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Conduite devant une épaule

douloureuse

Pr K. NASSAR
Service de rhumatologie-CHU Ibn Rochd
Faculté de médecine et de pharmacie
Casablanca
Le 24/02/2023.
Objectifs pédagogiques:

• Poser le diagnostic d’une épaule douloureuse.


• Eliminer les diagnostics différentiels.
• Connaitre les principales étiologies.
• Distinguer les pathologies tendineuses des autres étiologies
d’une épaule douloureuse.
• Connaitre les principes de la prise en charge thérapeutique.
Plan

I. Introduction
II. Rappel anatomique
III. Diagnostic positif
IV. Diagnostic différentiel
V. Diagnostic étiologique
VI. Conclusion
I- Introduction
• Epaule douloureuse : motif fréquent de consultation.

• L’origine peut-être liée à :


– Une pathologie articulaire : gléno-humérale, acromio-claviculaire ..
– Et/ou les lésions péri-articulaires, dominées par les tendinopathies de la
coiffe des rotateurs (95% des cas).

• Elle peut être aigue (avec ou sans signes généraux) ou chronique.

• 2 profils cliniques : Epaule douloureuse mécanique ou inflammatoire.

• L’étude clinique bien menée permet un diagnostic positif ainsi que


lésionnel précis.

• Grâce à l’imagerie, les mécanismes étiopathogéniques sont mieux


élucidés.
II- Rappel anatomique :
Épaule = complexe articulaire
• 3 articulations:
• Gléno-humérale.
• Acromio-claviculaire.
• Sterno-claviculaire.

• 2 espaces de glissement:
• scapulo-thoracique.
• espace sous-acromial.
– Permettant des mouvements synchrones
et simultanés.
– l’humérus est 2 x plus rapide que la
scapula:
• Pour une élévation antérieure de 180°
• 120° sont assurés par la GH
• 60° par la scapulo-thoracique

• Grande mobilité
• Ligaments « laxes ».
• Muscles de la coiffe.

- Rôle crucial dans le centrage de la tête


humérale.
- Stabilisation active de la tête humérale.
- Mouvements de rotations actives.
q Stabilité : muscles de la coiffe des rotateurs :
q Sous scapulaire en avant.
q sus épineux en haut.
q sous épineux et petit rond en arrière.
q Au dessus : bourse sous acromio-déltoïdienne.
Tendons de la coiffe des rotateurs
Epaule douloureuse peut être d’origine


Pathologie abarticulaire
➽ Pathologies ostéoarticulaire


- Mécanique : arthrose,
Ostéonécrose,
ostéochondromatose,
arthropathie destructrice du sujet
âgé…

- Inflammatoire: arthrite
septique, rhumatisme
métabolique, rhumatisme
inflammatoire chronique..
Classification des lésions des tendons
de la coiffe des rotateurs


- Les tendinopathies
+ Calcifiantes
+ Non calcifiantes

- Les ruptures
+ Partielles
+Transfixiantes
III- Diagnostic positif

A- clinique :
1- Interrogatoire:
Douleur – raideur – impotence – déformation - instabilité

q Terrain : Âge, sexe, membre supérieur dominant, profession,


sports, diabète, traumatisme, prise médicamenteuse…

q Caractères de la douleur :
1. Mode de début : progressif ou brutal.
2. Circonstances déclenchantes : surmenage, simple effort,
traumatisme direct ou indirect.
3. Horaire: mécanique ou inflammatoire.
4. Siège de la douleur: antérieur, externe, postérieur, supérieur.
1- Interrogatoire:

5. Irradiation: ascendante en latéro-cervicale ou descendante


vers le bras.
6. Mouvements responsables de la douleur.
7. Durée et évolution: aigue, subaiguë, chronique.
8. Mode évolutif: épisodique ou permanent d’aggravation
progressive.
9. Intensité de la douleur

q Signes associés : fièvre, AEG, autres atteintes articulaires,


axiales, extra-articulaires, etc.
2- Examen Clinique:
q Examen systématisé de l’épaule:
1. Inspection.
2. Palpation.
3. Mobilité active.
4. Mobilité passive.
5. Manœuvres à la recherche d’un conflit entre la coiffe et
l’arche acromio-coracoïdienne.
6. Manœuvres qui étudient les tendons des muscles de la coiffe
des rotateurs.
q Examen loco-régional et examen somatique complet.
q Inspection et palpation:
Le patient doit être examiné torse nu, de façon comparative
et symétrique:

ü Regarder le patient se déshabiller: asymétrie des deux


moignons ; attitude antalgique ; augmentation du volume de
l’articulation ; comparer les reliefs musculaires, articulaires ;
positionnement de l’omoplate.

ü Recherche de points douloureux:


antérieur: sillon delto-pectoral.
externe: sous acromial, tubercule majeur.
supérieur: acromio-claviculaire.
postérieur: scapulaire.
2- Examen clinique:
Torse nu, comparatif par rapport à l’autre côté
L’inspection :
• Déformation, ecchymose , amyotrophie.
• Décollement du bord spinal de l’omoplate.
• Relief des articulations; acromio-claviculaire et sterno-claviculaire.
• Inversion du rythme scapulohuméral.

Épaule sénile hémorragique Amyotrophie des fosses épineuses


Mobilité active et passive : L’épaule est le complexe articulaire
le plus mobile de l’organisme
ü Mouvements simples :
Abduction Sus-épineux
180° Deltoïde
Long-biceps
Adduction 30° Grand pectoral
Grand rond
Antépulsion 180° Deltoïde
Long biceps
Rétropulsion 50° Deltoïde

Rotation externe 60-80° Sus-épineux


Coude au corps Sous-épineux
Rotation interne 90° Sub scapulaire
• Étude de la mobilité active
Examen physique
• Mobilité active

Signe de l’arc douloureux


• Étude de la mobilité passive

RE coude au corps
ü Mouvements combinés:

Main nuque ( rotation externe)

Main dos (rotation interne)


Ø Manœuvres recherchant un conflit sous acromial

q "Impingement sign" de Neer


q Signe de Hawkins
q Signe Yocum
Conflit sous acromial
3 types de conflit
1. Conflit antéro-supérieur: +++
q Morphotype de l’acromion: classification de Bigliani:
• Type I: Acromion plat
• Type II: Acromion courbe
• Type III: Acromion en crochet +++
q Ostéophyte du bec acromial.
q Ostéophytose inférieure de l’articulation acromio-claviculaire.
q Ossification du ligament acromio-coracoïdien.

2. Conflit antéro-interne: Anomalies de l’apophyse coracoïde.


3. Conflit postéro-supérieur: Désinsertion de la partie post du
bourrelet glénoïdien (chez les sportifs).
1. Signe de Neer :

qLa rotation de l’épaule est


bloquée par l’examinateur.
Celui-ci élève passivement le
bras du patient

qSigne positif si reproduction de


la douleur vers 60 – 120°
d’élévation
2. Signe de Hawkins :

Examinateur est devant le


patient. Il élève le bras du
sujet jusqu’à 90 ° de
flexion antérieure stricte,
coude fléchi à 90° et il
imprime un mouvement de
rotation interne à l’épaule
en abaissant l’avant-bras.
è douleur
3. Signe de Yocum :

q La main du côté de l’épaule à


examiner est sur l’épaule
controlatérale et on demande
au sujet de lever le coude sans
lever l’épaule contre
résistance.

q Test positif si reproduction de


la douleur
Ø Manœuvres étudiant les tendons de la coiffe des
rotateurs

q Permettent une analyse fine des lésions tendineuses.

q Trois types de réponse :


• Résistance sans douleur: tendon du muscle intact.
• Résistance avec douleur: tendinopathie simple.
• Absence de résistance: rupture tendineuse.
1. Manœuvre de Jobe (sus-
épineux)

q Examinateur face au patient.

q Bras du patient à 90°


d’abduction + 30° de flexion
antérieure + rotation interne :
pouces dirigés vers le bas.

q Examinateur tente de baisser


les bras contre résistance.
2. Manœuvre de Patte (infra-
épineux et petit rond) :
q Bras à 90° d’abduction

q L’examinateur soutient le
coude qui est à 90° de
flexion et demande au
patient de faire une rotation
externe contre résistance
3. Palm up test : LP du biceps

q Le patient effectue une élévation


antérieure du bras contre
résistance, coude tendu, paume
de la main tournée vers le haut

q Test positif si douleur à la face


antérieure du bras sur le trajet du
long biceps.
4. Lift off test de Gerber (sub scapulaire) :
Dos de la main dans le dos, au niveau de la ceinture;
l’examinateur décolle la main en tenant le coude pour éviter
son extension et lorsque la main est à 5 – 10 cm de la ceinture,
il demande au patient de maintenir cette position.

Si rupture : la main part comme un ressort et va frapper le dos


(test positif).
Examen complet:
q Examen loco-régional : autres articulations du membre
supérieur, articulation acromio-claviculaire et sterno-
claviculaire, creux sus claviculaire.
q Examen du rachis cervical.
q Examen neurologique.
q Examen général notamment cardio-pulmonaire.

Au terme de l’examen clinique


è Diagnostic +
La suite de la démarche diagnostique
Suspicion de lésion

Imagerie

Imagerie de seconde intention Imagerie de 1e intention

?
Arthro-TDM • Radio standard
IRM • échographie
Arthro-IRM
3- Examens complémentaires

Ø Radiographies standard des épaules :

q Toujours comparatives : rechercher des anomalies


osseuses, articulaires(gléno-humérale, acromio-
claviculaire..) et périarticulaires (trochiter, espace
sous acromial, calcification..)
3- Examens complémentaires
q Les incidences sont :
q Face: en rotation neutre, rotation externe et
rotation interne.

q Profil de coiffe de Lamy: Profil d’omoplate


Dégage la voûte acromio-claviculaire et l’espace
sous acromial.
Hauteur acromio-humérale

trochiter

trochin

Rotation indifférente/ neutre


Radiographie standard

Face stricte

Ascension
de la tête
humérale <7 mm

Signes indirects
de rupture tendineuse

Double obliquité

Rupture du ceintre gléno-huméral


Calcificationsè Tendinopathie calcifiante
4 types de la SFA
A: homogène à contours nets.
B : hétérogène polylobée fragmentée, à contours nets.
C: hétérogène sans contours nets.
D: enthésopathie calcifiante.

A B C
Omarthrose : Epaule raide
Les autres examens : selon l’orientation clinique

q Échographie +++: examen simple non irradiant accessible mais


opérateur dépendant.

q Arthroscanner: performant pour affirmer une rupture de la


coiffe des rotateurs, la localiser et la mesurer.

q IRM, arthro-IRM : a l’avantage de visualiser les ruptures


intratendineuse et les ruptures de la face supérieure de la
coiffe non visible à l’arthroscanner.

q Arthroscopie: but diagnostic lésionnel et thérapeutique.

q Biologie: bilan inflammatoire si épanchement.


Après le cliché RX

Complémentarité +++
« couple radio-écho »
Les 2 imageries de
1e intention

Echographie
• Exploration directe de la coiffe,
muscles?, épanchement.
• Possibilité d’examen dynamique
(conflits) ++
• Examen bilatéral comparatif.
• Limites: opérateur dépendant.
Rupture transfixiante (complète) du supra-épineux

• Sémiologie précise
• Fiabilité = IRM

Perte de
l’élévation active
Rupture profonde insertionnelle du supra-épineux
épanchem
ent

LB
Calcifications
IV- Diagnostic Différentiel
q Lésion osseuse de voisinage:
Ostéite, tumeur osseuse, maladie de Paget, métastase,
localisation myélomateuse, fissure osseuse..

q Douleur d’origine nerveuse:


ü Névralgie cervico-brachiale (NCB).
ü Paralysie de l’épaule d’origine neurologique :
- circonflexe : hypoesthésie du moignon de l’épaule.
- sous scapulaire : douleur postérieure, amyotrophie du sus
épineux et du sous épineux.

q Pathologie viscérale: cœur, foie, colon (douleurs projetées).


V- Diagnostic étiologique

Devant ces 5 situations cliniques :

1. Épaule hyperalgique

2. Épaule douloureuse simple

3. Épaule pseudo-paralytique

4. Épaule bloquée

5. Epaule instable.
1. Épaule hyperalgique:

Mobilité active et passive, impossible par la douleur

A. Arthrite septique.
B. Bursite aiguë microcristalline.
C. Autres étiologies.
1. Épaule hyperalgique:
• Douleur d’installation brutale, violente, vive, irradiant dans tout le
membre supérieur.
• Impotence fonctionnelle absolue.
• Fièvre modérée est possible.
• Des éléments d’orientations clinique, biologique, radiologique.

• Plusieurs étiologies:
- Tendinites calcifiantes.
- Bursite aigue microcristalline.
- Arthrite septique.
- Rhumatisme inflammatoire.
- SDRCI (phase chaude).
- Arthropathie microcristalline après ou sans infiltration Ctc.
2. Épaule douloureuse simple

Mobilité articulaire active est passive douloureuse, normale ou


peu limitée

A. Tendinite
B. Omarthrose
C. Rhumatisme Inflammatoire Chronique (RIC)
D. Autres: ONA, Algodystrophie, CCA, épaule sénile
hémorragique de Milwaukee.
A. Tendinite:

q Fréquentes après 40 ans

q Douleur mécanique mais souvent avec une recrudescence


nocturne, d’apparition spontanée, souvent progressive, au
niveau du moignon de l’épaule, reproduite par les mouvements
de l’épaule, irradiant vers le bras ou le cou.

q Mobilité articulaire active et passive :douloureuses.


- elles peuvent être normales ou peu limitées.
q Douleur aux mouvements contrariés

q Tendons intéressés
ü Supra-épineux +++
ü Longue portion du biceps++
ü Infra-épineux +
ü Sub-scapulaire+

q Rx : souvent normale, parfois signes indirects de souffrance de


la coiffe (densification du trochiter, condensation acromiale
inférieure, ostéophytose acromiale externe, calcification).
- Interligne articulaire normale.

q Échographie+++: permet un diagnostic précis.


B. Omarthrose: Arthrose gléno-humérale

qDouleur.
± raideur (au stade évolué).

q Diagnostic radiologique.
3. Épaule pseudo-paralytique :
Rupture tendineuse

Epaule pseudo-paralytique
(Mobilité active < mobilité passive)
Epaule pseudo-paralytique
(Mobilité active < mobilité passive)

➤ Rupture du tendon de LPB


Rupture du tendon de
LPB « Signe de Popey »
q Le début est soit brutal suite à un traumatisme ou progressif.

q Survenant chez le sujet âgé sur un tendon altéré ou chez le sujet


jeune après traumatisme ou hypersollicitation de l’épaule.

q Mouvements actifs limités alors que les mouvements passifs sont


normaux.

q Parfois, on peut avoir une compensation permettant de préserver


une mobilité sub-normale de l’épaule (Deltoide pour Supraépineux
par exemple).

q Echographie +++.
4. Épaule gelée ou bloquée ou enraidie :
Capsulite rétractile

mobilité active et passive : limitées.


q Survient à des âges variables.
q Douleur pendant 2 à 4 semaines puis s’installe une raideur
qui affecte aussi bien les mouvements passifs qu’actifs.
q Facteurs favorisants : diabète, médicaments (barbituriques,
rifampicine...), traumatisme, pathologie pulmonaire (cancer,
tuberculose...), cardiaque (infarctus du myocarde) ou neurologique
(hémiplégie, Parkinson), etc.

q Rx est normale avec un interligne articulaire respecté.


Elle peut montrer des signes d’algoneurodystrophie (aspect
moucheté).
q L’arthroscanner: montrant une diminution de la capacité
articulaire (récessus inférieur), explore les tendons ….
5. Épaule instable

q Sensation de ressaut lors du mouvement.

q Étiologie souvent traumatique.

q Pathologie du bourrelet glénoïdien.

q Intérêt de :
ü Arthroscopie : Diagnostic et traitement.
ü Arthro-scanner si traitement chirurgical envisagé.
VI- Traitement
Les principes du traitement de l’épaule
douloureuse
1- Traiter les symptômes :
-> Douleurs: Soulager.
-> Raideur : Assouplir (si douleurs contrôlées).

2-Traiter les lésions:


Traitement lié au diagnostic et notamment l’étiologie.

3-Rééduquer : pour la remise au travail ou au sport.


1- Calmer la douleur

- Médicaments : Antalgique , AINS.

- Infiltrations (sous échographie, ou sous scopie): en cas de bursite ou


d’épanchement.
règles d’asepsie, sites d’injection, nombre limité.
si Dg étiologique précis non établi
➥ pas d’infiltration à la
- Physiothérapie.
cortisone et pas de rééducation

- Massothérapie.

- Toute autre technique antalgique: immobilisation qqs jours.


2- Assouplir, en respectant l’indolence

- Mobilisation passive

- Auto-mobilisation
3-Traitements selon les étiologies:
a -Tendinopathie calcifiante douloureuse

- 90% des calcifications guérissent spontanément.

- Si douleurs nocturnes, et échec de l’infiltration sous écho ou


scopie
à Trituration sous échographie (calcif. molle) ou exérèse arthroscopique de
la calcification.

- Calcification dure :
intérêt des séances d’onde de choc.
b - Rupture transfixiante (complète):
• Adaptation gestuelle.
• Infiltration Ctc : dans l’espace s/acromial mais sans dépasser 3/ an.

Indication chirurgicale : Âge < 50 ans


•En l’absence de raideur.
•Bonne trophicité musculaire.
•Réparation à ciel ouvert ou sous scopie.

Les facteurs pronostiques : LÉSION ANCIENNE


(espace s/acromial < 6mm)
– atrophie musculaire ➤ appréciée par l’IRM
dégénérescence graisseuse.
Conclusion
• L’épaule douloureuse correspond avant tout à une
pathologie périarticulaire, en particulier des tendons de la
coiffe des rotateurs .

• L’examen clinique constitue le pivot central du diagnostic


d’une épaule douloureuse.
• L’imagerie débute toujours par la radiographie.
• Mais l’ÉCHOGRAPHIE a changé l’approche de la pathologie
douloureuse de l’épaule.

• Le traitement est souvent médical et conservateur.


• Chirurgie : selon les indications.

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