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Support de cours de

la Fiscalité internationale

Préparé par : M. Jalal AitOuakrim

INTRODUCTION

La mondialisation de l’économie et la concurrence de plus en plus acharnée sur les marchés


poussent les entreprises à chercher à se développer au-delà des frontières des Etats où elles sont
établies. La dimension internationale d’une entreprise peut aller de la simple activité d’exportation
directe ne comportant pas de supports extérieurs dépendants, à la création d’implantations stables à
l’étranger. D’autres entreprises vont plus loin dans leur engagement international et leur
appartenance territoriale s’estompe derrière l’exercice d’activités multiples dans un grand nombre de
pays ; il s’agit des entreprises multinationales.

Face à la diversité des systèmes fiscaux étatiques, les entreprises impliquées dans les affaires
internationales cherchent à mettre en œuvre des stratégies qui leurs permettent, non seulement
d’éviter les obstacles que la juxtaposition des juridictions fiscales dresse à l’encontre de leur
développement, mais aussi de tirer profit des diverses opportunités offertes par les dispositifs fiscaux
des Etats. La minoration de la charge fiscale globale, indicateur de performance et avantage
compétitif de taille, devient ainsi l’une des préoccupations majeures de ces entreprises.

Dans un environnement international, l’entreprise se trouve insérée dans une structure fiscale
spécifique qui comporte principalement trois données : le système fiscal de l’Etat de résidence de
l’entreprise, le système fiscal de l’Etat de la source et enfin les relations, formalisées ou non, entre
ces deux systèmes, c’est-à-dire le mécanisme ou la convention permettant l’articulation des règles de
chaque Etat concerné.
Cette situation est d’autant plus complexe que l’entreprise exerce ses activités dans un nombre élevé
de pays. Ceci, non seulement en raison de la multiplication des juridictions fiscales, mais également
en raison des liens qui relient chacune de ces juridictions aux autres.

 L’environnement fiscal international

L’objet du droit fiscal international est de déterminer les conditions d’imposition des opérations
internationales, c’est-à-dire des opérations faites par un résident d’un Etat sur le territoire d’un autre
Etat ou avec un résident d’un autre Etat. Il a également pour but de fixer les règles relatives à
l’imposition des biens et du capital détenus par un résident d’un Etat sur le territoire d’un autre Etat.
Il n’y a, donc, de question de fiscalité internationale que si une opération ou un bien donnés sont
susceptibles d’être soumis, au moins, à deux souverainetés fiscales distinctes et concurrentes.

1
L’étude de la fiscalité internationale porte sur les problèmes fiscaux soulevés par les activités
ou situations économiques de caractère international et les dispositions adoptées en vue de leur
règlement. Dans cette optique, une large place est réservée à l’ensemble des règles de droit qui ont,
directement ou incidemment, pour objet l’application de l’impôt aux activités ou situations comportant
un élément d’extranéité.

En matière fiscale, chaque Etat conserve son entière souveraineté. Il n’existe pas d’autorité
supérieure capable de limiter leur pouvoir d’imposition. Les seules limites à ce pouvoir sont celles
que les Etats consentent volontairement à s’imposer, soit par voie d’autolimitation, soit par le biais
des conventions fiscales internationales. Plus précisément, il n’existe pas de règles ou de principes
généraux de portée universelle qui transcendent la souveraineté fiscale des Etats. Il n’existe pas un
« ordre fiscal universel », mais des « ordres fiscaux internationaux » axés principalement sur les
conventions fiscales internationales1. Le droit fiscal international est ainsi alimenté par deux sources :
 Le droit interne des Etats dans ses incidences internationales, et qui émane de leur entière
souveraineté ; et
 Les conventions fiscales de non double imposition, lesquelles expriment la volonté des
Etats de limiter leurs propres pouvoirs en matière fiscale.

Par conséquent, l’analyse du régime fiscal applicable aux situations et opérations


internationales suppose, tout d’abord, l’identification des contours de la juridiction fiscale nationale.
La portée de cette juridiction est définie par rapport à l’étendue des pouvoirs fiscaux consacrés par le
droit interne de l’Etat en question et des stipulations des conventions fiscales internationales.

 La territorialité de la règle fiscale

La mise en œuvre des règles fiscales de droit interne trouve son fondement dans le principe
de la souveraineté de l’Etat sur son territoire. Les écrits suivants du Professeur M. Chrétien illustrent
cette conception territorialiste de la compétence étatique : « L’Etat a un territoire propre et une
souveraineté propre. Il jouit de la souveraineté territoriale jusqu’à l’extrême limite de ses frontières
qu’il ferme par des barrières douanières,…. C’est dans sa souveraineté territoriale que l’Etat trouve
l’unique source de son pouvoir d’imposition qui est ainsi illimité. En matière d’impôts, l’Etat jouit d’un
pouvoir absolu au-dedans de son territoire tandis qu’il ne jouit d’aucun pouvoir en dehors de son
territoire sous réserve, bien entendu, des accords internationaux qu’il a contractés ».
La plupart des auteurs considèrent, en effet, que la compétence fiscale étatique est exclusivement
territoriale et affirment, par voie de conséquence, qu’un critère de rattachement entre le sujet ou
l’objet de l’impôt et le territoire de l’Etat est nécessaire pour légitimer le droit de cet Etat d’imposer ce
sujet ou cet objet2. Cette théorie dite « de la compétence » considère, ainsi, que le territoire
représente la sphère de la compétence géographique de l’Etat, le cadre de validité de l’ordre étatique
et l’espace dans lequel un système de règles juridiques est applicable et exécutoire.
1
Habib Ayadi, « Droit fiscal international », Edition CPU Tunis 2001, p 42.
2
Nicolas Melot, « Territorialité et mondialité de l’impôt », Dalloz 2004.

2
Une autre approche de la territorialité de la règle fiscale affirme l’existence d’une compétence
étatique illimitée, au sens où les Etats ne seraient aucunement restreints, en droit tout du moins,
dans la détermination de l’étendue de leur pouvoir d’imposition. Tout au plus, admet-elle, que les
Etats soient limités en fait par les difficultés de recouvrement de l’impôt. Les règles dites
d’imposabilité, et qui ont pour objet de déterminer les biens ou revenus soumis à l’impôt, ne seraient
donc pas nécessairement territoriales.

Dans tous les cas, est-il affirmé que « chaque impôt comporte presque inévitablement, en
fonction de sa nature propre, des règles de rattachement territorial spécifiques » ; règles qui sont
alors dénommées règles de territorialité de l’impôt3.
Par territorialité de l’impôt, on entend l’ensemble des règles de droit interne d’un Etat qui régissent
l’imposition des entreprises résidentes de cet Etat au titre de leurs bénéfices et/ou revenus de source
étrangère, ainsi que l’imposition des non-résidents qui réalisent des bénéfices et/ou des revenus
ayant leur source dans cet Etat. Il s’agit exclusivement des règles de droit interne dont il faut préciser
qu’elles ne s’appliquent, le cas échéant, que sous réserve des conventions fiscales internationales4.

S’agissant de la composition du territoire auquel il est fait référence en matière fiscale, celui-ci
comprend aussi bien le territoire terrestre que les territoires maritime et aérien. Le territoire terrestre
d’un Etat est, en principe, délimité par des frontières précisées dans la plupart des cas par des
conventions bilatérales. La mer territoriale se définit, quant à elle, comme la portion de la mer qui se
trouve au large des côtes de l’Etat5. Enfin, et pour ce qui est du territoire aérien, celui-ci est constitué
par la couche d’atmosphère surplombant le territoire terrestre et la mer territoriale, à l’exception de
l’espace extra-atmosphérique.

Pour l’application de l’impôt aux bénéfices des sociétés, les Etats adoptent soit une conception
territorialiste, soit une conception mondialiste de l’impôt.
La conception territorialiste veut que seuls soient imposables dans un Etat donné, les bénéfices et
revenus réalisés sur le territoire de cet Etat. Le système territorialiste exprime une politique dite de
« neutralité à l’importation » ; politique qui vise à permettre aux sociétés exemptées dans un Etat
d’être en position d’égalité de traitement avec les sociétés domestiques des pays étrangers où elles
vont exercer une activité habituelle.
La conception mondialiste veut, quant à elle, qu’une société résidente d’un Etat soit soumise à l’impôt
dans cet Etat à titre de l’ensemble des bénéfices et revenus que cette société réalise, que ces
bénéfices et revenus aient ou non leur source dans cet Etat. Ce système de mondialité, et par
opposition au système de territorialité, met en œuvre une politique dite de « neutralité à
l’exportation », laquelle politique a pour objectif d’assurer une certaine égalité de traitement fiscal des

3
G. Gest & G. Tixier, « Droit fiscal international », PUF, 1990. Cité par Nicolas Melot, opcité.
4
L’expression « sous réserve » signifie, en général, qu’en cas de contradiction entre une règle de droit interne et une stipulation d’une convention
fiscale internationale, cette dernière doit prévaloir.
5
Pour le Maroc, la mer territoriale est fixée à 12 milles marins (Dahir du 2 mars 1973), en ligne avec ce qui est prévu par la convention de
l’Organisation des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982.

3
sociétés résidentes quelque soit le lieu de leurs investissements, dans l’Etat en question ou à
l’étranger.

Il faut savoir que dans la pratique, ces conceptions « territorialiste » et « mondialiste » de


l’impôt ne reçoivent presque jamais une application stricte. En effet, les systèmes d’imposition
adoptés par les Etats combinent, très souvent, les règles qui découlent de ces deux conceptions afin
de maximiser leurs rentrées d’impôt.

En matière de fiscalité internationale, l’étude de la territorialité d’une loi fiscale permet, d’une
part, de résoudre le problème de la localisation à laquelle se heurte l’application de la dite loi et,
d’autre part, de rechercher si la matière imposable est située ou non sous l’empire de la souveraineté
fiscale d’un Etat donné. En effet, la légalité de tout impôt est déterminée en premier lieu d’après son
application territoriale en conformité avec la législation fiscale de l’Etat (lois internes et conventions
fiscales). Dans le cas contraire, l’impôt est entaché d’illégalité.

 La prise en compte des dispositions des conventions fiscales internationales conclues par
le Maroc

L’application stricte des règles des droits internes des Etats crée des situations de doubles
impositions internationales. Pour cause, les bénéfices de source étrangère d’un résident fiscal étant
le plus souvent imposés non seulement dans l’Etat de sa résidence, mais également dans l’Etat de la
source des dits bénéfices.
Plus clairement, la double imposition internationale apparaît à chaque fois qu’un bénéfice ou un
revenu déterminé, imputable à un contribuable donné, se trouve soumis à l’impôt, au titre d’une
même période, par deux juridictions fiscales nationales ou plus et dans des conditions telles que la
charge fiscale globale supportée par ledit contribuable s’avère supérieure à celle qui résulterait de
l’intervention, dans des conditions de droit commun, d’une seule juridiction fiscale.

La double imposition internationale est préjudiciable à deux niveaux : d’un côté, elle porte
atteinte à la compétitivité des entreprises et fausse, par conséquent, le jeu de la concurrence ; et de
l’autre côté, elle freine le développement des échanges internationaux et la création de richesse.
Les Etats ont, alors, compris que l’élimination de la double imposition internationale ne peut que
produire des effets positifs, tant au niveau des entreprises qu’au niveau de leurs économies
nationales.

Pour éliminer, ou du moins, atténuer les effets de la double imposition internationale, les Etats
peuvent aménager leurs réglementations internes de deux manières : Un Etat de la résidence peut,
par exemple, mettre en place un système de crédit d’impôt en faveur des entreprises locales qui
subissent une imposition à l’étranger. De son côté, un Etat de la source peut décider d’exempter les
bénéfices et revenus des résidents fiscaux étrangers dans le but de les encourager à investir sur son
territoire.

4
Mais, le plus souvent, les Etats préfèrent se lier par des conventions fiscales internationales afin de
combattre ensemble les doubles impositions ; le sacrifice fiscal est alors réciproque. Ces
conventions, pour la plupart bilatérales, sont en effet l’expression d’un compromis fiscal qui porte
essentiellement sur la répartition des droits d’imposer entre l’Etat de la résidence et l’Etat de la
source.

Le développement de réseaux importants de conventions fiscales internationales est assez


récent. Il a concerné dans un premier temps les pays développés, avant de s’étendre dès la fin des
années soixante aux pays en voie de développement à la suite de l’accès de beaucoup de ces pays
à l’indépendance.
En raison des intérêts économiques attachés à l’élimination de la double imposition internationale, le
mouvement conventionnel a connu un grand succès et on peut mettre à son actif le développement
des concepts essentiels de la fiscalité internationale. Ce succès a été également facilité, en grande
partie, par la naissance et le développement des modèles de conventions de l’OCDE et de l’ONU.

Le droit conventionnel, c’est-à-dire le corps des règles issues des conventions fiscales
internationales est très vite devenu une source majeure du droit fiscal international, qui s’ajoute et se
superpose au droit interne des Etats sans, toutefois, s’y substituer. Dans ce contexte, l’étude des
conséquences fiscales d’une opération internationale ne peut être complète sans la prise en compte
des dispositions de ces conventions.

Le droit interne marocain ne contient pas des dispositions spécifiques qui visent l’élimination
unilatérale de la double imposition internationale ; d’où le grand intérêt des conventions fiscales
internationales pour les sociétés soumises à l’impôt au Maroc. Le Maroc a tissé un réseau très
important de conventions fiscales internationales. Les dispositions de ces conventions prévalent sur
les règles de droit interne et elles s’imposent aussi bien aux entreprises qu’à l’administration fiscale.

 La problématique des prix de transfert au Maroc

Il est évident que les entreprises cherchent à tirer profit des diverses opportunités qui leurs
sont offertes par l’environnement fiscal international que constituent les réglementations internes des
Etats combinées aux dispositions des conventions fiscales internationales. De cette volonté
d’optimisation fiscale découlent des choix en matière du mode d’exercice des affaires dans un Etat,
de la localisation géographique des implantations, de la nature de ces implantations (filiales ou
succursales), mais aussi des rôles de ces implantations (production pour un marché local ou pour
l’exportation, holdings, centres de services techniques ou logistiques de groupe, centres de gestion
de trésorerie de groupe, entités spécialisées dans la recherche et développement pour le groupe, …).

Bien que les entreprises soient libres d’opérer les choix qui leurs paraissent les plus favorables
fiscalement parlant, n’en demeure-t-il pas moins que certains montages sont considérés par les Etats
comme des pratiques d’évasion fiscale internationale. Tel est, notamment, le cas des manipulations
frauduleuses des prix des facturations entre entreprises d’un même groupe ou « prix de transfert ».

5
Pour réduire leur charge fiscale globale, les entreprises implantées dans plusieurs pays
peuvent, en effet, être tentées de manipuler leurs prix de transfert de manière à faire échapper une
bonne partie de leurs bénéfices à l’imposition dans les juridictions à taux d’imposition élevés en la
transférant de manière indirecte ou « déguisée » vers les juridictions à fiscalité modérée ou même
nulle. En matière de fiscalité internationale, on parle de « transfert indirect de bénéfices à l’étranger »
ou encore d’« évasion fiscale par les prix ».
Afin de faire obstacle à cette pratique, les Etats introduisent dans leurs réglementations internes, de
même que dans les conventions fiscales internationales qu’ils signent, des dispositions qui leurs
permettent de redresser les bénéfices des entreprises qui auraient frauduleusement manipulé leurs
prix de transfert. Ces dispositions se fondent sur le principe dit « de prix de pleine concurrence » ;
principe qui veut que les résultats fiscaux des entreprises apparentées doivent refléter les bénéfices
que ces entreprises eurent dégagés si elles avaient librement ou pleinement négocié leurs prix.

Si la logique du principe de prix de pleine concurrence est quasi universellement admise, la


mise en œuvre pratique de ce principe demeure cependant problématique. La difficulté réside, en
effet, dans l’évaluation du « juste prix » s’agissant d’une transaction intra-groupe.
Consciente des enjeux que représentent les prix de transfert et de la nécessité de favoriser la fluidité
des échanges commerciaux mondiaux, l’OCDE a entrepris une réflexion de fond sur les flux de
valeurs intra-groupe dans le cadre de sociétés résidentes d’Etats différents. Les travaux de l’OCDE,
élaborés sous forme de recommandations, portent principalement sur l’approche à adopter par les
Etats pour l’appréhension des flux intra-groupe et sur les méthodes de calcul des prix de transfert.
Il faut noter, à ce niveau, que bien qu’ils n’aient aucune force obligatoire, les recommandations de
l’OCDE en matière des prix de transfert constituent néanmoins une référence incontournable tant
pour les administrations fiscales que pour les entreprises multinationales6.

Le législateur marocain n’est pas resté insensible à la problématique des prix de transfert. La
loi relative à l’impôt sur les bénéfices professionnels, entrée en vigueur en 1968, intégrait déjà des
dispositions (article 28) qui visaient à faire échec aux pratiques de l’évasion fiscale internationale par
les prix. Les conventions fiscales internationales signées par le Maroc contiennent également des
dispositions spéciales qui prévoient la rectification des bénéfices des entreprises de groupe au
Maroc, de même que la limitation de bénéfice d’avantages conventionnels divers, lorsqu’il peut être
prouvé que ces entreprises ont procédé à des transferts indirects de bénéfices à l’étranger.

6
Le guide de référence de l’OCDE en la matière est intitulé « Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises
multinationales et des administrations fiscales ».

6
Partie 1 :

L’APPLICATION DE L’IMPOT SUR LES SOCIETES AUX AFFAIRES INTERNATIONALES DES


ENTREPRISES AU MAROC : LE DROIT INTERNE

Les règles de territorialité édictées par une législation fiscale sont les premières dispositions
qui intéressent un investisseur qu’il soit national ou étranger, puisque c’est en vertu de ces règles que
celui-ci serait à même de connaître la compétence d’imposition de ses revenus ou profits par la dite
législation. Seule l’étude de la territorialité d’une loi fiscale permet, en effet, de savoir si une opération
déterminée est située ou non sous l’empire de la souveraineté fiscale d’une autorité donnée.

Pour cerner l’application pratique qui est faite de la règle de territorialité de l’impôt sur les sociétés et
les implications qui en découlent en matière de l’imposition des affaires internationales des sociétés
au Maroc, il est judicieux d’étudier et d’examiner en détail l’ensemble des règles à « vocation
internationale » de droit interne qui sont applicables aux sociétés et ce en faisant la distinction entre :
• les sociétés marocaines exerçant, totalement ou partiellement, une activité à l’étranger ; et
• les sociétés étrangères exerçant, totalement ou partiellement, une activité au Maroc.

I. L'IMPOSITION DES AFFAIRES INTERNATIONALES DES SOCIETES MAROCAINES

Selon le droit interne marocain, une société est dite « marocaine » ou « de droit marocain »
quand elle dispose de son siège social au Maroc. Le siège social dont il s’agit est tel qu’il est fixé par
les statuts.

Une société marocaine peut réaliser des affaires à l’étranger de différentes manières. Elle
peut, notamment, exporter ses produits ou services à l’étranger, acquérir et exploiter des biens
mobiliers ou immobiliers à l’étranger ou encore créer une succursale ou même une filiale à l’étranger.
Pour déterminer l’applicabilité de l’impôt marocain aux bénéfices, produits et revenus que tirent les
sociétés marocaines des affaires qu’elles réalisent à l’étranger, il est nécessaire d’examiner la règle
de territorialité de l’IS pour cerner les critères que la législation marocaine retient pour soumettre ces
sociétés à l’impôt au Maroc.
La notion de la « source » de bénéfice ou de revenu est d’une importance capitale en droit
fiscal international, puisqu’elle implique un critère de rattachement venant légitimer le droit d’imposer
de l’Etat de la source au regard du droit international public7.
Dans l’étude de la territorialité de l’impôt, cette notion de la « source » peut également être
appréhendée dans le sens inverse et servir, ainsi, comme critère d’exclusion de bénéfices ou de
revenus déterminés du champ d’application de l’impôt. C’est cette approche que nous adoptons dans
les développements de ce titre.

7
De façon générale, L’Etat de la « source » désigne l’Etat dans lequel un produit, un bénéfice ou un revenu donné prend naissance.

7
L'imposabilité à l’IS des affaires internationales faites par une société marocaine dépend de la
nature de ces opérations et, dans certains cas, de leur mode d’exécution.
En règle générale, et en application de la règle de territorialité de l’IS aux sociétés résidentes, seuls
échappent à l’imposition au Maroc les bénéfices dits d’entreprise exploitée à l’étranger.

A. Les bénéfices de l’entreprise exploitée à l’étranger

Nous regroupons sous l’appellation des bénéfices de l’entreprise exploitée à l’étranger, les
bénéfices réalisés par une société marocaine dans le cadre soit d’un établissement stable, soit d’un
cycle commercial complet ou encore par l’entremise d’un représentant dépendant à l’étranger.

1 - L’établissement stable à l’étranger

D’une façon générale, les bénéfices qu’une société marocaine réalise dans le cadre d’un
établissement stable à l’étranger ne sont pas soumis à l’IS au Maroc. Mais, il est nécessaire de faire
la distinction entre, d’un côté, les profits propres à un établissement stable et, de l’autre côté, les
bénéfices que l’entreprise marocaine réaliserait en traitant, éventuellement, avec cet établissement.
Le traitement fiscal diffère, en effet, selon qu’on est dans le premier ou dans le deuxième scénario.

La première question qui se pose est alors celle de savoir quand est-ce qu’une entreprise
marocaine est considérée avoir un établissement stable à l’étranger.
Etant donné que le législateur et l’administration fiscale sont restés muets sur ce point, on peut
affirmer que :
• d’un côté, l’entreprise marocaine peut recourir à tout moyen de preuve pour justifier de l’exploitation
d’établissement stable à l’étranger. Exemple : immatriculation dans un pays étranger, contrat de
chantier de travaux, justificatifs des opérations faites à l’étranger,… ; et
• de l’autre côté, en cas de contestation de la part de l’administration, c’est à cette dernière qu’il
appartient de prouver que les bénéfices en question se rattachent à une activité exercée au Maroc.

a - Les bénéfices rattachables à l’activité d’un établissement stable à l’étranger

Il est ici question des bénéfices que génère un établissement stable dans le cadre de son
activité propre. Ces bénéfices échappent totalement à l’imposition au Maroc du seul fait qu’ils ne sont
pas de source marocaine.
La doctrine administrative précise, à égard, que sous réserve de l'application des conventions
fiscales de non-double imposition, les travaux immobiliers et de montage effectués à l'étranger par
une entreprise marocaine ne sont pas imposables au Maroc8.
En parallèle, les charges afférentes à un établissement stable à l’étranger n’ouvrent pas droit à
déduction au niveau de la société mère au Maroc ; la règle de base veut, en effet, que seuls les frais
et charges afférents aux entreprises exploitées au Maroc sont déductibles de l’assiette de l’impôt.

8
Instruction de l’impôt sur les sociétés, Direction générale des impôts 1987, p12.

8
De même, les pertes subies par un établissement stable à l’étranger ne peuvent être prises en
compte pour le calcul de l’impôt au Maroc.
Dès lors, il doit y avoir une séparation claire entre les charges liées à l’établissement stable à
l’étranger et les charges propres à l’activité de la société mère au Maroc : les dépenses exposées au
profit d’un établissement donné doivent être imputées à cet établissement. Il en va ainsi, par
exemple, de la prestation de tenue de comptabilité pour le dit établissement, de la quote-part des
charges de gestion,….Pour ce qui est des frais généraux du siège, ces derniers doivent être répartis
entre le siège et l’établissement stable selon une clef objective (par exemple, le chiffre d’affaires).

Enfin, et pour ce qui est des bénéfices distribués par un établissement stable à sa maison
mère au Maroc, ces bénéfices échappent totalement à l’imposition au Maroc9.

b - Les bénéfices non rattachables à l’activité d’un établissement stable à l’étranger

Les bénéfices qu’une société marocaine réalise à l’étranger, et qui ne sont pas rattachables à
l’activité d’un établissement stable, sont en principe imposables au Maroc.
Ainsi, sont soumises à l’IS au Maroc, les rémunérations qu’une société marocaine perçoit en
contrepartie de prestations rendues à un établissement stable qu’elle a à l’étranger (assistance
technique, tenue de comptabilité, conseil…), de même que les sommes correspondant à la
participation de l’établissement en question aux frais de siège de la société.
Il faut noter, à ce niveau, que l’engagement de frais pour le compte d’un établissement stable ne peut
pas se faire sans contrepartie ; une marge raisonnable doit, en effet, être appliquée et le prix à payer
par l’établissement stable doit être un prix de pleine concurrence.
D’un autre côté, une société marocaine peut réaliser des affaires dans un Etat où elle dispose d’un
établissement stable sans l’intervention de ce dernier. Dans ce cas, les bénéfices et/ou revenus que
la société marocaine réalise sont à appréhender au niveau de l’IS séparément sans considération de
l’existence de l’établissement en question.

2 - Le cycle commercial complet à l’étranger

La doctrine administrative considère que dans le cas où une société marocaine fait une vente
à partir de l’étranger, il ne peut s’agir que d’un cycle complet réalisé à l’étranger non imposable au
Maroc, puisque dans le cas du produit d’origine marocaine, il s’agirait d’une exportation10.

La notion de cycle commercial complet est donc d’une importance capitale car elle permet
d’exclure des bénéfices ou des revenus déterminés du champ d’application de l’IS au Maroc.
Cependant, ni le droit fiscal marocain, ni la doctrine administrative ne donnent une définition de cette
notion.
9
Cette affirmation est valable dans les deux cas de l’existence et de l’absence de convention fiscale applicable.
10
Instruction générale de l’impôt sur les sociétés, DGI, 1987 - page 7.
Dans le projet de circulaire du code général des impôts, on note un petit changement dans l’expression utilisée par l’administration et qui devient
« cycle de production et de commercialisation complet réalisé à l'étranger ». Il paraît que l’introduction du terme « production » a été faite pour
préciser que les opérations de production ne sont pas exclues. Aussi, semble-t-il que le texte final doit mentionner « production et/ou
commercialisation » ; la production et la commercialisation n’étant pas deux conditions cumulatives.

9
a - La notion de cycle commercial complet détachable

La jurisprudence fiscale en France considère que la notion de cycle commercial complet


recouvre une série d’opérations commerciales, artisanales ou industrielles dirigées vers un but
déterminé et dont l’ensemble forme un tout cohérent11.
L’exemple classique de cycle commercial complet est celui de l’achat de marchandises suivi de leur
revente. Mais, il peut s’agir également d’un cycle complet concernant des opérations d’extraction, de
transformation, de lotissement de terrain, de prestations de services, d’opérations financières, dès
lors qu’elles correspondent à l’exercice habituel d’une activité distincte et détachable des autres
activités de l’entreprise concernée.
En effet, la jurisprudence française exige que les opérations qui forment un cycle commercial complet
soient détachables, par leur nature ou leur mode d’exécution, des autres opérations réalisées par
l’entreprise.

Selon la jurisprudence française, doit être considérée comme accomplissant des opérations
formant un cycle commercial complet12 :
• l’entreprise étrangère qui revend en France des marchandises qu’elle y achète sans les
transformer, même si elle n’y possède aucune installation, n’y entretient aucun préposé et qu’elle
conduit les opérations d’achat et de revente depuis son siège situé hors de France ;
• l’agence d’une compagnie de navigation, dirigée par un préposé, n'ayant pas de personnalité
distincte de la sienne et habitué à traiter sur place, au nom de la compagnie, les opérations de fret et
de transport de passagers, en accomplissant toutes les formalités administratives, financières et
comptables nécessaires ;
• la société étrangère ayant pour seule activité en France, en qualité d’armateur, la location d’un
navire restant à quai pour servir au stockage de produits pétroliers.

Dans certains cas, la notion de cycle complet d’opérations a été entendue très largement. Ainsi, il a
été jugé :
• qu’une société qui passe d’une manière habituelle avec un client français des marchés de
fournitures, pour la conclusion desquels elle a élu domicile en France, effectue dans cet Etat un cycle
commercial complet.
• qu’une société étrangère qui faisait fabriquer des spécialités pharmaceutiques en France par une
autre société puis les faisait conditionner à l’étranger et les vendait ensuite en France par un
représentant, effectue un cycle complet d’opérations d’achat, de fabrication et de vente en France.

11
Bruno Gouthière, « Les impôts dans les affaires internationales », Edition Francis Lefebvre 2004 – p 87
12
Habib Ayadi, « Droit fiscal international », Edition CPU Tunis 2001 - p 210 - 211

10
Inversement, le conseil d’Etat a jugé qu’un cycle commercial complet effectué en France par
une société étrangère ne peut impliquer l’assujettissement à l’impôt français quand ce cycle n’est pas
détachable de son activité à l’étranger.
Le caractère « détachable » des opérations est délicat à apprécier. Il convient pour cela de procéder
à une analyse objective des conditions matérielles de réalisation des opérations.
La jurisprudence française estime que ne peuvent être considérées comme ‘détachables’, des
opérations commerciales qui ne sont pas matériellement exécutées en France, mais dont l’intégralité
des tâches et des processus de gestion, de direction et de prise de décision sont faits en France13.

b - L'application de la notion de cycle commercial complet au Maroc

Si l’on veut appliquer la notion de cycle commercial complet tel qu’elle est entendue en France
au cas des sociétés marocaines, on peut dire qu’une société marocaine est susceptible d’échapper à
l’IS au Maroc au titre des bénéfices qu’elle réalise à l’étranger dans le cadre d’un cycle commercial
complet d’opérations, mais uniquement lorsque ces opérations se détachent par leur nature ou leur
mode d’exécution des opérations faites au Maroc.
A contrario, quand les opérations réalisées à l’étranger ne sont pas détachables de celles qui sont
effectuées au Maroc, ni par leur nature, ni par leur mode d’exécution, elles sont imposables au
Maroc. C’est le cas, notamment, des opérations commerciales réalisées matériellement à l’étranger
mais décidées, traitées et contrôlées directement à partir du Maroc.

3 - Les affaires réalisées par l’entremise d’un représentant dépendant à l’étranger

La doctrine administrative marocaine considère comme étant « de source étrangère » et, par
conséquent, non soumis à l’IS au Maroc, les bénéfices qu’une société marocaine réalise à l’étranger
par l’intermédiaire de représentants n’ayant pas de personnalité distincte de cette société. Mais, cette
notion de « représentant n’ayant pas de personnalité distincte » ou de « représentant dépendant »
n’est pas explicitée par l’administration fiscale.

Le principe de base adopté par les conventions fiscales internationales veut que lorsque
l’entreprise d’un Etat14 exerce une activité dans un autre Etat par l’intermédiaire d’un représentant qui
n’est pas doté d’une personnalité professionnelle indépendante de cette entreprise, l’activité en
question est considérée comme constitutive d’établissement stable et, par conséquent, soumise à
l’impôt dans cet autre Etat. Le dit « représentant » est considéré comme le véritable préposé de
l’entreprise et on estime, dès lors, que c’est bien l’entreprise elle-même qui exerce l’activité en
question, directement et personnellement15. Mais, pour que ce principe soit applicable, il ne suffit pas
que le représentant en question soit « dépendant », il faudra en plus prouver que celui-ci jouit de
certains pouvoirs de décision et de gestion.

13
Bruno Gouthière, opcité - p92.
14
En matière de fiscalité internationale, lorsqu’on utilise l’expression « entreprise d’un Etat », on veut désigner l’entreprise résidente de cet Etat.
15
Bruno Gouthière, opcité, p 86.

11
a - La notion de l’agent dépendant

En général, les conventions fiscales précisent qu’une entreprise n'est pas considérée comme
ayant un établissement stable dans un Etat contractant du seul fait qu'elle y exerce son activité par
l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d'un statut
indépendant, mais à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité.
Pour qu’il y ait établissement stable, l’agent doit être « dépendant », c’est-à-dire qu’il doit être placé
sous la subordination juridique et/ou économique de l’entreprise qui l’emploie.
Dans la pratique, l’appréciation de l’indépendance d’un agent est assez délicate. L’essentiel d’exclure
tout rapport de préposé à commettant en indiquant, par exemple, dans le contrat liant cette entreprise
au dit agent ou représentant16 :
- que l’agent en question ne fait pas partie du personnel de l’entreprise ;
- qu’il est rémunéré à la commission et ne perçoit pas de rémunération fixe ;
- qu’il prend lui-même en charge divers frais (exemple des frais de dépôt et de conservation de
brevets, etc.)

Par ailleurs, il faut noter, d’une façon générale, qu’un agent indépendant n’est pas assimilé à
un établissement stable s’il agit effectivement « dans le cadre ordinaire de son activité ».
Cela signifie que si un agent indépendant accomplit des actes qui relèvent de l’activité de l’entreprise
plutôt que de la sienne propre, l’activité exercée par cet agent risque d’être considérée comme
constitutive d’établissement stable pour l’entreprise en question.

b - L'étendue des pouvoirs décisionnels de l’agent dépendant

On doit noter préalablement que l’existence d’un agent dépendant ne constitue pas, à elle
seule, un établissement stable. Pour qu’il y ait établissement stable, il faut aussi que le dit agent
dispose de pouvoirs qui lui permettent de conclure des contrats au nom de l’entreprise et que cet
agent exerce les pouvoirs en question de façon habituelle17.
Les contrats auxquels il est fait référence s’entendent de ceux qui ont trait aux activités propres de
l’entreprise. Ainsi, ne constitue pas un établissement stable l’agent qui n’aurait que le pouvoir
d’engager du personnel pour permettre à l’entreprise d’exercer ses activités ou encore qui serait
simplement autorisé à conclure des contrats n’ayant trait qu’à des opérations internes.
Il en résulte que si une installation permanente est dirigée par un salarié d’une entreprise étrangère
n’ayant aucun pouvoir pour traiter les contrats au nom de l’entreprise, il ne s’agit pas d’établissement
stable. Tel est le cas si, par exemple, le rôle de cette personne consiste uniquement à recueillir des
commandes ou des offres de contrats et à les transmettre au siège de l’entreprise ou encore à
exécuter des tâches matérielles et accessoires pour l’exécution d’un contrat conclu en dehors de son
intervention.

16
Slim Besbes, « Précis de fiscalité internationale », SB édition 2003 – p 69
17
On retrouve le même esprit de cette affirmation dans la doctrine administrative marocaine, laquelle recourt à la notion de « représentant mandaté ».

12
Le modèle de convention de l’ONU ajoute un deuxième critère alternatif : il y a également
établissement stable lorsque l’agent, ne disposant pas du pouvoir de conclure des contrats, conserve
habituellement un stock de marchandises aux fins de livraison pour le compte de l’entreprise.
Il s’agit là d’une présomption irréfragable que l’agent avait le pouvoir de conclure des contrats, même
si ‘officiellement’ il n’est pas doté de cette compétence. Si l’agent chargé de la gestion du dépôt ne
peut délivrer des marchandises de sa propre initiative et ne fait qu’obéir aux ordres de l’entreprise, il
ne constitue pas normalement un établissement stable.

c - Le cas particulier des agents d’assurances

La notion de l’agent dépendant trouve une application particulière dans le cas de l’activité des
assurances. Le critère clef est celui de la perception de primes.
Ainsi, certaines conventions fiscales internationales18 précisent qu’une entreprise d’assurances d’un
Etat contractant est considérée, sauf en matière de réassurance, comme ayant un établissement
stable dans l’autre Etat si elle perçoit des primes sur le territoire de cet Etat ou assure des risques qui
y sont encourus par l’intermédiaire d’une personne autre qu’un agent jouissant d’un statut
indépendant.

Les concepts développés ci-dessus permettent de clarifier la notion de l’agent dépendant pour
l’applicabilité de l’IS aux bénéfices réalisés à l’étranger par sociétés marocaines.
On peut, en effet, conclure des développements qui précèdent qu’une société marocaine n’est pas
soumise à l’IS au Maroc au titre des bénéfices qu’elle réalise à l’étranger par l’entremise d’un
« représentant dépendant », c’est-à-dire quand ledit représentant est placé sous la dépendance
juridique ou économique de cette société et quand, de surcroît, il dispose de pouvoirs suffisamment
étendus pour engager la société.

B. Les revenus et profits tirés de la possession de biens à l’étranger

1 - La règle générale

En règle générale, seuls échappent à l’imposition au Maroc les bénéfices qu’une entreprise
marocaine réalise à l’étranger dans le cadre d’un établissement stable.
Pour précision, l’établissement stable s’entend ici de l’entreprise exploitée à l’étranger entendue au
sens large et inclut, par conséquent, l’exercice des affaires dans le cadre d’un cycle commercial
complet ou par l’entremise d’un représentant dépendant à l’étranger.

Par déduction, tout bénéfice ou revenu qui ne se rattache pas à un établissement stable à
l’étranger est soumis à l’impôt au Maroc. C’est le cas, notamment, des loyers, des dividendes, des
intérêts ou des plus-values reçus de l’étranger ou, plus généralement, des revenus dits « passifs ».
Ainsi, les revenus et/ou les profits qu’une société marocaine tire de la possession de biens mobiliers
ou immobiliers à l’étranger sont soumis à l’IS au Maroc quand ces biens ne font pas partie de l’actif
18
C’est le cas généralement des conventions qui s’inspirent du modèle de convention de l’ONU ; le modèle de convention de l’OCDE ne prévoyant
pas cette règle.

13
d’un établissement stable à l’étranger. Autrement dit, les bénéfices et revenus tirés de biens qui sont
inscrits à l’actif d’une société marocaine, que ces biens soient au Maroc ou à l’étranger, sont
imposables au Maroc19.

Cette règle implique que les frais qu’une société marocaine engage pour l’acquisition, la
gestion et la cession de biens à l’étranger constituent des charges déductibles pour le calcul de
l’impôt au Maroc

2 - Le cas particulier des dividendes reçus de l’étranger

En exception à la règle générale énoncée ci-dessus, il est à noter la particularité suivante


instituée par la loi de finances pour l’année budgétaire 2008. En effet, et depuis le 1er janvier 2008,
les dividendes et autres produits de participation similaires reçus de l’étranger par une société
marocaine bénéficient d’un abattement de 100%20.

Faut-il préciser, à ce niveau, qu’il ne s’agit pas ici d’une exclusion du champ d’application de
l’impôt, mais d’une imposition conjuguée à un abattement.
Aussi, la logique de l’application de l’abattement précité ne peut être étendue aux revenus des titres
de créance ou aux plus-values des titres mobiliers en général.

C. Un régime de faveur pour les entreprises exportatrices

Les bénéfices qui proviennent des opérations d’exportation sont considérés comme des
bénéfices de « source marocaine » et, par conséquent, soumis à l’IS au Maroc.
Mais, afin de promouvoir le secteur de l’exportation, le législateur marocain a prévu un allègement
d’imposition en faveur des entreprises exportatrices.
Ainsi, les entreprises exportatrices de produits ou de services qui réalisent dans l’année un chiffre
d’affaires à l’exportation bénéficient, pour le montant dudit chiffre d’affaires21 :
- de l’exonération totale de l’IS pendant une période de cinq ans consécutifs qui court à compter de
l’exercice au cours duquel la première opération d’exportation a été réalisée ; et
- d’une imposition à un taux réduit au-delà de cette période22.

A noter, à cet égard, que les entreprises minières23 exportatrices ne bénéficient que de l’imposition
au taux réduit précité24.

19
Rappelons que cette règle découle de la position administrative qui considère que ce que le législateur désigne par « biens possédés au Maroc »
sont les biens inscrits à l’actif (dans le patrimoine) d’une société au Maroc.
20
Article 6-I-C-1° du code général des impôts. Cette mesure est intéressante, notamment en considération de circulaire n° 1720 de l’office des
changes qui offre, à toute personne morale marocaine, la possibilité d’investir jusqu’à 30 millions de dirhams par année civile à l’étranger.
21
Article 6-I-B-1° du code général des impôts.
22
Avant le 1er janvier 2008, les entreprises exportatrices bénéficiaient d’une réduction d’impôt de 50% au lieu de l’imposition au taux réduit (17,5%)
au titre de leurs exportations. Le taux normal de l’IS est de 30% à partir du 1/1/2008 au lieu de 35% qui était applicable jusqu’à cette date.
23
Les sociétés minières dont il est question sont celles qui procèdent à l'exploitation ou à la valorisation de substances minérales visées à l'article 2 du
dahir du 9 rejeb 1370 (16 Avril 1951) portant règlement minier au Maroc (B.O. du 18 Mai 1951).
24
Article 6-I-D-1° du code général des impôts.

14
De leur côté, les entreprises exportatrices de métaux de récupération sont exclues du bénéfice des
avantages prévus pour l’export25.

Les avantages fiscaux en matière d’exportation ne s’appliquent qu’à la dernière vente


effectuée et à la dernière prestation de service rendue sur le territoire du Maroc et ayant pour effet
direct et immédiat de réaliser l’exportation elle-même26.
De surcroît, le bénéfice de ces avantages est subordonné à la réunion de plusieurs conditions qui
diffèrent selon qu’il s’agit d’une exportation de produits ou de services.

 Les exportations de produits

Pour les exportations de produits, le bénéfice des avantages précités est subordonné à la
condition que l’entreprise exportatrice puisse justifier de l’exportation desdits produits par la
production des attestations (avis d’exportation) délivrées par l’administration des douanes et impôts
indirects.
Aussi, seul l’exportateur direct des produits peut bénéficier de l’exonération et de la réduction d’impôt
précitées ; les entreprises en amont du processus ne peuvent prétendre au statut d’exportateur27.
En règle générale, les ventes faites à des entreprises installées dans les zones franches
d’exportation ne sont pas considérées comme des « exportations » pour le bénéfice des avantages
précités. Le législateur a, toutefois, prévu les deux exceptions suivantes :
- Depuis le 1/1/2008, les entreprises minières qui vendent leurs produits à des entreprises qui les
exportent après leur valorisation sont éligibles au bénéfice du régime de faveur pour l’export.
- Sans être directement exportatrices, les entreprises, autres que celles exerçant dans le secteur
minier, qui vendent à d’autres entreprises installées dans les plates-formes d’exportation 28 des
produits finis destinés à l’export sans subir aucune transformation ultérieure bénéficient, au titre de
leur chiffre d’affaires réalisé avec lesdites plates-formes, des mêmes avantages fiscaux prévus pour
les entreprises exportatrices. Ces entreprises doivent, toutefois, être en mesure de justifier de
l’exportation ultérieure des dits produits par leurs clients installés dans les plates-formes en
question29.

 Les exportations de services

Le bénéfice des avantages fiscaux prévus pour les entreprises exportatrices dans le cas
d’exportation de services est subordonné à la réunion de deux conditions :

25
Cette exclusion a pris effet à partir du 1/1/2009. Cette modification a été apportée par les dispositions de la loi de finances pour l’année 2009.
26
Article 7-IV° du code général des impôts.
27
Réponses de l’administration fiscale marocaine n° 42 et 43 du 4 février 2003.
28
On entend par plate-forme d’exportation, tout espace fixé par décret devant abriter des entreprises dont l’activité exclusive est l’exportation des
produits finis.
29
Articles 6-I-B-2° et 7-V° du code général des impôts.

15
- d’un côté, la prestation de services en question doit être exploitée ou utilisée à l'étranger 30. Il peut
s’agir de travaux d'étude ou d'expertise, de travaux d'édition et de traitement de textes, de la
réalisation de films publicitaires,… ; et
- de l’autre côté, il faut que le chiffre d’affaires en question soit réalisé en devises. En effet, la société
marocaine exportatrice doit être en mesure de justifier de l’encaissement du prix des prestations en
monnaie étrangère.

II. L'IMPOSITION DES AFFAIRES FAITES AU MAROC PAR LES SOCIETES ETRANGERES

Au regard du droit fiscal marocain, une société est dite « étrangère » quand elle n’a pas son
siège social au Maroc ; on parle aussi de « société non résidente ».

Selon l’administration fiscale marociane, les bénéfices et revenus de « source marocaine »


sont ceux qu’une société étrangère réalise au titre de :
 La possession de biens au Maroc ;
 L’exercice d’une activité au Maroc ;
 La réalisation d’opérations lucratives occasionnelles au Maroc ; ou encore
 Laperception de produits bruts en contrepartie de l’exécution de travaux ou services au profit de
personnes résidentes ou exerçant une activité au Maroc.

A. La filiale marocaine d’une société étrangère

Une société étrangère peut opter pour la création d’une filiale marocaine afin de réaliser des
affaires au Maroc31. Dans ce cas, il est à distinguer entre les bénéfices réalisés par la filiale et les
revenus tirés par la maison mère à l’étranger du fait de sa participation dans cette filiale.

1 - Les bénéfices de la filiale

Une filiale marocaine d’une société étrangère est, par définition, une société de droit marocain
imposable à l’IS dans les conditions de droit commun, sans considération de la nationalité des
actionnaires.
Ainsi, les bénéfices réalisés par cette filiale sont soumis à l’impôt au taux normal, avec possibilité de
bénéfice du régime de faveur en matière des exportations. Et en cas de pertes, il y a paiement d’une
cotisation minimale32.

30
A ce niveau, la preuve de l’exploitation ou de l’utilisation du service à l’étranger incombe à la société marocaine qui prétend au bénéfice des
avantages fiscaux au titre des exportations.
31
Dans ce cas, les capitaux investis par la société étrangère au Maroc (capital social de la filiale) bénéficient, en principe, de la garantie de
rapatriement sous réserve, bien entendu, du respect des formalités prévues à cet effet par la réglementation de changes. Le même principe est valable
pour les apports en compte courant associés ou les prêts accordés à la filiale.
32
La cotisation minimale est due aussi dans le cas où le montant de l’impôt calculé au taux de droit commun (appliqué au résultat fiscal) est inférieur
au montant de la cotisation minimale (celle-ci correspond généralement à 0.5% de la somme du chiffre d’affaires HT et des produits financiers
principalement).
Il y a exonération de la cotisation minimale pendant les 36 premiers mois qui suivent la date du début de l’exploitation. Et la part de la cotisation
minimale qui excède le montant de l’impôt dû donne lieu à crédit d’impôt imputable sur l’impôt des exercices postérieurs selon les modalités et dans
les conditions prévues par la loi (articles 144-I-C et E du CGI).

16
Les déficits fiscaux peuvent être reportés sur les bénéfices éventuels des quatre années qui suivent
l’année de leur constatation. La partie des pertes liée aux dotations aux amortissements des
immobilisations corporelles et incorporelles normalement déductibles est, quant à elle, reportable
indéfiniment.
Outre le régime de droit commun, le législateur fiscal marocain a mis en place des régimes fiscaux
particuliers dont peuvent aussi bénéficier les filiales de sociétés étrangères. Il s’agit, principalement,
du régime des zones franches d’exportation et du régime des places financières offshore.

Dans tous les cas, lorsqu’une société étrangère dispose d’une filiale au Maroc, une attention
particulière doit être accordée aux prix de transfert, c’est-à-dire aux prix des transactions intra-groupe
réalisées par cette filiale. En effet, les prix de ces transactions peuvent être remis en cause par
l’administration fiscale pour ajuster à la hausse la base de calcul de l’impôt (cf. chapitre sur les prix
de transfert).

Il est à noter, également, que dans le but de faire obstacle à la sous-capitalisation des
entreprises au Maroc, le législateur a institué des règles qui visent à limiter la déductibilité fiscale des
intérêts servis aux actionnaires au titre des avances en comptes courants33. Ces règles s’appliquent
également aux filiales marocaines de sociétés étrangères.

Enfin, une filiale peut être dissoute ou liquidée, comme elle peut être transférée à l’étranger.
Dans les deux cas, il s’agirait de la fin d’exploitation d’une société au Maroc.
En matière fiscale, la fin d’exploitation implique l’imposition au Maroc des plus values éventuelles
réalisées sur les éléments de l’actif immobilisé34.

33
La déduction de ces intérêts est soumise à une condition et à deux limitations. D’un côté, il faut que le capital social soit entièrement libéré. De
l’autre côté, le montant portant intérêt ne peut dépasser le montant du capital social, et le taux maximum des intérêts déductibles ne peut excéder un
taux fixé annuellement par arrêté du ministre chargé des Finances (Article 10-II-A-2° du CGI).
34
Avant le 1/1/2009, l’imposition des plus-values se faisait après application d’abattements. Les taux des abattements étaient de 25% lorsque
l’élément de l’actif en question a été exploité par la société pour une durée comprise entre 2 et 4 ans, et de 50% si cette durée était supérieure à 4 ans.

17
2 - Les produits de participation

Les dividendes et les autres produits de participation qu’une filiale marocaine verse,
éventuellement, à sa maison mère à l’étranger sont soumis à la retenue à la source au Maroc au titre
de l’impôt sur les sociétés35.

Il faut préciser, à cet égard, que l’inscription en compte et/ou la mise à disposition valent aussi
paiement. En effet, les dividendes (ou les autres produits de participation) sont considérés acquis aux
actionnaires, et la retenue à la source exigible au Maroc, dès lors que ces dividendes sont mis à la
disposition des actionnaires sans possibilité de rétraction. Le fait générateur de la retenue à la source
est ainsi déterminé par la seule date de la tenue de l’assemblée générale qui décide de la distribution
des dividendes36.
Le taux de l’impôt retenu à la source est actuellement de 10%37 et il s’applique au montant brut des
rémunérations allouées.

Les rémunérations dont il est question ici sont regroupées par le législateur dans la catégorie
des « produits des actions, parts sociales et revenus assimilés ». Ceux-ci comprennent,
notamment38 :
- les dividendes, les intérêts du capital et les autres produits de participation similaires ;
- les sommes distribuées provenant du prélèvement sur les bénéfices pour l’amortissement du capital
ou le rachat d’actions ou de parts sociales des sociétés ;
- le boni de liquidation augmenté des réserves constituées depuis moins de dix (10) ans, même si
elles ont été capitalisées, et diminué de la fraction amortie du capital ayant déjà été taxée… ; et
- les réserves mises en distribution ;
- les bénéfices distribués des établissements de sociétés non résidentes ;
- des distributions, considérées occultes du point de vue fiscal, résultant des redressements des
bases d’imposition des sociétés passibles de l'IS (prix de transfert) ;
- des produits distribués en tant que dividendes par les organismes de placement collectif en valeurs
mobilières ou par les organismes de placements en capital risque ;…

Une société étrangère peut céder, totalement ou partiellement, sa participation dans une filiale
marocaine. Dans ce cas, la plus-value éventuelle que la société étrangère réalise est considérée
fiscalement comme un profit mobilier. La taxation des profits mobiliers est traitée dans la suite des
développements.

35
Article 4-I° du code général des impôts.
36
Voir à ce sujet la réponse de l’administration fiscale n° 88 du 28 février 2005.
37
Article 19-IV°-B du CGI.
38
Article 13 du code général des impôts.

18
B. La possession de biens au Maroc

Une société étrangère est imposable au Maroc en raison des revenus et profits tirés de la
gestion ou de la cession de biens mobiliers et/ou immobiliers qu’elle possède au Maroc, sauf lorsque
les biens dont il s’agit font partie de l’actif d’un établissement stable. Dans ce dernier cas, en effet, les
revenus et profits en question sont soumis à l’IS au niveau dudit établissement et non au niveau de la
société mère non-résidente.
A préciser, à ce niveau, que pour l’application de l’impôt aux sociétés non-résidentes, l’administration
fiscale marocaine considère qu’un bien est possédé au Maroc dès lors que ce bien est situé au
Maroc, et ce même si le bien en question est inscrit à l’actif d’une société à l’étranger39.
La doctrine administrative précise, à cet égard, que les sociétés non établies au Maroc, mais y
disposant de propriétés immobilières, sont imposées au lieu de situation des immeubles qu'elles
possèdent au Maroc ou, en cas de pluralité de lieux d'imposition, au lieu de la propriété immobilière
la plus importante qui pourra être éventuellement désignée par la société elle-même.
En pratique, ces sociétés élisent souvent domicile auprès d'une fiduciaire ou d'un agent immobilier
qu'elles chargent de leurs intérêts au Maroc. Dans ce cas, l'imposition pourrait être assurée au nom
de la société par l'inspecteur du lieu de situation de la fiduciaire ou de l'agent immobilier nommément
désignés40.

1 - Les revenus mobiliers et/ou immobiliers

Les revenus mobiliers et/ou immobiliers de source marocaine réalisés par des sociétés non
résidentes (loyers, revenus de placement à revenu fixe, produits des actions et parts sociales,…)
sont soumis à l’IS au Maroc par voie de retenue à la source41.
Il faut noter, toutefois, que les sociétés étrangères sont exonérées de cette retenue à la source dans
les trois cas suivants :
-Lorsqu’il s’agit de dividendes ou autres produits de participation distribués par des sociétés
installées dans les zones franches d’exportation42.
Mais dans ce cas, l’exonération ne concerne que la quote-part des dividendes liée à l’activité exercée
dans les dites zones franches43.
- Dans le cas des dividendes ou revenus assimilés distribués par les banques offshore, ainsi que des
intérêts et autres produits de placement à revenu fixe servis par ces banques44 ; et enfin
- Lorsqu’il s’agit de dividendes servis par les sociétés holding offshore pour la partie correspondant
aux bénéfices liés aux prestations de services exonérées par la loi45.
39
Rappelons que dans le cas d’une société marocaine, l’administration fiscale raisonne différemment et considère qu’il y a possession au Maroc dès
qu’un bien est inscrit à l’actif de la société marocaine, et ce malgré que le bien en question est situé à l’étranger. L’approche de l’administration n’est
pas symétrique, en effet.
40
Note circulaire de la loi 24-86, 1987, p73. Ces détails sont repris dans le projet de circulaire du code général des impôts.
41
Selon les articles 4-I° et III°, 13 et 15 du code général des impôts.
42
Article 6-I-C-1° code général des impôts.
43
Article 13-II° du code général des impôts, applicable à partir du 1/1/2008.
44
Articles 6-I-C-1° et 6-I-C-2° du code général des impôts.
45
Article 6-I-C-1° du code général des impôts.

19
Dans tous les cas où elle est applicable, la retenue à la source doit être opérée pour le compte
du Trésor par les établissements de crédit, publics et privés, les sociétés et les établissements qui
versent, mettent à la disposition ou inscrivent en compte des sociétés étrangères bénéficiaires les
revenus imposables46.

2 - Les profits mobiliers et/ou immobiliers

Les profits mobiliers et/ou immobiliers (plus-values immobilières ou plus-values de cession de


valeurs mobilières) réalisés par une société étrangère au Maroc sont soumis à l’IS selon le régime de
droit commun.
Le législateur marocain est resté muet quant au sort des moins-values, mais la doctrine
administrative parait considérer que ces moins-values ne peuvent être prises en compte dès lors que
le texte parle de « plus-values » et non pas de « plus-values nettes ».
Il est clair que l’exclusion des moins-values est pénalisante pour les entreprises qui investissement
dans les valeurs mobilières. La position de l’administration est critiquable car contredit les principes
de base de l’application de l’impôt47.

En exception au principe général, bénéficient de l’exonération totale de l’IS au Maroc, les plus-
values réalisées par des sociétés non-résidentes au titre des cessions de valeurs mobilières cotées à
la bourse des valeurs, à l’exclusion des plus-values résultant de la cession des titres des sociétés à
prépondérance immobilière48.
Et à compter du 1er janvier 2007, les sociétés non résidentes qui réalisent des plus-values de cession
de valeurs mobilières au Maroc sont tenues de souscrire leurs déclarations de résultat fiscal au titre
des dites plus-values49. A préciser que les valeurs mobilières dont il est question peuvent être des
titres de capital ou de créance.

C. L’exercice d’une activité au Maroc

Sur le plan fiscal, une société étrangère est réputée exercer une activité au Maroc et, par
conséquent, soumise à l’IS dans les conditions de droit commun dans les deux cas suivants :
 lorsque la société étrangère dispose d’un établissement stable au Maroc ; et / ou

46
Articles 158 et 160 du code général des impôts.
47
Dans le cadre du droit conventionnel, il s’agirait d’une discrimination des sociétés non-résidentes.
48
Article 6-I-A-10° du CGI. La limitation de l’exonération aux plus-values sur les valeurs cotées à la bourse ne s’applique que depuis le 1 er janvier
2006. Et selon l’administration, les dispositions de l’article 164-IV introduites par la loi de finances pour l’année 2010 ne s’appliquent pas aux plus-
values réalisées par les sociétés non résidentes visées à l’article 6-I-1-10° précité.
L’exclusion des plus-values réalisées sur les cessions des titres de sociétés à prépondérance immobilière découle du fait que la loi fiscale marocaine
considère ces titres comme étant des titres immobiliers (et non mobiliers).
49
Articles 20-III° et 170-VIII° du CGI. La déclaration doit être faite dans les 30 jours qui suivent le mois de la cession.
La doctrine administrative considère que les sociétés non résidentes visées à l’article 20-III° sont celles qui n’exercent pas une activité par le biais
d’un établissement au Maroc. Il s’agit essentiellement de sociétés non résidentes qui, à titre occasionnel, effectuent des opérations sur un portefeuille
de valeurs mobilières, de capital ou de créances se rapportant à des sociétés de droit marocain. Ce portefeuille est géré directement par la société non
résidente à partir de l’étranger. Lorsque la société étrangère qui réalise les plus-values est exemptée de l’impôt au Maroc en application d’une
convention fiscale, cette société n’est pas tenue de souscrire la déclaration de résultat fiscal (D’après le projet de circulaire du CGI-version non
définitive).

20
 lorsque la société étrangère réalise au Maroc des opérations qui forment un cycle commercial
complet ou y fait des affaires par l’entremise d’un agent dépendant.
Il faut rappeler, au préalable, qu’en matière de fiscalité internationale, les notions de cycle
commercial complet et de représentant dépendant sont intégrées dans la notion d’établissement
stable entendue au sens large.

Ces deux notions de cycle commercial complet et de représentant dépendant ont été
développées plus haut en traitant des cas de l’exclusion du champ d’application de l’IS au Maroc des
bénéfices réalisés à l’étranger par les sociétés marocaines. Dans le cas que nous étudions, le
raisonnement est exactement le même, sauf qu’il est entendu dans le sens inverse, c’est-à-dire dans
le sens de l’imposition à l’IS marocain des bénéfices faits au Maroc par des sociétés non-résidentes.
Par conséquent, et pour la simplicité de la présentation, nous ne parlerons que d’« établissement
stable » dans la suite des développements.

Pour l’imposition à l’IS au Maroc des bénéfices réalisés par un établissement stable d’une
société étrangère, le législateur fait la distinction entre :
- d’un côté, les bénéfices réalisés par un établissement stable dans le cadre de son activité propre et
sans l’intervention du siège étranger (maison mère) ; et
- de l’autre côté, les bénéfices faits au Maroc par une société étrangère mais non rattachables à
l’activité d’un établissement stable que celle-ci exploite éventuellement au Maroc.

Nous examinons, successivement, les règles d’imposition applicables aux sociétés non résidentes
dans chacun des deux cas précités.

1 - Les bénéfices de l'établissement stable au Maroc

Lorsque l’activité d’une société étrangère est considérée comme constitutive d’établissement
stable au Maroc, cet établissement stable est appréhendé, au niveau de l’impôt, comme une société
de droit marocain. Ainsi, les bénéfices que réalise un établissement stable au Maroc sont soumis à
l’IS dans les conditions de droit commun50.
Le droit fiscal marocain ouvre la possibilité aux sociétés étrangères adjudicataires de marchés de
travaux, de construction ou de montage au Maroc pour opter pour l’imposition à un taux forfaitaire
des dits marchés51. A noter, à cet égard, que les marchés de travaux exécutés par des sociétés
étrangères sont constitutifs d’établissements stables au Maroc en application des règles de droit
interne.

Les profits nets d’impôt dégagés par un établissement stable au Maroc sont traités fiscalement
comme des « produits des actions, parts sociales et revenus assimilés » et sont appréhendés en tant

50
Cette règle générale admet, néanmoins, quelques exceptions que nous étudierons dans la suite des développements.
51
Le régime d’imposition forfaitaire est prévu par l’article 16 du code général des impôts. Ce régime qui comporte plusieurs particularités tant au
niveau de la base d’imposition et du taux de l’impôt qu’au niveau de l’applicabilité de la retenue à la source aux différentes rémunérations liées
auxdits marchés est développé en détail dans la suite de ce chapitre.

21
que tel par l’impôt retenu à la source (branch tax)52. L’établissement stable est, en effet, considéré
comme ‘sujet fiscal’ à part entière, totalement distinct de la société mère à l’étranger53.
Dans la pratique, il est courant que les bénéfices réalisés par un établissement stable ne soient ni
distribués, ni mis en réserve ou en report, mais virés à un compte de liaison. Cette inscription en
compte de liaison vaut paiement pour l’application de l’IS et la retenue à la source précitée devient
exigible.
Il est utile de noter, à ce niveau, que les conventions fiscales internationales peuvent prévoir des
dispositions particulières qui font échapper les bénéfices nets des établissements stables à la
retenue à la source au Maroc54.

2 - La distinction entre les bénéfices de l’établissement stable et les bénéfices de la société


mère à l’étranger

Le principe de base veut que lorsqu’une société étrangère qui dispose d’un établissement
stable au Maroc réalise des bénéfices (ou des produits) imposables au Maroc en dehors du cadre de
l’activité de l’établissement stable en question, ces bénéfices ou revenus ne sont pas appréhendées
par l’impôt au niveau de cet établissement, mais au niveau de la société étrangère elle-même.
A contrario, les bénéfices ou revenus réalisés au Maroc par un établissement stable sans
l’intervention du siège étranger sont à prendre en compte dans la base imposable de cet
établissement55.

Mais, une société étrangère peut réaliser des produits de source marocaine au titre même de
transactions avec un établissement stable qu’elle a au Maroc. Il peut s’agir, notamment, de la
réalisation de prestations de services (exemple de l’assistance technique) pour le compte de
l’établissement stable ; de la facturation de frais de siège ; ou encore de la sous-traitance pour le
compte de l’établissement stable de travaux ou de services ;…
Dans tous ces cas, les rémunérations versées par l’établissement stable à sa maison mère à
l’étranger sont soumises à la retenue à la source au Maroc dans les conditions de droit commun56.

D. La perception de produits bruts de travaux ou de services

Les sociétés étrangères sont soumises à l’IS au Maroc par voie de retenue à la source à
raison des produits bruts qu’elles perçoivent en contrepartie des travaux qu’elles exécutent ou des
services qu’elles rendent pour le compte de personnes physiques ou morales domiciliées ou exerçant
une activité au Maroc57.

52
Articles 4-I et 13-IV du code général des impôts.
53
Si d’un point de vue purement juridique, on ne peut concevoir que la même entité juridique distribue des dividendes à elle-même, en matière
fiscale, toutefois, on occulte cette réalité juridique pour considérer que l’établissement stable dispose d’une personnalité fiscale propre indépendante
de la personnalité fiscale de la maison mère.
54
Article 10-4° des modèles de conventions fiscales internationales.
55
Article 5-II° du code général des impôts.
56
Ces rémunérations rentrent, en effet, dans le cadre des produits bruts de source marocaine perçus par les sociétés étrangères. Ce traitement fiscal a
été confirmé par une réponse de l’administration fiscale en date du 1er mars 2000 (réponse n ° 165).
57
Article 4-III° du code général des impôts.

22
Toutefois, la retenue à la source ne s’applique pas lorsque les travaux sont exécutés ou les services
rendus au Maroc par une succursale ou un établissement au Maroc de la société non résidente sans
l’intervention du siège étranger ; les rémunérations perçues, à ce titre, sont comprises dans le
résultat fiscal de la succursale ou de l'établissement stable en question58.

Les produits bruts, de source marocaine, perçus par les sociétés étrangères et soumis à l’IS
par voie de retenue à la source sont énumérés dans l’article 15 du code général des impôts. Il s’agit :
 des redevances pour usage ou le droit à usage de droits d’auteur sur des œuvres littéraires,
artistiques ou scientifiques y compris les films cinématographiques et de télévision ;
 des redevances pour la concession de licence d’exploitation de brevets, dessins et modèles, plans,
formules et procédés secrets, de marques de fabrique ou de commerce ;
 des rémunérations pour la fourniture d’informations scientifiques, techniques ou autres et pour des
travaux d’études effectués au Maroc ou à l’étranger ;
Sont classées, sous cette rubrique, toutes les prestations aboutissant à un transfert de savoir-faire et
de technologie.
 des rémunérations pour l’assistance technique ou pour la prestation de personnel, mis à la
disposition d’entreprises domiciliées ou exerçant leur activité au Maroc.
 des rémunérations pour l’exploitation, l’organisation ou l’exercice d’activités artistiques ou sportives
et autres rémunérations analogues ;
 des droits de location et des rémunérations analogues versées pour l’usage ou le droit à usage
d’équipements de toute nature ;
 des intérêts de prêts et autres placements à revenu fixe, autres que ceux se rapportant aux prêts
consentis ou garantis par l’Etat, ceux afférents aux dépôts en devises ou en dirhams convertibles,
ceux rémunérant des prêts en devises d’un terme supérieur à 10 ans, et enfin ceux relatifs à des
prêts octroyés en devises par la banque européenne d’investissement dans le cadre des projets
approuvés par le gouvernement ;
Il s’git ici des intérêts servis à des sociétés non résidentes dans le cadre d’un financement extérieur.
Il est à préciser, toutefois, que les intérêts afférents à la mobilisation à l’étranger des créances
provenant des opérations d’exportation ne sont pas considérés comme des intérêts de prêts ou de
placements.
Les intérêts moratoires (ou pénalisations pour paiement tardif) sont, en principe, soumis à la retenue
à la source en application des règles de droit interne, mais les conventions fiscales peuvent ne pas
les inclure de la définition des intérêts59.
 des rémunérations pour le transport routier de personnes ou de marchandises effectué du Maroc
vers l'étranger, pour la partie du prix correspondant au trajet parcouru au Maroc ;
58
D’après les dispositions de l’article 5-II° du code général des impôts. Voir à ce sujet la réponse n° 309 du 04 juillet 2003 émanant de
l’administration fiscale marocaine.
59
Quand ils ne sont pas inclus dans la définition des intérêts dans une convention fiscale internationale, ces intérêts moratoires sont considérés
comme « autres revenus » et sont, par conséquent, soumis à l’impôt dans l’Etat de résidence du bénéficiaire, et à titre exclusif.

23
Dans ce cas, la retenue à la source ne s’applique que sur la partie du prix correspondant au trajet
effectué au Maroc (répartition au prorata de la distance)60.
 des commissions et des honoraires ;
 de rémunérations des prestations de toute nature utilisées au Maroc ou fournies par des personnes
non résidentes.

E. La réalisation d’opérations lucratives occasionnelles au Maroc

Il ne s’agit pas ici de traiter un cas spécifique d’imposition des sociétés étrangères à l’IS au
Maroc, mais de décrire un principe général applicable quelque soit le type de revenu ou de
l’opération génératrice de l’imposition.
Ainsi, pour qu’une opération soit imposable au Maroc, la loi fiscale précise qu’il n’est pas nécessaire
que ladite opération se situe dans le cadre de l’exercice habituel d’une activité ; une transaction,
même occasionnelle, est soumise à l’impôt sur les sociétés dès lors qu’elle revêt un caractère lucratif.
Pour illustrer cette situation, on peut citer le cas de l’imposition des revenus des sociétés étrangères
par voie de retenue à la source. En effet, cette retenue à la source s’applique indépendamment du
fait qu’il peut s’agir d’opérations occasionnelles et limitées dans le temps.

60
Instruction générale de l’impôt sur les sociétés, DGI, 1987 - p 96.

24
PARTIE II : LES CONVENTIONS FISCALES INTERNATIONALES

Pour l’élimination de la double imposition internationale, les Etats se sont orientés vers la
conclusion des conventions fiscales internationales, lesquelles conventions expriment la volonté des
Etats contractants à développer les courants de leurs échanges bilatéraux en concédant une partie
de leurs attributions d’imposition respectives.
Si les conventions fiscales ont initialement vu le jour pour combattre le phénomène de la double
imposition internationale, il faut savoir que les objectifs de ces conventions ont été progressivement
élargis pour inclure, notamment, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales internationales.

A l’heure actuelle, l’étude des conséquences fiscales d’une opération internationale ne peut
être complète sans la prise en compte des dispositions des conventions fiscales internationales.
L’étude du droit conventionnel constitue ainsi la suite logique et nécessaire à l’étude des règles de
droit interne applicables aux affaires internationales des sociétés.

Le réseau conventionnel marocain est constitué d’une trentaine de conventions qui lient le
Maroc à ses principaux partenaires commerciaux d’Europe, d’Amérique du Nord et du monde arabe.

I. LES CARACTERISTIQUES GENERALES DES CONVENTIONS FISCALES INTERNATIONALES

Les conventions fiscales internationales présentent une assez grande homogénéité. Elles
possèdent en général la même structure, recourent à des concepts identiques et mettent en œuvre
des méthodes similaires d’élimination des doubles impositions. Ceci s’explique par le fait qu’elles
s’inspirent, pour la plupart, de modèles communs, qui sont les modèles de conventions de l’OCDE et
de l’ONU.

A. La naissance et le développement des modèles de conventions fiscales de l’OCDE et de


l’ONU

Le début des réflexions sur la fiscalité internationale se situe aux lendemains de la première
guerre mondiale61. C’est, en effet, en 1921 que le comité financier de la société des nations (ancêtre
de l’ONU) a décidé de préparer une étude sur les aspects économiques de la double imposition
internationale. Résultat des travaux, la société des nations a adopté en 1928 le premier modèle de
convention fiscale internationale pour l’élimination des doubles impositions. Cette première
convention « type » a été ensuite modifiée à plusieurs reprises pour laisser apparaître les modèles
dits ‘de Mexico’ de 1943 et ‘de Londres’ de 1946.

61
La littérature fiscale cite généralement la convention franco-belge du 12 août 1843 sur l’assistance administrative, en matière de droits de
succession, comme étant le plus ancien accord fiscal international.

25
De l’autre côté, ce n’est qu’après la deuxième guerre mondiale que le comité des affaires
fiscales de l’OCDE se pencha sur le sujet des conventions de non-double imposition 62. En 1963, un
projet de texte de convention voit le jour. Ce texte est accompagné de commentaires et le conseil de
l’OCDE en recommanda l’utilisation à ses pays membres.
Ce modèle de convention n’a cessé, lui aussi, d’évoluer. Plusieurs versions ont alors vu le jour
successivement en 1963, 1966, 1977, 1983, 1992….
La principale particularité du modèle de convention de l’OCDE par rapport à celui de l’ONU tient au
fait que le premier tend à octroyer davantage de pouvoirs d’imposition à l’Etat de la résidence au
détriment de l’Etat de la source.

Vers le milieu des années soixante, l’ONU a commencé à manifester un regain d’intérêt pour
le problème de la double imposition à la suite de l’accroissement continu du nombre des Etats
membres en développement, issus du mouvement de décolonisation.
Mais, le travail a porté, cette fois, sur l’adaptation du modèle de convention de l’OCDE pour prendre
en considération la situation économique particulière des pays en développement. Ce modèle de
convention a été, par conséquent, repris et revisité à plusieurs niveaux dans le but d’autoriser une
répartition plus équitable des recettes fiscales entre les Etats contractants et, plus spécialement,
entre les pays développés et les pays en développement63.

Il est désormais clair que l’évolution des modèles de conventions fiscales internationales est
motivée par le souci des Etats de préserver leurs recettes fiscales, dès lors que l’élimination ou
l’atténuation de la double imposition internationale s’accompagne forcément par la baisse des
rentrées d’impôt des Etats contractants.
A l’heure actuelle, les modèles de conventions de l’OCDE et de l’ONU constituent la référence
incontournable des négociateurs des conventions fiscales.

Il est utile de noter à ce stade qu’une convention fiscale internationale est un traité liant deux
Etats (certains traités peuvent être multilatéraux) et intéressant tout ou partie de leurs relations
fiscales. Son objet essentiel est d’éviter la double imposition, mais la convention comporte des
clauses visant la protection des contribuables ou établissant une procédure de coopération et
d’assistance administrative.
Dans cet esprit, l’OCDE, dans le modèle révisé en 1992, a supprimé du titre de la convention modèle
la référence à la double imposition, dans la mesure où ces conventions portent non seulement sur
l’élimination de la double imposition, mais également sur d’autres questions, telles que la prévention
de la fraude, la non-discrimination, la protection du contribuable et l’assistance administrative
mutuelle.

B. La structure d’une convention fiscale internationale

62
L'ONU est une instance plus "générale" que l'OCDE. Cette dernière ne regroupe qu’une trentaine de pays, mais elle tente d'influencer la position
de l'ONU pour la rapprocher de la sienne. L’OCDE prend par exemple l'initiative de lancer les débats sur un ordre fiscal international pour influencer
les pays non membres de l'OCDE.
63
Le modèle de convention de l’ONU est même dit « Modèle de convention des Nations Unies concernant les doubles impositions entre pays
développés et pays en développement »

26
Une convention fiscale internationale est un texte juridique composé généralement d’une
trentaine d’articles regroupés sous forme de chapitres. Mais, pour simplifier la présentation, on peut
regrouper les dispositions conventionnelles en quatre grandes parties :
• La première partie que nous qualifions de « préliminaire » contient des dispositions d’ordre général.
Elle couvre le champ d’application de la convention, autrement dit les personnes et les impôts visés
par la dite convention et donne, ensuite, une série de définitions qui clarifient le sens qui est retenu
des termes que la convention emploie, tels que les expressions « société », « résident » ou encore
« établissement stable ».
• La deuxième partie d’une convention fiscale internationale est la plus importante. Dans cette partie,
les Etats contractants fixent leurs compétences d’imposition respectives. Cette répartition des droits
d’imposer se fait revenu par revenu en se référant aux critères de source et de résidence. C’est
également dans cette partie que les méthodes d’élimination des doubles impositions sont précisées.
• Dans la troisième partie, sont regroupées les dispositions dites « spéciales » qui traitent des
principes et des outils qui visent à garantir la bonne application de la convention. C’est le cas de la
règle de non-discrimination, de la procédure amiable pour la résolution des conflits ou de l’échange
de renseignements.
•Enfin, une dernière partie inclut les dispositions « finales » et qui sont les règles convenues en
matière d’entrée en vigueur et de dénonciation de la convention.

C. La distinction entre l’Etat de la source et l’Etat de la résidence

Pour l’application des dispositions conventionnelles, l’expression « Etat de la source » désigne


l’Etat dans lequel un revenu considéré prend naissance :
- soit parce que l’activité génératrice du revenu y est exercée ;
- soit parce que le bien qui produit le revenu en question y est situé ;
- soit parce que le débiteur du revenu y est domicilié.
- soit, enfin, parce qu’un établissement stable y est constitué.

L’Etat de la résidence est l’Etat où le bénéficiaire d’un revenu a son lieu de résidence. Dans le
cas d’une entreprise, c’est l’Etat du lieu du siège social ou le siège de direction effective en cas de
double résidence fiscale64.

La notion de résidence occupe une place importante dans les systèmes fiscaux internes des
Etats. Dans le cadre de conventions fiscales internationales, le critère de la « résidence » constitue le
lien d’attachement pour l’imposition des revenus par défaut et ce dans la mesure où :

64
Selon l’article 4-3° du modèle de convention de l’OCDE.

27
- D’un côté, la convention-type de l’OCDE dans son article 21 pose le principe selon lequel tout
revenu non spécifiquement visé par un article précis de la convention est soumis à l’impôt et, à
titre exclusif, dans l’Etat de résidence du bénéficiaire du revenu en question ; et

- D’un autre côté, même les revenus qui relèvent d’un article spécifique d’une convention fiscale sont
souvent susceptibles d’être rattachés au lieu de résidence.

L'importance de la qualification des revenus en droit conventionnel

Pour connaître le traitement qu’une convention fiscale internationale prévoit pour un revenu
donné, il faut d’abord savoir comment cette convention qualifie le dit revenu. Quatre situations
peuvent, alors, se présenter :

1ère situation : La convention donne une définition précise du revenu en question et l’identification de
la catégorie à laquelle ce revenu appartient est évidente et aisée.
Dans ce cas, l’application du traitement fiscal prévu par la convention à ce revenu ne doit pas poser
de problème.
Il faut noter, toutefois, que la définition conventionnelle d’un revenu donné n’est pas forcément celle
du droit commun et qu’elle peut même s’écarter du sens habituel.

2ème situation : La convention renvoie à la définition donnée par le droit interne de l’Etat auquel est
attribué le pouvoir d’imposition du revenu65.
Dans ce cas, il est impératif de connaître le sens que cet Etat donne à ce revenu, sachant qu’un
revenu peut être qualifié différemment selon les Etats.

3ème situation : La convention peut se contenter de donner une « énumération » au lieu de donner une
« définition » proprement dite, ce qui est de nature à poser problème en cas de contentieux.
Dans ce cas, il est nécessaire de vérifier le sens donné par le droit interne de l’Etat qui applique
l’impôt, dès lors que le principe de base veut que tout terme qui n’est pas défini dans une convention
a le sens que lui donne le droit interne de l’Etat qui applique la convention, sauf si le contexte exige
une interprétation différente66.

4ème situation : Le revenu en question ne peut être classé dans aucune des catégories de revenus
prévues par la convention.
Dans ce cas, c’est l’article de la convention qui traite de l’imposition des « autres revenus » qui
s’applique.

65
C’est le cas, par exemple, des revenus immobiliers (dans le modèle de convention de l’OCDE).
66
Nous retrouvons cette règle dans les conventions conclues par le Maroc (Réf. article 3-2° du modèle de convention de l’OCDE)

28
II- LES REGLES GENERALES D’IMPOSITION DANS LA CONVENTION-MODELE DE L'OCDE

L’objet principal des conventions fiscales internationales est l’élimination des doubles
impositions. Pour atteindre cet objectif, ces conventions commencent par établir une répartition claire
des compétences d’imposition entre les Etats contractants. A ce stade, il est utile de noter les
précisions suivantes :
- Lorsque la convention dispose que des revenus donnés « ne sont imposables que » dans un Etat
déterminé, cela signifie que la convention donne l’exclusivité d’imposition des revenus en question à
cet Etat et, qu’en conséquence, ces revenus ne doivent pas être soumis à l’impôt dans l’autre Etat ;
et
- Lorsque la convention dispose que des revenus donnés « sont imposables » dans un Etat, cela
signifie que les dits revenus peuvent être imposés dans cet Etat si la législation de cet Etat le
permet67.

A. La répartition des pouvoirs d'imposition entre les Etats contractants

Les principes sur lesquels repose la convention modèle de l’OCDE en matière d’imposition
des revenus et de la fortune des entreprises font ressortir trois groupes de revenus :
 les revenus dont le droit d’imposition revient exclusivement à l’Etat de la résidence ;
 les revenus dont le droit d’imposition revient exclusivement à l’Etat de la source ; et
 les revenus qui sont imposables conjointement par les deux Etats de la source et de la résidence.

1 - Les revenus exclusivement imposables dans l’Etat de la résidence

Les revenus qui ne sont imposables que dans l’Etat de la résidence sont les suivants :
• Les bénéfices des entreprises réalisés sans l’intervention d’un établissement stable dans
l’Etat de la source ;
• Les bénéfices provenant de l’exploitation en trafic international de navires et
aéronefs (imposition au lieu du siège de direction effective) ;
• Les gains sur cession de navires et d’aéronefs et des valeurs mobilières y rattachées
(imposition au lieu du siège de direction effective) ;
• Les redevances68 ;
• Les gains en capital, sauf ceux qui proviennent de l’aliénation de biens immobiliers et de biens
faisant partie de l’actif d’un établissement stable situé dans l’autre Etat ; et enfin

67
En parallèle, la dite convention doit prévoir une disposition parallèle pour l’élimination de la double imposition éventuelle qui apparaitrait dans le
cas où l’autre Etat venait à imposer les mêmes revenus.
68
Pour les redevances, le modèle de l’ONU prévoit un partage du droit d’imposition entre l’Etat de la résidence et l’Etat de la source. Les redevances
sont ainsi soumises à l’impôt dans les deux Etats.

29
• Tous les revenus qui ne sont pas traités dans les articles de la convention, ou ce qui est
communément appelé « autres revenus ».

2 - Les revenus exclusivement imposables dans l’Etat de la source

Les revenus dont le droit d’imposition revient exclusivement à l’Etat de la source sont les
tantièmes, les jetons de présence ainsi que les autres rémunérations similaires.

3 - Les revenus imposables dans l’Etat de la résidence et dans l’Etat de la source

A la différence des deux catégories précédentes, il existe des revenus qui sont imposables
aussi bien dans l’Etat de la résidence que dans l’Etat de la source. Il s’agit :
• des revenus immobiliers, plus-values immobilières et plus-values de titres des sociétés à
prépondérance immobilière ;
• des bénéfices imputables à un établissement stable ;
• des revenus dits « passifs » (dividendes et intérêts) qui sont en général imposables à un taux
plafonné par la convention69 ; et enfin
• des gains en capital retirés de l’aliénation de biens mobiliers ou immobiliers faisant partie de
l’actif d’un établissement stable.

Etant donné que ces revenus sont imposables à la fois dans l’Etat de la résidence et dans l’Etat de la
source, les conventions fiscales internationales prévoient des mécanismes particuliers pour éliminer
ou réduire la double imposition qui résulterait de l’application conjointe de l’impôt dans les deux Etats.
Il faut noter, toutefois, que les principes de partage des droits d’imposition, tels qu’ils
ressortent de la convention-type de l’OCDE, n’ont qu’un caractère indicatif. En effet, les conventions
fiscales internationales conclues entre les Etats s’écartent souvent de ce modèle.
Ainsi, il convient, à chaque fois, de se reporter à la convention applicable pour connaître le traitement
qui est réservé à un revenu déterminé.

B. Les critiques à la répartition des droits d’imposition dans le modèle de convention de


l’OCDE

Les règles de partage des pouvoirs d’imposition contenues dans la convention-modèle l’OCDE
reposent sur un principe fondamental qui est la réciprocité des sacrifices et des avantages entre les
Etats contractants. Ce principe se fondant, lui-même, sur la réciprocité et l’égalité dans les échanges
internationaux entre ces Etats.
Or, cet équilibre dans les échanges n’existe pas entre les Etats dont le niveau de développement
économique est trop différent. Et l’application de la convention modèle de l’OCDE n’aboutit pas, dans
ce cas, à une égalité dans les avantages et sacrifices fiscaux réciproques70.

69
Selon le modèle de convention l’ONU, les redevances sont soumis à l’impôt dans les deux Etats.
70
Slim Besbes, « Précis de fiscalité internationale », SB édition 2003 - p 18

30
La logique de l’élimination de la double imposition dans le modèle de l’OCDE se base, en
effet, sur une action de l’Etat de la résidence (exonération ou crédit d’impôt), combinée à une
réduction significative des prérogatives d’imposition de l’Etat de la source (exonérations et réduction
de taux des retenues à la source).
Par conséquent, la conclusion d’une convention sur la base du modèle de l’OCDE entre un pays
développé (source des capitaux et du savoir) et un pays en développement (pays d’accueil de
l’investissement étranger) implique que les flux des revenus et des profits générés dans l’Etat de la
source - pays en développement dans ce cas- soient faiblement taxés dans cet Etat ; les pouvoirs
d’imposition étant concentrés entre les mains de l’Etat de la résidence, cet Etat collecte beaucoup
plus d’impôts. Il est clair, dès lors, que le modèle de convention de l’OCDE désavantage les pays en
développement quand l’autre partie à la convention est un pays développé.

Le modèle de convention de l’ONU, et étant donné que son inspiration générale est
stratégiquement différente, retient plus largement le critère de la source dans la répartition des
pouvoirs d’imposition entre les Etats contractants et ce conformément aux vœux des pays en
développement. Ces pays ont, effet, intérêt à s’inspirer davantage du modèle de convention l’ONU
que du modèle de convention de l’OCDE.

III. LES TECHNIQUES CONVENTIONNELLES DE L’ELIMINATION DES DOUBLES IMPOSITIONS

L’objectif premier des conventions fiscales internationales est bien d’éliminer ou, du moins
atténuer, les effets des doubles impositions internationales. Mais, ces conventions visent également
à faire obstacle à l’évasion fiscale internationale.

A. La notion de double imposition

Les doubles impositions internationales résultent généralement de l’application stricte des


règles des droits internes des Etats. Mais, des situations de doubles impositions peuvent également
avoir pour cause la mise en œuvre des conventions fiscales internationales elles-mêmes.

En effet, lorsqu’une convention fiscale internationale attribue à un Etat donné le droit exclusif
d’imposer un revenu ou un profit déterminé, il ne saurait y avoir, en principe, de double imposition car
l’autre Etat doit normalement s’abstenir de soumettre à l’impôt le dit revenu ou profit.
Cependant, il n’en va pas ainsi lorsque les deux Etats ont tous les deux le droit d’imposer, c’est-à-dire
quand le revenu ou profit en question est imposable dans l’Etat de la résidence, mais que l’Etat de la
source soit autorisé à prélever une retenue d’impôt (retenue à la source souvent plafonnée).
Par conséquent, il y a risque de double imposition dans tous les cas où il n’y a pas exclusivité
d’imposition d’un revenu ou d’un profit donné par l’un seulement des Etats contractants71. Dans cette
hypothèse, il s’impose, en effet, de mettre en place un dispositif qui permette l’élimination de la

71
Les divergences ou conflits d’interprétation des dispositions conventionnelles peuvent, tout aussi bien, faire naître des cas de doubles impositions,
lorsque ces problèmes d’interprétation ne sont pas résolus.

31
double imposition qui résulterait de l’application de l’impôt dans les deux Etats de la source et de la
résidence.

Dans la pratique, on distingue entre la double imposition juridique et la double imposition


économique. Cette distinction est fondamentale car c’est l’élimination de la double imposition
juridique qui est explicitement visée dans par les conventions fiscales internationales.
Nous examinons, dans ce qui suit, ces deux notions de double imposition juridique et de double
imposition économique.

1. La double imposition juridique

Il y a double imposition juridique lorsqu’un contribuable se trouve atteint, au titre d’un même
revenu et, au titre d’une même période, par des impôts de nature comparable appliqués par deux ou
plusieurs Etats dans des conditions telles que la charge fiscale globale que ce contribuable supporte
s’avère supérieure à celle qui résulterait de l’intervention, dans des conditions de droit commun,
d’une seule souveraineté fiscale72.
Le comité des affaires fiscales de l’OCDE définit la double imposition juridique comme étant celle qui
résulte du fait, pour un même contribuable, d’être imposé au titre d’un revenu ou d’une fortune par
plus d’un Etat.

Il peut y avoir double imposition juridique dans deux cas, essentiellement :

 Le premier cas : Un même contribuable est assujetti à l’impôt pour le même revenu dans
deux Etats en raison de sa résidence. Il s’agit ici d’un conflit de double résidence fiscale.
En principe, quand une personne est considérée comme ‘fiscalement’ résidente d’un Etat donné, cet
Etat se donne le droit d’imposer l’ensemble des revenus de cette personne quelque soit la source de
ces revenus.
Ceci est surtout valable pour les personnes physiques, puisque la plupart des législations fiscales
prévoient l’imposition de ces personnes selon le régime de revenu global, abstraction faite du critère
de la source dudit revenu. Mais, il existe également des Etats où les entreprises sont soumises à
l’impôt pour l’ensemble de leurs revenus mondiaux.
Et même dans un Etat qui adopte un régime d’imposition territorial, les critères retenus par cet Etat
pour déterminer la résidence d’une entreprise peuvent aboutir à des situations de double résidence
fiscale73.

 Le deuxième cas : Une entreprise résidente d’un Etat perçoit des revenus provenant d’un
autre Etat. Cette entreprise est alors imposée dans l’Etat de sa résidence, mais aussi dans
l’Etat de la source.

Le principe de l’imposition à la source est universellement répandu. Cette imposition trouve sa


justification dans, au moins, l’un des éléments suivants :
72
Habib Ayadi, « Droit fiscal international », Centre de publication universitaire 2001 - p 106
73
Les conventions fiscales recourent, souvent, au critère de « siège de direction effective » pour résoudre les problèmes de double résidence des
personnes morales.

32
- L’utilisation des infrastructures et/ou des services publics de l’Etat de la source ;
- La réalisation d’un processus économique sur le territoire de l’Etat de la source ;
- Le débiteur est un résident de l’Etat de la source74.

2. La double imposition économique

La double imposition économique est définie par le comité des affaires fiscales de l’OCDE
comme la situation dans laquelle deux personnes différentes sont imposées au titre d’un même
revenu ou d’une même fortune.
Plus généralement, une double imposition économique internationale apparaît lorsque l’imposition
d’un contribuable dans un Etat fait double emploi avec l’imposition d’un autre contribuable lié au
premier mais dans un autre Etat. Tel est le cas, par exemple, de l’application d’un impôt sur le
bénéfice à une société résidente d’un Etat et d’un impôt sur les distributions à l’actionnaire
bénéficiaire des dividendes dans l’autre Etat. Un autre exemple de la double imposition économique
est celle qui résulte des redressements en matière de prix de transfert.

La description des doubles impositions juridique et économique nous enseigne que ce


phénomène de double imposition est le produit de la combinaison des deux règles d’imposition
suivantes :
- L’imposition des revenus mondiaux des sociétés résidentes ; et
- l’imposition dans l’Etat de la source des revenus des sociétés non-résidentes.

B- Les techniques conventionnelles de l’élimination des doubles impositions

Généralement, il existe deux techniques conventionnelles de l’élimination des doubles


impositions : la méthode de l’exonération (ou d’exemption) et la méthode de l’imputation.
Mais, ces techniques ne visent que la double imposition « juridique ». Ainsi, lorsqu’il s’agit d’une
double imposition économique, les solutions sont à rechercher au niveau d’autres dispositions
conventionnelles (procédure amiable, ajustement corrélatif,..) quand celles-ci sont incluses dans la
convention applicable.

1. La méthode de l’exonération

L’élimination des doubles impositions par voie d’exonération (ou exemption) peut se faire de
deux manières : soit par la voie de l’exonération intégrale ou encore par la voie de l’exonération avec
progressivité, qualifiée également de « méthode du taux effectif ».
- L’exonération intégrale

74
Au Maroc, il suffit que l’utilisateur d’une prestation soit un résident pour que la retenue à la source soit exigible, même si le débiteur est un non-
résident.

33
L’exonération intégrale est une technique qui consiste à interdire à l’Etat de la résidence de
soumettre à l’impôt des revenus qui ont déjà été imposés dans l’Etat de la source.
Cette méthode est simple d’application, mais présente un inconvénient majeur pour l’Etat de la
résidence : le bénéficiaire du revenu échappe en partie à la progressivité de l’impôt, quand il est
appliqué un barème progressif.

Ceci dit, même si les Etats consentent à exonérer des revenus imposés dans un autre Etat, ils
souhaitent néanmoins prendre en compte les revenus exonérés pour le calcul du taux effectif,
lorsque leur droit interne prévoit des taux d’imposition progressifs. C’est pour permettre d’imposer les
revenus selon le taux effectif que la méthode qui suit a été conçue.

- L’exonération avec progressivité (taux effectif)

Dans ce cas, l’Etat qui exonère des revenus déterminés, en application d’une convention
fiscale, prend en compte les revenus exonérés pour le calcul du taux d’imposition applicable aux
revenus imposables à son niveau.
Il ne s’agit pas de réimposer les revenus déjà soumis à l’impôt dans l’autre Etat, mais de maintenir
les effets de la progressivité du barème de l’impôt.
En pratique, cette méthode s’applique surtout dans l’Etat de résidence du bénéficiaire. Elle peut être
appliquée dans l’Etat de la source mais elle suscite alors des difficultés importantes car cet Etat, par
définition, ne connaît pas l’ensemble des revenus du contribuable.

Dans le cadre de la méthode du taux effectif, le calcul de l’impôt dans l’Etat de résidence se
fait en deux étapes :
 Première étape : calcul du taux moyen d’imposition résultant dans l’Etat de résidence de
l’application de l’impôt progressif sur le revenu global quelque soit sa source.
 Deuxième étape : calcul de l’impôt par application de ce taux moyen aux seuls revenus
imposables, par exclusion bien entendu des revenus exonérés sur la base d’une convention de non
double imposition.

2. La méthode de l’imputation (ou crédit d’impôt)

La méthode de l’imputation consiste à autoriser les deux Etats signataires d’une convention à
percevoir un impôt, mais en permettant au contribuable de déduire de l’impôt dû dans l’Etat de sa
résidence un crédit d’impôt représentatif de l’impôt payé dans l’Etat de la source. Le contribuable est
alors doublement imposé, mais sans subir d’inconvénient dès lors que les impôts s’imputent l’un de
l’autre. Ce système, dit de crédit d’impôt, se subdivise en plusieurs variantes que nous examinons en
détail dans la suite des développements. Il s’agit de :
- l’imputation intégrale ;
- l’imputation limitée ou ordinaire ; et

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- l’imputation de crédit pour impôt fictif.

- L’imputation intégrale

Dans le système de l’imputation intégrale, le crédit d’impôt étranger est déduit totalement de
l’impôt de l’Etat de résidence.
En effet, l’Etat de la résidence calcule l’impôt sur le montant total des revenus du contribuable, qu’il
s’agisse de revenus ayant leur source sur son territoire ou sur le territoire de l’autre Etat. De la
cotisation d’impôt ainsi calculée, sera déduit l’impôt payé dans l’autre Etat, quelque soit le montant de
celui-ci.
La méthode de l’imputation intégrale est peu suivie car elle peut pénaliser le Trésor de l’Etat de la
résidence quand l’impôt prélevé par l’Etat de la source est supérieur à l’impôt qui aurait été dû dans
l’Etat de la résidence pour le même revenu ou matière imposable (en l’absence de la convention).
Pour pallier à cet inconvénient, une autre méthode d’imputation existe. C’est la méthode de
l’imputation ordinaire.

- L’imputation ordinaire (ou partielle)

La méthode de l’imputation ordinaire est la méthode la plus généralement appliquée. Dans ce


cas, l’imputation est plafonnée au montant de l’impôt qui serait dû dans l’Etat de la résidence, en
raison des revenus de source étrangère, en l’absence de convention.

Cette technique peut, cependant, laisser subsister des éléments de double imposition, dans
les deux cas suivants :
- lorsque l’impôt payé à l’étranger est supérieur au plafond d’imputation dans l’Etat de résidence, ou
- lorsque l’Etat de résidence, et de par sa législation interne, exonère totalement de l’impôt les
revenus qui ont subi une taxation à l’étranger.

Les entreprises qui rencontrent ce problème d’imputation sont souvent celles installées dans des
pays à fiscalité privilégiée, tels que certains Etats du Golf (Emirats Arabes Unis, Kuweit,..)

- L’imputation d’un crédit pour impôt fictif

Les clauses de crédit pour impôt fictif ont pour but de permettre à un contribuable de bénéficier
d’un crédit d’impôt dans l’Etat de sa résidence, même si aucun impôt n’a été prélevé par l’Etat de la
source (tax sparing) ou encore de bénéficier d’un crédit d’impôt supérieur au taux de droit commun
de la retenue à la source, qu’il s’agisse du taux de droit interne ou de plafond fixé par le convention
(matching credit).

Ces clauses sont parfois insérées dans les conventions signées entre pays développés et
pays en développement, dans le but notamment d’éviter de mettre en échec les dispositions

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d’incitations fiscales aux investissements ou au transfert de technologie mises en place par les pays
en développement.
En effet, la méthode de l’imputation, principalement utilisée en matière de dividendes, d’intérêts et de
redevances (modèle de convention de l’ONU) pourrait bien se traduire par des conséquences
indésirables pour les pays pratiquant des politiques d’incitation fiscale pour attirer les investissements
étrangers. Cette situation est décrite par le comité des affaires fiscales de l’OCDE dans les termes
suivants : « Dans certains cas, un Etat, particulièrement un pays en développement, peut, pour des
raisons particulières, accorder des avantages fiscaux à des industriels. De même, un Etat peut
exonérer de l’impôt certaines catégories de revenus….Lorsque l’autre Etat applique la méthode de
l’imputation, le bénéfice du dégrèvement peut se trouver perdu pour le contribuable dans la mesure
où cet autre Etat ne déduit que le montant de l’impôt perçu par l’Etat de la source. Le Trésor de
l’autre Etat obtient, du fait de ces dégrèvements, un avantage que l’on peut considérer comme
n’étant pas prévu par la convention. De son côté, l’investisseur ne profitera nullement de l’avantage
qu’avait voulu consentir l’Etat en voie de développement. Le sacrifice budgétaire consenti par le pays
en développement n’aura donc aucun effet pour les investisseurs étrangers. Mieux encore, c’est
l’Etat développé qui bénéficiera de cette situation grâce à la disparition du crédit d’impôt. On aboutit
donc à un transfert de recettes du pays en voie de développement au Trésor du pays développé ».

Ceci dit, lorsque la technique de crédit pour impôt fictif est prévue par une convention, elle
permet surtout aux pays en développement d’attirer les investisseurs étrangers qui trouvent intérêt à
obtenir le crédit d’un impôt qu’ils n’ont jamais payé à la source.
Les pays développés deviennent de moins en moins disposés à l’acceptation de la clause de « tax
sparing ». Ces pays sont moins soucieux que de par le passé à aider les pays en développement, à
cause notamment de la concurrence de plus en plus acharnée qui leur est livrée par ces derniers.
C’est ainsi que l’OCDE a cessé de recommander cette clause dans son modèle de convention depuis
1988.

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