un atome sociétal : toute la culture, les mœurs, les valeurs ne sont pas intrinsèquement
attachés à nous - on peut s'en séparer (-> théorie des droits de l'homme : dès qu'on est un homme,
indépendamment de qui on est (langue, culture, institutions), on y a le droit) / ! / Or, personne ne vit hors
d'institutions, de culture (que l'on peut changer, certes, mais qui préexiste) - on est une culture, on n'en a
pas une.

SECTION 3. UNE JUSTICE PRAGMATIQUE


SOUS- SECTION 1 : U NE POLITIQUE "LA MEILLEURE POSSIBLE "
Approche pragmatique de la philosophie, du droit - cela vient de la finitude humaine. On n'est pas des
hommes infinis.
-> Valeur universelle, absolue, en dehors du contexte : cela n'existe pas pour A, c'est une utopie. -> ce
n'est donc pas un modèle absolu. (ex : si on veut imposer des idées utopiques par le droit - catastrophes) = on
est toujours dans la relativité.

Aristote regarde les usages de langage des gens et procède ainsi de manière inductive: il regarde ce que
les gens disent de quelque chose, comme l'enquête du droit constitutionnel.
En fonction de ce que se dit dans les sociétés hinc et nunc, il élabore des concepts. Il le fait aussi pour
la politique = c'est une science pragmatique.

82
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

La politique pour lui est architectonique : la politique nous donne la structure de tout le reste - la
structure dans lequel va se développer l'économie, le droit, le psyche - c'est au travers de la
structure de la cité que va notamment se déployer la justice.
Pourquoi ? A cause du zoon politikum : puisque notre nature profonde est de vivre en communauté
(nous sommes faits pour vivre comme société - personne ne vit comme pur individu). Si on a une
nature commune / politique, alors la science politique devient la plus haute des sciences : parce
que c'est au sens de la société que l'on va accomplir notre nature de zoon polikum.
L’attention portée aux usages, aux mœurs, à ce qui se pratique concrètement dans tel groupe particulier
conduit à une vision pragmatique des réalités politiques. Cette position est d’autant plus intéressante
qu’Aristote qualifie la politique de branche architectonique, science ultime, fondatrice même parce
qu’assumant les fins les plus hautes de l’homme, au service desquelles se mettent en œuvre les autres
sciences.

Les grecs insistent donc sur le "bien vivre ensemble" (de retour sur la scène depuis les années 2000-
2010 : on doit modifier les règles du vivre ensemble pour le droit de l'environnement) - pour les grecs,
il n'y que du vivre ensemble (nous on découvre que les individus ne sont pas que cela mais qu'ils doivent
vivre ensemble)
/ ! / Mauvaise foi de la part d'Aristote : il pense que Platon n'a fait que discuter que du vivre
ensemble (3 fonctions de la cité - 3 fonctions de l'âme - 3 compétences de l'hommes = pour A cela
ne donne que le vivre ensemble, et non le bien vivre ensemble)
Reproche adressé par Aristote à Platon, lequel n’aurait envisagé que « le vivre ensemble » comme
but de la société, et non le « bien vivre ensemble ». Platon se serait donc contenté d’analyser les
conditions « matérielles » (au sens large) de l’organisation de la cité sans véritablement préciser les
exigences éthiques et politiques, en particulier la philia, l’amitié en un sens plus large que celui que
nous prêtons à ce terme aujourd’hui, véritable ciment de la société.

-> Le vivre ensemble doit nous rendre bien, bon, heureux. Si le vivre ensemble nous diminue dans
notre qualité d'homme, c'est un problème parce que la cité est mal pensée -> tout système politique
chez les grecs est normalement une eudémonie = la recherche du bonheur.
Pour un grec, tout est affaire de développement personnel : toute personne recherche son bonheur
- c'est le fondement même de l'homme, sauf pathologie. -> Et c'est dans la société, dans le bien
vivre ensemble, qu'on doit le réaliser.
Cité : on va y réaliser notre essence la plus naturelle : zoon politikum - c'est là où on peut avoir
notre essence au naturel. / ! / : Si on n'est pas bien dans la cité, on doit la changer, et non la quitter,
parce que l'on ne sera jamais heureux en dehors de la cité (pas eudémonie naive : on ne peut pas
avoir une société parfaite, mais on doit la changer - on ne doit ni être dans l'utopie ni la biologie)
Vivre ensemble ne suffit pas, il faut bien vivre ensemble = on vise le bien (comme Platon) ! Donc
l'eudémonie est aussi une question de morale avec le bien.
Le droit tend donc vers le bien : que la société et l'individu soit meilleure (Platon dirait)
Le droit d'Aristote, comme Platon, est imminemment moral - c'est une utopie naive de croire que l'on
peut séparer le droit et la morale (on pense qu'on peut séparer le droit de la morale, mais on parle de
bonne mœurs, de dignité humaine -> dans la pratique, on ne les sépare pas du tout)
Après dans la pure technique, c'est moins moral.
Où l’on reconnait le but ultime de la cité : le « bien vivre ensemble ». Ultime, ce but l’est assurément dans
la mesure où il permet à l’homme en tant qu’animal politique (zoon politikon) de réaliser toutes les
potentialités qui sont en lui à ce titre : c’est seulement au sein de la cité que l’homme exerce pleinement
sa nature humain. Qui dit cité, dit altérité, présence des autres, présence constitutive de et pour ma propre
identité, présence nécessaire pour l’exercice de ma nature (d’animal social), de mon appartenance au
genre humain dirait-on aujourd’hui

Ce réalisme atteint jusqu’à la valeur suprême de toute vie, notamment humaine : le bien, qu’Aristote, au
contraire de Platon, ne situe pas dans un autre monde dont l’accessibilité semble réservée au seul
philosophe : Aristote affirme explicitement « que le bien que nous cherchons présentement c’est quelque
chose à notre portée ». → le bien que nous recherchons en ce moment doit être à notre portée : on ne

83
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

recherche pas le bien en soi, le droit absolu. Cela n'a pas de sens : nous sommes des êtres finis qui
n'atteindront jamais l'absolu.
-> La justice que rend les humains est donc une justice humaine et non parfaite (on le voit avec les
collèges et les recours - l'erreur judiciaire peut arriver parce que nous sommes des êtres finis, alors on
fait des figures juridiques pour éviter l'arbitraire)
C'est le bien ici et maintenant (en fonction du lieu, et même dans le même lieu, en fonction du
temps) - même si tout le monde cherche le bien, on ne le fait pas de manière identique (cela varie
en fonction du temps et du lieu)
C'est un droit naturel variable : tout le monde recherche la même chose mais pas de la même
manière.
-> C'est pour cela que l'on critique les droits fondamentaux : les droits fondamentaux sont
implémentés depuis le haut et doivent s'appliquer normalement sans pratique. (ils ne sont pas
inductifs) / ! / Cependant, la vision d’Aristote explique pourquoi la CourEDH n'a jamais donné
son avis sur l'absence de dignité humaine quand pas de mariage homosexuel. -> On a renvoyé aux
Etats (la dignité humaine n'est pas universelle, européenne mais aux Etats)
Du pur Aristote : on ne pouvait pas imposer quelque chose aux Ems qui ne leur
correspondait pas - alors on leur a renvoyé la balle. On perd le top down pour le bottom up.

La méthode générale d'Aristote est la comparaison : cela crée une rupture entre les résultats de la
philosophie théorique et pratique. Pourquoi ?
• Philosophie théorique : sciences dures, on tombe dans des lois nécessaires.
• Pratique : les lois sont surtout contingentes, les réalités sociales ne connaissent que peu de
déterminisme / nécessaire. On a surtout affaire à des choix
o Ici, ce n'est pas les calculs qui vont donner les résultats, mais l'expérience pragmatique.
On va mettre en avant la notion de prudence - celui qui a beaucoup vécu, qui a de
l'expérience, qui sait (ex : les vieux sont arbitres en Afrique, on sauve les vieux plutôt que les
jeunes)
Ce n'est donc pas par la théorie que l'on comprend la pratique : le droit, comme l'éthique, se comprend
par l'expérience. Si on veut transmettre des règles pratiques, on doit le faire par les exemples - et non
pas la théorie, l'épistémé à la Platon. Ex : un maitre doit montrer son expérience, sa prudence en acte - plus on
vieillit, plus on se bonifie =/= sciences dures où on est surtout bon au début.
La méthode dont use Aristote est à l’évidence très différente de celle de Platon : il s’agit ici d’une enquête
(« que nous cherchons »), d’une recherche pratique. Cette différence de méthode vient elle-même d’une
différence de fond qui divisera pour longtemps les courants philosophiques, notamment en matière de
politique et d’éthique. → Cette différence de fond vient essentiellement de ce qu’Aristote distingue la vie
intellectuelle (la connaissance au sens du savoir scientifique ou philosophie théorique) et la vie pratique,
vie de la cité et au sein de la cité (philosophie pratique). La praxis ne relève pas à proprement parler du
savoir (episteme) mais de l’expérience et de la vertu de prudence. Il s’agit moins de connaitre
théoriquement la conduite juste et bonne que d’enseigner cette conduite en vue de sa pratique effective
ici et maintenant.
C’est l’une des raisons pour lesquelles ne méprise pas les enseignements de la doxa, à commencer par les
usages linguistiques.

Importance pour Aristote de la doxa : de l'opinion. -> Définition : « est doxa le tissu de conjectures, d’usages
habituels, de comportements les plus ordinaires, de discours vraisemblables, en un mot les mœurs et coutumes
d’une époque. Aucune prétention à la vérité, aucune tentation de science, mais une approximation constante de
l’état de fait des choses, une sorte d’adéquation à leur variation, à leur renouvellement, à leur intervention. Mais
en même temps, obligation de partage : la doxa n’a de sens et de puissance qu’à être dans le lot commun, à dire
ce qui est le plus souvent et à agir comme le plus grand nombre. Elle trace la frontière mouvante, il est vrai, mais
indépassable de ce qui peut être entendu et compris »
Doxa, signifie l'opinion, a une traduction en droit très importante : la doctrine
• Doctrine classique au sens de l'Art 1 al.3 CC
• / ! / : Mais ce que font les tribunaux c'est aussi de la doctrine - c'est l'avis du juge sur le droit. S'il
définit quelque chose de fixe à la dernière instance, cela reste un avis - la preuve, c'est que l'on
peut changer d'avis par revirement de jurisprudence.
o On ne peut pas changer les règles de la science, donc le droit n'est pas une science.

84
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Les règles de la science sont nécessaires -> pas du droit, parce que l'on peut changer d'avis
(de jurisprudence) - problème pour la sécurité juridique, par contre aucune nécessité donc
on peut changer (pas de science du droit)
Le droit n'est pas de l'épistémé.
• Tissus de conjectures : ensemble de ce que l'on cherche, et non de principes top down.
o Vraisemblables suffit à un homme, mais pas vrai
o Aucune prétention à la vérité : dans les sciences humaines, il n'y a aucune recherche de la
vérité - il n'y aucune vérité en soi. Il n'y a pas de sciences humaines : parce que pas de
nécessité.
o Approximation constante : ex 2 CC - abus de droit est devenu CIC
o Obligation de partage : la doxa est commune et communautaire - l'opinion n'a de sens que
dans un groupe (ex : Robinson n'a aucune incidence avec ses idées - par contre dès que l'on prolifère
des paroles en commun, cela a une incidence)
Ex : normalement, quand on fait une soirée privée - on peut être raciste. Mais si on filme et que cela
va sur Facebook, on est condamnable = pénétration juridique de la sphère privée. -> Même si on n'a
pas voulu être sur youtube, on l'est de fait et on est considéré comme complice de l’acte de publication
de ce fait.
La doxa est collective, il n'y a plus de sphère privée notamment aujourd'hui (ex : protection
des données - impossible de faire des lois pour y arriver : ex : on ne peut rien déférencer, si on le fait
sur le web public, cela ira sur le dark et cela sera renvoyé plus tard) -> il n'y a plus d'opinion
neutre, individuel, tout est collectif.
C'est dangereux, mais vrai = réaliste, pas utopique.
o Ce qui est le plus souvent : rapport entre la doxa et le droit - on trouve la notion de regula.
La doxa indique des regula, c'est pour cela que A s'y intéresse. Ex : une procédure de
consultation donne la doxa, et la regula devra suivre la doxa pour être respectée.
o Idée de la commensurabilité : intérêt pour les juristes.
Synthèse : en droit, on ne doit pas rechercher le droit en soi, mais le droit qui existe à un moment donné
dans une cité donnée, parce que le bien en soi n'est pas à notre portée : parce que nous sommes dans une
réalité sociale avec des contingences - on n'y arrivera jamais.
Ex : Juste - si on arrive à le trouver hinc et nunc, c'est déjà bien ! Ex : arbitraire - sentiment d'injustice dans un
pays donné à un moment donné. Ex : le juge ne juge que sur la base des pièces du dossier - il n'a que des preuves
indirectes, qui peuvent être de mauvaise qualité - il n'était pas là, donc il juge comme il peut et non en fonction du
vrai.
On se contente du meilleur possible et non du meilleur absolument.
Comment peut-on trouver le bien, puisque le bien tel qu’il le conçoit n’existe pas en soi, en dehors des
situations particulières, concrètes ? Et pour mieux souligner que nul n’échappe, dans la vie pratique à la
contingence, on dira que le bien à rechercher s’entend « du meilleur possible » et non du « meilleur
absolument »

Aristote dit que le comportement de l'homme ne fait sens que dans un collectif (focalisation sur un
citoyen, plutôt que sur un individu). -> Les comportements ne sont pertinents que dans la mesure où ils
impactent autrui. Si (et vu que) nos comportements ont automatiquement des conséquences sur autrui,
alors on n'est plus des individus, mais des citoyens : dès que l'on a un comportement, cela a des
conséquences sur les autres (ex : mieux, pire)
Ex : discussions privées - si elles tombent sur internet, on est condamnable.
On n'est donc plus tellement individus, on est toujours plus citoyens - nos comportements peuvent
avoir des conséquences sociales.
Il y a donc un lien intime entre les hommes et les institutions : il n'y a pas d'hommes sans institution.
"Ibi societas ibi ius" = il n'y a pas de société, et donc pas d'homme, sans institution. Les institutions ne
polluent pas l'homme comme dit Rousseau, parce que l'on ne peut pas avoir de vie sans institution -
l'homme peut juste les changer (sinon utopie)
Quand on fait une constitution, on ne peut pas faire quelque chose de parfait, mais on doit la faire.
(ex : on ne peut pas plaquer des constitutions laïques sur des cultures complètement confessionnelles - il
faut partir du réel, sinon les sociétés implosent) - les constitutions doivent correspondre à la praxis.
Cet ancrage dans le réel, dans ce qui peut arriver quotidiennement en nos vies présentes, couvre tout le
domaine de la praxis et non seulement son but ultime, le bien. On comprend alors pourquoi la pensée

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

d’Aristote s’articule autour du citoyen, et non de l’individu : de manière générale, c’est-à-dire le plus
souvent, nos actes ne prennent sens que dans un contexte social donné, parce qu’ils ont des effets sur
autrui et nous positionnent de telle ou telle manière dans la société : des liens intimes, intrinsèques, lient
les personnes et les institutions, les unes et les autres se compénétrant, s’influençant réciproquement. La
même raison rend compte de l’affirmation suivant laquelle on ne doit pas rechercher « la meilleure
constitution absolument » mais la « meilleure possible ».

Pour Aristote, ne demandez pas à un juriste la même rigueur que ce que l'on peut exiger d'un
mathématicien - on ne peut donc pas avoir de Rechtswissenschaft (moins de rigueur, de précision)
• Mathématicien : il évolue dans le milieu du nécessaire
o Il a la déduction
• L'autre dans la contingence
o On a l'induction et l'analogie
On ne peut pas avoir de science juridique épistémologiquement = c'est contre la logique. (preuve on ne
peut pas déduire en logique d'une règle générale et abstraite quelque chose d'individuel et concret)
= En droit on n'a pas de nécessité : on a du fréquemment notamment -> on réduit la précision ex : RC -
on a le cours ordinaire des choses : c'est ce qui arrive le plus souvent, mais pas ce qui est nécessaire . / ! / Le cours
qu'aurait pu anticipé le citoyen standard, parce que si c'était nécessaire, il n'y aurait pas de responsabilité.
Souvent, on a donc des open textures, des notions à géométrie variable : ce n'est pas défini. On
doit mettre des concepts souples qui doivent pouvoir s'adapter - pas de justice en soi, absolu.
Les enseignements de la contingence ne s’arrêtent pas là. La différence de nature entre philosophes
théorique et pratique se marque très nettement par le degré de précision que l’on peut atteindre dans
chacun de ces domaines. Aristote considère aussi déraisonnable d’attendre d’un mathématicien des
raisonnements simplement probables, fondés sur la logique « du plus souvent » ou « fréquemment » que
d’exiger d’un rhéteur (donc d’un juriste) des démonstrations proprement dites.
Pour évidente que sonne cette affirmation, elle n’en a pas moins été niée par de nombreux représentants
du positivisme juridique moderne qui cherchaient à construire une authentique science du droit
(Rechtswissenschaft), faire de propositions nécessaires et de déductions rigoureuses, en dépassement du
peu logique ars juris.

Grande question de l'acceptation de la norme : n'a aucun sens dans un système idéaliste, nécessaire, top
down. (ex : obliger de respirer)
Par contre, dans un système inductif, on n'est jamais sûrs des valeurs - on doit donc le soumettre à
l'acceptation, qui est un critère fondamental du droit = cela relève du choix -> Cela explique les
procédures de consultation en Suisse.
Ex : mieux de faire un système fédéraliste parce que l'on s'adapte aux personnes - que centralisé.
Acceptabilité locale, droit local - peu de pouvoir du juge fédéral. Le moins de règles fédérales possibles etc.
La notion de juste sera, elle aussi structurée, « formatée », par la préoccupation pragmatique afin que juges
et juristes rendent des décisions qui soient à la mesure des possibilités réelles de choix et d’action des
citoyens « soumis » à la loi. En bref, le juste doit être acceptable pour telle société donnée, il doit être
commensurable : présenter une mesure commune (com-mensurable), une mesure qui soit à la portée des
comportements que l’on peut raisonnablement attendre des citoyens, la conduite qui vraisemblablement
est ou deviendra la plus fréquente et non pas suivie absolument.

SOUS- SECTION 2. « JUSTICE EN SITUATION », GÉNÉRALE OU PARTICULIÈRE


On oppose le droit utopique, hors sol pour la justice - et le droit qui vient de la situation : justice
pragmatique vs utopique.
Pour Aristote, la justice est en situation.

"Que chacun prenne ce qui lui revient" = que chacun prenne des devoirs et des droits qui lui reviennent
de manière juste, en fonction de son rôle, de sa place.
C'est très vague de dire cela : que fait-on avec les différents types de fonctions ? On va donc partir
de la citation, pour trouver comment on la complète, comment on l'incarne.
On va donc essayer de la mettre dans le droit en situation : puis dans la justice générale et
particulière.

86
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

La justice est donc une vertu - c'est même la vertu des vertus - l'harmonie des vertus. On a des vertus en
nous : si on arrive à les harmoniser, on devient un homme juste = comme Platon.
/ ! / La vertu de la justice ne vient pas de l'épistémée : pas d'alignement de la justice théorique sur
la justice pratique. Ici, la justice est une histoire de prudence, d'expérience.
• Aristote : on part toujours du cas - on part des situations pour savoir quelle vertu il faut et à quel
degré → pour avoir la justice en nous.
• Platon : la justice vient des parties de l'âme (les fonctions et équivalent dans l'âme) - on a cela
dans l'âme et on le met dans les situations.
Ex : ce n'est pas la même chose d'être un guerrier en temps de guerre qu'en temps de paix. Ce ne sont pas du tout
les mêmes vertus qui vont s'exercer.

Cela ne sert donc à rien de penser la vertu dans l'abstrait : il faut donner le type de situations. (ex :
intelligence en cours qu'à l'examen n'est pas la même)
• On doit donc la regarder en fonction de la situation
• Mais aussi de la personne ! (ex : acte courageux n'a pas la même valeur pour les personnes téméraires -
penchant à prendre trop de risque - que pour les hommes peureux = cela ne témoigne pas de la même vertu.
o L'homme peureux : de grands efforts - plus de vertus.)
Il ne faut pas regarder que le résultat, mais les moyens déployés - dans la situation, dans la
personne
C'est quand on a les deux que l'on peut discuter si le comportement est juste : le comportement n'est pas
juste en soi, mais en situation/qualités personnelles.
Ex : le droit pénal - on plaide les situations, les qualités personnelles - homme a accompli de tel acte, dans de telles
circonstances, avec telles qualités internes = cela doit être pragmatique.
-> Quand on juge un acte en terme de droit et d'éthique, on juge toujours en situation et non en soi.
Si l’idée de « rendre à chacun ce qui lui revient » (suum cuique tribuere) est déjà présente chez Platon,
c’est avec Aristote que la vertu de justice reçoit sa forme la plus complète et son expression la plus concrète
→ La nature concrète du juste chez Aristote provient de sa conception de la vertu en général.
Contrairement à Platon, il n’organise pas sa réflexion à propos des vertus autour de la distinction des
diverses parties de l’âme mais, fidèle à une pensée inductive, conçoit chaque vertu à partir du type de
situation dans lequel elle intervient. C’est en situation de plaisir, par exemple, que l’on attend la
tempérance, en situation de danger le courage etc. La justice devra donc s’envisager en situation. Aristote
rompt ici clairement la conception « intellectualiste » et contemplative de son maître.

Deux suma divisa :


• Justice générale : sur le plan de la société tout entier
• Justice particulière : justice entre deux particuliers
Englobe cette distinction, on a une distinction plus générale :
• Justice en situation : c'est une instance incarnée, en situation.
• Justice hors sol : Ce n'est pas logique pour Aristote, vu que justice pragmatique - cela n'a pas de
sens.
Il ne la méprise pas : mais il dit qu'adopter un droit idéaliste pour quelque chose de pratique mène
à des incohérences logiques (désilutions)
Le droit doit être adapté à ce que l'homme peut faire ici et maintenant.
L’esprit général dans lequel est envisagé toute notion de juste chez Aristote étant fixé, il convient d’opérer
une double distinction pour bien comprendre sa conception de la justice et la place qu’y occupe le «suum
cuique tribuere ».
• Aristote établit une première distinction entre justice générale et justice particulière, toutes deux
étant au demeurant des vertus.
• Une seconde distinction, plus englobante et répondant au tour d’esprit pragmatique de la pensée
aristotélicienne que l’on vient d’exposer, double la première : la justice est toujours conçue
comme concrète, en situation, par opposition à une justice idéale ou Justice en soi, trop parfaite
pour être à notre protée.
o Aristote ne parle que de justice réalisable, concrétisée sur le plan de la société – juste
générale – ou sur le plan de l’individu-citoyen – justice particulière.

87
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

La justice générale et particulière doivent être pensés en situation : de manière pragmatique. -> Ce sont
deux types de justice différentes
• Dans la justice générale : on doit tenir compte de l'ensemble de la cité - le collectif est le point de
vue final = cela correspond à la vision du zoon polikitum = la société comme lieu de réalisation
des essences des personnes, donc les personnes y sont automatiquement référées.
Platon : vise l'harmonie. Mais A le fait simplement de manière pragmatique. → La justice
est aussi la vertu des vertu, mais on veut la justice ici et maintenant et non la justice en soi.
Ex : les bonnes mœurs ont de sens que si elles sont contextualisées dans un lieu et moment donné.
Les mœurs sont très intéressantes parce que c'est un lieu de lien entre la justice générale et particulière
o Cela appartient à la justice générale
o Mais cela guide des comportements concrets (ex : infractions en droit pénal) = justice
particulière
Le point de vue de la justice générale, c'est toujours le rapport des acteurs du droit par rapport au tout -
harmonie de la cité toute entière qui est le point de fuite.
Le but est de maintenir l'harmonie du groupe - le destin individuel est beaucoup moins important. Ex :
Plus les communautés sont petites, plus on veut garder les membres et on trouve des autres punitions ex : on ne
chasse pas un tueur, on le fait assumer deux familles.
Le droit sert ici donc à rétablir à l'harmonie générale (par les vertus) - on devrait l'avoir en droit
administratif.
o On regarde moins la vertu de justice, en soi-même
o On regarde les vertus de chacun du point de vue du collectif - on regarde si les vertus de
l'un sont en harmonie avec les autres.
"Droit moral" = on parle de la justice générale. Ce sont les mœurs, du point de vue du collectif.
=/= Il serait opposé au droit juridique, qui serait tautologique.
On regarde les citoyens face aux collectifs, ou les rapports entre les citoyens du point de vue du collectif
- ce qui compte alors c'est le vertu du point de vue du général ( ex : =/= le destin de chacun, les vertus en
chacun)
La justice générale concerne, comme chez Platon, l’ensemble des vertus, plus exactement leur harmonie,
leur ordre et, en ce sens, se révèle ici aussi une sorte de vertu des vertus. Dans la mesure où la vertu a trait
par définition aux mœurs, la justice générale s’entend des bonnes relations aux autres, à la cité et au
cosmos (ordre de l’univers). Toutefois, et conformément à l’orientation fondamentale de la pensée
aristotélicienne, la justice générale considère moins les vertus pour elles-mêmes (ou pour la grande d’âme
de celui qui les pratique) qu’elle ne focalise sur les effets des différentes vertus, à savoir la vie harmonieuse
de la cité et des concitoyens. La justice générale au fond à la nature d’animal politique de l’homme.
• La justice particulière est à l'intérieur de la justice générale : forcément, parce que la cité est le
lieu naturel de l'exercice de la nature humaine.
Si notre nature humaine se déploie dans des relations juridiques (justice particulière), cela se déploie
dans un contexte plus général de la cité (de la justice générale)
La justice particulière se déploie dans la justice générale, mais d'un point de vue plus technique. On va
regarder le comportement des citoyens, non plus à l'égard du tout, mais à l'égard de certains acteurs (ex
: Etat comme autres acteurs du droit, avec d'autres citoyens) = Rapport de justice avec autrui.
On regarde des cas particuliers pour l'avantage des particuliers, mais non pour l'avantage du collectif.
(ex : normalement, jusqu'à aujourd'hui, on a toujours enseigné la logique du droit privé - le droit public est très
récent - il devient plus important que le droit privé. Un grec n'a donc pas de distinction en droit privé et public )
/ ! / : Ce n'est donc pas du droit privé en soi, vu que tout l'est, par contre c'est plus horizontal que la
justice générale.
Cela participe à l'harmonie sociale avec des figures plus concrètes.
Justice particulière dans la justice générale (rond dans un rond) -> on regarde d'abord les autres
simplement, puis toute la société.
Parmi ces vertus, il en est une qui consiste à attribuer à chaque citoyen sa part des biens, des pouvoirs, des
charges et des devoirs : la justice particulière, dont l’objet est le suum cuique tribuere. Elle porte sur des
cas particuliers, c’est-à-dire, selon les belles formules françaises, là où il y a lieu de rendre justice à celui
qui réclame justice. N’est pas en jeu l’équilibre des vertus du citoyen, mais ce qu’il doit à autrui ou peut
réclamer à autrui, que cet autrui soit la cité ou un concitoyen, notamment un co-contractant.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Certes la justice particulière participe à l’harmonise sociale, mais elle en précise les termes, les spécifie de
deux manières, en lesquelles consistent les deux formes de justice particulières : justice distributive et
justice commutative soient les deux modes à l’égal.

Confusions : quand on pose le terme égalité, on pose en face le terme égalitarisme. Malheureusement,
cette conception n'est qu'une des deux conceptions de la justice : arithmétique = les deux contre-
prestations sont pareilles. Donc, chacun a le droit à exactement les mêmes droits. -> C'est irréaliste.
Il y a d'autres modèles de justice : comme la justice distributive - c'est une forme d'égalité, sans
égalitarisme.
• Justice distributive : on ne doit pas regarder termes à termes, mais rapport à rapport.
Ex : salaire/risques doit être équivalent entre un chirurgien et une vendeuse - salaire + / risques de mort, salaire - /
peu de risques. -> Le salaire doit couvrir le risque social occupé.
On a donc une égalité dans le rapport : c'est une égalité géométrique.
C'est une forme d'égalité, que personne ne contesterait. -> Les hommes sont plus encleins à cela.
• Egalitarisme : rapport entre les termes = chacun a les mêmes termes (ex : primes de base dans les
assurances maladies) Egalité arithmétique
Justice commutative - c'est la logique des contrats : commutative - équivalent.
=/= En justice distributive, on pourrait indexé la prime d'assurance maladie sur le salaire.

/ ! / Synallagmatique et réciprocité :
• Réciprocité : pas de contrat, pas de rapport symétrique.
Cela caractérise des rapports asymétriques. (ex : parents et enfants)
o C'est la justice distributive : c'est très courant - ex : parents et enfants
• Commutatif : c'est automatiquement symétrique - l'égalité des positions. Il n'y a contrat que si les
parties sont des égaux - toutes les visions contractualistes (contrat social) ont une vision de l'égalité
des acteurs.
o Justice commutative
Normalement, en droit administratif, on devrait être dans une justice distributive, et dans les contrats,
c'est censé être commutatif - ce n'est pas la même logique, la même justice.
Ex : pas de contrat entre les parents avec les écoles - c'est de la réciprocité : parce que les parents n'ont pas de droit,
que des devoirs, et ils ne peuvent pas négocier le contenu.
Ex : le droit administratif devient contractuel - coqcigrux.

La réalité est plus complexe : ex : changements en matière de droit pénal - la justice distributive est plus
intelligente que la justice commutative.
Ex : la Loi du Talion - "œil pour œil, dent pour dent" -> c'est une règle très prévisible juridiquement. =
justice commutative.
-> Mais cela peut être injuste ex : un c'est un accident, l'autre c'est froidement - c'est quand même
arithmétique, égalitaire, commutative.
On considère cette vision comme primitive : on prend en compte des circonstances du cas, et la personnalité . (ex
: pas les mêmes peines pour les viols (les deux sont des viols) - justice distributive : si les personnes n'ont pas les
mêmes qualités et les mêmes circonstances, le juge peut adapter au cas la sanction) - on devrait par contre avoir le
même rapport entre circonstances et personnalité (avec la velléité de principes)
Ex : si on met des peines planchers, on perd de la justice distributive, pour de la justice commutative - cela fait de
l'œil pour œil dent pour dent. (on met de toutes façons une peine sans égard des circonstances et de la personnalité)
En premier lieu, la justice distributive désigne la vertu s’appliquant à répartir les biens et les charges selon
une égalité géométrique ou proportionnelle. Le salaire du chirurgien (A) est aux responsabilités qu’il
assume (x) ce que le salaire du cireur de chaussures (B) est à ses propres responsabilités (y), d’où le rapport
ou la proportion A/x = B/y. Aristote laissera toutefois ouverte la question du choix du critère de
distribution. On trouve traditionnellement : à chacun selon ses mérites ; à chacun selon ses œuvres ; ses
besoins ou encore son rang.
La justice commutative désigne la vertu s’appliquant à répartir les biens et les charges selon une
égalité arithmétique, égale de valeur entre deux prestations ou, en termes plus techniques, une opération
synallagmatique. Elle caractérise donc parfaitement la logique contractuelle, le régime des contrats marqué
au seau de l’équivalence dans l’échange, comme on le voit avec la notion de lésion (Art 21 CO – l’article
dispose « en cas de disproportion évidente entre la prestation promise par l’une des parties et la contre-

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

prestation de l’autre … », le mot disproportion visant la non-équivalence ou l’inégalité arithmétique des


valeurs en jeu puisque que l’on est ici dans une logique d’échange et non de répartition.
Le droit étant une branche très complexe, on ne s’étonnera pas de situations qui mêlent les deux
formes de justice. Il en va ainsi du droit pénal dans les sociétés qui ont aboli la loi du Talion : œil pour
œil, dent pour dent. Si la logique commutative a pu longtemps dominer la conception du droit pénal, la
prise en compte de la situation personnelle de l’infraction montre que la justice distributive n’est pas
étrangère à la problématique pénale. L’importance prise par la victime aujourd’hui vient complexifier
encore la situation, comme pour mieux montrer que justice commutative et distributive ne se réalisent
jamais à l’état pur.

"Chacun a le droit à ce qui lui revient" : La justice personnelle s'inscrit au sein d'une justice particulière,
au sein d'une justice général.
On doit toujours rapporter la distribution dans la situation : inutile de penser cela en dehors de tout
cas, en soi.
Nous pouvons mieux cerner désormais la portée de la définition classique suum cuique tribuere qui, dans
un premier temps, sonne vague et abstrait. Replacée dans la sphère générale (vie dans la cité, polis)
aristotélicienne, la justice doit toujours être contextualisée, se penser en situation, dans une société
déterminée. Alors le suum cuique tribuere doit être analysé à son tour au sein d’un contexte socio-
politique donné.

/ ! / : Dans notre droit civil, on doit toujours penser notre distributivité au travers de la loi, qui prime.
On doit donc commencer le raisonnement de la distributivité à partir de la loi.
/ ! / Problèmes : la loi est générale et abstraite, faites de mots généraux et abstraits - alors que la
justice distributive est concrète : rendre à chacun ce qui lui revient.
Il faut donc encore des instruments pour passer de la loi au cas singulier. -> A lit cet adage avec
les vertus de prudence et d'équité dans la justice particulière pour dire le droit.
On doit donc rendre l'adage concret dans un cas - pas par le syllogisme : on ne peut pas déduire du
singulier par du général. (Le TF donne l'impression qu'il raisonne comme cela, mais ce n'est pas le cas)
De cet indispensable « en situation », de la nécessaire contextualisation du juste, résulte que la formule « à
chacun le sien » ne prend sa pleine signification que complétée par d’autres notions qui viennent préciser
et évaluer les éléments du contexte donné, comme l’équité et la vertu de prudence. En effet, comme
souvent chez Aristote, les notions s’enchainent les unes avec les autres de manière circulaire, exigent du
lecteur de faire le tour (sens propre et figuré) de la problématique pour en voir peu à peu les éléments y
prendre place.
Dès lors, avant d’aborder ces indispensables compléments (équité, prudence) pour eux-mêmes, il convient
d’expliciter les liens entre eux et la justice, c’est-à-dire pourquoi elle ne peut être pensée qu’en situation :
un juste pragmatique.
• Les pragmata désignent en grec les choses concrètes, là, telles qu’elles se présentent sous nos
yeux. Face à leur singularité, la justice (particulière) doit pour atteindre son but – rendre à chacun
ce qui lui revient, en tenant compte des singularités précisément – se montrer adaptive, relative.
De plus, elle doit le faire à partir des lois dont la formulation est générale et abstraite, propriétés
qui semblent en contradiction avec le cas à résoudre, par définition singulier et concret. Loi et cas
ne présentent donc pas la même mesure. Aussi faut-il les rendre « com-mensurables » c’est-à-dire
faire en sorte que, sous un angle ou un autre, ils en viennent à partager une commune mesure.
Ex : par les réalités concrètes, on doit qualifier au sens de la loi le ketchup de légume aux USAS (loi sur les cantines
- tant de légumes par semaine)
Comment je qualifie l'usage du ketchup dans une cantine ? Il ne suffit pas de regarder la loi - il faut faire
une loi avec prudence, et quand il faut l'appliquer, il faut avoir de l'équité.
Si une loi fédérale américaine exige de toute cantine publique qu’elle propose au moins deux légumes sur
son plat du jour, on devra se demander si le ketchup constitue ou non un légume au sens de cette loi : le
ketchup – cette substance concrète, rouge, plutôt douce – doit-il se comprendre comme légume, lequel
est un concept abstrait, visant une pluralité de cas possibles et défini selon le Larousse comme « plante
potagère dont les grains, les feuilles, les tiges ou les racines entrent dans l’alimentation ». On n’y reconnait
pas de toute évidence le ketchup. Quelle que soit la réponse juridique – elle fut en l’occurrence positive
– le juge devra élaborer le passage intellectuel, cognitif, du genre « légume » au cas ketchup.
Ex 2 : 150km/h sur une bretèle d'autoroute parce que sage-femme qui doit faire accoucher d'urgence.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• On peut appliquer la loi bêtement : + 30 km - on met que cela représente mécaniquement.


On n'aurait pas rendu la justice : on ne doit pas avoir la même peine que quelqu'un qui fait la même chose
sans urgence.
• Equité : les autorités reprennent le cas pour voir l'état de nécessité - on a enlevé le retrait de permis et
l'amende, par contre quand même violation de la vie d'autrui par la violation de la loi = pas du tout le même
résultat que prévu.
Ou encore : le maximum de la vitesse autorisé sur les autoroutes helvétique est fixé à 120 km/h. Un
automobiliste qui transporte un blessé perdant beaucoup de sang, est enregistré à 160 km/h pendant son
trajet vers l’hôpital, sur un tronçon qu’aucun autre véhicule n’empruntait à ce moment-là. Le juge doit-il
prononcer un retrait de permis ? De quelle durée ? Le fait que l’automobiliste transporte un blessé a-t-il
une influence sur cette durée, voire sur le retrait ? Que juger ? Quelle est la solution juste ? Il s’agit
d’adapter la loi au cas, faire en sorte que la loi abstraite vienne à s’exprimer sur et dans le cas concret à
trancher en épousant au mieux les particularités du cas. C’est précisément ce passage, cette mdéitation
entre la loi et le cas que permettent les vertus de prudence et d’équité.

Il y aura donc toujours un moment d'adaptation entre la loi et le cas : c'est pour ce moment d'adaptation
que le législateur a parlé de prudence pour le juge et d'équité.

Dans les cas


Lois
Justice générale

Prudence, équité
Justice particulière

Distri Commu

SOUS-SECTION 3. U NE JUSTICE ADAPTATIVE : LOIS INSUFFISANTES , PRUDENCE ET ÉQUITÉ


PARAGRAPHE 1. DES LOIS INTRINSÈQUEMENT INSUFFISANTES
Le juge doit adapter : il ne peut pas passer objectivement/mécaniquement de la loi (générale et abstraite)
aux cas (généraux et abstraits) - ce n'est pas possible avec un robot qui ne regarde que les statistiques,
parce qu'on ne peut pas encoder le singulier.
Pourquoi ? Pour pouvoir caractériser le particulier - il faut une infinité de choses. ->
Comme on ne peut pas caractériser le particulier, on ne peut pas juger.

A comme P pense que les lois sont nécessaires, surtout quand les cités sont grandes : il est plus facile de
gérer les hommes avec les lois qu'avec des coutumes.
Mais du coup, quel est le rapport entre justice et loi ?
• Grec : la justice est la base de la loi : "prescrit parce que bon" - une loi est une loi parce qu'elle est
juste.
• Aujourd'hui : la loi est la base de la justice "bon parce que prescrit" - une loi est bonne parce
qu'elle est prescrite. (critère de la conformité)
-> Même une loi scélérate est juste parce qu'elle est légale. (ex : gazage des juifs, esclavage)
(Preuve que l'on doit regarder le law in actions et pas le law in books - On écrit la DDH alors que l'on a
3 types de citoyens en France, la pratique des belles conventions internationales)

La loi n'est pas tout le droit : ce n'est qu'un moyen du droit. On a donc la place pour autre chose = la
vertu de justice.
Le juste (droit) s’exprime très souvent sous la forme de lois écrites afin de faciliter l’organisation sociale et
son fonctionnement. La justice se trouve donc au principe de la loi puisque celle-ci n’est qu’un mode

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d’expression du juste selon Aristote. En effet, si la loi exprime le droit, elle n’exprime pas tout le droit, de
beaucoup s’en faut.

Les 3 insuffisances sont donc pour la loi :


• La loi est insuffisante pour saisir les cas
o Parce qu'elle est générale et abstraite - dans sa structure, c'est son but.
o Parce qu'elle est faite de mots, qui sont généraux et abstraits
La loi recourt à la langue naturelle : les mots ne se confondent cependant pas avec les choses, car ils se
trouvent en moins grand nombre qu’elles et que, de là, il ne faut pas identifier le mot à la chose à laquelle
il renvoie.
Parallèlement, on doit se garder de confondre le droit et la loi, de rabattre la première sur la seconde →
réduire le droit à la loi, le rabattre sur elle, constitue le cœur même de la doctrine du positivisme légal.
o Le législateur ne peut pas tout prévoir - il peut essayer mais il n'y arrivera pas.
De ces différentes constatations résulte une incapacité intrinsèque et partant inévitable, de la loi à exprimer
le juste en toutes circonstances, par sa simple application. Aristote soulignera cette insuffisance : « la loi
est toujours quelque chose de général et (…) il y a des cas d’espèces pour lesquels il n’est pas possible de
poser un énoncé général qui s’y applique avec certitude. Dans les matières, donc, où on doit
nécessairement se borner à des généralités et où il est impossible de le faire correctement, la loi ne prend
en considération que les cas les plus fréquents (…). La loi n’en est pas moins sans reproche, car la faute
n’est pas à la loi, ni au législateur, mais tient à la nature des choses, puisque par leur essence même la
matière des choses de l’ordre pratique revêt ce caractère d’irrégularité »
• Des généralités : des régularités - ce qui revient le plus souvent.
La loi, ce sont des règles de droit - on y met ce qui revient le plus souvent, le comportement standard.
On n'y trouve pas les exceptions - elles seront dans le droit.
La loi ne prenant en compte que les cas les plus fréquents, elle va être insuffisante pour les cas
marginaux / ! / Insuffisant pour la marge : c'est le juge qui va le faire, qui va s'adapter.
Il ne faut donc pas rabattre le droit sur la loi.
• La loi n'en est pas moins s'en reproche : on ne peut pas reprocher à la loi d'être
insuffisante - elle ne peut pas être complète, c'est impossible. On ne peut en effet pas
reprocher à un instrument de ne pas faire ce qu'il ne peut pas faire.
Humilité d'A : même que le législateur voudra faire la meilleure loi, elle sera imparfaite. Pourquoi ?
Parce que les réalités concrètes que la loi doit gérer ne sont pas tenues par la nécessité, mais par la
contingence - parce que les choses peuvent être autrement que ce qu'elles sont.
La loi ne peut être parfaite que si on est soumis au déterminisme.

Art 1 al.1 CC : on doit partir de la loi, mais on sait que l'instrument est insuffisant - il y a d'autres sources.
On doit résoudre le cas à partir de la loi, mais pas qu'avec cela - notamment avec l'équité.
Il n’est donc pas possible, à partir de la seule loi, de « rendre à chacun ce qui lui revient » (suum cuique
tribuere » au sens le plus fort, le plus « intime » de chacun : le considérer dans sa singularité même, dans
ce qu’il a de plus propre, d’unique.
L’inévitable insuffisance de la loi donne occasion à l’exposition de deux notions qui influenceront
profondément la réflexion occidentale sur le droit : la prudence et l’équité.

PARAGRAPHE 2. L A PRUDENCE ARISTOTÉLICIENNE


Partant de ce constat, la loi ne peut être qu'insuffisante (c'est objectif), alors elle doit être complétée pour
que la loi s'adapte au cas. Pour la rendre plus intelligente, Aristote invente deux vertus :
• La prudence du bon législateur
• L'équité du bon juge
/ ! / Il faut les distinguer parce qu'elles ont des fonctions et des buts différents.

La prudence :
• Anciens : c'est une marque extrêmement positive - de l'homme d'expérience / de celui qui a
beaucoup vécu / réfléchi sur sa vie. Il agit avec mesure, pénétré d'autrui, qui comprend les
conséquences des actes.
• Aujourd'hui : non juriste - être un homme prudent, c'est un homme quoire = ce n’est pas terrible.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Pour Voltaire, la prudence est même la marque de la sotte vertu.


Pour les Anciens, c'est la vertu la plus noble - le prudent est celui qui va rendre la justice au sein de la
cité (par la loi), autant qu'elle soit générale que particulière (la justice particulière étant dans la justice
générale, toute décision technique aura une influence sur la cité / la morale)
C'est une grande vertu parce que toute la philosophie pratique est une affaire de contingence : et celui
qui arrive à trouver une régularité au dessous de la contingence, est un homme important pour la cité =
malgré la contingence, il trouve les bons critères de l'action juste.
-> Son critère doit pouvoir être général et abstrait (s'appliquer à un nombre indéterminé de cas et de
personnes) vu qu'il doit écrire des lois -> ce sont les prudents qui écrivent les lois.

Comment devient-on un homme prudent ? Question morale : pour Aristote, la prudence, c'est une
habitude (inclinaison de l'âme) pratique. Cela s'oppose donc à épistémique = la connaissance = Platon.
La prudence est une vertu qui n'a rien à savoir, mais à exercer = il a beaucoup d'expériences, et
cette habitude a tellement formaté son acte qu'il a la capacité de trancher les litiges. Le sage est
juge, le juge est sage.
Habitude acquise par beaucoup d'expériences -> inclinaison de l'âme.
Quel comportement doit-on adopter pour arriver à cette vertu ? Il faut bien manier les moyens et les fins
: en tant qu'homme, nous avons des moyens finis, et nous connaissons les fins (ex : biens dans la cité, dans
l'action commune). Comment, pour viser ces fins, on utilise ces moyens, par expérience ? L'homme
prudent c'est celui qui trouve le bon équilibre entre les moyens et les fins.
= parvenir à définir le critère de l'action juste.
(ex : à quel âge fait-on voter, notamment des sujets importants ?
o 6 ans, pas sage comme législateur.
Majorité sexuelle, doit-on faire dépendre la capacité de vote de la capacité financière (vote censitaire), quel est le
critère pour le paiement de l'assurance maladie)

La notion de prudence et d’analyse délicate tant le sens du terme « prudence » a changé au fil des siècles.
Aujourd’hui, il oscille entre acception négative qualifiant une attitude peureuse, timorée, guère
entreprenante et acception positive, caractérisant l’esprit posé, équilibré, soupesant avec lucidité les
conséquences de ses décisions.
Dans la philosophie aristotélicienne, la prudence est une vertu parfaitement positive alors qu’elle
sera jugée « sotte vertu » par Voltaire et les Lumières. Son domaine d’application est le contingent, c’est-
à-dire tout ce qui peut être autrement qu’il n’est en l’état, tout ce qui est frappé « d’irrégularités » selon les
termes de la citation d’Aristote. La contingence s’oppose à la nécessité, cette dernière dessinant les
contours de la science. La prudence ne relève donc pas de la science. Elle est plutôt une habitude pratique,
une inclinaison acquise à tel ou tel comportement, soit une vertu.
Reste à définir le comportement dont l’exercice est facilité par cette habitude dite « prudence ».
Elle vise la justesse dans le choix de l’action : elle consiste en jugements de bonne adéquation des moyens
aux fins, dans l’exercice des vertus morales : ni trop, ni trop peu. Elle est, somme toute, la délibération
intelligente, raisonnable, en matière de bien et de mal pour l’homme, conformément à l’esprit
pragmatique aristotélicien, qui ne s’attache qu’à des considérations qui soient « à notre portée », on l’a vu
avec le bonheur notamment.
La prudence se distingue alors notamment de la sagesse, laquelle a trait au bien et au mal en soi,
Bien et Mal en majuscules, non contextualisés c’est-à-dire pensés sans égard pour les moyens. Cet écart
n’empêche pas la prudence d’être une vertu intellectuelle, en ce qu’elle relève davantage du jugement que
de l’action elle-même, cette dernière concernant en propre les vertus morales.

Semaine 9
Prudence : c'est la vertu qui permet de bien mettre en équation les moyens avec les fins. -> Comme les moyens
sont finis, il faut les utiliser le mieux possible pour atteindre les fins visées.
Comme on est dans la politique, le législateur, s'il est prudent, est capable de découvrir les bons critères de
l'action juste.
Quand l'action est-elle juste ? Critères qui permettent aux acteurs du droit de trouver des actions justes.
Critère de l'action générale : la prudence. Elle pourra être tempérée par l'équité dans l'action concrète.
Ex : les impôts - par définition, les impôts sont prélevés selon un barème. On a une table qui prévoit (voit à l'avance)
quel impôt on devra payer et à quelle hauteur.

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Ex : Vaud - impôt sur le revenu - 40% des vaudois ne le paie pas, parce que l'on considère qu'il est trop bas
-> critère d'action juste. En dessous d'un certain seuil, le législateur considère que l'on ne peut pas vivre
normalement + payer des impôts, alors on l'enlève.
Plus on est riche, plus on peut payer d'impôts - ex : 90% sur 1 milliard vs 10% sur 1000.
Ex 2 : les bourses d'étude pour étudiants - doit-on les rembourser si on échoue ?
C'est pour une action générale - ex : critère pour la bourse, l'impôt - on est dans la règle, la regula = c'est donc une
vertu attendue de la part du législateur.
=/= Celle du juge qui tranche un cas concret.

Ce n'est pas une pure vertu morale qui s'acquiert par l'intelligence, mais plus par la pratique. Par
contre, cette vertu nécessite de réfléchir - fléchir deux fois, pour chercher le critère de l'action
juste.
Dianoétique : action qui est relevée d'intelligence. -> Vertu dianoétique : dans le jugement au sens
pratique que permet la prudence, intervient une réflexion - donc dans la pratique, intervient une
réflexion.
Ce n'est pas une pure pratique : on ne doit pas simplement refaire ce qui a été fait, on doit réfléchir
pour faire juste =/= ni pur idéalisme, parce qu'il faut la pratique de base.

-> La vertu est emprunte de doxa : le législateur doit regarder l'opinion d'une société donnée dans un
temps donné pour trouver le critère juste. (ex : dans une société pauvre, on ne peut pas faire payer beaucoup
d'impôts. Ex 2 : on hésite à mettre des plafonds aux loyers car les personnes ne peuvent plus payer). Pourquoi ?
Pour assurer la commensurabilité du droit aux réalités du terrain : aux possibilités physiques, psychiques,
financières des destinataires de la norme - on ne peut pas demander aux destinataires de la norme des
comportements qu'ils ne peuvent pas "produire".
Ex : procédure de consultation, le législateur n'est pas prétention. Il a une idée a priroi, en fonction
des retours, il affine ou change son critère d'action juste pour faire une loi commensurable.

Il faut reconnaitre la personne prudente, parce que c'est à elle que l'on confie la tâche d'élaborer la loi.
Comment reconnait-on la personne prudente ?
• Aristote : ce n'est pas forcément une personne intelligente - ce n'est pas les diplômes qui donnent
la capacité de diriger =/= Platon. L'intelligence n'est pas une garantie de prudence pour Aristote.
• Aristote pense qu'au sein d'une cité, les gens savent reconnaitre les hommes et les femmes
prudents = pragmatisme.
o On est devant une nouvelle difficulté : on reconnait un homme prudent parce que tout le
monde pense qu'il est prudent - est-ce une tautologie ? Un homme prudent est un homme
plein de prudence = cela n'avance rien du tout.
o Cette tautologie est typique d'une pensée inductive : quand le raisonnement commence aux
réalités concrètes, si on cherche des vertus, on doit chercher des personnes touchées par ces
vertus. Les vertus n'existent que dans les hommes vertueux, et pas en dehors. Les vertus ne
vivent pas en dehors des personnes. -> Tout est incarné, les essences sont immanentes pour
Aristote.
Ce n'est donc pas une pure tautologie : on montre juste l'approche hyper pragmatique.
Ex : 7 sages - les conseillers fédéraux : ils sont sages au sens de prudent, c'est ce qu'on attend d'eux
=/= sage au sens intellectuel : ils n'ont pas forcément fait d'études, de médiation, de philosophie.
Ex : Art 38 CIJ - pose les différentes sources formelles (parallèle à l'Art 1 CC) -> les publicistes (internationalistes)
les plus autorisés. -> On dit clairement que dans la doctrine, il y a les esprits pénétrants (sages et prudents) et les
autres -> même les sources juridiques reprennent les critères d'Aristote.
Idée : on sait très bien qui est un bon juriste ou non.
Ex 2 : arbitres dans une chambre de commerce internationale : on a une liste, avec des arbitres qui sont désignés
en fonction de leur autorité - tout le monde dans le milieu des affaires internationales savent qui sont les bons
arbitres et qui sont les mauvais
= Au sein d'une communauté donnée, la doxa sait qui sont les prudents et les autres = qui est compétent.
/ ! / Il y a quelques erreurs, mais la plupart du temps, il a raison.
Ex 3 : les arbitres suisses sont surreprésentés - le caractère pragmatique du droit suisse donne une excellente
réputation aux juristes internationaux. Notamment aussi parce que l'on a un esprit de conciliation.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

= On attend du législateur qu'il ait de l'autorité, mais pas du pouvoir : au sens que l'on attend de
lui une réflexion qui permette une loi juste, qui rétablit l'harmonie - il faut qu'il trouve un bien qui
soit à notre portée, et non un droit absolu (explique indexation à la doxa)
o Le prudent constitue une preuve par l'acte de sa prudence : c'est parce qu'on l'a vu travailler
qu'on sait que la personne est diligente, incarnant la prudence . Ex : arbitre - on sait qu'il fait
des jugements équilibrés -> preuve par l'acte : c'est une démarche inductive.
Comme les pragmata sont primaires, il faut regarder les comportements pour trouver l'homme prudent.

/ ! / : Ex : règle de plomb de Lesbos - la qualité du Plomb a Lesbos était tellement bonne qu'il était malléable - on
pouvait l'adapter au terrain -> La règle ne doit jamais être entendue comme rigide, parce qu'elle ne sait rien
de la situation individuelle et concrète.
Positivisme : une justice qui est juste formelle est une fausse justice - on ne regarde pas que la forme, il
faut aussi regarder le fond (ex : si on ne regarde que l'acte lui-même en pénal, c'est injuste : il faut regarder les
circonstances du cas et personnels, sinon ce sont des droits primitifs).
On est au fond contre la règle rigide, alors ce serait bizarre de demander un critère de loi rigide :
bien sûr qu'on doit respecter la loi, mais pour cela, elle ne doit pas être trop rigide (ex : contre les
peines planchers)
Le jugement et la peine doivent donc être singulières.
o La loi ne doit pas être trop rigide : c'est pour cela que les principes généraux viennent
assouplir les lois trop rigides.
Si elle est difficile à définir théoriquement. La prudence se laisse circonscrire par l’usage, la doxa, données
par lesquelles Aristote débute généralement ses enquêtes. Or, on connait ou reconnait ceux qui, dans une
cité, délibèrent raisonnablement en matière pratique (praxis), dans la sphère de la contingence. Cela
revient à affirmer que l’on commence à cerner la notion de prudence en observant les hommes prudents,
manière de procéder qui semble circulaire ou tautologie. Il n’y a pourtant là que la traduction du
mouvement de pensée inductif et comparatif qui caractérise Aristote : il observe ce qui tombe sous notre
regard d’abord, vision bottom-up, qui présente l’avantage de donner des conclusions « à notre portée »
puisque tirées à partir de ce qui se fait ici et maintenant.
Mais il y a plus dans cette considération de l’homme prudent, de tel homme, prudent : elle constitue une
sorte de preuve par l’acte, soulignant l’attention centrale portée au singulier par opposition au général, à
tel homme prudent plutôt qu’à l’Idée de prudence. Car le point d’application ultime de la justice est de
rendre à chacun ce qui lui revient : la finalité même de la justice consiste à assumer chaque cas de la
manière qui épouse au mieux la singularité de la situation portée devant le juge ou l’arbitre. → C’est
pourquoi Aristote se sert de la métaphore de la règle de plomb en usage à Lesbos, fil de plomb qui épouse
le relief du mur, pour illustrer cette adaptabilité de la justice, indiquant par là que le juste ne se trouve pas
entièrement concentré dans la loi droit, rigide.

/ ! / Pourquoi la prudence ne suffit pas ? Parce que le législateur trouve un juste, cependant, ce juste n'est
qu'un juste légal - un juste qui est encore général est abstrait. Ce n'est que le premier pas de la justice -
rendre la justice ne se réalise pas seulement par la découverte de la bonne catégorie légale (adéquate) :
on aura découvert que le juste légal, mais pas encore le juste in concreto.
Dans nos pays, on doit partir du juste légal pour trouver le juste in concreto : si une loi existe, on
doit débuter le raisonnement avec la loi - on doit trouver le juste concret dans le cadre donné par
le juste abstrait (ex : comme la justice particulière s'inscrit dans la justice générale )
Bien si le législateur a été prudent, sinon il faut demander la réforme de la loi.
Le juste légal ne dit que le général et abstrait : il est donc incapable en soit de trancher l'individuel et
concret - saut qualitatif impossible à faire logiquement.
Il faut donc l'équité du juge : le juge, dans le cas singulier et concret qui lui est soumis, doit adapter le
critère de l'action juste tel qu'il a été pensé par le législateur / ! / Juste le faire parler dans le cas concret
(l'adapter) - pas le réformer. Pour Aristote, on ne peut pas s'en passer, parce que le singulier est d'infinies
variétés.
• Le législateur s'occupe du plus fréquemment
• Mais il n'a pas pu s'occuper de ce cas-ci : comme ils peuvent être infinis, il faut une vertu qui part
du juste légal, pour trouver le juste dans ce cas-ci.

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Dès lors, si la vertu de prudence a permis d’établir une norme apte à circonscrire d’une manière
générale le bien pour les citoyens dans tel domaine de la vie sociale, encore est-elle insuffisante pour
une complète réalisation du juste simplement exprimé dans la loi. La concrétisation du juste, juste dans
le détail du cas à traiter, dans sa singularité, son unicité, compte tenu de l’infinie variété des situations
humaines, requiert une vertu supplémentaire : la vertu d’équité.

PARAGRAPHE 3. L’ÉQUITÉ ARISTOTÉLICIENNE


La loi est de toute façon insuffisante = c'est intrinsèque. (finitude humaine, on n'a pas l'intelligence / la
compréhension de tout le singulier)
Il faut donc une autre vertu pour pouvoir rendre la justice : pour faire juris dictio (le législateur ne dit
jamais le droit, il ne dit que la loi - la loi n'est qu'un moyen du droit, ce n'est pas tout le droit) L'équité
permet d'atteindre le cas particulier pour dire la juris dictio.
L'équité est un complément de la prudence : l'équité viendrait corriger la prudence - le juge viendrait
corriger le législateur.
/ ! / Le législateur n'a pas commis de faute : même le meilleur législateur produira des lois
intrinsèquement insuffisantes.
Il ne pourra pas trouver tous les cas, donc l'équité permettra de faire parler la prudence dans le cas
particulier - l'équité vient compléter la prudence. -> La loi n'est juste que de manière générale et
abstraite, et non de manière singulière et concrète -> l'équité va permettre de trouver cette justice
dans le cadre légal.
On retrouve cette idée en droit suisse :
• Lacune improprement dite : c'est la situation dans laquelle la loi est parfaitement correcte, elle a
très bien été pensée. Mais malheureusement, à cause d'un changement du contexte social, souvent
d'ordre technique, tout à coup, la loi que l'on a sous les yeux se révèle injuste dans un cas
particulier.
o On doit passer par l'équité : si on ne veut pas appliquer la loi parce qu'elle conduit à un
résultat injuste, alors il faut trouver une autre solution.
Ex : 2 homosexuels, aucun est le vrai père - ils demandent l'inscription à l'office d'Etat civil : il refuse,
parce qu'il y a un acte illicite à la base, donc aucun lien juridique ne sera établi entre les deux
homosexuels et l'enfant. / ! / Quid du bien de l'enfant ? - Il faut que le couple homosexuel puisse
devenir les parents sans adopter. Comment faire ? Pas de réponse dans la loi.
• Si on trouve une solution en équité, ce serait presque une équité sans vertu de prudence - parce
que la prudence voudrait que l'on renvoie l'enfant.
Ex 2 : si un est le père - alors on a établi le lien biologique dans l'EC = filiation juridique.
• Lacune proprement dite : le législateur a omis de régler un point → le juge va le compléter en
équité.

Idée générale : le juge doit achever le travail du législateur. La décision de justice vient achever,
accomplir le jugement légal - accomplir : qui rend complet. Le juste légal n'est en effet pas complet - il
vaut sur le plan sur lequel il a été décidé : général et abstrait. Mais maintenant, on a un cas concret,
singulier et concret - et ici, on doit dire ce qui est juste ici (pas qu'en général) : alors le juge rend complet
le juste légal (juris dictio rend le juste légal complètement achevé) = parfait.
Par-fait : fait dans toutes les parts : la finalité ultime est le juste concret - le juste tel qu'il est dit dans le
cas. -> Le juste donné par le juge, dans le cadre du juste légal, dans ce cas.
Il n'y a pas d'opposition entre la loi et le juge : le législateur n'est pas suffisant vu qu'il dit le général et
abstrait, et pas le singulier et concret. Il ne peut pas donner la justice dans le cas concret, c'est au juge
de le faire.
• Un système juridique ne peut pas se passer d'un juge, mais il peut se passer au moins en partie du
législateur (ex : common law)
=/= Système légaliste : où la loi est absolument tout. -> C'est faux.

Quelle est la place de l'équité en droit suisse ? Comme source ?


• Art 1 CC : l'équité ne s'y trouve pas. -> L'équité est-elle légale ? Non, ev. 4 CC (tout petit reliquat)
• Coutume : non.

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• Droit prétorien : si la loi est injuste, alors le juge voudra la changer. Comment ? Avec les principes
généraux - vu que tout le reste est écarté.
o Arbitraire - on ne doit adopter des décisions contraires au sentiment de justice dans une
société donnée à une époque donnée - il faut donc que le juge trouve une solution en équité.
/ ! / On a donc un mépris de l'équité, des principes généraux, du juge : on dit que le juge est un accident,
la loi est le cœur du droit. -> Au fond, c'est tout le contraire, via le pragmatisme d'Aristote. -> ex : la
bonne foi et la culpa n'ont pas été faite par la loi, mais par la jurisprudence.
Ex : lacunes contra legem/preter legem (déjà infra legem c'est difficile) -> la doctrine est choquée, parce que l'on
pense que le juge est une pure mécanique. / ! / Pas possible selon Aristote, parce que seul le juge peut trancher un
cas individuel et concret - on n'a jamais de réponse à un cas individuel et concret dans la loi, ce n'est que le point
de départ de la réflexion.

On doit penser à une collaboration entre le législateur et le juge : il n'y a pas d'opposition. Quid s'il y a
une opposition ? Normalement, l'équité se déclare dans le juste légal, et pas à côté ou en opposition. ->
si c'est une opposition, c'est que le juge a relevé que le législateur a fait une loi imprudente, injuste.
La juris dictio est la finalité ultime du droit. Cette finalité ultime, attention, renvoie à la justice
générale : parce que la juris dictio est dite au sein d'une société, et non en dehors d'une société.
• Justice générale
o Dedans : justice particulière : le droit de nous juriste.
• Il peut exister sous une forme légale ou pas.
• La finalité est la juris dictio -> qui renvoie à l'harmonie de la justice générale.
• Donc la justice générale englobe tout : n'importe quelle décision juridique a des répercussions
civiles ou politiques (ex : si aucun des 2 pères n'est donneur de sperme - si le TF accepte le lien de filiation
/ le rejette, on aura politiquement changé la donne. On n'est plus dans la même société si on accepte
l'établissement d'un lien de filiation : cela voudrait dire que la loi peut être issue d'un pur contrat, sans réalité
biologique (comme on le veut aujourd'hui) - c'est possible mais c'est une nouvelle vision de la société.
Ex 2 : CIC - on change complètement la manière de négocier -> désormais, contrairement à avant, les
personnes doivent négocier de manière sincère ex : les banques, assurances ont dû faire attention
Ex 3 : faire des actions collectives - cela permettrait d'atteindre un grand, ce qu'on ne peut pas faire avec
des actions en particulier. -> frais d'avocat, de traduction partagés etc. -> Faire des actions collectives change
complètement la justice générale)
Ex 4 : on a condamné Bayer, pour une action, de 2 milliards - il y en a 400. Cela change complètement la
société/économie.
Ex 5 : on pourrait démanteler Facebook en appliquant la loi sur l'interdiction du monopole aux USAs -
changement de la société / économie
Conscient de ce que la finitude humaine nous empêche de tout prévoir, d’anticiper chacun des cas
singuliers que la loi aura à trancher, Aristote complète le travail du prudent (prudens, homme prudent) –
indispensable pour l’élaboration de lois praticables – par l’intervention de l’homme équitable. Il revient à
ce dernier de corriger la loi. Mais il ne s’agit aucunement de critique et rabaisser la loi mais de tenir compte
des capacités intellectuelles et morales concrètes des hommes, capacités limitées, par opposition au savoir
infini, idéal du philosophe-roi platonicien. Il n’existe pas (ou guère) de lois qui ne soient pas infirmes,
insuffisantes. Leur insuffisance intrinsèque appelle de soit un correctif.
On s’insistera jamais assez sur cette dimension de l’équité comme correctrice de la loi. Nombre
de juristes et de philosophes modernes de droit situent l’équité hors du champ du droit préalablement
réduit à la loi. Ici prévaut l’esprit contraire : l’équité vient faire parler la loi, « par-faire « ; c’est-à-dire de
faire la faire de part en part, l’accomplir jusqu’à sa complète réalisation : rendre justice autant que possible
à la singularité du cas à trancher. L’équité s’éprouve donc non seulement partie intégrante de la justice,
mais l’un de ses ressorts indispensables pour faire une « juris-dictio » (un « dire-le-droit ») authentique. EN
corrigeant la loi – en stricte analyse, en compétant la loi – l’équité ne restreint pas le droit mais l’accomplit
pleinement. Elle fait du cas singulier le terme (le but) du droit, lieu où s’achève sa fonction, se réalise
complètement a fin : elle découvre un droit meilleur que celui qui est abstraitement ramassé dans la
formule légale du code.

PARAGRAPHE 4. E SSAI DE SYNTHÈSE : POUR LE JURISTE VERTUEUX


Nous avions « sum quique tribue », mais c'est trop abstrait et ne disait pas grand-chose. On l'a analysé
de façon :

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• Juge : double relativité du droit - le droit est essentiellement relatif à.


o Relatif à quoi ? Relatif à autrui : le droit est toujours affaire de relation - de "entre" = entre
les acteurs. Ex : Robinson seul sur île, il ne sert à rien de lui attribuer des droits, en pratique.
-> Le droit n'est pas un ensemble de prérogatives en nous (=/= théorie des droits subjectifs,
des droits de l'homme) : on a toujours en pratique une prétention contre quelqu'un d'autre.
Le droit est toujours relatif à autrui, il n'existe jamais en soi
-> La notion de droit absolu n'a donc aucune consistance en droit : "ab-solu" = séparé de.
En droit, rien n'est absolu, parce que dès qu'il y a du droit, on est en relation, il n'y a rien de
séparé.
-> On ne peut pas plaider quelque chose sans avoir quelqu'un à qui le demander : le droit
n'a aucune utilité tout seul, ce n'est que moraliste de le penser (ex : doctrine qui pense l'individu
en soi)
o Le droit ne saisit que le plus souvent : il n'est pas absolu parce qu'il ne peut pas saisir
l'ensemble des cas singuliers - le législateur sait que sa loi ne vise que le plus souvent, sans
plus.
Regula : elle ne saisit que des régularités. -> ex : on doit changer les plaques, où on doit avoir un
permis B, mais on a dû l'envoyer à l'administration. On devra de toutes façons violer une des deux
lois -> l'équité va donc arriver parce que ce n'est pas de sa faute, mais ce n'était pas prévu.
En forçant un peu le traite, donc en généralisant beaucoup, on peut dire que le « suum cuique tribuere »
concerne d’une part le juste tel que concentré par le législateur dans les lois, d’autre part le travail même
du juge, de celui qui « dit le droit » (juridictio).
D’une part, les lois révèlent, pour le législateur, d’une logique de la relativité au double sens de relativité :
• A) Au sens de « relatif à », c’est-à-dire élaborées sur la base des relations humaines, donc,
littéralement, de relations entre les hommes. La problématique de Robinson, seul son île et
pourtant titulaire de droits, ne fait pas sens dans la philosophie aristotélicienne. Le juste est
intrinsèquement lié à l’altérité, plus précisément à la manière dont l’altérité est assumée au plan
social, sociétal dirait-on aujourd’hui.
• B) Au sens d’une élaboration de la loi selon une logique de probabilité, du « le plus souvent »,
seule expression possible de la régularité (regula = règle en latin) à la contingence de la vie
pratique.

• Législateur : il doit connaitre le passé et le présent juridique, pour établir les meilleures règles
juridiques pour les relations futures dans une société donnée. On doit faire une loi commensurable
ou acceptable - la loi doit être le reflet plus ou moins des réalités du terrain.
o Anthropologie de la finitude : A sait que le législateur est fini - on ne peut pas lui demander
plus qu'il ne peut ex : prévoir dans chaque cas la descente de la loi vers le cas, tous les cas futurs.
On attend donc du législateur :
o La mesure : le droit donne la mesure. =/= Aujourd'hui, on pense qu'il dit le commandement
: le but du droit n'est pas de commander chez A, mais de diriger l'action juste. Le droit ne
commandera que les cons qui ne comprennent pas la ratio legis/iuris. L'homme
censé/raisonnable va en effet comprendre la ratio legis/iuris, et alors s'y conformer.
-> Le positivisme pense que les personnes sont des imbéciles, privés d'une raison pratique,
de la capacité de comprendre le sens d'une loi -> et on doit contraindre les gens à respecter
la loi. Toute la loi ne serait définie que par la sanction - c'est une vision pauvre du loi ex :
en Suisse, on respecte les lois parce qu'on les pense raisonnable, et non par les sanctions que l'on ne
connait même pas.
o Le possible : le législateur ne doit demander aux personnes que ce qu'ils sont capables de
donner.
o Convenable
Le législateur prudent est celui capable de titre du passé et de l’état présent de l’éthos, des pratiques
sociales, les enseignements les plus pertinents pour l’élaboration d’une loi qui soit acceptable. En d’autres
termes, l’acceptabilité de la loi requiert sa « com-mensurabilité » à l’état de la société, sans que la loi ne se
réduise pour autant à n’être que le reflet de cet état, sous peine de devenir inutile. Comme chez Platon,
la loi vise à rendre les citoyens vertueux, mais en se gardant ici d’exiger plus que leur finitude ne leur
permet. Aussi, P. Aubenque peut-il écrire de la pensée aristotélicienne qu’elle constitue une

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

« anthropologie de la finitude », qui explique le « pragmatisme » souvent relevé d’Aristote. Les ressorts de
la problématique ont été résumés en trois mots, autant principes d’éducation du citoyen que propriétés
désirables à toute action politique et que l’on trouve en conclusion de la Politique : « mesure, le possible,
le convenable ».

La relativité du juge : c'est au juge qu'il revient d'adapter la loi au cas singulier - la vertu d'équité est une
vertu d'adaptation. Le juge est un homme d'expérience qui doit faire parler la loi dans la singularité du
cas, autant que faire se peut, pour comprendre toutes les caractéristiques particulières du cas.
• Pour Aristote, qu'est-ce que l'équité ? / ! / : Il n'y a pas de science du particulier : toute science
essaie d'établir des regulas - des régularités que l'on appelle des lois. Par définition, une démarche
scientifique recherche la régularité, et non la singularité : la singularité c'est ce qui échappe à la
régularité, donc ce qui ne donne pas lieu à la science. Il n'y a donc pas de science du singulier =
oxymore.
L'équité ne peut être qu'une expérience : une affaire de pratique, d'épistémée. Même si c'est une
pratique qui se réfléchit, ce n'est pas une intelligence qui peut s'apprendre dans les livres.
= premier relativité du juge : l'adaptation.
• Insuffisance de la loi : générale et abstraite dans langage général et abstrait + ne peut pas tout
prévoir : le juge doit donc compléter le travail du législateur (ex : on doit prévoir les circonstances
personnelles dans les cas pénaux - ce que la loi ne peut pas faire - prévoir les circonstances d'une personne)
o Pour être en situation, on doit passer par le juge : La juris dictio se fait dans chaque cas,
selon le cas (ex : deux viols ne sont pas comparables : circonstances, personnes différentes ->
solutions différentes)
D’autre part, le suum cuique concerne le juge ou tout autre personne en charge d’un arbitrage, qui a pour
mandat de rendre une décision juste sur la base – donc à partir de – d’une règle de droit. L’équité apparait
comme le moteur même de l’adaptation de la règle générale et abstraite aux cas, toujours singuliers et
concrets. Comment procéder autrement qu’il ne peut exister de science du particulier dans la mesure où
toute science s’élabore par généralisation ?
• Le langage déjà nous prive du singulier comme tel. En effet, dès que l’on veut exprimer quelque
chose de singulier (un sentiment, une sensation, une impression, etc.), on doit utiliser des mots
qui, eux, demeurent généraux et abstraits par rapport à cette chose particulière perçue ou vécue.
• De plus, il est impossible pour le législateur d’embrasser la totalité des cas, notamment tous ceux
futurs, à l’aide de la seule loi. Il existe toujours des cas qui, tout en étant bien visés par la loi en
question, ne répondent pas exactement aux conditions qu’elle prévoit pour son application. De
surcroit, cette application tiendra compte, le cas échéant, de la situation personnelle du
destinataire de la règle, en droit pénal par exemple. Cette situation personnel, dans ses détails,
échappe bien évidemment au législateur.

En tranchant un cas, on touche l'ensemble de la collectivité. Le juge doit donc non seulement arbitrer
des solutions / intérêts divergents entre les parties, mais il doit prendre en compte l'intérêt du collectif
=/= seulement appliquer la loi dans un cas, surtout dans une affaire peu cas, il faut une série d'arguments
qui sont cohérents.
Ainsi s’impose à tout juge la nécessité d’une adaptation de la loi au cas singulier. On désigne du mot équité
la vertu requise pour opérer dignement cette adaptation, c’est-à-dire respecter la loi et les interdits
communs qu’elle défend, d’une part, la situation des personnes impliquées dans le rapport de droit,
d’autre part. En bref, juger, arbitrer.

On doit distinguer l'autoritas de la potestas : le juge a un pouvoir institutionnel : c'est le seul qui peut
rendre des décisions juridiques dans le temps.
• Potestas : il a donc un pouvoir de contrainte. / ! / Ce n'est pas le fond de l'affaire, parce que la
contrainte n'est nécessaire que pour les personnes qui n'ont pas de raison pratique, qui ne peuvent
pas respecter la loi d'eux-même.
• Normalement, on se remet au juge, notamment en matière d'arbitrage, parce qu'il est plus savent
que nous pour régler l'affaire - on n'est pas dans la potestas, mais l'autoritas : c'est un auteur, qui
augmente - le but d'un juge, c'est d'augmenter les personnes, et non de les contraindre : c'est rendre
les personnes plus responsables.

99
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Ex : un maitre à de l'autoritas - apprend à la personne à s'élever.


A : la vision du juste est l'autoritas -> ex : les arbitres classés par autorité, par valeur.
Face à la contingence caractérisant la vie pratique et à l’absence de science du particulier, Aristote en vient
à définir l’équité (il en va de même pour la prudence), en tout premier lieu, comme le comportement de
l’homme équitable : modestement, comment saisir ce qu’est l’équité si ce n’est en examinant
pragmatiquement comment agir, comment se comporte l’homme réputé équitable, celui dont on
s’accorde à dire (selon la doxa, plus ou moins éclairée) qu’il sait arbitrer des intérêts contradictoires, qu’il
a une expérience suffisante de la vie pour rendre des jugements mesurés ? Il n’est pas d’autres moyens
pour surmonter la diversité inanalysable des cas particuliers que de recourir à ce tiers – au sens de
dépourvoir d’intérêts directs et personnels dans la solution du litige – expérimenté à cette autorité
(auctoritas)
Il ne s’agit naturellement pas ici de l’autorité au sens d’un supérieur qui commande et qui sera
obéi parce que plus fort, mais de l’autorité acceptée parce que reconnue de plus grande compétence pour
le domaine considéré.

Différence entre ratio legis et ratio iuris : chaque fois on donne ses raisons, c'est typiquement de
l'auctoritas. La loi n'est pas arbitraire, parce que le législateur dit pourquoi il l'a faite.
Ratio legis : première chose que l'on cherche pour résoudre un casus - le but du législateur derrière la
loi. / ! / Si on a la ratio legis, on n'a pas la ratio iuris : parce que l'on n'a pas fait parler la loi dans le cas
- la raison de la loi dans notre cas.
On cherche le but de la loi, le but c'est la cause finale pour A. C'est la fonction. Sans le but, on ne sait
pas comment mettre de l'ordre dans les réalités sociales.
Que l’on parle de loi, de prendre, d’équité ou encore, de manière plus englobante, de bonheur, toutes les
discussions d’Aristote relatives à la praxis s’organisent ultimement selon la perspective de la « cause
finale », le « pour-quoi », que les juristes connaissent parfaitement sous la dénomination de « ratio legis »
(raison de la loi) : le but que s’est proposé le législateur et qu’est censé refléter le texte de la loi et son
interprétation.
La doctrine allemande a montré depuis des décennies qu’il valait mieux parler de « ration juris »
(raison du droit) que de « ratio legis », cette dernière ayant un sens trop étroit, notamment en ce que
l’écoulement du temps peut infléchir sensiblement le sens et la portée de l’intention initiale du législateur.

Ubiquité : omniprésence du but dans tous nos raisonnements juridiques : on le voit de deux manières :
• Le but au fondement de l'action : on commence une action parce que l'on veut faire quelque chose,
sinon on n'agirait pas.
-> Pareil pour le législateur : si le législateur fait une loi, c'est qu'il a un but (ex : résoudre un
problème)
o D'abord c'est un pro-jet : jetter devant : le législateur jette devant lui le but qu'il se pose. ->
Le législateur propose un but : but proposé.
/ ! / Tant qu'on n'a pas les cas, on est purement dans les potentiels.
• A la fin, on a le but réalisé : le but est devenu concret, réalisé. La iuris dictio, le juge, permet
d'accomplir le but, de rendre complet le but proposé du législateur - il le complète. Le but proposé
du législateur devient un but complet - entéléchie : l'état d'un être qui a accompli toutes ses
potentialités.
Avant le but du législateur est incomplet, il est potentiel, seulement en puissance et pas encore en
acte. -> Le juge fait passer le but du législateur de l'acte en puissance.
La cause finale ou but (telos) se trouve à la fois 1) au fondement de l’action, sous forme de projet, d’un
but proposé et 2) à son terme, une fois l’action achevée, sous forme du but réalisé.

Aristote, comme pour prouver par l’acte le rôle central joué par la fin (cause finale) commence son
enquête sur les vertus (sur l’éthique) par cette affirmation : « Tout art et tout investigation, et pareillement
toute action et tout choix tendent vers quelque bien, à ce qu’il semble »
• On ne fait une action que parce qu'elle a un but, donc pour comprendre l'action, il faut comprendre
le but.
Ex : dans le Mehtodenpluralismus, le juge cherche surtout le but de la loi - comme le TF est pragmatique,
il applique une philosophie pragmatique. -> Ce que recherche le TF comme toute pensée pragmatique, c'est
la fonction.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Pourquoi ? (Ex 2 : La main) - comme juriste, on est face à la contingence, en particulier dans le cas.
Il n'y a pas de loi absolue qui permet d'avoir le comportement dans le cas. Le seul moyen de mettre
de l'ordre dans la contingence, pour ne pas avoir de l'arbitraire, c'est la fonction = le but. (ex :
preuve - les lois commencent désormais toujours par le but)
• On a le privilège de parvenir à mettre de l'ordre parmi la contingence par le but, sans avoir de
déterminisme : la loi ne dit encore rien du juste dans le cas.
Les juristes ne sont pas dans un monde déterministe, mais contingent (parce que toutes les
relations sont contingentes), où par le but on trouve un certain ordre dans la contingence. -> Le
but est alors dit deux fois : dans la loi par le législateur, et dans le cas, par le juge (but mis en
exergue par le juge)
Lois -> cas
Législateur -> Juge
Cercle vertu à l'intérieur de la justice générale.
On se rappellera qu’Aristote avait déjà utilisé le critère de la finalité (cause finale= afin de distinguer la
main vivante, rattachée au corps, de la main morte, celle-ci ne pouvant plus exercer la fonction dont la
nature l’avait pourvue. La considération de la fonction pour les réalités physiques, de la ratio legis pour
les réalités juridiques, rend déjà bien compte de l’importance décisive de la finalité comme principe
explicatif de l’existence d’un certain ordre malgré les changements qui affectent les réalités en tous
domaines.
La cause finale y prime alors sur toutes les causes (fins = biens) : formelle, matérielle, efficiente.

Description de la vertu : c'est le juste milieu : comme la médiatrice en mathématique.


=/= La mediocritas : ce qui est médiocre, ce qui est moyen. -> C'est une vision extrêmement
pauvre, triste de la vertu = c'est juste la moyenne.
Pour Aristote, il considère qu'il y a deux extrêmes et qu'au fond, la vertu, ce n'est pas seulement occuper
la place du milieu, mais un sommet (un optimum en économie) entre deux extrêmes. -> Parce que pour
A, entre les deux extrêmes, on perd du potentiel.

Ex : courage - deux extrêmes sont négatoires du courage - la peur, et la témérité.


• Si un soldat est quoire en temps de guerre : sans vertu, il ne va pas aller au front, ne pas protéger ses
camarades - il ne sera d'aucune vertu pour la guerre.
On ne sert pas bien le bien collectif ou soi-même -> on perd sa valeur.
• Un téméraire va vite mourir sans vertu : donc il sera aussi inutile que le quoire pour les autres, de plus il va
mourir et ne va donc pas s'élever.
Il faut donc trouver la position qui nous élève le plus et ainsi aider la société : on ne recherche ni les
extrêmes, ni les moyennes basses.
A n'envisage la vertu qu'en situation : on ne recherche notamment pas l'optitum de la même façon en
temps de paix et en temps de guerre. (ex : pas la même chose de diriger un état central que décentralisé - il ne
faut pas les mêmes vertus) → dépend de la situation
De plus, la vertu dépend de chacun, parce que par naissance, les personnes ont des vertus différents
ex : des personnes naissent et sont éduquées quoires / téméraires / équilibrées
-> Au niveau de la vertu, on attendra des choses différentes de chaque personne.
Ex : pour un quoire, pour aider cette personne et le collectif, il faut le rendre plus téméraire.
Pour un téméraire, il faudra l'équilibrer en le rendant un peu plus quoire.
-> En fonction des personnes, la place de l'optimum n'est pas la même.
Enfin, si les juristes passent souvent pour des gens pétris de minuties, hésitant à s’engager ou alors le faisant
avec milles précautions, émettant ici une réserve, là se ménageant une porte de sortie, encore faudrait-il
comprendre les origines d’une pareille attitude. Société et particuliers exigent d’eux fine prudence et
subtile équité, c’est-à-dire l’art de la distanciation d’avec les évènements, quelle qu’en soit la charge
affective, et d’en exercer au plus haut degré les vertus de prudence et d’équité.
Or qui dit vertu di, en doctrine aristotélicienne, recherche du juste milieu ou équilibre entre deux
positions ou passions extrêmes : le courage s’opposant autant au téméraire, qui affronte « sottement » le

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

danger, s’y lance tête baissée, qu’au couard ou peureux, lequel tremble avant même que le danger ne soit
là et cherche ensuite à le fuir par tous les moyens.
Cet équilibre n’a toutefois rien d’une moyenne, sorte de médiatrice entre les deux extrêmes, sorte
de « ni oui, ni non » intellectuel ou moral : dans pareille perspective, le « juste milieu » reviendrait en effet,
à la médiocrité au sens littéral, à la moyenne au sens trivial. Le vertueux, à l’inverse de cette position molle,
sait adopter l’attitude la plus efficace pour une situation donnée, eu égard à ses propres compétences.
L’expérience de la vie constitue dès lors un élément déterminant de toute vertu.
Cette efficacité ou fécondité la meilleure donne à comprendre que le juste milieu adopté ne se
réduit pas à une plate moyenne, trouvée comme machinalement, arithmétiquement, mais constitue un
sommet, plus exactement encore un optimum. L’interprétation mathématique est balayée en ce que le
juste milieu s’entend toujours pour telle personne particulière et selon les circonstances données, et non
de manière impersonnelle ou désincarnée, comme le présuppose une moyenne mathématique.

Différence entre regula et cas concret : le législateur estime que les gens sont généralement ainsi =
expérience générale de la vie nous donne un citoyen standard.
-> Puis ensuite, le juge va regarder pour chacun comme cela se passe.
Ex : Art 3 CC - on regarde ce que la personne a vraiment compris dans la situation :
• Art 3 al.1 : on regarde ce que la personne a vraiment compris dans la situation - on regarde dans le cas
singulier, pour cette personne-ci, ce qu'il en est.
• Même si l'al.2 : ce qu'elle aurait dû comprendre en raison des circonstances - on rapporte alors son
comportement au modèle général de vertu -> on rapporte le comportement au comportement standard.
= Une personne en tant que telle en fonction des autres.

Pour les grecs, on voit donc que l'on accepte les dons différents des personnes - les personnes ne sont
pas égales dès le départ.
• On rapporte à la personne
• A la situation
• Que l'on cherche à reporter sur un optimum
= c'est donc une pensée incarnée, et la vertu devra se penser comme incarnée.
-> Ainsi, philosophiquement, le cas est plus important que la loi : le cas est la finalité ultime de la loi.
Pourquoi ? Parce qu'il n'y a rien que de plus incarné que le cas au niveau du droit : on a mis les choses
in concreto, dans le concret. Et pour A, ce qui a le plus d'être, c'est ce qui réalise les potentialités, et
donc ce qui est en acte -> c'est plus importante qu'une idée. Ex : un enfant là est plus important que l'idée
d’enfant.
-> Là où le droit est dit, la iuris dictio, est plus important que la loi abstraite. -> Ex : code pénal : désincarné,
idée généralr. Juge pénal : met les personnes en prison.
-> Dans une philosophie pragmatique : on a donc une priorité des cas sur la loi. Donc
philosophiquement, le juge est plus important que le législateur.

On ne peut pas mettre les gens dans des cases, ni les cas : il faut regarder les cas en tant que tel. Même
si les moyens sont systématiques, comme les principes généraux, ce ne sont que les moyens et pas la
finalité : la finalité est in concreto.
Quel sera l'objet premier d'une Rechtswissenchaft ? La loi - cela ne peut pas être le singulier, parce
qu'il n'y a pas de science du singulier. On écarte tout ce qui vient du juge - donc il ne reste que la
norme, la loi.
-> Kelsen, grand positiviste, fait du normativisme : comme pas de science du particulier, et qu'il
veut une science du droit, on ne regarde que la loi.
Mais comme on sait que les cas sont nécessaires dans un système juridique mais pas la loi, il n'y a pas
de réelle science juridique.
Cette conception pragmatique des vertus, qui vaut pour toute la praxis, conduit à écarter toute
interprétation qui ferait de l’éthique aristotélicienne (plus largement de sa philosophie pratique) un
système. La différence d’avec les philosophes modernes qui s’avère sur ce point radicale.
Sur le terrain de la vertu, comme l’on attend doublement le juriste en prudence et en équité, nul
ne devrait s’étonner de son attitude mesurée, proprement « ré-fléchie » : fléchir et fléchir à nouveau son
esprit face à la singularité du cas évite au juriste toute précipitation, toute généralisation hâtive et constitue
comme les marques de ses qualités professionnelles.

102
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Cela va expliquer, par son pragmatisme, sa vision particulière du droit naturel - pragmatique.
Droit naturel =/= communautarisme, idéalisme actuel : Le droit ne peut pas servir l'individu jusqu'à
l'extrême, et la collectivité - c'est antinomique. -> ex : preuve avec le droit de l'environnement : on ne peut
pas avoir la réalisation d'un bien commun avec un droit tourné sur l'individu.
Cette rivée dans la singularité des cas annonce une conception aristotélicienne du droit naturel
bien éloignée de la vision abstraite, éthérée qu’on lui prête parfois.

SECTION 4. UN DROIT NATUREL MOUVANT ET NON CODIFIABLE


Idée d'un droit naturel : mais il est pragmatique. Mouvant et une part non codifiable : les essences pour
Aristote sont incarnées, sous nos yeux.

Aujourd'hui, on pense le droit naturel comme universel et éternel - on pense à un code avec des principes
éternels et immuables. On en déduirait les droits particuliers (comment ? Top down) -> ce serait un droit
qui ne serait pas frappé par l'endroit ni le temps.
A le rejette : parce que ce sont des caractéristiques non pragmatiques : on ne peut pas avoir un
droit qui se trouve partout et tout le temps, on ne le voit pas. De plus, on ne peut pas déduire des
sciences humaines.
Dès que l’on aborde la notion de droit naturel, vient à l’esprit l’idée d’un code universel et éternel,
ensemble de règles immuables, parce que déduites d’une nature humaine par définition, affirme-t-on, à
l’abri des changements, invariable dans le temps comme dans l’espèce.
Pour Aristote, le droit naturel ne répond à aucune de ces caractéristiques : « la position d’Aristote sur le
problème du droit naturel est de nature extrêmement subtile et ne peut absolument pas être mise sur le
même plan que la tradition ultérieure du droit naturel »

Que veut faire Aristote de ce fait ? Il a fait des recherches sur le bon gouvernement : A croit au droit
naturel, parce qu'il y a une nature humaine. La nature humaine va indiquer un certain nombre de
directions que la justice doit reprendre (=/= déduction). Comment on les trouve ? On le fait par une
recherche sur le terrain : bottom-up -> on y trouve la règle de la mixité des gouvernements.
Il y a donc un rejet du droit naturel immuable : A ne rejette pas l'idée qu'il pourrait y avoir un droit
immuable, mais ce serait pour les dieux, parce que sont des êtres éternels (et comme tout humain a un
droit, alors ils en auront). Par contre, cela ne nous concerne pas ni nous intéresse.
-> Les humains n'auront qu'un droit muable. Il varie, mouvant - c'est un droit issu de la nature humaine,
mais du coup il varie, parce que la nature humaine ne s'exprime pas de la même manière partout.
Ex : nature humaine de la femme et de l'homme - ne s'exerce pas de la même manière. -> ex : différence de
justice avec majorité de juges hommes que femmes, parce que pas la même manière de voir les problèmes.
Ex 2 : cantons catholiques et protestants - pratique différentes pour les avortements
Les perceptions du réel étant différentes, les mêmes droits naturels s'expriment de manière différente. -
> Ce n'est pas choquant : mais un universel univoque serait choquant, parce que la nature humaine
s'exprimerait partout de la même manière, malgré les différences.
Il y a donc une nature humaine, mais différente expression de cette dernière ex : toutes les personnes
cherchent un bon gouvernement, mais il ne s'exprime pas partout de la même manière : ex - dans tous les
bons gouvernements, il y a démocratie, aristocratie, oligarchie, mais pas le même mélange.
Il n'y a pas de valeur, d'idée intrinsèque en soi : si une chose a une valeur, ce n'est pas en soi, c'est
parce que les hommes leur ont attribué une valeur.
On est dans une pluralité : qui est ni univoque, ni équivoque. -> On ne peut pas donc créer d'univocité
là-dessus (même si idée de base commune) (ex : déjà difficile dans la vraie science) -> On n'aura jamais de
gouvernement universel (ex : jamais de gouvernement mondial - ibi societas, ibi ius : comme pas de communauté
internationale, pas de droit universel) -> on veut tous un gouvernement tous, mais il ne sera pas pareil
partout.

Même si on a un droit naturel, c'est une vision très pragmatique : le droit naturel est donc mouvant pour
Aristote.
Il conviendra, en effet, de soigneusement distinguer entre ce droit naturel affirmé variable et celui (ceux)
des Modernes, en particulier de l’Ecole du droit naturel et des gens :
• Le premier est muable, et donc ne s’offre pas à codification

103
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Alors que le second, affirmé fruit de la Raison, elle-même immuable, présente toutes les qualités
requises pour une mise par écrit.
Certes Aristote ne rejette pas radicalement la pensée d’un droit absolument immuable. Mais ce droit
n’appartient pas à la sphère humaine : il ressortit au monde des dieux, et, en cela, ne nous concerne pas.
➔ Le monde sublunaire se caractérise par le changement, l’altération : le droit naturel qui y a cours
n’échappe pas à ce qui constitue la texture même du monde que nous habitons.

-> A rejette une séparation entre essence et existence (comme Platon, les essences vivent
indépendamment de l'existence, qui s'appliquent dessus). A : il n'y a pas d'essence sans existence - une
essence ne s'applique que dans le réel - il n'y a pas d'essence pure : il y a un rapport toujours entre les
deux. (existentialisme)
Il n'y a pas d'essence complète sans existence.
-> Platon : il y a la loi, et le cas, et la loi s'applique sur le cas. / ! / Aristote : comment la loi s'exerce ?
Comment on l'applique ? Sur des cas. Il n'y a donc pas de loi sans cas, le cas donne l'existence de la loi
: les deux existent ensemble.
Pour Aristote, dans la même logique, le droit positif est en droit qui met en pratique le droit naturel, qui
exerce le droit naturel.
Naturel Postitif
Loi Cas
Essence Existence
Pourquoi important que la loi positive s'inspire du droit naturel ?
• Comment déclare-t-on une loi injuste comme positiviste ? La conformité : si tout est conforme
aux principes supérieurs qu'on s'est donné supérieurement, même s'ils sont cons, alors le système
sera juste.
/ ! / : Dans un système légaliste, il n'y a de désobéissance civile : il n'y a pas de place pour critiquer une
loi - parce qu'il n'y a rien à critiquer. Du coup, notre comportement sera conforme ou pas conforme aux
principes supérieurs -> si non conforme, arrêté, sans regarder l'idée derrière = juste la forme.
-> Si on veut soutenir la désobéissance civile, on doit avoir un droit qui est plus large que la loi : pour
dire que notre comportement, même s'il ne respecte pas la loi, respecte le droit = l'idée derrière.
o Une loi est juste parce que conforme : donc si conforme au droit supérieur, on ne peut pas
la revendiquer injuste. Juste = parce que conforme.
• Si la loi positive doit regarder le droit naturel : on peut alors dire qu'une loi est injuste, si elle ne
sert pas le bien commun, même si elle respecte la forme prescrite (les autres formes au dessus)
o Si on veut dénoncer une règle de droit positif, c'est parce qu'elle n'aurait pas respectée son
principe de droit naturel, et on peut la revendiquer injuste parce que contraire au droit
naturel.
Ex : Antigone : il faut du droit naturel pour déclarer injuste du droit positif - ici les dieux.
Pour A, le droit positif doit inclure le droit naturel qui doit le refléter -> donc lié.

"Il est dans la nature des choses que" - selon le TF. Pour A, c'est au sens de la physis : ce qui nait, croit
et meurt - donc il s'adapte à toutes les réalités humaines changeantes. = comme le droit. Le droit naturel
d'Aristote est donc mouvant : les cités naissent, croissent et meurent et donc leur droit change.
Comment faire ? Le droit des sociétés ne peut pas prévoir tous les changements -> par contre ils
peuvent prévoir des principes souples qui peuvent s'adapter aux époques.
La richesse du singulier déborde toujours la loi générale et abstraite : les cas sont toujours plus complets
que la théorie -> donc il est impossible de prévoir tous les cas dans la loi → C'est pour cela que l'équité,
la juris dictio, est importante : pour mettre le droit en situation.
Ex : cas concret - parfois on ne sait pas l'Etat du droit positif : CEDH dit quelque chose différent du TF ->
normalement on devrait l'appliquer mais aucun moyen d'imposer.
-> La richesse du particulier s'encouble sur le droit -> A met donc très peu de principe dans son droit naturel ou
des principes vagues.

Droit naturel : permanence + changement.


Qu’est-ce que le droit naturel variable ?

104
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Pour un esprit contemporain, tout pénétré de culture scientifique (des sciences dures), « nature »
résonne, sous l’influence des « lois naturelles » comme invariable dans le temps et dans l’espace.
Faut-il rappeler que cette vision de la nature et plus spécifiquement des sciences naturelles est plus
qu’approximative. Les théories scientifiques changent, souvent rapidement. A l’époque des Prix Noble de
médecine 1965 de J. Monod et F. Jacob, nombre de scientifiques (le premier cité en particulier) pensaient
qu’il suffisait de décoder l’ensemble des gênes pour comprendre et maitriser complètement le corps
humain, y compris le cerveau. On est revenu aujourd’hui à beaucoup plus de modestie parce que
l’information génétique ne se décode pas à la manière d’un programme informatique, mais aussi parce
que l’environnement et même le « vécu » de la personne influencent sensiblement l’expression des gênes.
On gardera surtout à l’esprit que les sciences naturelles contemporaines concluent toutes à l’incertitude
intrinsèque de leur savoir, en rupture « cognitive » avec la science moderne d’esprit cartésien et sa règle
de l’évidence qui faisait de la certitude le but ultime de toute recherche.
→ Le droit naturel devrait présenter les mêmes anciennes caractéristiques, substituant la nature
« naturelle » à la nature « humaine » Quiconque peut se réclamer de cette nature – chez les Anciens, il
fallait être citoyen donc « politique » et non seulement individu – se voit reconnaitre tout un catalogue de
droits a priori c’est-à-dire des droits qui valent en eux-mêmes, en dehors de toute appartenance
« politique ». A l’instar des lois de la nature, ces droits ne dépendent pas des circonstances, ne varient pas
en fonction du temps ou du lieu, contrairement à la perspective des Anciens pour lesquels l’existence des
droits est intimement liée à l’appartenance à une cité. (à l’exception des stoïciens pour lesquels le
référentiel s’étendait déjà du « genre humain »)
On retrouve la loi comme règle, regula, d’une régularité déterministe qui ne fait qu’exprimer « une nature
des choses » : connaissant les conditions initiales d’un tel phénomène physique (comme la trajectoire d’un
missile intercontinental) ou la situation litigieuse, il suffit d’appliquer mécaniquement la loi pour en
déduire les conséquences physiques pour la philosophie théorique, la solution juridique pour la
philosophie pratique.
• Aristote, quant à lui, adopte une conception tout autre de la nature et, partant, du droit naturel.
La nature considérée dans son premier ou génuine de phusis (phsyique) désigne ce qui croit, plus
exactement la croissance des plantes. Dans le monde sublunaire, la nature est donc marquée au sceau du
changement, de ce qui évolue, devient. On peut donc penser que si tout se modifie en permanence, alors
le monde devrait apparaître complètement chaotique. Or il n’en est rien. Sans se donner à nous dans une
manière parfaitement déterministe, le monde apparaît néanmoins ordonné dans le changement,
ordonnancement dynamique qu’Aristote tente de saisir à l’idée de cause finale notamment. Celle-ci
cherche à distinguer pour toute chose ce vers quoi elle tend naturellement, son état final au terme du
processus de croissance-évolution : le gland, si toutes les conditions « normales » de son existence sont
remplies, deviendra chêne, le poulain deviendra cheval et non orang-outang.
Or la vie pratique est, elle aussi, tissée de changements, d’évolutions. P. Valéry ne nous rappelait-il pas
que les civilisations elles-mêmes sont mortelles ? C’est au sein de ce devenir que l’homme doit affirmer
sa nature d’animal social. De cette nature affirme qu’elle n’est pas univoque, absolument claire et
déterminée une fois pour toutes : la praxis s’éprouve bien trop riche et variée pour être saisie par quelques
règles rigides. Par quoi l’on voit que la prétention à un code de droit naturel contrevient à la métaphysique
(Weltanschauung) aristotélicienne. Preuve : les notions de « en situation » - assumée par celles de
prudence et d’équité notamment – et de « meilleur possible » (par opposition à meilleur absolument) pour
le choix du régime constitutionnel entre autres.
Ainsi en est-il de la nature du régime politique, par exemple, pour qu’il remplisse adéquatement la
fonction – le but ou encore la cause finale – qui lui revient en regard du « bien vivre ensemble » et du
bonheur. → Pour réaliser pleinement cette fonction, c’est-à-dire « par-faire » (littéralement, faire de part
en part) sa nature, le régime politique devra être mixte selon Aristote : il mélangera, en les équilibrant, des
aspects monarchiques, oligarchiques et démocratiques. On rappellera ici que la vertu se définit comme
« juste milieu-sommet » au sens d’un optimum. Qu’en conséquence le poids respectif des trois modes du
régime politique varie suivant les particularités des cités considérées : climat, démographie, économie,
mœurs, taille du territoire.
Ce qui apparait naturel dans l’exemple du régime politique, c’est le fait qu’il soit mixte, en quoi réside la
« nature des choses » considérée. Sous cet aspect de mixité, Aristote peut affirmer que « le meilleur régime
politique » est le même partout, sous-entendu : il doit être mixte. Cela ne signifie cependant aucunement

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

la composition du mélange, l’équilibre des trois formes de gouvernement sera identique quels que soient
les lieux et les temps considérés.
Il en va évidemment de même pour le droit, vertu de justice, dont la tâche consiste à organiser,
ordonnancer les rapports de tout un chacun avec autrui au sein de la cité. → Dans le droit naturel
aristotélicien, la « nature » ne ressemble en rien à l’affirmation a priori de principes, de droits valant en
eux-mêmes, quelles que soient les circonstances structurelles ou conjoncturelles dans lesquelles ils
viendraient à s’appliquer. En ce cas, le droit naturel d’Aristote ressemble davantage à une méthode de
recherche, à un appel à enquête sociologique et comparatiste orientée vers la réalisation de certaines fins
considérées comme essentielles pour le groupe considéré. Si l’homme est un animal politique, lui
incombent naturellement certains droits et devoirs : défense du territoire, payement de l’impôt, droit de
participer à la vie politique par exemple. En bref, le juste naturel ne dépend pas de telle ou telle opinion
alors que le juste (droit positif) concerne ce qui peut être indifféremment ceci ou cela et partant, doit être
fixé par décret ou convention pour éviter la confusion.
Les résultats de cette recherche s’avèrent modestes : les fins naturelles, essentielles, demeurent très
générales, abstraites. Il revient au législateur de les expliciter, compte tenu de l’état de la société pour
laquelle il dit la loi positive.

Un droit positif ne peut pas se passer du droit naturel : un droit positif juste n'est que l'exercice du droit
naturel -> Le législateur ne peut pas choisir ce qu'il veut : il doit faire un droit conforme à des principes
justes en eux-mêmes / ! / pas univoques en eux-mêmes.
On n'a pas de catalogue de droit naturel : on a une disposition d'esprit de la part du législateur et
du juge - on recherche : on cherche une harmonie, donc on cherche des principes qui soient le plus
constants possibles =/= absolus parce que cela doit être à notre portée.
Les principes justes, qui semblent absolus sur le principe, s'exerceront d'une société à l'autre de
manière différente (ex : on a les mêmes notions, mais elles s'expriment de manière différente )
Comme le droit naturel n'existe pas en dehors du droit positif, il ne peut pas exister en tant que tel en
dehors des sociétés - il va se réaliser dans les sociétés. Et comme les sociétés sont différentes, alors cela
s'exercera de manière un peu différente.
Ex : droit naturel à la religion - mais il s'exercera de manière différente en fonction de l'endroit.
Donc le droit naturel n'est pas univoque mais analogique : les mêmes droits, mais avec des différences
sociales quand on l'exprime.
Donc le droit naturel doit refléter les valeurs, la commensurabilité aux personnes de l'endroit en question
ex : procédure de consultation. -> c'est donc plus une méthode qu'un catalogue.
-> De plus, pour A si on a des droits, on a des devoirs : très pragmatique. -> ex : si on a des droits de
l'homme, on a des devoirs de l'homme selon A.
/ ! / Sauf que l'on a plus ce réflexe aujourd'hui : -> preuve : droit de l'environnement : comme on conçoit
que les personnes n'ont que des droits, comment introduire des devoirs ?
Ex : si on faisait un nombre limité de kilomètres par années par avion, ok pour grec - parce que droit et devoir lié
: pas possible pour nous de se faire limiter le droit au déplacement aujourd'hui.

Quelles sont les fins essentielles de l'Homme ? La démarche de A : pragmatique :


• on trouve l'idée que tout un chacun souhaite devenir éternel.
o Avoir des enfants - devoir de l'éduquer
• Payer les impôts
• Faire son service militaire - droit et devoir.
On a très peu d'autres choses, parce que pas de catalogue - les fins essentiels de l'homme se réaliseront
de toutes façons différemment en fonction de l'endroit.

Fait critique/Fonction critique : cela permet de juger du caractère juste ou injuste du droit positif. -> Le
droit naturel permet de donner les critères pour dénoncer un droit positif juste ou injuste.
Les totalitaristes : ils ne reconnaissent pas le droit naturel - seul le pouvoir du dirigent est juste et
légal. -> Tout ce qui est conforme est juste, légal, on ne peut pas revendiquer l'inverse.
On esquisse ainsi des limites pour rester juste et ne pas sombrer dans l'injustice -> On ne doit pas donner
dans l'hybris : l'homme qui veut en faire trop / veut sortir de sa finitude humaine - on ne peut pas faire
plus que la finitude humaine : on dépasse la bonne mesure . Ex : on ne peut pas contrôler tous les
comportements futurs.

106
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Les droits de l'homme reflètent cette fonction critique. Il est le fruit d'une recherche, il est sujet à
discussion - ce noyau dur permet de juger la validité/la justesse du droit positif.
-> Grâce au droit naturel, on peut se prémunir d'un légalisme galopant : idée que le législateur fait ce
qu'il veut. (c'est vrai que si l'on sort de la CEDH, on pourrait faire ce que l'on veut comme législateur à
cause du système politique)
On s’interrogera légitimement, à ce stade, sur l’utilité du droit naturel. Aristote lui confère une valeur, une
fonction, qui traversa toute l’historie et qui, lorsqu’elle sera momentanément oubliée ou niée (dans les
régimes totalitariste) ouvrira la voie aux plus funestes actions : la fonction critique propre au droit naturel.
Critique s’entend en son sens classique, si fortement assis par Kant : qui dessine ou assigne des
limites à telle ou telle activité. Le rôle du droit naturel consiste à dessiner les limites que ne doit pas
outrepasser la loi positive sauf à devenir injuste. Il suffit de penser au contrôle qui s’exerce via les droits
de l’homme contemporains sur les lois adoptées par les pouvoirs législatifs pour se représenter cette
fonction critique, effective et souvent efficace quand bien même ces droits sont-ils abstraits.
Le juste par nature vise à se prémunir contre un légalisme extrême, une référence à la loi comme
lieu unique du juste (réduction du droit à la loi) avec tous les risques inhérents à des lois au contenu
tyrannique mais adoptées selon les formes institutionnelles requises par l’ordre juridique concerné,
comme il en fut d’une grande partie du « droit » national-socialiste par exemple.

On ne doit pas faire des lois pour en faire, parce qu'elles sont générales et abstraites et ne touchent pas
le cas en soi. On en a quelques-unes + des principes généraux et cela suffit.
En résumé, la question d’un code de droit naturel ne fait pas sens dans la pensée d’Aristote, qui investit
bien plutôt le droit naturel d’une fonction plus fondamentale que celle de recueillir un ensemble de
recettes, de préceptes de conduite : fonder l’autorité des lois en tant que justes.

CONCLUSION
Finitude humaine : justice par les hommes pour les hommes, pas plus que leurs capacités - bien à notre
portée, pas absolu, un peu médiocre sans reproche.

Insuffisance intrinsèque de la loi : elle est triple :


• Générale et abstraite
• Langage
• Législateur ne peut pas tout prévoir
La pensée aristotélicienne connait aujourd’hui encore de nombreux échos, non seulement chez les
philosophes du droit mais chez les praticiens également. La modestie des positions d’Aristote en matière
de justice a beaucoup pour les séduire.
A commencer par l’affirmation de l’insuffisance intrinsèque de la loi, toujours trop générale et
abstraite par rapport aux cas, sans qu’une quelconque faute ne puisse être pour autant imputée au
législateur : c’est la texture même de la praxis, du monde des actions humaines, qui nous condamne à
parler par généralisations.

Le juge est central dans tout système de droit, parce que lui seul est face à la réalité ultime, le cas. Rien
de plus existant que le singulier.
Cette infirmité de la loi remet en lumière l’importance du juge, medium ou médiateur entre cette loi,
générale et abstraite, et le cas, singulier et concret. Elle redonne aussi du lustre à la doctrine, les professeurs
et docteurs en droit (docte = savant) constituant des aides précieuses pour penser le passage de la loi au
cas, organiser ce saut qualitatif.

Le juge est médiateur entre, parce que le droit est relation.

La grande importance de la doxa. -> L'opinion publique et savante est importante pour faire des lois
commensurables à la société donnée : avec lesquels on pourra opérer le lien entre la loi et le cas.
La doxa n'est pas de l'opinion publique, vulgaire - si l'opinion publique compte, elle peut être
hiérarchisée : il y a une autoritas. On regardera les savants les plus reconnus dans leur sagesse qui seront
reconnus.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

On la reconnait parce que cela permet l'acceptabilité de la norme / sa commensurabilité.


La sanction ? Elle pourrait le permettre, mais pas longtemps -> par la tyrannie, et elle va exploser.
On est donc loin d'un droit idéal : on a un droit qui lie les aspirations du peuple.
= Aristote fait des réflexions sociologiques - comme en droit suisse (ex : enquête parlementaire) / ! / =/=
France : pas de consultation, on applique la volonté du président + de la volonté du parlement, sans
regarder la commensurabilité.
Par où se découvre la prise en compte par Aristote de la doxa, ensemble d’avis, d’opinions, de sentiments
voir de lieux communs. Elle s’étend des avis les plus autorisés, à savoir, pour le droit, la doctrine, aux avis
les plus « subjectifs » qu’il convient toutefois de prendre en compte avec sérieux : de ces derniers
découlent, en effet, l’une des caractéristiques essentielles du droit, et plus particulièrement de la loi :
l’acceptabilité de la règle par ses destinataires pour la mise en place d’un ordre effectif et non seulement
désiré et idéalisé. Elevée à ce niveau, la doxa comprend « le souci du politique, le souci de la communauté,
de ses dires, de ses manières, la mémoire de la langue, c’est-à-dire de l’identité, qui en accumulation
séculaire de toutes les opinions, celles du plus grand nombre et des plus sages, sont toujours présents chez
Aristote ».
Aristote embrasse par là une perspective quasiment sociologique, répondant à sa conception
éminemment pragmatique du jus et de la justice envisagés selon un mouvement inductif de la pensée,
bottom-up.

Aristote rappelle que le droit se contente du plus souvent - on ira chercher dans le cas la finalité pure du
cas.
La loi n'est pas faite pour plus, pour d'avantage : elle n'est pas en défaut - quand on fait une loi, on veut
saisir la moyenne et non la totalité du phénomène social.
Donc le droit ne sera véritablement connu qu'en situation : on ne peut pas évaluer la justice qu'en
regardant la loi - il faut regarder le « en situation » (connaitre ultimement le droit)
Ce pragmatisme se révèle encore une fois encore à propos de la loi dont le trait le plus marquant pour le
juriste réside certainement dans le fait qu’elle ne vise que les cas les plus fréquents : elle ne vaut pas en
toutes circonstances mais seulement le « plus souvent ». → La justice, comme toutes les vertus, n’exprime
au fond sa pleine mesure que « en situations ».

Comme on ne peut réduire le droit à la loi, le plus est l'expérience, sous forme de vertu : la prudence
(bonus pater familias - législateur) et l'équité (expérience de la vie du juge).
Pour être un bon juge, il faut l'expérience du droit et l'expérience de la vie (ex : culture générale)
Top down uniquement ne suffit pas. (ex : que l'école, il faut de l'expérience)
On ne saurait réduire le droit à la loi. Il faut, au contraire, recourir à l’expérience de la vie, aux qualités
de celui qui « a vécu », homme responsable à la manière du bonus pater familias (bon père de famille).
Où l’on reconnait la prudence du côté du législateur et l’équité du côté du juge, pour l’exprimer
schématiquement.

Le droit naturel et le droit positif ne s'opposent pas fondamentalement : ils sont le complètement l'un de
l'autre. Le droit positif complète le droit naturel : s'il le respecte, sinon il faut changer la loi.
Le droit naturel n'existe que dans le droit positif, mais il faut le respecter.
Le droit naturel ne permet pas gérer en effet une cité : le droit naturel appelle donc du droit positif - le
droit naturel ne peut pas s'appliquer tout seul, il est trop abstrait. Il doit être rendu concret par le droit
positif. =/= Idéalisme
Où l’on voit encore que le droit naturel ne s’oppose aucunement aux lois positives. Aristote sait que les
indications « données » par la nature demeurent la plupart du temps vagues, ne permettant en aucun cas
de doter une cité d’une législation. Les lois positives ne doivent donc pas être comprises comme une
défaite de la pensée – ce qui participerait d’une vision idéaliste – mais comme le signe d’un réalise en
matière de justice.

Philosophie du droit proche de la pratique du droit. → Rares seront les philosophes qui se seront tenus
aussi proches de la pratique du droit, du droit vivant ou, dans le langage du Stagirite, du droit en acte.

Tous les autres suivants vont se situer entre les matrices de Platon et d'Aristote.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Chapitre 3. Saint Augustin (354 – 430) – Un juste moral

Importance de sa pensée sur la conception actuelle du droit : nous avons une vision très théologique, pas
par le contenu, mais par la structure du droit. -> Permet de comprendre pourquoi on décrit le droit comme
l'ensemble des commandements édictés par l'autorité publique et dotés de sanctions coercitives.
Ex : fonction de la peine pénale
• Punir, rétablir l'ordre sociale, expiation du crime - c'est complètement théologique. Et c'est encore une
fonction première.
• Réinsérer ? C'est la phase post, qui est très mal faite ensuite. -> De toutes façons, on doit commencer par
expier : quand on a bien expié, on peut regarder pour réintégrer.
Ex 2 : punitive damages aux USAs - en droit civil, en plus du dommage au sens européen, on rajoute quelque
chose de complètement expiatif - une punition : c'est donc, par une vision protestante, une punition par-dessus le
dommage. → On punit un comportement subjectif.
=/= Les grecs : le but n'était que l'harmonie de la cité - si on avait fait un acte dommageable, on doit juste
rétablir la situation telle qu'elle aurait été sans le dommage.

Passage d'un droit qui passe de l'avoir à l'être : cela s'attache en effet désormais à la personne même.

SECTION 1. QUELQUES INDICATIONS BIOGRAPHIQUES


Né à Tagas en 364 avant Jésus-Christ : magrébin, né près d'Alger, proche de la frontière tunisienne.
C'est donc un africain du Nord, mais romain avant tout (région appartient à l'empire romain)
-> Père fonctionnaire de l'empire romain au Nord de l'Afrique, à Tagas, ville où on vit selon le mode
romain + on applique le droit romain - il est donc occidental sous l'angle romanisé.
La mère est chrétienne : elle aura très peur parce qu'il drague beaucoup de filles. -> Il va rejoindre ensuite
une secte manichéenne : cela s'éloigne complètement du système romain et chrétien (ange du mal / ange
du bien).

Mais il a un don : il maîtrise très bien le latin et c'est un très bon rhéteur : il est donc disposé à une haute
carrière de fonctionnaire à Rome. -> Pour être un haut fonctionnaire à Rome : il faut être un bon rhéteur.
Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait pas d'école de droit, mais seulement des écoles de rhétoriques. -> Sa
mère en rêve pour lui.
Ses parents le convainquent d'aller à Milan pour continuer sa carrière, étant brillant dans ses
études. Un jour, s'asseyant dans les jardins de Milan sur un banc, il trouve à côté de lui un livre
ouvert (il aurait 33 ans - âge de la mort du Christ : cela semble mythique). -> C'est la Bible : il lit
le premier passage et cela l'exhorte tout de suite à avoir une vie chrétienne et un bon
comportement.
Il est alors exhaussé (élevé) et exaucé (sa nature la plus profonde / ses désirs sont réalisés - il a la
foi). Deuxième mythe : la Bible aurait été laissé par Saint Antoine -> montre sa future carrière
dans l'Eglise.
-> Les œuvres de Saint Augustin seront des œuvres théologiques basés sur la politique : en effet, il sera
d'abord haut fonctionnaire, puis il consacrera sa vie à l'Eglise. L'Eglise est à l'époque en train de se
construire politiquement et juridiquement -> cela donnera des éléments très intéressants sur le droit.
Aurelius Augustinius est né à Thagaste (Souk-Ahras) en 354, en Algérie actuelle, à 300 km de la mer,
proche de la frontière maritime, gros bourg rural au sein duquel son père œuvrait comme fonctionnaire.
La ville était romanisée depuis trois siècles. De mère chrétienne croyante et de père païen, il parle latin.
Il poursuivra ses études de Lettres à Carthage (La Marsa, banlieue de l’actuelle Tunis) où il enseignera la
rhétorique avec quelques succès. Cette branche permet d’accéder à de hautes fonctions administratives
dans l’Empire romain.
Avant de quitter la patrie africaine de l’Empire pour Rome, puis Milan, il mènera une vie licencieuse,
recherche de plaisir qui n’apaisera guère les tourments de son âme. Il adhéra à la secte manichéenne,
étrangère au christianisme, avant de se convertir à ce dernier, à 33 ans, lors de l’épisode fameux du jardin
de Milan en 386.
Il deviendra pour le reste de sa vie un fervent défenseur de la pensée chrétienne (fortement marquée par
le platonisme), en retournant notamment en Afrique, à Hippone, pour y occuper la fonction d’évêque.

109
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Il va lutter contre les hérésies vu qu'il les connait bien. -> Cela va annoncer certains des traits du droit
moderne : toute la conception de la théologie, de la politique et du droit selon Saint-Augustin est
volontariste - ce qui est notre cas aujourd'hui.
Preuve : quand on applique une loi, on cherche en premier la volonté du législateur. / ! / On
pourrait très bien s'en passer si on analysait simplement le sens du signifiant aujourd'hui.
=/= On ne regarde pas toujours la volonté primaire du législateur : "ex : les suisses ont le droit de
vote" -> en réalité, on s'adapte avec le temps. -> Mais c'est contraire à la pure pensée positiviste /
théologique.
En effet, pour Saint Augustin, on doit remonter jusqu'à la Bible dans tout ce qu'on fait.

Le droit sera un commandement, est non une mesure


• Droit moderne : commande
o Grec : il ne faisait que mesurer.
• Cela va donner la conception top-down du droit : volonté du législateur tombe sur les personnes.
• Premiers ressorts des droits subjectifs et de l'individu : il n'y a plus de société en soi chez lui, il
n'y a plus de zoon politikon -> on va commencer à réduire le droit à l'individu.
Preuve : Saint-Augustin écrit des confessions - elles s'écrivent avec un "je" -> c'est la première fois dans
l'histoire qu'un auteur occidental insiste sur le je = donc pas de citoyen, pas de membre du groupe, mais
une personne en tant que telle.
-> On y trouve la base du cogito de Descartes : "Je pense donc je suis" -> il pense d'abord à lui, à ses
introspections, pour l'appliquer sur tous les autres. Descartes redécouvre le monde par l'introspection :
il n'a pas besoin du monde, du groupe, il n'a besoin que de lui. -> Début de l'individualisme.
Explique que le Moyen-Âge soit augustino-platonicienne.
Rousseau : contrat social - vision moderne du droit où tout le droit nait par contrat, et donc par les
individus qui se mettent d'accord. -> Le grand livre de Rousseau : les confessions - il reprend le titre de
Saint Augustin.

La matrice des droits subjectifs est déjà là, même s'ils ne naissent que beaucoup plus tard avec Scott et
Occam : naissance des ressorts de la modernité.
• Scott : réduction de tout à l'individu - dominalisme.
o Et les fondements des droits subjectifs -> aujourd'hui vu qu'on les a repris, on pense le
monde de manière augustinienne et occamienne.
Problème : on n'est du coup plus capable de penser au bien commun.
Malgré la lourdeur de la tâche épiscopale, il n’aura de cesse de combattre par ses écrits les hérésies,
chrétiennes ou non. Son œuvre est en très grande partie théologique et ne devrait, à ce titre, guère
intéresser le juriste. / ! / Pourtant, le philosophe du droit y trouvera certains des traits les plus marquants
de la conception moderne du droit, en particulier la loi : le droit-commandement, son orientation verticale
(top-down), une certaine coloration subjective ou « individualiste » (primauté du pôle, de l’individu, par
rapport à la relation, au groupe). Le « je » des Confessions d’Augustin se retrouvera dans le cogito ergo
sum (je pense dans je suis) de Descartes et deviendra, via ce dernier, l’un des signes de reconnaissance de
l’individualisme, marque de la modernité que l’on retrouvera sous la plume de Rousseau, là encore un
« je » parlant dans des confessions.

-> A l’époque , on était dans une grande période de néo-platonisme : on découvre Platon, que l'on
interprète de façon chrétienne. Saint Augustin va devenir alors un passage obligé pour tous les juristes
médiévaux.
-> Tous les étudiants vont biberonner du néo-platonisme de ce fait.
La Renaissance va devenir purement Platonicienne : mais on va y regarder Saint Augustin parce
que plus conforme à la pensée chrétienne -> on va être purement augustinien.
Preuve : les protestants sont purement augustiniens
L’augustinisme influença profondément la pensée chrétienne, non seulement dans ses dimensions
théologiques mais politiques également, y introduisant de nombreux éléments de platonisme et de néo-
platonisme. Il fut très vivace durant tout le Moyen-Âge et continua d’influencer les philosophes modernes
à travers les doctrines de Scot et d’Occam en particulier, moines de l’ordre franciscain, ordre très marqué
par la pensée augustinienne.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Influence sur notre manière de pensée la politique, le droit = notre pensée occidentale.
On a toujours cela aujourd'hui : notamment dans les Etats plus protestants - dur, mais grandeur ex :
USAs avec les punitive damages.

SECTION 2. L A DOCTRINE DE L’« ILLUMINATION »


Théorie de la connaissance : épistémologie - comment Augustin conçoit la connaissance du monde par
l'homme ? Une fois que l'on saura cela, on pourra regarder comment l'homme réalise la justice.
-> La doctrine de l'illuminatio : la lumière, luce.
-> Preuve que Saint-Augustin a influencé tout le droit postérieur : le siècle des lumières - de la
connaissance / du savoir.
C'est une reprise du mythe de la Caverne de Platon : on est dans le noir - on doit aller vers la lumière.
Ex : Erklären - rendre clair, illuminer - mettre dans la lumière.
➔ Selon Aristote : dans le langage que l'on pratique, on voit la pensée du peuple et donc
l'orientation d'une société - dans notre langage, on voit donc que l'on est influencé par Saint
Augustin et Platon.

Pour Augustin, connaitre pour un homme, c'est avoir dans son esprit les essences telles que Dieu les a
dans son propre esprit = connaissance vraie.
Dieu a une certaine connaissance des choses dans son esprit, la plus pure vu qu'il les crée - pour les
humains, le but sera que sa connaissance corresponde à celle qu'a Dieu du monde.
-> On trouve donc déjà un critère profondément juridique : on parle déjà de con-formité
• Pas forcément au sens de l'apparence
• Mais au sens d'eidos : Idée comme Platon - on est déjà dans un système de pensées où les idées
sont a-priori. -> Les idées sont déjà posées, indépendamment du concret, et les personnes doivent
juste avoir un comportement conforme à ces idées posées.
= la même chose que l'on a aujourd'hui : on ne demande pas de réfléchir au contenu de la norme, mais
de l'appliquer : on doit trouver un résultat conforme à la norme, qu'importe si elle est injuste. Kelsen dit
même que le juriste ne doit pas regarder la balance des valeurs faite par le législateur, il doit juste
l'appliquer. Cela s'explique par notre devoir d'être conforme.
Saint Augustin n'aura donc pas beaucoup de droit naturel.
= on fait de l'illuminatio : on reçoit du législateur les lumières de sa volonté et on doit juste les appliquer.

On voit donc bien les idées de Platon chez Augustin.


Cela veut dire que toute connaissance vraie pour l'homme ne s'acquiert que dans la lumière du seigneur
: fiat lux - Dieu fit la lumière : sépara les ténèbres de la lumière. On trouve donc une analogie entre le
discours chrétien, où seule la lumière importe, et la pensée de Platon ( ex : mythe de la caverne) -> deux
grandes sources de l'occident, qui fait que tout notre vocabulaire de la connaissance encore aujourd'hui
tourne autour de la lumière.
Dans la ligne de la pensée platonicienne, Augustin soutient une théorie de la connaissance dite par
« illumination » (du latin illuminatio). La connaissance que l’homme prend du réel n’est authentique, vraie
que si les essences, « raisons » ou principes qu’elle découvre correspondent (mieux, sont conformes) aux
idées que Dieu a des mêmes objets. Il n’est pas difficile de voir, à ce stade déjà, un profond parrallélisme
avec les Idées platoniciennes.
Par connaissance, il ne saurait y avoir de connaissance vraie que dans la lumière du Seigneur.

Tout doit se prendre dans la lumière du Dieu « Tout don excellent, toute donation parfaite vient d’en haut et
descend du Père des lumières, chez qui n’existe aucun changement ni l’ombre d’une variation »
• Descend : top-down -> comme le positivisme légalisme : toute connaissance / donation opère top-
down / descend.
• Il n'existe aucun changement : c'est la même chose que la chute de Platon.
o Homme : il est dans le changement, dans la caverne chez Platon, parce que l'âme est tombée
dans un corps. Il va donc changer (naitre, croitre et mort) parce qu'il est dans un corps.
o Mais Dieu ne change pas - permanent.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• L'illuminatio élève l'homme : comme Dieu est en haut, quand on voit la lumière, on est exhaussé
à Dieu et donc remonté vers lui.
Comme chrétien, l'homme pense qu'il est une créature ex : preuve dans le préambule de la Cst
Qui dit créature, dit créateur, dit perfection -> donc nous sommes des imparfaits.
• La seule chose qui intéresse Saint Augustin c'est la relation entre le créateur et la créature : cela
fait que si on ne regarde que ce rapport vertical, alors on n'a pas besoin des autres : le but d'une
personne est juste de remonter vers Dieu, seul, et on a aucune importance de la politique.
o Le droit va donc être complètement minorisé dans cette idéologie-là.
• Le savoir élève donc la créature vers le créateur.

Mais quel est le propre du créateur par rapport à la créature ? Dieu aurait créé l'homme à son image →
mais en moins bien.
Qu'est-ce que les chrétiens ont reproché au dieu des juifs ? Il serait arbitraire, violent, colérique. -> Le
dieu chrétien serait lui un dieu d'amour.
Pour Augustin, on connait donc dieu par l'amour =/= l'épistémée. La connaissance elle-même se fait
dans la lumière et donc l'amour de Dieu -> on aura donc une connaissance, mais sans intelligence. La
connaissance sera dans l'amour que Dieu nous porte.
Il y aura un mépris de la connaissance intellectuelle chez Augustin : parce que la première valeur,
ce sera l'amour de Dieu. Ce sera par l'amour de Dieu que l'on pourra atteindre une certaine vérité
et donc la vérité.
-> On migre complètement d'un droit pensé sur l'avoir (les partages, etc.) à un droit pensé sur l'être (avec
l'amour !) -> En effet l'amour touche l'être et non l'avoir. Le droit sera donc plus pensé individuellement
: c'est le début des droits subjectifs.
L’amour ne sera ainsi donné qu’à ceux qui le méritent.
L’illumination élève l’intelligence humaine pour la faire entrer en relation d’amour et de connaissance
avec les réalités les plus parfaites (et donc les seules vraies) : les idées divines.
On se demandera, en toute légitimité, en quoi le droit est concerné par cette conception de la connaissance
→ trois enseignements majeurs de la théorie de l’illumination.

On peut tirer trois enseignements de cette théorie de la connaissance :


• Platon : Dieu met des idées en nous qu'il réactive - toute connaissance théorique ou pratique nous
vient de Dieu, qui est le très haut (en haut), nous sommes donc en bas. La connaissance va donc
du haut vers le bas
o Montre la vision du droit aujourd'hui : top-down - qui va du haut vers le bas.
Le mouvement d'une pensée vraie va donc en effet toujours du haut vers le bas.
On n'a donc plus besoin de l'observation / la comparaison du réel pour connaitre le réel (Aristote)
: on peut connaitre parfaitement le monde sans voir le réel.
Scott et Occam diront que l'on peut même connaitre des choses qui n'existent pas.
Augustin : Dieu met des idées des choses dans notre tête - qu'importe si elles existent concrètement
ou pas, on va les connaitre. (idéalisme)
Montre droit d'aujourd'hui : à part en Suisse, on ne regarde pas la commensurabilité des normes. La
réalité théorique du dirigent crée des normes qui tombent sur les citoyens. Est-ce commensurable ? On
n'en sait rien - du coup, on met des sanctions pour que la réalité pratique respecte la réalité théorique du
législateur.
On peut donc se contenter de la simple conformité : il n'y a donc plus aucune discussion sur le
contenu en tant que tel.
On est purement dans des morales de l'a-priori : au sens de l'a-priori causa = sans cause. -> C'est
donc exactement l'inverse de l'observation : la connaissance vient chez Aristote de l'observation
du réel (cause - on crée le concept par le réel : a posteriori : on crée le concept par l'expérience)

A prori : on ne revoit pas ce qui est décrété par le législateur -> sans expérience. Ex : preuve - Art 190 Cst
: le juge, homme, ne peut revoir la volonté du législateur, le Dieu.
A priori : on en trouve beaucoup aujourd'hui ex : Grundnorm - personne ne l'a trouvée, ne l'a constatée - c'est
une existence logique : elle n'existe pas en vrai, mais on l'a posé et maintenant on l'applique (a-priori, sans
connaissance)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Drôle : c'est une conception théologique que l'on utilise comme base d'une science.

Tout le rationalisme moderne reprend cette idée : elle est top-down, mais basée sur la raison. Quid de la
raison ? Une, universelle, éternelle - comme Dieu.
-> Les Lumières ne font que reprendre les caractéristiques de la théologie, en remplaçant Dieu par la
raison. On pose juste cela, a-priori, sans avoir besoin du contexte.
-> Si on n'a plus à considérer le contexte, de quoi peut-on se passer ? De juge : parce que
l'application du droit serait purement théorique. Le cas ne porterait plus rien à l'application de la
loi, il serait complètement neutre.
/ ! / Problème pour un bon juriste : parce que ce sont les cas qui font la loi ex : CIC - ne vient pas de
l'Art 2 - déductif. -> de plus pas besoin de la loi si on n'a pas de cas au fond, vu que ce sont eux qui
la crée.
Art 1 CC : on voit que l'on n'a quasiment plus besoin des cas. -> La jurisprudence est en dernier :
c'est la dernière source du droit, donc on est censé s'en foutre. -> Donc on définit le droit comme
une praxis : activité humaine qui doit résoudre des problèmes concrets, mais on dit que l'on n'a
pas besoin des cas.
Plus logique une common law : on a besoin que des cas.
Pensée théologique alors que l'on pense être rationaliste.

Quid pensée de l'a-prori dans une coutume juridique ?


o Premier élément : longue pratique - on l'a constaté dans un modèle aristotélicien.
o Deuxième élément : on le considère comme obligatoire, alors que ce n'est qu'une habitude
que tout le monde applique. -> On aurait donc une pensée que c'est obligatoire
juridiquement, alors qu'au fond il n'y a encore rien de juridique = a priori.
On a la conviction que le comportement est exigé juridiquement, alors que ce n'est pas le cas vu que ce
n'est qu'une habitude encore pour le moment : parce que l'aspect juridique de la coutume découle de sa
reconnaissance. Pourtant, on dit que l'on a l'idée a-priori qu'il y a une règle de droit.
Idée a priori juridique -> donne du juridique.
/ ! / Pas logique ! -> Comment peut-on avoir une conviction juridique alors que l'on cherche une source
du droit ? Comment avoir une conviction juridique alors que cela doit découler de la coutume ?
• On prétend que le droit va découler de la coutume, alors que l'on utilise déjà le mot
juridique : tautologique. On a posé qu'il y avait du droit.
• C'est a priori : on a posé que c'était juridique - c'est comme le contrat social. Du contrat
social découle l'ordre juridique, mais le contrat est une forme juridique. Comment on
sait que c'est un contrat, vu que c'est une forme juridique, et qu’il n’y a pas encore
d’ordre juridique ? Il y a du juridique, alors qu'on découle du contrat le juridique.
On peut donc avoir du droit sans aucun cas, uniquement conforme à la pensée de Dieu pour Saint-
Augustin. C'est a priori comme le positivisme juridique.
Ex : Kelsen - normativisme : on ne regarde que la loi et pas les cas.

Pendant des siècles, cela vient d'en haut, c'est top-down, cela se réalise dans les commandements divins.
Ce qui guide notre vie pratique, on retrouve l'ensemble des commandements. On laisse les contenus. On
a simplement changé l'auteur des lois.
/ ! / : Saint-Augustin était conscient que cela ne venait pas de Dieu mais des rois. Mais son idée c'est
que le pouvoir terrestre vient de Dieu. Notre pouvoir est légitime parce qu'il vient de Dieu. Rendre la
justice est un pouvoir de Dieu donné à l'homme. Preuve -> juge scélérat doit être écorché à vif =
condamnation à mort très douloureuse. Ce sont des vices-dieux, représentant de dieu sur terre. On a cette
verticalité descendante, qui donne le pouvoir de rendre la justice.
1) Toute connaissance, théorique ou pratique, vient de Dieu, le Très-Haut, donc d’en haut : le
mouvement de la pensée (vraie) s’opère top-down, verticalement, en descendant. Cette vision
pénétrera intimement la culture occidentale au point qu’il apparaitre norma, dès siècles durant,
que toute realité se détermine non pas par observation – comparaison des réalités sensibles et des
discours mais par « con-formité » avec des idées, essences ou « formes » (du grec eidos, idée,
essence) a priori.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

L’expression a priori vient de « a priori causa », c’est-à-dire sans cause, non causé : en particulier, rien ne
cause Dieu. On retrouvera la même structure de pensée dans le rationalisme moderne qui place au top
du top-down des substituts de Dieu (la Raison, la Nature, le Sujet transcendental, etc.) Au mieux
considèrera-t-on cet a priori comme seulement supposé, voir comme une simple fiction, une exigence
logique et non une affirmation « ontologique » d’existence réelle, ainsi que fit très honnêtement Kelsen à
propos de la Grundnorm.
Face à des âmes habituées des siècles durant à recevoir la vérité d’en haut, qui plus est sous forme
de commandements « divins », le processus de laïcisation de la société se contentera, dans un premier
temps, de substituer « en haut » l’homme à Dieu, amorce de l’humanisme. Les commandements n’en
continueront pas moins de tomber, top down, top désormais aux mains des empereurs , rois et autres
principes, éclairés ou non.
Il est vrai que, dans la pensée augustinienne, tout pouvoir terrestre vient de quelque manière de
Dieu, marquant là aussi pour des siècle le droit au sceau de la verticalité descendante.

• 2ème élément : la logique juridique sera forcément top down. On déduit la solution du cas de
quelque chose.
o / ! / Mais pas logique réellement, parce que la majeur doit être nécessaire pour faire de la
déduction, ce qui n'est pas possible en droit.
Face au commandement, on doit obéir peu importe notre condition. -> On n'est rien face à Dieu, donc
égalitarisme.
Le commandement (de Dieu) est donné et il descend de manière top-down. -> On peut donc négliger la
contingence, les cas, le contexte.
"Subsumieren" - théorie de la qualification : on doit mettre le cas sous la bonne catégorie juridique. Tout
est déjà en place, a priori, et on doit juste mettre les cas dessous : tout le droit serait arrêté a priori en
catégories légales sur lesquelles on applique les règles de droit correspondantes.
La traduction logique de cette orientation métaphysique est la déduction, c’est-à-dire un mouvement
d’inférence (tirer des conséquences de) se développant de haut en bas : on part des commandements (de
Dieu, du roi, du législateur) dont on déduit logiquement les conséquences, sans avoir à prendre en compte
les particularités d’en bas puisqu’elles sont toutes, par définition, contingentes, soumises aux changements
et donc moins variées.
Cette structure de pensée va se retrouver au cœur de la conception moderne du droit : le droit y
est défini comme un ensemble de commandements assortis de sanctions par la force publique et dont
l’application aux cas particuliers s’opère suivant la figure du syllogisme juridique : la loi fonctionne comme
prémisse majeure du syllogisme, le cas comme prémisse mineure, leur enchaînement déterminant
mécaniquement la sanction. → Par exemple, le vol est, admet-on, puni par 3 ans de prison (la majeure) :
Anaxagore a volé un bijou (la mineure). Alors s’ensuit nécessairement, du point de vue logique que
Anaxagore sera puni de 3 ans d’emprisonnement.

• 3ème élément : on est même capable de lui donner une forme spécifique (pour le top-down) -> le
syllogisme : pure conformité formelle = pure logique formelle.
C'est donc de la logique qui ne s'occupe que de la forme. Elle ne s'occupe donc pas du fond, du contenu.
La forme du syllogisme est donc une forme, qui, par définition, néglige le contenu.
-> On applique le commandement de Dieu dans le cas par syllogisme, sans regarder le contenu du cas.
o Comment est-ce possible ? Sachant que la loi est générale et abstraite, le cas singulier et
concret, et qu'il n'y a pas de méthode formelle pour passer de l'un à l'autre : le syllogisme
n'est qu'une démarche au fond, en réalité, que de présentation du droit, et non d'effectuation.
Pourquoi Augustin pense que l'on peut passer directement de la loi au cas ? Grâce à l'illuminatio : Dieu
peut très bien mettre en nous, puisqu'il est parfait, la connaissance parfaite du cas singulier. On aurait
donc un lien entre Dieu et l'individu qui permet de passer directement de la loi aux cas.
C'est cohérent dans une pensée théologique, moins laique.

Respect de l'idée de conformité : on doit regarder si le cas est conforme aux commandements. -> Tout
se résume à la conformité : à la même forme que la loi. Il faut donc obéir au commandement, le contenu
n'a plus d'importance, seule l'obéissance compte. Obligation a priori, sans cause. ( ex : Art 190 Cst)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Ex : citation de P. Abravanel - le travail du juge est de respecter les seules écritures (même pensée que les
protestants) (différence entre catholiques et protestants : les catholiques auraient instauré une immense
tradition entre la Bible et les créatures, et les protestants veulent l'enlever : on ne veut que les seules écritures
- on veut que par la lecture de la Bible, on soit directement en lien avec Dieu, sans intermédiaire)
-> Dans le droit : ce serait juste lire la loi, et on serait en lien avec le droit : sans doctrine, sans
jurisprudence.
/ ! / En réalité, pas de syllogisme : le juge a une idée de la réponse, avec les articles, et on construit a
posteriori le syllogisme. -> On a d'abord le dispositif, et on construit le raisonnement.
Cette conception logiciste ou logicienne va de pair avec une conception du juste entendu selon le critère
de « con-formité ». Par conformité, on entend ici « qui présente la même forme, c’est-à-dire participe à la
même eidos » ou « forme » au sens d’essence, d’idée, en l’occurrence d’idée divine ou a priori : un
comportement humain n’est juste que s’il se calque trait pour trait sur le commandement tel que prescrit
par le supérieur, s’il présente la même « forme ».
La seule attitude exigée des individus consiste alors à obéir, précisément à se conformer dans la
plus stricte fidélité à ce qui est prescrit. Le juge Abravanel parle d’ « obéissance aux sola scriptura » à
propos de cette métaphysique de la conformité – formule malicieuse mais pertinente vu les origines
théologiques de la loi moderne marquée par le commandement et la verticalité. En effet, seul est pertinent
ce qui est écrit dans la loi ; les circonstances particulières du cas apparaissent comme secondaires et donc
négligeables.

SECTION 3. L’OBÉISSANCE AUX LOIS HUMAINES


Sans qu'Augustin ne l'ait voulu, sa théorie va poser des problèmes politiques et juridiques centraux :
doit-on obéir aux lois humaines injustes ? Que fait-on si les lois sont injustes ?
-> Saint Augustin : il a une solution extrêmement rigide, et injuste - elle sera reprise par tous les
gouvernements totalitaristes.
Pour cela, il faut revenir à la théorie des deux cités d'Augustin, qui va influencer toute la
Renaissance. Dans la "cité de Dieu", Augustin décrit la nature humaine croyante (parce que les
incroyants sont à convertir) - ils sont déchirés entre deux appartenances :
• Celle à la cité de Dieu : cité parfaite, complète royale
o Cité mystique à laquelle nous aspirons tous
• Celle à la cité des humains : faites de tromperie, de méchanceté, d'adultération, de devenir.
o La cité ici-bas.
Sur terre, on a l'Eglise qui permet la réalisation des hommes pour aller à la cité de Dieu, mais le reste de
la vie de l'homme se fait dans un monde juridique donné - dans l'homme, les deux cités s'entremêlent :
une personne vit dans une cité politique donnée mais a envie de vivre finalement ailleurs.
L'homme aspire donc à une vie exhaussée, mais il reste coincé ici-bas. Quid de la pensée d'Augustin ?
• Dieu a voulu que l'homme passe sur terre : c'était dans le plan de Dieu. -> En ce sens-là, on doit
l'accepter pleinement. C'est une épreuve que Dieu envoie aux humains (même si on ne la
comprend pas - les voies du seigneur sont impénétrables) = passage sur terre avec gros dos.
-> Le but de cette épreuve est d'aller vers le salut : le retour de la créature vers le créateur.
• Donc Augustin accepte toutes les institutions temporelles, même les plus dures, parce que ce sont
des épreuves qui permettent d'aller au final retrouver Dieu. Seules exigences : qu'elle ne soit pas
contraire à la Bible pour que les chrétiens puissent exhausser leur foi chrétienne - on doit juste
pouvoir aller prier et faire des actions de grâce.
Deux raisons :
o L'ordre politique, même très dur, permet de garder des exigences minimales de sécurités /
un ordre - principe de la sécurité juridique que l'on trouve aujourd'hui : on s'en tient à la loi,
même si elle n'est pas juste, pour garantir la sécurité et l'ordre (dura lex, sed lex)
-> Cela permet une quiétude, une paix sociale. Grâce à cela, on peut prier et faire des actions
de grâce.
o Deuxième raison (que l'on trouve chez les totalitaires - les dures) : de toutes façons, toutes
les institutions humaines sont mauvaises, parce que l'homme a chuté - comme pour Platon,
l'âme a chuté dans un corps (ex : plein de libido qui fait que l'on a de cesse de pêcher)
• L'homme est intrinsèquement mauvais, y compris dans son essence - les protestants.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

=/= catholiques : l'homme n'est pas mauvais dans son essence, mais son existence est
mauvais.
Toutes les institutions humaines sont injustes, alors faites le gros dos si c'est dur.
-> Cela va être repris par toutes les institutions temporelles.
Augustin accepte donc que les lois soient injustes : pourquoi ? Parce que les hommes sont injustes donc
feront de toutes façons des lois injustes. Seul Dieu fait une loi injuste.
=/= Grecs : les lois sont justes.
Il faudra quand même les respecter, parce que toutes les lois sont mauvaises -> on réduit donc l'animal
politique : comme on ne peut plus démarquer le juste de l'injuste, vu que tout est injuste, on n'a plus
d'animal politique dont le but est de trouver le juste dans la société (Aristote). On doit, pour être juste,
uniquement appliquer les commandements - qu'une morale de l'obligation a-priori - strict critère de la
conformité.
Avec la thématique de l’obéissance aux lois humaines, les écrits du théologien Augustin rencontre, même
si cela n’était pas leur but, la philosophie du droit occidentale. → Cette thématique prend sa source dans
l’une des thèses de l’augustinisme, dont l’influence s’étendra jusqu’à la Renaissance au moins : la doctrine
des deux cités.
Dans la Cité de Dieu, Augustin décrit la vie de la créature humaine en tension entre deux
appartenances, deux cités : l’une d’ordre mystique – la cité de Dieu – qui toutefois trouve quelque
incarnation dans l’Eglise chrétienne, l’autre de nature plus matérielle – la cité terrestre, là il faut nous vivre
au quotidien. → Aussi longtemps que nous allongeons le pas sur terre, les deux cités s’entremêlent, quand
bien même notre véritable patrie reste-t-elle la cité de Dieu. → Où l’on retrouve des accents platoniciens,
de deux mondes séparés, d’une âme appartenant au monde supérieur et tombée dans le monde inférieur
auquel elle demeure attachée par le corps, sa prison, son tombeau.
Le pèlerinage terrestre entre toutefois dans le plan de Dieu : il a sa part dans notre marche vers
le salut, quand bien même les voies en demeurent souvent obscures. C’est précisément par respect pour
le dessein de Dieu, même impénétrable, qu’il convient d’obéir aux institutions humaines, pour autant
qu’elles ne contreviennent pas aux préceptes bibliques. Le regard sur celles-ci se porte donc toujours dans
la perspective chrétienne du salut de l’homme.
Aux institutions humaines, il convient d’obéir en tant qu’elles confèrent un minimum d’ordre et
de sécurité à la cité, ménageant ainsi une certaine liberté, une certaine quiétude, à l’homme qui peut dès
lors se consacrer à la prière et à l’action de grâce.
En ce sens, et du fait aussi que tout pouvoir terrestre vient de Dieu, les institutions participent à
notre salut quand bien même elles ne sont porteuses d’aucune justice véritable, puisque toute justice
n’existe qu’en Dieu, là où la Chute et le péché n’ont plus prise. Dans cette perspective, toute loi ou
institution humaines s’avère intrinsèquement injuste.
En prônant l’obéissance à des lois humaines injustes par nature, Augustin prend une position à contre-
courant de la philosophie politique classique de l’Antiquité. C’est que la cité terrestre n’est plus le lieu
dans lequel l’homme exerce sa nature la plus intime, concrétise son essence d’ « animal politque ». Son
être le plus profond, sa nature, se donne dans l’état de créature, la remontée vers le créateur étant le seul
chemin véritablement désirable ici-bas. Et les lois humaines, mêmes celles tyranniques, participent, fût-ce
de manière incompréhensible, à la marche vers le salut.

Pourquoi on peut juger qu’une loi est injuste (en général, aujourd'hui) ? droit de l’homme ou citoyen, il
faut un corpus de loi qui excède le droit positif.
D'Acquin : Toutes les institutions humaines sont injustes donc la justice est injuste - parce que pas autant
parfait que Dieu.
• On installe l’idée d’un positivisme, n’est droit que ce qui est dit par le législateur. (ici Dieu)
On a un ressort du positivisme juridique dans sa position la plus froide. On n'a plus réel équivalent
du droit naturel (ev. droit de Dieu).
o C'est pour cela qu'aujourd'hui on a les droits de l'homme : droit de l’homme, on peut éviter
le positivisme juridique strict, contraire aux droits de l’homme.
La position d’Saint-Augustin est dura lex sed lex, c’est de la sécurité juridique. Sécurité juridique très
marquée malgré un droit très injuste, c’est un mauvais critère.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Hobbes, on a cette vision, contrat social -> on construit notre système politique. Le pouvoir du tout
puissant s'y impose au moins puissant, comme le Léviathan. -> C'est une vision très verticale, de
potestas, de force : on ne regarde pas le contenu.
Pour ces raisons, Augustin soutient le respect des lois humaines, par où s’annoncent certains thèmes
traditionnels du positivisme juridique, par opposition au droit naturel (notamment dans sa fonction
critique) : il assure l’ordre public, garantit la sécurité juridique, prend acte du phénomène du pouvoir, fort
jusqu’à imposer à tous ses propres vues.

-> Seule marque d’un éventuel droit naturel : Saint Augustin : on a la Bible avant tout, et cette fidélité à
la Bible va nous permettre certaines positions particulières en matière de politique juridique : l'évangile
doit être la source première du droit - par l'évangile, on a les commandements de dieu : cela doit être la
source directe du droit. Pourquoi ? Parce que la loi ne peut pas être injuste si elle vient de Dieu, qui veut
le bien de ses créatures.
Il construit le système sur l'évangile, c'est un ensemble de règles morales -> On voit la pénétration
du droit par la morale.
Grand lecteur de la Bible, laquelle lui fera adopter des vues originales sur l’ordre politique en général et
l’ordre juridique en particulier, Augustin mettra l’accent sur l’Evangile comme source première du droit
avec pour conséquence, en théorie générale du droit, de fondre le droit dans la morale.

SECTION 4. UN DROIT FONDU DANS LA MORALE


On sent de mieux en mieux les sources des droits subjectifs : par lequel on reconstruit tout l'ordre
juridique (ex : Art 7 Cst - la dignité humaine : on veut reconstruire le droit sur cette notion purement morale )
-> L'Art 7 Cst condamne de ce fait tout Rechtswissenchaft : si on a la dignité humaine au
fondement du droit, c'est un jugement de valeur. Et on ne peut pas faire de sciences sur la base
d'un jugement de valeur - c'est imminemment subjectif, alors que la science se revendique
objective = le positivisme se mord la queue.

3 sources devraient éclairer le droit positif des humains


• La loi naturelle
• La loi mosaïque (de Moise) : ère chrétienne est héritière des juifs.
• Les évangiles : avec le nouveau Testament.
Comment penser l'ordre juridique de ce fait ? Il faut comprendre l'importance des trois sources.
Si, traditionnellement, l’on distingue dans la pensée augustinienne trois lois comme sources du droit – loi
naturelle, loi mosaïque et loi évangélique -, seule la dernière présente une substance suffisante pour fonder
un ordre juridique viable, c’est-à-dire plus ou moins complet.

1. La loi de la nature
NB : Ces théories ne valent que si on n'est pas illuminé, pas l'illuminatio - lumière par l'amour de Dieu.
Parce que si on est illuminé, on a une connaissance parfaite de la vie - sauf que ce n'est pas toujours le
cas. → Ex : si on pêche, on ne va pas nous illuminer, si on ne croit pas etc.

Comme chez Aristote, il y a bien une source, qui est la loi de nature, mais on n'en tire pas beaucoup de
renseignements - on n'a pas de catalogue. Elle sera donc insuffisante pour faire un ordre juridique entier.
-> Pourquoi ? La loi de nature c'est l'ordre imposé par Dieu à toute la nature :
• Ordre dans les deux sens du terme
o Commandement
o Ordonnancement
Que devient la justice dans le cadre de la loi de nature imposée par Dieu ? Cela devient de la pure
obéissance aux lois de la nature -> Raison profonde pour laquelle un coq a été condamné à mort parce
qu'il avait pondu un oeuf, on condamne des insectes qui mangeaient les récoltes à les sortir de l'ordre de
la création de Dieu.
Pourquoi ? Parce que tous les êtres sont égaux face à Dieu - on peut donc faire des procès pour les
animaux (avant cours spéciale, avocats, procureurs pour les animaux) -> on voit donc que le statut des
animaux a régressé.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

-> On doit tous obéissance à la loi de nature : l'ordre est sous nos yeux, vu que la nature est là sous nos
yeux. -> Tous les êtres ont donc facilement accès à cette loi parce qu'elle est autour de nous, elle est
sous nos yeux.
/ ! / Même si c'est autour de l'homme, il n'en a pas une connaissance précise : il a même une
connaissance très médiocre. -> Pourquoi ? Parce que l'homme a chu dans le corps : l'âme de
l'homme a chuté dans le corps, qui est donc intrinsèquement mauvais -> son âme/sa raison est
médiocre.
L'usage d'une raison médiocre ne peut pas lui donner une connaissance certaine - connaissance
limitée et certaine. -> Il ne pourra pas tirer grand-chose de l'ordre juridique de la loi de nature.
Quid différence Aristote ? Aristote sait que les humains n'ont pas une connaissance fine de la nature.
Mais il ne le reproche à personne : il regarde les hommes et il se rend compte qu'ils sont finis ( ex : tout
puissant) -> pour Aristote, la limitation des connaissances de la nature humaine vient de la finitude
humaine : anthropologie de la finitude : discours de l'humain qui a connaissance de sa nature.
-> Ici, c'est plus triste, parce que c'est la chute de l'âme dans le corps. -> Parce que nous sommes
des êtes adultérés, vils, mauvais. -> On a une téologie de la chute : contexte noir.
Aristote embrasse le point de vue de l'homme pour l'examen de la nature et de la loi naturel.
Mais Augustin se base sur la vision de Dieu, parfait : les hommes sont donc imparfaits et ne
peuvent pas connaitre la nature.
La loi de nature : on peut la définir comme l’ordre imposé par Dieu à l’ensemble de la nature, la justice
devenant simplement l’obéissance à cet ordonnancement. Cet ordre étant « sous nos yeux », il est
accessible à tous, croyants ou non. Toutefois, ses enseignements sont très modestes, pour une raison de
fond qui distingue radicalement la nature d’Augustin de celle des Anciens : à cause de la Chute, l’homme
n’a qu’une vision tronquée de la nature, sa propre essence étant corrompue, adultérée par le pêché
originel. → On est loin ici de la finitude des capacités ou facultés humaines à laquelle avaient été si
sensibles les Antiques : on pourrait ainsi opposer l’anthropologie de la finitude d’Aristote à la théologie
de la Chute d’Augustin, soient deux constats radicalement différents de la finitude humaine : la première
adopte le point de vue de l’homme, alors que la seconde celui de Dieu. Quoi qu’il en soit, cette justice
naturelle n’est guère à notre portée et il faudra la compléter par d’autres sources du droit.

2. La loi de Moise
Lois de Moise : une partie de la justice était dans la Tora - mais dans la pensée chrétienne, le nouveau
Testament est un dépassement. Cette loi est donc obsolète selon lui, même si ce n'est pas logique
théologiquement.
La loi de Moïse : il s’agit ici de la justice émanant de la partie de la Bible nommée Torah. Selon Augustin,
cette justice se trouve dépassée, depuis la venue du Christ, par la loi évangélique.

3. Les Evangiles
C'est la seule source politco-juridique. Ce sont les commandements de Dieu directs, qui s'adressent
directement aux humains. C'est la conduite juste
/ ! / C'est le droit ou de la justice qui n'est pas du tout liée à l'observation, à l'inductivité. C'est n'est pas
lié à la raison, parce que cela ne fait pas partie d'un corpus : c'est de la pure foi, de la pure fide/confiance.
Bonne foi - la foi est éminemment morale.
C'est la morale qui donne le fondement du droit. Il n'y a donc plus de distinction entre la morale
et le droit. Notre comportement pour être juste doit être juste moral, et il sera conforme au droit.
-> Il disparait deux choses, deux éléments caractéristiques du droit :
• Une relation : on n'a plus besoin de la relation à autrui pour nous définir, pour suivre l'évangile,
pour se comporter de manière conforme.
o On peut penser, contrairement aux grecs, un droit qui n'est plus relationnel.
• Deuxième perte : l'idée du bien vivre ensemble (la finalité même du droit pour les grecs), parce
qu'il ne reste plus que l'obéissance à l'évangile.
o On dit que si on respecte l'évangile, tout ira bien, mais dans l'haut delà. On ne regarde plus
le bien vivre ensemble ici.
o Tout dépend de Dieu maintenant : il n'y a plus que de la verticalité, plus d'horizontalité, de
bien commun.
Il n'y a donc ni besoin d'observation, ni de raison

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Il ne reste qu'une métaphysique de l'obéissance : on doit obéir à la loi, sans regarder le contenu, parce
que cela vient de Dieu -> c'est un peu triste pour le droit : morale de l'obligation a priori.
-> Pour être un homme juste, il faut juste suivre sans discuter ce qui est poser dans les évangiles a priori.
= Art 190 Cst - ce qui a été posé par le législateur ne peut pas revu. C'est comme si on disait que la
parole du législateur était parole d'évangile - le juge ne peut pas revenir sur la parole du législateur,
même si elle viole la Constitution.

Que se passe-t-il pour tous les méfaits qui n'auraient pas été sanctionné pendant le passage sur terre ?
(Ex : crimes commis mais on ne peut pas juger les auteurs )
-> Vision idéaliste et non pragmatique du droit : ces crimes seront punis dans l'au-delà, donc ce ne sera
pas si grave qu’ils ne soient pas punis ici bas. Idée : les institutions mauvaises ne sont que ce qu'elles
sont, il ne faut pas en demander plus, parce qu'ils sont mauvaises. -> Ce sera compensé par le jugement
dernier : il viendra expier ceux qui n'ont pas été puni.
Le droit se prolonge en dehors de la vie sur terre : cela montre que c'est une vision très idéaliste.
Même si plus cette idée aujourd'hui, on garde une vision top down.
La sanction est donc très importante : parce que la sanction dure plus loin que la vie, alors de toute façon,
on sera puni. On a donc commandement - obéissance - sanction : trilogie à la base du droit. -> Canon
du droit positif encore actuel.
/ ! / Mais on embrasse la sanction après la mort, c'est la théologie, selon Dieu, parce que la sanction
n'a plus d'importance pour les humains après la mort.
La loi contenue dans les Evangiles. Elle est la seule qui puisse guider avec quelque certitude l’homme
pendant son pèlerinage terrestre. Elle ne fait particulièrement appel ni à la raison, ni à l’observation de la
nature, enracinant clairement le juste dans la morale. Le droit perd toute spécificité par rapport à la morale
évangélique « englobante » : la double propriété du droit à savoir a) la relation à l’autre b) sous l’égide du
bien vivre ensemble, est court-circuitée par la doctrine de l’illumination. L’homme, en effet, reçoit
directement de Dieu les éléments d’une connaissance vraie (y compris celle du juste), pour l’obtention de
laquelle ni la raison, n l’observation de la nature ne sont d’un grand secours.
Ne demeure, au fond, qu’une métaphysique de l’obéissance, à savoir la définition du juste comme
simple conformité aux commandements reçus d’en haut. Par là, se découvre l’une des figures centrales
de la philosophie du droit (et plus largement de l’éthique) occidentale, celle d’une morale de l’obligation
a priori. A priori signifie a priori causa, c’est-à-dire sans cause, mieux encore sans cause humaine, sans
que l’activité de l’homme n’en soit l’origine : la morale est ici donnée, plus exactement révélée.
La nature morale de cette conception du droit (juste) se donne à voir notamment par la place de
la sanction des conduites non conformes aux commandements : la peine ou sanction sera prononcée,
après la mort, après la vie dans la cité terrestre. Elle sera purgée dans la cité céleste.

CONCLUSION . L’INFLUENCE DE L ’AUGUSTINISME SUR LA CONCEPTION MODERNE DU DROIT


Quels sont les enseignements que les juristes peuvent tirer de cette doctrine ? Influence absolument
énorme, mais sous-estimée par les historiens du droit.
-> Aristote n'était pas la base de la Renaissance : il était soumis à l'Eglise. -> Preuve : Thomas d'Acquin,
son élève, a failli être excommunié = ce ne sont pas les idées de l'Eglise.
Les idées de l'Eglise sont platonico-d'Acquin :
• Commandement : le juste est imposé, décrété - bon parce que prescrit (comme le positivisme
juridique) -> Le juste est décrété, imposé par Dieu. L'Homme n'a pas à en discuter : le destinataire
de la norme ne participe pas à l'élaboration de la norme.
o Cela ne correspond pas au modèle suisse, mais il est à peu près unique. Un modèle aussi
bottom-up d'élaboration du droit est rare. Normalement, le droit s'élabore top-down.
Le droit n'est que potestas, pouvoir, force de Dieu.
-> Pour garantir la puissance de Dieu, il faut avoir une sanction pour la garantir = on est donc un
droit potestas.
C'est complètement différent de la vision d'Aristote : on doit avoir la raison pratique. Le citoyen
normalement pourvu intellectuellement et moralement est capable de comprendre que la loi est bonne
pour le droit commun : il va donc l'appliquer, sans sanction. La sanction ne sera utile que pour les
personnes qui n'ont pas de raison pratique.

119
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

-> Augustin : pas de raison pratique, parce que l'homme est intrinsèquement mauvais : on a donc
commandement et sanction.
Quand on a un droit qui a comme base la sanction, c'est un droit très dur et triste : parce que c'est
un droit qui ne fait pas confiance à ses destinataires - ce n'est pas la position du droit suisse.
On ne peut rien déléguer à l'homme, parce qu'il est intrinsèquement mauvais - on doit donc le
commandement.
/ ! / Comme l'Evangile n'est pas suffisant pour régir une cité - les hommes vont faire des lois : elles vont
cependant toujours être mauvaises. On va devoir quand même les respecter, tant que l'on peut prier et
gracier Dieu, parce que c'est une épreuve nécessaire pour accéder à Dieu.
L’obligation ou les commandements auxquels il faut obéir pour telle conduite soit affirmée juste sont
imposées à la créature par le Créateur – chez les Modernes, l’obligation a priori vient de la Raison ou de
la Nature humaine – certes pour le bien de celle-là, affirme-t-on. L’homme n’a pas à en discuter, il ne
participe pas à l’élaboration de ces commandements puisqu’ils lui sont donnés, révélés même : jus
potestas, droit issu de la toute puissance (potestas) de Dieu, de son commandement. Compte tenu de la
nature pécheresse de l’homme, du fait d’une intelligence corrompue, peut-il espérer guide plus ferme en
cette vie que les commandements divins ? En effet, l’homme sait ne pas pouvoir tirer de lui-même ou de
l’observation de la nature les enseignements nécessaires pour fonder un ordre juridique juste et viable.

• Dans ce système, le droit positif se taille la part du lion - il n'y a quasiment plus de droit naturel. -
> On applique juste la volonté du législateur : commandement à respecter sous peine de sanction.
Droit positif qui vaut quasiment pour lui-même quasiment auto-fondé : la seule chose que l'on sait
c'est que si on prend un droit positif qui s'inspire du droit de Dieu, il sera meilleur. Par contre, un
droit positif humain sera de toute façon mauvais.
Mais plus de droit naturel : on ne peut plus s'opposer au droit s'il nous semble que le contenu est injuste.
-> Ce qu'on avait avant la CEDH, plus de places pour les principes généraux en Suisse. (moins grave vu
qu'on a la procédure bottom-up)
Perdant le droit naturel, c’est le droit positif qui prendra toute la place. Certes, le droit positif est ici décrété
par Dieu donc nécessairement juste : la foi devient le ressort du droit. Mais qu’adviendra-t-il quand, Dieu
disparu, la volonté des hommes deviendra à son tour toute-puissante et source unique du droit (du juste)
pour la cité ? La tendance existe alors à surdéterminer le droit positif : ne vaut-il pas pour lui-même et
quel que soit le contenu qu’il consacre pourvu que les procédures légales requises pour son adoption aient
été respectés ?

• Acquin regarde la Justice avec un grand J : la justice et l'amour de Dieu = une affaire de
miséricorde. -> Il a confiance en Dieu : il s'adapte donc à la volonté de Dieu.
-> On dit qu'à terme, tout sera juste par la miséricorde de Dieu. Par contre, cela ne dit rien pour
aujourd'hui, comment partager les biens (suum cuique jure)
Sa vision du droit est importante, parce que cela laisse à croire que le droit relève de la morale : que c'est
donc une affaire d'être et pas d'avoir. (preuve : on commence la Cst avec la dignité humaine) - on
consacre la vision subjective du droit : le droit est un ensemble de prérogatives qui émanent d'une
personne.
Il n'y a plus d'effets horizontaux des droits de l'homme : l'organisation du bien vivre ensemble. Il n'y a
que de la verticalité - si quelqu'un veut l'organiser, ce sont les hommes, et ce sera mal fait.
La volonté et l'amour de Dieu sont donc les cœurs du droit : cela va entrainer les esprits occidentaux à
avoir une vision subjective du droit. Avant, c'était objectif : on essayait de décrire les relations entre les
personnes, et on n'avait pas des émanations qui venaient d'une personne.
-> Les prochaines positions vont s'adapter à cette position : tout le droit est affaire de volonté et d'amour
(ex : Art 1 CO en est la preuve - on dirait que c'est un enfant qui désire et qui n'aime pas qu'on dise non -> dans
l'Art 1 CO : on donne tout à la personne. Il n'y a que subjectivité et pas d'objectivité - c'est qu'une affaire de volonté
avec modalité. On peut théoriquement tout vouloir. A la base, aucune protection d'une bien collectif à l'Art 1 CO
-> ensuite, 18 articles plus tard, on réduit
D'abord on peut tout vouloir, comme un enfant. Sauf que comme cela ne va pas, on va compresser la liberté
avec 19 et 20 CO.)
D'abord, on a toute la puissance en nous. Sauf que c'est inarticulable que tout le monde ait des droits
absolus - donc on réduit. =/= Complètement l'inverse chez un grec : on aurait d'abord défini le bien

120
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

commun / les valeurs communes, puis on dit qu'en dehors de cela, on est libre. On ne perd rien de la
liberté parce qu'elle est limitée de base.
-> Mais du coup, c'est la vision de 1 CO qui est liberticide, qui est la plus difficile : parce que l'on donne
quelque chose que l'on enlève.
Vision de l'homme qui remplace dieu et qui est tout puissant.
Les structures de pensée d’Augustin contiennent potentiellement des ressorts du positivisme juridique, en
particulier le développement d’un droit positif non contrôlé par quelque droit naturel et maintes figures
centrale du positivisme moderne : quasi-exclusivité de la loi, droit-commandement (jus potestas),
verticalité de la norme fruit de la volonté, en l’occurrence de la volonté de Dieu. Et si Dieu constitue le
référentiel, alors la justice équivaut à la Miséricorde, à l’amour, apparaissant de la sorte fort éloignée du
partage des biens, fonctions, charges et devoirs au sein de la cité : la justice participe bien davantage de
l’être que de l’avoir – les droits de l’homme découlent de l’être (« de la nature humaine »), origine
particulièrement visible dans la notion de dignité, qui est devenue la clef de voûte des libertés
fondamentales et que le juriste ne parvient pas à concevoir en termes strictement juridiques : la dignité est
toute pénétrée de morale. Or le projet moderne (Lumières, Aufklärung) visant, entre autres, à la
séparation absolue de la morale et du droit.
Ces deux traits de la nature humaine – faculté de la volonté et sentiment d’amour – renforcent la
dimension subjective du phénomène juridique. → On ne s’étonnera plus alors de voir naitre la conception
moderne du droit subjectif (droit rattaché à la personne en tant que telle) dans le milieu franciscain, lequel
est dominé par la pensée augustinienne. La volonté se retrouvera au fondement de la conception moderne
du droit.

• Vision subjective du droit qui va influencer tout le Moyen-Âge : tous les intellectuels de l'époque
font des études de théologie doivent lire Saint Augustin par un livre de Pierre Lombard "les
sentences" - mémoire qui résume ses pensées. Tout le monde doit faire un résumé de cette œuvre,
donc tout le monde a biberonné du Saint Augustin, et donc tout le monde le connait et en est
influencé : dans la civilisation même de l'occident, on pense ainsi commandement, obéissance,
sanction.
-> permet une pensée positiviste.
Le droit canon lui-même : qui donne naissance au droit moderne et la procédure moderne est donc aussi
dominée par Saint Augustin. -> C'est pour cela qu'on cherche le vrai dans la procédure civile : parce que
l'on veut un œil sur la situation comme celui de Dieu : c'est pour cela qu'on a souvent une maxime
inquisitoriale.
=/= Les grecs : ils recherchent le juste mais pas le vrai (ex : présomption d'innocence)
=/= Common law : maxime contradictoire - il cherche le vraisemblable ou on transige. (juste)
Droit actuel est romano-canonique : l'origine du droit moderne est le droit canon notamment, qui est
augustinien.
-> On a une vision top down que l'on a laïcisé.
Pour toutes ces raisons, il s’imposait de conduire une étude, même brève, de la doctrine augustinienne de
la justice. Le passage par Augustin s’avère d’autant plus indispensable que sa pensée influencera
profondément l’ensemble du Moyen-Âge : le Haut Moyen Age dans la fidélité à Augustin et le Bas Moyen
Age dans la réaction et la libération partielle à l’égard de cette doctrine.
Où l’on entrevoit combien il est réducteur d’assimiler la pensée savante médiévale au simple commentaire
d’Aristote, par Thomas d’Aquin notamment. Le clergé, comme tout homme cultivé ou de haute naissance
sera, au contraire, éduqué des siècles durant dans l’augustinisme. Qu’il suffise de relever,
• d’une part, la prodigieuse influence des Sentences de Pierre Lombard, d’esprit profondément
augustinien, passage oublié de tout étudiant en théologie (c’est-à-dire tous les universitaires dans
un premier temps).
• D’autre part qu’il revient de la faculté de théologie, première faculté créée dans les tout nouvelles
université, d’enseigner le droit canonique, lequel n’en devra autonome qu’au milieu du 12 ème
siècle.

• Tous les philosophes modernes, dont Kant, sont augustiniens -> top down. (donc platonicien)
C'est très beau, mais un peu inutile.

121
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

La connaissance de la doctrine augustinienne et de la profondeur de son influence permet de comprendre


la direction top-down ou déductive des conceptions occidentales de la morale et du droit. La laïcisation
ne remettra nullement en cause cette vision descendante du droit, substitution simplement à la personne
de Dieu dans sa transcendance la Raison, transcendante aussi, le Sujet transcendantal, la Nature humaine
ou entre le Genre humain.
Que l’ordre social trouve son modèle dans la Bible nous est désormais compréhensible. Plus troublant,
nous n’avons jamais totalement abandonné cette conception de la loi : la vision du droit demeure encore
largement légaliste.

« La définition du Droit est, dans la doctrine dominante, toute inspirée d’une conception théologique de
la Loi et marquée de réminiscence du sacré. La loi, parole de Dieu, ou de son substitut laïque, l’Etat.
Sacralisation de la Loi, théologie de la Parole qui est portée à élever la parole au-dessus de l’écriture et à
considérer, puisque la loi est parole elle est – comme la parole de Celui qui l’a proférée – vérité
insusceptible de variation dans son expression, ni son interprétation. Ce qui se trouve ainsi fondé c’est
l’univocité de la loi, la rigueur de ses méthodes d’interprétation, le syllogisme implacable qui aboutit à la
solution, la seule solution susceptible de s’imposer à ce droit » : philosophe juif qui connait bien les
méthodes d'interprétation. Il dit que la Loi (présence de la Loi comme la Bible) est présente dans le droit
actuel et l'influence.

/ ! / Comment cela se fait qu'il perde de l'importance à la fin du Moyen-Âge ? Parce que le contexte va
fortement changer. Autour du 12ème-13ème siècle, on a une nouvelle puissance économique en Europe.
On a une renaissance du droit romain : postglossateurs, et du commerce entre les villes, et on pense à
un droit international privé.
De plus, il y a une révolution philosophique, parce que grâce aux Arabes, on redécouvre les
rouleaux d'Aristote qui avaient avant disparu : les grands philosophes et scientifiques étaient en
effet arabes, mais on ne les connaissait pas. -> Mais quand on a le contact avec eux, alors cela
arrive en occident, et cela fait une bombe intellectuelle - on avait des auteurs déductifs, et là on
parle d’inductif, et cela répond aux besoins de l'époque : pragmatisme : l'économie va mieux, et
on a besoin de contact avec les autres.
-> Idéalisme peu pratique dans ce cadre : et le bottom-up va gagner beaucoup de terrain -> Cela va
permettre d'avoir de nouveau plus confiance dans la connaissance / la raison humaine. Tout n'est pas
qu'obéissance à dieu, mais aussi expérience : l'homme retrouve un peu d'autonomie.

Comme l'économie va mieux, on se rend compte qu'il y a des problèmes que l'on ne peut pas résoudre
avec le droit canon. Ex : comment on fait quand on a des liens d'extranéité ? Aucune réponse dans le droit
canon -> on découvre qu'il y a des problèmes purement humains, et qu'Augustin, avec le pur droit canon,
ne donne aucune réponse.
Mais Aristote en donne : alors avec le droit romain, on va faire un droit qui s'applique aux situations
humaines. -> On a donc une séparation entre le droit et l'Eglise qui se fait.
Une distinction entre droit et morale se fait, ce qui permet à Thomas d'Aquin d'arriver.
L’essor économique, la renaissance du droit romain et de la philosophie, en particulier de l’aristotélisme
avec les premières traductions de quelques ouvrages d’Aristote au 12ème siècle, vont produire un
changement dans la conception du monde et donc dans l’appréhension du droit ou juste.
Le regain de confiance en le pouvoir propre des facultés intellectuelles humaines, même non éclairées
par la foi, autorisera à concevoir un droit qui ne soit plus simplement la traduction en termes sociaux de
l’ordre évangélique ou de la théologie révélée : il est des questions proprement terrestres, qui appellent
des réponses juridiques pour ici et maintenant, munies de sanctions sonnantes et trébuchantes et qui
n’élèvent pas forcément l’âme. En bref, une certaine distinction entre morale et droit, une certaine
autonomie du droit, se fait à nouveau jour dans la doctrine de Thomas d’Aquin.

CHAPITRE 4. THOMAS D ’AQUIN (1225-1274) – UN JUSTE « RELATIF »


SECTION 1. POUR COMPRENDRE UN PEU L ’ESPRIT DE LA PENSÉE MÉDIÉVALE
C'est un disciple d'Aristote : donc le droit ne sera plus subjectif, mais objectif : il n'est pas dans une
personne, mais entre les personnes. -> On retrouve le droit comme relation.

122
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Nos code de procédure sont dépendants du droit médiéval : les premiers codes de procédure viennent
de l'inquisition et les modalités de la torture. La torture n'était pas arbitraire mais protocolaire. Pourquoi
? On avait des inquisiteurs juristes qui sont très obéissants qui vont suivre les indications du Pape, et des
inquisiteurs non juristes qui étaient des fripouilles et faisaient toujours trop : on a donc fait des codes
pour dire à tout le monde quand on torture et comment.
-> C'est pour cela que l'on parle de maxime inquisitoriale. ( ex : preuve : dernière sorcière dans une région
protestante alors que normalement quête catholique)

Beaucoup de méprises sur le Moyen - âge à lever :


• C'est la Renaissance qui a inventé la vision péjorative du Moyen-Âge.
o C'est un âge moyen, médiocre, entre l'Antiquité parfaite et la Renaissance (renaissance de
l'antiquité)
o Entre deux, ce n'est qu'une période de transition où les hommes ne sont que des créatures
de Dieu (rien à dire en politique), ou un cerf de la féodalité (donc aucune liberté - donc pas
intéressant)
Mais il y avait des libertés, notamment avec des franchises.
• On décrit le Moyen-Âge pendant 1000 ans : est-ce vraiment possible que pendant 1000 ans, sur
une surface aussi grande que l'Europe, il ne se passe rien d'intéressant = vision caricaturale : on
pense que l'Eglise aurait balancé sa pensée sur le peuple qui n'aurait eu aucune autre pensée, et s'il
y en avait une, on brulait les livres ou les personnes.
-> Si l'Eglise était aussi homogène, pourquoi on aurait eu des universités, et des bastons devant parce
qu'ils n'étaient pas d'accord sur une théorie.
De toutes les périodes de l’histoire des idées, le Moyen-Âge est sans conteste la plus négligée, voir la plus
méprisée. La doxa, les « on dit que » remplacement très souvent la lecture des auteurs eux-mêmes,
substituant à la source des doctrines originales une pluie de lieux communs.
La première méprise concerne l’Etat des débats à cette époque : il convient de souligner
l’approximation grossière qui se cache sous le nom « Moyen-Âge » à deux titres au moins :
• C’est à la Renaissance que l’on l’appellation sciemment péjorée de « Moyen-Âge », laquelle
s’entend d’un âge moyen, d’un âge medium ou entre, entre l’Antiquité et la Renaissance, laquelle
se veut précisément en « re-naissance » de la pensée classique de l’Antiquité. Le Moyen-Âge ne
serait qu’une période de transition, sans valeur propre, sans grand intérêt pour la pensée humaine
puisque l’homme n’y existe pas comme individu : ou créature dans une totale dépendance à
l’égard du Créateur, ou manière d’esclave de l’Eglise ou serf de la féodalité, auquel ne serait
reconnue aucune liberté et surtout pas celle de penser par soi-même.
• La période couvre plus de 1000 ans. Aussi est-ce un peu rapide d’imaginer que rien ne se serait
passé sur le plan des idées pendant une si longue période.
De pareille caricature, on conclut à l’homogénéité de cette période de l’histoire, à l’uniformité des
doctrines qui y ont cours, sous la férule d’une Eglise toute puissante, parfaitement centralisée et qui
brûlerait à tour de bras les livres et les auteurs si biens.
La réalité se découvre tout autre, comme le montre par exemple la Cour de Naples aux temps de Frédéric
II Empereur d’Allemagne et « Roi des Romains » en laquelle dialoguent en permanence penseurs
musulmans, juifs, et chrétiens, ainsi qu’en Andalousie.

Semaine 11
Nous sommes au Moyen-Âge, mais dans une période où beaucoup de bouleversements adviennent. -> L'économie
va mieux : donc, le droit positif se pose de nombreuses questions auxquelles le droit canon ne peut pas répondre -
on ne se pose la question que du gouvernement de l'Eglise, pas celui des hommes et encore moins de leurs rapports
économiques.
Le Moyen-Âge n'est pas réellement une période pauvre : il s'est passé des choses intéressantes pendant 1000
ans. Depuis, la période n'est pas du tout homogène comme on le pense - les doctrines juridiques et
philosophies y étaient différentes, si bien qu'on en venait aux mains pour des désaccords.

Aristote les dixit : on pense qu'au M-A on avait juste à dire qu'Aristote l'avait dit pour clore une
discussion - argument d'autorité. Si Aristote le disait, il n'y avait aucun débat.

123
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Les lumières ont critiqué cette pensée, parce que pour eux, la raison est la seule argumentation
valable - c'est la rationalité qui doit clore une discussion. Cela ne doit pas être purement un auteur
qui clôt les discussions.
C'est faux cependant : ils n'ont pas compris l'argument d'autorité - preuve en tant que juriste, 1 CO, on
s'en remet à la loi = c'est purement un argument d'autorité. Mais quid, si la loi est mal faite ? On devrait
pouvoir la discuter : mais de base, on s'y soumet.
Saint Thomas d'Aquin admet lui-même que l'argument d'autorité est un piètre d'argument : il dit
simplement que quand on est dans un dilemme, il faut bien trancher. Or, comment trancher quand la
raison n'est pas capable de décider ? On s'en remet aux autorités : ex : Art 38 CIJ - les publicistes les plus
renommés : c'est aussi un argument d'autorité. -> Au fond, Acquin avoue que l'argument d'autorité ne vaut
en soi que si c'est Dieu qui le dit : mais si c'est des humains, il faut se remettre avec beaucoup de
précautions aux arguments humains.
C'est donc un argument qu'il utilise, mais qu'il reconnait être pauvre.
L’accueil (« réception ») de la doctrine de Thomas est exemplaire de cette effervescence intellectuelle,
s’exprimant en débats souvent vifs entre les auteurs et vis-à-vis de l’Eglise. On croit volontiers aujourd’hui
qu’il suffisait de citer Aristote ou Thomas pour clore définitivement un débat. C’est dire combien aurait
été pesant l’argument d’autorité.
Comment expliquer alors la condamnation officielle par l’Eglise en 1277 d’une centaine de
propositions de Thomas ? → Contrairement au lieu commun, la doctrine de Thomas, comme celle
d’Aristote dont il s’inspire fortement, était, si ce n’est subversive, à tout le moins très perturbante dans le
cadre chrétien-augustinien dominant. → On ne comptera pas moins d’un siècle avant qu’elle ne devienne
la doctrine officielle de l’Eglise, fondant ainsi un argument d’autorité dont Thomas avait pourtant dénoncé
l’extrême faiblesse lorsqu’il procède de la raison humaine.

On a aussi tendance à penser que la théologie a tout absorbé : theo-logos - théologie = science du theos.
Qu'est-ce que le theos ? C'est un objet que l'on prénomme Dieu.
-> Le Moyen-Âge n'est cependant pas la construction de l'Eglise et de Dieu : on prend juste un objet
bizarre, Dieu, et on essaie de découvrir ce qu'on peut savoir (épistémologie) sur ce Dieu.
Les traités du M-A sont épistémologiques, et non croyants. On utilisait donc la philosophie pour
comprendre ce qu'était la théologie : il n'y avait cependant aucune question de croyance.
-> En fait, Acquin a donc purement fait de l'épistémologie, en s'intéressant plus particulièrement
aux objets : Dieu, Justice, Lois.
-> Cela permet de comprendre ce qu'est un juriste aujourd'hui et comment il travaille.
On s’imagine aussi un Moyen-Âge dans lequel la théologie aurait absorbé toutes les sciences, les réduisant
à son propre service, les dépouillant de toute leur savoir propre, comme on le dit de la philosophie
servante de la théologie (philocia ancilla tehologicae). → Mais la théologie est-elle-même une science :
« théo-logie », science de die. Et comme dans toute science, les débats allaient de bon train.

-> / ! / C'est faux que si on est contre l'Eglise, alors on brûle tout : c'est même l'Eglise qui a ouvert les
universités -> les universités créent les débats, les avis différents = on n'a donc aucune univocité.
Preuve : Saint-Augustin devait se battre contre 80 hérésies - interprétations de la Bible qui serait plus
chrétiennes que la chrétienne / ! / Et on voit que cela ne concerne que la chrétienté.

Quels sont les rapports entre la foi et la connaissance ? 4 modèles de rapport en général :
On lit la Bible rationnellement, comme un être doté de raison - on va y découvrir des incohérences entre
la Raison et la Bible. Ex : il y a des épisodes qui sont impossibles rationnellement. Comment les résoudre ?
o Faire dominer la raison sur la foi : vision logiciste. Quand les passages de la Bible sont
illogiques, il n'y a pas d'autres solutions que de dire que ces passages sont métaphoriques :
ce sont des images, des allégories. Cela permet de les lire, sans heurter de fond la logique.
o La raison doit se plier devant la foi : la foi est première, la logique n'a qu'à suivre. -> Solution
: si un passage de la Bible parait illogique, alors qu'il est attesté par la Loi, il faut dire qu'il
est mystérieux : comme la logique humaine est finie et la foi infinie - alors on admet que
les humains ne peuvent pas tout comprendre et que cela reste mystérieux. -> On admet la
finitude humaine.

124
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

o On juxtapose les deux discours, en disant qu'il y a deux lectures possibles : on est dans un
régime de double vérité, que l'on juxtapose. (ex : comme les personnes qui juxtaposent, sans
avoir d'équivalence, entre leur vie privée et publique)
o Pour TA, il ne faut pas juste juxtaposer les deux lectures, mais il faut les articuler : il y a les
modalités de la foi et de la raison, qu'il faut articuler. Il faut donc comprendre pour croire,
et croire pour comprendre.
Si on est suffisamment intelligent, l'intelligence doit permettre de chercher les
problèmes de la foi. Et la foi, si elle est présente, nous permet de comprendre les
problèmes.
Il ne s'agit donc pas d'une croyance chrétienne, mais une croyance tout court : il y a un
theos, et il faut essayer de le comprendre.
La religion, la croyance est donc un ressort de l'humain. -> La croyance serait donc le ciment
de la connaissance et de la société.
Comment articuler les enseignements de la raison humaine et de la théologie révélée quand ils se
contredisent ?
A suivre le lieu commun, on brûlait l’auteur qui ne se conformait pas au commandement univoque
de l’Eglise. Sauf que les universités furent des créations de l’Eglise elle-même et qui dit université dit débats
d’idées.
Plusieurs solutions furent donc avancées pour surmonter les contradictions, certaines plus
dangereuses que d’autres assurément. En bref, comment faut-il interpréter les Ecritures ?
• La logique la plus osée consiste à faire prédominer la raison sur la foi : la logique commande la
lecture de la Bible : les évènements illogiques sont considérés comme métaphoriques.
• A l’inverse, on peut exiger de la raison qu’elle se plie à la foi : la logique ne peut pénétrer les
mystères auxquels il faut croire en abandonnant la prétention de la rationalité humaine à tout
comprendre.
• Troisième solution : la doctrine dite « des deux vérités » considère qu’il n’y a jamais de
contradiction à proprement parler : raison et foi constituent deux points de vue différents portés
sur la même réalité, laquelle contient au moins donc deux dimensions, logique et théologique,
qu’il serait vain de vouloir réduire à l’une ou l’autre des perspectives.
• Enfin, la doctrine la plus exigeante cherche à concilier (et non simplement juxtaposer, comme la
précédente solution) les ordres de la loi et de la raison : aucune « vérité » ne saurait être
irrationnelle en soi : il faut croire pour comprendre, mais aussi comprendre pour croire.
→ Alors la théologie devient une véritable science du théos : on aborde « l’objet » de dieu avec
tous les instruments de la raison et en commençant par donner sa créance, sa confiance à tout ce
qui est rapporté dans les Ecritures. Thomas d’Acquin appartient à ce 4ème courant.

SECTION 2. QUELQUES INDICATIONS BIOGRAPHIQUES


Il est né en 1225 d'une famille noble extrêmement riche. Comme il semble intellectuellement fort, on
l'amène dans la meilleure école de l'époque : l'abbaye de Monte-cassino.
-> Tout ce qui était important, c'était ce qui tournait autour de Rome et la religion.

Les plans de Papa et maman tombent : il n'a aucun goût pour le pouvoir - il n'est qu'un intellectuel au
sens pur. Il va donc entrer dans un ordre très mal vu à l'époque : l'ordre Dominicain. C'est un ordre
mendiant, comme les franciscains : ils refusent de s'enrichir. (ex : preuve, les franciscains inventent les trusts
pour n'avoir que l'usufruit de ce qu'on leur donne, ils ne prennent aucune succession )
-> Ils ont aussi un volet "enseignement" que d'Aquin va suivre. Il va avoir un maitre allemand, qu'il va
suivre à Cologne pour avoir une fonction importante, d’enseignant également.
Thomas est né en 1225 dans une famille noble de la région de Naples. Alors qu’elle le destinait à quelque
haute fonction en la célèbre abbaye de bénédicte de Montecassino, Thomas en frondeur entre dans
l’ordre des Dominicains, récemment créé (1215). L’Ordre n’est pas bien perçu, notamment parce qu’il
prêche la pauvreté. L’obtention par Rome du droit d’enseigner suscitera beaucoup de jalousies de la part
des autres ordres.

125
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Il retourne ensuite à Paris faire une licence de théologie : c'est important de l'avoir uniquement à
Paris parce que c'est la meilleure école. -> Il est tellement bon qu'il est appelé par le Pape pour
gérer les écoles chrétiennes.
Mais à Paris, cela se bagarre trop sur les positions philosophiques, alors on le renvoie pour mettre
de l'ordre -> et là, il va avoir une position très aristotélicienne "je pense que c'est la meilleure
solution" = il n'y a pas de vérité pure en droit, il n'y a que des opinions de ce qui est le plus juste.
De Naples, l’Ordre l’envoie parfaire ses connaissances à Paris, auprès d’Albert le Grand, notamment,
qu’il suivra à Cologne. Le Pape l’appellera pour conduire le centre d’études pontifical, durant 10 ans,
ensuite de quoi il est envoyé à l’Université de Paris pour y apaiser les luttes doctrinales qui y font rage. Il
rentre à Naples et dans un utile voyage à travers l’Europe, en route pour le concile de Lyon, Thomas
s’éteint en 1274.

Il est mort à 49 ans, avec des milliers de pages écrites. On se demande comment il a fait : a-t-il dicté ?
Ecrit-il des deux mains ?
Il a aussi lu les sentences de Pierre Lombard : il est donc éduqué dans l'augustinisme. Mais par
contre, différence : il va bénéficier des écrits d'Aristote parce qu'ils reviennent des arabes.
-> Donc à la vision augustinienne, il rajoute la vision aristotélicienne, ce qui va révolutionner la
pensée du Moyen-Âge.
La somme des pensées (théologiques), c'est son œuvre : sur un point donné, il va réunir l'ensemble des
connaissances que l'on a dans le monde chrétien. Ces œuvres nous permettent d'avoir la situation du
droit en Europe en 1250. -> Même conception que l'on a aujourd'hui quand on lit des traités de droit :
très étonnant.
On doit l'aborder comme des épistémologies, et non comme des traités de foi : c'est pour cela que
ce sont des condensés de théorie du droit, en regardant la vision actuelle du droit, en regardant
toutes les visions précédentes : vision complète de comment on pense le droit et la loi.
-> Ce sont des ouvrages scientifiques, comme des ouvrages de sciences humaines.
Du point de vue bibliographique, la production de Thomas est époustouflante. Ses écrits se comptent par
milliers de pages, comprenant des commentaires (en particulier l’incontournable Commentaire sur les
Sentences dont le plan et les thèmes sont nécessairement empruntés aux Sentences de Pierre Lombard,
ouvrage profondément augustinien), des traités de religion et de politique et des « sommes », immenses
synthèses d’un domaine donné de la connaissance humaine. Le juriste se réfère souvent à des passages de
la Somme théologique.
Sans doute la Somme théologique constitue-t-elle une ouvre de théologie mais au sens le plus
scientifique de « logie » (logos) soit le 4ème courant susmentionné : « théo-logie » ou science qui a pour
« objet » dieu. Les domaines abordés, comme le traité sur la justice ou les questions relatives au droit et
aux lois ne sont donc point abordés par et dans le théologique : l’approche est proprement scientifique,
quand bien même le point de vue le plus probant, le plus authentique que l’on puisse porter sur les
mondes de la nature et de la praxis est celui de dieu, plus exactement celui que l’homme, créature aux
facultés limitées, pense constituer le point de vue de Dieu.

Pour d'Aquin, le point de vue de Dieu est le plus important de tous. Mais comment, en tant qu'homme,
je peux connaitre le point de vue de Dieu ? Moi, comme homme, je connais uniquement ce que je pense
être le point de vue de Dieu, mais non son point de vue réel.
-> Quid ? Grande question de connaissance : on retrouve l'idée de Kant qui arrivera plus tard :
• Noumène : la chose en soi.
• Phénomène : la chose pour nous.
Comme humain, on n'a pas accès à la totalité du réel – ex : preuve, sifflet ultrason. On n'a accès au réel
que parce que ce notre corps nous permet. Aristotélicien : c'est par les sens que l'on a accès au monde -
mais on ne pourra pas avoir accès à plus que ce nos sens nous donnent -> même si on peut essayer
d'abstraire.
L'homme ne connait que la chose pour lui, et non la chose en soi -> comme les juristes : les juristes n'ont
pas accès à la justice en soi, mais qu'à la nôtre. Les jugements humains sont faillibles, mais seulement
parce que l'homme est fini, médiocre. → ex : preuve : la règle de droit ne s'occupe que des regulas, des citoyens
moyens : la loi vise le moyen. Ce sera le juge qui va essayer de donner le droit dans le cas précis .

126
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Aquin dit que c'est un simple commentateur des écritures et des pères de l'Eglise : mais il fait en
réalité beaucoup plus. / ! / A l'époque, l'originalité n'a aucune importance, contrairement à
l'articulation d'aujourd'hui. Aujourd'hui, on veut être original pour être original, de là à être prêt
de faire n'importe quoi.
-> On pense même que d'être original, c'est mauvais : parce que l'on est face à des monstres de la
connaissance, et ce serait prétentieux d'essayer d'aller plus loin en tant que vermisseaux de la
création.
C'est pour cela qu'on ne distingue pas l'artiste de l'artisan : c'est le même. / ! / Aujourd'hui, on
méprise complètement les artisans, on adule les artistes.
Les juristes doivent être habités d'humilité : le juge n'a pas affaire à la réalité de l'affaire - il n'a pas accès
à la scène du crime, il n'était pas là. Tout ce qu'il sait c'est par des indices : il doit donc reconstruire un
scénario par ce qu'il a, et il fera celui qui lui semble le plus juste - il doit donc être très humbles.
= vision du droit extrêmement peu idéaliste, et plus pragmatique : c'est une vision très concrète des
réalités qu'on a tranché en tant que juriste, praxis.
L’humilité découlant de la conscience d’être une créature limitée marque toute la pensée de Thomas qui
préfère la banalité à l’originalité feinte ou, pire encore, à l’originalité pour l’originalité : il se veut modeste
et simplement commentateur des grandes œuvres de philosophies du passé.
C’est précisément par cette attitude réservée, modeste que le théologien Thomas retient
l’attention du juriste. Sa vision du droit est si peu idéaliste qu’elle rencontre les problèmes les plus concrets,
les moins spectaculaires du droit vivant : que le droit naturel par exemple ne donne que des indications
vagues : que la part du droit positif, en particulier des lois positives, est prépondérante ; que le droit
requiert l’intervention d’un tiers (juge) pour passer à l’acte, etc. → aspects pratiques (réalistes)

SECTION 3. LE RETOUR AUX RÉALITÉS CONCRÈTES


On sort de 1000 ans d'Augustinisme : il y a un certain mépris pour les réalités concrètes - le passage sur
terre est un mal, mais un mal nécessaire : c'est une épreuve envoyée par Dieu. On n'a pas de considération
pour la vie et pour son prochain, sauf pour l'aimer comme le dit la Bible.
Avec Thomas, on est dans une époque à l'inverse de cette conception : on se lance dans les projets
architecturaux qui sont les cathédrales. -> Il faut des contrats, du compagnonnage, de la science.
(parce que très long, et beaucoup de monde travaille)
Ex : vitrail : très compliqué - parce qu'il faut savoir à quelle heure la lumière arrivera sur les vitraux, quelle
couleur cela va donner -> on va donc devoir refaire de la science, dont la science des couleurs.
On a une activité économique énorme : on a un retour des réalités réelles comme la science et
sociologiques comme le droit.
• On a des problèmes juridiques qui se posent : ex : compagnies internationales, quand les employés se
baladent - quelle loi pour régler leurs problèmes internationaux ? (droit international privé)
o Comment résoudre ces problèmes ? On prend le droit que l'on a, que l'on connait : le droit
canon. Mais problème : il n'a jamais pensé aux problèmes humains, vu qu'on ne pense
qu'aux problèmes divins.
o Alors Aquin pense qu'il faut faire un droit humain pour les humains, sans y trouver de la
théologie : pourquoi ? Parce que les problèmes qui s'y posent ne sont pas théologiques, mais
concrets.
• Donc, on va avoir du droit plus laic, moins moral - on se basera moins sur
l'organisation de l'Eglise vu qu'elle n'a rien à voir. -> On va essayer de répondre aux
problèmes concrets.
• Comment ? On a la réception du droit romain à cette époque - c'est la chaine entre la
fin de l'Empire et la Renaissance. -> Le droit romain est récupéré dans les grandes
villes commerciales du Nord et du Nord de l'Italie = là où le commerce est le plus
florissant (ex : + Paris, Lyon). On y a besoin du droit romain pour résoudre les cas, vu
que le droit canon ne suffit pas.
/ ! / Droit romain particulier : ibi societas ibi ius - la société de 1250 n'a plus rien à
avoir avec Rome en l'an 400 - ce ne sera pas le même droit romain, parce que cela ne
s'applique pas à la même société (ex : preuves : personnes, richesses, lieu)
Après des siècles dominés par l’augustinisme et le néoplatonisme, transparait dans certains courants de
pensée un intérêt pour les réalités concrètes, le monde tangible qui s’offre à nos sens.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Les colossaux travaux de construction des cathédrales à l’architecture de plus en plus raffinée, le
développement de l’art du vitrail, l’accélération de l’activité économique donnent un nouvel élan à la
connaissance des réalités naturelles et sociales du monde d’ici-bas.
Le droit canon ne peut faire face – car là n’était point son objet – à l’essor rapide des échanges
commerciaux du Nord de l’Italie et du Nord de l’Europe. Les réalités économiques exigent un droit plus
pragmatique, moins « moral » ou spirituel. → On redécouvre à cette époque le droit romain.
• On ne peut prendre que du droit romain la méthode, et non le contenu - cela n'a plus rien à voir :
ex : on n'a plus d'esclave, des empires riches etc. -> On ne reprendra pas les contenus, y compris avec
les pandectistes.
• Cette méthode est avant tout un raisonnement inductif : on remonte des cas à la loi -> aux principes
généraux.
• Cette méthode mène à des principes généraux qui vont guider finalement toutes les idées humaines
→ Il n'y a cependant aucune loi précise.
On utilise une série de maximes pour le bien vivre ensemble
o Pacta sunt servanda : promesses et conventions doivent être respectées
o Neminem landere : ne léser personne. Si on lèse, on doit réparer.
Ce sont des principes généraux qui viennent des cas et s'appliquent sur les cas.
On adapte moins le droit romain dans ses solutions – élaborées pour les besoins d’une autre époque,
carrément pour un autre monde et une autre « Weltanschauung » - que dans sa méthode : partir des cas
concrets, mener des raisonnements inductifs (bottom-up) tout en s’inspirant de principes généraux de
juste, de maximes du « bien vivire ensemble » (« à chacun son dû », « ne léser personne », agir « en bon
père de famille », etc.)

TA arrive dans ce concept. Comme théologien, de plus, il bénéficie des œuvres d'Aristote. On a une
culture arabe qui arrive en Europe, en premier les écrits scientifiques, puis les écrits politiques.
-> Il va articuler la pensée d'Aristote avec la vision de la Bible : c'est très difficile.
->Avec Platon, c’est plus facile : on a une chute de l'âme dans le corps - c'est incompatible avec Aristote.
• Pour Aristote, le monde n'est pas créé - le monde est cyclique : le monde a toujours existé. Il est
né, il grandit, il meurt, de manière différente et cyclique.
o Mais pas de créateur, avec un Dieu : s'il y a un Dieu, il est à part et ne donne aucun
enseignement sur le monde.
• Le monde n'est pas linéaire selon A.
o Pour lui, le monde n'est pas scatologique =/= il y a un début, il y a une ligne droite, et une
fin - donc le monde a un but → pour Aristote, il n'y a pas de but surnaturel au monde.
o Pour Aristote, chaque homme a une finalité en soi, mais pas le monde.
• Pour A, on ne peut pas séparer l'âme du corps - les deux vont ensemble. Du coup, cela pose un
problème avec le Christ : si le corps du Christ meurt, l'âme meurt. (car unité substantielle entre
âme et corps)
Idée : si le corps meurt, l'âme meurt, car l'âme est l'animation du corps. Alors si le corps meurt,
l'âme n'a plus de corps à animer → l'âme meurt.
Problème : cela veut dire que quand le corps du Christ meurt, son âme aussi et celle de Dieu aussi
meurent ! On va avoir un problème épistémologique. Comment va-t-il faire ? Aquin va dire que
Dieu a une âme particulière, et c'est la seule, qui survit au corps. -> Dieu pourra éventuellement
racheter notre âme.
Thomas participe étroitement à ce mouvement intellectuel de retour aux choses concrètes : il embrasse
la pensée aristotélicienne, soit une vision pragmatique du monde qu’il tente d’articuler avec des
enseignements de la Bible et de l’Eglise. Tentative théologique osée puisque le nombre de thèses
d’Aristote contreviennent à divers dogmes contenus dans la foi chrétienne → par exemple que le monde
n’est pas créé mais existe de toute éternité : qu’il n’est pas linéaire (avec un commencement et une fin)
mais cyclique et qu’il semble par conséquence échapper à toute eschatologie à savoir qu’il y aurait un plan
de Dieu pour le onde et les créatures humaines qui l’habitent.
Le dieu d’Aristote – à supposer que cette expression soit légitime dans la doctrine du Stagirite –
est si éloigné du monde terrestre et si rebelle à revêtir les attributs d’une personne (au sens d’un Dieu
personnel), et si étranger à l’incarnation (« in-carnation » ou se fait chair) que les théologiens peinèrent

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

beaucoup à l’assimiler au Dieu chrétien. Apparait ici explicitement le caractère subversif de la doctrine de
Thomas – sans qu’il fût dans ses intentions de l’être – qui lui valut sa condamnation.

Pour Aquin : Dieu a mis en nous la nature de zoon politikum. -> Augustin avait un mépris de la nature
sociale, de la vie politique ici-bas. Ce n'est plus le cas ici : le passage sur terre n'est plus seulement un
mal - on y réalise déjà notre personnalité, contrairement à Augustin qui disait qu'on ne se réalisait qu'avec
Dieu. → Il faut alors vivre sa vie politique, son désir naturel de vivre ensemble, mis en Dieu par nous.
-> On est toujours une créature de Dieu, qui doit remonter vers lui (vertical), mais on est aussi zoon
politikum (horizontal) -> Le droit n'est donc plus un accident : c'est déjà les premiers pas pour la
remontée vers Dieu. Plus de soin à la pensée juridique de ce fait que Saint-Augustin : grand retour du
droit = le droit positif commence donc à s'imposer. Il doit aussi être juste de ce fait -> on revalorise la
relation à autrui en tant que relation juridique, ce qu'on avait perdu dans la vision purement verticale de
la vie de Saint Augustain. Le monde redevient horizontal.
Augustin : le droit n'était pas essentiel, c'était un accident. Accident - ce qui s'ajoute à l'essence. Comme
la vie était accidentelle, elle s'ajoutait à l'essence de créature de Dieu, seule chose importante que l'on
devait retrouver en remontant vers Dieu. Le reste, c'est du contingent, pas essentiel.
Mais pour TA : le zoon politikum fait aussi partie de la nature de l'homme : le théologien doit
donc s'occuper du droit, car c'est une partie essentielle de l'homme. C'est là où l'homme réalise sa
nature humaine.
-> On retrouve donc l'importance du droit.
Cette synthèse culmine avec la Somme théologique. A l’encontre de l’orientation fondamentale
d’Augustin, Thomas réaffirme la nature politique (« animal politique ») de l’homme : son statut de
créature – qui le dessine ultimement à un retour dans le cœur du créateur – ne s’oppose pas, tout au
contraire, au désir naturel de vivre avec ses semblables, de « faire société » avec eux.
Sans perdre sa dimension verticale, le droit se trouve revalorisé dans sa dimension horizontale : le rapport
à autrui redevient essentiel, constitutif du droit, à tout le moins durant notre voyage terrestre. La vie
terrestre, en effet, en se réduit pas à un accident ni à une épreuve vouée toute entière à la seule préparation
de la vie dans l’autre monde : elle la une valeur pour elle-même et la conception thomasienne du droit la
reflétera, en particulier sur le plan des lois, lesquelles n’apparitront plus comme un mal nécessaire.

TA doit donc faire un mélange entre Augustin et Aristote : faire une synthèse entre la religion et le
monde positif dans lequel on vit.
• On a donc une vision verticale du droit qui reste : on doit monter vers Dieu.
• Par contre, quantitativement, ce n'est rien par rapport à tous les problèmes qui se posent : il faut
donc un droit humain, fait par des humains pour les humains -> c'est le droit positif. TA va mettre
en avant un droit positif. → Cela permettra au dirigeant d'appuyer leurs pouvoirs positifs.
Le droit en effet permet d'asseoir la société : / ! / : le droit découle de la société - là où j'ai de la
société, j'ai du droit.
Ce n'est pas le droit qui constitue la société comme le disent les philosophes du contrat. -> Les
individus se mettent selon eux ensemble de par leur volonté pour créer la société : c'est donc une
chose de droit qui fait la société. / ! / Tellement aberrant que l'on dit que cela vient un peu de la
société : parce que l'on aurait eu du juridique avant de créer du juridique, pas logique. -> On aurait
individu - contrat social - droit : on aurait déjà du juridique avant que le droit ne naisse. → / ! / :
Si on n'avait pas de droit dans le contrat, on ne serait pas obligé d'y rester - si on doit respecter le
droit, on a une règle juridique avant de le faire : pacta sunt servanda.
Tentant une synthèse entre la verticalité de la pensée chrétienne (en particulier augustinienne) et
l’horizontalité de la philosophie politique aristotélicienne, on trouvera chez Thomas des sources divines
du droit, les normes conservant néanmoins pour l’essentiel la fonction de régler des rapports entre les
hommes au sein de la cité, lieu naturel de l’épanouissement de l’animal politique.

SECTION 4. UN DROIT AUSSI MODESTE QUE RELATIF


Vision concrète, comme Aristote, donc ce qui est premier dans la vie : ce sont les relations. Les relations
sont premières, les individus sont seconds.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

=/= Aujourd'hui : les individus sont premiers, les collectifs sont seconds - c'est pour cela que l'on ne peut
pas résoudre les problèmes d'environnement. C'est impossible de le faire avec la vision que l'on a du
monde et du droit aujourd'hui.

Quand on pense que la relation est première, et que les individus viennent après -> cela crée la grande
querelle des universaux. Que sont les universaux ? Ce sont des collectifs/des ensembles : ils peuvent
être naturels ou sociaux :
• Un peuple/nation, une société, une armée, (UN groupement comme UN tas de sable, UNE forêt)
-> on désigne des groupes comme UN - question des universaux.
• Le collectif, par rapport à ces éléments composants (les individus - ce que je ne peux pas couper
plus avant, c'est insécable. Je ne peux pas couper plus que l'individu la société) qui le composent
: est-ce que le collectif a une existence propre en plus de celles des individus ? Ou bien, est-ce que
le collectif n'a comme existence que la somme de celle des individus qui le composent ?
Le tout est-il plus que la somme des parties ? (existence propre, logique propre des
collectifs), ou le tout n'est-il que la somme des partie ? (ce ne serait qu'une étiquette, pratique
pour présenter la chose mais qui n'existe pas en tant que tel)
-> C'est une question importante dans le droit des sociétés : ex : condamner une personne
morale au pénal, pas que des dommages et intérêts, cela veut dire que l'on pense que la personne
morale a une existence propre par rapport aux individus qui la composent.
Cela veut dire que la société a une personnalité différente de celle des directeurs - sinon, on
condamnerait les directeurs (même si c'est au final c’est eux qui exécutent la sanction : ce n'est par
contre pas la même condamnation)
-> Les personnes morales ont-elles une existence propre avec leurs droits et obligations, ou alors
ce ne sont que la somme des individus que l'on ne peut attaquer que par les représentants ? Théorie
de la réalité (réelle personnalité morale) vs théorie de la fiction (image d'une personnalité à part)
-> en Suisse, entre les deux, mais plutôt de la réalité.
Essentiel : pour la définition de la morale, d'une société, d'une nation - en fonction de la définition
que l'on prend, cela change complètement la vision du monde que l'on a.
=/= Utilitariste : la société n'existe pas, ce n'est que la somme des individus - preuve : USA : il n'y a pas
d'assurance maladie, parce qu'il n'y a pas de collectifs, que des individus. L'Etat fédéral n'a donc pas à
se mêler des individus, ne doit pas créer des groupements, c'est d'abord aux individus de faire.
Suisse : on pense quand même qu'il y a un collectif qui a une existence propre par rapport à la somme
des individus.
-> Utilitariste : le bonheur d'une nation est la somme des bonheurs des composantes de la nation =/= un
bonheur propre de la société.
-> On y retrouve toute la théorie de la représentation : cela n'a d'intérêt que si on représente une personne
en tant que telle. Ex : personne morale ne peut pas signer en tant que telle, ne pas faire de la prison - ce sont ces
représentants. =/= les amendes : son patrimoine peut la payer.
Son état de théologien n’empêchera nullement Thomas de concevoir le droit d’une manière concrète →
A commencer par sa façon de comprendre les relations entre les hommes, entre les hommes et les choses
et entre les choses : ces rapports sont des réalités, certes pour beaucoup immatérielles, non tangibles ou
non sensibles mais bien réelles néanmoins : l’amitié, la cité, la famille, le droit etc.
➔ Les universaux – par universaux on entendra ici les termes ou concepts universels applicables à
tous les individus (ou singuliers) d’un genre donné - au sens générique du terme, à savoir toute
collection d’hommes (un peuple, une société, une armée etc.) ou de choses (une forêt, un tas de
sable, comme un tas ou une culture par exemple), ont une existence propre, ne se réduisent pas
à n’être qu’un mot ou un son vide de toute réalité hormis celle de leur expression physico-
physiologique, à savoir que l’on entend bien quelque chose si on prononce le nom. Pour Thomas,
il y a bien une certaine réalité derrière ou sous le nom prononcé.

Pour comprendre, il ne faut pas confondre le mode de l'action et la réalité derrière : oui, quand un peuple
agit, ce sont ces représentants qui agissent (des personnes particulières). Mode d'action = mode d'exister
concret. Par contre, le collectif a une existence propre.
Nominalisme : on dirait qu'il n'y a que des personnes qui agissent. - tout le reste n'est qu'étiquette.
Exemple : protection de l'environnement : si somme des intérêts des personnes, on ne pourrait pas sauver la nature
→ Il faut un vrai intérêt collectif.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• On pourrait imaginer alors que ces collectifs sont pensés par Aquin comme une idée à la Platon.
(ex : idée de peuple, de forêt, de SA) -> / ! / : mais cela ne correspond pas à l'esprit d'Aristote qui
inspire T. -> Les choses sont incarnées : du coup, ex : pour une forêt, cela a une existence propre,
qui se voit, en dehors de l'existence des éléments (ex : arbres) qui la composent.
Cela a une influence sur la pensée que l'on a de la cité : pour Aquin, ce n'est pas seulement un
nom / une étiquette sur la cité.
-> Ce n'est pas du nominalisme : les collectifs ne sont pas que des noms, avec aucune réalité
derrière. (→ le courant du nominalisme va faire exploser le droit, parce que le droit comme
relation n'a aucune existence, il n'y a que des individus en droit - cela fait penser aux droits
subjectifs, et au fait que le droit moderne est purement individuel. -> Les droits sont dans
les personnes, et non dans la relation à autrui ex : articulation des libertés des personnes, mais
pas de relation : "ma liberté s'arrête là où commence celle des autres"
-> Pas de collectif, mais juste collectif accidentel choisi par contrat.)
Pour TA : le collectif est une réalité que l'on voit sous nos yeux. Même si on ne le voit pas agir, vu qu'il
n'agit que par ses individus, je le vois : ex : la forêt, elle a une existence comme tout -> on retrouve cela dans
les institutions humaines, dans la société.
La société est donc un tout : on a le zoon politikum : la société n'est pas que la somme des individus,
mais là où l'homme réalise sa nature.
➔ La société est donc naturelle pour TA : ce n'est pas un arte fact. -> Le principe même de vivre
dans une société, et que le droit est par définition relationnel et donc inscrit dans une cité, ce
n'est pas disponible grâce à la volonté humaine (pas de choix) : c'est naturel. -> Le droit n'est
donc pas seulement ce que la bonne volonté de chacun choisi (=/= vision contemporaine)
Le droit est donc une relation entre les hommes. -> On va retrouver l'idée d'un bien vivre ensemble
comme la finalité ultime du droit. On va donc retrouver toute la notion du bien commun, parce
qu'Augustin n'en avait pas besoin, ce qui n'est pas le cas pour TA.
On a toujours pensé les collectifs sociaux à partir du droit : le droit on le voit, en actes : des décisions
sont prises avec des conséquences réelles. → La société existe ex : on le voit en droit pénal - si les victimes
ont pardonné, le procès a quand même lieu. -> Il y a donc une réalité qui va au-delà de la relation entre victime et
l'auteur : au-delà du contrat, du pardon, de la relation entre victime et auteur. Il y a donc un intérêt propre de la
société en dehors de celui des individus.
Le droit a donc une énorme importance dans la société : cela vient des textes chrétiens. -> Et il est
relatif : relatif à une cité donnée, et à des citoyens, des relations, des moments de l'histoire.
-> On perd donc l'idée de droit absolu : un droit séparé de - rien n'est séparé de en droit : le droit
est toujours relatif, même quand il est erga omnes = on l'a à l'égard d'autrui. (droit absolu = très
relatif aux autres, relatif à n'importe quel autre - relatif : relatif à l'autre personne du contrat)
• On retrouve dans la pensée du droit, l'altérité : le droit est essentiellement relatif, en situation. Il
n'y a pas de droit absolu, ni éternel. (universel)
Cela ne sert donc à rien de penser qu'il y a un pouvoir du droit absolu - déjà que jamais de pouvoir
absolu (pas de monarchie absolue), il n'y a pas de pouvoir du droit absolu : on a toujours des
pouvoirs à l'égard de quelqu'un d'autre et non en soi.
On n'a rien purement en nous : on a toujours besoin de l'autre.
=/= Vision actuelle : qu'importe qu'il y ait quelqu'un ou nous, on a toujours le droit à, le droit
de. La théorie de Robinson n'est donc pas pragmatique et réelle. -> Aujourd'hui, on affirme
toujours les droits idéalistes, qui est la vision la plus idéaliste et non pragmatique du droit. ->
Comment réaliser des sociétés pluriculturelles, la protection de l'environnement si les droits sont
absolus, que l'on doit juste les articuler, et qu'il n'y a plus de groupes ?
On doit penser au bien de la collectivité et de Dieu.
-> Cette position permet de voir qu'il ne peut pas y avoir de l'absolu en droit = preuve de modestie
nécessaire au juriste. -> Dans l'absolu, on ne peut faire du law in books et pas du loi in action : droit
international public - il faudrait être plus inductif.
Les universaux (ou schématiquement concepts de collection) n’existent certes pas sur le modèle des Idées
platoniciennes, dans un monde séparé (sublunaire), mais sont distingués par l’intelligence humaine au
sein même des réalités naturelles ou sociales. La cité, par exemple, ne se ramène pas à un simple concept
ou une pure image mentale (à quelques impulsions électrochimiques dans le cerveau dirait-on

131
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

aujourd’hui). C’est une réalité agissante, quand bien même n’opère-t-elle concrètement que par
l’entremise d’individus à l’existence fixée dans l’espace et dans le temps.
La position nominaliste, celle d’Occam en particulier, adopte une vue radicalement différente, et
qui transformera profondément la conception du droit et de la loi pour toute la modernité. Pour
les nominalistes, les réalités non individuelles, non singulières, du type « forêt », « société »,
« culture » etc., n’existent pas, ne sont que des mots, des noms (du latin nomen d’où
nominalisme), des sons que l’on prononce mais qui n’ont d’autre réalité que celle de la voix qui
les exprime, au moment où elle les exprime et qui disparaissent dès que se tait la voix.
Il en va ainsi pour le droit. A la suite d’Aristote, à la philosophie duquel le Stagirite demeure assez
largement fidèle, Thomas conçoit le droit comme relation entre des hommes à propos des choses : le
droit opère le partage de biens, pouvoirs, charges, et devoirs entre les citoyens en vue du « bien vivre
ensemble » d’une communauté donnée, plus ou moins large.
➔ Et comme la réalité des universaux sociaux (la cité, le législateur, l’armée etc.) ne passe à l’acte
qu’au travers des comportements des citoyens – comme dans la plupart des philosophies antiques,
le terme individu serait ici impropre, à tout le moins lorsque le propos porte sur la res public ou
républic c’est-à-dire la chose (res) publique – c’est d’une réalité toute relative, relative à ces agents
ou acteurs (qui « actent ») dont il s’agit. Le droit a très longtemps été considéré comme un modèle
« d’universel social » ou de « collectif ». Rien ne saurait être plus marqué, plus structuré par cette
relativité que le droit : il ne peut être affirmé « absolu » au sens fort du terme, c’est-à-dire « séparé
de », « achevé », ou « par-fait » en lui-même, ou encore qui n’a pas besoin de l’altérité des autres
pour être complets, qui ne se définit pas par la médiation de l’Autre.
Les Modernes, en revanche, connaissent la notion de « pouvoir absolu », d’où la tentation
de penser des droits « absolus » : alors le droit ne peut plus se définir comme une relation,
relation entre deux sujets, donc relatif à.

• Question de savoir si le genre par rapport aux espèces existe en propre ou s'il est une étiquette ->
cela veut dire qu'il y a un ordre dans les réalités.
o Réalité propre : on peut la viser, avec le bien commun et le bien vivre ensemble.
o C'est essentiel pour les relations sociales, parce qu'elles sont marquées par la contingence -
ne disposant d'aucune nécessité, je dois faire quelque chose qui règle la contingence = une
institution. / ! / Je ne la crée pas réellement, je l'induis.
Dans les institutions, il y a un certain ordre -> ce qui permet de s'en inspirer pour interpréter
et réaliser le droit. Comment ? Modèle de pensée Bottom up : on part des réalités concrètes
incarnées, dont on peut faire l'expérience, pour former des institutions ordrées qui inspirent
le droit.
Ex : ordre dans la cité comme ordre dans la forêt, dans un écosystème : on le constate, on le retranscrit dans une
institution pour faire respecter l'ordre - l'ordre trouvé dans la contingence.
Ordre dans la nature - ex : tout le monde ne peut pas faire des études ni des apprentissages - pas de supériorité, pas
d'infériorité, mais juste des différences. On a un ordre dans la nature, et on peut en trouver aussi dans la société .
Ex : tous les métiers sont respectables - mais on ne peut pas interchanger les personnes.
o Comme on a l'existence du genre, et cela permet d'en tirer la regula en droit : si on constate
un genre, c'est qu'il y a une certaine régularité. / ! / L'important, cependant, ce n'est pas de
rester au plan du genre : c'est un moyen du droit, mais cela n'en est pas la finalité ultime :
c'est le cas particulier, la iuris dictio = dire le droit dans le cas, et non pas seulement formuler
la loi.
• On va donc trouver la distinction entre justice générale et particulière.
▪ Générale : du point de vue de la société
▪ Particulière : du point de vue des personnes, qui se trouve dans la justice
générale.
• elle peut s'exprimer sous la modalité loi, et le juge donne la finalité même
dans le cas.
Pour TA, le droit se termine forcément dans la iuris dictio, dans le cas singulier, parce que ce qui a le
plus d'être / qui est philosophiquement le plus élevé, est ce qui est en acte - ce qui est là ici et maintenant.
Ainsi, l'existence, comme pour A, serait plus importante que l'essence. -> ex : la personnalité morale existe
moins que ses représentants. -> Comme TA pense un ordre parmi les êtres, ce qui est le plus en acte, c’est

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

celui qui est le plus en être : alors le cas, dans la justice, prime sur la règle = c'est sa finalité. La règle est
donc un moyen du droit et jamais sa finalité.
-> C'est pour cela que le positivisme légaliste est une aberration : il prend le moyen pour la fin. (ex :
l'argent n'est qu'un moyen - ce n'est pas la fin de l'existence de chacun). Ex : grec, on a l'interdiction de faire de
l'argent pour faire de l'argent - parce que la société va tomber. Ex : catholiques interdisent de faire des prêts avec
intérêts - on ne doit pas faire de l'argent sur de l'argent, parce que ce n'est pas possible naturellement =/= les fruits.
Raisons philosophiques qui mènent notamment au développement économiques - ex : les protestants
permettent le prêt à intérêt : la Hollande prend la place de l'Italie en Europe.
En résumé, le « général » (mot tiré de « genre », genus) en tant qu’il désigne une collection, manifeste un
(certain) ordre entre des êtres individuels « éléments » de ce collectif. Pareil tour d’esprit répond à
l’orientation inductive de la pensée aristotélicienne : le mouvement de l’intelligence début à cet ordre réel,
« in-carné », puis élabore, par abstraction et comparaison, le concept correspondant.
La réalité du droit procède aussi de cette logique du général (notamment avec la loi) mais ne s’en
contente pas car le droit vise à opérer des partages concrets, résoudre des conflits pratiques, rendre la
justice dans le cas particulier. Le droit atteint sans doute au général, « au genre » (dans le sens rappelé des
universaux) via la loi notamment, par définition générale et abstraite. Mais il ne peut s’arrêter à ce stade,
impersonnel, désincarné. La justice particulière réclame de dire le droit (juridicité) en tant compte de
toutes les particularités du cas donné, par définition singulier et concret.
La raison profonde (philosophie) de cette prise en compte du particulier pour lui-même (autant
qu’il est possible) en est que les êtres individuels conservent une réalité propre, et même une réalité plus
complète que celle que tente de saisir le « genre ». En effet, ils existent en acte, dans toute leur singularité,
alors que le genre ne retient que le commun : il abstrait donc, sélectionne et par là abandonne de très
nombreux aspects de chaque cas ou être singuliers.
Aussi d’Aristote, Thomas ne retiendra pas seulement, en matière de droit, que la justice est une
vertu – on se souviendra d’une vertu « juste milieu », « médiété » au sens de l’optimum et non de tiède
moyenne. On évitera encore l’interprétation superficielle d’Aristote et surtout de Thomas suivant laquelle
est vertueux celui qui ne ressent plus aucun désir alors qu’il s’agit, au contraire, de ressentir pleinement
les passions mais sans en devenir pour autant esclave : en bref, la vertu consiste à canaliser ses désirs pour
mieux en extraire ce qu’ils contiennent d’essentiel, de dynamique, de moteur pour toute vie pleinement
humaine – qu’elle a pour horizon la cité et le « bien vivre ensemble », que ceux-ci n’adviennent que par
les actes des citoyens, faisant que la justice se comprend toujours « en situation ». Il ne retiendra pas
seulement deux formes de la justice, générale et particulière, et les modes de cette dernière : justice
distributive et justice commutative.

o Il ne faut pas confondre la loi et le droit : il y a donc autre chose que la loi et la loi peut être
injuste.
Primauté du cas sur la loi : la jurisprudence est plus importante que la loi, on doit donc lire le code civil
dans l'autre sens.
o La loi a les mêmes 3 insuffisances qu'Aristote : cela vient de la finitude humaine - on a donc
besoin d'un juge, parce que la loi est insuffisante intransèquement.
• Générale et abstraite
• Mots
• Ne peut pas tout prévoir
De plus, le juge n'est pas une erreur / un accident : c'est lui qui permet la finalité du droit. =/= Ce n'est
pas seulement un accident comme le pensent les positivistes : en effet, on peut avoir un ordre juridique
sans loi mais pas sans juge.
Le sommet de la démocratie c'est donc le bon système judiciaire =/= ce n'est pas un bon législateur
comme le pensent les positivistes.
De tout le pragmatisme aristotélicien, Thomas retiendra surtout, pour le juriste féru du droit vivant (droit
appliqué), l’insuffisance – et même la double insuffisance – de la loi à l’égard des cas concrets : elle est
faite de mots, de langage donc l’abstractions et elle adopte une vue délibérément distancée, abstraite des
réalités singulières de la vie pratique (praxis), afin d’appréhender les cas les plus fréquents. → En bref, le
droit ne se réduit pas à la loi, ce qui oblige à en présenter les rapports réciproques, multiples et complexes.
On relèvera, ensuite, le moment de la restauration de la loi humaine, moment inité, au plan
théorique, par Thomas, dans la ligne de l’attention renouvelée aux réalités concrètes. De cette ligne

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« pragmatique » découle encore la distinction d’une pluralité d’aspects, au sein de la réalité étudiée elle-
même.

SECTION 5. DU DROIT À LA LOI … ET RETOUR


Articulation de la justice générale et particulière : il y a un lien avec Aristote et Platon : il considère la
Justice comme la vertu des vertus. La justice donne l'harmonie de la cité et de l'homme : les deux
harmonies se répondent l'une l'autre et cela mène à la vertu des vertus = la justice.
La meilleure vertu selon d'Aquin est donc la justice : porteur de l'harmonie sociale, c'est bon aussi
d'un point de vue religieux et moral.

Justice générale vs justice particulière : toute justice se prend d'abord dans son acception générale, donc
sur le plan de la cité comme tel. La justice vient d'un collectif propre, avec une existence propre, et qui
a un droit qui est différent de celui des individus particuliers.
Biens de la cité, bien commun, lieu de réalisation de la nature même de l'homme - zoon politikum.
/ ! / Par contre, la justice générale n'absorbe pas le citoyen : ce dernier garde une existence propre au
sein de la cité -> au sein de la justice générale, il y a une justice particulière où on regarde le destin de
l'individu en tant que tel. On le regarde du point de vue de la cité mais aussi de son rapport avec les
autres citoyens.
On ne s'occupe plus de la perspective de la cité, mais de ce que chacun doit à l'autre, au sein du
cadre de la justice générale -> La justice générale donne le cadre à partir duquel on doit penser la
justice particulière.
La justice particulière peut être assimilée aujourd'hui au système juridique. Quid du cadre ? C'est
plutôt de la politique -> ex : La Cst est entre la justice générale et particulière.
Justice particulière : on promeut le point de vue de la personne plutôt que celui de la cité - on ne doit
pas partager les choses seulement du point de vue de la cité / du collectif, mais aussi du point de vue
entre les personnes. -> Entre les citoyens : con-citoyens : on est citoyen ensemble, entre nous, vis-à-vis
du tout qui est la cité.
Platon l'avait oublié : il faut regarder le point de vue de la cité mais aussi les rapports des citoyens entre
eux.
Il y a deux voies :
• Une voie abstraite : c'est tout simplement la loi. La loi est générale et abstraite.
• Une voie concrète : la iuris dictio - le droit tel qu'il est dit dans le cas. C'est normalement
l'application de la loi dans le cas.
On a donc une distinction entre le principe et ses cas d'application : G & A -> I & C (général et abstrait
→ individuel et concret)

On a d'abord la justice générale qui donne le cadre général de vie dans une cité. A l'intérieur, on a l'ordre
juridique = justice particulière.
Quand les ordres juridiques sont nombreux, on organise la justice particulière de deux façons :
• La loi
• La jurisprudence : quand on la rend, alors cela vient nourrir à son tour la justice générale -> parce
que c'est toujours un citoyen qui voit un cas résolu : il y a toujours un acte général dans l'acte le
plus pointu de la justice particulier : un jugement.
La justice générale est donc toujours le cadre de la justice particulière : on a une finalité courte : la justice
dans le cas. Mais aussi une finalité longue : il faut que cela permette le bon fonctionnement de la société
en soi.
Ex : droit privé - c'est toujours du social : juste que plus horizontal que le droit public.

La loi est générale et abstraite : elle dit le juste, mais elle le dit de manière abstraite. A dirait que c'est
un juste tel que saisi par le prudent.
-> C'est donc un juste général et abstrait : cela ne règle pas le cas. Il faut donc passer de la loi au cas : la
loi est intrinsèquement insuffisante - elle doit être réalisée, réalisation de son potentiel, dans le cas :
comment ? C'est dit par le juge. Il ne faut donc pas s'arrêter à la loi dans le raisonnement : elle ne sera
complète que lorsqu'elle sera réalisée dans un cas concret.
Le bon choix des critères de l'action juste : la loi qui est déjà en acte dans ce sens.

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Le choix de la bonne solution : l'équité du juge dont on a besoin pour la justice.


Le cas parfait la loi =/= pensée moderne : où on place les cas purement dans une catégorie = accident.
Non, ici la loi est exercée, est pleinement elle-même, est réalisée par le cas = cela fait partie de son
essence. La jurisprudence est ainsi la perfection de la loi : relation de part en part.
On a donc pas de séparation pragmatique entre loi et cas : juste didactique. En réalité, c'est lié et cela ne
fait qu'une.
Une loi n'est pas intéressante sans cas : on ne peut pas réfléchir à la loi sans cas - on ne peut pas arrêter
son raisonnement à la loi (pas de légalisme)
Dans la mesure où le droit constitue l’objet propre de la vertu de justice, et que, à la suite d’Aristote,
Thomas distingue deux formes de justice – une justice générale et particulière -, on se retrouve devant
deux niveaux de droit différent.
• Le premier, correspondant à la justice générale, se conçoit à l’échelle de la cité tout entière et vise
au « bien commun », but ultime de la politique, en lequel se réalise la nature d’ « animal
politique » de l’homme.
• Toutefois, le point de vue du but commun ou « bien vivre ensemble » n’absorbe pas le point de
vue particulier de chaque personne.
La justice a pour fonction d’articuler ces deux types de fins (ou causalités finales) avec une prééminence
du bien commun sur les biens particuliers. Il revient dès à la justice générale de fixer selon ses propres
voie le cadre au sein duquel s’élabore la justice particulière.
Au sein de la justice particulière, il y a lieu de distinguer entre général et particulier. Il ne s’agit
plus de distinguer à ce stade le niveau de la cité du niveau du citoyen – celui-ci devant s’articuler avant
celui-là au demeurant – mais de réaliser au sens plein du terme, donc rendre réel, faire passer dans les
rapports concrets, la justice particulière. → En effet, si la justice particulière traite de la juste position de
chaque citoyen vis-à-vis de ses « con-citoyens » - selon la proportion ou égalité géométrique (justice
distributive) ou selon l’égalité arithmétique (justice commutative) – au sein de la cité, elle embrasse cette
problématique selon deux voies :
• Une voie abstraite dans laquelle la justice particulière est portée par la loi
• Une voie concrète dans laquelle elle est portée par le droit concrétisé dans la situation particulière
litigieuse.
Les deux voies diffèrent à la manière du principe et de ses applicables, du général et abstrait et du singulier
et concret. Dans pareille conception, on se garde de confondre loi et droit : le droit ne se réduit pas à la
loi, comme le prétend le légalisme.
➔ La loi se comprend, dans la philosophie thomasienne, comme le modèle du droit, du rapport
juste en situation. Elle est, certes, élaborée par le législateur dans l’exercice de sa vertu de
prudence à savoir qu’elle vise bien le « en situation », mais le vise depuis un point de vue abstrait,
« idéal » : son objet propre n’est pas de régler tel ou tel cas concret dans toute sa singularité mais
d’indiquer pour l’ensemble des cas analogues (dans le futur) la solution générale juste. Sans doute
cette solution juste se veut-elle à sa manière « en situation » c’est-à-dire répondre à des problèmes
qui se posent possiblement dans une telle cité donnée. En d’autres termes, elle se veut
commensurable à sa cité, mais d’un pragmatisme qui ne concerne pas encore le détail de chaque
cas litigieux qui s’y présentera.

Explicitation de la relation d'exercice par l'idée du modèle : il faut comprendre que la loi ne commande
pas. -> La loi ne commande qu'aux citoyens qui manquent de raison pratique.
On doit pour le comprendre s'inspirer du modèle de la statue de A: un sculpteur veut tirer d'un bloc de
marbre une statue. Comment sait-il où il doit commencer, à quel endroit, avec quelle force ? Il lui faut
un modèle. C'est en fonction de ce modèle qu'il peut élaborer son comportement.
-> C'est exactement ainsi que d'Aquin pense le rôle de la loi : la loi ne commande pas, elle offre un
modèle de conduite.
• Modèle de conduite : c'est plus souple.
Le modèle n'indique pas exactement le comportement qu'il a à faire in casu, in concreto (ex : la statue
casse alors qu'on la construit selon le modèle).
C'est donc un guide, qui donne la mesure =/= l'univocité. C'est une figure générale que je suis, et non un
comportement précis que j'adopte. (ex : bonus pater familias, bonne foi - ce ne sont que des modèles, pas définis
précisément - mais cela permet de saisir tous les cas )

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• Commandement : par définition, il doit s'appliquer à tout le monde de la même manière quel que
soit le contexte. -> On a une idée d'univocité.
Un commandement c'est indépendant du contexte et du destinataire du commandement. Il doit
être reçu de la même manière dans tous les contextes et tous les lieux.
Dans les lois, souvent, il n'y a pas de commandement : ce sont des modèles - et on essaie de s'en
approcher, par analogie, par le contexte (ex : quelle statue a-t-on en fonction de la matière ? Travail, résultat
différent). La loi doit produire en acte un certain comportement, mais on ne peut pas savoir à l'avance
lequel, parce qu'il y a des résistances dans le cas que le législateur ne peut pas prévoir. -> donc pas de
commandement, juste des modèles. On doit prendre des modèles qui permettent de prendre en compte
les spécificités de la situation en question.
Le modèle ne fait rien en soi (ex : preuve le modèle de la statue ne fait rien, c'est moi qui fait) -> la loi ne fait
rien par elle-même. La loi est une idée, aucune réalité matérielle, elle ne fait rien. Ceux qui font, ce sont
les acteurs du droit, qui sont en acte. L'idée d'une loi comme mesure c'est ne pas se leurer ce sur ce que
c'est : la loi ne commande pas elle-même, elle ne fait rien, elle ne fait que proposer un modèle : elle
étalonne, elle permet de comprendre les modèles de conduite.
La loi ne peut pas faire intervenir l'ordre par elle-même, parce qu'elle n'est pas agissante. On retrouve la
nécessité intrinsèque d'un juge : ce n'est donc pas un accident du droit comme le pense les légalistes : la
loi n'est pas tout le droit, ce n'est même rien - le droit se trouve plutôt dans la personne du juge.
On ne peut pas faire l'impasse sur le juge : parce que le législateur ne peut pas prévoir les cas, aucun
même, parce qu'il n'y a pas de science du particulier. Parce que s'il y a science, il y a des recherches de
régularité et donc si on a une régularité, il n'y a plus de particulier. Comme science du particulier est un
oxymore, le législateur ne peut pas avoir la prévision de ce qu'il y aura dans le cas. La loi est donc une
prévision, un modèle, et pas un commandement.
On pourrait avoir un commandement seulement si on avait une science du particulier, comme une
science dure. Mais cela n'est pas possible dans les réalités sociales - l'idée d'un droit comme
commandement est donc irréaliste.

La différence est fondamentale entre commandement et modèle :


• Commandement : on s'en fiche des circonstances, du cas particulier. Il n'y a aucun intérêt pour le
cas particulier.
• Modèle : le juriste applique la loi comme un modèle, mais pas comme un commandement. On va
devoir adapter le modèle à la situation. On n'a qu'une forme générale, qu'il faut adapter. Le sujet
de droit ne peut juste appliquer la loi comme elle existe : elle doit regarder les circonstances. Le
sujet de droit amène à l'adaptation, ce n'est pas comme le commandement qui est univoque.
Ex : loi - commandement : dans tous les cas, on doit préférer les sursis à la peine ferme. Mais comme modèle, on
peut voir que parfois, c'est mieux d'avoir une peine ferme qu'un sursis. -> Il faut le faire si on pense que c'est le
plus juste : mais il faut considérer que la loi est la mesure, et non un commandement. La mesure en effet est
différent selon les circonstances = c'est plus souple.
Par contre si on considère comme commandement, même si moins juste dans le cas, on applique,
on respecte la loi.
Dans la plupart des règles du droit, on a des modèles et non des commandements. Juste souvent en droit
pénal parce que théologique. Ex : différence entre compétences entre Confédération et cantons - c'est plus un
modèle qu'un commandement.
-> Si on considère aujourd'hui la loi comme commandement, c'est parce que l'on a l'idée du droit comme
le droit pénal -> on ne considère plus le droit comme on devrait, comme une mesure, un étalon = il ne
commande que très peu.
Au même titre que l’artiste imagine un modèle de la statue avant de procéder à sa réalisation, le législateur
conçoit le juste et le formule dans la loi avant sa concrétisation dans les cas singuliers. Ici, comme là, le
modèle ne se confond pas avec son produit en acte. L’exécution de la statue rencontre en effet des
résistances de la part de la matière travaillée. La matière sociale vivante moins encore ne se laisse
appréhender d’un coup, dans tous ses aspects, par le modèle légal. En d’autres termes, le modèle de la
statue n’est pas de soi efficace, propre à produire la statue concrète. Il faut l’intervention matérielle,
pratique du sculpteur.
De même la loi, si nécessaire que soit ce qu’elle commande ou recommande pour l’ordre de la
cité, ne peut pas elle-même le faire advenir dans le détail de chaque situation puisqu’elle n’en est que le

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modèle. Et comme il n’y a pas de science du singulier dans la pensée aristotélicienne – que Thomas suit
sur ce point – la loi ne peut « pré-voir » (voir à l’avance) ce que donnera son application dans la situation
compte tenu de l’ensemble des circonstances. Or, c’est là précisément la fonction et l’essence du droit au
sens des juristes.
Aristote déjà avant insisté sur l’intrinsèque insuffisance de la loi due à sa nature langagière d’une
part, à l’infinie variété des situations de la praxis d’autre part : la chose concrète en tant qu’elle existe ici et
maintenant est toujours plus riche d’aspects que son essence ou son concept, ne serait-ce que par les
accidents qui en font la singularité et, à ce titre, n’entrent pas dans la définition (ou essence ou encore
concept) de la réalité (res, chose) considérée.
Or la fin ultime de la praxis, comme l’équivalent linguistique français le laisse entendre – pratique –
consiste à assumer les situations concrètes, politique, éthique ou juridique : les pragmata. La loi ne peut
les atteindre puisqu’elle est modèle abstrait. En ce sens, le droit est plus complet et plus « parfait » -
« parfait » très précisément « par-fait », fait de part en part donc plus achevé, qui assume tous les aspects
d’une situation – que la loi : il est le juste dit ici et maintenant par la voie d’un jugement, dans telle situation
concrète et non simplement un juste abstraitement conçu.
Toutefois, l’expression légale du juste est de la plus grande utilité pour le droit, quand bien même
ne lui est-elle pas indispensable, comme l’atteste les ordres juridiques qui ne connaissent pas la loi écrite
– ils sont bien connus des ethnologues et anthropologues mais ne sont plus guère pertinents pour la pensée
occidentale. On rappellera néanmoins que certaines branches du droit, et singulièrement du droit
international, sont dominées ou fortement influencées par la coutume.
➔ La loi dessine une première orientation au juste, une première approximation du droit, raison
pour laquelle il n’est pas possible de déduire le droit de la loi, de calculer la solution juridique
concrète à partir de l’orientation légale : le syllogisme n’opère de manière certaine que si la
majeure est nécessaire et précise : en toute rigueur, la déduction ne vaut que dans le domaine des
sciences (naturelles)
➔ A la difficulté des rapports circulaires droit-loi-droit (concret), s’ajoute celle de la nature
multidimensionnelle du phénomène loi.

C'est la situation pratique qui donne la loi : assume la loi. Si ce n'était qu'un commandement, on ne ferait
pas du bon droit. -> Qu'est-ce que la loi peut purement résoudre le cas ? La loi n'est qu'un modèle abstrait
dans lequel le juge règle le cas.
La loi comme commandement : il n'y plus besoin de jugement - parce qu'on doit toujours la
respecter.
Or, ce n'est pas logique, parce que la loi demande le jugement (raison, mais aussi les cas) -> Le légalisme
prend alors le texte pour la norme, alors que ce n'est pas le cas. Le droit n'est pas la loi non plus. C'est
beaucoup plus subtil.
On a donc le caractère indispensable de la juridiction : si on n'est pas juriste, on n'a pas la norme - parce
qu'il faut la pratique des idées en tête. Le texte n'est vraiment pas la norme.
Résultat du cas à partir de la loi, mais pas purement déductif : ce n'est pas un commandement,
c'est un modèle : on ne peut pas calculer, on ne peut pas prévoir à l'avance. On est dans autre
chose. -> Le syllogisme est très douteux.

La sécurité du droit ce n'est pas d'avoir uniquement des signifiants clairs dans la loi : la sécurité du droit
n'est pas la clarté du signifiant -> mais la clarté du signifié.
Ex : le concept de chien n'aboie pas - derrière le signifiant, il y a un concept. Ce concept n'aboie pas : que le chien
concret aboie.
Comment la loi peut être sûre ? Elle pourrait au moins l'être sur le signifié, c'est déjà mieux que le
signifiant. Mais cela ne donne rien du réel.
On peut avoir une connaissance parfaite du signifiant et du signifié, sans avoir le cas réel ex : le chien -
concept de chien : mais cela ne répond pas à la question : quid si un félin sur le quai ?
Pour les catégories légales, il faut les histoires en tête - donc le réel.
La catégorie légale : ce ne sont pas purement des signifiants, des définitions, ce sont des histoires. ->
Les catégories juridiques fonctionnent pas parce que l'on a les mêmes mots et les mêmes définitions,
mais que les histoires.
Les légalistes : ils se trompent.

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SECTION 6. L A LOI , UNE RÉALITÉ HUMAINE MULTIDIMENSIONNELLE


La loi humaine est écrite : elle est respectable et pratique pour gérer les grands ensembles.
Le problème, c'est que la loi a toujours été pensée de manière complètement abstraite, de plus avec une
origine transcendante (rajoute de l'abstrait). Cela s'explique par la pensée chrétienne : on est pénétré par
une idée de texte et de droit.
Ecrit : cela fait que l’on surdétermine les lois écrites, parce que cela nous fait penser à nos textes
religieux.
/ ! / Il ne faut pas s'arrêter au texte : le texte est un prétexte, et tout le reste n'est qu'interprétation ?
Faux, mais on est en train de prendre cette idée aujourd'hui.
Le texte ne donne pas les cas, c'est le juge qui fait parler le texte.
La loi en tant que forme (ou formule) écrite du droit occupe depuis des siècles une place centrale dans
les systèmes juridiques occidentaux (à l’exception encore, pour quelques temps encore, des pays de
common law), tant du point de vue pratique que du point de vue de la philosophie du droit.
C’est parce que, on l’a vu avec Augustin, la loi des juristes (son essence ou définition) s’articule
aisément avec la « loi » de la religion judéo-chrétienne, en particulier au regard de la Bible – Texte des
textes, l’Ecriture – et de la force sociale et morale du Décalogue.

Double déplacement de loi par rapport à ce qui était pensé auparavant :


• Il faut faire redescendre le droit sur terre : il faut faire du droit positif pour les réalités humaines.
(conceptions d'Augustin, théologiques)
• La loi n'est pas homogène : la loi n'est pas un bloc, issu de la volonté de Dieu -> cela va donner le
modèle de la loi que l'on pense aujourd'hui.
La pensée thomasienne, toute chrétienne qu’elle est, va opérer un double déplacement de la notion de
loi par rapport à la conception dominante de son temps inspirée par l’augustinisme :
• D’une part, la loi va redescendre sur terre pour servir directement aux intérêts des hommes en
tant qu’animaux sociaux et plus seulement en tant que créatures
• D’autre part, la notion monolithique et homogène de « loi » va éclater : la loi ramasse ou centre
une pluralité de points de vue sur les réalités qu’elle a pour fonction d’ordonner en vue du bien
commun (« du bien vivre ensemble »)

SOUS- SECTION 1. U NE LOI HUMAINE RESTAURÉE


Pour Augustin, la loi humaine est mauvaise parce que l'homme est mauvais dans son principe.
TA : pour lui, l'homme n'est pas intrinsèquement adultéré : l'homme peut et doit bien se comporter sur
terre -> il faut faire des bonnes lois. La vie terrestre n'est pas qu'une mauvaise étape dans la vie chrétienne
: non, ce sont les premiers pas pour remonter vers Dieu.
Il faut donc élaborer un droit humain, qui a sa valeur en soi, indépendamment de la valeur théologique
qu'elle pourrait avoir. -> Laic : on ne saurait donc se contenter des lois divines, et mépriser les lois
humaines. Parce que les lois divines sont trop abstraites pour régler les problèmes que se posent les
humains. Il faut faire des lois positives qui règlent leurs problèmes ici et maintenant.
Le droit naturel (donc trois types de droit : religieux, naturel et positif) existe, mais il est insuffisant : il
est trop vague pour les problèmes concrets qui se posent. -> On passe de la sphère naturelle et divine à
la sphère concrète. / ! / Sphère concrète : c'est la société et non pas l'individu.
Augustin n’avait aucune raison de faire grand cas de la loi humaine : l’essence de l’homme ayant été
corrompue par la Chute, toutes ses productions sont marquées du sceau du péché, de l’imperfection. →
Il pouvait ainsi négliger, si ce n’est pratiquement, en tous les cas théoriquement (du point de vue de sa
métaphysique et de sa théologie), la justice humaine : le passage sur terre n’est qu’une étape, somme toute
assez secondaire, dans le parcours de l’âme de la créature désirant ardemment retourner à son Créateur.
Pour Thomas, la vie terrestre, en particulier la vie en société, n’est pas accidentelle mais fait partie,
au contraire, de l’essence même de l’homme : son statut (essence) de « créature » en contrevient
aucunement à sa nature « d’animal politique » : c’est déjà au sein de la société que l’homme peut et doit
élever son âme.
➔ En conséquence de quoi l’homme ne saurait se contenter ni des lois divines, éternelles ou
positives, comme le Décalogue, ni du droit naturel : les unes et les autres sont trop abstraites, trop
éloignés de la vie pratique telle qu’elle se développe au sein d’une cité donnée, avec ses réalités
sociales, économiques, géographiques, climatiques etc.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

➔ Il faudra donc restituer à l’homme le pouvoir de créer du droit, pour ses fins propres, via des lois
positives humaines notamment.

/ ! / : Une grande part du droit va s'exprimer sous forme de loi : c'est une loi écrite. Mais la finalité du
droit reste le cas, ce n'est qu'un moyen.
Tension droit naturel et positif : le droit positif doit respecter le droit naturel variable =/= univoque.
Droit naturel pragmatique, bottom-up. Il faut voir à une société donnée, à une époque donnée, le droit
naturel pour le réaliser dans le droit positif.
➔ Pareille position est remarquable en tant qu’elle découle de l’insuffisance du droit naturel –
affirmée par Thomas – à régir l’ensemble des relations humaines : il doit être complété par le
droit positif, droit posé par l’homme dans les formes de la loi principalement. Et la plus grande
partie du droit sera constituée par le droit positif.
➔ Il n’y a donc pas de place pour un code de droit naturel dans la philosophie du droit thomasienne,
ce d’autant moins que la nature y est considérée comme variable, plus précisément en perpétuelle
tension.

Premier pas vers la modernité du droit : deux natures de l'homme - créature et zoon politikum. L'homme
a donc une valeur pour lui-même en tant que zoon politikum. Il n'est donc pas que la créature d'un Dieu
- le droit humain trouve alors une autonomie et une importance incroyable =/= négligé comme chez
Saint Augustin.
L'espèce humaine doit être considérée comme elle-même, et pas seulement comme créature -> on a donc
une certaine autonomie de l'homme par rapport à la théologie, la religion, voir la cité : parce que
l'homme est aussi pour lui-même.
Par l’espace immense ménagé en faveur de la loi humaine, Thomas se démarque profondément
d’Augustin. Son originalité s’affirme encore à l’égard de Platon et d’Aristote, fondant dans la ligne de la
pensée chrétienne l’un des traits majeurs de la modernité : l’homme n’est pas seulement un citoyen, mais
il est aussi digne en lui-même dans le regard de Dieu.
Qualité de l'homme en plus de celle de créature : "Or, la créature raisonnable – soit, pour la praxis, l’homme
– relève de la divine Providence comme gouvernée et digne d’attention pour elle-même et non pas seulement en
vue de l’espèce" -> la créature est digne d'attention pour elle-même, et non seulement par Dieu et pour
l'espèce des humains.
On a la graine des droits subjectifs, parce que les droits sont attachés à la personne - on a certaine
distinction entre l'homme raisonnable qui n'est plus simplement une créature ou finalisé au
collectif.
-> Repris par Scot et Occam pour faire de l'homme la matrice de tout le droit.
/ ! / Mais pas TA parce qu'il reconnait la théorie des universaux : il y a une société pour elle-même
et non seulement une addition des membres.
On quitte l'idée de base des grecs : parce que l'on n'est plus qu'un citoyen attaché à la cité - la personne
est aussi pour elle-même dans ce cadre - cela vient de l'idée chrétienne.

-> Si on supprime les universaux, alors on a l'individualisme qui arrive =/= pas ici, parce que l'on a les
personnes + les citoyens. -> Si on supprime les universaux, par contre, on aura que des individus -> et
tout le droit va se construire au travers des individus.
-> Problème aujourd'hui pour récupérer un vrai bien commun, individualisme, pour protection de
l'environnement.
Il faudra encore une « révolution » intellectuelle – le nominalisme d’Occam – pour voir l’homme en tant
qu’individu s’approprier l’ensemble de l’espace social qu’il reconstruit à partir de soi grâce aux théories
du contrat social, dans la logique desquelles l’homme se crée lui-même, s’auto-crée, citoyen.

Le droit assume une pluralité de point de vue qu’assume simultanément la loi, loin de toute conception
monolithique ou homogène.

SOUS- SECTION 2. U NE LOI MULTIDIMENSIONNELLE


PARAGRAPHE 1. QUAND LA RAISON PARLE À LA VOLONTÉ : LE RAISONNABLE , ICI ET
MAINTENANT

139
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Hétérogénéité : la loi, pour TA est le résultat de deux facultés humaines : la raison et la volonté.
=/= La volonté de Dieu qui impose sa volonté dans les Evangiles. Il n'y a pas besoin de raison chez
Augustin.
Portant un regard sur le phénomène « loi », on n’obtiendra pas une image unique, distincte, homogène.
On sait qu’Aristote, analysant les choses du monde, multiplie les points de vue portés sur chacune d’elles
afin de la saisir dans toutes ses dimensions → Thomas demeure fidèle à cet enseignement.

Pour TA la raison et la volonté doivent collaborer. On doit donc les articuler. Comment ?
• Idée : l'homme est un être sensible, mais doué de raison. Il reçoit des sensations, et grâce à la
raison, il arrive à y mettre un peu d'ordre.
Ex : critère de la fonction chez A qui permet de mettre de l'ordre dans la contingence.
La raison pratique permet de mettre un certain ordre dans les choses : cette raison pratique qui reconnait
les finalités naturelles propose à la volonté les finalités naturelles. / ! / C'est la volonté qui décide, et pas
la raison, parce que c'est une faculté de réflexion et non d’agissement.
Si on agit, ce n'est pas parce que l'on en a l'idée, mais parce que l'on a envie. La volonté peut donc suivre
les ordres donnés par la raison ou pas -> la volonté peut décider de suivre la raison ou pas.
• La loi n'est jamais une pure volonté, parce qu'il faut de la raison pratique. Cela ne peut donc pas
être un commandement, c'est donc un modèle. L'origine ultime de la loi n'est donc pas la volonté
mais la raison ultime du législateur = sa prudence. La prudence est la base du législateur, la
modalité n'est que la volonté, notamment les sanctions. On peut s'en passer.
La compréhension du phénomène juridique, en particulier la loi, réclame une étude conduite à partir de
plusieurs points de vue dont l’articulation ne va pas de soi. → Quoi qu’il en soit, la loi présente une
pluralité d’aspects.
• On devrait, en bonne théorie, distinguer la loi en tant qu’elle répond à la justice générale et la loi
en tant qu’elle répond à la justice particulière → en tant que juriste, on s’intéresse surtout à la
justice particulière (=/= un politique : plutôt justice générale)
• Pour Thomas, la loi ne se réduit pas, comme chez Augustin, à un acte de volonté du gouvernant
ou du législateur, c’est-à-dire un commandement. Son origine ultime est à rechercher dans la
raison, plus exactement la raison pratique, partie rationnelle de l’âme vouée à la praxis, à l’action.
On pense naturellement ici à la prudence aristotélicienne.

• La volonté est donc subordonnée à la raison pratique. / ! / Elle n'est pas méprisée : elle permet de
faire passer le sujet ou pas à l'action - elle permet de faire passer la raison pratique à l'action si elle
en a envie.
Mais subordonnée, parce qu'elle reçoit l'analyse de la raison pratique, elle ne la fait pas. Par contre, elle
est libre ou pas d'y adhérer.
• Que découvre la raison pratique ? Elle découvre dans les choses sociales certaines régularités. En
effet, les hommes ont toujours une certaine finalité : l'homme a des buts - télos. La raison pratique
peut reconnaitre les buts naturels, qui finalisent une personne.
Elle peut reconnaitre la finalité de l'homme : donc ce qui l'exhausse et qui l'abaisse -> on n'aura aucune
volonté, obligation sans finalité.
La loi ne peut pas être un commandement : parce que l'on n'a pas besoin d'avoir un but - on suit, pas
besoin de comprendre pourquoi. -> Si on veut comprendre le but, c'est que la loi est un modèle.
• La nature humaine répond au zoon politikum : elles indiquent nos finalités naturelles. (raison
pratique)
La volonté ne se trouve cependant pas mise de côté : elle est « subordonnée » à la raison pratique qui lui
indique ce à quoi il serait bon qu’elle adhère si l’homme veut être davantage lui-même, s’il veut réaliser
ses potentialités d’animal politique. Cette subordination de la volonté à la raison pratique, dit plus
pragmatiquement, au raisonnable dans le domaine de l’action s’explique de diverses manières.
A commencer par l’idée de régularité, indissociable de celle de loi ou règle, regula en latin. Qui
dit régularité écarte aussitôt la volonté pure, le caprice. Par là où l’on voit que la raison donne la mesure
à la volonté car il ne saurait y avoir d’obligation sans finalité, sans but, dans les pensées nourries
d’aristotélisme. Or, c’est la raison (pratique) qui juge des fins, de leur adéquation à la nature humaine telle
qu’elle peut s’exercer dans une cité donnée. Et le propre de l’homme est d’agir selon la raison : on ne le
sait que trop, la volonté faillit souvent.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Semaine 12
Rappel : La loi est hétérogène, car le réel n'a jamais une seule cause -> le phénomène juridique aussi.
-> Pour la loi, on a donc la raison et la volonté = la loi n'est donc pas homogène. (ex : contrairement à d'autres auteurs
où la loi n'est affaire que de volonté)
Quid de la collaboration entre raison et volonté ? Quid des conséquences ?
• Quand on se pose cette question, on est dans la justice particulière.
• On perd tout de suite l'idée que la loi est un pur commandement, vu que la raison y participe.
o La raison analyse la volonté, celle qui veut commander.
La loi n'est donc pas que commandement - comme le disait Aristote : la loi mesure, mais ne commande pas. Elle
ne commande que ceux qui n'ont pas assez de raison pratique.
-> Ceux qui ont assez de raison pratique, la loi ne les commande pas. Il y a donc une primauté de la raison sur la
volonté pour TA : si la raison a été augmentée, permettant au citoyen une grande raison pratique, elle permettra
d'adhérer au jugement de la volonté - la volonté est minime.
C'est comme cela qu'on attend l'obéissance du citoyen : pas dans le commandement dans la loi, mais plus dans la
compréhension du citoyen qu'elle est raisonnable.
-> Comme cela en Suisse : on respecte la loi parce qu'on la trouve raisonnable.
• Mais on ne se passe pas de la volonté : pour TA, c'est bien la volonté qui a bien la faculté de l'action - ce
qui nous fait agir, passer à l'acte, c'est la volonté : la raison a besoin de la volonté pour agir.
Mais ce n'est pas la volonté qui donne le contenu des règles de droit : c'est la raison.
-> La volonté adhérera ou pas à la raison : la volonté reste libre de ne pas adhérer au raisonnable que lui indique
la raison : c'est elle qui le paiera plus tard. La créature, l'homme, reste libre.
• Pourquoi ? Parce que pour lui, c'est par la raison pratique que l'on découvre les potentialités que l'on a en
nous (ex : zoon politikum).
Elles sont différentes entre les hommes : si on a tous envie de vivre avec autrui (on est tous des animaux politiques),
on n'a pas tous le même ergon. -> On n'a pas tous les mêmes données naturelles, la même éducation.
-> C'est pour cela que l'on peut partager une raison pratique commune : elle n'est pas égale mais analogue.
C'est par l'introspection que l'on connait nos potentialités : la raison permet de trouver les potentialités > la volonté
: elle va vouloir réaliser le potentiel qui est en nous. (ressemble à du développement personnel)
o De plus : le problème de la philosophie pratique est de trouver des régularités. Comme le matériel en
soi est contingent, et donc pas nécessaire, dans l'idée je ne peux rien faire. Pourtant, dans la
contingence, je dois trouver des régularités. Mais comment je peux le faire ? Par la raison.
-> Si je chercher la régularité, c'est que je ne suis pas dans la volonté pure : je sors du caprice, qui est l'essence
même de la volonté, qui vient et s'en va sans aucun fondement.
-> Du coup, ainsi, TA écarte tout ce qui a attrait à l'arbitraire : on aura un droit rationnel, raisonnable - un droit qui
rejette l'arbitraire.
-> La raison, c'est que pour TA, toute action a toujours une finalité / un but. Les hommes n'agissent pas s'ils n'ont
pas un but (preuve : première méthode d'interprétation, même dans le Methodenpluralismus, est la méthode
téologique) -> on cherche toujours "le bien".
La faculté de trouver un but est la raison : la découverte des finalités est œuvre de la raison -> comme les finalités
guident les actions, la raison guide donc la volonté qui agit.
La raison est la faculté qui permet de mettre en adéquation les moyens et les fins (définition au fond de la prudence)
-> l'homme doit donc agir avec raison = chercher la bonne adéquation des moyens et des fins, et donc avoir trouver
pour cela les bonnes finalités

o La loi ne lie donc pas pour lier : la loi est toujours en vue d'un certain but - c'est la raison
pour laquelle la première démarche en face d'une loi est d'en trouver le but (ratio legis)
-> preuve : dans les nouvelles lois, on demande au législateur de mettre le but dès les premiers articles
des lois. -> Parce que ce n'est qu'une fois que l'on a fixé que l'on peut agir : donc on ne peut utiliser la
loi tant que l'on ne sait pas le but.
Du coup, la loi ne lie pas pour lier - il y a un but =/= il n'y a donc pas que du commandement.
Positivisme : on devrait obéir à la loi parce qu'elle l'a commandé : bon parce que prescrit. C'est
faux pour TA : c'est la cause finale qui guide l'action - la loi n'est qu'un moyen du but.
Preuve : Art 1 CC - la loi est un moyen du droit, cf. notes de bas de page en allemand.
• L'avantage de cette position, c'est que l'on peut déclarer injuste une loi. Si la loi
contrevient aux finalités de l'homme, donc qu'elle ne réalise pas sa nature de zoon
politikum, elle est injuste. Ex : faire payer des impôts qu'aux pauvres et pas aux riches -
injuste : ne sert pas le bien commun. -> On peut donc faire de la désobéissance civile =/=
positivisme juridique : les lois sont incritiquables, pas de désobéissance civile.

141
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

En d’autres termes, la loi ne lie pas pour lier, mais oblige en vue de l’accomplissement d’une certaine fin,
laquelle doit permettre à l’homme de réaliser ses potentialités en tant qu’animal politique.
Ainsi la loi ne peut-elle se réduire au commandement d’un supérieur : il faut toujours considérer son
contenu, position qui permet à Thomas d’affirmer qu’il y a des lois injustes, quand bien mêmes émanent-
elles régulièrement de celui qui détient dans la cité le pouvoir de dire le droit. Où l’on voit que pareille
position se révèle bien davantage subversive qu’elle n’est conformiste.
o Dire le droit ne se réduit jamais à la pure application : on sait que dire le droit, c'est faire
parler une source formelle dans le cas particulier en tenant compte autant que faire se peut
de toutes les singularités du cas. Il lui faut donc un jugement d'adéquation de la loi vers le
cas : on le nomme équité chez Aristote.
• Ce n'est pas la volonté qui est la faculté d'équité : il n'y a pas de jugement dans la
volonté- la volonté ne fait qu'adhérer ou pas, au jugement de la raison.
• C'est forcément la raison qui va opérer ce jugement : c'est donc la raison qui va opérer
ce jugement, fondement du droit - la raison est le fondement du droit.
▪ La volonté est libre d'adhérer ou pas à ce jugement.
Ex : On fait des bêtises - la raison dit rétrospectivement que l'on aurait pas dû (volonté) faire cela. Ex 2 : des fois,
on sait que l'on fait faux, mais on veut le faire quand même.
-> La volonté ne juge donc pas, elle entraine simplement, y compris dans des pentes mauvaises.
▪ La raison a donc besoin de la volonté : on n'est pas dans un pur rationnalisme
comme dans l'école moderne du droit naturel. -> Cela vaut même si leur relation
est délicate.
Et si la raison (pratique) constitue l’instance qui évalue la loi, alors « dire le droit » dans une situation
donnée ne se réduit pas à la simple application du texte de la loi au cas, comme le ferait un mathématicien
avec un théorème. La jurisdictio consiste bien plutôt en un jugement, une estimation pour savoir si, in
casu, dans le cas présent, la fin ou le but visé par la loi est bel et bien réalisé ou non.
Soit l’hypothèse d’un parent à charge de la surveillance de sont petit enfant, qui s’assoupit
quelques instants au bord de la piscine, moment durant lequel l’enfant, tombé à l’eau, se noie. Le parent
sera par échéant condamné pour « mise en danger de la vie ou de la santé d’autrui. « Exposition (Art 127
CP). Mais le juge prononcera une peine « quantitativement » au dessous de la normale, estimant que la
douleur qu’éprouvera le parent pour le restant de ses jours constitue déjà une lourde sanction. Il se peut,
et pour la même raison, qu’aucune condamnation juridique ne soit prononcée.
On retrouve dans cette recherche une adéquation entre la loi et le cas, l’intervention de la vertu d’équité
dans la fonction correctrice et adaptative telle qu’analysée par Aristote.
Cette conception du droit, toute pénétrée par le but, la fin ou encore la ratio legis ou ratio iuris,
semble assez proche de la pratique du juriste. Elle ne sera pourtant guère reprise par les philosophes du
droit après Thomas.

Pourquoi a-t-on abandonné cette conception qui parait très raisonnable / simple / évidente ? Pourquoi
en est-on venu à penser aujourd'hui que la loi est seulement une affaire de commandement ? (même si
en Suisse, on a encore une grande part de rationalité dans la loi par les procédures de consultations) ->
2 séries de raison pour l'abandon de la collaboration entre raison et volonté :
• Toute puissance qu'on confère aujourd'hui à la loi par le biais d'Augustin. -> On lit que le
"législateur a décidé", donc on n'a pas le choix.
o On n'a donc pas besoin de se demander si la volonté du législateur est rationnelle. On ne se
demande que ce qu’est la volonté du législateur, mais on ne se demande pas si elle est bonne.
o Vision de Kelsen : on reçoit la loi comme un pur acte de volonté, de toute puissance du
législateur - on doit l'appliquer sans remettre en question son jugement de valeur.
• Le commandement ne doit être qu'un : partout le même, en tout temps : c'est comme cela que
l'on garantit l'égalitarisme dans les sociétés. Et comme on aime la justice commutative, on aime
lire la loi comme un commandements qui ne regarde ni les personnes ni les circonstances = on
nous commande toujours de la même manière -> On recherche toujours l'univocité : parce que
la faculté maitresse des hommes est la Raison qui doit être la même pour tous ( ex : Descartes,
DH) -> comme on a la même raison, le droit est univoque.

142
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

C'est faux pragmatiquement : c'est la mythologie de la modernité. → Ex : fédéral - on se rend compte que
l'on est différent entre communes, cantons. Les différences sont à vivre comme tels -> seuls les totalitaristes veulent
abolir toutes les différences.
La perte, voire l’abandon, de cette position pragmatique est due à deux facteurs dogmatiques au moins :
1) la toute-puissance dont l’augustinisme revêt la loi, loi comprise en effet commandement, et dont
découle le caractère auxiliaire et tout à fait secondaire exceptionnel de l’équité : comment l’équité pourrait-
elle corriger un commandement, qui, par vocation, tend à s’appliquer à tous et en toutes circonstances de
la même manière : le commandement privilégie une interprétation univoque de ce qui est requis.

• / ! / Grande erreur de la philosophie après TA : on a une confusion entre cause finale et


déterminisme. -> On considère que la théorie des causes finales (finalités naturelles du zoon
politikon) comme un déterminisme. Pourquoi ? -> Scot et Occam, qui vont suivre TA, vont
critiquer que la théorie de la finalité (du zoon polikon - on est tous naturellement attirés par les
autres) en disant que du coup il y a du nécessaire dans l'homme.
o Par la théorie pragmatique de TA, on trouve les finalités naturelles de l'homme - ce qui est
dans son essence. -> On a tous une nature de zoon politikum que l'on devrait faire passer à
l'acte.
o Si la raison est capable de trouver les finalités naturelles qui font partie de notre essence, il
y-a-t-il encore de la place pour la volonté ? Si je trouve des parties de mon essence, est-ce
que je peux ne pas adhérer alors que cela fait partie de moi ?
• Pour les fransiscains : la volonté ne peut adhérer qu'au constat même de l'essence de
l'homme. Si la volonté ne peut qu'adhérer, elle n'est plus libre, parce qu'elle n'a plus
le choix - elle ne sert plus à rien.
Si la volonté ne peut plus nier notre essence, elle doit l'appliquer - elle n'est donc plus libre, et donc plus
de volonté. Quand on lui indique les finalités naturelles vraies, alors elle est liée, et plus libre. Et si on
n'est plus libre, on est lié par le nécessitarisme.
Si je suis un être nécessaire, alors je ne suis plus fait à l'image de Dieu : parce que Dieu est libre, nous
devrions être libres -> l'homme est une créature tel que Dieu le fait libre.
S'il n'a plus de volonté, il n'a plus de choix - s'il n'a plus de choix, l’homme ne peut pas être notamment
l'auteur du mal - donc il n'est jamais responsable. -> C'est le propre du déterminisme : ex : état de nécessité
en droit pénal - on n'encourt plus de responsabilité si on n'a pas de choix.
Cela ne va pas -> l'homme est créé à l'image de Dieu donc il doit avoir le choix.
De plus, si on constate le mal dans le monde, et que l'homme est déterminé (donc il n'a aucun
choix), qui est l'auteur du mal ? Pas l'homme : il est dans un état de nécessité - ce serait donc Dieu. Et
Dieu, l'auteur du mal, c'est complètement fou.
-> TA va est condamné par l'évêque de Paris : on va interdire des propos de TA parce qu'on l'a mal
interprété. → Quid de la bonne interprétation ?
Les Franciscains vont rejeter toute idée de raison : parce que pour eux, c'est la source du nécessitarisme
et du déterminisme. Or, la créature doit être libre pour que Dieu ne soit pas la source du mal + pour
qu'elle soit responsable de ses comportements.
.2) si le but ou finalité de la loi se comprend de manière rigide, comme devant être réalisé à l’identique
dans tous les cas d’application , alors l’indication – soumise à la volonté par la raison – du but (finalité)
légitime que la loi doit poursuivre risque d’être comprise comme une nécessité. La volonté en
conséquence se verrait privée de toute liberté, elle n’aurait plus le choix, il n’y aurait plus d’action libre
puisque la raison indiquerait exactement le chemin. Alors, toute responsabilité morale de la créature pour
ses actes disparaitrait, ce qui est contraire à l’enseignement chrétien : la créature a été créée libre, capable
de choisir, pour le meilleur comme pour le pire.

o Quand TA dit que l'homme peut découvrir ses finalités naturelles, lui n'entend aucunement
par là qu'il est déterminé par ses finalités mêmes - ce ne sont que des tendances.
• Entre la découverte de la finalité naturelle et le cas concret, il y a un immense écart
- ex : finalité naturelle de payer des impôts, on ne sait pas concrètement combien cela fait d'impôts. Ex 2 : est-ce
que les primes d'assurance sont juste ? Quid de la forme de l'impôt ?
On a donc un écart immense entre la finalité naturelle telle que la découvre la raison et les cas concrets
- pas de déterminisme.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• De plus, les finalités naturelles que l'on découvre ne sont jamais que des indications
- indexe (le doigt) : cela montre une direction. Cela ne fait que cela : cela ne donne
pas une finalité précise / univoque.
Ex : un homme normal a envie de faire des petits - donc les humains fondent des familles et des enfants, donc
l'homosexualité est spéciale - ex : on peut vivre comme hermite, comme moine, marié sans enfant -> on a qu'une
indication, mais on n'a pas de commandement - de déterminisme.
▪ Il y a une différence entre indiquer la direction et la suivre dans la vraie vie, la
notre.
Du coup, les finalités naturelles sont importantes, parce qu'elles donnent le cadre dans lequel se fondent
les droits, mais elles sont insuffisantes pour faire un ordre juridique - elles ne font que des principes
généraux. Or ils ne suffisent pas : ils sont la base pour réfléchir à toutes les lois, mais il faut des lois
précises.
Les lois naturelles doivent être complétés par le droit positif pour régir une société ici et maintenant.
Donc donne la direction de l'ordre juridique : cadre de lequel on devra opérer la technique juridique
positive -> articulation entre le cadre général et la pure technique juridique (principes généraux ->
articulation avec les sources formelles).
En vérité, l’affirmation d’une ou de finalités est loin de conduire au « nécessitarisme », à la quasi-
disparition de la volonté puisque les fins que découvre la raison pratique demeurent à un niveau abstrait
et qu’elle ne fait que les proposer à la volonté. En termes de philosophie du droit, le droit naturel, au
demeurant, ne libre que peu d’indications sur comment doit fonctionner effectivement la cité et l’homme
en son sein. Le droit naturel en reste à des interdits (suivis ou pas concrètement) comme celui de la
polygamie ou de l’homosexualité.

L'avantage de la position d'avoir un droit naturel et pas que du droit positif -> (ex : fonction critique des
droits de l'homme) c'est que l'on peut toujours éviter l'arbitraire du droit positif.
• Si on laisse seule la volonté du législateur agir, alors on admet qu'il n'y a aucune finalité naturelle
: le législateur pourrait alors décider ce que bon lui semble, y compris de l'arbitraire.
Si le législateur ne fait que des commandements, rien ne dit de faire des commandements justes - le
commandement s'applique de manière univoque, qu'il soit juste ou pas, cela ne dépend que de la force
derrière le commandement.
Du coup, si on n'a que la volonté, on peut avoir de l'arbitraire que l'on ne peut pas contester
o Le seul moyen de contrer un commandement, c'est dire qu'il ne suit pas des finalités
naturelles : montrer que le législateur ne respecte pas les finalités naturelles / le bien
commun.
Injuste → néo-libéralisme : on privatise les bénéfices, mais on rend public les pertes. -> Ex : avoir des
riches qui paient peu d'impôts, c'est au dehors des finalités naturelles pour TA - pour un zoon politikum : il faut
participer de manière raisonnable à la solidarité. -> Il faut rester dans la proportion et ne pas aller dans la
disproportion.
-> La loi est pur commandement, elle n'est plus raisonnable : quand elle est décrétée, et parce qu'elle
l'est, on ne peut plus la critique : c'est complètement faux ! Il faut donc un droit naturel pour guider le
droit positif : le droit naturel seulement ne commande pas le droit positif mais le guide.
Dès lors, la part belle du jus revient à la loi positive humaine, donc à la volonté humaine, à la décision du
législateur, du juge ou autre médiateur, laquelle se trouve « simplement orientée » par la raison pratique,
notamment par la prudence et l’équité.
Sans doute la volonté n’est pas libre de choisir ce que bon lui semble. Plus exactement, elle est libre de
suivre son caprice et de poursuivre l’arbitraire. Mais pareil pouvoir, en tant qu’absolu, c’est-à-dire séparé
de toute fin naturelle, ne répond en rien à la notion thomasienne de liberté. → On peut s’y opposer.

Notion de liberté : TA pense qu'il y a des finalités naturelles et qu'on n'est pas déterminé. Pourquoi ?
Car sa notion de liberté est différente de la nôtre
• Aujourd'hui : cf. notion des économistes : ex : si on 3 yaourts dans un frigo, vs 500 dans un autre, alors
on sera moins libre dans le premier cas -> Plus on aurait de choix, plus on serait libre.
o Descartes : liberté d'indifférence - on n'est tellement pas connaisseurs de nos personnes et
de nos désirs que l'on est plus heureux quand on a beaucoup de choix.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Pour TA et A, si on ne sait pas ce que l'on veut, c'est avoir moins de liberté - comme on n'a pas de
finalité, on pourrait adhérer à n'importe quoi.
o Preuve : explique l'utilité du marketing. -> Les produits n'ont aucun relief, aucune différence
: on met des consommateurs en face, des gros bovins, et avec de la pub, ils vont choisir un
produit en particulier. -> On n'a donc aucune attente profonde essentielle : on change
d'ailleurs beaucoup nos choix.
On n'est pas ici un être libre : parce que l'on va être happé par n'importe quel vent, n'importe
quelle mode - ce n'est pas de la liberté.
Il faut donc découvrir nos finalités naturelles, dont la grande finalité naturelle du zoon polikum, et aussi
les autres ex : être parents, être avocat etc. -> La liberté, pour TA, c'est de reconnaitre ces finalités naturelles
et y adhérer : c'est-à-dire faire en sorte de les réaliser = poursuivre un but naturel que l'on est capable de
reconnaitre = liberté.
On est libre en se contraignant à suivre un but : en se contraignant à suivre ce pour quoi on est fait, et
non en ayant 1000 choix. → On est heureux quand on trouve ce pour quoi on est fait : quand on fait une
activité qui nous remplit pleinement - mais ce n'est surtout pas l'indifférence -> mauvaise société où la
liberté est celles des économistes.
Ex : pas besoin de cumuler les libertés lorsque l'on sait ce pour quoi on vit. -> On voit que c'est important, parce
que le droit épouse la vision que l'on a de la liberté. → Chaque loi va être perçue comme liberticide,
parce que le commandement du législateur tombe sur notre sphère où tout est permis : on ne comprend
plus comment une loi peut être positive - nous grandit en tant qu'humain.
-> ex : une loi sur les effets de carbone restreint la liberté d'indifférence, mais pour que l'homme juste vive, il doit
réduire sa consommation - ce n'est pas une contrainte, voir que superficielle, cela nous grandit intérieurement.
• C'est pour cela que tous les droits de TA (générale, particulière, administratif, privé) - tendent vers
le bien commun, tendent vers les finalités de l'homme en tant que zoon politikum
o L'homme n'a pas de droits subjectifs : on ne vit pas seuls et pour soi-même sinon on va
s'ennuier à mourir.
Liberté : ce pouvoir absolu de choisir n’importe quelle fin parce qu’aucune ne serait donnée par la nature
humaine traduit, schématiquement, la Liberté des modernes, celle de l’individu désincarné existant
pleinement avant et hors de toute cité.
Dans les décisions du contrat social, par exemple, l’individu en sa libre volonté se donne à lui-
même pour fin de faire société avec d’autres : ils passent alors ensemble un contrat par lequel chacun
limite volontairement et réciproquement son pouvoir absolu de choisir ce que bon lui semble, à défaut
de quoi le contrat c’est-à-dire la société ne serait qu’anarchie. → Le droit de propriété tel que campé dans
l’Art 544 du Code Napoléon illustre parfaitement la liberté des Modernes, équivalente à un pouvoir
absolu, sans fin.
Pour Thomas, la liberté consiste à choisir et adhérer aux fins qui réalisent au plus haut degré la nature
« d’animal social » de l’homme. Sont ainsi pleinement libres ceux qui consacrent beaucoup de temps à
l’éducation de leur enfants, par exemple, car c’est un devoir naturel ; ceux qui s’acquittent de l’impôt car
cela n’est que le corrélat du « bien vivre ensemble », de la solidarité naturelle à toute société juste ;
mêmement du service militaire. La loi ne vaut donc pas pour elle-même, mais se fonde et se justifie en
servant d’une manière ou de l’autre le « bien vivre ensemble ».

La cause finale est donc la plus haute des causes, parce que cela montre pourquoi on est fait - donc on
est fait pour vivre dans la société, en tant que zoon politikum, avec du droit.
-> Le commandement ne peut donc pas être le ressort du droit : parce que le ressort du droit, c'est la
reconnaissance des finalités naturelles par le législateur qui aura été capable de les reconnaitre, et de les
coucher dans la loi. Et si c'est le cas, les citoyens adhéreront sans problème - la raison pratique suffit
pour que les personnes suivent la loi : il n'y a pas besoin de commandement.
-> Le commandement en droit n'est donc nécessaire que pour ceux qui manquent de raison pratique. ->
Pour ceux qui ont assez de raison pratique, ils vont adhérer à la loi - parce qu'ils comprennent pourquoi
elle est faite.
Ex : faire l'armée, c'est nous grandir comme citoyen -> C'est pas parce que c'est casse pied que cela ne nous élève
pas (ex : élever les enfants)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

La coercition ne peut pas être le fondement du droit, même si cela peut servir. -> Ce n’est pas
parce que l'on a une contrainte que l'on ne fait pas → c'est parce que la raison nous dit que l'on ne doit
pas le faire que l'on ne le fait pas.
Ex : même si on punit les violeurs, ils vont violer. Les gens qui ne vont pas violer ne le feront pas si on n'a plus de
lois. Ex 2 : la peine de mort n'a jamais eu d'effet préventif.

La liberté chez TA : "deviens ce que tu es" - on est un certain nombre de potentialités. La liberté,
c'est de se contraindre à suivre ses potentialités → on n'est pas diminué si on doit travailler pour se
réaliser. Connaitre les finalités naturelles et les pratiquer, c'est donc nous exhausser.
-> Les finalités naturelles exhaussent les gens.
On ne choisit pas une cause finale : on la reconnait et on la travaille.
On retrouve ici la primauté de la cause finale ou but, si fondamentale pour la pensée aristotélicienne.
C’est pourquoi la force coercition ne saurait définir la loi comme telle : pour Thomas, la coercition ne
constitue pas un attribut essentiel de l’autorité (de celui qui gouverne) ; la nature première de l’autorité
(son essence) réside dans le soin que les gouvernants vouent à la communauté. La coercition apparait au
mieux comme un moyen, un adjuvant, de souci de la communauté.

Deux « ordre » qui nous donnent les types de droit que l'on pense en occident :
• Le droit commandement
o Ordre de : on vient sous le commandement de quelqu'un. On reçoit un ordre, notamment du
législateur, et on obéit à cet ordre. -> On a aussi un ordre, mais il n'est pas naturel : c'est un
ordre maintenu artificiellement par la sanction = arte fact. -> On a forcément la sanction :
elle est nécessaire, parce que l'ordre n'est pas naturel, et les gens ne vont pas y adhérer eux-
mêmes sur le principe.
• Le droit qui nous accouche, qui nous fait être d'avantage nous-même, comme dans la maïeutique
de Socrates.
o Ordre à : suivre un ordonnancement, chez TA et A. On a un ordre de la nature - on a des
finalités naturelles en nous.
Le propre des humains est être "ordonné à" = s'insérer dans un ordre naturel qui leur correspond, les
grandit - s'insérer dans un ordre qui existe déjà s'il est juste.
Pas besoin de sanction, parce que si on suit notre ordre naturel, on va y adhérer.
-> Le droit naturel va essayer de rétablir un système de l'ordre à ( ex : ordonner à la biosphère)
/ ! / : Comment réaliser "un ordre à" quand tout le droit est pensé en "ordre de" ? -> ex : Cela ne
sert à rien de faire de la politique environnementale avec de l'ordre de - c'est mieux de faire de l'ordre à. Sinon,
seulement dictature verte serait le seul moyen d'ordre de.
Toute cette discussion peut se résumer en deux formules, dont l’opposition reflète la conception
thomasienne de la loi (inspirée d’Aristote) et celle moderne : la loi comme « ordre à » (ordonnancement
à, donc cause finale) et la loi comme « ordre de » (commandement). Ou encore, de manière parallèle
« prescrit parce que bon » (la loi vient du juste, du droit), ou « bon parce que prescrit » (le juste ou droit
vient de la loi : légalisme).

On a donc du droit / une loi, qui est formulée à travers deux facultés :
• La raison : elle est pratique. On devrait du coup peut-être plus humblement la nommer le
raisonnable. On y trouve les finalités naturelles.
• La volonté va ensuite adhérer ou non aux volontés naturelles que l'on a trouvé -> C'est toujours la
volonté qui tranche en dernier : même si elle ne juge pas, elle décide - fin de parcours.
Si TA a donné autant d'importance à la raison, c'est parce que l'on avait donné de l'importance à la raison
tout court. Pour TA, avec la raison, on trouve des éléments de la réalité : mais pas tout. -> Ex : on ne voit
que les phénomènes et pas les noumènes. On n'a pas accès à l'entier du réel - en effet, on a aspect qu'aux
aspects du réels qui sont accessibles à notre enveloppe charnelle.
-> Cela entraine la cohésion âme-corps : l'âme ne rassemble que ce que le corps a pu lui donner - la
connaissance humaine est indexé aux réalités corporelles. -> Mais ce que l'homme connait du réel, des
aspects =/= la totalité, l'homme le connait réellement. -> L'homme a une connaissance aspectuelle (que
des aspects), mais réelle du monde. -> L'homme connait donc le réel, la preuve c'est qu'il peut agir
dessus et on ne peut pas agir si on ne connait pas la chose, mais pas complètement.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Ex : liberté des réelles - je suis diminué en tant qu'homme parce que je ne peux pas voler → TA : cela ne
fait pas partie de notre finalité, donc on n'est pas diminué - importance de l'enveloppe charnelle.
Parce que TA a cette confiance dans la raison, et qu'il pense que l'homme peut vraiment connaitre des
aspects du réel, il pense qu'on peut tirer du sein une partie du sollen =/= déduire. -> En regardant les
faits (le sein), notamment les faits sociaux, on peut en établir des éléments pour le sollen = le devoir =
la loi. -> Les faits sociaux donnent des indications, notamment au législateur, sur ce qu'il doit faire : il
n'y a donc pas de coupure complètement entre sein et sollen.
Parce que la raison connait le réel, elle peut en tirer des leçons que le législateur va essayer de
mettre en forme sous forme de lois -> le législateur doit trouver des règles qui soit commensurable aux
faits, donc la connaissance du réel est nécessaire, même si elle est imprécise. (=/= pur arbitraire,
commandement)
On peut parler de constance comme du droit naturel ex : tous les hommes ont un gouvernement - donc le
droit naturel des hommes à un gouvernement. Lequel ? Cela dépend des personnes, ce n'est que du droit positif.
Idée d'un gouvernement demeure, le gouvernement en soi change.
/ ! / Ce n'est pas de la déduction : on ne peut pas déduire le sollen du sein. -> on peut s'en inspirer, on
intuitionne.
La loi chez Thomas d’Aquin reçoit donc deux nouveaux aspects 1) une dimension rationnelle, pour
l’exprimer plus exactement eu égard de la sphère de la praxis, une dimension « raisonnable » 2) une
dimension « volontaire », décisionnelle. → La noblesse comme la difficulté de l’activité juridique s’étend
de par l’articulation de ces deux aspects ou deux moments de la réalité pratique, soient deux aspects d’un
même phénomène juridique, deux dimensions du jus, en particulier dans son expression écrite : la loi.
Sans doute, la conception thomasienne du droit et de la loi requiert-elle une confiance profonde
en la raison – théorique, comme pratique – susceptible, pense-t-il de nous faire toucher la réalité elle-
même. Certes pas à la réalité dans la plénitude de ses aspects, mais à ceux commensurables à nos propres
facultés cognitives. Et pour ces aspects-ci, Thomas ne doute pas que la connaissance humaine atteigne à
la vérité. C’est pourquoi il invitait les penseurs de son temps à retourner aux choses, aux pragmata.
Fort de cette confiance en les choses que la raison pratique connait réelle, ne fût-ce
qu’aspectuellement, convaincu de l’existence d’un ordre cosmique – il est croyant et théologien -, Thomas
peut envisager un passage du « sein » (« être » en allemand), de l’ordre des faits, plus exactement de l’ordre
des choses (et donc des causes), au « sollen » (en allemand, le devoir), au devoir-être, au normatif. Ce
passage ne s’opère pas sous la forme de la déduction (d’un syllogisme) mais par un jugement, une
estimation, une évaluation : le chemin du sein au sollen n’a en effet rien de nécessaire. De sorte que le
droit naturel de Thomas ne ressemble en rien au droit naturel moderne (celui ou ceux de l’Ecole du droit
naturel moderne) si proche d’un catalogue de droits déduits (top-down) de la Raison ou de la Nature
humaine.
La multi dimensionnalité du phénomène de la loi donne à voir ses contours en fonction de la fin
poursuivie, de l’ordre que l’on cherche à établir et de ce qui en est le promoteur.

PARAGRAPHE 2. DES LOIS ET DES ORDRES


Autre forme d'hétérogénéité de la loi : ce sont ces champs multiples.
Pour TA, on a 4 types de lois : le phénomène légal n'est donc pas univoque et homogène : il est multiple
et hétérogène.
• les trois premières sont liées à l'idée de cosmos. (ex : préambule Cst - responsabilité envers la création)
-> Il y a trois lois qui permettent de conduire les comportements dans le cosmos.
o Eternelles : c'est le fondement de base de toute réalité en tant que Dieu est créateur de tout.
On a un dieu créateur, qui crée toutes les réalités, et les soumet ainsi à la loi éternelle - c'est
la providence.
On a donc une hiérarchie : un cosmos. -> Pourquoi Dieu préside à tout cela ? Parce qu'il est la fin des
fins = théorie de la finalité. Ex : comme la biosphère pour l'homme aujourd'hui.
Chaque être particulier, comme être de ce grand tout, est soumis à la finalité des fins qui est Dieu - toute
créature cherche à revenir au créateur : chaque créature chercher à retourner vers le créateur par un
phénomène d'attraction divine.
Sachant qu'en plus, toutes les créatures ont une finalité propre, naturelle.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Les fransiscains, ce n'est pas bien : parce que comme toutes les créatures sont attirées par Dieu par leurs
finalités naturelles, alors elles ne sont plus libres, parce qu'elles ont pour fin pour remonter à Dieu → et
comme Dieu a fait les hommes à son image, Dieu ne serait pas libre, et Dieu ferait le mal.
/ ! / Problème : on pense que Dieu agit sur le même plan que l'homme - en réalité, on pourrait
avoir un Dieu qui sait tous nos comportements à l'avance en laissant l'homme libre = on n'est pas
homogène avec Dieu. Parce que ce sont deux plans différents - Dieu a créé l'homme libre : mais il sait
finalement ce qu'il va faire. Le plan de l'homme et le plan de Dieu sont deux plans différents.
Exception : grâce de Dieu : c'est le plan divin qui va rencontrer le plan humain : pour corriger l'action
de l'homme, Dieu intervient, mais c'est très rare.
L'homme est piloté, dans la loi du cosmos, par la raison.
o Naturelles : pour tous les vivants : pour toutes les lois de la naissance, de vie, de mort ->
mouvements propres en eux-mêmes. Tous les vivants ont accès à la loi naturelle - si
quelqu'un la viole : on doit le punir. A l'époque, on punissait même les animaux.
Tous les êtres vivants ont accès à la loi naturelle, tant que l'on prend conscience que l'on est un être
vivant. Cela permet à la créature de distinguer le bien du mal - le droit naturel donne les finalités
naturelles : dans le droit naturel, on a la faculté de distinguer le bien du mal.
Et on espère que la volonté voudra agir selon le bien.
Le droit naturel a pour but que la créature réalise ses finalités propres. -> dans le bien, dans sa nature.
On s'arrête là pour le droit naturel : comme pour Augustin, cela donne que des indications très vagues
(ex : être solidaires, armées, impôts, éducation) -> on n'a pas beaucoup d'indications avec le droit naturel.
Donc même dans des théories où on a du droit naturel, on a besoin du droit positif pour régir les humains
- il n'y a donc pas d'opposition entre les deux : le droit naturel, par son insuffisance, appelle le droit
positif pour pouvoir passer en acte.
o Positives/humaines : c'est le champ du droit positif : la grande différence avec Augustin,
c'est que pour Augustin, le droit positif était un mal nécessaire - c'était une épreuve pénible,
méprisable pour arriver à Dieu.
=/= TA : c'est un premier pas vers Dieu, parce que Dieu nous a créé zoon politikum : comme créature,
on doit avoir un comportement de bon citoyen -> le droit positif doit donc être juste / ! / Il ne peut pas
être parfait, parce que l'homme est fini - cela doit quand même au fond, dans la finalité, un bien du point
de vue de l'individu.
-> On n'a pas d'idée de code naturel de ce fait : parce que l'on a que des indications.
Le droit naturel articulé à la loi humaine permet d'arriver au zoon politikum : droit naturel donne les
indications pour réaliser le zoon, et on le réalise par le droit positif.
Au faîte, la loi éternelle. Elle est une donnée théologique qui sert de fondement à toutes les lois, quelle
qu’en soit l’origine. Elle est le principe ultime de toute règle, parce que Dieu gouverne toute réalité (via la
Providence) : l’univers constitue un tout organisé ou « ordre des choses (des fins) », chaque être particulier,
chaque fin particulière, prenant sens dans la lumière de la fin ultime. Fin des fins, qu’est Dieu. Avec la
loi éternelle, c’est le bien de l’univers qui est recherché.
La crainte du nécessitarisme se développera particulièrement à l’égard de cette loi éternelle en
tant qu’elle est l’œuvre de prudence de Dieu qui mène toute créature à sa fin propre, semblant par là
priver celle-ci de toute liberté. → On ne comprenait pas toujours que la Providence n’opère pas sur le
même plan que la liberté des individus et, qu’en ce sens, elles ne sont aucune contradictoires. La
substitution de l’Homme à Dieu, de la Raison à la raison divine, constitue l’un des ressorts majeurs du
positivisme juridique et du social engeenering qui l’accompagne.

La loi naturelle concerne toute créature qui tend vers quelque fin. Mais c’est l’homme qui en est l’objet
principal de par la place qu’occupent la raison et la liberté dans l’essence humaine. La loi naturelle est-ce
par quoi la créature connait son bien, le distingue du mal et tend à agir en suivant ce qui est bon pour sa
nature propre. Les païens la connaissent également, puisqu’elle s’induit ou transparait à travers les réalités
concrètes du monde sublunaire. Mais la raison humaine étant finie, limitée, comme la volonté, la loi
naturelle n’emporte aucun déterminisme radical, aucun « nécessitarisme » : il faudra de toutes façons
redescendre aux particuliers. La loi naturelle vise principalement le bien de l’homme en tant qu’élément
du cosmos.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

La loi humaine, en regard de la loi éternelle et naturelle, semble de peu d’importance : mal nécessaire
affirmait Augustin. Cette disqualification de la loi humaine durera jusqu’à nos jours dans l’opposition d’un
droit positif toujours imparfait, insuffisant est un droit naturel (auquel on assimile parfois les droits de
l’homme) parfait, idéal, à l’instar de celui prôné par l’Ecole du droit naturel moderne.
Thomas n’est pas du tout de cet avis : la loi humaine est appelée par le droit naturel, lui-même
conscient de ne pas pouvoir atteindre les particularités de chaque société, les singularités de chaque
situation. → Le droit naturel n’exhibe que des principes qui demandent à être fécondés dans des cas
concrets ; la loi naturelle ne peut jamais se suffire à elle-même, ce qui exclut la possibilité d’un code de
droit naturel chez Thomas. La loi humaine vise spécifiquement le bien de la cité et par celui de l’homme
en tant qu’animal social.

• Lois de la surnature : la loi divine - on n'est plus dans la nature


Avant : les trois premières étaient naturelles et tout homme pouvait la reconnaitre. -> Ici, seulement pour
les croyants, voir les chrétiens.
Ici, c'est l'ordre de la créature envers le créateur. On a une fin surnaturelle, éclairée surtout par la foi, un
peu moins par la raison. On l'a toujours, mais la foi est le premier guide.
Que trouve-t-on dans les testaments ? A corriger toutes les imperfections des lois humaines : on sait que
les êtres humains sont imparfaits, donc leur ordre juridique et leur justice le seront aussi ex : crimes pas
punis dans l'ordre humain -> pour rétablir la justice dans la fin des temps, il y a aura un jugement dernier dans
lequel tous les auteurs des crimes seront punis.
La loi divine va compléter les manques de la loi positive, même éclairée dans l'ordre naturel. -> Le mal
sera banni dans l'ordre divin, s'il ne l'est pas dans l'ordre naturel.
Ce n'est pas dans l'ordre politique : mais dans l'ordre de la surnature - cela n'appartient aux
relations humaines : cela ne s'applique pas. Il ne soutient donc pas une théocratie : la loi divine est
surnaturelle, elle n'est pas positive et ne régit pas les rapports entre hommes mais seulement de l'homme
à Dieu (créature)
Enfin la loi divine : s’il y a continuité entre les trois premières lois du point de vue de la métaphysique, à
savoir que la raison peut en saisir les liens, la loi divine procède un autre ordre : elle ne procède d’aucune
nécessité « logique » mais, visant une fin surnaturelle, de la foi. Elle s’établit par les préceptes de l’Ancien
et du Nouveau Testaments. Elle vient compenser les imperfections tant de la naturelle que de la loi
humaine.
La loi humaine ne parviendra notamment pas à punir toute forme de mal car elle est élaborée
pour une cité concrète et des créatures imparfaites, avec leurs qualités et leurs défauts inhérents. → Alors
intervient, certes à un autre niveau, la loi divine : du mal demeuré impuni dans l’ordre juridique concret,
l’auteur répondra devant la justice de Dieu selon les préceptes de la Bible.
Cette loi divine n’est pertinente qu’en son ordre, qui ne se confond nullement avec l’ordre politique
concret de telle cité. Se trouve ainsi écartée, théoriquement, toute tentative de théocratie.

CONCLUSION . RÈGNE DE LA FIN ( RATIO LEGIS OU JURIS ) ET DROIT « ANALOGIQUE »


Quelle va être la suite de TA ? Au début, ces thèses ne vont pas prendre du tout - il va notamment être
condamné par l'évêque : il va être en marge de l'église. Il va falloir attendre 1 siècle pour le Thomisme
devienne la doctrine officielle de l'Eglise.
Ensuite, les franciscains / les néo-platoniciens prendront de la place et cela créera le schisme entre
catholiques et protestants.
La notion thomasienne de droit mêle raison et volonté, collaboration dans laquelle la raison pratique
« propose » telle ou telle action en vue de la réalisation du bien, et la volonté adhère ou rejette cette
indication (et non commandement) de la voie à suivre. Mais aucune de ces deux facultés de l’âme ne
couvre elle seule le phénomène juridique.
La dimension « volonté » effrayait toutefois moins que la dimension « raison », à laquelle était
assimilée la perte de toute liberté, et pour Dieu (suivant les doctrines) et pour l’homme. On préférera
alors sacrifier la cause finale, les fins naturelles des actions afin de conserver la plénitude, voire le
monopole, de compétence de la volonté, divine principalement, humaine individuelle secondairement.
On revient alors aux certitudes de la Révélation puis, Dieu congédié, à celles de la Raison.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

➔ Par la suite, les réalités concrètes et sociales sortent à nouveau du champ de la connaissance, soit
parce qu’on les considère dans leur pure singularité – or il n’y a pas de science du singulier – soit
que l’on s’en distancie par définition dans les idéalismes.
Prudence et équité, vertus grâces auxquels il devient possible d’articuler la loi et le cas,
s’éclipseront également de la théorie.
On recherchera, à l’opposé de la conception aristotélicienne, un droit univoque, homogène, parce que
considéré sous le seul aspect du texte abstrait de la loi. On perdra de la sorte le droit analogique qu’élabore
l’aristotélisme par reconnaissance, entre les différents cas d’application d’une même loi, d’un logos
similaires (« ana-logos ») et non identique puisque le « jugement de justice » à rendre doit tenir compte de
la singularité de chaque cas, laquelle déborde toujours la généralité et l’abstraction de la loi.

On a une importance de la personne à côté du citoyen. On n'est pas qu'un citoyen, comme chez A : on
est aussi une personne - une singularité même par rapport à Dieu.
-> Nominalisme : le citoyen va être écarté, puisque ce courant ne connait que les personnes. ->
Une fois que l'on a en plus enlevé Dieu, il ne reste que les individus.
Ainsi, on se retrouve dans le contexte moderne : il n'y a plus de société naturelle et plus de dieu -
> plus que des personnes, puis plus que des individus.
Quid de la société ? Elle vient du contrat social → arte fac.
Il souhaite sauver l'aspect collectif, mais il met en place la matrice de l'individu -> Eglise chrétienne va
devenir responsable de l'individualisme, alors qu'elle ne l'a pas voulu.

En redonnant de l'importance à la raison, il est la source de la résurrection de la raison en philosophie. -


> Ici, on a encore la foi, mais lorsqu'on va aussi l'enlever, il ne restera plus que la Raison.
-> Donc la pensée de la raison passe d'une matrice de la religion à une pensée purement laïque : la raison
y est toujours le juge suprême. (Dieu de raison - raison comme juge suprême)
La Raison, on essaie de le traduire par la Vérité (épistémologie) -> alors que nous, ce qui nous
intéresse, c'est le juste. Ex : présomption d'innocence - on ne connait pas la vérité mais que le juste.
Pour remettre de l'ordre dans la contingence, qui n'est pas nécessaire, il faut la fonction.
L’influence de Thomas sera immense, mais peut-être pas toujours dans le respect de l’esprit du
dominicain. L’insistance de Thomas sur la valeur propre de la personne, position qui est celle de la
doctrine chrétienne en général, porte les gênes de l’individualisme – que l’on pense au très chrétien
Erasme, père de l’humanisme – qui ira dans la période moderne jusqu’à la dissociation des qualités de
citoyen et d’individu, jusqu’à la négation de la sociabilité naturelle (animal politique) de l’homme.
L’individualisme se cristallisera en présence d’un mouvement philosophique (en réalité multiple) appelé
nominalisme à l’avènement duquel Occam participera en première ligne.
Quant au respect si prononcé par Thomas pour les réalités concrètes, les situations existant ici et
maintenant, c’est-à-dire l’affirmation de la valeur authentique de ce que la raison peut apprendre du
monde extérieur, des « choses », il se transformera en laïcité, soit la confiance accordée aux enseignements
de la raison humaine, qu’ils complètent ou contredisent ceux de la foi : la Raison deviendra le juge
suprême de la vérité.
Ces deux marques – individualisme et laïcité – opéreront au fil du temps un changement profond,
voir un retournement, de la notion du droit, et par là de loi. → Doctrines suivantes.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Chapitre 5. Duns Scot (1266-1308) - Un droit posé par la volonté

SECTION 1. QUELQUES INDICATIONS BIOGRAPHIQUES


C'est le maitre de la pensée moderne, et qui fait que l'on est incapable de penser le bien collectif et donc
l'environnement.
Les réflexions juridiques du théologien franciscain Duns Scot sont classiques et donc précieuses.
Pénétré d’augustinisme et s’opposant à l’intellectualisme thomasien, il prône le retour du primat de la
volonté (sur la raison) et du Texte – l’Ecriture - : que la foi commande à la raison, sa servante, tel pourrait
être son mot d’ordre.

Scot est franciscain : ordre mendiant qui enseigne. Ils ont cependant une détestation de l'intellectualisme
dominicain : pour eux, ils ne vivent pas la foi et érigent des concepts - ce sont des marques d'orgueil.
Les franciscains vont essayer alors de faire tomber la raison.
On va donc essayer de faire primer la volonté : la volonté, c'est notamment le texte, et le texte des
textes c'est la Bible = la volonté des dieux.
• La Bible dans la religion
• Le Code quand on est juriste - primauté de la loi 1 CC

Il est important de vivre l'évangile et non de réfléchir à son endroit -> chez les franciscains, on pouvait
devenir moine sans savoir lire (ex : regarder les vitraux des Eglises - bandes dessinées)
C'est donc l'amour qui compte, surtout l'amour du créateur - la faculté proche de l'amour c'est la
volonté et pas la raison : on n'aime pas par calcul. → Primauté de la volonté.

Il va dans un des plus grands centres intellectuels de l'Europe : pas Paris, parce que c'est le centre
dominicain -> mais Oxford : franciscain (pas Cambridge - d'Aquin)
Scot est insupportable : il est belliqueux : il se fait renvoyer d'Oxford. Il aura aussi des problèmes
avec les ordres - il aura une vie étrange, et il est mort jeune.
Duns Scot était moine franciscain. L’Ordre de saint François d’Assise, à l’origine, ne se voulait
aucunement « intellectuel » : seul importait de vivre l’Evangile, sans nécessairement l’étudier au sens
académique du terme. Aussi n’exigeait-on pas des futurs moins qu’ils sachent lire par exemple. Dès lors,
des deux facultés de l’âme, la raison et la volonté, la seconde avait la préférence, et engageant, de surcroit,
la vertu d’amour louée par le fondateur de l’Ordre.
Scot est originaire de Duns en Ecosse. Il étudie au centre franciscain, fameux, d’Oxford. Puis il
ira à Paris dont il sera expulsé. Il meurt à Cologne.

SECTION 2. UNE VOLONTÉ TOUTE- PUISSANTE ET UNE FINALITÉ À L ’ABANDON


Très augustinien -> Une volonté toute puissante mène automatiquement à l'abandon : si le caprice suffit,
les finalités naturelles sont abandonnées.
Selon Scot, du point de vue de la foi, Dieu étant tout puissant, rien ne s'oppose à Dieu. Aucun ordre
naturel ne peut donc exister : si un ordre naturel existait, alors Dieu ne serait pas entièrement libre - et
comme Dieu est tout puissant, il est forcément libre. Donc même l'ordre naturel est une volonté positive
: c'est Dieu qui pose l'ordre naturel = Dieu a une volonté absolument libre de tout vouloir, et c'est
impénétrable à l'intelligence humaine. Les humains devront donc obéir, même sans comprendre.
Selon Scot, la foi nous enseigne que Dieu n’est en rien tenus au respect de l’ordre naturel puisqu’il en est
le créateur : il en dispose librement, selon son bon vouloir, en tout état de cause, demeurant impénétrable
à l’intelligence humaine.

La puissance de Dieu va donc se traduire par sa volonté révélée. Révélation : Dieu a révélé sa volonté
aux hommes, par la loi. C'est la loi qui redevient alors première = comme au sens de 1 CC - c'est que ce
qui est posé par le législateur, posé par la volonté.
• La première législation, la sienne, c'est la Bible
• La deuxième, par les petits législateurs qu'il dirige, ce sont les lois.

151
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Le droit est parce qu'il est posé par Dieu : c'est décrété - une fois dit, le droit est. Le droit, dès qu'il est
dit, est. Volonté positive, en la posant, crée ainsi le réel (fiatus dit et la terre fut)
La volonté suffit donc, il n'y a pas besoin de raison -> même si le contenu est mauvais, il est parce
qu'il a été dit.
-> Formule terrible : potestas absoluta dei - toute puissance absolue de Dieu. On a deux noms
complètement centraux.
• A priori causa : pas besoin de cause - on n'a pas besoin de regarder le réel. -> le contenu n'est pas
important.
• Potestas : le droit n'est qu'une affaire de puissance, pas de raison, pas d'expérience -> "J'ai le droit
de" → Ex : synonyme : les droits prérogatives - on reçoit du législateur des prérogatives : des pouvoirs de.
C'est de la puissance, que de la puissance - on donne la puissance de faire quelque chose.
C'est une puissance absolue.
Preuve : Code Napoléon, droit belge, suisse de la propriété : "le droit de profiter de la chose de la manière
la plus absolue = droit de propriété" ensuite seulement dans les limites de la loi. -> Langage théologique
de Scot.
La toute puissance de Dieu se traduit par le monopole de la volonté et, corrélativement, de la loi, en
l’occurrence une loi révélée, fruit de la seule volonté du Très-Haut. C’est une volonté positive, qui, pose,
décrète le réel qui, alors, advient selon ce qui a été commandé : fiat lux, on dit, et voici la lumière crée.
Scot parlera de la puissance « absolue » de Dieu, potestas absoluta en latin. Cette dernière expression
deviendra emblématique du droit moderne, lequel sera en effet conçu dans la doctrine légaliste, comme
le produit de la « puissance absolue », non de Dieu évidemment mais de l’individu, plus précisément de
sa volonté.

Si tout vient de Dieu, on n'a pas à se concentrer sur les finalités naturelles : la volonté de Dieu n'a pas à
être coupée par les prérogatives naturelles. Il n'y a que la volonté de Dieu -> les finalités naturelles ne
sont pas pertinentes.
Quid d'un ordre naturel ? Il n'existe que par la volonté de Dieu a un moment donné.
La loi n'aura rien de supérieur : la loi sera bonne parce que prescrite - on ne regardera pas son contenu.
Si la volonté est absolue, qu’elle peut tout vouloir sans être jamais orientée par la raison ou par un certain
ordre naturel, alors la notion même de « finalité » (naturelle), de « cause finale » perd toute pertinence :
dans cette optique, le juste se réduit alors à la loi, à ce qui est décrété, singulièrement à l’Ecriture (Bible)

Pas de problème pourtant, parce que Dieu est amour et il veut le bien de sa créature - tant pis pour les
contenus : parce que Dieu ne voudra pas la perte des hommes, donc on doit le suivre.
Quid si on garde la même structure mais on enlève Dieu ? Hobbs : si vraiment c'est le législateur
qui en décrétant fait le juste, on ne peut pas avoir que des horreurs - l'homme étant un loup pour
l'homme, on n'aura que le bien du législateur, parce que le législateur ne fera pas forcément
attention au bien commun.
Le droit n'est qu'une affaire de puissance et de volonté : il faudra donc créer un
Léviathan, un Etat qui soit au-dessus de notre puissance. Et quid si on n’obéit pas ? On a un
commandement, donc on aura une sanction. → Comme plus de finalité pour suivre la loi,
comment contraindre une personne à la suivre si elle n'en a pas envie ? La sanction.
Pour Platon, rappel, le droit du plus fort c'est l'injustice.
Pareil avec 1 CO et 19-20 CO : on peut tout vouloir dans un contrat - seulement plus tard, on vient
restreindre. On a une liberté absolue que l'on vient réduire : tout est liberticide à ce moment-là.
Aberrant d'écrire la loi comme cela : on n'a jamais été complètement libre ex : famille, amis, études,
examens - on vit dans un modèle idéaliste.

Que peut-on faire du coup la société ? Le calcul rationnel : par la volonté, on va passer un contrat. C'est
le seul moyen de rester libre avec une figure communautaire volontaire - pourquoi ? Parce que l'on
adhère librement au contrat : la société n'est donc plus naturelle, mais un arte-fact - la société est artifice.
C'est une construction humaine qui n'est donc plus naturelle.
On n'a donc plus de zoon politikum : vu qu'il n'y a plus de finalité naturelle, le droit n'est qu'une
affaire de potestas et tout le monde doit obéir aux commandements de la même façon.

152
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Du coup, il n'y a plus de relations entre les individus, parce qu'elles ne sont plus nécessaires -> Occam
plus tard va même détruire les relations et les réflexions intellectuelles.
-> Le bien vivre ensemble ne se fonde plus sur les finalités naturelles : mais sur un calcul qui dit que
c'est plus efficace de rester ensemble que d'être séparé -> ex : l'économie d'aujourd'hui : plus confortable de
vivre ensemble où chacun se spécialise dans ce qu'il fait le mieux que seuls à devoir tout faire.
La volonté est donc plus instrumentale que chez TA : parce qu'elle calcule. -> L'orientation de la
volonté et de la raison ont changé à cause des changements de conceptions du monde : on ne veut
pas de raison.
Ex : Efficience : on parle de causalité efficiente - ex : la statue - c'est la force qu'utilise le sculpteur pour sculpter -
la causalité efficiente c'est bien une question de force : potestas.
-> Tout le droit devient une histoire de force, de puissance. -> Preuve : définition aujourd'hui du droit :
puissance -> sanctions = entièrement faite de force.
Tandis que la volonté de Dieu était toute d’amour pour sa créature, celle de l’homme se révèle des plus
mauvaises pour son prochain, comme le soulignera Hobbes, « l’homme est un loup pour l’homme ». →
Les doctrines du contrat social qui s’ensuivront se fondent alors non plus que sur quelque fin naturelle
(tel le zoon politikon, l’animal social), mais sur le calcul rationnel : les individus absolus les uns des autres,
c’est-à-dire sans rapport naturel entre eux, décident (donc acte de volonté) de se mettre ensemble, de
passer contrat dans l’intérêt bien compris de chacun et de tous.
En d’autres termes, sans qu’ils aient besoin de la présence les uns des autres pour être davantage
eux-mêmes, pour se par-faire → l’absence de « rapport à l’autre comme constitutif de l’identité de
chacun » s’atteste dans l’état de nature, cet état antérieur à la passation du contrat social, décrit comme
anarchique, guerre de tous contre tous.
Le ressort du « vivre ensemble » ne se trouve plus dans le penchant naturel de l’animal politique à vivre
avec autrui, mais dans l’efficacité d’une vie en groupe, dans son efficience pour reprendre un terme
moderne qui, sans le savoir, fait le lien avec la doctrine scotiste : efficient renvoie directement à « cause
efficiente » ou force (comme celle du sculpteur travaillant le marbre) qui fait agir, donc puissance, potestas
ou encore pouvoir.

Il faudra théoriser, par la suite avec Occam, l'individu : pour avoir l'individu et le droit prérogative - la
potestas. -> Aujourd'hui : les droits subjectifs.
TA : bien commun analogique. -> On a un bien commun qui n'est pas partout le même, preuve
notamment avec l'interprétation des droits de l'homme.
Il ne restera plus qu’à théoriser cet individu tout-puissant, au pouvoir en principe absolu, sans limite, sans
fin ou « in-fini ». Le nominalisme d’Occam développera ce dernier germe de la modernité et se traduira
dans la sphère juridique par le légalisme. Mais dès Scot, le texte de la loi se trouve au centre du droit,
comme son creuset.

SECTION 3. QUAND LE TEXTE DE LOI COMMANDE LE DROIT


La volonté fait la loi : du coup, tout le droit se réduit à la loi - en dehors ce que décrète la volonté, donc
la loi, il n'y a rien : le droit se réduit à la loi.
-> C'est le reflet de la note marginale de l'Art 1 CC : montre comment la loi commande le droit. Les
traducteurs sont donc des vrais scotistes.

Scot donne le monopole du texte : il y a des raisons théologiques qui sont toujours là aujourd'hui, mais
de manière logique.
• Raison principale : explique le syllogisme judiciaire, alors que du point de vue logique, c'est
impossible : incommensurabilité (pas de lien) entre la loi générale et abstraite et le cas (singulier
et concret) -> on ne peut rien en déduire (normalement, abduction)
o Parce que comme Dieu est tout puissant, il peut mettre directement dans les hommes la
connaissance de la réalité. Dieu met en moi le concept de toutes les choses vraies - d'ailleurs,
on peut même mettre des concepts de choses vraies alors qu'elles n'existent pas.
o Alors il n'y a pas de problème de passage immédiat entre la loi et le cas : Dieu peut mettre
en nous directement la solution du cas -> le syllogisme fonctionne donc, parce que plus de
raison vu qu'elle est enlevée, il n'y a que de Dieu.

153
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Des arguments, en première ligne théologiques, donnent à comprendre que Scot se contente quasiment
exclusivement du texte de la loi et du commandement que ce dernier reforme. Il ne voit pas, en effet, de
rupture entre la loi et le cas, alors qu’Aristote et Thomas dénonçaient l’asymétrie entre le général et abstrait
du texte légal et le singulier et concret de la situation.
Aberration logique complète que l'on peut déduire les cas de loi - mais cela s'explique parce
que les raisons sont théologiques.
• Pourquoi peut-on avoir dans le système de Scott une pensée et une connaissance juste de
l'individuel ?
o =/= Aristote : parce que l'individu est particulier et on ne peut avoir que la connaissance de
régularités, de règles.
o Livre : le Dieu chrétien est un dieu personnel. -> Donc c'est une personne qui s'intéresse à
une autre personne → entre deux personnes, on a une connaissance du singulier : il n'y a
plus le concept de regula et de régularités.
• On ne s'adresse plus à l'homme comme citoyen, parce que ce serait déjà une moyenne,
mais il s'adresse à la personne comme tel.
Donc on peut avoir une connaissance de l'individuel grâce à l'intuition mais surtout
l'illumination.
o De plus, l'amour est la première de toutes les vertus - la première manière de penser la
religion et Dieu c'est l'affection. L'amour est aussi une affaire de personne à personne, et
cela permet d'avoir la connaissance singulière de la personne -> la singularité permet donc
d'être connue dans ce cadre.
• Comment connaitre la nature des choses ? / ! / Ce ne sont que des concepts : ce sont des
miroirs intellectuels → on ne lit pas la Bible de la bonne façon. On lit la bible non pas
par l'amour (comme on devrait le faire) mais par la raison : c'est donc un écran, un
miroir de fumée.
• C'est à cause des écrans de TA que l'on ne peut plus passer de la loi au cas : si on en
l'enlève, par l'amour, on peut passer de la loi au cas.
D’une part, le dieu chrétien étant personnel et la Bible s’adressant à la créature comme personne et non
comme citoyen, Scot peut affirmer, en toute cohérence avec la loi, qu’il existe une connaissance immédiate
du singulier, de l’individuel comme tel grâce à l’intuition.
On se rappellera que pour Aristote et pour Thomas la science, au contraire, se développe sur le
plan du général, du genre, et non sur celui des individus.
On se souviendra également de la place éminente qu’occupe l’amour dans la doctrine franciscaine,
sentiment éminemment personnel. Par contraste, le général ou genre, les espèces, les « natures » (nature
de l’homme, de l’univers, de la cité etc.) apparaissent comme des écrans, des produits de l’intellectualisme
aristotélicien sans grande utilité pour la créature : seul lui importe en effet l’amour du Créateur et du
prochain. Chez Scot, l’individu passe résolument au premier rang.

o Les dix commandements de Dieu sont comme la loi - c'est la volonté. Ces commandements
s'adressent individuellement. -> Du coup, pour Scot, il y a une connaissance de l'individu :
il suffit d'ailleurs de suivre les commandements pour parler de manière juste aux individus.
• Donc pas de saut qualitatif entre la loi et le cas.
Les commandements ne visent donc pas de collectifs, de sociétés, mais une personne en
particulier : on n'a plus besoin de collectif. Ex : "Tu" - le commandement suffit, surtout que l'on
commande à chacun personnellement. -> Le commandement est le mouvement de diriger le
plus naturel au franciscain.
o Le critère de la justice devient alors la conformité : il faut juste que notre comportement soit
conforme au texte pour être juste - Dieu et les législateurs. C'est la vision du légalisme.
• Les principes sont donc posés par Dieu : top-down -> ce qui montre l'orientation du
droit moderne
• Posé par Dieu, cela veut dire que Dieu les impose : il est le tout-puissant, on est les
moins puissant : on n'a donc pas le choix, on doit suivre. -> Le tout puissant décrète
ce que bon lui semble envers le moins puissant.
D’autre part, les commandements ou préceptes divins positifs – préceptes posés par Dieu – reflètent cet
accès direct au singulier : ne s’adressent-ils pas à chacun personnellement, « tu ne tueras pas », « tu ne

154
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

commettras pas l’adultère », ni le vol, etc. Où l’on voit que la Loi suprême elle-même ne vise pas une
collection d’individus, un nom générique ou concept (le « père », le « citoyen », la « cité ») mais commande
à chacun de se conformer à ce qui est prescrit, posé par Dieu.
o Pour conserver la toute puissance de Dieu, on dit qu'il aurait pu changer les 10
commandements. -> Comme c'est un commandement, il aurait pu choisir que la haine soit
rédemptrice et pas l'amour : cela est la pure volonté de Dieu. Dieu est libre.
• Il n'y a donc pas de droit naturel du tout : même le droit de Dieu vient de sa volonté et
est du droit posé.
o -> Le mal est ce qui est prohibé : c'est comme dire "bon parce que prescrit" -> on ne dit pas
que c'est en fonction d'un contenu qu'on interdit, on dit simplement que c'est mal parce que
c'est prohibé : parce que c'est prohibé, c'est mal. -> On décrète les choses : plus de mauvais
en soi - le mal c'est seulement ce qui est décidé comme tel par le législateur. On prohibe
quelque chose qui nous semble mal, sans avoir besoin de dire pourquoi ex : est mal tout ce
que le Führer décrète être mal, est bien tout ce qu'il dit être bien - gazer des héros de guerre
handicapés.
Le mal / le bien est ce qui est décrété par le législateur - on demande juste de regarder
ce que le législateur dit être bien ou pas : il faut suivre, être conforme, sans chercher
à comprendre, encore moins les raisons.
Ensuite, d'un point de vue technique, on trouve ce qui est bien / mal dans la loi - la loi
devient le centre du système : c'est là où on manifeste la volonté du plus puissant - la Bible
puis la loi comme texte.
La loi est donc le centre du droit - la Bible sont les Ecritures, la loi c'est le droit écrit.
La prescription de ce qui est bon est faite dans la loi (bon parce que prescrit)
Il s’agit bel et bien de principes positifs : ils sont décrétés par la volonté divine (top-down) et non pas
naturels dans le sens où ils s’imposeraient d’eux-mêmes à l’intelligence. Une nouvelle fois, pour
sauvegarder la toute-puissance de Dieu, on se refuse à faire de ces principes des « lois », nécessaires à tout
ordre social : Dieu aurait pu ainsi faire autrement, par exemple que le vol soit rédempteur, que l’adultère
permettre de gagner sa place au paradis. Ces actes sont mauvais parce qu’un supérieur (le Très-Haut) a
décidé qu’ils devaient être considérés tels : « mala quia prohibita », mauvais parce que prohibés et donc
pas mauvais nécessairement pas eux-mêmes, « par nature ».
o On a donc une opposition complète entre droit naturel et positif : il n'y a plus de
complémentarité. En effet, on a un texte de loi qui est posé, par une volonté (et pas la raison)
absolue (séparée du monde réelle) - une volonté qui ne regarde pas le monde réel. Il n'y a
donc plus aucune considération pour les faits, ce que pourrait nous apprendre la raison (ex :
les constats scientifiques) -> on ne regarde que la volonté toute puissante posée, et non les
enseignements de la nature.
• Droit naturel séparé : sollen tiré du sein, en regardant ce qui est on trouve des valeurs -
> rien à dire, il n'existe même plus.
• Droit positif : ce qui est décrété.
/ ! / Il y en a encore un peu mais Occam va le détruire complètement -> on en garde l'idée
du droit positif muable (volonté du législateur) et du droit naturel (immuable). Mais le droit
naturel ne donne au fond plus aucune direction au droit positif : le droit positif n'est plus
dirigé, le législateur est libre et peut faire ce qu'il veut.
Transparaissent très clairement ici les origines du positivisme juridique : la volonté du tout puissant ou du
supérieur (du législateur pour les modernes) décide de ce qui est bien ou mal en le prescrivant ou en le
prohibant. La nature et la raison ne fournissent plus aucune indication d’un sens « objectif » du bien ou
du mal. Est bon ce qui est posé (positum de « ius positum », décrété) par le supérieur comme tel. Les
tyrans de tout époque, et finalement, les totalitarismes du XXème siècle, pousseront à l’extrême cette
conception essentiellement volontariste du droit, du juste.
Si la prescription, le commandement en termes plus généraux la loi, fait le droit (le juste), alors le
texte de la loi (divine ou humaine), devient le centre de toute la pensée juridique, comme le texte de la
Bible, l’Ecriture précisément, devient le cœur de la pensée chrétienne.
Et le texte de loi, en tant que posé par une volonté absolue (libre) s’oppose à la raison, à tout le
moins ne tient pas compte de ce qu’elle enseigne à propos de la nature. On trouve dans cette opposition,
campée pour des siècles et rigidifiée bien au-delà de ce que prônait Scot, l’une des distinctions les plus

155
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

fondamentales de la philosophie du droit : droit positif vs droit naturel. On la lira souvent comme une
dichotomie entre droit muable, variable (droit positif) et droit immuable, universel, le second permettant
de juger de la légitimité du premier.
Thomas dans la ligne d’Aristote, voyait dans ce couple une véritable complémentarité de deux
points de vue projetés sur une même réalité. → Pour Duns Scot, la raison demeure la servante de la loi,
ce qui ne revient certes pas à éliminer le droit naturel (lié à la raison), mais le laisse tout de même dans
l’ombre de la volonté.
o Pour Scot, la raison se plie à la foi
o Définition du droit : il reprend la définition d'Augustin de 1000 ans plus tôt. On est donc
complètement revenu au dessus de TA pour retourner chez Augustin : le droit, c'est la
rectitude de la volonté.
• La volonté de Dieu est toujours droite.
• La volonté humaine sera droite si elle suit celle de Dieu et c'est ce que l'on attend de lui.
Il n'y a pas besoin de considérer le droit matériel pour savoir si c'est juste ou pas. ->
Rectitude de la volonté de Dieu par le destinataire.
D’ailleurs, définissant la justice, Duns Scot reprendre la formule ayant cours dans l’augustinisme
médiéval : « rectitude de la volonté ». Il n’est pas question de but, de finalité, de raison, de bien commun
mais de volonté.

Occam va complètement détruire les relations par son nominalisme.


Guillaume d’Occam poursuivra dans cette ligne, en théorisant le statut de l’individu au sens logique du
terme, c’est-à-dire le singulier par rapport au genre ou général.

156
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Chapitre 6. G. d’Occam (~ 1285 – 1347) – Un droit émanant du sujet

SECTION 1. QUELQUES INDICATIONS BIOGRAPHIQUES


Si on détruit complètement les relations, le droit n'est plus entre les individus mais dans les individus. -
> Dans le nominalisme d'Occam, on a le début des droits subjectifs : les droits ne sont plus dans les
relations entre les citoyens mais dans les citoyens.

Occam n'est pas au fond le père des droits subjectifs -> la notion n'arrive que plus tard : mais il met les
dernières pensées philosophiques qui permettent que le droit soit une figure subjective. -> Il n'y a que
de la volonté, il n'y a plus que des individus et plus de relations.
Permet les figures actuelles du nominalisme.
Occam marquera de deux idées, notions se répondant l’une l’autre, l’ensemble de la philosophie du droit :
le « nominalisme » et les « droits subjectifs ».
Il ne s’agit pas pour le juriste de rechercher la « vérité historique » et se demander si Occam est
ou non le véritable père de la notion de « droit subjectif », si tant est que cette paternité soit le fait d’un
seul homme. Il nous suffira de dire qu’il installe cette notion au cœur de sa conception du droit – question
plutôt occasionnelle, commandée par la querelle de la pauvreté du Christ, des apôtres et de là des
fransiscains, toute pénétrée de son « nominalisme » et que la conjonction des deux idées précitées
constitue l’un des ressorts majeurs de la philosophie moderne du droit et de la conception moderne du
droit.

Occam est à Oxford. Star de la philosophie de l'époque, il pense faire de l'Aristote, plus que TA -> alors
qu'il détruit sa pensée et celles des relations.
Pourquoi ? Il est logicien : il va interpréter le monde par sa vision de la logique, de la langue
notamment etc. -> C'est la logique du nominalisme.
Né en 1825, Guillaume d’Ockham (village proche de Londres), nommé simplement Occam, étudia puis
enseigna à l’Université d’Oxford, l’un des grands centres d’études franciscains, début 14 ème. A l’instar de
Duns Scot, il n’entendait nullement disqualifier la pensée d’Aristote mais s’estimait, au contraire, un
interprète fidèle, voir le plus fidèle, écrivant simplement à et pour une autre époque que le Grec. Et, en
effet, Occam acquit une réputation de virtuosité en dialectique aristotélicienne, domaine qui a beaucoup
à faire avec ce que nous appelons aujourd’hui « logique » et étude du langage (ou du signe, c’est-à-dire la
sémiotique). Il en fera sa grille de lecture du monde jusqu’au nominalisme – selon une appellation
moderne datant du 17ème-18ème siècle - dont il jettera les bases pour les siècles à venir et qui aura une
influence considérable sur la conception moderne du droit.

Ces écrits sont provocateurs et il aura des ennuis avec le Pape. -> Le Pape va l'appeler et Occam va le
critiquer. Il va aller en prison, et va s'enfuir. Pour vivre, il va aller sous le pouvoir du roi de SERG qui
est contre le Pape : il va écrire des textes qui disent que le pouvoir temporel du Pape ne sert à rien - il
n'y a donc plus de collectif, plus de force de l'institution de l'Eglise : juste des individus.
L'empereur va se rabibocher avec le roi et Occam va mourir seul et abandonné de tous.
Certaines des propositions de son commentaire du « Livre des Sentences » de Pierre Lombard
apparaissant peu orthodoxes, il sera traduit en la Cour du papa à Avignon pour s’en expliquer. Il s’y trouve
retenu avec le Général de l’Ordre franciscain Michel de Césène, avec qui il prend la fuite. Ils se réfugient
auprès de l’empereur, Louis de Bavière, à Munich, lequel est en pleine lutte contre le pape. L’empereur,
en effet, dont l’élection n’est pas été reconnue par le Pape, a été excommunié. Occam, en échange de
protection, se range du côté de l’empereur par ses écrits, lesquels, mélange de théologie, de politique et
d’analyses (logiques) juridiques originales, renverseront nombre de notions et positions du droit canon en
vigueur.
Va s’opérer un double changement fondamental dans la conception même du droit : celui-ci, d’une
part, se conçoit principalement comme le pouvoir d’un individu, une sphère de compétence se
développant à partir de chaque sujet et, secondairement seulement, comme une « relation entre » : le droit
a, d’autre part, pour source première la loi. → Cette conception subjective et légale du droit est encore

157
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

dominante aujourd’hui. D’où l’intérêt d’étudier Occam, mort en 1347, abandonné de tous, de l’empereur
comme des ses frères franciscains retournés dans le giron papale.

SECTION 2. QU ’EST- CE QUE LE NOMINALISME ?


Nouvelle manière de voir la connaissance humaine : tous les noms de collectifs naturels (ex : monde, lacs,
montagnes) et politiques (nations, armées) ne sont que des noms, des mots - nomen. Tous ces collectifs ne
sont que des mots - ils ne désignent aucune réalité propre, ils n'en ont pas
• ex : une forêt, c'est 1 arbre + 1 etc. -> Il n'y a pas d'identité propre du collectif par rapport au
composant : le tout n'est rien de plus que la somme des parties.
• L'individu sera la plus petite composante du groupe, comme les poissons. Pour lui, il n'y a que des
individus, rien d'autres. Ex : on ne sert pas la main d'une personne morale, mais d'un membre d'un organe.
Ex 2 : est-ce que l'on a déjà salué une nation ?
o Du coup, les relations n'existent pas en soi.
o Grave pour les juristes : du coup, la société n'existe pas en tant que telle -> ce n'est qu'un
artifice des individus : ce n'est plus naturel, parce que les relations n'existent pas. On est
donc condamné au contrat social : comme plus de relations, mais pratique d'avoir une
société, on fait un contrat pour la créer.
• A quoi servent les noms ? A mettre ensemble des individus parce que c'est plus pratique d'en
parler de cette manière-là. C'est comme un raccourci cognitif, mais il n'y a aucune réalité : il n'y
a que les individus comme réalité, et pas l'ensemble.
On le met en ensemble parce que c'est plus pratique : on con-note - on note avec (connoter).
Ex : du coup, l'armée, la forêt - ce sont des noms pour mettre ensemble pour parler - permet d'en parler logiquement,
sans réalité derrière.
-> Du coup Occam détruit toutes les relations : les relations, si elles existent, seraient autre que les
individus. Or, en dehors des individus, il n'y a rien pragmatiquement : on peut juste des concepts pour
résumer - ex : la loi est un pur concept, il n'y a aucune réalité.
Il s’agit d’une « nouvelle » manière de concevoir le réel s’appuyant sur une redéfinition de ce qu’est un
signe (notamment un signe linguistique), sur une redéfinition de la logique et qui, en modifiant les
prétentions de la connaissance, transforme la conception du réel que l’on défendait à l’époque.
En simplifiant outrageusement, on admettra que le débat se concentre autour de la question des
universaux, des collections : pour prendre un exemple simpliste, disant « forêt », suis-je en train d’affirmer
l’existence comme telle d’une entité forêt, soit un collectif ou bien n’est-ce qu’une étiquette, un mot, alors
que dans la réalité ne se rencontrent que des arbres singuliers, individuels – dans toute la discussion autour
du nominalisme, il faut entendre individu comme opposé à « général », « genre », « collection » ou encore
« collectif ». L’individu peut être aussi bien un objet quelconque, animé ou non, qu’une personne. En
bref, l’individu est une chose, une numériquement, une singulière. → On voit poindre ici la philosophie
empiriste anglaise, pour laquelle, dans la vulgate à tout le moins, ces relations de ressemblance ne sont
que des êtres logiques, produits mentaux ou concepts qui nous aident à penser le monde, à l’organiser
dans notre esprit mais ne correspondent à aucune réalité dans le monde extérieur – en l’occurrence
juxtaposés les uns aux autres ? Tous les mots désignant une collection – « forêt », « cité », « peuple »,
« foule », « tas », « famille », « humanité », et tous les mots de genre et d’espèce (« les mammifères », « les
minéraux », « les insectes »), etc. – ne constituent-ils pas qu’une facilité de langage, sans renvoyer à une
existence autre que celle de chacun des individus qui compensent chaque tout, chaque collectif ? Auquel
cas, il ne s’agit que de mots, nomen, d’où nominalisme. Et les mots ne sont que les signes des choses
individuelles, des êtres singuliers. Ou bien le tout désigné au moyen du mot a-t-il une existence propre, à
côté de celle de chacun des individus, des singuliers qui le composent ?
Le nominalisme affirme que ce ne sont là que des mots, des paroles (flatus vocis), sans autre
réalité que phonique, qu’il n’existe (au sens fort du terme) que des individus, des êtres singuliers,
simplement juxtaposés les uns aux autres, sans relation entre eux, sauf sous la forme banale de la
ressemblance. La connaissance sera pleine, authentique, que dans l’appréhension de l’individu comme
tel. Il s’avère simplement commode de pouvoir rassembler sous un même mot les réalités qui présentent
une certaine ressemblance entre elles : on peut les connoter, précisément les « co-noter », les désigner
ensemble, manière pratique de s’exprimer.

Cours 13

158
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Depuis à peu près deux siècles, on reconstruit la qualité juridique à partir des droits subjectifs - les droits sont dans
le sujet, et non plus dans les relations. Ils émanent des gens et vont vers les autres : il faut ensuite trouver l'équilibre.
Nominalisme : clef de compréhension du droit moderne. → Ex : droits de l'homme.

Pour Occam, les noms ont une utilité (nomen), mais ils n'ont qu'une réalité phonique. -> Ce n'est rien de plus que
le son que l'on entend. Composante logique : connoter - noter ensemble - des réalités individuelles (individus)
ensemble.
Individus : au sens logique - que ne peut pas être divisé plus avant.
Cela concerne aussi bien les humains (comme objets uniques), mais aussi des choses naturelles (un arbre,
un hanneton)
-> Les noms sont utiles d'un point de vue logique : ils permettent ainsi de mettre dans le même ensemble des
individus qui se ressemblent.
/ ! / =/= TA : une classe, peut avoir une existence propre (ex : la forêt, la cité, la nation, le droit) -> Occam est
radicalement individualiste : la classe n'a qu'une portée logique, mais aucune portée existentielle ou réelle.
-> C'est uniquement une démarche commode de connoter.
La langue est donc un pur vêtement = c'est la vision que l'on a aujourd'hui. / ! / Erroné : la langue n'est pas neutre
- il n'y a que les juristes de civil law qui croient cela.
Ex : sens naturel des mots - expression du TF: comme si les mots pouvaient avoir un sens naturel. Si on a que le signifiant (ex
: canard - si on n'est pas de langue française, on ne pourra pas se le représenter - le son en soit ne veut rien dire) - on ne peut
pas aller plus loin.

Conséquence énorme : la notion de relation disparait - la relation n'existe que du point de vue logique,
mais elle n'a plus de portée existentielle, elle n’est plus constitutive.
Parce que s'il existait des relations au sens fort, alors Dieu ne serait pas entièrement libre - il serait
tenu de voir les relations, et des obstacles s'opposeraient à la toute puissance de Dieu = raison
théologique profonde.
On détruit les relations pour laisser la puissance de Dieu éternelle.
"Nature" = cela n'a aucun sens (ex : nature de l'homme) -> Il n'y a pas de nature : s'il y avait une
nature / une essence, elle s'imposerait à la puissance de Dieu.
On ne peut plus parler « d’Homme », mais que d'individu. On ne peut même plus parler de cité, de droit
- il n'y a plus d'ordre juridique, avec des relations, des hiérarchies : il n'y a plus que des droits dans les
hommes, avec la volonté de Dieu tout en haut et les hommes en bas.
En effet, si les relations entre les êtres singuliers existaient en elles-mêmes, « naturellement », alors la toute-
puissance de Dieu en paraitrait d’autant limitée, sa volonté non pleinement libre, manière de penser
typiquement fransiscaine.

-> Les hommes sont dépourvus de nature et de finalité : c'est la disparition de la cause finale (->
fondement de la théorie de A et TA). Pour Occam, il n'y a que ce qui est en acte, que ce qui agit : il n'y
a pas de but. S'il y avait un but, une finalité - il y aurait une certaine direction/orientation/relation = ce
n'est pas possible. C'est l'individualisme pur (au sens logique, pour tout ex : une fourmi)
On ne pourra plus affirmer, par exemple, qu’il existe une nature de l’homme comme celle « d’animal
politique ». En effet, « l’homme » n’existe pas : il n’existe pas : il n’existe que des hommes, plus
précisément encore que tel hommes, et tel homme, et tel homme etc. Donc une « nature de l’homme »
perd tout sens. Les choses sont alors dépourvues de nature, de finalité, qui leur reviendrait en fonction de
leur appartenance à tel genre ou à telle espèce.

Quelle est la conséquence pour la théorie de la connaissance ? On ne peut plus faire de l'induction
(relations entre les choses). On ne peut plus utiliser la Raison, parce que c'est la faculté qui découvre les
relations -> on n'a plus que l'illumatio : Dieu qui met en nous la connaissance. Les relations ne sont plus
utiles pour connaitre.
Intuition = illuminatio = connaissance complètement top-down. Comme aujourd'hui : top-down :
volonté du législateur qui descend, définition du droit comme commandement.
Où l’on retrouve la tendance augustinienne (l’illuminatio) poursuivie par Soct : la connaissance véritable,
celle qui épouse le réel, ne s’acquiert pas par induction et comparaison, pas bottom-up mais top-down,
par intuition, connaissance immédiate qui ne passe pas par la raison.

159
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Occam arrive à la volonté fransiscaine : casser la raison humaine et son orgueil qu'ils prêtent aux
dominicains. Ils estiment que la raison est orgueilleuse, parce qu'elle cherche à comprendre le monde.
Entre la volonté et la raison, la volonté prime sur la raison, surtout la volonté de Dieu qui est toute
puissante.
-> Preuve : on doit toujours rechercher la base légale, donc la volonté du législateur - on ne doit
même pas regarder si elle est raisonnable.
Une fois de plus, les prétentions de la raison humaine se trouvent rabaissées, l’orgueil intellectuel humilié :
la volonté redevient la faculté motrice de toute destinée, volonté divine sur le plan du cosmos, volonté
humaine pour tous les aspects de la vie terrestre que Dieu a abandonnés à la liberté de la créature et donc
pour une partie du droit.

SECTION 3. NOMINALISME EN DROIT : L’AMORCE DU POSITIVISME


SOUS- SECTION 1. L E DROIT DE LA VOLONTÉ OU COMMANDEMENT
Si tout se passe à partir du singulier en terme logique, on n'a plus besoin de relation - elle disparait
comme catégorie cognitive. On ne peut donc plus imaginer le droit comme relation - le droit n'est plus
ce qui est entre les humains.
Le droit va se déplacer de la relation dans les gens = les droits vont être en chacun.
Si tout se pense par rapport à l’individu, à partir du singulier, ne deviendra-t-il pas illusoire voir faux de
concevoir le droit comme relation, « lien entre » à l’instar d’Aristote et de Thomas ? Voilà amorcé le
ressort du droit moderne, droit pensé principalement à partir de l’individu.

Si les individus sont le centre de la société, on perd l'idée de l'ordre du monde - il n'y a plus que la
volonté de Dieu qui décrète. S'il y avait des relations, cela contrerait la toute puissance de Dieu.
Plus d'essence, d'humanité - plus qu'une catégorie où on range toutes les personnes qui ont des
traits humains, la société - plus d'ordre de groupe, d'ordre humain, la société devient purement un
arte fact.
On a donc plus que des individus - on voit la définition du droit est alors logique : vu qu'on a des
individus, le ressors du droit est le commandement. Parce que plus rien ne pousse les gens à se
mettre ensemble, et on doit les forcer, alors on doit passer par les commandements = très bonne
pensée logistique.
Un droit pensé pour les individus va être forcément mené par deux concepts : le commandement et la
sanction - parce qu'il n'y a pas d'autres raisons pour que les personnes reste ensemble.
Ex : En Suisse - pas tout le temps top-down =/= France, Italie.
Et si l’individu devient la seule réalité vraiment existante, alors les notions telles « ordre du monde »,
« essence de l’homme », « humanité », « nature de la cité » ou « ordre du groupe », « causes finales », des
actes humains, perdent toute pertinence : elles ne sont rien de plus que des mots, des manières commodes
de parler, mais ne saisissent rien de la réalité.

Seuls avec des individus : -> Quelle est la faculté de l'âme qui est la plus adéquate à cette réalité ultime
(unique) qu'est l'individu ? En Occident, on a toujours le choix entre Raison et volonté -> entre les deux
: celle qui est le plus proche de l'individu strict, c'est la volonté.
Pourquoi ? Parce que la Raison est anonyme : si tout le monde est doté de la même raison (c'est
le propre de cette dernière ex : Raison des lumières, Déclaration universelle des droits de l'homme . Tout
le monde a de la raison et tout le monde a la même - on est tous rationnel de la même façon : une,
universelle, éternelle. Elle n'est pas du tout caractéristique de l'individu = univoque) - ce n'est pas
très singulier. On va regarder alors la volonté = la plus proche de la singularité, la plus personnelle.
On retrouve donc tous les arguments de Scott pour dire que la volonté prime sur la raison : comme
Dieu est un dieu d'amour et personnel -> la volonté est alors la faculté qui prime (amour - relation
de volonté, personnel - rien d'objectif, juste quelque chose de volontaire) = juste qu'ici, c'est
construit sur la base de la logique.
Si on n'a plus la Raison, alors on peut maintenir la toute puissance de Dieu = on a une volonté qui est
in-finie (qui n'a pas de terme/qui n'est pas limitée, et qui ne poursuit plus aucune finalité naturelle) ->
on est sûr que l'on a une volonté libre. C'est par contraste avec le nécessitarisme (ce qu'on pensait de TA
: si on a des finalités naturelles, découvertes par la raison, alors elles s'imposent à nous - et nous ne
sommes plus libres = fausse interprétation mais qui a été retenue)

160
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Donc pour Occam, on a la liberté des modernes chez TA : liberté infinie - toute finalité semble un
déterminisme.
Non pour TA, on a les finalités naturelles en restant libre.
Par ailleurs, qu’y-a-t’il de plus singulier, de plus personnel en chaque homme, parmi ses facultés mentales,
que sa volonté ? N’est-elle pas, de surcroit, la faculté ouvrant à l’amour, valeur suprême pour les
Franciscains ? La raison, au contraire, noye l’individu dans l’anonymat de ce qui, théoriquement,
appartient à tous de la même manière : elle est par définition impersonnelle, objective et non subjective
(de subjectum, le sujet)
La religion chrétienne au contraire se veut personnelle, au plus haut degré : Dieu est une
personne, il est même « père », notre père et il s’adresse à chacun personnellement. La raison
impersonnelle, ne pouvait donc pas en être l’attribut le plus essentiel. On retrouve ici l’argument de S ot
suivant lequel la toute-puissance de Dieu ne doit rencontrer aucune limitation, aucun obstacle : aucune
« nature » (essence) ne s’impose à lui, sa volonté est proprement « in-finie », sans fin.

On a une rigueur qui est conforme à la toute puissance de l'Eglise : Dieu décide tout par des
commandements. Ces commandements doivent être complètement libres, arrêtés par aucune finalité
naturelle -> Dieu pose ce que bon lui semble. -> Dieu le pose vraiment.
Pose : comme ius positum - cela renvoie à la faculté de la volonté. En effet, c'est la volonté qui
pose, qui décide.
-> Comme chez TA : la volonté pose aussi, mais pas de manière arbitraire - parce que la Raison
lui a montré les finalités naturelles.
Mais ici, la volonté pose parce qu'elle a envie de poser -> Bon parce que prescrit.
La preuve : "Les 10 commandements" - la pensée chrétienne semble être une pensée du commandement,
qui viennent top-down. Logique : parce qu'ils viennent de Dieu à nous : on ne peut pas aller contre Dieu,
parce que sinon on commet le mal. On sait dans quelle direction on doit aller pour Dieu : le contenu est
donné d'avance et on est obligé de le suivre.
Droit posé : on est automatiquement dans le critère de la conformité. -> Si on admet que le
législateur est celui qui pose comme bon lui semble le droit = le commandement, pour que le
système fonctionne → le critère est automatiquement le respect à la loi = la conformité. Le
commandement ne peut pas être ni juste ni injuste, il doit juste être suivi = pas de réflexion.
C'est comme cela qu'on arrive dans des systèmes totalitaires : on a toujours du droit dans les
systèmes tolitaires - le droit n'est donc pas un moyen de couper le totalitarisme. (ex : preuves :
réglementation, procès)

On a une nouvelle distinction : de facto, de jure :


• Comme Dieu a une volonté absolue, ce qui est posé dans le décalogue pourrait être changé. Si ce
n'était pas le cas, alors Dieu serait limité - or il est tout puissant.
Il pourrait donc faire que la haine est rédemptrice : c’est par le mal qu'on arrive à Dieu ( ex : le vol)
-> Conséquence terrible : le Décalogue n'est le choix de valeur que de facto - de fait : Dieu a choisi
que l'amour du prochain serait rédempteur. C'est de fait, pas de droit.
/ ! / : Si c'était de droit, Dieu ne pourrait pas le changer, ce serait lié. C'est du fait - le Décalogue peut
donc le renverser par sa toute puissance.
-> Du droit : il y aurait du nécessitarisme dans la création. Il serait lié par ses propres commandements
et donc limité - ce n'est pas possible.
On arrive à l'adage : bon parce prescrit - la règle est bonne que si rien ne vient couper le choix qui a été
opéré. Il n'y a donc plus d'importance du contenu : c'est bien parce que cela a été dit.
Aujourd'hui : le droit est le droit parce qu'il a été arrêté selon les procédures de la Constitution. /
! / C'est tellement dangereux que l'on a ajouté les droits de l'homme pour limiter la volonté folle
et débridée du législateur- on a donc désormais un cadre où on peut déployer la volonté. La volonté
ne peut se déployer que dans un cadre.
Ici encore que de la pure volonté.
Preuve : Art 190 Cst - la volonté du législateur est toute puissante. Le législateur peut violer la
constitution, et le juge doit suivre - conformité. Même en violant la constitution !

161
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

On affirme donc un volontarisme complet, absolu - c'est pour cela que les constitutionnalistes
essaient de limiter la portée de 190, parce que ce serait trop volontariste et dangereux pour le
système.
Le droit est donc absolu, sans limite aucune, incontrôlable - tout tient dans la volonté du législateur =
dangereux. En effet, le droit devient affaire de potestas = la force, la puissance du législateur. Comme
le dira Hobbes plus tard (père de l'Etat moderne, du contrat social) : le droit est l'imposition de la volonté
du plus fort au moins fort. Le plus fort fait que l'on reste dans le contrat social -> le droit devient
uniquement un rapport de force.
Preuve : définition des droits subjectifs aujourd'hui / droits fondamentaux : prérogatives données par
l'ordre juridique - des puissances de. -> Le langage du droit aujourd'hui est donc toujours un langage de
puissance, de potestas =/= de mesure comme chez Aristote. -> On a échangé la mesure contre la
puissance.
C'est le propre de la volonté : l'autorité c'est celui qui peut imposer sa volonté aux autres. -> Preuve
: on parle de puissance publique (ex : armée) -> c'est donc une affaire de puissance =/= de vertu,
d'équilibre.
Les sociologues qui regardent le droit l'ont compris -> on définit le droit comme la résultante de
l'affrontement des forces sociales = c'est une histoire de force (ex : grève en France aujourd'hui - c'est
le plus fort qui va contraindre le moins fort à changer ses plans - les deux se prennent pour les plus forts :
du coup, on va devoir négocier, et la loi va être un équilibre des forces )
Parait aberrant. -> Le positivisme juridique strict ne devrait plus avoir de représentant.
Dieu décide de tel ou tel commandement, mais aurait pu en poser (positum, positif, comme dans « droit
positif ») et en imposer d’autres : les préceptes du Décalogue ne sont aucunement nécessairement selon
Occam : la haine de Dieu aurait pu tout aussi bien être rédemptrice que l’amour de Dieu, de fait, Dieu a
posé, décidé, que l’amour serait rédempteur. Scot, sans être aussi absolu, avait déjà souligné le « bon parce
que prescrit », mot d’ordre du positivisme volontaire extrême ou légalisme. Par où l’on voit s’imposer,
peu à peu, depuis Scot au moins, une nouvelle conception du droit, un droit compris principalement
comme commandement et corrélativement, comme pouvoir, puissance (potestas) de et pour celui qui
émet le commandement, soit l’autorité. Occam s’inscrit dans cette ligne, en réaffirmant que le phénomène
juridique est, lui aussi, le fruit de la volonté.

SOUS- SECTION 2. DÉJÀ LA MODERNITÉ : DROIT SUBJECTIF ET LOGIQUE CONTRACTUELLE


Les deux vont de paire : si on a des droits entièrement construits sur l'individu - droits subjectifs - on n'a
plus d'autres choix pour construire la cité que le contrat. Il n'y a en effet plus aucune vertu naturelle qui
nous pousserait vers les autres.

Occam : avènement des droits subjectifs, mais sans étiquette (le nom - arrivera au 19ème siècle). On a
tous les éléments pour les penser : idée qu'on a du droit et que le droit est une affaire de pouvoir = de
potestas. Avec la conjonction de ces deux éléments, on a la théorie des droits subjectifs.
Dans "droit subjectif" on reconnait : subjectum - cela veut dire que le droit est dans le sujet. C'est
un ensemble de puissance qui est dans les individus, propre à chaque individu. Et comme pour
Occam tout est en acte, les hommes en agissant déploient leur puissance dans le monde - cela
rayonne à partir des hommes. Les relations ne sont plus importantes, mais les pôles sont
importants. Tous les hommes font rayonner leurs puissances : puissance contre puissance, et il
faudra trouver un équilibre = "ma liberté s'arrête là où commence celles des autres" -> en agissant,
chacun déploie sa liberté, qui entre en contact avec celle des autres. Et on doit trouver un équilibre
entre les deux puissances = tout est affaire de force.
-> Comme la physique : ce n'est qu'une affaire de force.
La puissance, la potestas qui est le droit prérogative, est en chaque individu : alors l'ordre du groupe n'a
plus d'importance - cela n'existe pas : ce sera juste l'équilibre de toutes les forces éminentes -> la cité n'a
donc plus aucune existence naturelle.
La société, en effet, pour qu'elle soit naturelle, doit être une histoire de relation (preuve : zoon
politikon - les hommes sont à la recherche de la présence d'autrui pour évoluer). → Ce n'est plus le cas
: car plus de finalité naturelle - la cité est devenu un pur arte fact - la société est artificielle. (elle n'est
plus naturelle, parce que sinon finalité naturelle -> contraintes pour Dieu qui ne serait pas entièrement
libre)

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Ces positions préparent l’avènement du « droit subjectif », figure de proue de la conception moderne du
droit. Le « droit subjectif » est issu de la conjonction des notions de « droit » et de « pouvoir » (potestas),
ce dernier étant le propre (au sens fort de « ce qui appartient à chacun ») de l’homme, propre à chaque
individu pris comme tel.
En effet, l’ordre du groupe n’est plus pertinent dans la perspective nominaliste, la cité – comme
collection de citoyens – n’existe pas comme telle. Seules existent authentiquement les qualités ou facultés
du sujet au sens de sa capacité à agir : comment mieux marquer son individualité, sa subjectivité, que par
et dans ses actes ?
Le pouvoir de chacun est en principe illimité, infini, très exactement « in-fini », sans finalité puisque il n’y
a pas de « nature » en référence à laquelle on désignerait tel ou tel comportement comme bon, nous
invitant de la sorte à l’adopter, à l’instar de l’ « animal social » qui incline naturellement, suivant une
tendance et non un déterminisme, à vivre en société. Le collectif « cité » n’existe pas comme tel : la cité
est donc à construire : elle est artificielle, un artefact. L’une des sources de cette artificialité se trouve dans
le nominalisme même : en focalisant sur l’individu, le nominalisme disqualifie l’altérité : la présence de
l’autre, d’autres sujets, n’est pas nécessaire pour définir l’individu, elle n’est pas constitutive de son identité.
→ Ce qui n’est que le corrélat de la disparition de (l’ « entre-deux », à la base de) la relation au profit des
pôles, où se lit le passage de la pensée aristotélicienne et thomacienne à celle nominaliste qui irriguera la
Renaissance et la Modernité.

On a donc plus des sociétés mais des individus animés par leurs actions, animés par leur force. ->
Comment fait-on une cité de ce fait ? Occam ne peut pas nier que même si nous sommes tous des
individus, on va rencontrer de facto d'autres individus, voir vivre avec eux ( ex : famille, cantons,
communes). Il faudra donc organiser la juxtaposition des individus : même si théoriquement, les gens
existent seuls avec leurs droits subjectifs, comme de facto, ils vivent ensemble, on va devoir les articuler.
Pas naturel : parce que les droits sont dans les personnes et non plus dans les relations. La finalité
c'est d'avoir tous les pouvoirs en soi et de les réaliser au maximum, et tout le monde a le même
but -> zoon politikon n'a plus aucune importance.
Le problème va être de limiter les pouvoirs de chacun pour essayer de trouver quand même un
équilibre, parce que de facto on rencontre des hommes qui ont des prérogatives similaires.
-> De iure on est complètement puissant, mais de facto notre puissance est limitée. Ma liberté de
base est sans limite, mais en rencontrant celle des autres, elle est limitée dans les faits = on va
devoir trouver un point d'équilibre.
Néanmoins, d’une point de vue strictement pragmatique, nul ne peut nier la présence d’autres individus.
Dès lors, le pouvoir de chacun, en principe illimité, rencontre pour limite les pouvoirs illimités des autres
individus qui se trouvent également là, juxtaposés et non reliés. On obtient de cette manière la maxime
générale de l’équilibre entre pouvoirs concurrents : ma liberté s’arrête là où commence celle d’autrui.

On va donc arriver au contrat : si on n'a plus de donnée, plus de nature propre, plus de relation, la justice
distributive disparait. Il n'y a plus de distribution initiale des droits et des obligations : il ne reste plus
que la justice commutative - on n'a plus que des individus, sans relation, sans nature propre. On n'a plus
que la justice entre égaux, entre pairs = commutatives. Les parties y sont considérés comme sur un pied
d'égalité = égales juridiquement.
-> Occam va donc écarter la justice distributive de son système naturel - ce sera la justice commutative
qui va prévaloir. Comme les hommes sont les mêmes comme individus, les seuls moyens de les mettre
ensemble c'est la justice commutative (distributive par pure construction) -> le fondement ce sera le
contrat.
On obtient le contrat social : contrat à partir duquel se fonde la société - mais ce sera forcément
un contrat de justice commutative, et non de justice distributive = parce que l'on n'est pas dans
une égalité géométrique, mais arithmétique. -> On est obligé de l'avoir quand des hommes égaux
s'imposent.
-> C'est comme cela qu'est encore vu l'ordre juridique : tout est pensé à partir du contrat. Ex : preuve - la
vision de Trump protestante (augustienne) - on ne peut faire que des contrats entre individus, et l'Etat est comme
un individu qui va négocier qu'avec un autre = il ne croit qu'au bilatéralisme et non au multilatéralisme.
Comment est posé le contrat ? Quel est le ressort du contrat ? Un échange de volonté : cela ne peut être
qu'un échange - un à un - de volonté. Aucune raison à l'Art 1 CO ! -> L'Art 1 CO construit le droit

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

contractuel sur la volonté, et non le raisonnable. Le raisonnable n'apparait dans le CO que 18 articles
plus tard.
On ne peut pas laisser les cocontractants vouloir ce qu'ils veulent plus tard : on va mettre la raison
18 articles plus tard = c'est la vision Occamienne. La première vertu c'est donc la volonté qui doit
s'exprimer.
La volonté fait donc l'esprit du droit.
Où l’on reconnait le ressort des doctrines du contrat social pour lesquelles la Modernité justifie l’existence
de la cité, de la société.
Le pouvoir de chacun étant en principe illimité, on ne peut plus situer la justice dite distributive
au fondement de la société comme chez Aristote : il n’y pas d’abord la répartition des biens, fonctions,
devoirs et charges selon les capacités de chaque citoyen dans sa relation a tout que constitue la cité. Une
telle distribution constituerait une forme de limitation de principe, de partage fondé sur la « nature des
choses ». La justice distributive n’occupe donc plus la première place.

Renversement du droit par rapport aux Anciens (2 points): le droit n'est plus la part juste qui est au cœur
du droit. Le cœur du droit, c'est la puissance du sujet. On ne s'occupe plus de juste, de mesure : il n'y a
plus rien à mesurer. Chacun a sa puissance qu'il l'exerce ex : le mâle sur la femelle, la femelle sur le mâle -
contrat de mariage.
-> Le droit n'est plus une relation, il a migré vers les pôles. -> Le droit est devenu complètement
polaires (ex : définition des droits de l'homme - on donne aux hommes des droits, sans savoir d'où ils
viennent et leurs entourages. Dès que l'on reconnait le caractère humain, on a l'ensemble des prérogatives )
/ ! / Quid des droits absolus ? Ex : comment on articule le droit absolu de l'enfant à naitre et de la femme
à se déterminer ? -> Aucune réponse pour articuler. Absolu contre absolu : on ne peut pas les hiérarchiser,
ils sont équivalents.
Quelle est la réponse en philosophie du droit ? Au sens premier du terme, la réponse est
arbitraire : on va devoir choisir un ordre, mais de manière arbitraire parce qu'il y a aucun
ordre. Dans un ordre juridique, ce sera l'un ou l'autre, mais sans raison, parce que les deux
sont égaux par rapport à l'autre.
Ce système n'est donc pas fait pour penser le collectif : on n'a que des individus -> On a donc un système
juridique cohérent, mais incohérent par rapport à la vie et la société. Ex : effets horizontaux des droits de
l'homme - hypothèse ad hoc pour sauver la cohérence de la vie, alors qu'incohérent juridiquement (top-down)
Se substitue à elle la justice dite commutative, logique d’échange conduite sur un pied d’égalité : on négocie
entre pouvoirs absolus, chacun acceptant de limiter son pouvoir infini en échange d’une limitation
équivalente chez les co-contractants. La logique contractualiste préserve assurément au plus haut point le
singulier : l’individu s’y trouve libre, sans inclination naturelle, sa volonté seule le conduisant à s’engager
ou non dans l’échange. L’esprit du droit s’en trouve profondément affecté : il passe peu à peu, de la part
juste à la puissance du sujet, il migre de la relation (de l’ « entre ») aux pôles. Plus exactement, le droit
s’origine désormais en chacun des pôles, chaque sujet (d’où l’expression « sujet de droit ») étant conçu
comme le foyer d’un faisceau de pouvoirs de faire ceci ou cela, pouvoirs garantis par l’ordre juridique et
l’autorité publique. La conception actuelle du droit, on le voit, a partie liée avec le nominalisme occamien.

D'où vient ces conceptions - primauté de la volonté, de ne considérer que l'individu pur. Ce n'est pas un
choix gratuit : les humains n'ont pas un comportement irrationnel - si on adopte une position, c'est que
l'on a un but, une finalité = on cherche à affirmer quelque chose. Qu'est-ce qu'Occam a voulu dire par
sa théorie des individus purs, juxtaposés ?
Il a voulu faire quelque chose de beau, mais avec un résultat effrayant.
• Ressors : liberté de l'individu. On a l'idée que l'homme a été créé à l'image de Dieu - le système
juridique doit donc préserver la liberté absolue de chaque individu. Cela veut dire qu'à son propre
niveau, l'homme doit pouvoir agir sans contrainte extérieure. -> Même dilemme que chez Scott.
Si on admet que l'homme n'est pas libre, qu'il est déterminé, et qu'en même temps, on constate que le
mal existe : cela veut dire que l'homme ne peut pas être l'auteur du mal, parce qu'il est déterminé - cela
veut dire que le seul auteur du mal sera Dieu. C'est impensable.
Donc pour éviter que Dieu soit considéré comme l'auteur du mal, il faut que l'individu soit complètement
libre dans ses choix - parce que s'il est totalement libre, c'est par son choix qu'il commet le mal. Il

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

pourrait faire autre chose, parce qu'il est libre - alors c'est sa propre volonté qui crée le mal. -> Donc
Dieu n'est pas l'auteur du mal.
Cohérent, beau, mais conséquences désastreuses.
Si l'homme rencontre des contraintes dans l'exercice de sa liberté, alors il n'est pas entièrement
libre. Et s'il n'est pas entièrement libre, il ne peut pas être responsable - on n'a pas à répondre des
actes dont on n'est pas responsable, que l'on ne maitrise pas ex : état de nécessité en droit pénal - le
droit y entre dans le non-droit : on quitte presque le droit parce que la volonté a disparu. On y a aucune
responsabilité parce que l'on n'a pas eu le choix - le droit existe quand il y a du choix. → S'il n'y a plus de
choix, il n'y a plus de droit, alors plus de responsabilité.
Pour que l'homme soit responsable de tous ses actes, il doit être aucunement déterminé - rien ne le
détermine. Il n'y a donc plus de nature humaine, de société naturelle, de nature humaine -> parce que
sinon homme déterminé, n’est plus responsable → et Dieu est l'auteur du mal.
Occam généralise l'idée de l'Etat de nécessité sur un plan théologique pour maintenir la toute-
puissance de Dieu et de l'homme : dans l'ordre humain, l'homme doit être complètement libre pour
assumer pleinement le mal et le bien - comme cela on sait que Dieu n'est pas l'origine du mal.
-> Tous les comportements humains pour Occam sont issus d'un choix totalement libre, parce qu'aucun
déterminisme ne pèse sur les hommes.
Mais nominalisme et individualisme ne tombent pas du ciel. Ils s’originent dans la pensée chrétienne pour
laquelle la liberté de l’individu est une exigence fondamentale. L’homme a été créé « à l’image » de Dieu ;
et donc, comme pour son créateur, mais à son propre niveau, toute contrainte extérieure est ressentie
comme une entrave, en ce qu’elle diminue d’autant sa responsabilité. Si l’homme était enfermé dans son
instinct ou dans une certaine « nature », on ne pourrait plus rien lui imputer. Il ne serait jamais l’auteur
du mal, pensait-on.
Il est difficile à nos esprits contemporains de comprendre que l’homme puisse être libre tout en
ayant au-dessus de lui un créateur. Formés à une stricte logique de l’égalité, nous avons tendance à
homogénéiser le réel, à situer les « choses » sur un même plan. Que tout ce qui n’est pas donné à l’un l’est
à l’autre ne se comprend, en effet, que pour des entités que l’on place d’entrée de cause sur un plan
identique. En conséquence, si Dieu est le tout-puissant et qu’il crée l’homme, celui-ci en tant que créature
ne peut pas être libre : comment échapper à son créateur, de surcroit tout-puissant ?
Mais les médiévaux ne conçoivent pas ainsi les rapports entre Dieu et l’homme. Leur vision est plus
nuancée : l’homme est créé libre. Dieu veut sa créature libre et c’est d’ailleurs par là que cette créature se
révèle à son image. Leur liberté respective ne se trouvent tout simplement pas sur le même plan. Certes,
il arrive que le plan divin et humain se croisent : en ce point de rencontre réside notamment la grâce.

• Comment maintenir la pleine responsabilité de l'humain, totale - le non déterminisme absolu, tout
en prévoyant une vie collective ? Parce que l'on voit bien que les hommes vivent en groupes (ex :
personnes morales, sociétés, familles, cantons, communes, pays) - même si ce ne sont que des individus.
Il faut trouver une figure juridique pour construire un groupe tout en maintenant la liberté absolue de
chacun (arte fac - ce n'est pas comme A : on est fait pour être dans le groupe, on y va naturellement,
donc les articulations se font seules) -> Il ne reste plus que le contrat. Comme le contrat a pour ressort
la volonté absolue (on peut entrer et sortir du contrat, ex : on peut même sortir de l'Europe)
Groupe est un arte fact, il fonctionne à partir du contrat - toute les relations communes fonctionnent à
partir de là. -> On a étendu l'idée de contrat même au droit admin alors que les parties ne sont pas égales.
Ex : LMI - avant c'était simplement des institutions qui choisissaient souvent des acteurs régionaux. On a la libre
concurrence qui est arrivée, et cela a imposé le contrat : on doit offrir le marché public à tous les partenaires
possibles, et choisir la personne selon des critères objectifs. -> C'est le nominalisme, l’individualisme.
Comme la construction européenne, la mondialisation - idée protestante : on n'a pas de communauté,
pas d'institution, juste des personnes =/= chez les grecs où on aurait choisi quelqu'un du village pour
faire vivre la communauté.
Il n'y a plus aucune appartenance originelle : du tout - pas d'autre modèle que le contrat - volonté
pure qui peuvent choisir ce qu'elles veulent faire, il faut juste que l'autre soit d'accord. Il n'y a plus
aucune considération du contenu, tant que l'autre est d'accord.
Grâce au contrat : on a une équation - on réalise la vie sociale tout en restant libre, en passant par
la figure du contrat = comme la quadrature du cercle.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Cela explique la vision de la liberté comme absence d'obstacle extérieur (comme les libéraux) -> ex :
chacun pour autrui, on est un obstacle pour l'autre. Ex 2 : son copain, son papa, sa maman, son frère, c'est un
obstacle - parce qu'ils nous contraignent en nous forçant à faire quelque chose.
=/= TA : nos proches nous augmentent - ils nous mènent à nous-mêmes, même si quelques
contraintes qui ne sont des modalités.
Ici, pure contrainte à notre pure liberté. -> Bon pour les psychologues.
C'est la vieille rengaine du nécessitarisme : s'il y a un obstacle extérieur, on est limité dans notre liberté,
et donc on est moins nous-même : parce que l'on diminue notre définition de liberté infinie - une loi va
être de toute façon liberticide et diminuer notre personne (ex : la loi sur le viol diminue la personne, et non
l'augmente - pourtant plus de sécurité)
La loi est forcément un obstacle que quelqu'un impose, vu que la liberté est absolue - alors on a
perdu l'idée profonde de télos : on ne sait plus ce que c'est un but au sens de finalité naturelle. On
ne comprend plus qu'en avançant dans le but que nous avons en nous.
La liberté d'Occam est cependant cohérente avec le système philosophique et juridique mis en
place.

On ne fait donc que subir que on est un pur individu, parce que plus rien nous réalise - tout est liberticide.
Le contrat c'est la seule chose bien, parce que c'est nous qui nous donnons la loi, elle n'a pas été imposée
- on retrouve la liberté.
On a donc une liberté de la loi positive : n'existe que ce qui a été entendu contractuellement ou ce qui
nous a été imposé par plus fort que nous.
Il n'y a plus droit naturel : il n'y a plus de relations naturelles, de nature des choses, de société
naturelles -> la loi positive va donc conquérir tout l'espace juridique.
Tout est une affaire de commandement du supérieur à l'inférieur, ou de contrats où les personnes
égales s'auto-limitent (ex : accords internationaux - c'est de l'auto-limitation, comme la création de l'UE,
les institutions -> chaque EM a dû perdre une partie de sa souveraineté pour faire l'UE. J'ai une liberté pleine
que je choisis de donner en partie à l'UE -> on crée un Léviathan par contrat)
Le droit moderne est donc complètement construit sur la matrice d'Occam.
Dans la ligne de cette logique devait s’imposer la figure du contrat : le contrat y apparait le seul moyen
d’aboutir à ses obligations en maintenant pleinement la responsabilité puisqu’il se fonde sur un choix libre
de chaque cocontractant. Ce choix peut notamment porter sur la polis, la cité sous la forme du contrat
social. La société politique et, partant, l’ordre juridique, découlent du contrat social.
La cité comme le droit ne sont donc aucunement naturels pour Occam, mais artificiels : ils relèvent
de l’artefact, du social engeenering : on ne le trouve pas à l’état de nature. → Fondamentalement libre,
l’individu ne se confond plus avec le citoyen comme dans la plupart des philosophies de l’Antiquité. La
qualité naturelle de citoyen au sens d’ « animal politique » désigne en effet une certaine appartenance
originelle à la cité, qui pour corollaire des devoirs de nature (respecter les institutions, servir dans l’armée,
acquitter ses impôts etc.), ce qui limiterait la liberté absolue, le pouvoir infini de l’individu, tel qu’il l’a reçu
de Dieu pour ce qui concerne sa vie sur terre.
Il faut en effet que l’homme soit pleinement libre pour assumer la responsabilité de ses actes face
au créateur. C’est pourquoi Occam concevra l’homme comme doté de « pouvoirs absolus » (en l’ordre
humain et non sur un plan divin), homme à la volonté absolument libre, en quoi se prépare la définition
moderne de la liberté comme absence d’obstacles extérieurs, en particulier l’absence de tout
déterminisme, de toute « nature ». Nous sommes encore plongés dans la compréhension de la « nature »
de telle ou telle chose (res, réalité) comme nécessitarisme, comme diminution ou entrave à notre liberté.
En bref, on ne parvient plus à saisir la signification du telos, du but, fin ou cause finale, ce vers quoi on
tendrait et dont la réalisation nous ferait devenir davantage nous-mêmes et en ce sens nous libérerait en
nous accomplissant, à l’exact opposé du nécessitarisme (déterminisme)
Plus spécifiquement, en langage juridique, la focalisation sur l’individuel et sa faculté la plus
personnelle – la volonté – conduit à la surdétermination du construit par rapport au constaté, de la loi
décrétée par rapport au droit observé : la loi positive – positum c’est-à-dire posée par une volonté –
l’emporte sur le droit naturel que la raison objective (donc impersonnelle) induirait, si ce n’est déduirait,
de la nature.
Davantage, la loi positive arrêtée par un sujet (tel sujet) donc subjective occupera toute la sphère
juridique : comment pourrait-il y avoir un ordre naturel et par là un droit naturel alors qu’ils n’existent

166
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

que des individus juxtaposés, les uns à côté des autres, et sans ordre entre eux dans le nominalisme, en
tous les cas sans ordre naturel entre eux ? Un ordre pourra exister mais il reviendra alors à la volonté de
l’élaborer, volonté qui s’exprime en droit par la loi et le commandement qu’elle contient. S’annonce ici la
suprématie de la loi dans la sphère juridique.

Conclusion des maîtres-penseurs et Ouverture aux deux grandes Ecoles allemandes,


Jusnaturalisme et Ecole historique
On a réduit le droit à la puissance : le droit est une affaire de potestas - de l'Etat, et des personnes avec
des droits prérogatives.

Avec Occam, on a vu les trois ressorts les plus fondamentaux du droit moderne :
• La volonté
• L'individu
• La liberté-pouvoir
Ce sont trois modalités qui permettent la même réalité : individu pur = volonté. Volonté + individu =
liberté-pouvoir. Ce sont des corrélats qui vont être établis pour toute la suite du droit, et on ne reviendra
jamais là-dessus. On pense toujours le droit au travers de l'individu, de sa volonté et de ses droits-
pouvoirs (ex : j'ai le droit de)
Avec Occam se mettent en place les dernières figures philosophiques constitutives de la conception
moderne légaliste du phénomène juridique. Volonté, individu et liberté comme pouvoir ou « faculté de »
- soit une vision subjective du droit – domineront les débats juridico-philosophiques jusqu’à nos jours.
Ils prendront un tour systématique au fil des deux grandes écoles allemandes de pensée juridique,
qui résument les deux manières de concevoir le droit dans l’ère moderne : l’Ecole jusnaturaliste ou Ecole
du droit naturel moderne, et l’Ecole historique du droit ou Ecole du droit historique.
➔ Toutes deux conduiront le droit à la codification, c’est-à-dire à son élaboration selon une méthode
systématique, un corps de lois organisées et hiérarchisées en système juridique ou ordre juridique,
quintessence du légalisme. En bref, le droit c’est la loi, rien que la loi … et la loi tout le droit.

Lien : Cela renvoie à la théorie aristotélicienne d'efficience : ex : la statue - un homme qui veut faire une
statue à travers d'un bloc de bois.
• Réalité matérielle : le bois
• Réalité formelle : la forme qu'il veut donner
• Causalité : pourquoi il fait une statue ?
• Causalité efficiente : qu'est-ce qu'il lui faut pour faire cette statue ?
Lorsque l'on parle de théorie d'action, donc de philosophie pratique, il faut donc la volonté - parce que
c'est la volonté qui nous mène à l'action. (Raison : relève plutôt réalité (ex : formelle) et causalité finale)
-> En choisissant comme ressort du droit la volonté, Occam a choisi la causalité efficiente comme la
première de toute les causes. Il a fait disparaitre la causalité finale, notamment de finalité humaine.
Le droit va devenir pure force, puissance (montre les moyens) -> Cause la puissance : la liberté
c'est donc l'absence d'un obstacle extérieur. Parce que sinon, notre liberté est restreinte, contrainte.
(notre force)
"La liberté que chaque porte en lui - non pas entre les autres, mais en nous, subjectif - d'agir - non pas de
réfléchir selon sa détermination propre sans avoir à subir d'autres contraintes que celles qui viennent de
la liberté des autres - les autres sont donc des contraintes"

A la même époque, dans les sciences dures (philosophie théorique), on commence à penser le monde
uniquement à travers les forces - la causalité efficiente. Cela vient de la révolution de Galilée : les
équations n'existent pas à son époque, cela vient de Descartes. Par contre, il pense que tout vient de la
force, tout est affaire de potestas.
Cela a une incidence : la philosophie théorique et pratique pensent le monde tous les deux au
travers de la causalité efficiente - on est dans la mécanique. (preuve : théories de Galilée)
➔ On va arriver à la convergence des deux domaines de ce fait : notamment par la méthode de
Descartes - une méthode pour tous les domaines. Ce qui est commun, c'est la potestas : on y
comprend la nature et le droit -> On va passer par la causalité efficiente pour dire qu'on y

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

comprend la nature et le droit : c'est comme cela que l'on va considérer le droit comme une
science.
Idée : tout le monde a des règles basées sur la puissance = tout tourne autour de la causalité
efficiente.
On retrouve les mêmes marques dans le positivisme juridique moderne : le droit est une affaire de
commandement - le législateur impose sa force au monde, de code - c'est là qu'on retrouve toutes les
lois comme la nature, de système - comme le tableau des éléments.
• Commandement, code, système - le droit va emprunter la méthodologie de la science. C'est pour
cela qu'on pense que le droit est rationnel, dans un code systématisé, et donc que c'est une science.
Relever ces trois éléments (volonté, individu, libre-pouvoir), en expliciter l’origine et l’insertion dans la
problématique du droit, ne suffit pas. Il faut encore montrer comment ces trois traits ont acquis une
suprématie quasi incontestée auprès des juristes modernes.
Pour ce faire, il faut mettre à jour le type de cause qui sous-tend les trois éléments de la volonté,
de l’individu et de la liberté. Tous trois expriment, chacun à sa manière, un aspect de la causalité efficient,
celle qui correspond à la force de l’artiste dans l’exemple classique de la statue, gestes ou actes qui créent
la statue. → La définition de la liberté selon les Modernes résume parfaitement ce ressort du pouvoir, du
« potentiel » de, liberté que Burdeau décrit précisément comme « la faculté que tout homme porte en lui
d’agir selon sa détermination propre sans avoir à subir d’autres contraintes que celles qui sont nécessaires à la liberté
des autres »
➔ Les sciences naturelles vont justement adopter pour clef de compréhension et d’explication des
phénomènes naturels les forces, puissances ou encore potentiels, autant de synonymes. On pense
à la mécanique newtonienne et la force universelle de la gravité, au couple « action/réaction », au
parallélogramme des forces, à la force « résultante etc. »
Or ces méthodes de la science classique moderne vont peu à peu conquérir les esprits juridiques
positivistes et imprimer ses contours « définitifs » à la conception moderne du droit comme
ensemble de commandements synthétisés dans des codes, soit la forme logique du système. Aussi
en viendra-t-on à croire à la possible d’une Rechtswissenschaft, d’une authentique science du
droit, en lieu et place de l’ars juris.
➔ On pourra trouver étrange que les méthodes des sciences naturelles et, d’une manière plus large
l’épistémologie c’est-à-dire la réflexion sur la science (ou encore la conception que l’on se fait du
savoir), puissent déterminer la représentation qu’apportent les juristes.
o C’est pourtant en lien avec les premiers-maitres penseurs, qui pensaient que les
différentes conceptions du droit étaient intimement liées à celles de la connaissance. On
retrouve le lien ici entre droit et science, lequel va prendre dans l’ère moderne un tour
singulier : le droit prétendra au statut de science.
➔ Le droit comme activité scientifique, qui plus est en imitation de la méthodologie des sciences de
la nature, pénétrera les deux écoles allemandes, de sorte qu’il devient artificiel de les prétendre
« absolument » différentes.

A dire vrai, les Modernes n’échapperont pas plus que les Anciens ou les Médiévaux à la confusion des
facultés humaines – raison et volonté principalement -, à celle des démarches logiques – top-down et
bottom-up – ou encore à celle des méthodes scientifiques au sein de chacune des deux écoles.
L’ère moderne a connu un formidable intérêt des auteurs, philosophes ou juristes, pour la théorie
du droit. → Il devient dès lors impossible de retracer le cheminement du concept « droit » (ou juste) à
travers tous les courants philosophiques de la Modernité.

3 choix et 3 critères pour montrer l’idée de Code :


• Ce choix tient éminemment compte de ce que le code constitue le premier instrument de travail
du juriste confirmé comme de l’étudiant.
• Les Ecoles les plus emblématiques de l’idée de code dans les esprits juridiques modernes.
o Les plus importantes sont celles organisées autour de juristes. Ces juristes peuvent être
aussi philosophes mais ce sont d’abord des gens de droit. Cette sélection répond au
besoin de faire une introduction aux juristes et abordant le droit qu’ils pratiquent, non
l’Idée du droit qu’a pu nourrir tel ou tel philosophe par une connaissance indirecte de la
matière.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• But : synthétiser le parcours de la notion de droit au fil des deux grandes écoles – Ecole de droit
naturel moderne et Ecole historique-, sans toutefois les opposer radicalement, position habituelle
qui ne répond pas aux nuances de l’une et de l’autre et de leurs emprunts réciproques,
o et moins encore à un point commun (en lequel réside le 3 ème critère) : elles se fondent
toutes deux sur la méthodologie des sciences.
▪ En quoi consiste le ressort ou le moteur original ou originel du légalisme :
appliquer en droit les méthodes des sciences naturelles.
▪ On ne s’étonnera dès lors plus, et de la primauté de la loi, et de sa mise en
système via la codification.
Si le but parait clair, le chemin se révèle tortueux et semé d’embûches. Quand bien même se concentre-
t-on sur l’aspect le plus marquant de la modernité des juristes – le code, la complexité des débats demeure
grande, présentant cette difficulté quasi-insurmontable : y distinguer et donc départager les influences
respectives de la volonté et de la raison sur la conception moderne du droit. → Ex : nombre de
philosophes du droit qualifiés de rationalistes ont mis au fondement de tout leur système de droit naturel
la volonté, en particulier la volonté de Dieu.
➔ Par là se trouvent condamnés deux lieux communs concernant la période de l’Ecole moderne du
droit naturel : qu’elle serait parfaitement rationaliste et corrélativement sécularisée ou laïque.
o Dieu demeure présent à la base même de nombreuses élaborations doctrinales et la
volonté continue d’y jouer un rôle majeur voire prépondérant malgré ou sous l’étiquette
« rationaliste », facteur par ailleurs favorable à la suprématie de la loi sur les autres sources
du droit.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Chapitre 7. L’Ecole du droit naturel moderne – Un droit rationnel ordonné en


système

Avec Occam et l'école du droit naturel, on sera capable de comprendre l'expression "le code dit que"
-> Avec Occam, on a tous les ressors, sauf le code parce que l'on n'a pas d'organisation.
Avec le droit naturel, on aura une idée de système et de science - et on va avoir des codes. De
plus, à l'époque, on ne publie pas les décisions de jurisprudence - personne ne les connait. -> Les
théoriciens ne connaissent que les lois, pas les décisions = on ne peut pas analyser le droit par sa
pratique vu qu’on ne la connait pas. → analyse du droit purement théorique.

On a une idée de la raison comme moteur du droit / ! / Cela semble en complète coupure avec Occam :
vu que la faculté première du droit pour Occam c'est la volonté -> du coup, comment le droit naturel
moderne s'affiche comme un modèle purement rationaliste alors qu'au fond il est purement volontariste
? Il faut passer par la figure de dieu.
Rationnel : transformé le droit en science avec en arrière fond, un système ( ex : physique - système
du monde)

Le projet jusnaturaliste : comme dans le positivisme aujourd'hui - on veut transformer l'ars iuris en
Rechtswissenschaft - on veut transformer l'art en science, et on va s'inspirer notamment de la physique.
Cette idée vient d'Occam.

SECTION 1. LE PROJET JUSNATURALISTE


Jusnaturalisme - définition : ensemble des doctrines philosophico-juridiques qui affirment l'existence de
droits en totale indépendance des volontés humaines. Ce sont les droits les plus fondamentaux ou les
principes généraux d'un ordre juridique.
Ces principes de l'ordre juridique existeraient de toute éternité, sans intervention humaine : elles
existent hors du temps, hors des lieux - il n'y a pas besoin d'une invention humaine.
A quoi sert le législateur ? Il ne sert qu'à les formuler, à un moment de l'histoire, pour une société donnée
- c'est juste une mise par écrit.
Ce qui n'est pas prévu par le droit naturel sera prévu par le droit positif : mais ce n'est que le détail,
le cadre général est dans le droit naturel.
On trouve cette idée dans le terme le titre "Déclaration universelle des droits de l'homme" = dé-
couvrir : on enlève juste la couverture, tout est déjà là, il n'y a pas de médiation humaine. La
source est donc bien ailleurs que dans la raison / la volonté humaine : la raison ne fait que découvrir
ces principes qu'elle n'invente pas.
-> Cela échappe à la volonté des hommes et à la libre disposition des législateurs. -> Comme on
comprend les droits de l'homme aujourd'hui : normalement, les Etats ne peuvent pas revenir
dessus, sauf force majeure. C'est au dessus de l'ordre juridique = c'est l'équivalent moderne du
droit naturel, il est hors du champ d'application des hommes. S'appliquent quel que soit le temps
ou les lieux.
Le jusnaturalisme moderne se définit comme l’ensemble des doctrines philosophiques qui affirment
l’existence de droits – les plus fondamentaux d’entre eux à tout le moins – indépendamment de toute
intervention ou médiation humaine. Le législateur ne fait que les constater, il ne les constitue pas ; partant,
il se contente de les déclarer. Déduits de « la réalité naturelle », les droits naturels échappent à la volonté
des hommes, à la libre disposition des gouvernements, et même des législateurs. Ils s’imposent à tous,
quels que soient les contextes, les temps et les lieux.

-> On peut y mettre tous les droits naturels modernes : tous les principes de base.
Par contre, toutes les écoles de droit naturels modernes vont rapidement diverger : notamment sur
l'origine du droit naturel moderne. Quid ?
• La volonté divine / ! / Problème : on entre dans une école qui se pense rationaliste, mais qui a
comme source de l'école rationnelle la volonté de Dieu. Pour eux, la raison passe par la volonté
de Dieu.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Volonté rationnelle par le créateur


• La Raison
• La nature humaine
• La nature des choses -> on le retrouve dans les formules du TF : ce n'est pas l'homme qui décide,
on ne fait que constater. -> C'est surtout un argument sophistique, rhétorique.
• La Nature.
• et combinaison de toutes les origines
Là s’arrête le consensus dès qu’il s’agit d’éclairer la source du jusnaturalisme, les divergences surgissent
immédiatement : volonté divine, justice divine, « volonté rationnelle » parce qu’infiniment bonne du
Créateur, Raison, nature humaine, nature des choses (res ipsa loquitur), nature externe (La nature), voir
des combinaisons de ces origines.

Si les écoles ne sont pas d'accord sur la source du droit naturel, elles sont d'accord sur le projet : système.
On veut réduire le droit en un système. -> Dufour : a beaucoup écrit sur la loi naturelle (suisse) -> C'est
ce qui est la modernité de l'école : ce qui la caractérise par rapport aux autres mouvements, c'est que l'on
veut faire du droit une science, un système, comme au science scientifique (ex : systèmes)
Comment adapte-t-on selon la méthode mécaniste/résolutive-compositrice ?
• Mécaniste : on découpe le phénomène en de nombreux phénomènes - on l'analyse et on recompose
le tout. -> Extrêmement analytique, scientifique.
o On l'avait en science dure, avec Galilée et la vision mécanique. -> Approche mécaniste.
Cela va se fonder sur un atome sociétal, social, qui sera l'individu : on est dans une vision complètement
nominal - on a d'abord des pôles, des individus. Ensuite, arrive les relations = c'est secondaire. Premier
: pôle et caractéristique.
On fonde le système juridique sur l'individu - on aboutit à la loi au sens scientifique = le Code. On pense
le Code en droit comme on a pensé la loi de la science. -> Cela doit être un code achevé, parfait. (ex :
Code Napoléon)
Comment ? Le code, c'est du droit écrit, à l'époque mise par écrit des coutumes. On a la grande
idée des Textes, par la Bible - Texte des textes, qui a donné toutes les interprétations possibles de
tous les textes.
Montre l'idée de texte posé auquel on doit absolument obéir.

On arrive devant une adéquation rejetée par les modernes : les modernes pensent que la renaissance,
donc la modernité, c'est obtenu contre la religion. On pense que rationalité rime avec laïcité, modernité.
On ne peut pas être un être rationnel si on est un être religieux - cela montre qu'ils ne connaissent pas
l'histoire du droit : parce que tous les rationnels de base mettent Dieu à l'origine des principes du droit.
On n'a pas du tout une vision laïque des principes du droit : c'est une vision théologique (mais pas
religieux - pas besoin de croire) -> C'est la source, même si on n'a plus Dieu, de la manière dont on
comprend le loi.
➔ Le droit laic d'aujourd'hui a gardé la structure du droit canon. Preuve : les codes de procédure
que l'on a aujourd'hui viennent des codes de torture que tenaient les tribunaux d'inquisition. ->
On n'avait pas le droit de torture n'importe comment : on avait un protocole de torture. Ce
protocole a donné les premiers codes de procédure pénaux -> Les codes de procédure sont pris
dans un cadre théologique.
/ ! / Cela ne veut pas dire que le contenu est théologique : par contre la structure reste top-down.
Tentant de caractériser d’un mot le projet du jusnaturalisme moderne ou Ecole moderne du droit naturel
– laquelle comprend l’Ecole moderne du droit naturel et des gens de Grotius-, sans doute faudrait-il parler
de système. Son grand dessein tient en effet « dans la réalisation du fameux idéal humaniste d’origine
cicéronienne tendant à réduire le Droit en système (jus in artem redigere), du Droit de la nature à celui
des Gens, en passant par le Droit politique et le Droit ecclésiastique, et ceci – ce sera la modernité de
l’Ecole – par le recours à la méthode résolutive-compositive, et au modèle mécaniciste des sciences
physiques et mathématiques ».
On regroupe ainsi tous les jusnaturalismes sous la même bannière, sans faire référence à la
multitude de conceptions jusnaturalistes modernes, considérant que toutes poursuivent un but commun :
l’élaboration de systèmes juridiques fondés sur l’individu et donc découlera la forme la plus élaborée du

171
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

légalisme : le code. Mieux, un code « par-fait » donc un Droti achevé, sorte de fin du droit comme on a
pu parler de fin de l’histoire avec Hegel.

A quoi tient l'idée de codification ? 2 philosophes belges - on a une vision théologique du droit : les
juristes retrouvent cela en la figure du Texte, figure évidemment biblique, la Bible n’étant autre que le
« Texte des textes ». On verra au reste, à l’encontre de bien des lieux communs affirmant l’égalité
rationalisme = laïcité, les origines et la structure théologiques de la conception rationaliste du droit
moderne. On a pu ainsi caractériser la codification comme une entreprise toute pénétrée du « centralisme
textuel propre à la tradition romano-canonique ou (…) laïcisé qui s’esquisse dans la théorie du jusnaturalisme
rationnel »
• Centralisme textuel : le texte est le cœur du droit - le centre. -> ex : Art 1 CO - c'est le premier mot
dans la version française "loi" -> et la loi représente le droit écrit. Le texte de loi est donc premier : on est
donc dans le texte, la théologie. Ex : on déteste la coutume qui n'est pas du texte.
Le droit naturel va mettre en place l'idée de centralité du texte.
• Complétude logique du système juridique : si un système est bien pensé, par définition, il est
complet. Ex : comme le tableau des éléments en Chimie - on prévoit à l'avance tous les éléments chimiques,
on a même rempli des cases vides, comme le code de la nature.
o Il n'y a d'ailleurs jamais de lacune du droit : il n'y a que des lacunes de la loi. -> Le droit
peut toujours compléter la loi : c'est la loi qui est lacunaire. -> Le droit est un système, et ce
qui manque dans la loi, cela peut être complété par les principes généraux dont on déduit
les règles.
➔ Le juriste est donc tout puissant parce qu'avec le droit on complète par notre parole toutes les
lois.
Logiquement : dans la loi, il y a par contre des lacunes, parce que l'on aurait sinon une connaissance
complète du réel pour les éviter complètement - mais c'est ce qu'on pense dans le droit naturel. / ! /
Nuances.
-> Pour les modernes, on est tout puissant, et on a toute la vision du monde. (alors que c'est la finitude
qui devrait être Le droit est complet, parfait, voll. -> Montre le projet juridique moderne : système
juridique, complet, qu'il suffirait donc de déduire.
• Importance de 1 CC : à la base, tout est dans la loi - exclusivité de la loi, monopole. Par accident,
on devra chercher d'autres sources - on a donc une réduction de base du droit à la loi : on est
purement dans une vision légaliste.
o On doit alors affirmer que le droit est unique et complet, notamment dans un texte -> les
codes sont censés avoir épuisés les réalités. Il n'y a plus rien à côté des codes.
Pareil pour les Evangiles.
o Si on a une complétude et une perfection, du côté des destinataires, on a surtout de la
conformité - de l'obéissance. Comme la Bible : texte -> obéissance des personnes. Il ne reste
plus que l'obéissance comme l'idée de comportement juste : idée moderne de conception
logique. Ce n'est pas la raison, la mesure.
• La loi est suffisante, parce que par le syllogisme, on en déduit tout. On pense qu'il n'y a besoin
que de principes généraux : dont on déduit les principes spéciaux, dont les cas. Il faut donc que
les principes généraux, les syllogismes, et on a tout ce qu'il faut pour faire du droit.
o Logiquement : mais au fond, il n'y a aucun syllogisme en droit - les syllogismes n'existent
que pour les sciences dures et non les sciences humaines.
On croit au "code dit que"
• Qu'est-ce qu'un jugement ? Le jugement est une simple déduction de ce qui est énoncé clairement
dans la loi. Il suffit que le texte de loi soit clair, puis on a de la logique formelle avec la déduction,
et on a le cas.
o / ! / Si c'était le cas, il n'y aurait aucun procès - parce que sinon, on aurait la solution du cas
en mettant juste le cas sous la catégorie juridique.
Preuve : il n'y a aucun procès en sciences.
Cette idée culminera à l’époque révolutionnaire avec la complétude logique du système juridique codifié :
enseigner le Code Napoléon, et rien que le Code Napoléon, pensé comme suffisant pour résoudre tous
les problèmes dont le droit privé aurait à connaitre au présent et à l’avenir.

172
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Cette « logische Geschlossenheit des Rechts» traduit le projet «scientifique » consistant à


« ramener la production normative à la seule production législative. S’en déduit la double idée, d’une part
que la codification présent tous les caractères qui en assurent la qualité de Texte unique : son unité et sa
complétude, et d’autre part qu’à ce titre elle commande obéissance et application sans faille ». L’exclusivité
de la source législative du droit, que relèvent conséquemment les deux auteurs belges, est assurée par une
logique de la déduction appliquée à l’opération du jugement, laquelle apparait désormais comme une
« simple déduction qui est énoncé clairement dans la loi »
➔ Points aveugles de cette position par rapport aux cas concrets, à ce que le droit doit trancher
quotidiennement. Le droit est loin de continuer un système aux fondements et aux opérations
parfaitement logiques, sans que l’on puisse pour autant lui reprocher un arbitraire de principe, le
service exclusif d’une classe par exemple.

C'est ainsi que l'on réalise l'unité du droit. -> Quel est le rang de la doctrine en droit suisse ? C'est tout à
la fin, juste avant la jurisprudence -> Cela montre qu'on se moque de la jurisprudence.
De plus, doctrine et jurisprudence : on ne fait que de s'en inspirer - à défaut de, à défaut de.
Origine de l'Art 1 CC : cela vient d'un historien du droit qui fait de la doctrine - donc c'est bien de la
doctrine qui a fait cet article en déclassant la doctrine. / ! / Eugen voulait mettre comme source formelle
le droit et la jurisprudence, mais cela a été refusé par le législateur positiviste.
-> Tout le droit naturel, qui aura pour conséquence d'écarter la doctrine, vient en réalité de la doctrine =
des savants du droit. Comment ? En mettant en avant la loi et le code.
On ne publiait pas en effet les arrêts à l'époque. La jurisprudence ne circule absolument pas.
-> Quand on pense le droit naturel, on ne peut pas le penser de manière inductive : on n'a aucune
expérience du droit - aucune expérience pratique. Ce sont donc des purs savants du droit qui vont
penser le droit naturel moderne, même si certains ont un peu d'expérience. C'est donc idéaliste ->
c'est de la doctrine.
C'est donc la doctrine qui fait naitre ce courant de pensée, qui met en avant les codes, qui détruisent
eux la doctrine.
Le code ne vient pas de la pratique : cela a été tout inventé par les doxas -> preuve : common law.
On ne soulignera donc jamais assez que l’unité du droit a été réalisée en premier lieu par la doctrine et
non par quelque législateur ou Constituant. La notion de système, et de là celle de code, est une création
des auteurs comme le montre également l’Ecole historique et son Professorenrecht. Il est donc assez
piquant de constater la relégation dont souffre aujourd’hui la doctrine dans le cadre de la théorie des
sources du droit, théorie qui se focalise sur les sources formelles, et plus particulièrement sur la loi, la
doctrine n’étant pas même une source mais quelque chose comme une « autorité du droit » dont le juge
s’inspirera le cas échéant.

Ere géographique de la théorie du droit naturel : au début l'Espagne (encore religieux), puis les Pays-
Bas et l'Allemagne. Ce sont deux pays protestants et bourgeois = sans la puissance d'un roi. Le commerce
y est principal -> il aura beaucoup d'importance dans l'idée du droit naturel. Pas anodin de penser la
raison comme fondement du droit.
Les pays bas et l'Allemagne sont la base de toute la philosophie idéaliste européenne - on n'y a
pas des penseurs pragmatiques. Ils ne savent pas ce que c'est le droit, la politique, la famille, les
enfants - ils n'ont aucune idée du monde et disent ce qui en pensent.
Les idéalistes servent au fond à rien pour le droit, sauf s'ils l'influencent : ils n'ont pas de pratique
du droit, mais que l'idée. -> On y hérite cependant le code : mais c'est contre la pratique du code.
On pense que le code dit que (il n'y a que des signifiants, des mots, pas de concepts : de l'encre
noir sur du papier blanc avec de l'alphabète latin) alors que ce sont les juristes qui disent le droit.
C’est le parcours de l’idée de système à celle de code qu’il faut brièvement retracer afin d’éclairer ce que
l’on présuppose quand on affirme aujourd’hui « le code dit que (…) »
L’extension temporelle et géographique de l’Ecole du droit naturel moderne : elle court grosso
modo du 17ème au 19ème siècle et avant tout des Pays Bas à l’Allemagne. Sous l’étiquette peu sélective de
« Ecole du droit naturel », nous trouvons une série de doctrine fort différentes parfois – de la pensée
théologico-morale d’un Grotius à l’approche pragmatique et angoissée de l’anglais Hobbes – mais toutes
structurées par la méthodologie scientifique qui prépare le « système droit » à sa mise en forme de code.

173
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

C’est à cet esprit général qu’il faut analyser, notamment par le biais des auteurs comme Grotius, Hobbes,
Spinoza, Pufendorf, Thomasius, Locke, Leibniz.

SECTION 2. LES ASSISES SCIENTIFIQUES BROUILLÉES DU JUSNATURALISME MODERNE


Epistémologie pour pouvoir connaitre sa théorie de la justice : on a une confusion entre la philosophie
théorique et pratique = confluente. -> Le droit vise sciemment à être une science, comme de la
philosophie théorique, scientisme en droit.
Tout cela vient de Descartes. C'est un juriste qui a fait une thèse de droit canon et laïc. Il va écrire un
ouvrage : "Le Discours de la méthode" -> Pour Descartes, toute activité scientifique suit la même
méthode.
=/= Aristote : une méthode pour chaque branche. -> ex : 4 causes différentes pour expliquer comment
on fait une statue = 4 points de vue pour comprendre.
Pour Descartes, pour comprendre, il faut une seule méthode. On prend la méthode de la physique - et si
on veut être considéré comme une science, on doit respecter cette méthode de la physique.
-> Les jusnaturalistes vont vouloir être assimilés aux sciences qu'ils admirent et reprennent la
méthode scientifique : c'est une méthode analytique. On coupe le problème en autant de sous-
parties possibles. On répond à tous les problèmes en remontant et à la fin, on a le résultat global
(détruire pour comprendre les parties et reconstruire).
/ ! / : C'est comme cela que l'on nous enseigne la résolution d'un casus : alors que c'est impossible
en soi ex : diviser l'obligation de résultat en plus petit. En réalité on a un social pattern/un cas qui nous
aide à résoudre les autres.
Diviser les choses en autant de parties possibles pour les résoudre ensuite en remontant. / ! / Comment
on fait pour savoir que l'on ne peut pas diviser plus avant ? Descartes ne dit rien, parce qu'il dit que c'est
évident.
-> Conséquence : pour Descartes, le tout est la somme des parties. Le sens de l'objet c'est l'addition de
sens des parties ex : avec une phrase, on analyse le sens de mots et le sens de mots additionnés (comment ?)
donne une phrase.
-> Cela marche donc bien en sciences. / ! / Logiquement, difficile en langues : mais on a quand même
cette idée.
C'est du pur nominalisme : ex : une société n'a que comme existence la somme de celle de ces parties ->
On a donc la vie de la théorie de la personnalité fictive (=/ = réelle) de la société - on devrait arrêter le droit.
/ ! / Mais on le continue !

Comment Descartes conçoit l'arbre de la connaissance ? Penseur laïc - qui est basé complètement sur la
pensée religieuse et biblique.
• Les racines de l'arbre sont la métaphysique = la philosophie.
• Le tronc : C'est la physique.
• A partir de la physique, on a trois branches principales :
o La mécanique
o La médecine
o La morale : on y trouve l'éthique et le droit → donc le droit est issu de la physique.
Et la physique se traduit en matière de force = potestas. C'est ce qui donne la notion juridique de pouvoir
= un pouvoir juridique a de la potestas. On a donc une reprise du modèle des sciences dures dans le droit
- c'est une physique de l'ingénieur.
Pourquoi de l'ingénieur ? Parce qu'à l'époque peu de théories scientifiques, mais c'est déjà
essentiel. Un ingénieur : c'est un pur mandataire. -> C'est la personne qui ne se pose jamais la
question de pourquoi, il ne fait que du comment.
On voit donc qu'on a une disparition de la cause finale : dans le modèle de Descartes, il n'y a plus
de pourquoi, mais que du comment -> c'est donc la volonté du législateur qui fait ce qu'il veut, par
les méthodes de la Constitution, et on doit suivre.
Il y a des rapports étroits entre théorie de la connaissance (grosso modo « épistémologie ») et conception
du droit. Jamais peut-être leurs relations ne furent aussi étroite que dans l’Ecole du droit naturel moderne.
On se souviendra du titre même de l’un des ouvrages fondateurs de la modernité : « le discours
de la méthode » de Descartes, méthode unique valable pour toute science et résolument analytique.

174
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Méthode analytique : le second principe du Discours de la méthode consacre la conception


analytique du réel : « diviser chacune des difficultés que j’examinerais en autant de parcelles qu’il se
pourrait et qu’il serait requis pour les mieux résoudre ». Une stricte interprétation de ce principe conduit
à affirmer que le tout n’est que la somme des parties, ce qui revient à nier toute possibilité de propriété
émergente, phénomène centrale des sciences contemporaines. Par où s’atteste également le tour d’esprit
dit « réductionniste » de la conception analytique du réel.
L’unité des savoirs, résultant d’un tronc commun, la science (et la métaphysique, évidemment
pour un philosophe), est fort bien exprimée dans la métaphore de l’ « arbre de la connaissance » de
Descartes : « toute la philosophie est comme un arbre sont les racines sont la métaphysique, le tronc est
la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois
principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale ». Où la physique est le modèle de tout science
à l’époque.

Galilée : c'est un très grand mathématicien. -> Peu de scientifiques : y compris lui - peu d'expériences,
parce que pas le matériel pour le faire ex : pour calculer le temps, il utilisait son pou. Pourtant, on n'a pas
toujours le même pou. -> Il n'y avait pas de précision des mesures = c'est peu expérimental, très mathématique.
Il y a deux écoles de mathématiques en Italie :
• Platon : déductive
• Aristote : inductive
Il a fait les deux : il va donc penser le modèle de la science, donc celui du droit, en hésitant entre
deux modèles :
• Mécanisiste (Platon) – cela va gagner
• Organisciste (Aristote) – cela va perdre.
On voit donc la différence entre les deux écoles : droit naturel moderne et, du droit historique
(organiciste)
Il veut prévoir la plupart des résultats correctement qu'avec un modèle mécanique, idéaliste - et cela
marche en science, ce qui va inspirer le droit.
Cela va donner la méthode d'analyse : 1) résolutive : on va décomposer le mouvement naturel en
ses éléments les plus simples, les plus coupés. On décompose le phénomène en composantes du
phénomène.
. 2) Compositive : Une fois que l'on est capable d'analyser tout le système, on essaie de le
recompléter sous forme d'équation.
-> Donc la science : c'est décomposer un système et le recomposer sous forme d'équations.
-> La même chose avec Savigny et les catégories juridiques. → On est fasciné par la combinaison
d'expérience, de certitude et de rigueur.
On pense également à Galilée, lequel donne un tour mathématique à l’étude de la nature, en particulier
à la physique : « L’acquisition simultanée des mathématiques théoriques et pratiques, dans la lignée
d’Archimède, et de la physique qualitative d’Aristote, l’initie à ce qui va devenir le dilemme fondamental
du système du monde : Un vaste organisme mu par des qualités anthropomorphiques, ou une machine à
structure rigoureusement mathématiques ? » Si le jusnaturalisme moderne retiendra la seconde branche
de l’alternative et son modèle mécaniciste, la première branche ne sera pas perdue. Le modèle organiciste
deviendra la figure marquante de la doctrine concurrente, l’ « Ecole du droit historique »
La première branche va donner lieu à la méthode scientifique dite résolutive-compositive, illustrée
par la découverte de la loi de la chute des corps : « Impliquant d’une part, la décomposition ou résolution
d’un phénomène, comme le mouvement ou la chute des corps, en ses phases ou éléments les plus simples,
pour la détermination des rapports qui l’expliquent (vitesse, espace, temps) et, d’autre part, la constitution
ou composition du phénomène observé pour la formulation du principe ou loi qui le régit – expression
mathématique de ses rapports constitutifs – la méthode galiléenne sera qualifiée de ses rapports constitutifs
– la méthode galiléenne sera qualifiée de méthode résolutrice-compositive »
Juristes comme philosophes ne pouvaient être que fascinés par la combinaison de certitude glanée
dans l’expérience et de rigueur de la démonstration due à la logique et à la déduction.

C'est impressionnant en sciences, et on veut la même chose en droit. / ! / Mais cela s'y prête très mal !
• Expérience en droit : pas possible car pas de laboratoire

175
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Mathématisation : comme le droit est une affaire de choix qui doit regarder les singularités du cas
singulier - on ne peut pas mathématiser ni le cas singulier, ni la volonté du législateur.
• Loi : on y trouve le point commun.
o Grotius pense que l'on pourrait utiliser le mot pour déclarer les comportements qui
reviennent chez les individus, mais aussi les commandements du législateur. -> C'est le
premier qui utilise le mot loi pour le droit - on y prête alors toutes les caractéristiques de la
science dans le droit : on veut, comme on a des lois, faire les mêmes raisonnements déductifs
qu'en science.
o Critiqué au début : la loi en droit n'est pas une loi scientifique - elle est ambivalente.
• Mais comme on voulait ressembler aux scientifiques, on a fait de l'analogie entre les
deux en disant qu'il y avait plus d'analogies que de dissemblances. -> On a parlé de
lois, et de code.
• C'est pour cela que l'on parle de droit naturel : la loi humaine fait œuvre de science -
on va déduire à partir de principes généraux des règles particulières
Incohérence de 8 CC : on doit déduire un droit à partir des faits - on ne peut cependant
pas, on ne peut qu'induire (vu que faits au-dessous du droit). -> On y est, parce que
l'on a l'idée de sciences : on a des faits dont on déduit la réalité juridique.

Au principe du droit naturel, on a dieu et sa volonté. Problème d'avoir un système mécanique : on a une
volonté à la base des principes dont on doit tirer des déductions.
A partir de la volonté de Dieu, Grotius pense que l'on peut déduire les principes suivants :
• Ne pas léser autrui
• Ne pas s'emparer de son bien
• Corriger ses fautes
• Récompenser les bonnes actions
• Pacta sunt servanda
/ ! / Choquant : Grotius ne fait que répéter que les principes du droit romain. -> Mais ce serait la
volonté de Dieu donnée aux humains.
-> Ce serait la base de la théorie mécaniste : résolutrice-compositrice.

Deuxième idée : succès - more geometrio - on pose les premiers principes (comme en maths - axiome).
A partir de ce que l'on a posé, on fait du top down pour obtenir les réalités plus spécifiques ( ex : traité
moral de Spinoza -> théorèmes dont on tire des idées)
/ ! / Ce n'est que de la présentation, parce que c'est impossible de faire des syllogismes en
philosophie pratique. -> Mais c'est une mode : on pense que l'on peut ramasser dans une forme
déductive la philosophie pratique.
Cela permet la naissance des codes : à partir de la partie générale, on doit déduire la partie spéciale
et les éléments de la solution.
• Partie générale : postulat
• Partie spéciale : règles du droit positif
• -> Déduction par articulation : les cas. (montre l'inspiration toujours scientiste des codes)
Présence de la science encore aujourd'hui : on parle de système juridique, de code. + place centrale du
syllogisme.
Le matériau « droit » ne se prête toutefois guère, pensait-on alors, à l’expérimentation – sauf dans l’Ecole
concurrente du droit historique – et à la mathématisation. L’aspect « loi » de la science physico-
mathématique imprégnera en revanche de manière indélébile les esprits juridiques.
L’histoire verra un Grotius par exemple carrément jouer avec l’ambivalence de la notion de « loi »,
loi de l’ordre naturel ou loi de l’ordre juridique, cherchant à revêtir la seconde des attributs de la première :
caractère objectif ou l’ « ordre des choses » (d’où l’expression générique de « droit naturel ») : hiérarchie
des règles plus générales dont on déduirait des lois, comme l’on pourrait tirer en stricte logique,
objectivement, des propriétés et des relations à partir des axiomes ou des définitions d’entités
mathématiques, en dehors donc de tout jugement de valeur, de tout choix. La première de toutes les
Règles, par exemple, définit le droit comme la volonté de Dieu, dont Grotius affirme déduire une série
de Lois, véritables Normes fondamentales du Droit naturel, comme ne pas léser autrui, ne pas s’emparer

176
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

de son bien, corriger les fautes, récompenser les bonnes actions. Où apparaissent toute évidence les
origines théologiques et morales de ce droit naturel.
De cette manière de procéder de Grotius se reconnait une autre démarche scientifique que celle
résolutive-compositive et qui retiendra également la meilleure attention des juristes : la méthode
géométrique, le fameux more geometrico de Descartes, consistant à démontrer la conclusion par
déduction à partir de définition, de postulats et d’axiomes. Le passage d’un pas du raisonnement à l’autre
s’opère sur la base de l’évidence rationnelle. Les juristes voient dans cette rigueur formaliste le gage de la
scientificité de la démarche ainsi conduite, sans s’apercevoir que leurs propres prémisses se trouvaient fort
éloignées de la certitude qu’offraient les entités mathématiques au fondement du raisonnement déductif.
➔ De fait, si nombre d’œuvre de l’Ecole jusnaturaliste portent la marque du more geometrico,
l’imitation vaut bien plus à la forme qu’au fond : on ne déduit pas aisément la volonté générale
des volontés individuelles (à moins que ce ne soit l’inverse), ou les lois des sociétés humaines de
la volonté de Dieu telle qu’exprimée par les préceptes bibliques.
Quels que soient les mérites respectifs de ces deux méthodes et la portée exacte de l’influence qu’elles
exercent sur les jusnaturalistes modernes, elles imprimeront dans l’esprit de générations de juristes le goût
de système, la passion des systématiques, l’espoir de l’exhaustivité, l’entreprise de codification : en bref, la
fascination pour la code. Le besoin de sécurité juridique accentuera, surdéterminera, les aspects déductifs
de la méthode scientifique. La place centrale du syllogisme juridique dans la doctrine légaliste en porte
témoignage : il faudra examiner la pertinence pour le droit en situation.

Pufendorf : on voit comme pour Galilée l'hésitation entre deux modèles de sciences. (mécaniste,
organiciste)
-> Puis, deuxième question, mais on est par contre toujours dans un paradigme de sciences dures :
• Modèle mathématique
• Modèle physique
-> Son choix éclaire la structure du droit moderne.
Pufendorf ramasse très clairement les termes du débat et indique la préférence qui caractérise, somme
toute, l’Ecole du droit naturel moderne, qu’elle qu’en soit la multiplicité de composantes doctrinales : « Il
y a à mon avis deux voies que l’on peut suivre si l’on entend donner une forme scientifique à une
discipline.
L’une est celle que suivent les mathématiciens qui aiment à développer à partir de quelques
principes peu nombreux une masse de propositions.
L’autre est celle que prennent ceux qui ont à cœur l’étude des choses de la nature quand ils
infèrent de l’observation et de l’accumulation d’une multiplicité de choses singulières une loi générale.
Beaucoup m’ont engagé à suivre cette dernière voie en cette matière. Il faudrait en vérité
rassembler alors tout ce que les différents peuples considèrent comme Droit et ce sur quoi tous et chacun
tombent d’accord. En réalité, cette voie est incertaine, infinie et presque impraticable… car je crois qu’il
n’y a pas une prescription du Droit naturel qui ne contredisent les mœurs ouvertement admises de
n’importe quel peuple (…)
Après avoir ainsi rejeté cette méthode, je pense qu’on doit plutôt suivre ici les mathématiciens,
c’est-à-dire qu’il faut établir un principe immuable que personne de sensé ne peut mettre en doute et dont
alors tout ce qui est de Droit naturel et durable puisse procéder »
• Chaque discipline peut avoir une forme scientifique - c'est le mode, la forme qui est géométrique,
pas tellement le contenu.
• Mathématiques : développer à partir de peu de principes des cas concrets.
• Physiques : on regarde la nature et on infère les règles générales.
o On lui dit de le faire, à l'Aristotélicienne, sauf qu'A ne croyait pas que l'on puisse utiliser la
méthode scientifique pour faire du droit.
• On devrait prendre les cas concrets et remonter à des principes généraux.
o Mais cette voie est incertaine, infinie et impraticable - on ne peut pas définir de manière
univoque le droit : en fonction du lieu et du temps. -> Tout contredit tout.
Du coup il ne fait qu'un modèle mathématique : purement individualiste - notamment Grotius qui regarde
le droit sans aucun cas. On fait donc une théorie de l'Idée du droit, et non de la pratique du droit.
-> Le Moyen-Âge et la Renaissance sont donc idéalistes, néo-platoniciens. On fait une philosophie de
l'idée du droit.

177
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Dans la mesure où le positivisme juridique d'aujourd'hui est le fruit du jusnaturalisme, il ne faut pas
s'étonner que notre doctrine juridique soit idéaliste. Notre doctrine du droit ne parle jamais de la pratique
du droit (ex : preuve : jurisprudence à la fin) - mais que de l'idée du droit avec les codes.
Comme les mathématiciens, il veut un principe général duquel il peut tout déduire (ex : Art 1 CC)
/ ! / Mais on voit que c'est difficile notamment avec l'Art 7 Cst- on pense déduire tous les droits
de l'homme de la dignité humaine -> toute la théorie moderne du droit pense déduire les choses
comme une science, alors qu'ils sont censés être laïcs.

SECTION 3. JUSNATURALISME MODERNE , ENTRE RAISON ET VOLONTÉ


Confus : quand on examine le jusnaturalisme moderne, on a tout un discours de raison, de rationalité,
de déductiviste comme principe. Par contre, si on regarde le mécanisme des lois, on voit qu'il n'y a que
du commandement, que des ordres, que de la volonté du législateur.
On n'a donc pas de raison ? Le jusnaturalisme ne sait pas où il est : il mélange raison et volonté :
rationalisme et volontarisme.
Doctrine du contrat social sont issues du rationalisme moderne, alors qu'ils sont purs mouvements
de volonté. -> Bizarre de dire que c'est rationnel alors que volontaire ?
-> Hobbes, Locke et Rousseau : un élan du droit naturel nous pousse à faire le contrat. C'est la loi
naturelle qui nous pousse à avoir des volontés. -> Le contrat social est donc entre la volonté et la
raison même si on dit que ce n’est que de la raison.

La raison est une, universelle, éternelle - quelle que soit le moment et où on se situe, on a la même raison
= on y retrouve les caractéristiques de Dieu -> le système juridique est donc une laïcisation de la
théologie (pas de croyance, mais on n'a gardé les mêmes formes)
Du coup, la doctrine jusnaturaliste devrait être la même partout : vu qu'on a une raison dont on
déduit le système juridique. Or ce n'est pas le cas : il y a plusieurs écoles qui se revendiquent
jusnaturalistes.
Pourquoi ? On n'est pas du tout capable de définir l'origine de la raison - et ce que c'est.
Le jusnaturalisme est volontiers qualifié de rationalisme. Or la Raison étant une et universelle (et éternelle),
tout laisse croire à l’existence d’une doctrine homogène, une et universelle.
Outre la présence d’écoles adverses se réclamant elles aussi d’une démarche scientifique – à
l’exemple de l’Ecole du droit historique – l’hétérogénéité s’introduit dans « le « rationalisme juridique lui-
même. Il n’est qu’à citer les deux ou trois courant classiques du droit naturel moderne. Sans compter tous
les courants du droit naturel de type rationaliste dans l’Antiquité et le Moyen-Âge. La Raison est
décidément loin de se donner aux hommes sous une forme une, universelle et éternelle, sauf peut-être
dans des adages purement formels, donc de peu de secours pour le praticien qui doit trancher ici et
maintenant, tels ne pas léser autrui, ne pas faire à autrui ce que l’on n’aimerait pas que l’on nous fasse.

Dufour : Grotius est donc complètement tiraillé entre la volonté et la raison : les commandements et la
nature humaine. -> Lui-même comme tous les suivants font du mauvais TA : on sait que l'on doit avoir
de la volonté et la raison pour faire du droit. Mais comme on a enlevé la causalité finale, on n'arrive plus
à faire du droit.
Du coup Grotius emprunte en même temps à TA et à Scott et Occam : du coup, le droit naturel
moderne ne sait pas à quel saint se vouer - c'est un mélange complet. Ce n'est donc pas autant
rationaliste qu'on le pense.

Comment on a pu avoir à la fois la raison et la volonté comme source du droit naturel ? Comment on
peut avoir un fondement officiel rationnel avec une pratique volontariste ? Dieu = parce qu'en Dieu, la
raison et la volonté sont une seule et même chose. La volonté Dieu est forcément rationnelle, parce qu'il
est omnipotent, omniscient. Et la raison de Dieu est forcément volontaire : si Dieu pense quelque chose,
c'est.
En ayant Dieu à la base, on peut autant jouer avec la raison et la volonté : raison à la base, volonté
comme méthode d'application.
-> Cela permet la naissance du contrat social, et du positivisme.

178
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Un courant rationaliste prétend fonder le droit sur la « nature humaine » telle que nous l’enseigne la raison
et les sciences. Face à cette autonomie à l’égard de la religion se développent des courants « dogmatiques »
c’est-à-dire prenant pour fondement naturel de tout droit la révélation chrétienne, mais en lui donnant un
tour systématique. Ce droit naturel chrétien se diviser pour résumer en deux branches, l’une scolastique,
l’autre théologico-juridique adoptant pour fondement du droit la Volonté de Dieu ou la Justice divine. →
Droit pour la grande part issu de la seconde scolastique espagnole aux noms prestigieux tel Suarez ou
Vittoria et dont l’influence sur la pensée juridique moderne fut si profonde, en Allemagne
particulièrement (évidente chez un Leibniz qui fonde le droit naturel sur la justice éternelle de Dieu) et
de manière explicite chez un Grotius par exemple. En France également, avec un Jean Domat, lequel
fonde le droit naturel sur les Commandements évangéliques de l’amour de Dieu et du Prochain.
Grotius, l’un des grands maîtres et initiateurs de le pensée juridique moderne, pourrait constituer
à lui seul un mouvement dont nombre d’auteurs se réclameront, avec plus ou moins de fidélité. Le
Professeur genevois A. Dufour lui reconnait une place spécifique et originale « qui tire paradoxalement sa
modernité en un temps de controverses théologiques de son recours à la pensée de Saint Thomas dans ce qu’elle a
de plus universel pour fonder le droit naturel sur la rationalité de la volonté divine telle qu’elle se manifeste dans les
orientations constitutives de la nature humaine qu’il est donné à l’homme de pouvoir connaitre » → le lien opéré
entre volonté et raison demeure incontestable, filet conceptuel dont il semble difficile de pouvoir sortir
tant le droit apparaît mêlé de raison et de volonté, d’acceptabilité et de commandement, à la conjonction
de ces deux facultés en quelque sorte : il paraît moins malaisé de répartir leur influence réciproque sur le
phénomène juridique.
Mais la conjonction des deux facultés revêt à ce moment de l’histoire une signification bien
particulière : le jusnaturalisme se déclare rationnel ou rationaliste et non volontariste. → En cela réside
l’une des difficultés majeures que doit affronter la philosophie du droit lorsqu’elle porte son regard sur le
phénomène juridique moderne : comment expliquer qu’une théorie qui s’affirme rationalité, qui postule
un droit œuvre de raison, tienne un discours s’appuyant en permanence sur des notions de
commandement, d’ordre de l’autorité, de sanction pour les faire respecter, c’est-à-dire autant de figures
ressortant de la volonté ?
Du point de vue philosophique, le « coup de force » ou moment d’auto-fondation ou encore
postulat soit, en termes plus techniques, le rétablissement de la cohérence de l’entreprise jusnaturaliste, se
réalise par et en Dieu dont la volonté est simultanément la raison pour les hommes.

Semaine 14
On a discours de raison et une pratique de volonté - hors les deux facultés n'opèrent pas de la même
manière dans le droit.
• Idée principale : remonter à Dieu qui est la source du droit naturel selon les premiers auteurs -
comme Dieu est omnipotent et omniscient (volonté / raison), raison et volonté se confondent. La
raison est volontaire : la raison opère directement ce qu'elle veut - la raison est en même temps
action.
Et l'action est forcément rationnelle chez Dieu.
• Entre Dieu et les hommes : c'est la volonté de Dieu qui a mis dans le cœur des hommes la Raison,
dont ils vont déduire les premiers principes du droit naturel.
o Commandements de Dieu sont mis dans les hommes -> ont fait leur raison. Et par cette
raison, les hommes peuvent trouver le droit naturel.
o Il y a donc un mouvement volonté - raison
NB : Droit naturel ressemble au droit romain : sauf que l'on a des individus à la place des citoyens.

Ainsi, les philosophes peuvent jouer, selon les besoins de leur cause, sur la volonté et la raison - choquant
épistémologiquement : parce que la volonté et la raison sont masquées l'une par l'autre - c'est très peu
clair =/= Acquin qui avait donné un rôle au deux.
Conséquence aujourd'hui : la volonté du législateur est toujours déclarée comme rationnelle. →
Si on n'est pas d'accord avec un projet du législateur, on ne dit pas qu'il est irrationnel, mais qu'il
est injuste etc. -> On a l'idée que la volonté du législateur est toujours rationnelle = confusion.

On va ensuite laïciser cette volonté de Dieu, mais on va quand même garder le même modèle
théologique. On va simplement remplacer Dieu par l'Etat, ou chez Hobbes par le Léviathan (chacun des

179
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

individus abandonnent une parcelle de sa souveraineté au profit du Léviathan - plus puissant alors que
les individus, et il peut imposer l'ordre juridique et politique = droit du plus fort, de la potestas = cela
fait très volontaire)
Pourtant, on affirme que le droit est rationnel -> on retrouve les deux facultés.
Le droit naturel se fonde ainsi sur la rationalité de la volonté divine avec, pour conséquence, de conférer
au droit un tour personnaliste – l’enseigne du Décalogue – et subjective ou unilatérale : l’altérité n’est pas
en soi constitutive du droit, la nature humaine peut se définir sans la présence d’autrui, excepté le grand
Autre, le Créateur. En bref, le coup de force mentionné ne lève pas la confusion volonté/raison mais
donne à comprendre que l’on puisse qualifier le jusnaturalisme moderne à la fois de rationalisme et de
volontarisme.
En laïcisant de manière moralisante (commandements venus d’en haut) de concevoir le droit, substituant
à Dieu par exemple le monstre froid Léviathan (Hobbes) ou l’Etat, ou la Nation, on ne lèvera pas pour
autant l’ambiguïté planant sur les origines volontaristes et/ou rationalistes d’un jusnaturalisme d’affirmant
œuvre de raison.

Hobbes dit que le droit est rationnel parce que les hommes sont rationnellement poussés à aller les uns
envers les autres -> pourquoi ? L'homme est un loup pour l'homme : on est donc poussé à passer un
contrat social.
➔ Utilitarisme : calcul de la raison - mieux de passer un contrat social que de rester dans la guerre
permanente.
Le ressor ultime de passer le contrat social : un commandement de Dieu, à savoir conserver la vie - parce
que si on nous donne la vie, on doit la garder. On répond donc à une volonté - par le commandement,
on passe rationnellement un contrat social qui met en place la société = jeu entre volonté et raison.
Hobbes tout en ayant un pied dans le droit naturel est rationaliste/volontaire.
/ ! / : Il n'y a donc pas d'opposition entre jusnaturalisme et positivisme : ce sont les mêmes ressors
- droit naturel des modernes -> droit du contrat social -> positivisme juridique.
Le positivisme juridique est le résultat du jusnaturalisme : ce n'est pas opposé du tout.

Le droit chez Hobbes est le commandement de celui qui peut contraindre = affaire de Potestas. Cela
rejoint la définition du droit contemporain.
Le pouvoir de commandement est une affaire de volonté : jeu entre volonté et raison.
Plus besoin de zoon politikon, de nature sociale : parce que Dieu a mis en nous la raison qui permet de
retrouver les principes naturels. On doit alors se conformer aux principes naturels.
Selon la doctrine de Hobbes, par exemple, la raison pousse l’homme à s’associer avec les autres et à créer,
par contrat social, le Léviathan pour éviter la guerre de tous contre tous (l’homme est un loup pour
l’homme). Sans doute s’agit-il d’une raison au sens de ses intérêts bien compris et de l’obligation, très
chrétienne, de conserver sa vie ; où l’on voit poindre la volonté, en l’occurrence un commandement de
dieu. Hobbes, dans cette ligne, défendra une conception tout à fait volontariste de la loi dans les éléments
constitutifs sont « le commandement de celui qui peut contraindre » et le « pouvoir » de ce dernier
s’analysant comme « volonté des hommes qui ont établi par souci de paix un tel pouvoir » entendu que
« si les instincts et les passions des hommes ne sont pas contenus par quelque pouvoir, ils se combattront
entre eux ».

A partir de Hobbes se dessinera un courant plutôt empiriste-volontariste (de par les faits, on y applique
notre volonté = à partir de la réalité → j’y impose les principes de ma volonté). La dimension empiriste
se traduit l’aspect rationaliste de la démarche, en l’occurrence l’observation du comportement effectif des
hommes entre eux, spécialement dans les guerres de religion si dévastatrices à l’époque. Mais la solution
à ces problèmes, le contrat social, n’est déjà plus empiriste puisqu’un tel accord n’a jamais eu d’existence
historique : le rationalisme de Hobbes a donc tôt fait se transformer en idéalisme, en exigence de raison
a priori pour fonder toute société, laquelle n’est jamais qu’une machine dont les hommes constituent les
pièces selon une vision mécaniciste, souvent reprise par la suite.
Un autre courant, plutôt rationaliste-idéaliste (on applique les principes sur la réalité, qu’importe
ce qu’elle est), se développera sur la base des écrits de Grotius. Le juriste néerlandais tire les premiers
principes du droit des règles morales inscrites dans la conscience humaine « (…) qui sont comme des
notions innées qu’il ne s’agit pas tant d’apprendre que de se remémorer pour disposer d’un fondement

180
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

établi sur lequel asseoir nos démonstrations ». Se remémorer fait immédiatement penser à la « théorie »
de la réminiscence de Platon. On n’oubliera pas, en effet, que la Renaissance fut profondément influencée
par le platonisme (et le néoplatonisme) sans que l’aristotélisme ne disparaisse pour autant. Par exemple,
le devoir moral « Que l’on est obligé de tenir sa parole » fonde tout le droit conventionnel (le « pacta sunt
servanda, si important en droit international) et contractuel. Grotius ne déguisera pas la nature abstraite et
idéaliste de sa démarche : « En vérité, je le reconnais ouvertement, comme les mathématiciens considèrent
les figures séparément des corps, ainsi en traitant du Droit, j’ai détaché mon esprit de tout fait particulier ».
On comprend alors mieux pourquoi la règle de droit ne mesure plus la part concrète de chacun, le suum
cuique tribuere (point de vue du tiers désintéressé, du juge ou « objectif ») mais traduit la règle rationnelle
dirigeant la conduite humaine (point de vue subjectif, droit de, prétention à). Où l’on retrouve encore la
définition topique contemporaine de Battifol : « un ensemble de règle de conduite édictées ou acceptées
par l’autorité publique et munies par elle de sanctions coercitives »

Pufendorf : on va trouver chez lui le même jeu de volonté et de raison - ils ont donc tous biberonné du
TA; même s'ils sont protestants, alors que c'est officiellement la doctrine de l'Eglise (en réalité
augustinisme). Alors on ne le dit pas.
• Les premiers commandements viennent de Dieu.
o Jusnaturalisme moderne : ce n'est donc pas la laïcisation. C'est Dieu qui est à la base des
premiers principes. -> Ce sera laicisé dans le contenu, mais pas la forme.
• Le droit est quand même selon lui un jeu de raison et de volonté
o Ex : constitution de la société est un acte de la volonté éclairé par la raison = ressemble à du TA pur.
La raison donne les finalités naturelles que la volonté peut accepter ou pas.
• Dufour : il parlera à cet égard de rationalisme volontariste - c'est un oxymore. Normalement, si
on a une volonté, pas besoin de raison et inversement -> si on un commandement, pas besoin qu'il
soit rationnel notamment.
o Mais on voit que pratiquement ce n'est pas possible d'avoir des capacités pures : donc même
s'ils se disent rationalistes, les deux se mélangent.
o Tout le jusnaturalisme est lié à deux mouvements :
• L'Ecole médiévale : la doctrine de TA (rationalisme)
• Le nominalisme volontariste d'Occam
On y a tous les ressors du jusnaturalisme moderne (-> plus tard, le contrat social, puis le
positivisme juridique). Filiation qui va nous mener au droit positif.
Cela ne peut pas mener à une doctrine cohérente, parce que les deux sont opposés -> mais
c'est quand même ce qu'ils sont tentés de faire.
Pufendorf pense lui aussi le politique (création et vie de la cité) et donc le juridique comme un jeu de
raison et de volonté. Ainsi la constitution de la société résulte-t-elle d’un acte de la volonté éclairé par la
raison, conception en cela très traditionnelle, suivant le « rationalisme volontariste du jusnaturalisme
éclairé », formule heureuse reprise de Dufour, auteur qui, approchant la notion de loi, précise :
« Également tributaires dans leur théorie juridique de la loi des deux principales traditions philosophiques
de la Scolastique médiévale, le réalisme intellectualiste thomiste (de Thomas d’Acquin) et le nominalisme
volontariste occamiste, les promoteurs de l’Ecole du droit naturel moderne ne le sont pas moins dans
l’usage général qu’ils sont du moi « loi » de la méthode des sciences physiques et mathématiques »
Elle vient en particulier de Thomas d’Aquin puis, par la scolastique espagnole – Suarez
singulièrement – détermine le jusnaturalisme moderne.

On va essayer de laïciser le contenu en même temps que l'on fait le droit en système.
-> Ex : plus les normes du M-A avec des citoyens.
Par contre, la structure reste la même.
Sans doute le mouvement de laïcisation constitue-t-il l’un des traits les plus marquants de l’Ecole du droit
naturel moderne, quand bien même nombre d’autres, dont Pufendorf par exemple, déclarent Dieu
l’Auteur de la Loi naturelle (qui notamment inclinent les hommes à faire société). Il ne modifiera toutefois
pas en profondeur les idées-forces ou figures épistémologiques de la théologie morale et politique :
verticalité, textualité, commandement qui en devient absolu et desquels sortira l’idée de code.

SECTION 4. LES STIGMATES THÉOLOGIQUES DU JUSNATURALISME MODERNE

181
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Important pour comprendre que la structure générale de l'ordre juridique : centralité du texte, de la loi :
primauté de la volonté du législateur : code = droit écrit systématique : caractère vénéré de la loi.
-> Cela vient de la théologique : tout remonte à la Bible, écrit des écrits, comme tout doit remonter au
code, à une base légale.
-> Moyen-Âge - Renaissance - Faculté de droit.

Grossius : le droit est ce que Dieu a signifié être sa volonté - c'est censé être un rationaliste qui écrit cela.
1. On a Dieu 2. On a la volonté de Dieu -> ce qui semble antirationaliste, alors que c'est le père du
jusnaturalisme moderne. Il n'y a donc pas de coupure entre théologie et droit.
Le contenu par contre n'est plus théologique : le contenu s'est transformé en fonction de la société
: d'abord de la Renaissance, puis moderne. On est dans un commerce, qui doit être doux, et qui
dépend du droit.
• La sociologie et l'économie dépendent du droit : c'était pour comprendre le commerce que l'on
faisait du droit → pour appréhender au final le droit.
Le centre de gravité est passé des pays catholiques au nord : protestants capitalistes -> bourgeois
: on passe au marchand hyper individualiste.
On va vers l'individu marchand, c'est le propre de notre droit.

Le droit c'est soit le contrat, soit l'imposition (théologique) : mais on a perdu le droit comme vertu (juste
milieu, bonne mesure). → Preuve : on commence à avoir de la peine à comprendre aujourd'hui que le
droit c'est la bonne mesure d'un comportement.
Aujourd'hui : rectitude d'un comportement juridique - ce n'est pas sa bonne mesure : c'est sa con-
formité. L'acteur dans le cas épouse la même forme que le commandement.
On ne réfléchit pas à la justice du commandement : on doit juste l'exécuter. (même avec les droits
naturels) -> donc on a perdu l'esprit du droit.
Cette vision très froide est liée au projet moderne du jusnaturalisme, à savoir importer dans le droit la
méthodologie d'une science naturelle. Pourquoi ? Le fondement d'une science c'est enlever les jugements
de valeur : n'importe qui, avec un protocole, peut faire une expérience. On va donc enlever du droit tous
les jugements de valeur au profit des règles unes → on va arriver à la conformité.
➔ Si on admet que le droit est une affaire de vertu, de bonne mesure, on admet des valeurs - ce
n'est pas possible en Science, parce que les lois sont nécessaires.
➔ Il ne reste plus que le critère de la forme pour savoir si le comportement est recte par rapport à
la loi = c'est le seul critère objectif. Logique mais on vide le droit de tout jugement de valeur.

Le point d'aboutissement, c'est montrer le droit comme la science : partie générale -> spéciale -> déduire
le résultat. On arrive alors normalement à des codes.
On sait ainsi que les codes sont issus des lumières. Mais comment on a pu mélanger aux lumières
raison et volonté, alors que l'on voulait y consacrer la Raison ? Comment les lumières ont-elles
pu accepter une vision théologique du droit ? (top down, textes etc.)
-> Les Lumières ne sont en réalité pas du tout contre la foi et la religion : on n'a pas de
contradiction entre religion et droit. Il peut y avoir des oppositions, mais ce n'est pas antinomique.
Ex : Galilée - père de la science moderne : on y écrit la nature dans un langage, non pas mathématique, mais
géométrique (tout ramener aux formes fondamentales de l'homme, le cercle, le rond, le carré). On dit que
c'est purement scientifique. Pourtant la forme dépend des moines : on dit que les personnes ont le droit
d'examiner la nature parce qu'on y trouve une sorte de grand livre fait par Dieu -> on peut faire de la science
qu’en étant moine, pour trouver ce que Dieu voulait nous enseigner. La preuve, c'est que beaucoup de
scientifiques étaient des moines.
Et alors, on peut mélanger volonté et raison par Dieu → pas autant antinomique que pensé. -> Du coup,
on a accepté dans les Lumières la forme théologique que l'on a donné aux codes de droit naturel :
on a simplement voulu codifier les contenus.
Quand on a la volonté de faire des codes, alors on respectera la forme théologique : texte,
importance du texte, même méthodes d'interprétation que dans la religion.
-> on est encore aujourd'hui pris dans le rationalisme volontariste.

182
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

« Le Droit est ce que Dieu a signifié être sa volonté », telle est la première Règle affirmée par Grotius, l’un
des pères du rationalisme juridique moderne. Ces références à dieu sont courantes sous la plume des
jusnaturalistes.
Le contenu des propos, lui, n’est plus guère théologique : il sert bien plutôt l’ordre établi ou
émergeant, bourgeois, individualiste et marchand, mais la forme conservera les traits d’une provenance et
d’une imposition d’en Haut : volonté, verticalité, textualité, fidélité au sens d’une stricte « con-formité »
parce qu’il ne s’agit plus de rechercher un « juste milieu », un partage équilibré mais de suivre la volonté
de qui possède un pouvoir supérieur. Cette forme liée à la méthode scientifique résolutive-compositive et
à la démarche logique du more geometrico conduira à des conceptions systématiques du droit puis à sa
mise en code.
Parler de « rationalisme volontariste » (Dufour) à pros de l’Ecole du droit naturel moderne donne
à entrevoir une conjonction d’influences guère pensables pour qui reçoit des Lumières de manière
superficielle à savoir comme campées sur des positions exclusivement rationalistes : une conjonction
apparemment contre nature des structures de pensée théologiques chrétiennes et néoplatoniciennes
(Renaissance) et de la méthodologie scientifique. → Religion et science ne sont pas en radicale opposition
comme l’ont reconstruit ultérieurement les Lumières. Leurs relations sont infiniment plus complexes, à
l’exemple du parcours de Galilée longtemps soutenu par le Pape.

Structure du code d'aujourd'hui : on a deux paradigmes qui structurent tous nos codes de droit :
• Volontarisme : tout vient de la volonté du législateur, qui a décrété à un moment donné des droits.
• Même du côté du destinataire, le droit est une affaire de potestas - ex : droit subjectif - j'ai
le pouvoir d'agir comme cela = tout est volontariste.
• Rationalisme : le système - son ordre : avec la partie générale, la partie spéciale. Même dans les
articles, on a d'abord le genre, et ensuite l'espèce. Toute la systématique du code est rationaliste.
On a donc toujours le double paradigme du jusnaturalisme : on a une forme rationnelle, avec un contenu
volontaire.
La formule « rationalisme volontariste » donne aussi à comprendre comment l’idée de système juridique
concrétisée ensuite sous la forme de codes a pu se développer. L’aspect volontariste indique la conception
du droit moderne comme commandement (de là, sanction et puissance publique, venons-nous de
rappeler avec la définition de Battifol) et réciproquement « faculté de ». Ce tout élaboré par les auteurs
« ensemble » (Battifol) ou, plus précisément, en « système » participe d’une démarche rationaliste

➔ En effet, le contenu ne peut pas être rationnel - cela n'aurait aucun sens.
Pourquoi cette forme ? Nos codes peuvent avoir cette forme très rationaliste parce qu'ils ne
s'occupent pas des cas concrets. -> cf. Grotius : on considère les figures séparément des corps en
mathématiques, on doit faire pareil en droit. En faisant du droit, on doit se détacher des faits ->
dans le code, il n'y a pas de cas, pas de faits. → Preuve : tellement fait que pour avoir les cas, on
doit acheter un code annoté : dans un code normal, il n'y a pas de cas.
Pourquoi ? Parce que le code ne s'occupe pas des pragmata = des choses concrètes, il ne s'occupe
que des essences = des choses abstraites. Ex : 1 CO - volonté réciproque et concordante, sans aucune
définition - essence extrêmement générale et abstraite, et pas de cas.
Pourquoi ? Si on veut trouver un ordre rationnel, on ne doit pas descendre dans les cas. En
effet, ils sont contingents. Du coup, on ne trouverait pas de la rationalité avec le syllogisme.
Du coup, pour faire de la déduction des codes, on se passe de tous les cas pour tout tirer que
quelque chose de très abstrait = les lois. -> Mais problème : parce que le droit est une praxis,
et que son but est de résoudre des cas.
-> On n'apprend donc pas à résoudre des cas en faisant la faculté de droit. On apprend juste
les lois.
.
Différence entre common law et continental law : dans la forme, les civilistes ne font plus de la
casuistique, mais que de la loi (mais pas dans les cas concrets)
Pourquoi ? Parce que l'on voulait élaborer un système de droit juste = une jurisprudence
universelle, complètement fondée sur des principes rationnels, complètement indifférent des
milieux sociaux culturels qui existent et que l'on devait régir.

183
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

-> On y voit l'idée de tous les droits de l'homme, voir des droits subjectifs : ce sont des droits
rattachés à aucune culture, aucune ethnie, orientation sexuelle etc. -> Ils sont hors culture,
universel, personnel.
On ne s'occupe donc pas de l'homme incarné, mais de l'idée d'homme en tant que tel, même seul.
C'est intéressant pour l'essence, mais aucun sens pour la pratique -> mais on ne s'y intéresse pas.

Rappel : les jusnaturalistes sont des docteurs qui n'ont pas accès à la jurisprudence. -> Le droit que l'on
va faire ne peut être que théorique : pas possible d'avoir de projet de droit inductif vu que l'on ne connait
pas la pratique. -> Vision complètement théorique du droit.

Quand on pense à ce qu'est le droit, alors on voit que le droit est très lié à la culture et aux mœurs : on
ne peut pas couper le droit de particularismes, notamment d'une région. -> Le projet qu'ils avaient était
principalement essentialiste : on ne s'occupait pas de l'homme pratique, mais de l'homme en soi.
C'est aberrant pour les juristes actuels, pourtant cela a permis l'édification des codes actuels.
L'essence : c'est ce qui ne change pas. C'est ce qui reste sous le changement = substance. Comme
le droit naturel prétend être universel et éternel, il ne peut s'occuper que des essences. Il ne peut
s'occuper que des pratiques, parce que l'on ne ferait attention qu'à ce qui change + en fonction de
l'endroit. → On savait que c'était un droit qui allait nous parler que des idées du droit et non du
droit en tant que tel, parce qu'ils s'étaient condamnés à faire cela par leur démarche. Pas possible
d'avoir un droit concret avec un tel but.
Toutefois, ni l’aspect volontariste-commandement ni l’aspect rationaliste-idéaliste, par leur tournure top-
down, ne garantissent l’aptitude de la loi à appréhender les réalités pratiques, les comportements concrets
des individus. La théorie juridique moderne s’est en grande part développée en effet selon une conception
essentialiste du monde, comme en témoignent emblématiquement les droits naturels modernes : « Les
théoriciens rationalistes du XVIIème et XVIIIème siècle (…) voulaient élaborer un système de droit juste,
une jurisprudence universelle, entièrement fondée sur des principes rationnels, indépendants dans leur
formulation et dans leur validité du milieu, tant social que culturel, qui les a vu naître et de celui qu’ils
devaient régir ».
Si l’affirmation mérite d’être nuancée, elle n’en demeure pas moins pertinente du point de vue
général des structures de pensée du jusnaturalisme : des liens forts, voire intimes (consubstantiels) entre
droit et éthos, coutumes, mœurs, traditions, en bref la culture, ne s’éprouvent (théoriquement à tout le
moins) aucunement nécessaires pour des droits pensés inhérents au genre humain, à l’essence de
l’homme, à son humanité. L’affirmation même de leur invariabilité de principe, en temps et en lieu, et de
leur impérativité de nature (inabrogeables et indérogeables) invite à les situer sur le plan même de
l’essence (humaine), laquelle se définit précisément par ce qui subsiste sous (« sub-stance ») les
changements, demeure inaltéré et donc identique en tous lieux et en tous temps.

Raison : pures formes que l'on peut mettre rationnellement.


Ensuite, dans le contenu, c'est le pur modèle de la volonté - on retrouve l'idée du Décalogue : dix
commandements. Donc le droit, c'est d'abord du commandement = Augustin.
On garde une forme rationnelle pour un contenu volontariste : le droit va alors rester un
commandement. Le droit commande, et il est ainsi d'abord du texte = fascination pour le texte,
qui explique le produit final qui est le code. Cela ne peut être que du texte, parce que notre modèle
c'est la Bible.
Même si cela avait été abandonné par les catholiques, cela avait été repris par les protestants ->
Luther, Calvin parlent de "sola scriptura" = l'écriture seule. On ne veut plus des médiations de
l'Eglise catholique entre le peuple et le texte (ex : pouvoir temporel à Rome et la hiérarchie) - ce ne
sont que des inventions de l'Eglise sur la Bible. Les protestants veulent revenir à l'Ecriture :
L'écriture, dieu et moi : rien de plus. Par l'écriture, les protestants sont remis en contact avec Dieu.
Ex : droits de l'homme - pas besoin des hommes, du zoon politikon : par les droits de l'homme on a un lien
avec l'Etat.
Si pas de zoon polikon, si on veut que les hommes tiennent ensemble dans une société, il faut des
commandements.

184
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Si on a des finalités naturelles (pas ici): les hommes acceptent le bien commun et vivre en société.
Les commandements ne seront que pour les personnes qui n'ont pas de raison pratique =
paradigme vertueux pour tout le reste.
• Si on n'a plus de finalité naturelle (le cas ici) = plus que des individus : pour faire la société, on
doit faire le contrat social pour les maintenir dans leur parfaite volonté. Mais ils pourraient en
sortir : alors on fait des commandements et des sanctions.
-> Le droit suisse est complètement entre les deux : il est volontariste, mais avec une grosse part
rationnelle, notamment grâce à la procédure de consultation.
=/= La France : le gouvernement décide avec sa majorité - ok. Pas besoin de raison, de
savoir si la loi est commensurable à la pratique.
Preuve : pas de révolte en Suisse, pas parce que les lois sont mieux, mais parce qu'elles sont plus
proches du citoyen.

Image : Grand livre de la nature de Galilée - tout le monde dit que c'est le point de départ des sciences
avec une méthode scientifique et laïque.
/ ! / : Mais si on regarde le titre : le grand livre de la nature - c'est une métaphore. Ce n'est donc
pas laïc : c'est Dieu qui a créé la nature. Quand on dit grand livre de la nature : c'est la création de Dieu
dans la nature.
/ ! / : Par contre, par les propres forces humaines, sans les discours de l'Eglise et la Bible, on peut
retrouver les vérités du monde. → Du coup, le monde a bien été créé par Dieu, mais cela met en avant
la raison de l'homme qui peut trouver le système.
Donc pas de pensée purement rationaliste : on continue de se nourrir aux deux sources.
Pas de géométrie algébrique (pas d’inspiration de la pratique) : on n'a que des formes, et non encore des
équations cartésiennes. -> La mathématique de Galilée est une mathématique des essences, sans formule
mathématique. Il fait des mathématiques purement théoriques.
/ ! / : Il avait quand même la plupart du temps raison : mais ce n'était pas une science pratique,
mais théorique, ce qui fait qu'il y a eu des erreurs.

Il y aura donc des allés-retours entre sciences et droit : comme le droit est complètement théorique, il va
pouvoir faire des liens par les lois avec les sciences. C'est pour cela que le mot "loi" est un lien entre les
deux écoles : cela venait des juristes, cela a été repris par les sciences, et on les a repris dans le droit. ->
Du coup, on a décidé que la loi était nécessaire, comme en science, dont on peut déduire des choses.
Cela a été possible parce que les sciences naturelles et le droit ne s'occupaient que des essences,
et pas des cas pratiques.

On est donc une période intéressante, mais difficile intellectuellement parce que confus : parce que l'on
pourrait avoir les lois de Dieu, Dieu qui a créé les lois de la nature, les lois de la nature examinées par
les scientifiques, et les lois des juristes.
Lois naturelles chez les juristes : parce que l'on pense être dans les mêmes contextes que les
scientifiques - on pense avoir des lois naturelles aussi strictes qu'en Science. On les écrira dans les
codes : on n'aura pas besoin de cas pratique, parce que l'on pourra en déduire les résultats des
codes. -> Comme en physique.
Les auteurs avaient vraiment l'impression que l'on pouvait transformer le droit en science, et cela
va bien dans la religion chrétienne : tout devrait être dans le texte. Si on a bien trouvé la loi, comme
les sciences dures, on les écrit et on peut en déduire tout.
Idôlatrie du texte, parce que l'on a une idolatrie de la loi -> 1 CC : on pense que le plus important
dans le droit, ce sont les sources formelles, et non les sources matérielles. On ne regarde pas la
volonté du peuple, leur besoin (ce qui est pratiqué) : le juriste se consacre aux seules sources
formelles. Preuve : pas de source matérielle dans l'Art 1 CC - preuve : pas de mention des principes
généraux. La coutume est secondaire parce que proche des lois matérielles. On ne va s'occuper
que de la forme -> on va avoir le critère de la conformité.
La vision de notre droit est donc essentialiste, et non pragmatique : parce que l'on s'occupe surtout des
formes. La forme du droit est rationnelle, mais on n'y a pas les contenus. Les contenus sont purement
essentialistes : on n'a pas de réalité concrète (ex : le jugement doit être objectif selon le TF : ce n'est pas

185
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

possible, car la loi devrait être claire, et passage direct au cas singulier et concret. Passage non maitrisable, jamais
objectif -> maximum inter-subjectif par le collège)
On est que dans la théorie, et pas dans le droit concret.
Les droits naturels constituant une version laïcisée de préceptes moraux judéo-chrétiens, spécialement le
Décalogue – Perelman souligne l’orientation néo-platonicienne « mathématisante », des laïcisations du
droit naturel par Grotius, Pufendorf, Leibniz ou Wolf – on ne s’étonnera pas du respect quasi « religieux »
dont bénéficie, à leur exemple, la loi (au sens large). L’Ecriture est sacrée, affirme-t-on, et de cette nature
absolue, parfaite, découla une idolâtrie du texte, tout à fait explicable dans son contexte théologique. La
toute-puissance de dieu condamnait l’ordre naturel à la contingence, puisque Dieu doit demeurer libre de
vouloir ce que bon lui semble, sans quoi sa volonté ne serait pas absolue. Aucune connaissance vraie ne
pouvait dès lors provenir des réalités concrètes de notre monde. Seule l’Ecriture, comme expression
même de la volonté divine, offrait ce caractère de nécessité dont se nourrit la science.
Et le parallèle des deux nécessités s’avéra d’autant plus convaincant que furent les « lois de la
Nature » lues dans le « Grand livre de la nature » furent, dans un premier temps, conçues de manière
apriorique, en grande partie donc en dehors de l’expérimentation active, de la « provocation » de la nature
par l’expérimentateur. On sait aujourd’hui que pour Galilée, l’un des pères de la science moderne, celle-
ci est avant tout affaire d’apriori mathématiques.
Ex : Rappelons que l’expérience fameuse de la tour de Pise, sur la chute des corps réalisée avec deux
boules, un gros et un petit, n’a jamais eu lieu. Bien des expériences de Galilée demeurent imaginaires,
tout simplement irréalisables à son époque. Si la loi de la loi des corps n’intègre pas pour variable leur
masse, contrairement à l’avis d’Aristote, sa vérification sur terre peut s’avérer des plus aléatoires. Lâchées
simultanément de la Tour de Pise, il n’y a guère de chance qu’une plume et une pierre, même de « poids »
identiques, ne parviennent au sol en même temps, la plume étant « retenue » par des forces de frottement
nettement plus importantes que celles que subit la pierre. La loi n’est vérifiable que dans le vide parfait,
irréalisable en ces temps. Cette expérience aurait infligé à Galilée un cinglant démenti pragmatique alors
qu’elle est mathématiquement fondée.
Rappelons encore que les emprunts réciproques entre savoirs étaient bien plus nombreux à
l’époque parce que les disciplines infiniment moins cloisonnées.
La conjonction pouvait alors s’opérer, loi de Dieu, loi de la nature et loi juridique – ambiguïté
savamment entretenue par certains jusnaturalistes -, le droit pouvant s’affirmer rationnel tout en provenant
de la volonté de dieu, conservant de la sorte toutes les caractéristiques des textes sacrés.
L’idolâtrie du texte qui, en droit, résulta de cette rencontre est parfaitement avérée par
l’importance que prendront, après codification des systèmes juridiques, les « sources formelles » - à savoir
« les formes que doit revêtir le droit pour s’imposer comme règles de droit » par opposition aux sources
matérielles ou « réelles » à savoir « l’ensemble des faits, besoins et idées qui ont présidé l’adoption d’une
norme ou d’un ensemble de normes »

La théorie moderne n'est pas concrète : on ne sait pas quoi faire de la pratique. Preuve : on l'a mis tout
à la fin - à la fin des fins. On a même mentionné la jurisprudence après la doctrine. Dans la théorie qui
préside toute la conception du droit, c'est-à-dire la théorie des sources, la pratique est ce qui arrive en
dernier = aucune considération pour cela. Comment une pareille doctrine peut-elle être le reflet de la
pratique ? Ce n'est pas possible - c'est une doctrine théorique.
Le positivisme n'est pas une philosophie de la pratique du droit, mais de l'Idée du droit.
D’une part « Le légalisme s’élabore sur le postulat que le droit se reconnait à sa source, qu’il a une source.
C’est à cette source qu’il faut aller le rechercher pour vérification. Cette source première en légitimera
d’autres, mais le mécanisme demeurera inchangé. L’hypothèse est que le droit peut être reconstruit a
posteriori, en partant de sources déterminées, prises comme point de départ de la connaissance et la
construction d’un objet soustrait au doute »
Ces sources formelles s’entendent, d’autre part, en priorité voire en exclusivité de la loi : « le droit
écrit joue un rôle fondamental dans tous les pays de la famille romano-germanique, à tel point que l’on
est tenté d’y voir l’unique source du droit ». Comment en irait-il autrement puisque le processus même
de codification consiste en la mise par écrit sous forme de textes de loi du droit existant à une époque
donnée et du droit nouveau que l’on désire développer à cette occasion ?
• La première chose que l'on fait comme juriste, c'est de chercher la source formelle = le droit
commence à sa source.

186
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

o Quand on dit source formelle, on dit déjà que l'on ne s'intéresse pas au contenu.
• Pour vérification : base légale.
o Cette source première en légitime d'autres, mais même mécanisme : on y retrouve la
Stufenbautheorie - la théorie des normes. Cascades de sources purement formelles, on ne se
préoccupe jamais des contenus.
• Les sources sont le point de départ de la connaissance : il n'y a donc pas d'importance de
l'expérience, de la prudence à l'A. On va construire le droit uniquement à partir des sources
formelles : la connaissance du droit n'a donc aucun lien avec la pratique.
o Le positivisme du droit : on ne se préoccupe que de la loi -> la forme : mais même pas le
contenu ! Pas de notion de juste, d'équité, de prudence, raisonnements bottom-up.
• La construction d'un objet soustrait au vrai : ex : sécurité juridique - preuve : aucune sécurité juridique
dans un texte clair. Ex : les chiens sont interdits sur le quai de la gare. Quid si on vient avec un autre animal
? -> doctrine du texte claire n'indique pas du tout le pratique de la règle.
o Le problème n'est donc pas la loi : mais la descente de la loi vers le cas. Le but d'un juriste
n'est pas de résoudre un problème de la loi, mais un problème concret avec la loi.
o Mais on semble faire de la loi la finalité première - parce que la loi parle des essences et
non des cas -> c'est intéressant pour faire croire que l'on fait une Rechtswissenschaft.
• Les sources formelles désignent en premier la loi ex : preuve - note marginale 1 CC -> Base des
systèmes romano-canonico-germanique =/= common law.
o Nos codes sont la codification des coutumes : on a fait disparaitre l'aspect concret des
coutumes, pour le transformer en une essence = mise par écrit, sous forme de généralités,
de toutes les particularités qu'étaient les coutumes. On fait disparaitre la particularité au
profit de l'essence.
• On a un esprit scientifique du droit parce que l'on ne manipule que les essences - mais
pas intéressant pour la pratique du droit.

Comme on voit un jeu d'opposition/de complément entre volonté et raison, pourquoi on a fait disparaitre
l'une au profit de l'autre ? Jusnaturalisme : on dit que c'est du rationalisme, œuvre de la raison =/= œuvre
de la pure volonté du législateur. Idée d'œuvre scientifique.
La Raison a été préférée pour des motifs louables, mais irréalistes : la Raison, c'est l'idée
d'universel, et donc de science (nécessaire). Idée : on éclaire tous les humains - on est bien dans
la période des Lumières. → On dit que l'on vise un droit universel : fruit de la raison, tout le
monde partageant la même raison. On donne l'impression comme cela d'être un humanisme
universaliste.
/ ! / : =/= Mais si on fait apparaitre la volonté, on parait localiste, parce que les volontés changent
d'une région à l'autre -> dans les lumières, c'est logique l'on mette en avant la raison.
C'est pour cela qu'on a mis en avant la forme, par la raison. -> Ce n'est pas les contenus, parce que sinon,
tout le monde devrait avoir les mêmes contenus. -> Si on n'a pas les mêmes contenus, c'est la preuve
que l'on n'a pas la même raison. Cela prouve donc que le ressors de la loi n'est pas la raison, ou alors
une raison locale -> fait exploser la notion de raison et de droit naturel.
Alors on prend la forme pour dire que l'on est humaniste, un droit objectif avec la raison =/= Common
law : la jurisprudence où on assume complètement la subjectivité (qu'on espère inter), même en mettant
le nom du juge.
Mais au final, c'est la même chose, mais on la cache derrière une présentation rationnelle. Ex :
jugements du TF - on sépare le fait du droit, alors que ce n'est pas la même chose. On ne retient les faits
que par la procédure, donc le droit. C'est déjà le droit qui dit ce qu'est le fait. Le fait n'est jamais pur, il
vient du droit.
Dans la partie droit, on ne déduit rien.
Ex : Déclaration des droits de l'homme : comme si on les déclarait d'une raison commune, qui ne tient
compte d'aucun fait particulier.
-> S'explique parce que l'on pense que l'on est dans une science juridique, sans cas. Mais ce n'est
pas possible, on ne peut pas connaitre la loi sans cas -> La science juridique serait la loi sans
cas, mais cela ne semble pas possible.
Montre que l'article est platonicien / augustinien.

187
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

La notion de Raison va évoluer dans le temps et les régions : cela montre qu'elle-même, la notion de
Raison est relative. / ! / Cela ne veut pas dire relativisme : n'importe quoi vaut n'importe quoi. → Cela
veut simplement dire qu'il n'y a pas de raison abstraite : on peut voir que la raison est relative à quelque
chose (période, endroit). Comme le droit est relatif à une position concrète, à deux acteurs. Le droit est
concret, avant je ne peux pas vraiment le connaitre.
Si la raison déjà est relative (modification dans le temps et l'espace), on va comprendre que le droit est
infiniment plus complexe qu'un simple code de droit naturel -> En vrai, on doit réussir à comprendre le
droit à partir des cas et non à partir d'essences abstraites.
Preuves : les romains disaient "dites moi la société je lui dirais son droit" -> on change de société,
on change de droit. On n'a donc pas d'essence de droit qui s'applique.

On se rend compte que l’on devrait partir de manière inductive : en effet, le droit est plutôt une affaire
de socialité -> Passage à l'Ecole historique du droit : c'est remettre de la chaire sur le droit : c'est incarner
le droit.
Ex : jusnaturalisme - on dit que l'homme est désincarné : il est nulle part, avec personnes. Or, les hommes
dont traite le droit sont dans des sociétés données et des temps donnés. Les problèmes entre les hommes
vont changer. -> L'Ecole historique dit que l'on doit retrouver cela.

Même les jusnaturalistes voient les problèmes : la théorie ne suffit pour la pratique. -> Le droit touche
les relations entre humains, et n'est donc pas purement des essences. Il n'a donc pas d'incidence sur les
individus → le droit ne concerne pas l'individu en tant que tel. Il ne le concerne que quand il rentre en
relation avec autrui = là intervient le droit. Le droit n'intervient pas tant que l'individu n'est pas allé vers
les autres, la société. Le droit ne se préoccupe que des personnes qui sortent d'eux même.
L'Ecole historique va alors s'opposer aux jusnaturalistes : on va chercher un droit qui vient de la
pratique. On va développer la notion de "Volksgeist", en faisant une démarche bottom-up,
inductive.
Si la laïcisation « simplifiera » les débats en écartant dieu, elle laissera aux Modernes deux sources du droit
plus guère distinguées : volonté et raison. On préférera alors, en théorie, à la volonté la Raison, d’une
universalité plus aisément défendable. Mais le juriste(-philosophe) contemporain ne peut s’empêcher de
relever dans une veine critique, que maints systèmes voire codes de droit naturel élaborés par les auteurs
jusnaturalistes reprennent les grandes lignes du droit positif des temps et lieux auxquelles ils appartiennent.
Le hiatus entre droit prétendu universel et éternel parce que rationnel, tiré de la nature ou essence
humaine et les codes de droit naturel aux dispositions somme toute assez classiques ou traditionnelles
constitue l’une des preuves les plus solides de la fascination exercée par la méthodologie de la science
moderne sur la pensée juridique. Mais une méthodologie qui ne pouvait concerner le phénomène
juridique que dans sa forme, dans la façon théorique que l’on adopte pour le présenter dans des ouvrages
plus que dans sa concrétion, la réalité en acte ou appliquée, du phénomène « droit »
Derrière l’unité de forme se révèle une Raison « universelle » variable avec le temps et le lieu
d’existence des jusnaturalistes. Faut-il en conclure à l’échec de la démarche pour n’avoir pas voulu
considérer les « faits particuliers » disait Grotius, pour n’avoir guère tenu compte de la dimension
existentielle du droit que l’ars juris semblait plus apte à assumer que la Rechtswissenschaft, la « science
juridique » ? → Dans ce relativisme de la Raison, c’est-à-dire dans le sens précis de « relatif à » et donc de
relation, il faut voir moins une défaite du jusnaturalisme que l’affirmation, malgré lui peut-être, de la nature
pratique, pragmatique du droit : le jus a affaire avec la praxis, les cas pratiques, d’une variété infinie. Le
droit s’éprouve donc essentiellement relation, relatif, « entre deux ou plusieurs personnes (physique ou
morale)
Ce qui ne signifie aucunement « relativiste », à savoir que toutes les valeurs sont équivalentes, que le droit
peut avoir n’importe quel contenu, qu’il n’existerait aucune notion de justice. « Relatif à » indique que la
justice du juriste se pense toujours en situation, en contexte, en tenant compte de l’altérité et, qu’en ce
sens, la notion de « droit absolu » est pour le philosophe du droit contradictoire.
Les Romains l’avaient déjà affirmé : « ubi societas, ibi jus », là où existe une société, il y a du droit,
ce que Le Roy/Schoenenberger expriment magnifiquement par la « socialité » ou « altérité du droit » c’est-
à-dire présence indispensable, constitutive, de l’autre : « le droit concerne les relations entre les êtres
humains. C’est pourquoi il n’a pas d’incidence sur l’individu, tant que le comportement de celui-ci n’a pas
d’effets sur les tiers ou la société »

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

L’application de la méthodologie résolutive-compositive à la politique (la vie de la cité) va découvrir


l’individu à la base de la société comme partie la plus petite que puisse concevoir le champ d’étude. Il
s’agit toutefois d’un individu fort étranger car totalement désincarné, absolu, c’est-à-dire coupé de ses
pairs : les appartenances multiples, de la famille jusqu’à la nation, les goûts et les couleurs, les besoins de
reconnaissance sociale et le patrimoine symbolique ne résonnent d’aucune pertinence. Cet artificialisme
de l’individu, de l’Idée de Sujet au fond, ne fait que répondre à la conception politique comme machine
dont les hommes ne seraient que les rouages, les pièces de cette machine, parfois monstrueuse.
➔ L’Ecole du droit historique réagira vivement contre cette désincarnation de l’homme et de droit,
tous deux pénétrés de la culture entendue en un sens métaphysique, large, constitutive d’une
identité.
➔ Pour ramener l’élan de vie dans le droit, l’Ecole histoire embrasse un modèle organiciste de la
société et du politique : le droit comme la langue sont issus d’un Volksgeist, d’un esprit du peuple,
sorte de « tout organique vivant » avec ses éthos, ses habitudes, ses traditions, l’ « ubi societas » de
l’adage romain.
o A la loi comme source du droit, l’Ecole historique préfère la coutume.
/ ! / Par étrange, une partie des tenants de cette Ecole, à la fin du 18 ème siècle, concluera comme le
jusnaturalisme, à la nécessité de la codification, parcours de pensée à aborder.

Le code victorieux de tous horizons, les 19 ème et 20ème siècles prendront souvent, en théorie du droit, un
tour légaliste. → Dans la lumière de la vigoureuse synthèse de Timsit, déjà cité en conclusion d’Augustin,
on rend si finement les stigmates théologiques dans la conception moderne du droit : « La définition du
Droit est, dans la doctrine dominante, toute inspirée d’une conception théologique de la Loi et marquée
de réminiscence du sacré. La loi, parole de Dieu, ou de son substitut laïque, l’Etat. Sacralisation de la Loi,
théologie de la Parole qui est portée à élever la parole au dessus de l’écriture et à considérer, puisque la
loi est parole, elle est – comme la parole de Celui qui l’a proférée – vérité insusceptible de la variation de
son expression, ni son interprétation. Ce qui se trouve ainsi fondé, c’est l’univocité de la loi, la rigueur de
ses méthodes d’interprétation, le syllogisme implacable qui aboutit à la solution, la seule solution
susceptible de s’imposer au sujet de droit (…) »

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Chapitre 8. L’Ecole du droit historique – Un droit organique enraciné dans l’esprit


du peuple (Volksgeist)

SECTION 1. LE PROJET DE L’E COLE DU DROIT HISTORIQUE


Pourquoi un droit organique ? Le jusnaturalisme a adopté un modèle mécaniciste : la société n'est qu'un
mécanisme où les humains sont des rouages (on découpe en partie, on remonte pour comprendre le sens)
L'Ecole historique est un modèle organiciste : la nation, l'Etat sont un organisme - ils naissent, changent
et peuvent mourir = comme un organisme vivant. Il faut donc concevoir le droit de la même manière :
il nait, grandit, change, et peut-être meurt. Le droit est enraciné dans les pratiques concrètes, et dépend
donc de la société et du temps donné.

Volksgeist : on a l'impression de retomber dans le romantique comme avec Goethe (l'esprit du peuple
allemand) -> on pensait que c'était une vision traditionnaliste, pas très scientifique. → C'est
effectivement une notion biblique, alors que l'on se trouve entre 17 et 18 ème (NB : rien à voir avec
l'esprit allemand de la WW2)
/ ! / Mais dès que l'on regarde la démarche des tenants de l'école, on voit qu'elle est pratique : on assume
une démarche inductive. On veut partir des pratiques du peuple, des principautés. On voit que les
pratiques sont différentes d'une principauté à l'autre, et pour comprendre le droit, on doit faire une
démarche inductive.
Ils sont donc opposés aux codes : pour eux, le droit c'est la pratique, et on veut chercher les
pratiques concrètes. On veut chercher la coutume, le droit qui vient d'en bas, parce qu'il vient des
pratiques.
En adoptant une démarche inductive, les tenants de l'Ecole historique ne pensent pas faire du
romantisme, mais de la science. Ils ne veulent pas faire de la science sur le modèle mécaniciste mais
organiciste : on a la même idée de base : on veut transformer le droit en sciences.
On pense transformer les comportements humains, avec quelques notions qui semblent
romantiques, en science en faisant un raisonnement inductif = bottom-up. -> Les notions ne sont
pas romantiques si elles sont incarnées avec du concret.

On n'a pas un système déductif, mais un système vivant : à l'inverse d'un système un, universel, éternel
- anhistorique. Pour eux, le système de droit nait, se développe, grandit, se décroit et meurt.
-> Ils ont une prétention scientifique aussi sérieuse que les jusnaturalistes, parce que l'on parle de modèle
organisciste dans les sciences naturelles.
Ils font un modèle bottom-up. Ils veulent partir des vrais hommes, et ne pas parler de l'Idée d'homme.
Ils vont adopter une méthodologie de l'observation des faits = cela vient bien avec la naissance de
l'Histoire. On y constate les faits, les analyse et les critique -> l'Ecole historique veut reprendre cette
méthodologie.
Il serait bien commode de ramener le discours de l’Ecole du droit historique à une posture romantique
et par là irrationnelle, comme peut le donner à penser, prima facie, la figure centrale et si ambiguë du
Volksgeist. → Il convient de dépasser cette image dans la mesure même où elle laisse inexpliquée l’une
des clefs de la modernité juridique – le code – abordée non (seulement) dans selon une démarche top-
down mais bottom-up, inductive, dont témoigne en première ligne la primauté accordée par cette école à
la coutume sur la loi en particulier.
➔ On doit une nouvelle fois à la fascination des juristes pour la méthodologie scientifique le passage
d’un terreau irrationaliste – esprit du peuple, âme populaire, réalité collective inconsciente – à
l’entreprise de codification.
➔ Ainsi que le jusnaturalisme adopte un modèle mécaniciste – système juridique analyse comme
une machine avec ses rouages et ses pièces -, l’Ecole historique emprunte un autre modèle
scientifique de l’époque, organiciste celui-ci, système juridique comme organisme vivant,
dynamique, qui nait, croit et disparait. Et ce modèle tout aussi scientifique que le premier,
s’appuyant sur la méthodologie de l’observation des faits, la critique historique et la philologique.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Ils s'opposent donc aux jusnaturalistes. 4 points principaux :


• Contre l'idéologie rationaliste : rationalisme qui a désincarné l'homme, les sociétés, les cultures
o -> l'Ecole historique veut les réhabiliter.
Idéologie individualiste des lumières : pour les lumières, l'atome social c'est l'individu pur
o -> c'est contraire à l'Ecole historique.
• Contre le rationalisme volontariste de la Révolution française : cela a été un tremblement de terre
intellectuel. Mais derrière ce rationalisme, il y avait un volontariste épouvantable ( ex : on coupait
les têtes à tout le monde, génocide). Ce volontarisme est dangereux est violent.
o Ils s'y opposent
• Contre la toute-puissance de Napoléon : réaction localiste contre l'esprit latin de Napoléon (ex :
prise de l'Allemagne, de la Suisse) ex : droit allemand - droit beaucoup plus communautaire que ce que l'est
le droit romain comme on le lit dans notre société.
Droit de la société contre le droit de l'individu - les allemands sont contre le droit dans les
personnes et non dans la société, les droits dans les commerçants bourgeois.
Ils sont contre un code universel, qui ne tient pas compte des besoins de l'Allemagne.
• Contre la vision étatiste du droit : le code Napoléon, c'est un code de droit privé, pourtant ce sont
des fonctionnaires qui sont derrière - c'est l'Etat qui fait le droit. L'Etat c'est censé être abstrait,
pas autant concret - le règles doivent être faites sur la base du peuple.
Le Projet de l’Ecole historique va se développer le long de cette opposition. D’abord comme réaction
contre l’idéologie rationaliste et individualiste des Lumières : puis contre le rationalisme volontariste de la
Révolution française ; enfin, contre l’hégémonie napoléonienne, en particulier le Code Napoléon voulu
universel et définitif. L’attaque est aussi dirigée contre la vision étatiste du droit dans la forme privilégiée
de la loi évidemment.

3 idées maitresses pour faire la science :


• Totalité organique : une nation, un peuple, un droit (un ordre juridique), une langue = ce sont des
totalités qui se déploient dans le monde comme un organe (ex : nait, grossit, se transforme en
permanence, meurt)
o Cela s'oppose à l'atomisme social (individualiste) des jusnaturalistes - les derniers moments
de ce mouvement des bourgeois = on n'a plus que des individus, mais plutôt des
communautés, des totalités.
Droit organique et pas mécanique. → Organique : opposé aux individus et au mécanicisme.
Cela permet d'écarter l'individu désincarné, et celle de tabula rasa : idée qu'à un moment donné de
l'histoire, on peut se débarrasser de tout et recommencer sur des bases totalement nouvelles.
Faux : les institutions perdurent malgré les révolutions. Si elles se transforment : on ne rejette pas
complètement le droit ancien pour reconstruire complètement un nouveau droit ex : avec la
Révolution française, on a le même droit de propriété, on n'a juste pas le même destinataire -> les bourgeois
au lieu des aristocrates. Les femmes et les enfants n'ont toujours pas la qualité de sujet de droit.
-> Les allemands : il n'y a pas de tabula rasa : cela ne se voit jamais dans un monde organique :
on évolue dans un monde qui évolue avec nous -> il n'y a pas d'absence de continuité.
Cela détruit l'idée du contrat social : on ne peut pas effacer l'ancienne société pour créer une nouvelle
société par un contrat.
➔ Unité intrinsèque de la culture, de l'histoire, de la langue et du droit : un droit vient toujours de
manière intrinsèque avec une langue, une histoire, une culture -> ibi societas ibi ius. Leur rapport
est vraiment intrinsèque : on ne peut donc pas mettre n'importe quel droit dans n'importe quelle
société : le droit est secreté par la société.
Cette réaction s’organise autour de trois idées-maitresses. → Premièrement, celle de la totalité organique
pour faire pièce, d’une part à l’atomisme social, à l’individu abstrait, désincarné, du rationalisme juridique ;
d’autre part, aux pensées du type « tabula rasa » (« table rase ») introduisant des discontinuités dans
l’histoire (à l’exemple des doctrines du contrat social). S’affirme ici l’unité intrinsèque d’une culture et
d’une histoire avec leur droit, au même titre qu’une langue donnée.

• Naissance des sciences humaines : tous les phénomènes sociaux sont frappés par l'écoulement du
temps : naissance, croit, change et finit par mourir - tout finit par mourir. Rien n'est indéterminé.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

o Les institutions juridiques, comme tous les phénomènes humains, sont marqués par
l'historicité - il n'y a rien d'éternel.
• On est donc opposé à la loi : si elle est fruit de la raison, elle ne devrait plus changer.
Ex : si on fait un code, comme si on avait découvert la version ultime du droit, il n'y a plus
rien à faire - c'est mort, c'est complètement statique.
• C'est contraire aux constatations.
o On va donc préférer la coutume à la loi : la coutume est une affaire cristallisation d'une
pratique vivante. Mais même là, elle ne cesse d'être vivante, parce qu'elle peut changer. Elle
est donc liée au temps, et elle change en fonction du temps et aussi en fonction de la société
= conforme au modèle organiciste.
• Opposé aux lois rationnelles, éternelles, qui ne sont que des arte fac - on plaque des
essences sur des réalités qui n'existent pas = on s'oppose au code.
Ex : Quand on a voulu unifier le droit civil suisse, les cantons étaient contre, parce que l'on faisait
disparaitre les droits cantonaux - pour cela, ils faisaient appel à cette théorie philosophique. Ils
disaient que la réalité était au niveau cantonal, et que les codes fédéraux ne sont que des artefac. NB :
toujours mieux d'avoir fait une harmonisation qu'une unification.
➔ Ecarte l'idée de systémie et de systématique : c'est une machinerie, c'est complètement contraire
à la pratique. Il n'y a pas de déduction, top down.
o Ils adoptent une démarche inductive, bottom up. Ils ne veulent pas imposer de codification
: parce que 1) elle est statique et 2) elle ne vient pas du peuple, mais des spécialistes.
On est contre la codification, parce que cela rigidifie la coutume : une fois que c'est écrit, on ne
regarde plus l'évolution de la coutume : on ne fait que regarder l'écrit - mort.
Le code n'évolue plus : le code n'est pas bien, on devrait au maximum le voir comme une
photographie de la réalité à un moment donné.
On n'adapte plus le code à la pratique qui elle change -> dans une codification, c'est la pratique
qui doit s'adapter au code. → Cela devrait être l’inverse pour eux.
On est donc contre le code, comme le Code Napoléon.
Dans cette veine se dessine la seconde idée-maitresse : l’historicité des phénomènes humains. Les
institutions juridiques subsistent, elles aussi, à l’écoulement du temps. Les tenants de l’Ecole préféreront
alors la coutume – marquée par un temps de sédimentation et de cristallisation – à la loi – théoriquement
rationnelle donc éternelle, hors toute emprise du temps.
Parallèlement, ils écarteront la « systématique » déductiviste (top-down) des jusnaturalistes au
profit d’une méthode inductive (bottom-up) partant de l’étude des pratiques, des comportements du
peuple pour élaborer le droit, mais sans en proposer (encore) la codification. → En effet, cette opération
aurait pour effet de rigidifier le droit, de le rendre statique, d’en arrêter le développement, ce qui contredit
leur conception dynamique du phénomène juridique.

• Particularisme national : comme le droit vient d'une société donnée, dans une langue donnée -
bottom up, il est toujours particulier : local - il ne peut pas être unique : unifié, sans rapport au
réel. (pas de droit universel). Chaque région a un droit différent : il ne peut pas être universel.
• Le droit est spontané, il ne serait alors ni issu de la raison et la volonté : on constate
l'existence de ce droit, organisme de la vie, à la naissance spontanée.
Scission de l'EDH : courant germaniste et romaniste.
• Germaniste : il reste le plus fidèle aux idées de base : il vient de ce peuple-là, dans ce lieu-là, dans
cette culture-là, dans ce temps-là. Ils sont contre l'idée d'uniformisation, de constantes trouvées
dans une société qui toucherait d'autres sociétés.
• Romaniste : ils étudient les textes romains (les pandectes) et ils essaient de trouver des
enseignements pour résoudre des problèmes de droit actuels. Etant romaniste, on a l'idée que la
méthode du droit romain est universelle -> idée pour les romanistes d'universaliser les données
concrètes que l'on a.
-> Cela va créer une tension dans l'école, les romanistes vont embrasser alors l'idée de code et détruire
l'école. Les romanistes, pour les germanistes, auraient trahi l'école.
-> La vision du droit que l'on a aujourd'hui, c'est celle des Pandectistes (des romanistes) : on pense
pouvoir prendre la méthode du droit romain et en découvrir des concepts ici. C'est eux qui vont
développer l'idée de système telle qu'on la connait aujourd'hui.

192
Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Savigny : père du droit international privé moderne. Romaniste très connu qui va finir par
collaborer à l'élaboration du code prussien - pour les germanistes, c'est la figure même du traitre.
-> Toute l'évolution de l'école historique découle presque de la vie de Savigny. A la fin de sa vie,
du coup, l'école va imploser.
De là, la troisième idée maitresse : le particularisme national. Le droit ne peut jamais prétendre à une
validité ou une portée universelle parce qu’il est le fruit de la culture d’un peuple donné, particulier, le
résultat d’une certaine culture.
Deux courants s’affrontèrent, sur cette base, au sein de l’Ecole : les partisans du droit national
germanique et ceux, davantage éloignés des croyances et pratiques populaires, d’un droit romain ou d’un
droit savant. Le conflit des deux courants n’est pas simplement scientifique, mais aussi très fortement
politique. → Comme nous sommes dans une approximation, nous parlerons dès lors de l’Ecole du droit
historique sans en distinguer les deux camps, complémentaires dans certaines périodes, profondément
opposés dans d’autres.
➔ Une nuance mérite toutefois d’être relevée eu égard à son importance pour l’entreprise de la
codification : si l’Ecole historique a fini par adhérer au projet de code germanique, elle le doit
surtout à l’influence systématisante des romanistes, à savoir les membres les moins sensibles de
l’Ecole à la méthodologie inductive. Les romanistes, grands tenants de la Science juridique au
sens le plus abstrait, cherchèrent souvent le « système », par une voie déductive, à l’exemple des
fameux Savigny et Putcha, dans un esprit plutôt universaliste alors que les germanistes
demeureront plutôt fidèles à la démarche empirique et inductive, d’esprit plutôt « nationaliste ».
Tous ressortissent à la culture allemande des 18 ème et 19ème siècles, de courants parfois bien
différents, l’Ecole dépassant de surcroit le cercle des seuls juristes. Pour nous en tenir à ces
derniers : des Hugo, Savigny, Eichhorn, Puchta, Beseler, Stahl, sans oublier les célèbres Grimm.

SECTION 2. LE MODÈLE ORGANICISTE DU DROIT


Il s'inspire dans un premier temps des empiristes de l'école (plutôt des germaniques). Au fur et à mesure
que se développe l'école, des idées universalistes vont se développer dans l'école : on va trouver de
l'universel dans le particulier -> permettra à Savigny de travailler sur un code en disant qu'il est de
l'EDH.

Ils gardent l'idée que le droit est spontané : ils ne se créent pas selon un rationalisme, ou une méthode.
Cela nait parce que cela doit naitre = origine irréfléchie. Cela vient de l'esprit du peuple, qui est là,
surement dans la culture et la langue -> c'est ce qui va nourrir les pratiques et se cristalliser à terme sous
forme de coutume.
On le qualifie sur une idée de foi (mais pas religieuse). Cela semblerait presque théologique : les
deux représentants de l'Ecole, notamment les frères Grimms - sont des juristes. Leurs histoires ont
un aspect merveilleux comme le droit : les comptes naissent dans une société donnée, dans un
temps donné. Les comtes allemands ne sont pas les mêmes que les autres.
On constate donc la vie, mais on ne sait pas comment elle se crée. -> Elément de mystère accepté
: il n'y a pas de raison à la base. On ne fait que constater.
Cette vision n'empêche aucunement la démarche scientifique, par le biais de la méthode historique.
L'Histoire : il y a des changements, on les constate. On pourrait en dénicher des lois d'histoire - trouver
des lois derrière les changements historiques = faire de la science avec de la matière contingente. On
travaille sur l'établissement faits passés pour faire une théorie, de manière inductive. Cette démarche est
nourrie d'expérience (savoir incarné) pour trouver des notions. On trouvera donc autre chose que la
notion de la raison - plutôt la prudence, comme A. On découvrira des lois, qui pourrait avoir une portée
éventuellement universelle = comme cela qu'on voyait l'histoire. → Ex : on pensait pouvoir retracer
l'étymologie d'un mot à travers toute son histoire.
Le modèle organiciste porte sans doute certaines marques du romantisme allemand, en particulier celle
de l’origine irréfléchie du droit dans le Volksgeist, quelque chose de l’ordre de la foi et du merveilleux et
du « vivant ».
/ ! / : Cette origine n’interdit aucunement la démarche scientifique. En effet, la méthodologie des
sciences historiques a aussi son expérience : les faits du passé, les « évènements » dont elle essaie de tirer,
par induction,, des principes et même des « lois » à portée universelle.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

La langue est un modèle parfait d'exemple : on ne sait pas d'où elle vient, mais elle grandit. Les frères
Grimm vont inventer la linguistique historique. → Pour les frères Grimm, il y a une loi de prononciation
des mots qui amènent des évolutions phonétiques - par induction, on peut donc faire de la science tout
autant, voir plus sérieuse parce que part des faits, sérieuse que les jusnaturalistes.
Elle épouse la logique du vivant et la montre : le vivant évolue de manière logique, et non de manière
arbitraire = il y a d'évolution du vivant. Il y a donc une croissance ordinaire / organique.
Le vivant va être une totalité organique qui va développer comme la langue : on peut y voir l'évolution
du droit, des gens, du Volksgeist. On a une conscience populaire qui fait tout naitre de manière spontanée
- du coup, ils ont la garantie de la commensurabilité des règles juridiques avec les réalités du terrain.
=/= Les jusnaturalistes : ils ne savent pas si c'est commensurable aux cas concrets. Comme c'est
la raison (au fond la volonté) qui posent la loi, comment peut-on savoir si cela va s'adapter aux
individus ? Parce que c'est un Homme abstrait qui pose la loi par une raison abstraite.
Ex : preuve - on parle de loi éternelle alors que l'on voit qu'elle change en fonction du temps et du lieu.
-> Première source : la coutume, parce que l'on ne peut pas dire qu'elle n'est pas commensurable - cela
vient d'eux.
Le droit découle donc de l'homme. -> Rejet de la loi.
Comme pour la langue, suivant un parallèle qui jouera un rôle de premier plan dans l’Ecole, malgré des
origines « mystérieuses ». l’élaboration du droit semble participer d’une logique du vivant : la culture,
comprenant notamment la langue et le droit, suit un développement organique, un processus de
croissance « naturelle ». Le peuple (du Volksgeist) apparait lui-même comme une totalité naturelle et le
droit coutumier apparait comme l’expression de la conscience populaire.
L’acceptation du droit par le peuple constitue, en cela, la meilleure garantie de son effectivité, au
point que l’Ecole affirmera l’incompatibilité de l’imposition arbitraire de règles abstraites et universelles –
lois – avec la nature même du droit.

/ ! / Une ambiguïté très sensible : les auteurs ne sont pas d'accord sur la nature de Volksgeist = qu'est-ce
que l'esprit du peuple ? Les interprétations donnent des mouvements différents à l'école :
• Concept très abstrait, très métaphysique - Savigny, les romanistes.
• C'est profondément incarné, très concret : on le voit dans une langue, une culture, qui n'est pas la
même. Et même si on n'a pas la même langue, elle n'évolue pas de la même manière - les
linguistiques.
C'est donc une réalité concrète, d'expérience.
• Pour d'autres, c'est une réalité dynamique, qui est le creuset de toute réalité.
o Point commun : ils pensent les deux à la réalité du folklore - le Volksgeist s'exprime de
manière artistique, concrète, évolutive.
Mais toutes les écoles sont d'accord sur l'aspect spontané de l'esprit et du peuple plus tard.
Sans doute la notion de Volksgeist s’éprouve-t-elle ambiguë, devant abstraite, spéculative même chez
Savigny ou Putcha par exemple, et inversement réalité d’expérience chez J. Grimm si versé dans le folklore
et la langue germanique ; davantage encore, une réalité dynamique, un « creuset » dont sort sans cesse des
expressions nouvelles de la culture.

Elle s’accordera donc sur cette conclusion de son représentant le plus célèbre, Von Savigny : « … tout
Droit est engendré de la manière que le langage courant qualifie de coutumière, c’est-à-dire qu’il est
produit d’abord par l’usage et l’opinion du peuple, puis par la jurisprudence. Et il l’est partout ainsi par
des forces internes, silencieuses, et non par l’arbitraire du législateur » -> trois sources du droit (tout le
monde d'accord à ce stade mais permet la séparation)
• Tout droit a une naissance de manière coutumière.
• Conviction immédiate du peuple VK : c'est mal exprimé dans les lois, mais cela existe.

• La science juridique pour eux est une source du droit : preuve : avant-projet du code civil suisse
et de l'Art 1 CC - Huber, dans son avant-projet qui allait être profondément modifié : il propose
comme source formelle du droit la doctrine - c'est-à-dire la science du droit. / ! / Elle doit être
inductive - produit de droit savant : produit du droit par les savants.
o On y trouve le double produit de l'activité des juristes

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

• Matérielle : prolongement des coutumes secrétées par l'esprit du peuple - pour les
compléter ou enlever les cohérences. Le juriste doit alors prolonger la logique de la
coutume : la rendre cohérente et la compléter.
/ ! / : Mais il ne l'initie pas : il ne fait que prolonger une source matérielle qui est déjà
là - activité génératrice du droit par le droit,
• Formelle : on peut donner l'expérience scientifique du constat et de son prolongement
scientifique - il donne un tour formel, scientifique, à cette démarche coutumière (ex :
qui ne donne pas les bons mots) -> il qualifie avec des termes juridiques la coutume,
La science juridique veut aussi un système : mais il n'est pas a priori. C'est un système que l'on va
découvrir inductivement, bottom-up. Quelles sont les sources du système ? Les lois de croissance
internes des organismes vivants. Le vivant répond aussi à des lois nécessaires de naissance, de
développement et de mort = comme les lois naturelles pour les autres organismes vivants, la loi
juridique est ainsi.
/ ! / Cela va pouvoir permettre le passage de la logique inductive à déductive : par l'extérieur, on peut
trouver les lois internes. Et avec elles, on va pouvoir prédire l'avenir - comment va se développer la
langue etc. - et on va pouvoir avoir un système déductiviste -> qui va s'imposer alors quand la science
de droit va devenir importante.
Outre la conviction immédiate du peuple et la législation, l’Ecole développera d’amples réflexions sur une
troisième source, la science juridique, authentique source du droit, à savoir le droit savant, issu d’une
double activité des juristes, « matérielle en tant qu’ils poursuivent l’activité génératrice du Droit du peuple
même, formelle et purement scientifique en tant qu’ils saisissent de ce Droit pour l’exprimer et le formuler
de manière scientifique »
On rappellera qu’aux termes de l’Art 1 CC, la doctrine – si on veut bien l’assimiler à la science
du droit au sens de l’Ecole – n’est pas une « source » du droit mais une « autorité » dont le juge s’inspire
simplement. Le Roy/Schoenenberger a cependant pris le soin de préciser que l’Avant-projet du CC en
faisant, lui, une « source », hiatus qui laisse entendre que le juge a peut-être d’avantage de pouvoir
d’interpréter que celui qu’on veut bien lui reconnaitre officiellement à travers les distinctions formelles du
texte de l’Art 1er CC actuel. → Par là où on voit aujourd’hui que les catégories juridiques ne procèdent pas
de la « nature des choses » qui s’imposerait nécessairement à tous, mais de choix, politiques en
l’occurrence.
La science juridique concentre ses efforts sur la découverte du système et la nécessité interne qui président
au développement de la « totalité organique » que constitue le droit. → Ce but et la place éminente
réservée à la science juridique annoncent une évolution des esprits de l’Ecole vers l’idée de codification,
puis l’adhésion, pour certains de ses maîtres, à l’entreprise concrète de codification du droit germanique.

SECTION 3. L E LÉGISLATEUR COMME VÉRITABLE REPRÉSENTANT DU VOLKSGEIST OU LA CODIFICATION


COMME ACHÈVEMENT DYNAMIQUE DU DROIT POPULAIRE
Législateur fait le droit statique à partir du Volksgeist. Codification que le peuple permet d’achever.
/ ! / : Germanique : le droit est de nature historique, il ne peut pas l’arrêter dans un code statique.
Mais leur idée est de transformer les coutumes en loi de développement de l’organisme vivant qu’est le
droit grâce à la science juridique. (lois nécessaire indietro) → On pourrait alors, pour eux, à partir de la
démarche inductive arriver à un code.
/ ! / Savigny est romaniste, il défend la coutume. Après avoir vu les Pendectes, il devient un grand
scientifique romaniste universaliste. Il peut pénétrer la logique du vivant du droit. Il va préparer
la codification du droit prussien.
➔ Montre que certains représentants de EDH vont devenir les penseurs du droit prussien. L’école
se transforme, c’est pour des raisons scientifique, pas d’arbitraire ou de pression politique.
Travail juridique ou science savant. Ce ressort-là, permet la codification du droit allemand.
La codification du droit germanique apparaît guère compatible avec la représentation originaire de l’Ecole
avait du phénomène « droit » : de nature historique, d’une part, « piloté » par la science juridique d’autre
part.
La carrière académique et politique de certains auteurs – le Professeur Von Savigny devient, par
exemple, ministre de la législation en Prusse – rend raison du rapprochement de l’Ecole historique d’avec
le projet de codification. Mais la raison principale est d’ordre « scientifique » : la recherche de la « loi »
des phénomènes étudiés.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Codifications – deux bases :


• Napoléon → pensée JN
• Prusse → pensée EDH
Les deux vont se retrouver dans la codification, et on ne distinguera plus les deux écoles. Elles vont se
rejoindre.

Si organisme vivant, il y a un organisme naturel, physis, qui a en soi son développement. Naître croître
mourir. Il y a des lois de cette dynamique naturelle, d’évolution. Il y a donc du nécessaire sous la
contingence, en pénétrant le phénomène naturel, il y a des nécessités. Pour nous c’est banal avec l’ADN,
mais on le découvre.
Ils vont penser pour le droit, l’histoire, car elle suivait la même méthodologie. L’histoire suit un chemin.
➔ Si on connait la loi, on va pouvoir maîtriser le phénomène, comme si on connait les faits on peut
maitriser l’histoire future.
Il y a donc une naturalité de l’histoire. Naturalité de la langue, comme le droit ou l’histoire : elle a des
lois internes de développements, il y a donc de la nécessité dans la langue et l’histoire → le droit. Loi
de nécessité interne, alors on peut les codifier. → On peut faire donc du droit scientifique par le code.
Il y a donc une nature des choses, comme le dit souvent le Tribunal fédéral. Naturalité, elles répondent
à des lois, il suffit alors de les découvrir. C’est le travail de la science du droit. → Le scientifique du
droit est capable de découvrir les lois de la création de la coutume. Il peut prédire l’avenir.
En l’occurrence, le mouvement naturel de développement de la totalité organique « droit » ne s’opère pas
selon l’arbitraire mais suit une certaine nécessité interne, des « lois d’évolution », comme pour la langue
selon la linguistique historique des frères Feimm, parmi les maîtres de l’Ecole historique, furent les
fondateurs.
Si l’histoire a sa nécessité propre, à l’instar de la physis (la nature, ce qui « croît », se développe),
alors il doit y avoir une certaine naturalité de l’histoire et donc une certaine rationalité, quelque chose
comme une « nature des choses » donnant lieu à observation scientifique et que la science du droit sera à
même de découvrir.

Putcha : « Les règles juridiques particulières qui forment le Droit d’un peuple constituent entre elles un tout
organique, qui s’explique d’abord par son émanation de l’esprit du peuple… Mais cette propriété du Droit, qui
fait que ses règles se coordonnent en une totalité organique comme les membres d’un tout, lui vient aussi de sa
nature, de sa rationalité qui lui est propre…. C’est ainsi que le Droit, bien que procédant de la liberté, apparait
conditionné par la nécessité naturelle de ses objets : il est quelque chose de rationnel. Et c’est de là que vient
l’ordre systématique que forment ses règles … »
Liberté = spontanéité, il apparait conditionné ensuite par la nécessité de ses objets. Savigny parlera de
la naturalité des catégories juridiques.
Ex : La lex rei sitae : la loi du lieu de la chose (situation). Quand une chose ne peut pas être déplacée, on
applique le droit du lieu de situation de la chose. C’est le plus pragmatique. Nécessités internes du droit,
nature plus profonde que va découvrir la science juridique.

EDH : on a quelque chose de rationnel, ordre systématique que forme les règles.
On va transformer les coutumes en code. Par systématicité, nos codes les reflètent.
Les règles se conditionnent réciproquement. Elles sont limitées les unes par les autres, il y a un vrai
système du droit. → Si tous les rapports sont réciproques, on peut deviner ce qui manque.
Ex : Lohn FC problème de lésion, on ne peut pas obtenir le prolongement, on regarde les autres cas de 19. → On
doit le prévoir. C’est ce que dis Savigny.
On doit combler l’incohérence rationnellement, s’il y a une lacune.
On peut conclure à l’existence de catégorie en les trouvant rationnellement dans le système.
La codification serait formalisation des coutumes et on les complèterait par une cohérence organiciste.
On organise ce système, on prolonge la spontanéité de la coutume et la hiérarchie de la coutume. Il faut
achever l’ordre par la science juridique.
/ ! / L’école explose et disparait avec la codification. → Les romanistes donnent le code prussien.

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

Savigny dit qu’il est fidèle à EDH. A l’intérieur de l’EDH on peut admettre la codification comme le
résultat de la science juridique.
Par cette propriété du système, de systématicité, à savoir que les règles se conditionnent réciproquement,
que de l’existence de l’une on peut conclure rationnellement à l’existence des autres, le droit organique
peut donner lieu à codification, celle-ci réalisant l’expression du système « droit » sous forme de lois
ordonnées et hiérarchisées. Cette vision quasi déductiviste, propre aux romanistes de l’Ecole historique,
ne conviendra guère aux germanistes et la rupture entre les deux courants deviendra inévitable.

Pour les romanistes, on constate la montée de la complexité du droit, comme le vivant. On a une loi des
phénomènes naturels → cela devient de plus en plus complexe, cela s’éloigne de la complexité basique
même de la coutume. Elle est simple et grossière. Elle ne peut pas assumer des rapports sociaux
spécifique. Par le biais des codes, on régit cette complexité croissante.
On part de la coutume mal dégrossie → On va donc vers le droit savant = droit de la maturité du système
juridique. Elle sera réalisée grâce à la démarche scientifique que les juristes savants feront.
Ultime étape du développement naturel du système juridique. Elle se développe vers plus en plus de
croissance, la science du droit vient assumer la complexité des coutumes pour les rendre
commensurable.
L’achèvement ultime est le code, on a découvert les lois naturelles internes de l’organisme vivant.
Le législateur pourra se substituer à la conscience populaire. Il la prolonge de manière scientifique.

Nos juristes savants vont devenir législateur → la science du droit vient assumer la complexité des
coutumes pour les rendre commensurable
Nos juristes savants vont devenir législateur - le droit grossier spontané s'achève dans la loi de
l'histoire, dans la codification. La loi vient compléter le droit coutumier, le droit savant, -> et
devient le droit populaire (le droit coutumier et savant vont de pair vu que c'est le prolongement
formel et matériel = ils ne sont pas opposés, ils en sont le prolongement. C'est le savant de la
coutume, pas top-down, prolongement. Il va permettre aussi à la coutume de prendre une autre
forme : le droit populaire - c'est donc l'ensemble des deux)
Cela veut dire que les scientifiques contribuent au développement graduel du droit. Les
scientifiques du droit vont permettre l'organisme vivant droit de passer d'une étape à l'autre. ->
Raison pour laquelle Eugène Huber a fait la doctrine des sources formelles.
On arrive alors au stade ultime qu'est le Code : ce n'est pas une trahison pour Savingy -> c'est la
réalisation la plus achevée de la coutume, grossière. -> Le droit coutumier, complexifié par les
savants -> devient le droit populaire. Le droit populaire est pénétré par le savant qui comprend les
lois naturelles : et cela va être mis dans le code. C'est la traduction des lois nécessaires de
l'organisme vivant qu'est le droit.
Donc en étant inductiviste, ils arrivent au code.
Donc on passe de la coutume, inductive, à des règles nécessaires de droit naturel, pour
obtenir des lois dans des codes qui sont achevées.
-> Le législateur devient alors le représentant le plus authentique de la coutume, parce que
le plus savant, et du droit spontané. Il n'y a pas d'idée de trahision.
On a alors tous les mouvements, toutes les doctrines philosophiques de l'époque qui tendent
vers la codification.
• Jusnaturalisme : contrat social, ou veut des codes
• Historique aboutit aussi à la codification.
➔ On n'a plus qu'une école : l'école positiviste avec sa vision légaliste
Pourtant il n’y a pas, à strictement penser, d’inversion ou de reniement des conceptions fondatrices de
l’Ecole dans l’acceptation, au final, de la codification. Le droit étant une totalité organique, il se développe
naturellement et en évoluant, par complexification croissante, d’un droit primitif au droit savant de la
maturité, droit présentant une scientificité que mettront à jour les juristes suivants lesquels, à ce stade là
du développement historique du droit, se substituent à la conscience politique.
Pour peu que ces juristes savants deviennent, les législateurs eux-mêmes, à tout le moins leurs
proches conseillers, l’évolution historique du droit « s’achève » alors dans la codification : la loi vient
compléter le droit coutumier et le droit savant – qui forment ensemble le droit populaire -, contribuant à

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Philosophie du droit Gaëlle Valterio

leur développement graduel. Par son intervention permet une plus complète réalisation du droit puplaire,
le législateur finira par être considéré comme le représentant véritable du Volksgeist.

Il faut être légaliste d'application (formellement) mais pas dans le fond - le positivisme est une doctrine
idéaliste du droit. Il faut être pragmatique - comme Aristote.
Formellement : de haut en bas de 1 CC
Matériellement : de bas en haut 1 CC

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