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Thrombopénie chez l’adulte


et l’enfant

OBJECTIFS : N° 214. Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant*

+ Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.

* Dans ce chapitre seule la partie adulte sera traitée.

Rang Rubrique Intitulé


A Définition Connaître la définition d’une thrombopénie
Éléments
B Connaître les principaux mécanismes de thrombopénie
physiopathologiques
Connaître les manifestations cliniques associées aux
A Diagnostic positif
thrombopénies

Connaître les caractéristiques cliniques d’un purpura


A Diagnostic positif
thrombopénique

B Contenu multimédia Photo d’un purpura thrombopénique

A Contenu multimédia Photo d’une bulle intrabuccale

Connaître les signes de gravité et les urgences vitales devant une


A Identifier une urgence
thrombopénie
A Diagnostic positif Savoir reconnaître une fausse thrombopénie

Connaître les principales causes de thrombopénie chez l’enfant


*
A Étiologie
et l’adulte
Connaître la démarche diagnostique étiologique devant une
A Etiologie
*
thrombopénie de l’enfant et de l’adulte

Connaître les indications du myélogramme devant une


B Examens complémentaires
thrombopénie

Examens à prescrire devant une thrombopénie de l’enfant


* et de
A Examens complémentaires
l’adulte

B Contenu multimédia Fond d’œil

Les situations de départ sont indiquées en violet et en gras dans le texte. Elles sont ensuite
listées à la fin du chapitre.

I Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant 243 «


a i. Définition d’une thrombopénie______________________
• Une thrombopénie est définie par un nombre de plaquettes dans le sang inférieur à 150 G/L (ou 150 000/mm3 ou
150 xlO9/L selon les unités utilisées) (anomalie des plaquettes). Elle repose donc sur l’interprétation de l’hémo­
gramme.

b 2. Physiopathologie_________________________________
• Il existe 3 principaux mécanismes de thrombopénie :
l. un défaut de production des plaquettes par la moelle osseuse (= causes de thrombopénies dites « centrales »),
en rapport avec une insuffisance médullaire quantitative, qualitative, ou liée à un envahissement médullaire par
des cellules anormales ou de la fibrose ;
2. une destruction ou une consommation des plaquettes en périphérie (= causes de thrombopénies dites « péri­
phériques »). Dans ces situations, la moelle osseuse produit des plaquettes mais celles-ci sont consommées
(coagulation intra-vasculaire disséminée (CIVD), microangiopathies thrombotiques) ou détruites (mécanismes
immunologiques ou immuno-allergiques) dans le sang périphérique ;
3. une séquestration des plaquettes dans la rate (on parle d’hypersplénisme), possible au cours de toutes les
causes de splénomégalie, et d’autant plus marquée que la rate est volumineuse.

a 3. Manifestations cliniques___________________________
• Une thrombopénie peut être découverte de manière fortuite, chez un sujet asymptomatique à l’occasion d’un
bilan de santé ou d’un bilan biologique pré-opératoire par exemple, ou chez un patient exploré pour un autre
problème de santé.
• Lorsqu’elle est symptomatique (le plus souvent dans les situations de thrombopénies sévères, avec numération
plaquettaire < 20 G/L), la thrombopénie est responsable de saignements cutanéo-muqueux (tendance au saigne­
ment), de sites et de gravité variés, pouvant aller d’un simple purpura pétéchial localisé à de rares hémorragies
viscérales graves pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
• Les principales manifestations hémorragiques associées aux thrombopénies sont :
- des saignements cutanés (purpura/ecchymose/hématome) :
> purpura, défini cliniquement par des taches hémorragiques pourpres qui ne s’effacent pas à la pression
(contrairement aux érythèmes, angiomes ou télangiectasies), et correspondant à l’extravasation spontanée
des hématies hors des vaisseaux sanguin au niveau du tissu sous-cutané (voir item 215 - Purpura chez
l’adulte et l’enfant). Le purpura au cours des thrombopénies sévères peut être pétéchial (macule punctiforme,
rouge sombre) (Figure 1) et/ou ecchymotique (Figure 2), localisé ou diffus. Contrairement aux purpuras
dits « vasculaires » (lésions des parois des vaisseaux cutanés) (voir item 193 - Connaître les principaux
types de vascularite systémique, les organes cibles, les outils diagnostiques et les moyens thérapeutiques),
le purpura associé aux thrombopénies est non infiltré à la palpation, et non nécrotique. Son association à
des saignements muqueux (voir ci-dessous) est également un élément d’orientation en faveur d’un purpura
associé à une thrombopénie ;
> ecchymoses.

► 244 Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant


Item 214

- des saignements muqueux (anomalie des muqueuses) :


> muqueuse nasale : épistaxis, unilatérale ou bilatérale ;
> muqueuse gingivale : gingivorragies, provoquées (brossage de dents) ou spontanées ;
> muqueuse buccale : purpura du voile du palais ou de la face interne des joues, bulles hémorragiques intra-
buccales (Figure 3) ;
» muqueuse digestive : méléna/rectorragie, plus rarement hématémèse (émission de sang par la bouche)
(surtout si lésion sous-jacente associée) ;
> muqueuse génitale : ménorragies, métrorragies (saignement génital anormal (hors grossesse connue)) ;
> muqueuse vésicale : hématurie.
- des hémorragies au fond d’œil : elles ont la même signification que les hémorragies muqueuses (Figure 4). Le
fond d’œil ne sera pratiqué qu’en cas de symptômes visuels.
- plus rarement des saignements viscéraux :
> hémorragies cérébro-méningées (céphalée).
• La survenue de manifestations cliniques hémorragiques et leur gravité dépendent de plusieurs facteurs :
- la profondeur de la thrombopénie (saignements spontanés exceptionnels au-dessus de 50 G/L, en l’absence de
thrombopathie ou de traitement interférant avec l’hémostase associés) ;
- le terrain : l’âge avancé et l’existence de comorbidités sont associés à un risque accru de manifestations
hémorragiques sévères et de mauvaise tolérance en cas d’hémorragie aiguë ;
- l’existence d’éventuelles lésions sous-jacentes susceptibles de saigner (site opératoire, ulcère gastro-duodénal,
lésion tumorale...) ;
- la prise de traitements interagissant avec l’hémostase : anticoagulants, antiagrégants plaquettaires, anti­
inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ;
- le mécanisme de la thrombopénie : à chiffre de plaquettes équivalent, le risque d’hémorragie grave parait
supérieur en cas de thrombopénie centrale qu’en cas de thrombopénie périphérique. De plus, certaines causes de
thrombopénies sont associées non pas à un risque hémorragique mais à un risque thrombotique (thrombopénie
induite à l’héparine (TIH), microangiopathies thrombotiques, syndrome des anti-phospholipides).

B Figure 1. (contenu multimédia) Purpura pétéchial des membres inférieurs chez un patient
atteint d’une thrombopénie immunologique primitive (PTI) avec thrombopénie < 10 G/L

Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant 245 ◄


Figure 2. Purpura ecchymotique des membres inférieurs chez une patiente
de 77 ans avec aplasie médullaire responsable d’une thrombopénie à 2 G/L

A Figure 3. Bulles hémorragiques intra-buccales (flèches blanches) chez un patient atteint d’une thrombopénie
immunologique primitive (PTI) avec thrombopénie < 10 G/L

Figure 4. (contenu multimédia) Hémorragies au fond d’œil dans un contexte de thrombopénie.


Photo : Drs Sara Touhami et Delphine Lam, Service d’Ophtalmologie,
Centre hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.

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Item 214

a 4. Identifier une urgence devant une thrombopénie______


• Les accidents hémorragiques viscéraux sont rares mais ils font toute la gravité des thrombopénies et peuvent
mettre en jeu le pronostic vital ou fonctionnel :
- selon la localisation du saignement : par exemple hémorragies cérébro-méningées (la présence de céphalées
(céphalée), même si elles sont isolées, et à fortiori si elles sont associées à des nausées/vomissements, à des
troubles de la vigilance (coma et trouble de la conscience), ou à un déficit neurologique sensitif et/ou
moteur, doit faire réaliser une imagerie cérébrale en urgence) ;
- selon son retentissement en cas de déglobulisation (hémorragie aiguë), voire d’état de choc hémorragique : par
exemple hémorragie digestive (émission de sang par la bouche, méléna/rectorragie), urinaires (hématurie)
ou génitales (saignement génital anormal (hors grossesse connue)).
• Ils surviennent le plus souvent lorsque le chiffre de plaquettes est < 10 G/L, mais peuvent survenir à des chiffres de
plaquettes plus élevés en cas de facteurs « aggravants » sus-cités (âge avancé, hypertension artérielle mal contrôlée,
lésion sous-jacente à risque de saignement, traitement interagissant avec l’hémostase/la coagulation, en particu­
lier traitement anti-coagulant).
• Dans la très grande majorité des cas, un syndrome hémorragique cutanéo-muqueux marqué précède les accidents
hémorragiques graves. Ces « signes d’alarme » constituant des éléments d’alerte sont listés dans le Tableau 1.

Tableau 1. MANIFESTATIONS HÉMORRAGIQUES À CONSIDÉRER COMME DES SIGNES D’ALERTE DEVANT FAIRE CRAINDRE
LA SURVENUE D’UNE HÉMORRAGIE VISCÉRALE GRAVE

Manifestations cliniques d’alerte vers un risque d’hémorragie grave


Bulles hémorragiques intrabuccales

Gingivorragies importantes spontanées

Epistaxis, surtout bilatérale

Métrorragies

Purpura ecchymotique extensif voire disséminé, surtout s’il est associé à des hémorragies muqueuses importantes

Céphalées qui même si elles sont isolées doivent faire rechercher un accident hémorragique cérébro-méningé et faire
réaliser une imagerie cérébrale en urgence.

• Des hématomes non provoqués et confluents, autres que ceux des membres inférieurs, des hémorragies viscérales
ou des hémorragies continues aux points de ponction doivent faire évoquer une anomalie de la coagulation asso­
ciée à la thrombopénie (CIVD notamment).

a 5. Savoir reconnaître une fausse thrombopénie__________


• Devant une thrombopénie chez un patient ne présentant aucun signe hémorragique cutanéo-muqueux, il faut
s’assurer de l’absence d’agrégats plaquettaires par agglutination en présence d’acide éthylène diamine tétra­
acétique (EDTA) (anticoagulant utilisé en routine dans les tubes de numération formule sanguine (NFS)), qui
conduirait à une sous-évaluation de la numération plaquettaire, qualifiée de « fausse thrombopénie ».
• Dans cette situation, il faut vérifier la numération sur lame au microscope (recherche d’agrégats plaquettaires au
frottis sanguin) (prescription et analyse du frottis sanguin) et faire un contrôle sur tube citraté, qui montrera un
nombre de plaquettes normal.
• Dans cette situation (artéfact de laboratoire), les signes hémorragiques sont bien entendu absents et aucune explo­
ration complémentaire n’est nécessaire.

Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant 247 ◄


a 6. Principales causes de thrombopénie chez l’adulte_____

A 6.1. Thrombopénies d’origine centrale


• Les thrombopénies d’origine centrale sont la conséquence d’un défaut de production des plaquettes au niveau de
la moëlle osseuse. Elles sont habituellement associées à d’autres cytopénies (anémie, leuco-neutropénie).
• Elles peuvent être en rapport avec :
- un envahissement médullaire par des cellules anormales : leucémies aigües (envahissement par des blastes),
lymphomes (envahissement par des cellules lymphomateuses), myélomes (envahissement par des plasmocytes
monoclonaux), métastases osseuses de cancers solides (envahissement par des cellules tumorales non
hématopoïétiques) ; ou en envahissement médullaire par de la fibrose : myélofibrose ;
- une insuffisance médullaire qualitative : myélodysplasies ; ou quantitative : aplasie médullaire (idiopathique ou
d’origine toxique/médicamenteuse) ;
- une carence vitaminique nécessaire à la synthèse de l’ADN/à l’hématopoïèse : carence en folates (= vitamine
B9) ou carence en vitamine B12.

A 6.2. Thrombopénies périphériques


• Au cours des thrombopénies d’origine périphérique, les plaquettes sont normalement produites dans la moelle
osseuse, mais sont détruites dans le sang périphérique. Dans ces situations, la thrombopénie est le plus souvent
isolée (absence d’anémie ou de leucopénie associée).
• Elles peuvent être en rapport avec :
- une consommation des plaquettes :
> par CIVD, elle-même secondaire à differentes situations pathologiques graves (sepsis sévères, hémopathies
et cancers, polytraumatisés, complications obstétricales graves). L’ensemble des facteurs de la coagulation
sont également consommés dans cette situation (diminution du TP, allongement du TCA, baisse du
fibrinogène) ;
> par micro-angiopathie thrombotique (MAT) : les plaquettes sont consommées au sein de micro-thrombi, et
la thrombopénie est associée à une anémie hémolytique mécanique (présence de schizocytes) (prescription
et analyse du frottis sanguin). Des défaillances d’organes (neurologique ou myocardique au cours du
purpura thrombotique thrombocytopénique ; insuffisance rénale au cours du syndrome hémolytique et
urémique) sont associées à ces tableaux de MAT, qui constituent des urgences vitales ;
- un mécanisme immuno-allergique :
> causes médicamenteuses essentiellement, dont la thrombopénie induite à l’héparine (TIH) ;
- un mécanisme immunologique :
> thrombopénie immunologique. Une thrombopénie immunologique peut être primitive (purpura
thrombopénique immunologique (PTI)), en rapport avec des auto-anticorps anti-plaquettes, et dont
le diagnostic n’est retenu devant une thrombopénie isolée qu’en l’absence de toute autre cause de
thrombopénie ; ou secondaire, en particulier secondaire à une maladie auto-immune (lupus systémique), à
une hémopathie (leucémie lymphoïde chronique), à un déficit immunitaire (déficit immunitaire commun
variable, DICV), ou à une infection virale (virus de l’immunodéficience humaine (VIH), virus de l’hépatite
B (VHB), virus de l’hépatite C (VHC), Epstein Barr virus (EBV), Cytomégalovirus (CMV)...).
• Ces différents mécanismes (consommation, immunologique) peuvent être associés lors de thrombopénies asso­
ciées à certaines situations infectieuses : paludisme, dengue, sepsis.

► 248 Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant I


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A 6.3. Thrombopénies par séquestration splénique


• Toute cause de splénomégalie peut s’associer à une thrombopénie par séquestration splénique. On parle alors
d’hypersplénisme, et la thrombopénie est volontiers associée à une anémie et à une leuco-neutropénie modérées.
• Par argument de fréquence, ce sont les hépatopathies avec hypertension portale (en particulier les cirrhoses hépa­
tiques, quelle qu’en soit la cause) qui représentent les principales causes d’hypersplénisme, suivies par les affec­
tions hématologiques associées à une splénomégalie (syndromes myéloprolifératifs ou lymphoprolifératifs).

A 6.4. Cas particulier des thrombopénies de la grossesse


• La survenue d’une thrombopénie au cours de la grossesse peut être sans rapport avec la grossesse (ensemble des
causes déjà citées) ou en rapport avec la grossesse.
• Parmi les causes spécifiques à la grossesse, on trouve :
- la thrombopénie gestationnelle : cause la plus fréquente de thrombopénie pendant la grossesse, thrombopénie
modérée (> 70 G/L), apparaissant habituellement au 2e trimestre, maximale au 3e trimestre, d’évolution
spontanément favorable en post-partum et sans risque de thrombopénie fœtale ou néonatale ;
- la pré-éclampsie et le syndrome HELLP (« Hemolysis, Elevated Liver enzyme, Low Platelets ») : thrombopénie
au 2e ou 3e trimestre, associée à une hypertension et une protéinurie, ainsi qu’à une hémolyse et une élévation
des enzymes hépatiques en cas de syndrome HELLP. Il s’agit d’urgences obstétricales pouvant mettre en jeu le
pronostic maternel et fœtal.

a 7. Démarche diagnostique étiologique_________________


et examens complémentaires
• Chez un patient adulte thrombopénique, la démarche diagnostique repose sur :
- l’interrogatoire visant à préciser :
> l’ancienneté de la thrombopénie en récupérant des numérations antérieures ;
» les antécédents familiaux : notion de thrombopénie familiale ?
> les antécédents personnels : hépatopathie ? hémopathie ? cancer ? maladie auto-immune ? déficit
immunitaire/infections à répétition ?
> la consommation de toxiques, en particulier d’alcool ;
> la prise de médicaments, en particulier d’introduction récente dans les semaines ayant précédé l’apparition
de la thrombopénie ;
> l’existence de conduites à risque et d’exposition au VHC ou du VIH ;
> l’existence d’une grossesse évolutive ;
> la notion de voyage : exposition au paludisme ? à la dengue ?
> la survenue d’un épisode récent d’infection virale ou bactérienne : notion de fièvre ? de syndrome pseudo­
grippal ?
- L’examen physique qui, en plus d’évaluer la présence et la gravité de l’éventuel syndrome hémorragique,
recherchera des éléments cliniques d’orientation étiologique :
> adénopathies périphériques (adénopathies unique ou multiples) (hémopathies lymphoïdes, infections
virales, lupus systémique...) ;
> splénomégalie (cirrhose et autres causes d’hypertension portale, hémopathies lymphoïdes, syndromes
myéloprolifératifs, infections virales, lupus systémique....) ;
> hépatomégalie (hépatopathies, lymphomes...), et signes d’hypertension portale ;
> fièvre (infection évolutive, lymphome, cancer ou lupus systémique en poussée...) ;
> tout autre élément d’orientation clinique (rash cutané et angine dans le cadre d’une infection virale, éruption
cutanée caractéristique et arthralgies dans le cadre d’un lupus systémique...).

Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant 249 ◄


- la réalisation d’examens complémentaires :
> hémogramme (interprétation d’un hémogramme) : avec analyse des autres lignées (une thrombopénie
isolée orientant vers une cause périphérique ; l’association à une anémie (baisse de l’hémoglobine) et/ou
une leuco-neutropénie (anomalie des leucocytes) orientant vers une cause centrale ou un hypersplénisme).
L’analyse de la formule leucocytaire (anomalie des leucocytes) constitue également un élément d’orientation
(hyperleucocytose à neutrophiles dans un contexte de sepsis bactérien ; lymphocytose au cours d’infections
virales ou au cours de la leucémie lymphoïde chronique ; lymphopénie au cours d’une infection par le VIH ou
au cours du lupus systémique...). L’analyse du volume globulaire moyen (VGM) peut également constituer
un élément d’orientation (macrocytose avec VGM > 100 fl au cours des syndromes myélodysplasiques ou
des carences vitaminiques).
> frottis sanguin (prescription et analyse du frottis sanguin). L’analyse du frottis sanguin par le médecin
biologiste est indispensable, en particulier à la recherche :
• d’une fausse thrombopénie (agglutination plaquettaire en présence d’EDTA) ;
• de cellules anormales circulantes (blastes au cours d’une leucémie aigüe, lymphocytes hyperbaso-
philes dans le cadre d’un syndrome mononucléosique au cours d’une primo-infection virale à EBV,
CMV ou VIH) ;
• de schizocytes (au cours des micro-angiopathies thrombotiques).
> bilan d’hémostase : TP/TCA/fibrinogène : anormaux (allongement du TCA, diminution du TP) dans le
cadre d’une CIVD.
> bilan hépatique : ASAT/ALAT/gGT/phosphatases alcalines/bilirubine (perturbations du bilan hépatique
en cas d’hépatopathie chronique, d’hépatite aigüe au cours de certaines hépatites virales...) et échographie
abdominale (hépatopathie ? hépatomégalie ? splénomégalie ?).
> sérologies du VIH, du VHB, du VHC : devant toute thrombopénie isolée non expliquée, à la recherche
d’une infection virale chronique. D’autres sérologies virales (EBV, CMV...) ne seront réalisées qu’en cas de
point d’appel clinique ou biologique évocateur.
> électrophorèse des protéines sériques (analyse de l’électrophorèse des protéines sériques) : à la recherche
d’un éventuel pic monoclonal (myélomes, lymphomes), d’une hypergammaglobulinémie polyclonale
(infections virales chroniques, lupus systémique) ou d’une hypogammaglobulinémie (DICV).
> anticorps anti-nucléaires : dépistage d’un éventuel lupus systémique associé à une thrombopénie
immunologique, la présence d’anticorps anti-nucléaires positifs isolés ne signant pas à elle seule l’existence
d’un lupus systémique.
B • Un myélogramme (interprétation d’un myélogramme) doit être réalisé devant une thrombopénie non expli­
quée par une pathologie identifiée (hypersplénisme dans le cadre d’une hépatopathie connue, carence vitami­
nique ou cause virale évidente par exemple), un myélogramme devra systématiquement être réalisé devant la
présence d’au moins un des éléments suivants :
• âge supérieur à 60 ans (afin de ne pas méconnaitre une myélodysplasie) ;
• syndrome tumoral clinique : adénopathie(s), hépatomégalie et/ou splénomégalie ;
• anomalie d’une autre lignée sur l’hémogramme (anémie, macrocytose, neutropénie, ou monocytose
par exemple) ou anomalie du frottis sanguin (cellules anormales circulantes).
• Dans les autres situations (thrombopénie isolée, chez un patient de moins de 60 ans, sans anomalie de
l’examen clinique en dehors de l’éventuel syndrome hémorragique, et sans autre anomalie de l’hémo­
gramme ni du frottis sanguin), la réalisation systématique d’un myélogramme n’est pas recomman­
dée.
• La Figure 5 résume la démarche diagnostique devant une thrombopénie de l’adulte en fonction de l’analyse de
ces différents éléments cliniques et paracliniques.
• C’est seulement si l’ensemble du bilan clinique (en dehors du syndrome hémorragique éventuel) et paraclinique
est négatif que le diagnostic de PTI peut être retenu.

► 250 Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant


Item 214

Figure 5. Démarche diagnostique devant une thrombopénie de l’adulte

Thrombopénie (Plaquettes < 150 G/L)

Causes centrales Infections

Hémopathies : Carences :
• Virales
• Myélodysplasies • Carence en folates VIH, VHB, VHC, EBV,
• Envahissement : • Carence en CMV...
leucémies aiguës, vitamine B12
lymphomes, • Parasitaires
myélomes, Paludisme, dengue
métastases osseuses,
myélofibrose • Bactériennes
• Aplasie médullaire Sepsis

• * En présence d’un des éléments suivants, un myélogramme sera également réalisé : patient de plus de 60 ans/syndrome tumoral clinique
(adénopathies, hépato ou splénomégalie)/anomalie d’une autre lignée sur l’hémogramme ou anomalie du frottis sanguin.
• AAN : anticorps anti-nucléaires ; ADP : adénopathies ; AEG : altération de l’état général ; CIVD : coagulation intra-vasculaire disséminée ; CMV :
cytomégalovirus ; DICV : déficits immunitaires communs variables ; EBV : Epstein-Barr virus ; Fg : fibrinogène ; HMG : hépatomégalie ; LS : lupus
systémique ; MAT : microangiopathie thrombotique ; NFS : numération formule sanguine ; PTI : thrombopénie immunologique primitive ; PTT : purpura
thrombotique thrombocytopénique ; SAPL : syndrome des anti-phospholipides ; SHU : syndrome hémolytique et urémique ; SMG : splénomégalie ;
TCA : temps de céphaline activée ; TIH : thrombopénie induite à l’héparine ; TP : temps de prothrombine ; VHB : virus de l’hépatite B ; VHC : virus de
l’hépatite C ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine

Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant 251 ◄


Principales situations de départ en lien avec l’item 214 :
«Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant* »

Situation de départ Descriptif

En lien avec la définition

215. Anomalie des plaquettes Une thrombopénie est une anomalie quantitative des plaquettes,
223. Interprétation de l’hémogramme définie sur l’hémogramme par un nombre de plaquettes < 150
G/L (ou 150 ooo/mm3), indépendamment de l’âge ou du sexe.

En lien avec les manifestations cliniques et les urgences

59. Tendance au saignement Alors qu’une thrombopénie modérée est habituellement


89. Purpura/ecchymose/hématome asymptomatique (en dehors de signes cliniques éventuels
91. Anomalie des muqueuses liés à sa cause), une thrombopénie sévère (généralement en
147. Epistaxis dessous de 20-30 G/L) peut se manifester par une tendance aux
saignements, en particulier cutanéo-muqueux.
Une thrombopénie doit donc être recherchée devant tout
saignement spontané cutané (purpura, ecchymoses) ou muqueux
(épistaxis, gingivorragies, bulles hémorragiques intra-buccales,
voire saignements plus sévères cités ci-dessous).
De même, un syndrome hémorragique cutanéo-muqueux doit
être recherché chez tout patient présentant une thrombopénie
marquée.

118. Céphalée Les hémorragies cérébro-méningées sont rares au cours des


121. Déficit neurologique sensitif et/ou moteur thrombopénies, mais peuvent mettre en jeu le pronostic vital.
28. Coma et trouble de la conscience Elles concernent le plus souvent des patients présentant une
thrombopénie sévère (< 10 G/L) ou des facteurs aggravants
associés (traitement anticoagulant, hypertension artérielle mal
contrôlée, lésion sous-jacente susceptible de saigner).
La survenue de troubles neurologiques (céphalées, même
isolées, déficit neurologique, troubles de la conscience) chez
un patient thrombopénique doit conduire à réaliser un scanner
cérébral en urgence.

60. Hémorragie aiguë Un saignement extériorisé digestif, génital ou urinaire doit


10. Méléna/rectorragie systématiquement être recherché à l’interrogatoire d’un patient
14. Emission de sang par la bouche présentant une thrombopénie sévère. La survenue de tels
112. Saignement génital anormal (hors grossesse saignements, à fortiori avec déglobulisation, constitue un signe
connue) de gravité et une urgence.
102. Hématurie De même, un hémogramme doit systématiquement être réalisée
à la recherche d’une thrombopénie (et d’une déglobulisation) en
cas de saignement aigu digestif, génital ou urinaire.

En lien avec la démarche étiologique

16. Adénopathies uniques ou multiples La recherche d’un « syndrome tumoral » (adénopathies et/ou
58. Splénomégalie organomégalie) est une étape clé dans la démarche diagnostique
6. Hépatomégalie d’une thrombopénie.
Des adénopathies et une splénomégalie peuvent être retrouvées
au cours d’hémopathies (lymphomes, leucémies aigues ou
lymphoïde chronique), de cancers solides, d’infections virales
ou encore du lupus systémique.
Une hépatomégalie associée à une splénomégalie, à fortiori
si elle est associée à d’autres signes d’hypertension portale,
orienteront vers une hépatopathie (cirrhose en particulier).

216. Anomalie des leucocytes L’analyse des autres lignées sur l’hémogramme est un élément
217. Baisse de l’hémoglobine d’orientation étiologique majeur dans l’exploration d’une
thrombopénie.
L’association à une anémie et/ou à une leuco-neutropénie
doit orienter vers une cause centrale, et faire pratiquer un
myélogramme.
► 252 Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant
222. Prescription et analyse du frottis sanguin La réalisation d’un frottis sanguin est systématique dans
l’exploration d’une thrombopénie inexpliquée, à la recherche
d’amas plaquettaire (fausse thrombopénie à l’EDTA), de cellules
anormales circulantes (blastes, lymphocytes hyperbasophiles),
ou de schizocytes (microangiopathies thrombotiques).

213. Allongement du TCA Un bilan de coagulation (TP/TCA/fibrinogène) est systématique


218. Diminution du TP dans le bilan d’une thrombopénie, afin d’éliminer une éventuelle
coagulopathie de consommation (coagulation intra-vasculaire
disséminée (CIVD)).

221. Interprétation d’un myélogramme Un myélogramme sera réalisé chez un patient thrombopénique
afin d’éliminer une cause centrale (myélodysplasie,
envahissement par des cellules tumorales...).
Il est systématique chez les patients de plus de 60 ans et/ou avec
anomalies des autres lignées ou du frottis et/ou présentant un
syndrome tumoral clinique (adénopathies, organomégalie).

193. Analyse de l’électrophorèse des protéines Chez un patient thrombopénique, on recherchera à


sériques l’électrophorèse des protéines sériques un pic monoclonal
(myélome, certains lymphomes), une hypergammaglobulinémie
polyclonale (infections virales chroniques, lupus systémique)
ou une hypogammaglobulinémie déficit immunitaire commun
variable (DICV).

* Les situations de départ reliées aux connaissances permettant de « Conduire l’enquête étiologique d’une thrombopénie chez l’enfant »
ne sont pas prises en compte dans ce tableau.

Thrombopénie chez l’adulte et l’enfant 253 ◄


FICHE DE SYNTHÈSE

• Une thrombopénie est définie par un chiffre de plaquettes dans le sang inférieur à 150 G/L.
• Le seul diagnostic différentiel est la « fausse » thrombopénie, liée à l’agglutination des plaquettes
en présence de l’EDTA du tube de prélèvement. Ce n’est pas une situation pathologique.
• Les manifestations cliniques dues aux thrombopénies apparaissent généralement au-dessous de
50 G/L. Le plus souvent elles s’expriment sous forme d’un purpura.
• Lorsque le chiffre de plaquettes est < 20 G/L, le risque d’hémorragies muqueuses, de ménorragies,
d’hémorragies rétiniennes et viscérales est important, une hémorragie cérébro-méningée ou viscé­
rale peut engager le pronostic vital.
• En l’absence de diagnostic étiologique évident, l’hémogramme et l’analyse du frottis sanguin re­
présentent la pierre angulaire du diagnostic étiologique. L’hémogramme permet de distinguer les
thrombopénies isolées des pancytopénies.
• L’enquête médicamenteuse est essentielle, à la recherche d’un traitement débuté 1 à 2 semaines
avant la survenue de la thrombopénie.
• Le purpura thrombopénique immunologique (PTI) est un diagnostic d’élimination qui repose sur un
faisceau d’arguments cliniques et biologiques.

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