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Axe de recherche 2 : Les configurations organisationnelles et le contrôle de gestion

Introduction :
Depuis Chandler (1962), la question des relations entre la stratégie et la structure
organisationnelle occupe une place importante dans les théories des organisations.
Les entreprises ont consacré beaucoup de réflexion à l'optimisation de leurs
opérations, car il est bien établi que les choix stratégiques influent directement sur
la performance de l'entreprise. Cela a conduit à l'émergence de la notion
d'organisation, entraînant des études approfondies sur sa dynamique et sa gestion.
Une organisation peut être définie comme un ensemble structuré de ressources
agissant en coordination, délimité par des frontières claires, et œuvrant en vue
d'atteindre des objectifs communs partagés par ses membres. Il est essentiel que
toute organisation soit correctement structurée. Cette structuration, différente de la
structure juridique et de la répartition du capital, doit permettre de définir
clairement comment les activités sont réparties entre les diverses fonctions et
services, ainsi que la répartition du pouvoir entre les parties prenantes.
Dans cet univers en constante évolution, les entreprises sont confrontées à la
nécessité de repenser leurs structures organisationnelles pour s'adapter aux défis
complexes et aux opportunités émergentes. Ce dossier se penche sur deux aspects
cruciaux de cette réflexion : les modes de départementalisation et les évolutions
des structures organisationnelles d'une part, et d'autre part, les nouvelles formes
d'organisation qui émergent dans le contexte actuel des affaires.
À travers cette étude approfondie, nous nous efforçons de fournir des insights
précieux sur les défis et les opportunités liés aux configurations organisationnelles
et au contrôle de gestion, offrant ainsi une perspective éclairante pour les praticiens
et les chercheurs intéressés par l'évolution dynamique du monde des affaires.
Partie 1 : Structures organisationnelles : Définition et évolution

Les modes de départementalisation et les évolutions des structures organisationnelles :


1.1- Éclairage sur la Notion de Structure Organisationnelle
Dans un environnement commercial en constante mutation, les entreprises sont
constamment poussées à réévaluer et réinventer leurs structures organisationnelles
pour rester compétitives et répondre efficacement aux exigences du marché. Cette
première partie de notre étude se penche sur les divers modes de
départementalisation et les évolutions des structures organisationnelles, mettant en
lumière les défis et les opportunités inhérents à ces processus.
Dans un premier temps, il est important de comprendre ce qu'est une structure
organisationnelle en se basant sur les travaux de Henry Mintzberg, notamment
dans son livre intitulé "Structure et dynamique des organisations".
Une structure organisationnelle représente l'ensemble des mécanismes par lesquels
une organisation répartit, coordonne et contrôle ses activités, tout en influençant le
comportement de ses membres (A. Desreumaux). Il s'agit d'un choix délibéré et
construit qui divise les tâches de manière technique tout en définissant des rôles
politiques pour les prises de décisions, les pouvoirs et les contrôles.
Il est crucial de comprendre que la structure organisationnelle n'est pas neutre ; elle
a un impact direct sur l'efficacité et l'efficience de l'entreprise, en fonction des
compétences mobilisées, de sa flexibilité et de sa réactivité. Dans l'environnement
complexe et incertain d'aujourd'hui, la structure devient une variable stratégique à
part entière, nécessitant une gestion proactive. Contrairement à une idée fausse,
une structure n'est pas statique ; les entreprises doivent constamment ajuster leur
organisation pour s'adapter aux changements externes, ce qui implique une gestion
continue du processus de transformation structurelle.
Selon Mintzberg « La structure d'une organisation peut être définie simplement
comme la somme totale des moyens employés pour diviser le travail entre tâches
distinctes et pour ensuite assurer la coordination nécessaire entre ces tâches. »
1.2- Évolutions des structures organisationnelles :
Au début du XXe siècle, les premières études sur l'organisation du travail visaient
à rationaliser les structures en vue d'optimiser la productivité et d'assurer la
pérennité des entreprises. Cette rationalisation a conduit à l'émergence d'une
structure verticale caractérisée par la spécialisation des tâches, avec un seul chef et
de nombreux niveaux hiérarchiques, communément appelée structure hiérarchique.
Par la suite, avec l'augmentation des compétences et leur diversification, les
structures organisationnelles ont évolué vers une division par fonctions et
domaines spécifiques, impliquant la présence de multiples responsables. Ce
modèle est connu sous le nom de structure fonctionnelle et, dans sa version
combinée avec la structure hiérarchique, sous le nom de structure hiérarchico-
fonctionnelle.
L'expansion des produits, des marchés et l'internationalisation ont conduit à
l'émergence de structures adaptées aux besoins spécifiques, telles que la structure
divisionnelle. Cette approche implique une décomposition organisationnelle basée
sur les produits ou les divisions géographiques. Cependant, avec les exigences
croissantes du contexte économique, qui exigent flexibilité, réactivité et diversité,
les structures organisationnelles ont évolué vers des formes plus souples et
adaptables. La structure matricielle, par exemple, entrecroise les métiers et les
produits, permettant ainsi une meilleure intégration des différentes compétences et
une réponse agile aux demandes changeantes du marché.
Les tendances structurelles des années 1990 et 2000 répondent de manière encore
plus marquée aux impératifs d'adaptabilité organisationnelle et aux stratégies
d'alliances qui dépassent les limites juridiques traditionnelles des entreprises. Ces
évolutions intègrent également les possibilités offertes par les technologies de
l'information et de la communication, transcendant ainsi les contraintes physiques
liées au travail et au pouvoir.
Les entreprises doivent adopter des structures flexibles permettant à leurs stratégies
de s'ajuster et de se développer en réaction aux évolutions concurrentielles ou
conjoncturelles. Les grandes entreprises qui établissent des partenariats variés avec
diverses organisations, qu'elles soient proches ou éloignées, pour la conception, la
production et la vente, recherchent des structures adaptables capables d'unifier les
activités tout en favorisant la coopération entre les acteurs sans compromettre leur
autonomie.
C'est ainsi que se propagent plusieurs approches structurales :

 Les structures par activités et par processus, qui cherchent à se rapprocher du


client final et à accroître leur réactivité. Un processus désigne une série
d'étapes impliquant différents intervenants réalisant des activités spécifiques
pour obtenir un résultat défini.
 Les structures en réseau, conçues pour coordonner des unités disparates et
géographiquement éloignées. Un réseau se compose d'éléments reliés entre
eux, travaillant de concert pour atteindre des objectifs communs.
 Les structures en projet, mises en place pour favoriser la créativité, la
synergie et l'innovation. Un projet représente une structure spécifique visant
à accomplir un bien ou une activité unique et précise, délimitée dans le
temps et l'espace, impliquant des objectifs définis et des actions à
entreprendre avec des ressources prédéterminées.

Partie 2 : Les nouvelles formes d’organisation.


Différentes études sont menées par des chercheurs sur les relations entre la
structure organisationnelle et la performance des entreprises. La première étude,
réalisée par Joan Woodward en 1965, a mis en lumière l'importance de l'adaptation
entre la structure organisationnelle et le système de production dans les entreprises
industrielles. Woodward a identifié des tendances spécifiques dans les entreprises
performantes, montrant que la clarté des responsabilités et des devoirs de la
direction était essentielle pour la réussite, mais que ces éléments devaient être
adaptés en fonction de la technologie utilisée.
La deuxième étude, menée par Burns et Stalker en 1961, a examiné la gestion de
l'innovation et a démontré que la structure organisationnelle, en particulier le degré
de formalisation du comportement, variait en fonction du degré de prévisibilité de
l'environnement. Les entreprises d'électronique se sont avérées plus efficaces avec
des structures organiques dans des environnements dynamiques, tandis que les
entreprises textiles fonctionnaient mieux avec des structures bureaucratiques dans
des environnements stables.
Enfin, une troisième étude réalisée par Paul Lawrence et Jay Lorsch en 1967 a
comparé les performances d'entreprises de trois secteurs différents : les matières
plastiques, l'agro-alimentaire et l'emballage. Leurs conclusions ont confirmé que la
structure organisationnelle optimale dépendait des caractéristiques spécifiques de
l'environnement de chaque secteur. Les entreprises du secteur des matières
plastiques nécessitaient une différenciation plus importante et des mécanismes de
liaison pour coordonner leurs activités dans un environnement complexe et
dynamique, tandis que les entreprises d'emballage, opérant dans un secteur plus
simple et stable, étaient plus efficaces avec une structure bureaucratique,
centralisée et supervisée directement.
Ces études ont toutes conclu qu'il n'existe pas de structure organisationnelle
universelle optimale, mais plutôt différentes structures qui s'adaptent le mieux à
des conditions environnementales spécifiques, confirmant ainsi le concept de
théorie de la contingence.
1.1- Structure Organisationnelle et les facteurs de contingence :
Le travail d'H. Mintzberg, principalement basé sur son ouvrage "Structure et
dynamique des organisations", explore diverses configurations organisationnelles
en synchronisant des éléments tels que le centre opérationnel, le sommet
stratégique, la ligne hiérarchique, la technostructure et les services fonctionnels de
soutien logistique. Ces configurations sont influencées par quatre facteurs de
contingence : l'âge et la taille de l'organisation, le système technique,
l'environnement et le pouvoir.
Dans son ouvrage "Voyage au centre des organisations", Mintzberg analyse
l'évolution des structures organisationnelles, allant de la simplicité entrepreneuriale
à la bureaucratie mécaniste, puis à la bureaucratie professionnelle, la structure
divisionnalisée et enfin l'adhocratie. Il identifie cinq composantes fondamentales
d'une organisation : le centre opérationnel, le sommet stratégique, la ligne
hiérarchique, la technostructure et les fonctions de support logistique.
Mintzberg met en lumière cinq directions dans lesquelles l'organisation est "tirée" :
le sommet stratégique favorise la centralisation, conduisant à une structure simple ;
la technostructure pousse vers la standardisation, formant la bureaucratie mécaniste
; le centre opérationnel cherche l'autonomie, créant la bureaucratie
professionnelle ; la ligne hiérarchique favorise la division du pouvoir, conduisant à
la divisionnalisation ; enfin, les fonctions de support logistique encouragent
l'adaptation mutuelle, formant l'adhocratie. Ces configurations sont déterminées
par des paramètres tels que la spécialisation des tâches, la formalisation du
comportement, la formation, les systèmes de planification et de contrôle, les
mécanismes de liaison, le regroupement en unités, la taille des unités, la
décentralisation verticale et horizontale.
Mintzberg introduit également d'autres catégories de configurations
organisationnelles, telles que les organisations politiques, les organisations
missionnaires et les organisations innovatrices. Son approche oscille entre des
perspectives normatives et des perspectives descriptives, offrant une vision
complète des différentes structures organisationnelles tout en soulignant
l'importance de la coordination dans leur fonctionnement.
1.2- Des configurations structurelles évolutives :
Il devient évident qu'il n'existe pas de modèle structurel standard universel idéal,
mais plutôt des solutions structurelles évolutives qui dépendent des facteurs de
contingence et des impératifs de flexibilité et de réactivité pour s'ajuster aux
orientations stratégiques. H. Mintzberg propose une représentation de la structure
organisationnelle divisée en six composantes qui, en fonction de leur importance et
de leur évolution, conduisent à différentes configurations structurelles :
La gestion de la structure est indispensable en raison de la quête permanente de
flexibilité. La structure devient un élément stratégique et un facteur crucial de
réussite. La diversité des formes structurelles répond aux multiples exigences
parfois contradictoires auxquelles sont confrontés les entrepreneurs. Plutôt qu'une
émergence de nouvelles configurations, nous observons une désintégration des
formes traditionnelles et la coexistence de formes hybrides et instables, où les
fonctions sont réparties au sein d'organisations indépendantes mais coordonnées
pour maintenir la cohérence, avec les systèmes d'information servant de véritables
piliers et frontières entre tous ces partenaires.
Cela nécessite un consensus entre les partenaires sur les objectifs globaux,
l'établissement de procédures claires, la création de relations de confiance et la
régulation des rapports de force, ce qui n'est ni simple ni évident.
Partie 3 : Adaptation du contrôle de gestion aux différentes formes
organisationnelles.
Le contrôle de gestion, dans sa conception traditionnelle, repose sur une vision
hiérarchique et verticale de l'entreprise. Il est élaboré pour faciliter la délégation
d'autorité entre un responsable et ses subordonnés, s'appuyant sur une structure en
centres de responsabilité emboîtés selon une logique verticale. Les négociations
d'objectifs et l'analyse des résultats se déroulent généralement entre supérieurs et
subordonnés.
La structure en centres de responsabilité, avec son organisation hiérarchique sous-
jacente, n'est pas nécessairement la forme organisationnelle la plus efficace pour
gérer et piloter la performance de l'entreprise. D'autres formes organisationnelles,
telles que la gestion par processus et la gestion par projet, sont utilisées dans les
organisations. Au-delà d'une présentation théorique et pratique succincte de ces
nouvelles formes d'organisation, l'objectif de ce chapitre est de comprendre
comment elles impactent le contrôle et les problématiques qui y sont liées. Ce
chapitre cherche notamment à répondre à des questions telles que : quels
problèmes spécifiques de contrôle sont soulevés par la gestion des activités et des
processus ? Comment peut-on assurer le contrôle des processus clés de
l'organisation et d'un processus déterminé pour améliorer le pilotage de la
performance ?
1.1- Gestion du processus :
En examinant l'organigramme d'une entreprise fonctionnelle, on observe qu'il ne
reflète pas la manière dont le travail est réellement organisé pour produire un bien
ou un service destiné à un client. En effet, les flux de produits, certaines
informations, voire même les clients, circulent d'un service à un autre ou d'un
département à un autre de manière transversale ou horizontale, plutôt que selon une
orientation verticale.

Il existe donc un écart entre la structure organisationnelle de l'entreprise et la réalité du


travail effectué. La compétitivité de l'entreprise est évaluée en fonction de sa capacité à
gérer efficacement un ensemble d'activités qui sont interconnectées horizontalement.
Cependant, le système de contrôle de gestion traditionnel accorde priorité à la gestion des
relations entre les différents niveaux hiérarchiques au sein de chaque fonction.
Il est de plus en plus crucial de maîtriser la dimension horizontale, représentée par la
séquence d'activités que nous désignons sous le terme de processus, car c'est là que se
situent les principaux leviers potentiels d'amélioration de la performance. Ainsi, de nos
jours, la capacité à coordonner le marketing, les études, les méthodes de concert pour
développer un nouveau produit peut constituer un avantage concurrentiel plus significatif
que le niveau de performance de chaque fonction pris individuellement.
En d'autres termes, l'idée sous-jacente au contrôle de gestion, selon laquelle l'optimisation
de la gestion dans chaque centre de responsabilité conduirait à une gestion optimale de
l'ensemble de l'entreprise, s'avère fausse, tant sur le plan mathématique que dans la réalité
des entreprises. Par exemple, un service des achats peut négliger la qualité ou le timing
des approvisionnements pour minimiser les coûts, sans garantie que les économies
réalisées compenseront les dysfonctionnements qui en découleront en production.
La gestion des processus vise à réintroduire une logique transversale, surmontant les
frontières et les silos qui génèrent des inefficiences, afin d'adopter une perspective plus
holistique et orientée vers les clients de l'entreprise.
1.2- Définition du processus :
Il est essentiel de souligner, en premier lieu, deux aspects. Premièrement, le terme
"processus" est sujet à une certaine ambiguïté, ne faisant pas l'objet d'un consensus
véritable. Nous tenterons néanmoins de le définir en le situant par rapport à d'autres
termes plus ou moins similaires. Deuxièmement, il convient de ne pas confondre le
processus dont il est question ici avec le processus de contrôle de gestion qui fait
référence au cycle couramment utilisé de "prévision-planification-suivi des résultats-
évaluation".
On peut considérer qu'un processus est une séquence d'activités contribuant à la création
d'un bien ou d'un service, pouvant être destiné à un client final ou à d'autres services ou
processus au sein de l'entreprise. Les caractéristiques principales d'un processus, selon P.
Zarifian (1994), comprennent :
 des entrées,
 une ou plusieurs sorties,
 des ressources,
 un coût approximatif,
 une performance globale,
 des éléments de performance liés aux points critiques,
 un déroulement temporel,
 des règles et procédures.
a) Processus et activités
Le terme « activité » que nous venons d’utiliser n’est pas, lui-même, très bien défini, bien
que la plupart des travaux se référant à la comptabilité d’activités (Activity Based
Costing ou ABC).
En particulier, les auteurs qui font appel au terme "activités" divergent sur la question de
savoir si une activité est toujours effectuée au sein du même service, réservant ainsi le
terme "processus" à des séquences d'activités réalisées dans des services distincts, ou si
une activité peut également être réalisée au sein de plusieurs entités organisationnelles
distinctes. Nous adopterons ici la première option, en réservant le terme "processus" à
une séquence d'activités qui transcendent les frontières des unités hiérarchiques, car c'est
en cela qu'ils se distinguent des centres de responsabilité, et cette terminologie se
rapproche de celle utilisée en gestion de production et en gestion de la qualité.
De plus, nous reconnaîtrons également que le processus a une réalité physique, signifiant
qu'il est effectivement constitué d'une séquence d'opérations de transformation de
matières, d'informations ou de personnes. Certains auteurs travaillant sur l'Activity-Based
Costing (ABC) peuvent qualifier de processus des suites d'activités qui ne présentent pas
de chaînage concret au sein de l'entreprise.
La distinction entre activité et processus est également délicate, car elle dépend en partie
du point de vue adopté et de la distance à laquelle l'"objet entreprise" est observé. Par
exemple, ce qui peut apparaître de loin comme une activité (comme le stockage des
matières premières) peut être décrit comme un processus lorsqu'il est analysé de manière
plus détaillée.
Il est également important de rappeler qu'il ne faut pas confondre l'activité telle que nous
venons de l'évoquer avec l'activité comprise comme secteur d'activité (équivalent du
terme anglo-saxon "business").
b) Processus et projet :
Bien qu’une certaine superposition soit possible entre processus et projet (ainsi, la
création, le développement et la commercialisation d’un nouveau produit peuvent être
vus comme un processus mais aussi comme un projet), on retiendra les distinctions
suivantes.

1.3- Contrôler un processus :


En tant que structure destinée à supporter le contrôle de gestion, le processus doit
posséder les mêmes caractéristiques que le centre de responsabilité, c’est-à-dire un
responsable, des objectifs, un ensemble d’outils (budget, critères d’évaluation des
performances). Nous allons étudier successivement ces trois éléments en insistant sur les
particularités liées au fait que nous parlons de processus.
a) Un responsable
Si l’on s’en tient à une reproduction du modèle traditionnel de contrôle de gestion, le
processus doit avoir un responsable, que l’on qualifiera de « responsable de processus »
ou de « propriétaire de processus », process owner pour les AngloSaxons. Un exemple
concret de ce type de fonction peut être offert par les materials managers ou les category
managers, chargés de gérer l’ensemble des flux physiques d’une entreprise, depuis
l’approvisionnement jusqu’à la distribution physique. La création d’une structure de
responsabilité horizontale ne conduit en général pas à la suppression des structures
verticales, et l’on obtient le plus souvent une structure matricielle combinant une
dimension processus et une dimension fonction ou bien une dimension processus et une
dimension géographique…
Comme dans toute structure matricielle, on pourra observer des équilibres différents entre
les deux axes de la matrice, conduisant parfois à la domination de la fonction, ou à celle
des processus. De même, on verra émerger des conflits et la nécessité d’établir des règles
et des arbitrages dans l’allocation des ressources, la gestion des ressources humaines, les
critères d’évaluation et de promotion.
On peut toutefois envisager des formes organisationnelles plus souples dans lesquelles le
responsable du processus est un groupe composé de représentants des principales
activités constituant le processus piloté par l’un deux. Il faut noter que cette solution est
le plus souvent préconisée pour réorganiser des processus plutôt que pour les piloter au
quotidien.
b) Des objectifs :
En toute logique, la définition des objectifs d’un processus opérationnel devrait partir du
produit fini, c’est-à-dire du client. Ces objectifs devraient ensuite être déclinés pour
chacune des étapes du processus, en « remontant dans l’organisation » (figure ci-
dessous).
Cette démarche consiste donc à décliner un objectif portant sur un résultat en une
succession d’objectifs portant sur les processus aboutissant à ce résultat. S’il existe un
véritable « responsable de processus », on peut même envisager une discussion et une
négociation de ces objectifs intermédiaires.
Toutefois, il est impossible de perdre de vue la dimension verticale de l’entreprise, qui
fixe elle aussi des objectifs, attribue des budgets… et les éventuels conflits qui pourront
naître de la confrontation des deux types d’objectifs. Un certain nombre de solutions sont
envisageables (voir par exemple P. Lorino, 1997, chapitre 3), telles la segmentation des
objectifs selon leur nature (certains relevant de la dimension horizontale, d’autres de la
dimension verticale) ou bien l’harmonisation par négociation lors de la fixation de
l’ensemble des objectifs. Pour l’instant, aucune d’entre elles n’apparaît comme parfaite.
c) Un système de mesure des performances :
Soit le processus existe en tant que structure organisationnelle, dotée d’autorité et de
pouvoir. Dans ce cas, son responsable sera jugé sur les objectifs du processus, à charge
pour lui d’obtenir la collaboration des responsables des différentes activités composant le
processus, selon un contrôle de gestion relativement classique. Soit le processus n’est pas
doté d’une véritable structure organisationnelle. Dans ce cas, il est bon de prévoir, pour
chacun des responsables, une grille d’évaluation qui inclut non seulement des critères
économiques mais aussi des critères décrivant dans quelle mesure le service contribue à
l’accomplissement de performances transversales. On pourra par exemple demander à un
service de contrôle de gestion ou de facturation une performance en termes de fiabilité, de
délai, à un service informatique une performance en termes de disponibilité du réseau,
etc. Moins efficace peut-être que la solution précédente, celle-ci est toutefois préférable à
celle consistant à ne retenir que des critères de performance centrés sur l’activité du
service qui conduit inévitablement le manager à « se retrancher dans sa citadelle » et à
pénaliser le processus auquel il appartient. Si l’on veut mettre un processus « sous
contrôle », il ne faut pas seulement fixer un objectif à l’ensemble du processus voire des
sous-objectifs à certaines activités. Il faut que, en un certain nombre de points du
processus, des indicateurs soient prévus pour contrôler son bon déroulement et s’assurer
du résultat final.
Traditionnellement, le contrôle de gestion repose sur une structure hiérarchique et
verticale de l'entreprise, conçue pour faciliter la délégation des responsabilités entre un
supérieur et ses subordonnés, sous la forme de la structure en centres de responsabilité.
Cependant, l'activité de l'entreprise est fondamentalement transversale, car la création du
produit (ou service) implique la collaboration de différents services au sein de
l'entreprise. Ainsi, la performance de l'entreprise dépend de sa capacité à gérer
efficacement l'ensemble des activités contribuant à la réalisation du produit. L'essentiel
des possibilités d'amélioration de la performance réside dans cette transversalité, qui
correspond également aux nouvelles formes et structures organisationnelles adoptées par
les entreprises, telles que les structures matricielles intégrant fonction et zone
géographique, ou fonction et projet.
Dans ce contexte, un processus peut être défini comme une séquence d'activités
contribuant à la création d'un bien ou d'un service. Le contrôle de gestion orienté vers les
processus doit incorporer les caractéristiques classiques du domaine, comprenant un
responsable, des objectifs et un système de mesure des performances.
Conclusion :

Au fil des dernières décennies, les structures soumises au contrôle de gestion ont connu
une évolution significative. Jusqu'au milieu des années 1980, la structure prédominante
était celle des centres de responsabilité. Bien que la nature de ces centres puisse varier
(fonctionnelle, géographique, divisionnelle), l'organisation demeurait toujours
hiérarchique. À partir des années 1980, de nouvelles structures organisationnelles ont
émergé au sein des entreprises. Pour ces nouvelles structures, telles que les processus et
les projets, le contrôle de gestion a commencé à mettre en place des dispositifs de
pilotage similaires à ceux utilisés pour la structure traditionnelle en centres de
responsabilité. Ces dispositifs incluaient l'identification d'un responsable, la fixation
d'objectifs, la définition d'indicateurs de performance, la construction de budgets et
l'élaboration de plans d'action.
Il est à noter que ces nouvelles structures n'ont généralement pas complètement remplacé
la structure en centres de responsabilité. Ainsi, la coexistence de deux ou trois structures
est souvent observée, à partir desquelles le pilotage de la performance s'opère.
La cohabitation de ces différentes structures présente des défis pour le contrôle de
gestion, tels que les conflits d'objectifs et les systèmes de reporting multiples. Ces défis
font écho aux questionnements auxquels ont été confrontés les théoriciens des structures
d'entreprise lors de l'introduction des premières structures matricielles, ainsi qu'aux
interrogations des spécialistes des ressources humaines, notamment sur la manière dont
un individu gère son affiliation à un métier et à un projet, et la construction de sa carrière.

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