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Master Spécialisé Juriste d’affaires

L’administration provisoire

Sous la direction du
PROFESSEUR SAIDA GUENBOUR

Préparé par
NIDALE KROUTI

Année Universitaire 2023-2024


1
Liste des abréviations

AL. Alinéa
ART. Article
REF Référence
S. Suivant
P. Page
B.O Bulletin Officiel
D.O.C Dahir formant code des Obligation et Contrats
N.C.P.C Code de Procédure Civile
G.I.E Groupement d’Intérêt Economique

2
Sommaire

INTRODUCTION
PARTIE 1
Société en crise : Le recours à l’administration provisoire
Chapitre 1 : L’administration provisoire comme procédure d’exception
Section 1 : Conditions de mise en place de la procédure de l’administration provisoire
Section 2 : La procédure de demande et fin de la désignation d’un administrateur
provisoire
Chapitre 2 : Compétence de nomination de l’administrateur provisoire
Section 1 : Qui peut être nommé administrateur provisoire ?
Section 2 : Qui peut nommer cet administrateur provisoire ?

PARTIE 2
La fonction d’administrateur provisoire
Chapitre 1 : Les missions et pouvoirs de l’administrateur provisoire
Section 1 : Les missions de l’administrateur provisoire
Section 2 : Les pouvoirs de l’administrateur provisoire
Chapitre 2 : La position de l’administrateur provisoire parmi les tuteurs judiciaires
Section 1 : Administrateur provisoire et autres tuteurs judiciaires
Section 2 : Les responsabilités de cet administrateur provisoire lors de l’exercice de ses
missions

CONCLUSION GENERALE

3
INTRODUCTION
La société conformément à l’article 982 du DOC, est un contrat qui, dans son processus de
formation, requiert un consensus impliquant une entente. Cette entente fait référence à
l'affectio societatis, exprimant la volonté commune de plusieurs personnes de s'associer afin
de créer une société et de partager ses bénéfices et pertes.
Cependant, cette parfaite entente, cette communion d'esprit entre associés, est une réalité
éphémère qui s'effrite au gré des enjeux et des intérêts en jeu, laissant place à des désaccords
et des crises aux conséquences préjudiciables tant pour les associés que pour la société elle-
même.
Afin de résoudre ces désaccords et crises inhérents à la vie d'une société, le juge dispose d'un
arsenal de solutions parmi lesquelles figure la nomination d'un administrateur provisoire.
Cette nomination n'est envisageable qu'en cas de crise grave mettant en péril la survie même
de la société. Elle s'inscrit dans le contexte de l'assistance à une personne en danger, au-delà
des intérêts égoïstes des parties impliquées, le juge se fonde sur l'intérêt social.
Bien que la désignation d'un administrateur provisoire puisse s'avérer utile, voire
indispensable, dans de nombreux cas pour éviter la déroute d'une société, cette mesure doit
demeurer exceptionnelle en raison de sa gravité potentielle, pouvant entraîner le
dessaisissement des organes de direction.
Le terme « administrateur » renvoie à la personne qui est en charge de la gestion des affaires
d’une société au sein de laquelle il a été nommé, généralement, on fait référence à
l’administrateur dans le cadre de la gestion d’une société anonyme, assurant sa fonction au
sein du conseil d’administration, ce dernier ne sera pas traité dans ce sujet. Tandis que le
terme « provisoire », implique que l’exercice de la fonction ne sera assuré que pour un temps
limité.
L’administration est une notion purement jurisprudentielle. En effet, le législateur marocain
n’a pas fourni de définition de cette notion. Selon la jurisprudence marocaine, un
administrateur provisoire est un tuteur judiciaire, chargé en cas de graves crises sociales
résultant d’un dysfonctionnement des organes de gestion ou d’un conflit entre associés
mettant en péril les intérêts de la société, d’assurer momentanément la gestion de la société
au lieu et place des dirigeants. En principe, il n’appartient pas au juge de substituer, même
temporairement, un mandataire de justice aux organes d’administration d’une société tant
que ces organes fonctionnent normalement. Mais le juge des référés est autorisé à intervenir
quand la société connait un dysfonctionnement grave, qui risque de causer un dommage
imminent ou un trouble illicite.1
L’administration provisoire est une mesure d’urgence, qui n’est pas strictement réservé au
droit des sociétés, et qui tire ses prémices d’une construction prétorienne du début du 20eme
siècle, à travers laquelle se concrétise le pouvoir légitime d’immixtion du juge dans le cours

1
Paul. DIDIER, Philippe DIDIER, « Droit commercial, Tome 2 : sociétés commerciales » Economica, 2011. P.380.
4
de la vie sociale lorsque la survie de la société est menacée. C’est une mesure exceptionnelle,
qui dans la majeure des cas inaccessibles.
L’administration provisoire joue un rôle primordial qui est selon l’approche marocaine
soumis aux règles de droit commun relatives aux règles qui gèrent le mandat. Si l’on se
réfère à l’article 1024 du DOC « L’administrateur non associé aux pouvoirs attribués aux
mandataires par l’article 891, sauf les clauses exprimées dans l’acte qui le nomme. »2
Ainsi l’article précité, nous renvoie à l’article 891 du DOC qui stipule que « Le mandat
spécial est celui qui est donné pour une ou plusieurs affaires déterminées, ou qui ne confère
que des pouvoirs spéciaux. Il ne donne pouvoir d’agir que dans les affaires ou par les actes
qu’il spécifie et leurs suites nécessaires selon la nature de l’affaire et l’usage. »

En droit marocain, bien que des similitudes existent entre le mandant et l'administration
provisoire, certaines particularités soulignent leurs différences. Alors que l'administration
provisoire émane exclusivement d'une autorité juridictionnelle, le mandat peut résulter d'un
contrat ou d'une décision de justice. La distinction entre le mandat spécial et l'administration
provisoire réside dans les attributions clairement définies au préalable. Le mandat général
confère le pouvoir de gérer tous les intérêts sans limitation, ce qui signifie que le mandat
revêt un caractère intuitu personae, tandis que l'administration provisoire repose sur les
qualités de professionnalisme, de neutralité et de compétence.
Dans cette perspective, il est opportun de poser la problématique centrale à savoir : comment
la jurisprudence marocaine a-t-elle encadré la procédure d’administration provisoire ?

Afin de répondre à cette dernière, et dans le but de bien mener cette recherche, il est
opportun de suivre le plan suivant :
Dans une première partie nous allons aborder Société en crise : Le recours à l’administration
provisoire et dans une seconde partie La fonction d’administrateur provisoire.

2
Dahir (9 ramadan 1331) formant Code des obligations et des contrats (B.O. 12
septembre 1913)
5
PARTIE 1
Société en crise : Le recours à l’administration provisoire

Dans le monde des affaires, il arrive parfois que des sociétés se trouvent
confrontées à des crises aiguës, mettant en péril leur stabilité financière et
opérationnelle. Face à de telles situations, l'administration provisoire émerge en
tant que procédure d'exception, offrant une approche juridique et
organisationnelle pour remédier aux difficultés rencontrées par ces entités.
Dans cette optique, on va parler dans cette partie, d’abord, de l’administration
provisoire comme procédure d’exception (chapitre 1) Enfin, nous nous penchons
sur la compétence de nomination de l’administrateur provisoire (chapitre 2).

6
Chapitre 1 : L’administration provisoire comme procédure d’exception

D’abord, on va entamer les conditions de mise en place de la procédure de l’administration


provisoire (section 1) et, ensuite, la procédure de demande et fin de la désignation d’un
administrateur provisoire (section 2).
Section 1 : Conditions de mise en place de la procédure de l’administration provisoire
L’administration provisoire est une procédure exceptionnelle, elle n’est ni prévue ni
organisée par la loi. Il s’agit d’une pure construction prétorienne, témoignage du pouvoir
légitime du juge de s’immiscer dans la gestion de la société lorsque la survie de celle-ci est
en cause.3 La nomination d'un administrateur provisoire ne se conçoit qu'en cas de crise
grave mettant en péril la survie même de la société. Elle relève en cela de l'assistance à
personne en danger. Par-delà les intérêts égoïstes des protagonistes, le juge se fonde sur
l'intérêt social. Aussi bien ne désignera-t-il un administrateur provisoire qu'à la double
condition d'une paralysie des organes sociaux et d'un péril imminent.
1° La paralysie des organes sociaux
La nomination d'un administrateur provisoire est clairement justifiée en cas de
dysfonctionnement des organes sociaux. Prenez par exemple une société anonyme où tous
les administrateurs, y compris le président, ont démissionné ou ont été révoqués. Les
actionnaires, divisés en deux groupes rivaux, ne parviennent pas à se mettre d'accord sur les
remplaçants, laissant la société sans direction. Dans de telles situations, la nomination d'un
administrateur provisoire devient une nécessité évidente. Une autre circonstance qui justifie
cette mesure est la paralysie des organes en raison de conflits internes, comme c'est le cas
lorsque des administrateurs perturbent délibérément le fonctionnement normal de la société,
compromettant ainsi sa survie. 4 Dans ce cadre « la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt
au 28 janvier 2009 , en vertu duquel un administrateur provisoire avait été désigné car il
fallait examiner les conditions dans lesquelles un GIE pouvait s’acquitter du montant des
condamnations mises à sa charge aux termes d’un jugement et les cas échéant convoquer,
l’assemblée des membres du GIE afin de faire voter la dissolution avec liquidation dudit
groupement. Cependant, avec la décision de la chambre commerciale du 29 septembre 2009,
les juges avaient mis en avant le caractère prospère de la société pour refuser la désignation
d’un administrateur provisoire. De ce fait, on pourra déduire que la situation financière d’une
société est prise en considération par les juges, une société en situation dégradée pourra
bénéficier de la nomination d’un administrateur provisoire plus facilement
Cependant, il est important de noter que les dissensions entre les associés, même si elles sont
très graves, ne justifient pas automatiquement la nomination d'un administrateur provisoire
tant que les organes sociaux continuent de fonctionner normalement. Le rôle du juge dans de
telles situations est de laisser les mécanismes sociaux opérer sans intervention, sauf si

3
G. BOLARD, Administration provisoire et mandat ad hoc : JCP E 1995, 1, 509.
4
Cass. Com., 26 avr. 1982 : Rev. Sociétés 1984, P. 93, note J. -L. SIBON.
7
l'intérêt social est sérieusement menacé. Il convient de nuancer cette approche, car certains
juges du fond peuvent accéder à la demande des minoritaires pour un administrateur
provisoire, même en l'absence de paralysie des organes, si l'intérêt social est gravement
compromis, ce qui constitue une mesure exceptionnelle en principe.
2° Le péril imminent
C'est seulement lorsque la société est exposée à un péril certain et imminent que le juge
accepte d'intervenir au nom de l'intérêt social. Si le risque évoqué est simplement éventuel, la
demande n'est pas bien fondée. La situation est plus embarrassante lorsque le préjudice, sans
être actuel, risque de se réaliser si aucune mesure d'urgence n'est prise. Certains tribunaux
acceptent de désigner un administrateur provisoire à titre préventif pour conjurer un péril
futur, par exemple les graves conséquences que l'annulation prévisible de la désignation des
gérants ne manquerait pas d'entraîner pour la société.5
D’ailleurs, la jurisprudence marocaine ne permet la désignation d’un administrateur
provisoire qu’en cas de divergence grave entre les dirigeants et avec la seule mission de
réunir les associés pour la nomination de nouveaux dirigeants, comme a prononcé
la chambre commerciale de la cour de cassation marocaine, dans un arrêt rendu le 28
mars 20016 , en vertu duquel la cour de cassation a cassé un arrêt rendu par la cour d’appel
de Casablanca et qui a désigné un « gérant provisoire » d’une société anonyme pour un
simple conflit entre deux groupes d’actionnaires, de ce fait, un administrateur provisoire ne
peut être désigné que lorsqu’il y a un différend grave opposant les membres du conseil
d’administration, et sa mission serait exclusivement, assurer la convocation de l’assemblée
générale pour l’élection de nouveaux membres du conseil d’administration. Ainsi, la décision
du tribunal de première instance désignant l’administrateur provisoire, et qui a été modifiée
par l’arrêt de la cour d’appel de Casablanca, en limitant sa mission à la supervision de la
gestion et l’administration jusqu’à désignation de nouveaux dirigeants, la décision ainsi est
une ordonnance sans fondement légalement valable.
Section 2 : La procédure de demande et fin de la désignation d’un administrateur
Provisoire
La demande est présentée devant le tribunal, le plus souvent par la voie du référé en raison
de l'urgence (V. infra, n° 348). N'étant pas attitrée, l'action est ouverte à toute personne se
prévalant d'un intérêt légitime (NCPC, art. 31). Les associés minoritaires sont les
demandeurs naturels ; les dirigeants, notamment lorsqu'ils viennent d'être révoqués, peuvent
également présenter une demande, ou encore les administrateurs d'une SA s'ils estiment que
les informations dont ils disposent sont insuffisantes. Dans des situations exceptionnelles,
surtout en cas d'inertie des associés, l'initiative peut être prise, sous réserve qu'un intérêt
légitime soit démontré, par le commissaire aux comptes, le comité d'entreprise, voire un
créancier7. Enfin, l’administrateur provisoire nommé pour régler les situations qui sont la
5
Cass. com., 17 janv. 1989 : Bull. Joly 1989, p. 321, note J.-J. DAIGRE
6
Arrêt n°655, rendu par la Cour de cassation marocaine, chambre commerciale.
7
Cass. com., 14 févr. 1989 : JCP E 1989, l1, 15517, n° 2, obs. A. VIANDIER et J.-J. CAUSSAIN.
8
conséquence de sa désignation, ne peut pas lui-même décider la fin de son engagement mais
la décision appartient à l’autorité qui est à l’origine de sa nomination.8 Ainsi deux situations
cessent l’intervention de l’administrateur provisoire :
La première situation est celle ou l’administrateur provisoire a mené à bien sa mission qui se
finit dès lors que la société retrouve un fonctionnement normal et c’est par une décision
judiciaire qu’est prononcée la fin de la mission de celui-ci.9
La deuxième situation concerne aussi bien la nature que la durée de la mission ainsi
déterminée par le dispositif de l’ordonnance ou du jugement qui a commis l’administrateur
provisoire.10
Lorsque ces deux situations s’expriment, l’administrateur provisoire cesse d’être le
représentant légal de la société.

8
Cass, 1ère civ, 10/06/1986, °84-13.673
9
Cass.com,26/02/1985, N°83-14.689
10
Cass. Com. 23/03/1966
9
Chapitre 2 : Compétence de nomination de l’administrateur provisoire

Dans ce chapitre on va parler, d’abord, de qui peut être nommé administrateur provisoire ?
(Section 1). Enfin, nous nous penchons sur qui peut nommer cet administrateur provisoire ?

Section 1 : Qui peut être nommé administrateur provisoire ?

En droit français, les postulants ou les désignés judiciaires de la fonction d’administrateurs


provisoires peuvent être soit des avocats, soit des curateurs ou encore des réviseurs
d’entreprises.
Un collègue de la société qui se trouve en difficulté, peut aussi bien être désigné
administrateur provisoire par les tribunaux si la taille et l’importance de la société le requiert.

Section 2 : Qui peut nommer cet administrateur provisoire ?


Etant donné le caractère exceptionnel de la désignation de l’administrateur provisoire, celle-
ci est jugée indispensable pour la bonne gestion de la société en difficulté. Donc la nécessité
et l’intérêt de la désignation de l’administrateur provisoire sont primordiales. Ainsi la
désignation de celui-ci ne peut-être que judiciaire et cela relève de la compétence des juges
de référés qui procèdent à la nomination de l’administrateur provisoire et ce, selon l’article
L811-1 qui stipule que « Les administrateurs provisoires sont les mandataires, personnes
physiques ou morales chargés par décision de justice d'administrer les biens d'autrui ou
d'exercer des fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion de ces biens. »11

11
Article L811-1 du code de commerce français
10
PARTIE 2
La fonction d’administrateur provisoire

Au cœur du système de tutelle judiciaire réside la fonction cruciale de l'administrateur


provisoire, dont les missions et pouvoirs constituent le fil conducteur du premier chapitre de
cette étude approfondie. Dans la première section, nous explorerons en détail les missions
spécifiques confiées à l'administrateur provisoire, dévoilant ainsi les responsabilités clés qui
lui incombent au sein de ce cadre juridique complexe. La deuxième section se penchera sur
les pouvoirs dont est investi l'administrateur provisoire, offrant une perspective éclairée sur
les leviers qui guident son action. Cette première incursion dans les missions et pouvoirs de
l'administrateur provisoire vise à établir une base solide pour la compréhension de son rôle
central au sein du dispositif de tutelle judiciaire.
Le deuxième chapitre approfondit notre exploration en examinant la position particulière de
l'administrateur provisoire au sein de la communauté des tuteurs judiciaires. La première
section jette un regard comparatif sur l'administrateur provisoire et les autres acteurs
impliqués dans la tutelle, mettant en relief les nuances et distinctions essentielles. La
deuxième section se concentre sur les responsabilités spécifiques qui pèsent sur
l'administrateur provisoire pendant l'exercice de ses missions, éclairant ainsi les défis et les
obligations particuliers qui jalonnent son parcours. À travers cette analyse approfondie, ce
chapitre vise à offrir une perspective holistique sur le rôle de l'administrateur provisoire dans
le panorama complexe des tuteurs judiciaires.

11
Chapitre 1 : Les missions et pouvoirs de l’administrateur provisoire

D’abord on va entamer les missions de l’administrateur provisoire (Section 1) et, ensuite, les
pouvoirs de l’administrateur provisoire (Section 2).

Section 1 : Les missions de l’administrateur provisoire


Le choix de l'administrateur provisoire se fait généralement parmi les mandataires judiciaires
intervenant dans les procédures de redressement et de liquidation judiciaires. En tant
qu'organe de gestion nouvellement instaurée, sa nomination doit être rendue publique au
registre du commerce et des sociétés.
L'administrateur provisoire va se substituer temporairement en tout ou partie aux dirigeants
en place. La décision du juge définit en principe l’étendue de sa mission. Il appartient à
l'administrateur désigné de prendre d'urgence les mesures nécessaires pour conjurer les
dangers menaçant la société. Il doit également s'occuper de la gestion quotidienne, ce qui
englobe à l'évidence les actes conservatoires. Mais peut-il prendre des actes de disposition
engageant l'avenir de la société ? Tout dépend de ce que commande l'intérêt social. Un
administrateur peut par exemple donner le fonds de commerce de la société en location-
gérance dès lors que cette situation permettrait de résorber le passif social et de faire face aux
échéances. On peut aller plus loin et admettre que l'administrateur judiciaire soit investi de
tous les pouvoirs conférés par la loi aux organes de direction.12 De ce fait il existe une
multitude de missions qui peuvent être réalisés par un administrateur, à savoir :
-Dresser un inventaire des biens ;
-La convocation d’une assemblée générale ;
-Utiliser un droit de veto réservé aux mandataires de justice
Ce sont tous des exemples de missions démontrant la capacité de l’administrateur provisoire
d’assurer d’une façon effective et temporaire la gestion de la société dans le seul but de
dénouer la crise. Généralement, les missions de l’administrateur peuvent comporter des
implications techniques, liées à l’objet social. D’une manière générale, si l’administrateur
provisoire a besoin d’effectuer des actes de disposition, il doit obligatoirement avoir
l’autorisation du président du tribunal, en argumentant la nécessité de l’acte, par le degré de
l’urgence et la préservation de l’intérêt social commun. Dans ce cadre, la chambre
commerciale de la Cour de cassation a jugé en ce sens, à travers un arrêt du 8
novembre 2016, que la réalisation nécessaire des actifs de la société dans le but d’assainir la
situation financière de la société, était conforme à l’intérêt social, et que cela peut entrer dans
les missions de l’administrateur provisoire. Bien souvent, sa première est de convoquer une

12
M.COZIAN, A. VIANDIER, F. DEBOISSY, Droit des sociétés, LexisNexis, 24ème édition, 2011.
12
assemblée générale de la société, pour faire le point et de déterminer les conditions dans
lesquelles la société doit poursuivre son activité, de ce fait, le tuteur est tenu de gérer les
affaires de la société en bon père de la famille. Cependant, il faut noter que certains actes ne
peuvent être conclus par l’administrateur provisoire ou ils peuvent engager sa responsabilité.
On cite ainsi l’exemple des statuts d’une société prévoyant une clause d’agrément, dans ce
cas le mandataire n’a pas le droit d’agréer de nouveaux actionnaires. C’est aussi le cas de la
présentation du bilan de la société, l’administrateur provisoire doit obligatoirement prendre
des précautions (telle l’audition des anciens dirigeants, consultation des actionnaires…). Il
faut aussi noter que l’administrateur provisoire peut se voir confier une mission déterminée,
qui pourra être strictement limitée à la recherche d’un accord entre les associés ou à la
vérification des statuts et leurs modalités.13
En revanche, il ne saurait prendre des décisions qui relèveraient de la compétence des
assemblées, dissoudre la société par exemple.

Section 2 : Les pouvoirs de l’administrateur provisoire


C'est l'ordonnance de nomination qui fixe les pouvoirs de l'administrateur provisoire. Il peut
théoriquement être investi de tous les pouvoirs conférés par la loi à un dirigeant social 14.
Dans la pratique, sa mission n'excède pas les actes conservatoires ou d'administration
courante. Il doit se faire autoriser expressément par le juge pour des engagements importants
ou pour des actes de disposition. Quels que soient les pouvoirs qui sont conférés à
l'administrateur provisoire, sa nomination dessaisit les dirigeants en fonction 15 qui ne sont
plus habilités à engager ou à représenter la société.
L'administrateur provisoire répond civilement 16 et pénalement17de ses actes dans les mêmes
conditions qu'un mandataire social tant à l'égard de la société qu'à l'égard des associés et des
tiers.
Par ailleurs, le wali de Bank Al Maghrib peut, à titre de mesure disciplinaire, désigner un
administrateur provisoire pour assurer la gestion d'établissement de crédit (L. 103-12, art.
178).

13
www.useyourlaw.com
14
Cass. com. 6 mai 1986, Rev. soc. 1987, 286, note Y. Guyon.
15
Cass. 3° civ., 25 oct. 2006, D. 2006, 2792, note A. Lienhard ; Bull. Joly 2007, 274, note F.-X. Lucas.
16
Paris 12 sept. 1989, RTD civ. 1990, 275, obs. J. Mestre ; RTD com. 1990, 112, obs. J.-P. Hachl.
17
Cass. crim., 22 sept. 2010, Rev, soc. 2011, 15, note B. Bouloc; Bull. Joly 2011, 12, note B. Dondero.

13
Chapitre 2 : La position de l’administrateur provisoire parmi les tuteurs judiciaires

Dans ce chapitre on va parler, d’abord, de l’administrateur provisoire et autres tuteurs


judiciaires (Section 1) et, ensuite, des responsabilités de cet administrateur provisoire lors de
l’exercice de ses missions (Section 2).

Section 1 : Administrateur provisoire et autres tuteurs judiciaires


L’intérêt social peut commander l’intervention du juge. 18 Cette intervention peut se traduire
par la nomination d’un expert en gestion, d’un séquestre, d’un expert en gestion, d’un
enquêteur-conciliateur ou d’un contrôleur de gestion.
Cependant, la nomination de l’un de ces intervenants dépend entièrement de la gravité de la
situation de la société. Il serait bénéfique d'explorer les distinctions entre ces tuteurs
judiciaires.
1. Séquestre
En cas de conflit entre associés, le juge peut mettre sous-main de justice les parts ou les
actions litigieuses sur le fondement de l'article 819 du DOC. 19Le séquestre ne peut être
ordonné que si cette mesure revêt un caractère conservatoire et urgent 20 Cette mesure interdit
toute transaction sur ces parts ou actions jusqu'au règlement du litige. Elle permet de bloquer
une opération de restructuration pendant le déroulement de la procédure au fond.
2. Expertise de gestion
Elle trouve son fondement général dans les dispositions de l'article 149 du Code de
procédure civile qui permet au juge des référés d'ordonner une expertise à la demande de tout
intéressé afin de conserver ou d'établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait
dépendre la solution d'un litige. Le nouveau droit ses sociétés a institué une expertise de
minorité qui permet à un ou plusieurs associés représentant une certaine quotité du capital (le
quart dans la société à responsabilité limitée et 10 % dans la société anonyme) de demander
au président du tribunal la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un
rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion (L. 5-96, art. 82 et L. 17-95, art. 157)21
3. Enquêteur-conciliateur
Lorsque, malgré une crise, le juge estime que les conditions de nomination d'un
administrateur provisoire ne sont pas réunies, par exemple parce que les organes sociaux
fonctionnent normalement, il n'hésite pas à désigner un mandataire ad hoc, qualifié

18
Mohammed El Mernissi, Traité marocain de droit des sociétés, LexisNexis, 2019 P.71
19
Il (le séquestre) peut être fait, du consentement des parties intéressées, à une personne dont elles sont convenues entre elles,
ou ordonné par le juge, dans les cas déterminés par la loi de procédure.
20
Rabat 22 mars 1963, RACAR XXIII, 153.
21
V.infra n°1530 et s.
14
d'enquêteur-conciliateur, qui sera chargé d'enquêter sur les causes du conflit, de proposer des
remèdes et, si possible, de concilier les protagonistes. Le juge se fait ainsi juge de paix des
affaires sociales 22. Et ce, dans le cadre d’un arrêt rendu le 7 mars 1990 par la cour
d’appel de Paris, a qualifié le juge ordonnant cette mesure d’un juge de paix des affaires
sociales.
4. Contrôleur de gestion
Il est des cas dans lesquels les conditions de nomination d'un administrateur provisoire ne
sont pas réunies, mais le juge estime opportun de mettre en place une mesure d'information
pour sauvegarder les droits du demandeur ; il désigne alors un observateur ou contrôleur de
gestion. La solution apparaît dans un arrêt de la Cour de cassation de 1972 23. En l'espèce, un
ancien actionnaire, après avoir vendu ses titres sous condition que la pérennité de la société
soit assurée, avait obtenu la nomination d'un contrôleur de gestion ayant pour mission de
veiller à ce que la gestion des cessionnaires n'entraîne pas la liquidation de la société avant
qu'il ne soit statué sur la résolution de la vente. Il est désormais régulièrement fait application
de cette jurisprudence. L'observateur ne gère pas, il regarde et écoute. Son rôle est en
quelque sorte celui d'un « casque bleu ». Voici quelques exemples de missions dévolues à
l'observateur de gestion :
- assister aux délibérations des organes sociaux ;
- faire connaître aux créanciers tous actes qui seraient susceptibles de compromettre la valeur
des actions nanties
- faire rapport au tribunal des manquements aux injonctions ordonnées par celui-ci ;
- surveiller la régularité et l'effectivité des actes accomplis par le gérant.
Section 2 : Les responsabilités de cet administrateur provisoire lors de l’exercice de ses
Missions
L’administrateur provisoire a la même qualité d’un mandataire social, il encourt les même
responsabilités civiles et pénales que les autres dirigeants de la société. Ainsi, en cas de
manquements à l’une de ses obligations, tel est le cas d’une faute de gestion, il sera
responsable des conséquences et des préjudices dérivant de la faute. Il encourt des
responsabilités à l’égard de la société, des actionnaires ou des tiers.
C’est un tuteur judiciaire qui exerce ses fonctions dans la limite de l’objet et de l’intérêt
social, ainsi, il est dans l’incapacité de prendre des mesures qui ne sont pas justifiées par
l’intérêt social 34. Les décisions jurisprudentielles ont démontré à plusieurs reprises que
l’administrateur provisoire est tenu des responsabilités et obligations qui incombent à un
mandataire salarié, il pourra être pénalement complice de l’infraction d’abus de biens
sociaux, allant plus loin, la Cour de cassation a précisé à travers un arrêt rendu le 10 janvier
1977 que l’activité d’un administrateur provisoire peut donner lieu à une expertise de gestion
22
CA Paris, 7 mars 1990, Pétrossian : Rev. sociétés 1990, p. 256.
23
Cass. com., 10 janv. 1972 : JCP 1972, II, 17134, note Y. GUYON.
15
35. On pourra mentionner comme exemple courant, la responsabilité de l’administrateur
provisoire. Dans ce cadre, les actionnaires mis sous l’administration provisoire, ne perdent
pas leur droit à l’information 36. L’administrateur est ainsi obligé de l’informé
régulièrement des mesures de gestion et de demander leurs avis lorsque la mesure requiert
l’accord de l’unanimité des sociétaires. Concernant la responsabilité de l’administrateur
provisoire des actes et obligations des actionnaires, le principe est que le mandataire est
obligé seulement vis-à-vis de son mandat, il ne repondéra que des actes accomplis par lui au
cours de l’exercice de sa mission. De ce fait les actionnaires ou les sociétaires peuvent
difficilement contraindre l’administrateur dans ses pouvoirs de gestion, or, ils peuvent
toujours se défendre contre tout abus, s’ils parviennent à prouver que l’intérêt social a été
menacé. Ainsi, les agissements de l’administrateur peuvent faire engager sa responsabilité
civile délictuelle pour les griefs causés par sa mauvaise gestion, comme il pourra engager sa
responsabilité pénale s’il est coupable de prévarication 37. La rémunération de
l’administrateur provisoire est fixée par le juge. Elle est calculée en fonction de l’étendue
de ses diligences ainsi que la taille de la société, les associés et les actionnaires de la société
à travers un commun accord ou le juge lui-même, fixe la valeur de la rémunération en se
fondant sur le taux horaire assorti d’honoraires sur résultats. En ce qui concerne l’organe qui
s’occupe du paiement de la rémunération, c’est normalement la société qui prend en charge
les honoraires. Cependant, ils peuvent aussi être payé par le dirigeant dont l’activité fautive a
causé la crise de la société, entrainant ainsi la nomination de l’administrateur provisoire. Et
c’est au juge de désigné la personne ou l’entité qui sera en charge du paiement
C'est un tuteur judiciaire qui exerce ses fonctions dans les limites définies par l'objet et
l'intérêt social. Par conséquent, il est incapable de prendre des mesures qui ne sont pas
justifiées par l'intérêt social. 24 Les décisions jurisprudentielles ont confirmé à plusieurs
reprises que l'administrateur provisoire assume les responsabilités et obligations d'un
mandataire salarié. Il peut être pénalement complice de l'infraction d'abus de biens sociaux,
et la Cour de cassation a précisé, par un arrêt du 10 janvier 1977, que l'activité de
l'administrateur provisoire peut faire l'objet d'une expertise de gestion. 25
Un exemple courant de responsabilité de l'administrateur provisoire concerne la situation où
les actionnaires placés sous l'administration provisoire ne perdent pas leur droit à
l'information. 26 L'administrateur est donc tenu de les informer régulièrement des mesures de
gestion et de solliciter leurs avis lorsque la mesure nécessite l'accord unanime des
sociétaires. En ce qui concerne la responsabilité de l'administrateur provisoire à l'égard des
actes et obligations des actionnaires, le principe est qu'il est responsable uniquement vis-à-
vis de son mandat et répond uniquement des actes accomplis pendant l'exercice de sa
mission.
Bien que les actionnaires ou sociétaires aient une influence limitée sur les pouvoirs de
gestion de l'administrateur, ils peuvent se défendre contre tout abus en prouvant une menace

24
Ce qui l’interdit d’agir pour le compte des intérêts catégoriels.
25
M. GERMAIN, V. MAGNIER, Traité de droit des affaires : tome 2 : les sociétés commerciales. L.G.D.J, 20ème édition.
26
Ils peuvent l’exercer directement en assemblée générale ou indirectement par lettre écrite adressée à l’administrateur.
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à l'intérêt social. Les agissements de l'administrateur peuvent ainsi engager sa responsabilité
civile délictuelle en cas de griefs causés par une mauvaise gestion, et sa responsabilité pénale
s'il est coupable de prévarication. 27
La rémunération de l'administrateur provisoire est fixée par le juge, calculée en fonction de
l'étendue de ses diligences et de la taille de la société. Les associés et actionnaires peuvent
convenir d'un accord ou le juge peut fixer la valeur de la rémunération en se basant sur un
taux horaire assorti d'honoraires sur résultats. Normalement, la société prend en charge les
honoraires, mais ils peuvent également être payés par le dirigeant responsable de la crise de
la société, entraînant la nomination de l'administrateur provisoire. Le juge est chargé de
désigner la personne ou l'entité responsable du paiement.

27
La prévarication : est un grave manquement d’un fonctionnaire, aux devoirs de sa charge, d’un abus.
17
CONCLUSION GENERALE

La nomination d'un administrateur provisoire répond à des impératifs découlant de


circonstances exceptionnelles auxquelles une entreprise est confrontée, généralement
induites par une période de crise. Cette mesure peut être perçue comme une contribution au
bien commun de la société. Néanmoins, la désignation d'un administrateur provisoire
comporte des risques, notamment celui de déclencher des conflits entre parties liées à
l'entreprise, en fonction des statuts qui les définissent.
L’administration provisoire est une avancée du doit en général, et du droit français
spécifiquement, qui a pu à travers une pluralité des décisions jurisprudentielles, élargir le
champ d’application de cette mesure. Tandis que la jurisprudence marocaine n’a pas bien
défini la notion d’administration provisoire, elle a également limité les conditions d’accès à
cette dernière.
Le législateur marocain devra prévoir des dispositions encadrant le fonctionnement de cette
procédure, ou au moins enrichir la jurisprudence en la matière.

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BIBLIOGRAPHIE

1-Traités, Manuels et ouvrages généraux :


 El Mernissi (M.)
Traité marocain de droit des sociétés. LEXISNEXIS, 2019
 COZIAN (M.), MAGNIER (V.)
Droit des sociétés, LEXISNEXIS, 24ème édition, 2011
 DIDIER (P.), DIDIER (PH.)
« Droit commercial, Tome 2 : sociétés commerciales ». ECONOMICA, 2011
 GERMAIN (M.), MAGNIER (V.),
Traité de droit des affaires : tome 2 : les sociétés commerciales. L.G.D.J, 20ème
édition, 2011.
2-Ouvrages Spéciaux-Thèses :
 BOLARD (G.)
Administrateur provisoire et mandat ad hoc : JCP E 1995.
 DELPHINE (N.)
Le contrôle de la gestion des sociétés commerciales. Thèse pour l’obtention de
doctorat en droit. Faculté de droit et de science politique de l’Université
D’Aix-Marseille (AMU). 11 décembre 2017.
3-Textes juridiques :
 Dahir (9 ramadan 1331) formant Code des obligations et des contrats (B.O. 12
septembre 1913)
 Article L811-1 du code de commerce français

WEBOGRAPHIE

 DERONCOURT (E.)
L’administrateur provisoire : le bras droit des dirigeants en temps de crise.
12 avril 2021
www.useyourlaw.com consulté le 14/11/2023

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