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1 ETUDIER UNE NOUVELLE FANTASTIQUE : LA VENUS D’ILLE DE PROSPER MERIMEE

3 Objectifs principaux :

4 - Reconnaître un genre littéraire : la nouvelle fantastique


5 - Savoir repérer les procédés de l’écriture fantastique et les réutiliser dans ses propres écrits (Lire pour écrire / écrire pour lire)
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Intitulés des séances Objectifs Démarches et supports commentaires
Séance 1 : Entrer dans - Découvrir, par le détour de Extrait de Sleepy Hollow de Tim Burton :
le fantastique l’image, les caractéristiques de L’arrivée de l’enquêteur Ichabod Crane dans le village : le passage du
l’écriture du fantastique rationnel au fantastique/ l’ambiguïté du décor et de l’atmosphère
-Savoir analyser une image
mobile : les procédés filmiques 1Questionnaire oral des élèves
du fantastique/s’initier aux 2Synthèse finale sur une première définition du fantastique
notions de dénotations et
connotations
Séance 2: Créer une - Réinvestir les éléments de Production écrite des élèves : Pour classes faibles : diviser la consigne
atmosphère fantastique définition de la séance 1 dans une d’écriture en 3 groupes / Proposer des
production écrite Vous ferez le récit de l’arrivée de Ichabod Crane dans le village en consignes très précises et qui ne
-Percevoir par la pratique les transposant par votre écriture l’atmosphère créée par Tim Burton multiplient pas les difficultés (narrateur
procédés d’écriture du dans son film 1ère personne/ récit au présent…) Le
fantastique : champ lexical de la La production comprendra : une description du cadre spatio- travail peut être également précédé
peur/ verbes de perception/ temporel/ le récit de l’avancée du personnage dans le village/ d’une recherche lexicale faite en classe
modalités appréciatives/ l’expression de la peur du personnage (aide de dictionnaires de synonymes)
expressions du doute/ images qui
transforment le réel La production peut être ramassée et
-travailler la maîtrise de la langue donner lieu à une première évaluation
(voir ci-dessus)

Séance 3 : Entrer dans -construire les pré-requis La classe peut être divisée en trois groupes
l’univers de La Vénus culturels afin d’aborder l’oeuvre Mise en commun des recherches par
d’Ille intégrale Groupe 1 : Le mythe de la statue et de l’objet animés exposés oraux.

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-autonomiser les élèves dans des Groupe 2 : Vénus et ses représentations dans les arts antiques Les illustrations choisies par les élèves
travaux de recherches Groupe 3 : la définition du fantastique peuvent être affichées dans la classe.
-construire un dossier/ compte
rendu de recherche avec Chaque groupe disposera de dictionnaires/ documents construits par
illustration et en rendre compte à le professeur/ de recherches Internet + questionnaire ciblé du
l’oral devant la classe professeur
Séance 4 : Entrer dans -Favoriser l’entrée dans l’œuvre 1 Compte rendu des élèves sur leurs travaux de recherche/ prises de Pour la séance 6 :
la lecture de l’oeuvre par une lecture guidée et notes Lire la nouvelle en remplissant le tableau
problématisée
-Construire des hypothèses de 2 Le texte de la nouvelle : l. 1 à 98. : la route vers Ille. Ce travail peut être adapté en fonction
lecture à partir de l’incipit de la Lecture guidée à l’aide d’un tableau à remplir et d’un questionnaire du niveau des élèves : donner une
nouvelle axé sur ces points : en quoi est-ce un début de nouvelle fantastique ? section à lire pour chaque séance
suivante et commencer chaque séance
3 Production des élèves : en vous servant des recherches faites à la par un rapide compte rendu de lecture
séance 3, quelles hypothèses faites-vous pour la suite du récit ? Quels (cf tableau proposé)
indices du texte vous permettent de justifier ces hypothèses ? Ou donner plusieurs sections à lire voire
l’ensemble de la nouvelle : il est
cependant impératif que les élèves
remplissent le tableau afin de pouvoir
mener l’étude collective en classe.
Séance 5 : Créer une -Savoir analyser son écrit et Productions écrites des élèves/ extraits d’oeuvres fantastiques : Le
atmosphère fantastique l’évaluer en fonction de critères Horla ou La Peur de Maupassant…
(suite séance 2) définis 1 Evaluation de quelques extraits de copies et exercices de correction La production finale des élèves pourra
-Repérer des procédés d’écriture de la langue donner lieu à une seconde évaluation.
et savoir les utiliser 2 Etudier les extraits proposés et constituer une sorte de dictionnaire :
-Maîtriser la langue (champs lexique de la peur/ verbes de perception et de sensations/ expressions
lexicaux/ subordonnée du doute…
complétive/ procédés de la 3 Faire construire aux élèves des images (comparaisons/ métaphores)
description/ modalités qui transforment le réel
appréciatives) 4 Correction par les élèves de leurs premiers essais d’écriture
Séance 6 : Lire une -Faire lire de façon à la fois La nouvelle dans son intégralité
œuvre intégrale autonome et efficace les élèves
-Assurer une lecture qui relève Première démarche : Les élèves remplissent un tableau de lecture.
des indices Reprise en classe de chaque section.
Deuxième démarche : travaux d’écriture à la fin de chaque section afin

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d’inciter les élèves à une lecture attentive et signifiante des indices du
texte.
Séance 7 : Etudier la -Réinvestir les connaissances sur Le texte intégral de la nouvelle/ le tableau de structure rempli par les
structure d’une le fantastique pour étudier une élèves/ frise chronologiques construite avec les élèves
nouvelle fantastique nouvelle
-Etudier la structure narrative 1 En quoi peut-on parler de nouvelle fantastique ?
d’une nouvelle et proposer une
interprétation de cette structure 2 En quoi la structure temporelle et le rythme du récit sont-ils
-Devenir un lecteur pertinent : signifiants? Construction d’une frise chronologique
repérer les éléments assurant la
cohérence d’un texte leurs rôles 3 A la lumière de votre lecture finale, quels indices annonçant la fin
dans la progression de la sont disséminés à travers le texte ?
narration
Séance 8 : Analyser la -Etudier la caractérisation des Extraits de la nouvelle : portraits des différents personnages
caractérisation des personnages dans la nouvelle 1Première démarche : analyse guidée de la caractérisation des
personnages -Comprendre la portée signifiante personnages
du système des personnages Deuxième démarche : élaboration de fiches d’identité pour chacun
dans la nouvelle des personnages
2 Construction par les élèves d’un schéma de structure du système
des personnages
Séance 9 : Etudier le -Pratiquer la lecture méthodique Extrait de la nouvelle : la description de la statue
portrait de l’idole -Etudier l’organisation et les
procédés de la description 1 Construction par les élèves de premières hypothèses de lecture :
-construire le sens de cette signification et intérêts de cette description. Effets produits sur le
description dans l’économie de la lecteur
nouvelle 2 Confrontation de cette hypothèse à l’analyse précise du texte :
composition/ énonciation/ champs lexicaux…
3 Elaboration d’un plan en vue de répondre à l’hypothèse finale
proposée
Séance 10 : Etudier -Savoir identifier dans un texte 1La description de la statue (l. 306/ 356)
l’accord du participe les participes passés et les travail de repérage dans le texte/ construction de la règle
passé différents temps verbaux
-Connaître la valeur de ces temps 2 exercice d’application par l’écriture : proposer un exercice de
-Construire la règle de l’accord du description au passé : elle était…, il avait … Les élèves peuvent
participe passé s’inspirer d’images apportées par le professeur : Pourquoi pas les

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représentations des statues antiques issues des recherches des élèves
(séance 3) ?

Séance 11 : Découvrir la -Analyser une image Corpus autour de la peinture fantastique à travers les siècles : Füssli/ Prolongement :
peinture fantastique -Réinvestir les connaissances sur Böcklin/ KHnopff/ Oelze/ Delvaux/ Escher/ Magritte/Piranèse Les différents travaux de recherche des
le fantastique élèves peuvent donner lieu à une
-Construire le sens de la vision Chaque élève prend en charge une peinture de son choix et en fait la exposition sur le fantastique qui
fantastique projetée sur le description avant de préciser ce qui fait d’elle une œuvre fantastique : comporterait différents panneaux :
monde : quelles visions du Synthèse sur les thèmes fantastiques et les interrogations sur -qu’est-ce que le fantastique ?
monde et de l’homme sont l’homme dont ils se font l’écho. -les thèmes du fantastique
données à travers ces -la peinture fantastique…
représentations ?
Séance 12 : Ecrire une -Réinvestir les procédés du « Crescendo » de Buzzati/ production des élèves.
nouvelle fantastique à fantastique Cet écrit pourra être évalué en fonction
la manière de … -Maîtriser la langue 1Lecture de quelques paragraphes de Crescendo de Buzzati : du tableau de critères proposé
comment l’auteur passe-t-il d’une scène quotidienne et banale à une
scène fantastique ? (cf tableau d’étude proposé ci – après)

2 A la manière de « Crescendo » de Dino Buzzati, vous rédigerez au


moins 6 variations à partir de la scène suivante.

La jeune fille se promenait dans le parc. Un bruissement de feuilles la


fit se retourner. Elle vit s’approcher M……, son voisin de palier qui
s’avançait avec son chien.

- Bonjour !, lui dit-elle


- Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas vue, répondit-il
en lui tendant la main.

Séance 13 : Evaluation

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8 SEANCE 1 : ENTRER DANS LE FANTASTIQUE
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10 Objectifs : Découvrir, par le détour de l’image, les caractéristiques de l’écriture du fantastique.
11 Savoir analyser une image mobile : les procédés filmiques du fantastique/s’initier aux
12 notions de dénotations et connotations.
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14 Démarche : visionnage d’un court extrait de Sleepy Hollow, la légende du cavaler sans tête, de Tim
15 Burton : l’arrivée de Ichabod Crane au village (de 00h06min50 à 00h11min15).
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17 1 Situation de l’extrait : En 1799, dans un village isolé de la Nouvelle-Angleterre, trois meurtres
18 mystérieux ont été perpétrés en moins de deux semaines : les victimes ont été retrouvées la tête
19 tranchée… Terrifiés, les habitants attribuent ces assassinats à un fantôme redoutable : le cavalier
20 sans tête. Ichabod Crane, policier new-yorkais se rend sur les lieux pour éclaircir l’énigme.
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22 2 Premier visionnage du passage : pourquoi peut-on parler d’atmosphère fantastique ?
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24 3 Questionnaire oral :
25 - Avant le départ : en quoi peut-on parler d’atmosphère normale au départ ? (préparatifs, couleurs
26 plutôt claires/ rôle de l’oiseau coloré que le héros libère : symbole de vie/ vision d’une rue animée et d’une diligence
27 normale)
28 - Le trajet : par quels procédés le réalisateur rend-il le trajet inquiétant ? (la musique stridente ou
29 dramatique en crescendo, les couleurs sombres et grises, la brume (fantôme ?), du jour à la nuit, les arbres et la
30 forêts (demander aux élèves les attentes culturelles convoquées par rapport à ces lieux), la place de la caméra qui
31 semble parfois observer la diligence de dos, l’épier, la surveiller : présence diffuse et angoissante)
32 - L’arrivée au village : où est placée la caméra et quel mouvement suit-elle lors de la
33 découverte du village ? (caméra placée derrière le héros : on voit ce qu’il voit tout en donnant l’impression
34 d’une présence derrière lui. Puis mouvement ascendant : plan d’ensemble.) Décrivez avec précision le
35 décor : ce travail peut-être fait à l’écrit en demandant aux élèves d’utiliser les connecteurs
36 spatiaux et de faire comme s’il voulait décrire la scène à quelqu’un qui ne l’a pas vue. Quel
37 sens donner à cette organisation de l’espace ? (plan coupé en deux : portes du village marquées par les
38 deux têtes de cerfs (trophées ?) puis chemin qui coupe l’espace en deux. De chaque côté des deux murets : le
39 cimetière à gauche, les moutons à droite : mort// vie. Passage symbolique pour le personnage qui pénètre un
40 monde de l’entre-deux entre la vie et la mort (cf la brume au loin). On sait déjà que le héros va affronter les limites
41 du naturel.)
42 - L’avancée dans le village : quels sont les différents mouvements et placements de la caméra ?
43 Quels effets sont produits par ces choix ? (alternance caméra subjective et caméra qui observe le héros (cf
44 tour de guet : brusque changement de point de vue) : peur, angoisse, sentiment de présence diffuse, héros piégé,
45 observé : doute)
46 - Le champ avant la maison : quels effets de lumières sont créés ? Pourquoi ? (brume comme des
47 spectres. Terrain qui ressemble à un cimetière où âmes errent : cf lieu commun de la maison hantée en haut de la
48 colline.)
49 - Le générique : en quoi le choix de la typographie du générique participe-t-il des thèmes que
50 nous avons-vus ? (caractère trouble des signes typographiques tels des spectres ou des entités indéfinies : Tim
51 Burton joue de tous les codes du fantastique, on pourrait même dire qu’il en rajoute !)
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53 4 A partir des éléments observés, quelle première définition des caractéristiques du fantastique
54 donneriez-vous ? (écrit/ première recherche collective du vocabulaire autour du thème)
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56 SEANCE 2 : CREER UNE ATMOSPHERE FANTASTIQUE
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59 Objectifs : Réinvestir les éléments de définition de la séance 1 dans une production écrite
60 Percevoir par la pratique les procédés d’écriture du fantastique : champ lexical de la peur/
61 verbes de perception/ modalités appréciatives/ expression du doute/ images qui transforment le réel
62 Travailler la maîtrise de la langue (voir ci-dessus)
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64 Démarche : travail d’écriture
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66 1 La consigne suivante est donnée aux élèves : vous raconterez en 10 lignes l’entrée d’Ichabod Crane
67 dans le village en veillant à transposer par l’écriture l’atmosphère angoissante du film et l’ambiguïté
68 du décor. Votre récit se fera à la première personne (narrateur interne) et au présent de l’indicatif.
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70 La classe peut être divisée en groupes qui prennent en charge trois parties du récit :
71 - La description du cadre spatio-temporel : qu’aperçoit Ichabod Crane à l’entrée du village ? /
72 utilisations des indices spatiaux/ utilisation de comparaisons et métaphores qui transforment
73 un espace réaliste en un espace inquiétant et ambigu.
74 - L’avancée dans le village : utiliser des verbes de perception (vue/ ouïe/ odorat…) pour décrire
75 les sensations du personnage ; utiliser des modalisateurs qui expriment le doute du
76 personnage
77 - L’expression de l’angoisse du personnage : lexique de la peur utilisé de façon croissante dans
78 l’intensité ; manifestation physique de la peur.
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81 Ces consignes peuvent être plus ou moins affinées en fonction de l’objectif : laisser les élèves écrire
82 dans un premier jet ou les faire construire un texte réfléchi. Il donnera de toute façon lieu à une
83 réécriture en séance 5.
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86 2 L’entrée des élèves dans l’écriture serait cependant facilitée si précédée d’une recherche lexicale
87 collective ou en binômes à l’aide de listes de synonymes proposées par le professeur. Les élèves
88 relèvent les synonymes et les classent dans un ordre d’intensité croissante :
89 - Synonymes de peur
90 - Synonymes de bruit
91 - Synonymes de voir et entendre
92 - Expressions exprimant l’incertitude : recherche de modalisateurs : il me semble, il me paraît,
93 je crois voir, peut-être est-ce, interrogatives : est-ce le vent… ?
94 La recherche peut être reprise sous forme de schéma au tableau.
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99 SEANCE 3 : ENTRER DANS L’UNIVERS DE LA VENUS D’ILLE
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101 Objectifs : Susciter la curiosité des élèves
102 Leur permettre s’acquérir les pré-requis culturels et notionnels nécessaires pour lire et
103 comprendre la nouvelle de Mérimée (mythologie/ sculpture/ registre fantastique)
104 Favoriser le travail de recherche collective : sélectionner les informations, les réorganiser
105 en prises de notes pertinentes et les restituer à l’oral.
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107 Démarche : La classe est divisée en groupes de trois ou quatre élèves qui prennent en charge un de
108 ces sujets de recherche. Avant de lancer les élèves dans la recherche, le professeur aura défini avec la
109 classe ce qu’est un mythe.
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111 Groupe 1 : Vénus et ses représentations
112 Documents dont dispose le groupe : extraits de dictionnaires mythologiques, reproduction de
113 sculptures antiques, sites Internet (site du Louvre ou des musées grecs et romains), questionnaire
114 conçu par le professeur :
115 - Qui est Vénus ? quel est son nom dans la mythologie grecque ? de quelles réalités humaines
116 ou sentiments humains est-elle la divinité ? Quels sont les objets ou végétaux qui lui sont
117 associés ? Quel jour de la semaine lui est consacré ?
118 - En quoi Vénus, comme son nom l’indique, est-elle une déesse ambigüe, qu’il faut à la fois
119 aimer et craindre ? Vous vous appuierez sur deux récits qui vous semblent illustrer chacun des
120 deux aspects de la déesse.
121 - Rechercher des représentations de sculptures grecques et romaines de la déesse. Quelles
122 caractéristiques de Vénus représente chacune d’elle ?
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124 Groupe 2 : Le thème de l’objet animé dans la littérature et la mythologie :
125 Documents dont dispose le groupe : extraits de dictionnaires mythologiques, sites Internet,
126 questionnaire conçu par le professeur :
127 - Faites des recherches sur les mythes suivants : la création d’Adam dans la Genèse, Pygmalion,
128 le Golem, Don Juan, Frankenstein. Faites un résumé rapide de chacun d’eux : quels en sont les
129 points communs ? [mythes liés à la création de l’homme, rapports de l’art à la vie : l’homme peut-il se faire
130 l’égal de Dieu ? Son oeuvre peut-il lui échapper ? On peut préciser aux élèves que le sculpteur grec craint parfois
131 que son œuvre ne lui échappe et ne produise un double monstrueux de l’homme : ainsi dans le Grèce archaïque
132 n’écartait-on point les jambes des statues de peur qu’elles ne s’enfuient ! ]
133 - Lisez la description de la statue faite dans la nouvelle de Mérimée : l. 317 – 356 : relevez les
134 termes qui suggèrent la confusion entre l’art et la vie, la statue et une femme réelle.
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137 Groupe 3 : qu’est-ce que le fantastique ?
138 Documents dont le groupe dispose : extraits de dictionnaire de la littérature du fantastique, sites
139 Internet (http://mythologica.fr/fantastique), questionnaire conçu par le professeur :
140 1 Quels sont les thèmes propres au fantastique ? A quels mythes ou personnages fameux
141 certains d’entre eux renvoient ?
142 2 A partir du texte suivant, nous allons tenter de préciser les trois critères qui définissent une
143 œuvre fantastique :
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145 Tzetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Le Seuil, 1970
146 Dans un monde qui est bien le nôtre, celui que nous connaissons, sans diables, sylphides, ni vampires, //se produit un
147 événement qui ne peut s’expliquer par les lois de ce même monde familier. Celui qui perçoit l’événement doit opter pour
148 l’une des deux solutions possibles : ou bien il s’agit d’une illusion des sens, d’un produit de l’imagination et les lois du monde
149 restent alors ce qu’elles sont ; ou bien l’événement a véritablement eu lieu, il est partie intégrante de la réalité, mais alors
150 cette réalité est régie par des lois inconnues de nous. Ou bien le Diable est une illusion, un être imaginaire ; ou bien il existe
151 réellement, tout comme les autres êtres vivants […]//
152 Le fantastique occupe le temps de cette incertitude : dès qu’on choisit l’une ou l’autre réponse, on quitte le fantastique pour
153 entrer dans un genre voisin l’étrange ou le merveilleux. Si [le personnage] découvre que les lois de la réalité demeurent
154 intactes et permettent d’expliquer le phénomène décrit, nous disons que l’oeuvre relève d’un autre genre : l’étrange. Si, au
155 contraire, il décide qu’on doit admettre de nouvelles lois de la nature, par lesquelles le phénomène peut être expliqué, nous
156 entrons dans le genre du merveilleux. »

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159 - Dans quel type de réalité commence un œuvre fantastique (l.1) ?
160 - Que se produit-il alors ? (l.1à 5)
161 - Quelle condition finale distingue le fantastique de l’étrange ou du merveilleux (l. 6/ 11) ?
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164 3 Lisez les textes suivants :
165 Guy de Maupassant (1850-1893) extrait d’un article paru dans Le Gaulois, le 7 octobre 1883
166 [L’écrivain fantastique] a trouvé des effets terribles en demeurant dans la limite du possible, en jetant les âmes dans l’hésitation,
167 dans l’effarement. Le lecteur indécis ne savait plus, perdait pied comme en une eau dont le fond manque à tout instant, se
168 raccrochait brusquement au réel pour s’enfoncer encore tout aussitôt, et se débattre de nouveau dans une confusion pénible et
169 enfiévrante comme un cauchemar.
170
171 Roger Caillois, « De la féérie à la science-fiction », in : Anthologie de la littérature fantastique, Gallimard,
172 1966
173 Le féérique est un univers merveilleux qui s’ajoute au monde réel sans lui porter atteinte, ni en détruire la cohérence.
174 […] Dans le fantastique, le surnaturel apparaît comme une rupture de la cohérence universelle. Le prodige devient une agression
175 interdite, menaçante, qui brise la stabilité d’un monde dont les lois étaient jusqu’alors tenues pour rigoureuses et immuables.
176
177 - Quels sentiments suscitent sur le lecteur une œuvre fantastique ?
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180 4 On pourra faire remplir au groupe/ ou à la classe comme conclusion à l’exposé le tableau
181 suivant :
182
Critères Le merveilleux Le fantastique L’étrange La science-fiction
Un monde initial régi Non, le surnaturel est oui oui Oui : les vols dans
par les lois du réel/ présent en parallèle l’espace, voyages
Banal/ quotidien/ avec le rationnel sans dans le temps, races
rationnel le perturber extra-terrestres ne
Surnaturel accepté, sont pas surnaturels :
intégré ils s’expliquent par les
progrès scientifiques
et sont donc
rationnels
Survient un Oui mais événement Oui et cet événement Oui et cet événement non
événement surnaturel qui n’est suscite angoisse et suscite angoisse et
surnaturel qui ne pas unique et ne inquiétude inquiétude
s’explique pas par les suscite pas de peur
lois du réel et du fait de sa nature
provoque surnaturelle
interrogation et peur
A la fin, nous hésitons Non. Nous restons Oui : le personnage Non : on découvre non
entre une explication dans un univers qui est-il fou ? ou une explication
rationnelle et une mêle rationnel, l’événement rationnelle à la fin
explication naturel et surnaturel surnaturel a-t-il (parfois le fruit d’une
surnaturelle réellement eu lieu ? machination qui visait
à faire passer le héros
pour fou : on tombe
alors dans le

17
policier…)
Exemples de livres/
de mythes/ de films
que vous connaissez
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186 SEANCE 4 : ENTRER DANS LA NOUVELLE LA VENUS D’ILLE
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188 Objectifs : Faciliter l’entrée dans la lecture d’une œuvre difficile en accompagnant les élèves, en
189 remédiant aux difficultés de la langue littéraire du XIXème siècle.
190 S’interroger sur les fonctions de cet incipit et son lien avec le genre de la nouvelle
191 fantastique.
192
193 Démarche :
194
195 1 Lecture par le professeur des 22 premières lignes :
196 Les élèves doivent ensuite répondre aux questions suivantes : Où ? Qui ? Quoi ? Pour quoi ? Quel
197 problème est soulevé ?
198 Qui ? Un narrateur anonyme : « je », passionné d’histoire ? Archéologue ?
199 Quand ? Le soir
200 Où ? Coteau du Canigou, Pyrénées orientales sur la route vers Ille (amener aux élèves une carte de France)
201 Quoi ? Dialogue « naturel » entre le narrateur et son guide
202 Pour quoi ? Désir du narrateur de rencontrer M. de Peyrerohade avec lequel il a un ami commun. M.de Peyrerohade est
203 un riche antiquaire amateur d’archéologie.
204 Quel est le problème soulevé ? Mariage du fils de M de Peyrerohade avec une riche héritière de Puygarrig. Risque
205 que les plans du narrateur soient compromis.
206
207 2 Lecture par le professeur des lignes 16 à 77 suivie de trois propositions d’activité au choix :
208 1ère activité : Les élèves effectuent ensuite un travail d’écriture (possibilité de constitution de
209 binômes)
210 - Proposez deux portraits de la statue : l’un sera celui fait par M. de Peyrerohade. L’autre sera
211 celui fait par Jean Coll.
212 On attend des élèves qu’ils aient compris qui sont les personnages, ce qui leur est arrivé, et qu’ils aient perçu la nature
213 ambigüe de la statue et les sentiments opposés quoique toujours violents qu’elle suscite : passion, amour, admiration,
214 jugement esthétique et historique pour M. de Peyrerohade ; peur, haine, superstition, désir de vengeance pour Jean Coll qui
215 peut l’assimiler à une créature démoniaque, porteuse de mort.
216 Les élèves peuvent échanger leur copie et évaluer le travail de leur camarade en relevant dans le
217 texte les citations qui justifient ces interprétations. Echange collectif/ notation au tableau des
218 caractéristiques de la statue et des citations.
219
220 2ème activité : Les élèves répondent après la lecture à la question suivante :
221 En quoi peut-on dire qu’ils s‘agit bien de l’incipit d’une nouvelle fantastique ?
222
223 - Un début rationnel, et réaliste : des lieux banals, réalistes, un dialogue naturel… effet de réel et vraisemblance du
224 récit

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225 - Un élément perturbateur ambigu : présence de la statue qui suscite un sentiment de malaise et laisse planer
226 l’ambiguïté sur sa nature : femme ou statue ? Champ lexical de la mort, présence en filigrane du mythe de la statue
227 animée et démoniaque, ou du mort vivant
228
229 3ème activité : Travail d’écriture :
230 Imaginez la suite. Vous pouvez vous servir des recherches que nous avons faites sur Vénus et les
231 thèmes du fantastique.
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234 SEANCE 5 : CREER UNE ATMOSPHERE FANTASTIQUE (SUITE)
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236 Objectifs : faire réinvestir aux élèves leurs connaissances sur le fantastique et consolider la notion par
237 le travail de l’écriture.
238 Travailler la maîtrise de la langue par la pratique de l’écriture : réfléchir aux faits de langue
239 en vue de produire un effet sur le lecteur, enrichir le vocabulaire.
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241 Démarche :
242 1 A partir d’exemples de quelques premières productions d’élèves, évaluer avec la classe les réussites
243 et les échecs. On peut construire avec le groupe le tableau de critères qui accompagnera cette
244 évaluation// Le professeur peut aussi profiter de l’exercice pour proposer des activités ciblées de
245 correction de la langue (syntaxe/ orthographe).
246
247 2 L’examen des copies révèlera sans doute la difficulté pour les élèves de s’exprimer avec précision et
248 intensité faute de maîtriser un lexique riche et varié. On peut donc proposer aux élèves des listes
249 d’expressions et de vocabulaire constituées à partir de dictionnaires analogiques :
250 Voici quelques exemples à puiser dans le Dictionnaire des combinaisons de mots : les synonymes en
251 contexte, collection Les Usuels, Le Robert (photocopies proposées)
252 Entrée : peur, nom fém.
253  Peur + ADJECTIF
254  Primitive . universelle : la peur universelle de la mort. ancestrale. Vieille +nom . ancienne.
255 Enfantine : la peur enfantine de l’obscurité. Millénariste. Physique : il a une peur physique de se faire
256 agresser
257  Belle +nom. Folle. Grande+nom. Vraie+nom. Affreuse. atroce. Bleue : j’ai une peur bleue.
258 Epouvantable. Horrible. intense. Panique. Profonde. Terrible. Violente. Indescriptible.
259 Indicible
260  Inexplicable. Irrationnelle. Maladive. Morbide. Phobique. Dévorante. Obsédante.
261 Oppressante. Paralysante
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263 Peur + VERBE
264  dominer : la peur domine de puis les attentats. Régner : la peur règne dans toute la ville
265  gagner. Habiter : cette peur légitime habite tous les hommes. Saisir. S’emparer de. S’insinuer dans
266  Figer. Paralyser. Tétaniser : je suis resté tétanisé par la peur. Ronger
267  Grandir. Se propager. Se répandre
268  Se lire. Se sentir. Suinter : la peur suinte dans ce quartier mal famé
269  Etre mêlé de : une peur mêlée de fascination
270

19
271  VERBE + peur
272  Faire (sans article) : tu m’as fait peur. Déclencher. Engendrer. Produire. Provoquer. Semer : la
273 nouvelle a semé la peur dans tout le pays. Inspirer. Susciter.
274  avoir (sans article). Eprouver. Ressentir. Etre mort de fam. Etre pris de . être confronté à . être
275 en proie à
276  Sentir. Suinter. Transpirer : une ambiance malsaine qui transpire la peur
277  Céder à . se laisser aller à . vivre dans : les habitants vivent dans la peur d’un nouveau séisme
278  Montrer. Refléter. Trahir : son regard trahissait sa peur
279  Crier de. Hurler de . trembler de. Etre pétrifié de . être transi de
280  Braver. Conjurer. Ignorer. Oublier. Réprimer. Surmonter : il a réussi a surmonté sa peur et a sauter
281 dans le vide. Apprivoiser : on leur apprend à apprivoiser leur peur dans l’avion . Canaliser. Dominer.
282 Maîtriser
283
284 Autres entrées possibles : « angoisse » et les synonymes de « peur », les verbes de perception (« voir,
285 apercevoir, distinguer, entendre, sentir »…), « bruit », « lumière », « atmosphère »…
286
287 3 Construire des images qui transforment le réel : travail sur la construction de comparaisons et
288 métaphores afin de décrire un cadre spatio-temporel fantastique.
289
290
291
292
293 SEANCE 6 : LIRE UNE ŒUVRE INTEGRALE
294
295 Objectifs : Aider les élèves à entrer dans la lecture d’une œuvre difficile.
296 Les accompagner dans cette lecture en leur offrant un parcours guidé et en les mettant en
297 activité.
298
299 Première proposition de démarche : construire une synthèse de lecture :
300 Les élèves lisent par étape la nouvelle et remplissent au fur et à mesure le tableau suivant. Chaque
301 étape donne lieu à une mise en commun en classe.
302
Etapes du récit : Résumé des Personnages en Indices temporels / temps du récit Atmosphère Termes utilisés
trouvez un titre événements présence. Qualifiez propre au par le narrateur
à chacune de chacun par trois fantastique ? et les
ces étapes adjectifs de votre choix personnages
pour désigner et
caractériser la
Vénus
l.1à 98 : Le soir : « bien que le soleil fût déjà
couché »
l.99 à 289 Le dîner, la nuit

l.290à 502 La matinée du lendemain : « il est


huit heures » jusqu’à l’heure du
déjeuner : « la cloche du déjeuner
interrompit… »

20
l.503 à 610 L’après-midi puis le soir : « le dîner »
l.610 à 678 : Le lendemain, jour de la noce : le
« vendredi, jour de Vénus » ; « Dès
huit heures » jusqu’à « dix heures »
l.679 à 836 La fin de matinée ; « le déjeuner » ;
« le déjeuner terminé [..] il était
quatre heures » ; il était près de huit
heures : départ pour Ille ; « souper »
jusqu’à « près de minuit »
l. 837 à la fin La nuit ; le réveil à « cinq heures ;
première enquête jusqu’à « midi » ;
après-midi enquête du procureur du
roi ; « quelques heures après les
funérailles » (ellipse temporelle) ;
« quelques mois après mort de M. de
Peyrerohade », présent
d’énonciation final (« je viens de
recevoir ») : incertitude temporelle
303
304
305 Deuxième proposition de démarche : entrer dans la lecture par le détour de l’écriture : inciter les
306 élèves à faire une lecture active, attentive et personnalisée de la nouvelle.
307
308 Voici le travail constitué par un professeur autour de la nouvelle du Passe-Muraille de Marcel Aymé :
309 chaque étape de lecture est suivie d’un travail d’écriture qui demande aux élèves de réinvestir dans
310 leurs écrits les éléments explicites et implicites de la narration. La nouvelle La Vénus d’Ille pourrait
311 donner lieu à un même type de travail.
312
313
314
315
316 LE PASSE-MURAILLE Marcel Aymé 1943
317 (le texte ci-dessous est la version intégrale)
318 Il y avait à Montmartre, au troisième étage du 75 bis de la rue d'Orchampt, un excellent
319 homme nommé Dutilleul qui possédait le don singulier de passer à travers les murs sans
320 en être incommodé. Il portait un binocle, une petite barbiche noire, et il était employé de
321 troisième classe au ministère de l'Enregistrement. En hiver, il se rendait à son bureau par
322 l'autobus, et, à la belle saison, il faisait le trajet à pied, sous son chapeau melon.
323 Dutilleul venait d'entrer dans sa quarante-troisième année lorsqu'il eut la révélation de
324 son pouvoir. Un soir, une courte panne d'électricité l'ayant surpris dans le vestibule de
325 son petit appartement de célibataire, il tâtonna un moment dans les ténèbres et, le
326 courant revenu, se trouva sur le palier du troisième étage. Comme sa porte d'entrée était
327 fermée à clé de l'intérieur, l'incident lui donna à réfléchir et, malgré les remontrances de
328 sa raison, il se décida à rentrer chez lui comme il en était sorti, en passant à travers la
329 muraille. Cette étrange faculté, qui semblait ne répondre à aucune de ses aspirations, ne
330 laissa pas de le contrarier un peu et, le lendemain samedi, profitant de la semaine
331 anglaise, il alla trouver un médecin du quartier pour lui exposer son cas. Le docteur put
332 se convaincre qu'il disait vrai et, après examen, découvrit la cause du mal dans un
333 durcissement hélicoïdal de la paroi strangulaire du corps thyroïde. Il prescrivit le
334 surmenage intensif et, à raison de deux cachets par an, l'absorption de poudre de pirette
335 tétravalente, mélange de farine de riz et d'hormone de centaure.
336 Ayant absorbé un premier cachet, Dutilleul rangea le médicament dans un tiroir et n'y
337 pensa plus. Quant au surmenage intensif, son activité de fonctionnaire était réglée par

21
338 des usages ne s'accommodant d'aucun excès, et ses heures de loisir, consacrées à la
339 lecture du journal et à sa collection de timbres, ne l'obligeaient pas non plus à une
340 dépense déraisonnable d'énergie. Au bout d'un an, il avait donc gardé intacte la faculté
341 de passer à travers les murs, mais il ne l'utilisait jamais, sinon par inadvertance, étant
342 peu curieux d'aventures et rétif aux entraînements de l'imagination. L'idée ne lui venait
343 même pas de rentrer chez lui autrement que par la porte et après l'avoir dûment ouverte
344 en faisant jouer la serrure. Peut-être eût-il vieilli dans la paix de ses habitudes sans avoir
345 la tentation de mettre ses dons à l'épreuve, si un événement extraordinaire n'était venu
346 soudain bouleverser son existence.
347
348 Activités
349 Lecture du texte, Compréhension
350 Ecriture inventive : Imaginez la suite
351 Ou Vous possédez le don de passe muraille, racontez comment vous l’avez découvert ou
352 comment vous l’avez utilisé
353
354
355 M. Mouron, son sous-chef de bureau, appelé à d'autres fonctions, fut remplacé par un
356 certain M. Lécuyer, qui avait la parole brève et la moustache en brosse. Dès le premier
357 jour, lé nouveau sous-chef vit de très mauvais œil que Dutilleul portât un lorgnon à
358 chaînette et une barbiche noire, et il affecta de le traiter comme une vieille chose
359 gênante et un peu malpropre. Mais le plus grave était qu'il prétendît introduire dans son
360 service des réformes d'une portée considérable et bien faites pour troubler la quiétude de
361 son subordonné. Depuis vingt ans, Dutilleul commençait ses lettres par la formule
362 suivante : « Me reportant à votre honorée du tantième courant et, pour mémoire, à notre
363 échange de lettres antérieur, j'ai l'honneur de vous informer ... » Formule à laquelle M.
364 Lécuyer entendit substituer une autre d'un tour plus américain : « En réponse à votre
365 lettre du tant, je vous informe ... » Dutilleul ne put s'accoutumer à ces façons
366 épistolaires. Il revenait malgré lui à la manière traditionnelle, avec une obstination
367 machinale qui lui valut l'inimitié grandissante du sous-chef. L'atmosphère du ministère de
368 l'Enregistrement lui devenait presque pesante. Le matin, il se rendait à son travail avec
369 appréhension, et le soir, dans son lit, il lui arrivait bien souvent de méditer un quart
370 d'heure entier avant de trouver le sommeil.
371 Ecœuré par cette volonté rétrograde qui compromettait le succès de ses réformes, M.
372 Lécuyer avait relégué Dutilleul dans un réduit à demi obscur, attenant à son bureau. On
373 y accédait par une porte basse et étroite donnant sur le couloir et portant encore en
374 lettres capitales l'inscription : Débarras. Dutilleul avait accepté d'un cœur résigné cette
375 humiliation sans précédent, mais chez lui, en lisant dans son journal le récit de quelque
376 sanglant fait divers, il se surprenait à rêver que M. Lécuyer était la victime.
377
378 Un jour, le sous-chef fit irruption dans le réduit en brandissant une lettre et il se mit à
379 beugler :
380 - Recommencez-moi ce torchon ! Recommencez-moi cet innommable torchon qui
381 déshonore mon service !
382 Dutilleul voulut protester, mais M. Lécuyer, la voix tonnante, le traita de cancrelat
383 routinier, et, avant de partir, froissant la lettre qu'il avait en main, la lui jeta au visage.
384 Dutilleul était modeste, mais fier. Demeuré seul dans son réduit, il fit un peu de tem-
385 pérature et, soudain, se sentit en proie à l'inspiration. Quittant son siège, il entra dans le
386 mur qui séparait son bureau de celui du sous-chef, mais il y entra avec prudence, de telle
387 sorte que sa tête seule émergeât de l'autre côté. M. Lécuyer, assis à sa table de travail,
388 d'une plume encore nerveuse déplaçait une virgule dans le texte d'un employé, soumis à
389 son approbation, lorsqu'il entendit tousser dans son bureau. Levant les yeux, il découvrit
390 avec un effarement indicible la tête de Dutilleul, collée au mur à la façon d'un trophée de
391 chasse. Et cette tête était vivante. A travers le lorgnon à chaînette, elle dardait sur lui,
392 un regard de haine. Bien mieux, la tête se mit à parler.
393 - Monsieur, dit-elle, vous êtes un voyou, un butor et un galopin.

22
394 Béant d'horreur, M. Lécuyer ne pouvait détacher les yeux de cette apparition. Enfin,
395 s'arrachant à son fauteuil, il bondit dans le couloir et courut jusqu'au réduit. Dutilleul, le
396 porte-plume à la main, était installé à sa place habituelle, dans une attitude paisible et
397 laborieuse. Le sous-chef le regarda longuement et, après avoir balbutié quelques paroles,
398 regagna son bureau. A peine venait-il de s'asseoir que la tête réapparaissait sur la
399 muraille.
400 - Monsieur, vous êtes un voyou, un butor et un galopin.
401 Au cours de cette seule journée, la tête redoutée apparut vingt-trois fois sur le mur et,
402 les jours suivants, à la même cadence. Dutilleul, qui avait acquis une certaine aisance à
403 ce jeu, ne se contentait plus d'invectiver contre le sous-chef. Il proférait des menaces
404 obscures, s'écriant par exemple d'une voix sépulcrale, ponctuée de rires vraiment
405 démoniaques :
406 - Garou ! garou ! Un poil de loup ! (rire). Il rôde un frisson à décorner tous les hiboux
407 (rire).
408 Ce qu'entendant, le pauvre sous-chef devenait un peu plus pâle, un peu plus suffocant,
409 et ses cheveux se dressaient bien droits sur sa tête et il lui coulait dans le dos d'horribles
410 sueurs d'agonie. Le premier jour, il maigrit d'une livre. Dans la semaine qui suivit, outre
411 qu'il se mit à fondre presque à vue d'œil, il prit l'habitude de manger le potage avec sa
412 fourchette et de saluer militairement les gardiens de la paix. Au début de la deuxième
413 semaine, une ambulance vint le prendre à son domicile et l'emmena dans une maison de
414 santé.
415
416 Activités
417 Lecture, Compréhension
418 Ecriture : Transformer le texte (partie surlignée en jaune) en dialogue
419 Oral : théâtralisation du dialogue
420
421
422 Dutilleul, délivré de la tyrannie de M. Lécuyer, put revenir à ses chères formules : « Me
423 reportant à votre honorée du tantième courant ... » Pourtant, il était insatisfait. Quelque
424 chose en lui réclamait, un besoin nouveau, impérieux, qui n'était rien de moins que le
425 besoin de passer à travers les murs. Sans doute le pouvait-il faire aisément, par exemple
426 chez lui, et du reste, il n'y manqua pas. Mais l'homme qui possède des dons brillants ne
427 peut se satisfaire longtemps de les exercer sur un objet médiocre. Passer à travers les
428 murs ne saurait d'ailleurs constituer une fin en soi. C'est le départ d'une aventure, qui
429 appelle une suite, un développement et, en somme, une rétribution. Dutilleul le comprit
430 très bien. Il sentait en lui un besoin d'expansion, un désir croissant de s'accomplir et de
431 se surpasser, et une certaine nostalgie qui était quelque chose comme l'appel de derrière
432 le mur. Malheureusement, il lui manquait un but. Il chercha son inspiration dans la
433 lecture du journal, particulièrement aux chapitres de la politique et du sport, qui lui
434 semblaient être des activités honorables, mais s'étant finalement rendu compte qu'elles
435 n'offraient aucun débouché aux personnes qui passaient à travers les murs, il se rabattit
436 sur le fait divers qui se révéla des plus suggestifs.
437 Le premier cambriolage auquel se livra Dutilleul eut lieu dans un grand établissement de
438 crédit de la rive droite. Ayant traversé une douzaine de murs et de cloisons, il pénétra
439 dans divers coffres-forts, emplit ses poches de billets de banque et, avant de se retirer,
440 signa son larcin à la craie rouge, du pseudonyme de Garou-Garou, avec un fort joli
441 paraphe qui fut reproduit le lendemain par tous les journaux. Au bout d'une semaine, ce
442 nom de Garou-Garou connut une extraordinaire célébrité. La sympathie du public allait
443 sans réserve à ce prestigieux cambrioleur qui narguait si joliment la police. Il se signalait
444 chaque nuit par un nouvel exploit accompli soit au détriment d'une banque, soit à celui
445 d'une bijouterie ou d'un riche particulier. A Paris comme en province, il n'y avait point de
446 femme un peu rêveuse qui n'eût le fervent désir d'appartenir corps et âme au terrible
447 Garou-Garou. Après le vol du fameux diamant de Burdigala et le cambriolage du Crédit
448 municipal, qui eurent lieu la même semaine, l'enthousiasme de la foule atteignit au
449 délire. Le ministre de l'Intérieur dut démissionner, entraînant dans sa chute le ministre
450 de l'Enregistrement. Cependant, Dutilleul devenu l'un des hommes les plus riches de

23
451 Paris, était toujours ponctuel à son bureau et on parlait de lui pour les palmes
452 académiques.
453
454 Activités :
455 Lecture compréhension
456 Ecriture courte : rédigez les titres des journaux annonçant les cambriolages de Garou
457 Garou
458
459 Le matin, au ministère de l'Enregistrement, son plaisir était d'écouter les commentaires
460 que faisaient les collègues sur ses exploits de la veille. « Ce Garou-Garou, disaient-ils,
461 est un homme formidable, un surhomme, un génie. » En entendant de tels éloges,
462 Dutilleul devenait rouge de confusion et, derrière le lorgnon à chaînette, son regard
463 brillait d'amitié et de gratitude. Un jour, cette atmosphère de sympathie le mit tellement
464 en confiance qu'il ne crut pas pouvoir garder le secret plus longtemps. Avec un reste de
465 timidité, il considéra ses collègues groupés autour d'un journal relatant le cambriolage de
466 la Banque de France, et déclara d'une voix modeste: « Vous savez, Garou-Garou, c'est
467 moi. » Un rire énorme et interminable accueillit la confidence de Dutilleul qui reçut, par
468 dérision, le surnom de Garou-Garou. Le soir, à l'heure de quitter le ministère, il était
469 l'objet de plaisanteries sans fin de la part de ses camarades et la vie lui semblait moins
470 belle.
471
472 Activités :
473 Lecture compréhension
474 Activité de groupe préparatoire : préparez la conversation entre Dutilleul et ses
475 collègues
476 Activité orale : chaque groupe improvise oralement devant les autres élèves la
477 conversation entre Dutilleul et ses collègues
478
479 Quelques jours plus tard, Garou-Garou se faisait pincer par une ronde de nuit dans une
480 bijouterie de la rue de la Paix. Il avait apposé sa signature sur le comptoir caisse et
481 s'était mis à chanter une chanson à boire en fracassant différentes vitrines à l'aide d'un
482 hanap en or massif. Il lui eût été facile de s'enfoncer dans un mur et d'échapper ainsi à la
483 ronde de nuit, mais tout porte à croire qu'il voulait être arrêté et probablement à seule
484 fin de confondre ses collègues dont l'incrédulité l'avait mortifié. Ceux-ci, en effet, furent
485 bien surpris, lorsque les journaux du lendemain publièrent en première page la
486 photographie de Dutilleul. Ils regrettèrent amèrement d'avoir méconnu leur génial
487 camarade et lui rendirent hommage en se laissant pousser une petite barbiche. Certains
488 même, entraînés par le remords et l'admiration, tentèrent de se faire la main sur le
489 portefeuille ou la montre de famille de leurs amis et connaissances.
490 On jugera sans doute que le fait de se laisser prendre par la police pour étonner quelques
491 collègues témoigne d'une grande légèreté, indigne d'un homme exceptionnel, mais le
492 ressort apparent de la volonté est fort peu de chose dans une telle détermination. En
493 renonçant à la liberté, Dutilleul croyait céder à un orgueilleux désir de revanche, alors
494 qu'en réalité il glissait simplement sur la pente de sa destinée. Pour un homme qui passe
495 à travers les murs, il n'y a point de carrière un peu poussée s'il n'a tâté au moins une fois
496 de la prison. Lorsque Dutilleul pénétra dans les locaux de la prison de la Santé, il eut
497 l'impression d'être gâté par le sort. L'épaisseur des murs était pour lui un véritable régal.
498 Le lendemain même de son incarcération, les gardiens découvrirent avec stupeur que le
499 prisonnier avait planté un clou dans le mur de sa cellule et qu'il y avait accroché une
500 montre en or appartenant au directeur de la prison. Il ne put ou ne voulut révéler
501 comment cet objet était entré en sa possession. La montre fut rendue à son propriétaire
502 et, le lendemain, retrouvée au chevet de Garou-Garou avec le tome premier des Trois
503 Mousquetaires emprunté à la bibliothèque du directeur. Le personnel de la Santé était sur
504 les dents. Les gardiens se plaignaient en outre de recevoir des coups de pied dans le
505 derrière, dont la provenance était inexplicable. II semblait que les murs eussent, non
506 plus des oreilles, mais des pieds. La détention de Garou-Garou durait depuis une

24
507 semaine, lorsque le directeur de la Santé, en pénétrant un matin dans son bureau,
508 trouva sur sa table la lettre suivante :
509
510 Activités :
511 Lecture compréhension
512 Activité d’écriture : Rédigez la lettre que Dutilleul a écrite au directeur de la prison
513
514
515 « Monsieur le directeur. Me reportant à notre entretien du 17 courant et, pour mémoire,
516 à vos instructions générales du 15 mai de l'année dernière, j'ai l'honneur de vous
517 informer que je viens d'achever la lecture du second tome des Trois Mousquetaires et
518 que je compte m'évader cette nuit entre onze heures vingt-cinq et onze heures trente-
519 cinq. Je vous prie, monsieur le directeur, d'agréer l'expression de mon profond respect.
520 GarouGarou. »
521 Malgré l'étroite surveillance dont il fut l'objet cette nuit-là, Dutilleul s'évada à onze
522 heures trente. Connue du public le lendemain matin, la nouvelle souleva partout un
523 enthousiasme magnifique. Cependant, ayant effectué un nouveau cambriolage qui mit le
524 comble à sa popularité, Dutilleul semblait peu soucieux de se cacher et circulait à travers
525 Montmartre sans aucune précaution. Trois jours après son évasion, il fut arrêté rue
526 Caulaincourt au café du Rêve, un peu avant midi, alors qu'il buvait un vin blanc citron
527 avec des amis.
528 Reconduit à la Santé et enfermé au triple verrou dans un cachot ombreux, Garou-Garou
529 s'en échappa le soir même et alla coucher à l'appartement du directeur, dans la chambre
530 d'ami. Le lendemain matin, vers neuf heures, il sonnait la bonne pour avoir son petit
531 déjeuner et se laissait cueillir au lit, sans résistance, par les gardiens alertés. Outré, le
532 directeur établit un poste de garde à la porte de son cachot et le mit au pain sec. Vers
533 midi, le prisonnier s'en fut déjeuner dans un restaurant voisin de la prison et, après avoir
534 bu son café, téléphona au directeur.
535
536 Activités :
537 Lecture compréhension
538 Activité préparatoire en binôme: préparez la conversation téléphonique entre Dutilleul
539 et le directeur de la prison
540 Activité orale : chaque binôme improvise oralement devant les autres élèves la
541 conversation téléphonique entre Dutilleul et le directeur de la prison
542
543 - Allô ! Monsieur le directeur, je suis confus, mais tout à l'heure, au moment de sortir, j'ai
544 oublié de prendre votre portefeuille, de sorte que je me trouve en panne au restaurant.
545 Voulez-vous avoir la bonté d'envoyer quelqu'un pour régler l'addition ?
546 Le directeur accourut en personne et s'emporta jusqu'à proférer des menaces et des
547 injures. Atteint dans sa fierté, Dutilleul s'évada la nuit suivante et pour ne plus revenir.
548 Cette fois, il prit la précaution de raser sa barbiche noire et remplaça son lorgnon à
549 chaînette par des lunettes en écaille. Une casquette de sport et un costume à larges
550 carreaux avec culotte de golf achevèrent de le transformer. Il s'installa dans un petit.
551 appartement de l'avenue Junot où, dès avant sa première arrestation, il avait fait
552 transporter une partie de son mobilier et les objets auxquels il tenait le plus. Le bruit de
553 sa renommée commençait à le lasser et depuis son séjour à la Santé, il était un peu
554 blasé sur le plaisir de passer à travers les murs. Les plus épais, les plus orgueilleux, lui
555 semblaient maintenant de simples paravents, et il rêvait de s'enfoncer au cœur de
556 quelque massive pyramide. Tout en mûrissant le projet d'un voyage en Egypte, il menait
557 une vie des plus paisibles, partagée entre sa collection de timbres, le cinéma et de
558 longues flâneries à travers Montmartre. Sa métamorphose était si complète qu'il passait,
559 glabre et lunetté d'écaille, à côté de ses meilleurs amis sans être reconnu. Seul le peintre
560 Gen Paul, à qui rien ne saurait échapper d'un changement survenu dans la physionomie
561 d'un vieil habitant du quartier, avait fini par pénétrer sa véritable identité. Un matin qu'il
562 se trouva nez à nez avec Dutilleul au coin de la rue de l'Abreuvoir, il ne put s'empêcher
563 de lui dire dans son rude argot

25
564 - Dis donc, je vois que tu t'es miché en gigolpince pour tétarer ceux de la sûrepige - ce
565 qui signifie à peu près en langage vulgaire: je vois que tu t'es déguisé en élégant pour
566 confondre les inspecteurs de la Sûreté.
567 - Ah! murmura Dutilleul, tu m'as reconnu !
568 Il en fut troublé et décida de hâter son départ pour l'Egypte. Ce fut l'après-midi de ce
569 même jour qu'il devint amoureux d'une beauté blonde rencontrée deux fois rue Lepic à
570 un quart d'heure d'intervalle. Il en oublia aussitôt sa collection de timbres et l'Egypte et
571 les Pyramides. De son côté, la blonde l'avait regardé avec beaucoup d'intérêt. Il n'y a
572 rien qui parle à l'imagination des jeunes femmes d'aujourd'hui comme des culottes de
573 golf et une paire de lunettes en écaille. Cela sent son cinéaste et fait rêver cocktails et
574 nuits de Californie. Malheureusement, la belle, Dutilleul en fut informé par Gen Paul, était
575 mariée à un homme brutal et jaloux. Ce mari soupçonneux, qui menait d'ailleurs une vie
576 de bâtons de chaise, délaissait régulièrement sa femme entre dix heures du soir et
577 quatre heures du matin, mais avant de sortir, prenait la précaution de la boucler dans sa
578 chambre, à deux tours de clé, toutes persiennes fermées au cadenas. Dans la journée, il
579 la surveillait étroitement, lui arrivant même de la suivre dans les rues de Montmartre.
580 - Toujours à la biglouse, quoi. C'est de la grosse nature de truand qu'admet pas qu'on ait
581 des vouloirs de piquer dans son réséda.
582 Mais cet avertissement de Gen Paul ne réussit qu'à enflammer Dutilleul. Le lendemain,
583 croisant la jeune femme rue Tholozé, il osa la suivre dans une crémerie et, tandis qu'elle
584 attendait son tour d'être servie, il lui dit qu'il l'aimait respectueusement, qu'il savait
585 tout : le mari méchant, la porte à clé et les persiennes, mais qu'il serait le soir même
586 dans sa chambre. La blonde rougit et son pot à lait trembla dans sa main et, les yeux
587 mouillés de tendresse, elle soupira faiblement : « Hélas ! Monsieur, c'est impossible. »
588
589 Activités :
590 Lecture compréhension
591 Activité de langue : recherchez dans le texte des équivalents soutenus de « je suis bien
592 embêté » « il se mit en colère » « il s’inquiéta un peu » « volets » etc…
593
594 Le soir de ce jour radieux, vers dix heures, Dutilleul était en faction dans la rue Norvins
595 et surveillait un robuste mur de clôture, derrière lequel se trouvait une petite maison
596 dont il n'apercevait que la girouette et la cheminée. Une porte s'ouvrir dans ce mur et un
597 homme, après l'avoir soigneusement fermée à clé derrière lui, descendit vers l'avenue
598 Junot. Dutilleul attendit de l’avoir vu disparaître, très loin, au tournant de la descente et
599 compta encore jusqu'à dix. Alors, il s’élança, entra dans le mur au pas gymnastique et,
600 toujours courant à travers les obstacles, pénétra dans la chambre de la belle recluse. Elle
601 l'accueillit avec ivresse et ils s’aimèrent jusqu'à une heure avancée.
602 Le lendemain, Dutilleul eut la contrariété de souffrir de violents maux de tête. La chose
603 était sans importance et il n’allait pas, pour si peu, manquer à son rendez-vous.
604 Néanmoins, ayant par hasard découvert des cachets épars au fond d'un tiroir, il en avala
605 un le matin et un l’après-midi. Le soir, ses douleurs de tête étaient supportables et
606 l'exaltation les lui fit oublier. La jeune femme l'attendait avec toute l'impatience
607 qu’avaient fait naître en elle les souvenirs de la veille et ils s’aimèrent cette nuit-là,
608 jusqu'à trois heures du matin. Lorsqu’il s'en alla, Dutilleul, en traversant les murs de la
609 maison, eut l'impression d’un frottement inaccoutumé aux hanches et aux épaules.
610 Toutefois, il ne crut pas devoir y prêter attention. Ce ne fut d’ailleurs qu'en pénétrant
611 dans le mur de clôture qu’il éprouva nettement la sensation d'une résistance. Il lui
612 semblait se mouvoir dans une matière encore fluide, mais qui devenait pâteuse et
613 prenait, à chacun de ses efforts, plus de consistance. Ayant réussi à se loger tout entier
614 dans l'épaisseur du mur, il s'aperçut qu'il n'avançait plus et se souvint avec terreur des
615 deux cachets qu'il avait pris dans la journée. Ces cachets, qu'il avait crus d'aspirine,
616 contenaient en réalité de la poudre de pirette tétravalente prescrite par le docteur l'année
617 précédente. L'effet de cette médication s'ajoutant à celui d'un surmenage intensif, se
618 manifestait d'une façon soudaine.
619 Dutilleul était comme figé à l'intérieur de la muraille. Il y est encore à présent, incorporé
620 à la pierre. Les noctambules qui descendent la rue Norvins à l'heure où la rumeur de

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621 Paris s'est apaisée, entendent une voix assourdie qui semble venir d'outre-tombe et qu'ils
622 prennent pour la plainte du vent sifflant aux carrefours de la Butte. C'est Garou-Garou
623 Dutilleul qui lamente la fin de sa glorieuse carrière et le regret des amours trop brèves.
624 Certaines nuits d'hiver, il arrive que le peintre Gen Paul, décrochant sa guitare,
625 s'aventure dans la solitude sonore de la rue Norvins pour consoler d'une chanson le
626 pauvre prisonnier, et les notes, envolées de ses doigts engourdis, pénètrent au cœur de
627 la pierre comme des gouttes de clair de lune.

628
629 SEANCE 7: ETUDIER LA STRUCTURE D’UNE NOUVELLE FANTASTIQUE
630
631 Objectifs : Etudier la structure narrative d’une nouvelle et proposer une interprétation de cette
632 structure.
633 Devenir un lecteur pertinent : repérer les éléments assurant la cohérence d’un texte ainsi
634 que leurs rôles dans la progression de la narration.
635
636 Démarche :
637 1 une nouvelle fantastique :
638 En quelques lignes, vous expliquerez en quoi la Vénus d’Ille est une nouvelle qui correspond à la
639 définition que nous avons vue du fantastique ?
640
641 2 Le temps de la narration et le temps de l’histoire :
642 A l’aide du tableau-guide de lecture, on demandera aux élèves de construire la frise chronologique
643 des événements de la nouvelle :
644

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646
647 On pourra ainsi leur faire constater :
648 - L’imprécision des repères chronologiques pour ce qui précède et ce qui suit l’intrigue contre la
649 profusion des renseignements temporels durant les quatre jours : compte à rebours avant la catastrophe
650 justifié par l’écriture rétrospective du narrateur.
651 - L’extrême concentration temporelle : le monde des Peyrehorade bascule en quelques heures, en
652 quelques jours (opposition situations initiale et finale) et de façon symbolique autour de ce jour de
653 vendredi (jour de vénus, centre de la frise).
654 - L’extrême variété dans le traitement du rythme de la narration : des scènes dont le temps de
655 l’histoire correspond à quelques minutes et qui sont racontées en plusieurs pages (la description de
656 la statue) ; des mois résumés en quelques lignes à la fin de la nouvelle, ou l’absence de précision

27
657 dans la datation des funérailles de M. Alphonse. On interrogera les élèves sur les effets produits par
658 ces choix.
659 - L’absence de fin définitive : le PS final renvoie au présent d’énonciation, présent du narrateur et
660 laisse entendre que le mauvais sort continue de s’abattre sur Ille : la mention de la cloche et du gel
661 nous renvoie à l’incipit de la nouvelle ( temps cyclique, répétition éternelle et infernale de la malédiction).
662
663 3 La nouvelle ou l’art des indices prémonitoires :
664 On soumettra aux élèves une question d’ensemble :
665 - Quels indices Mérimée dissémine-il tout au long de son texte afin d’annoncer au lecteur attentif
666 l’événement surnaturel et le dénouement?
667 Ou plus directive :
668 - Quand est-il fait pour la première fois mention de la cloche et du gel ? A quels moments est
669 mentionnée la passion de M. Alphonse pour le jeu de paume ? Où se trouve la statue ? Relevez les
670 occurrences du motif de la main : avec quelles autres thématiques est-il lié ? Relevez les occurrences
671 du chiffre 2, et celles du chiffre 6 (consacré dans l’antiquité à Vénus ou dans L’apocalypse de Jean (XIII, 17 et 18),
672 chiffre de l’antichrist et du péché…)…
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676 SEANCE 8 : ANALYSER LA CARACTERISATION DES PERSONNAGES
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679 Objectifs : Pratiquer une lecture sélective: relever les indices textuels et les interpréter en vue d’une
680 signification d’ensemble.
681 Comprendre la construction du personnage dans l’économie de la nouvelle :
682 caractérisation rapide allant à l’essentiel, rôle symbolique des détails dans un jeu de ressemblances
683 et d’oppositions – la nouvelle, un genre bref mais dense.
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686 Première proposition de démarche :
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689 I M. DE PEYREROHADE :
Situation initiale Situation finale
1 Tout en mangeant de bon appétit, car rien ne Quelques heures après les funérailles de M. Alphonse,
dispose mieux que l’air vif des montagnes, j’examinais je me disposai à quitter l’Ille. La voiture de M. de
mes hôtes. J’ai dit un mot de M. de Peyrerohade ; je Peyrerohade devait me conduire à Perpignan. Malgré
dois ajouter que c’était la vivacité même. Il parlait, son état de faiblesse, le pauvre vieillard voulut
mangeait, se levait, courait à la bibliothèque, m’accompagner jusqu’à la porte de son jardin. Nous le
m’apportait des livres, me montrait des estampes, me traversâmes en silence, lui se traînant à peine appuyé
versait à boire ; […] sur mon bras. Au moment de nous séparer, je jetai un
2 - Ah ! il vous a parlé de l’idole, car c’est ainsi qu’ils dernier regard sur la Vénus. Je prévoyais bien que mon
appellent ma Vénus Tur… mais je ne veux rien vous hôte, quoiqu’il ne partageât pas les terreurs et les
dire. Demain, au grand jour, vous la verrez, et vous me haines qu’elle inspirait à une partie de la famille,
direz si j’ai raison de la croire un chef-d’œuvre. voudrait se défaire d’un objet qui lui rappellerait sans
Parbleu ! vous ne pouviez arriver plus à propos ! Il y a cesse un malheur affreux. Mon intention était de

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des inscriptions que moi, pauvre ignorant, j’explique à l’engager à la place dans un musée. J’hésitais pour
ma manière… mais un savant de Paris ! …. Vous vous entrer en matière, quand M. de Peyrerohade tourna
moquerez peut-être de mon interprétation… car j’ai machinalement la tête du côté où il me voyais
fait un mémoire… moi qui vous parle… vieil antiquaire regarder fixement. Il aperçut la statue et aussitôt
de province, je me suis lancé… Je veux faire gémir la fondit en larmes. Je l’embrassais, et sans oser lui dire
presse… Par exemple, je suis bien curieux de savoir un seul mot, je montai dans la voiture.
comment vous traduirez cette inscription sur le socle :
CAVE… Mais je ne veux rein vous demander encore ! A
demain, à demain ! Pas un mot sur la Vénus
aujourd’hui.
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691
692  Portrait de M. de Peyrerohade dans la situation initiale :
693 Premier extrait : un portrait par le narrateur
694 - Dans le premier extrait, quel terme résume l’ensemble du personnage ? « la vivacité »
695 - En quoi le style par la construction de la phrase illustre ce trait de caractère? Juxtaposition de
696 verbes d’action
697
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699 Deuxième extrait : un portrait par les paroles au discours direct du personnage :
700 - Reportez-vous à la page d’où est extrait ce passage : en quoi la répartition des répliques est-
701 elle significative d’un autre aspect du personnage ? M. de Peyrerohade parle plus : répliques courtes des
702 autres personnages voire paroles du narrateur reportées au discours indirect : nous n’entendons que M. de
703 Peyrerohade qui semble ne pouvoir être arrêté que par une quinte de toux : personnage bavard et prétentieux. (un
704 bourgeois gentilhomme qui ne cesse de pérorer : cf les sonorités de son nom)
705 - Quels types de phrases sont employés dans sa réplique? A quel type d’homme avons-nous à
706 faire ? exclamatives, phrases inachevés/ interjection : un homme expressif, emporté, passionné
707 - Quels sentiments semble-t-il éprouver pour la statue ? passion, amour, admiration, obsession
708
709 Proposition d’activité complémentaire : faire travailler la lecture du discours de Peyrerohade.
710
711  Portrait de M. de Peyrerohade dans la situation finale :
712 - Quels éléments du texte soulignent l’évolution d’un personnage qui n’est plus que l’ombre de
713 lui-même ? silence, lenteur, aspect moribond contre vitalité, tristesse contre gaieté, désir de voir disparaître la
714 statue et douleur en la voyant. (un homme, comme tant d’autres dans la mythologie, victime de sa passion
715 amoureuse pour Vénus).
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719 II MME DE PEYREROHADE :

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720 1 Sa femme, un peu trop grasse comme la plupart des Catalanes lorsqu’elles ont passé
721 quarante ans, me parut une provinciale renforcée, uniquement occupée des soins du ménage.
722 Bien que le souper fût suffisant pour six personnes au moins, elle courut à la cuisine, fit tuer des
723 pigeons, frire des miliasses, ouvrit je ne sais combien de pots de confitures. En un instant la
724 table fut encombrée de plats et de bouteilles, et je serais certainement mort d’indigestion si
725 j’avais goûter seulement à tout ce qu’on m’offrait. Cependant, à chaque plat que je refusais,
726 c’étaient de nouvelles excuses. On craignait que je ne me trouvasse bien mal à Ille. Dans la
727 province on a si peu de ressources, et les Parisiens sont si difficiles !
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729 2 -Chef d’œuvre ! chef d’œuvre ! un beau chef d’œuvre qu’elle a fait ! casser la jambe d’un
730 homme !
731
732 Extrait 1 :
733 - A travers quel champ lexical est dépeinte Mme de Peyrerohade ? Par quoi est-elle
734 obsédée ? La cuisine et la nourriture
735 - Par quels adjectifs qualifieriez-vous ce personnage ? Gras, excessif, provincial, comique, ridicule
736  Extrait 2 :
737 - En quoi sa réaction devant la Vénus est-elle fort différente de celle de son mari ?
738 superstition, mépris, absence d’admiration : femme insensible à l’art, non cultivé, jalouse de l’amour que
739 son mari porte à une statue?
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743 III ALPHONSE :
744 Au milieu des allées et venues de se parents, M. Alphonse de Peyrerohade ne bougeait
745 plus qu’une Terme. C’était un grand jeune homme de vingt-six ans, d’une physionomie belle et
746 régulière, mais manquant d’expression. Sa taille et ses formes athlétiques justifiaient bien sa
747 réputation d’infatigable joueur de paume qu’on lui faisait dans le pays. Il était ce soir-là habillé
748 avec élégance, exactement d’après la gravure du dernier numéro du Journal des modes. Mais il
749 semblait gêné dans ses vêtements : il était raide comme un piquet dans son col de velours, et
750 ne se tournait que d’une pièce. Ses mains grosses et halées, ses ongles courts contrastaient
751 singulièrement avec son costume. C’étaient des mains de laboureur sortant des manches d’un
752 dandy. D’ailleurs bien qu’il me considérât de la tête aux pieds fort curieusement, en ma qualité
753 de Parisien, il ne m’adressa qu’une seule fois la parole dans toute la soirée, ce fut pour me
754 demander où j’avais acheté ma chaîne de montre.
755
756 - En quoi Alphonse s’oppose-t-il à son père ? Son silence et son immobilité
757 - Sur quels détails s’attardent le narrateur qui auront leur importance dans la suite de la
758 nouvelle et annoncent les noces du jeune homme et de la statue ? Le jeu de paume/ la main
759 (symbole du mariage et de l’union, la bague)/ son immobilité : autant d’éléments qui le destinent à la
760 statue.)
761 - M. Alphonse vous paraît-il un personnage sympathique ? Pourquoi ? Personnage plutôt
762 antipathique, superficiel, coquet, sans véritable sentiments pour sa future femme, attiré par l’argent et par
763 ce qui brille, lâche et sans conversation…
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767 IV MLLE DE PUYGARRIG :
768 Mlle Puygarrig avait dix-huit ans, sa taille souple et délicate contrastait avec les formes
769 osseuse de son robuste fiancé. Elle était non seulement belle, mais séduisante. J’admirais le
770 naturel parfait de toutes ses réponses ; et son air de bonté, qui pourtant n’était pas exempt
771 d’une légère teinte de malice, me rappela, malgré moi, la Vénus de mon hôte. Dans cette
772 comparaison que je fis moi-même, je me demandais si la supériorité de beauté qu’il fallait bien
773 accorder à la statue ne tenait pas, en grande partie, à son expression de tigresse ; car l’énergie,
774 même dans les mauvaises passions, excite toujours en nous un étonnement et une espèce
775 d’admiration involontaire.
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779 - En quoi Mlle de Purygarrig s’oppose-t-elle à son fiancé ? délicate et séduisante, qualité conversation
780 - A qui le narrateur la compare-t-elle ? Quelle thématique annonce cette comparaison ? Même
781 beauté et même pointe de malice que la Vénus, seule l’énergie les oppose. Annonce de la thématique de la double
782 noce.
783 - Quels sentiments semble éprouver le narrateur pour ce personnage tout au long de la
784 nouvelle ? De la pitié, de l’admiration voire de l’attirance (ne se révolte-t-il pas en imaginant la nuit de noce ?)
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788 Deuxième proposition de démarche : plus adaptée aux élèves faibles si les extraits sont ciblés. Peut
789 être faite en binômes ou par groupes.
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792 I CONSTRUIRE LA FICHE D’IDENTITE DE CHAQUE PERSONNAGE SELON LE MODELE SUIVANT :
793 Nom :
794 Age :
795 Situation familiale et sociale :
796 Traits physiques :
797 Caractère :
798 Activités privilégiées :
799 Comportement :
800 Sentiments éprouvés pour la Vénus ou rapprochements opérés avec la statue :
801
802
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804 II CONSTUIRE LE SCHEMA DES RELATIONS ENTRE LES PERSONNAGES :
805
806 Rédiger au propre sur une grande feuille les fiches d’identité de chaque personnage. Les afficher dans
807 la classe selon un schéma qui rend compte de leurs oppositions et de leurs ressemblances.
808 Il s’agit en effet, quelque soit la démarche choisie, de faire remarquer aux élèves que les personnages sont construits de
809 façon rigoureuse dans un réseau signifiant d’oppositions et de ressemblances dont la Vénus serait le centre :
810 - Vivacité de M. Peyrerohade contre immobilité de son fils, ce qui le rapproche ce dernier de la vénus, le destine à elle
811 - Savoir et passion de M. De Peyrerohade contre peur et superstition de sa femme (amour contre haine envers la
812 statue)
813 - Mlle de Puygarrig opposée à son fiancé par sa délicatesse et sa bonté, sa séduction
814 - Mlle de Puygarrig rapprochée de la statue par sa beauté voire sa malice (faire relever aux élèves les mentions de
815 deux Vénus dans la nouvelle [l.770/ 774] ou de deux mariées.)
816
817 Le centre du système des personnages comme des discours et des actions est donc toujours Vénus : les personnages
818 résument et se partagent ses caractéristiques et les sentiments ambigus que l’on peut éprouver : elle est l’image même de
819 l’humanité et de son ambiguïté, de sa dualité (cf récurrence du chiffre deux à travers la nouvelle).
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837 SEANCE 9 : ETUDIER LE PORTRAIT DE L’IDOLE
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840 Objectifs : Pratiquer la lecture méthodique
841 Etudier l’organisation et les procédés de la description
842 Construire le sens d’une description dans l’économie de la nouvelle
843
844
845 Support et démarche :
846

33
847 C’était bien une Vénus, et d’une merveilleuse beauté. Elle avait le haut du corps nu, comme les anciens
848 représentaient d’ordinaire les grandes divinités ; la main droite, levée à la hauteur du sein, était tournée, la paume
849 en dedans, le pouce et les deux premiers doigts étendus, les deux autres légèrement ployés. L’autre main,
850 rapprochée de la hanche, soutenait la draperie qui couvrait la partie inférieure du corps. L’attitude de cette statue
851 rappelait celle du joueur de mourre qu’on désigne, je ne sais trop pourquoi, sous le nom de Germanicus. Peut-être
852 avait-on voulu représenter la déesse au jeu de Mourre.
853 Quoi qu’il en soir, il est impossible de voir quelques chose de plus parfait que le corps de cette Vénus ; rien
854 de plus suave, de plus voluptueux que ses contours ; rien de plus élégant et de plus noble que sa draperie. Je
855 m’attendais à quelque ouvrage du Bas Empire, je voyais un chef d’œuvre du meilleur temps de la statuaire. Ce qui
856 me frappait surtout, c’était l’exquise vérité des formes, en sorte qu’on aurait pu les croire moulées sur nature, si la
857 nature produisait d’aussi parfaits modèles.
858 La chevelure, relevée sur le front, paraissait avoir été dorée autrefois. La tête, petite comme celle de
859 presque toues les statues grecques, était légèrement inclinée en avant. Quant à la figure, jamais je ne parviendrai à
860 exprimer son caractère étrange, et dont le type ne se rapprochait de ce lui d’aucune statue antique dont il me
861 souvienne. Ce n’était point cette beauté calme et sévère des sculpteurs grecs, qui, par système, donnaient à tous les
862 traits une majestueuse immobilité. Ici, au contraire, j’observais avec surprise l’intention marquée de l’artiste de
863 rendre la malice arrivant jusqu’à la méchanceté. Tous les traits étaient contractés légèrement : les yeux un peu
864 obliques, la bouche relevée des coins, les narines quelque peu gonflées. Dédain, ironie, cruauté, se lisaient sur ce
865 visage d’une incroyable beauté cependant. En vérité, plus on regardait cette admirable statue, et plus on éprouvait
866 le sentiment pénible qu’une si merveilleuse beauté pût s’allier à l’absence de toute sensibilité. […]
867 Cette expression d’ironie infernale était augmentée peut-être par le contraste de ses yeux incrustés
868 d’argent et très brillants avec la patine d’un vert noirâtre que le temps avait donnée à touts la statue. Ces yeux
869 brillants produisaient une certaine illusion qui rappelait la réalité, la vie. Je me souviens de ce que m’avait dit mon
870 guide, qu’elle faisait baisser les yeux à ceux qui la regardaient. Cela était presque vrai, et je ne pus me défendre d’un
871 mouvement de colère contre moi-même en me sentant un peu mal à mon aise devant cette figure de bronze

34
872 I Découverte du texte et premières hypothèses de lecture :
873 - Quel est à votre avis l’intérêt de cette description ? Quelles sont ses fonctions ?
874 Les élèves répondent à cette première question par écrit (Pas plus de cinq lignes). Leurs propositions
875 sont notées au tableau et constituent les premières hypothèses de construction du sens.
876
877 II Lecture analytique : 3 entrées proposées aux élèves de façon méthodologique (composition/
878 énonciation/ champs lexicaux)
879
880 1 Une composition signifiante :
881 - Quelles parties de la statue sont décrites à chaque paragraphe ? Vous relèverez les termes
882 précis d’anatomie utilisés par l’auteur pour organiser la description.
883 - Quel parcours accomplit donc le regard du narrateur ?
884
885 2 Une énonciation subjective :
886 - Qui décrit la statue ? quel est donc le point de vue adopté ?
887 - Relevez les verbes de perception qui ponctuent le texte.
888 - Relevez les expressions qui traduisent les émotions éprouvées par le narrateur au cours de sa
889 contemplation. En quoi ses sentiments évoluent-ils au fil de sa contemplation ?
890 - Montrez que le narrateur fait preuve d’un réel savoir technique et historique dont il use pour
891 évaluer la statue. A quel moment ce vocabulaire disparaît ? Pourquoi ?
892 - Relevez les termes qui expriment le doute qui envahit le narrateur.
893
894 3 Des champs lexicaux ambigus :
895 - Relevez les occurrences du champ lexical de la beauté : comment qualifieriez-vous cette
896 statue ?
897 - Observez les lignes 7 à 9 : quelle construction grammaticale est répétée ?
898 - Observez les comparaisons du texte
899 - Quels autres champs lexicaux parcourent le texte, en opposition avec celui repéré
900 précédemment ? En quoi donne-t-un un caractère inquiétant à la statue ?
901 - Relisez les lignes 10-11 et les lignes 22-23 : quel lieu commun mythologique suggère ces
902 notations ? Quel événement annoncent-elles ?
903
904 III Construction de la lecture méthodique :
905 Les élèves reprennent les hypothèses notées au tableau au départ et les reformulent à partir des
906 éléments d’analyse observés. On leur redemande de rédiger une question sur le texte qui guide leur
907 étude : il sera intéressant d’étudier comment Prosper Mérimée… (quel effet vise l’auteur à travers
908 cette description ?).
909 Les élèves sont ensuite invités à proposer deux parties qui répondent à la question posée
910
911 I une statue d’une beauté exceptionnelle
912 II une statue inquiétante

35
913
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915 SEANCE 10 : ETUDIER L’ACCORD DU PARTICIPE PASSE
916
917 Objectifs : Savoir identifier dans un texte les participes passés et les différents temps verbaux
918 Construire la règle de l’accord du participe passé
919
920 Démarche :
921 1 Relevé dans le texte des participes passés et les classer
922 2 Rappel de la règle de l’accord du participe passé
923 3 Exercices d’application : travail de repérage et d’analyse à partir des deux derniers paragraphes de
924 la nouvelle/ travail d’écriture : à votre tour faites une description au passé d’une sculpture (le
925 sculpteur avait représenté…. Les yeux étaient…/ Il les avait construits…)
926
927
928 SEANCE 11 : ETUDIER LA PEINTURE FANTASTIQUE :
929
930 Objectifs : Analyser une image (cf méthodologie proposée en annexes)
931 Réinvestir les connaissances sur le fantastique
932 Construire le sens de la vision fantastique projetée sur le monde : quelles visions du
933 monde et de l’homme sont données à travers ces représentations ?
934
935 Démarche :
936 1 Distribuer aux élèves un corpus de peintures fantastiques (cf reproductions en annexes)
937 2 Chaque élève prend en charge une peinture de son choix et en fait une description précise (utiliser
938 les indices spatiaux – à droite, à gauche, au premier plan, au deuxième plan…-, le lexique des
939 couleurs, des formes…)
940 3 Les élèves doivent préciser ce qui constitue la nature fantastique de la peinture (éléments de familiarité
941 et d’étrangeté, éléments qui résistent à la logique et à la compréhension rationnelle, atmosphère angoissante) ainsi que
942 proposer des interprétations de l’image (S’agit-il de la représentation d’un événement surnaturel ? Celle d’un
943 rêve, d’un cauchemar, de la folie ? Celle symbolique des angoisses du peintre devant les dérives de notre monde ?)
944
945 Proposition de prolongement : Cette activité peut compléter un projet d’exposition dans le lycée sur
946 le fantastique qui réinvestirait les différentes recherches faites par les élèves au cours de la séquence
947 et se déclinerait sur plusieurs panneaux mêlant compte rendu écrit des élèves et illustrations :
948 - Qu’est-ce que le fantastique ?
949 - Thèmes du fantastique à illustrer par des supports iconographiques
950 - Extraits de textes fantastiques avec pistes d’analyse des élèves
951 - Peintures fantastiques avec commentaires des élèves
952

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953
954 SEANCE 12 : ECRIRE UNE NOUVELLE FANTASTIQUE A LA MANIERE DE : CRESCENDO DE DINO
955 BUZZATI
956
957 Objectifs : Savoir repérer les procédés de transformation du réel vers le fantastique
958 Savoir réinvestir ces procédés dans une écriture longue : écrire une nouvelle sur le principe
959 du crescendo : du réalisme au fantastique
960
961 Support : « Crescendo » de Dino Buzzati, texte intégral
962
963 Crescendo
964
965 MADEMOISELLE ANNIE MOTLERI entendit frapper à la porte et alla ouvrir. C'était son vieil ami, maître Alberto Fassi, le
966 notaire. Elle remarqua que son pardessus était tout mouillé, signe que dehors il pleuvait. Elle dit : "Ah ! quel plaisir, cher
967 maître Fassi. Entrez, je vous prie. " II entra en souriant et lui tendit la main.
968
969
970 Mlle Motleri entendit des coups à la porte. Elle eut un tressaillement et alla ouvrir. C'était maître Fassi, le notaire, son
971 vieil ami, et il portait un pardessus noir d'où la pluie s'égouttait encore. Elle lui dit en souriant : " Ah ! quel plaisir, cher
972 maître Fassi, entrez, je vous prie." Fassi entra à pas lourds et lui tendit la main.
973
974
975 Mlle Annie eut un sursaut quand elle entendit que quelqu'un frappait à la porte. Elle bondit du petit fauteuil où elle était
976 en train de broder et courut ouvrir. Elle vit le vieux notaire Fassi, ami de la famille, qui depuis plusieurs mois n'avait pas
977 donné signe de vie. Il semblait alourdi et bien plus corpulent que dans son souvenir. D'autant plus qu'il portait un
978 imperméable noir trop large, qui tombait en gros plis, brillant de pluie, ruisselant de pluie. Annie s'efforça de sourire et dit :
979 " Ah ! quelle belle surprise, cher maître Fassi. " Sur quoi l'homme entra d'un pas pesant et pour lui dire bonjour lui tendit sa
980 main massive.
981
982
983 Désormais fanée, Mlle Motleri, qui brodait dans le salon éclairé par la lumière livide d'une fin d'après-midi pluvieuse,
984 était en train de rajuster une mèche de cheveux gris qui avait glissé sur son front, quand elle entendit des coups violents à
985 la porte. Elle eut une violente secousse nerveuse dans son fauteuil, elle se leva brusquement et se précipita pour ouvrir la
986 porte. Elle se trouva nez à nez avec un homme massif qui portait un imperméable de caoutchouc noir, à écailles, dur et
987 visqueux, d'où l'eau tombait en cascades. Sur le moment elle crut reconnaître le vieux notaire, maître Fassi, l'ami des
988 anciens temps, et forçant un sourire sur ses lèvres elle dit : " Oh ! quelle belle surprise. Mais entrez, je vous en prie, venez. "
989 Sur quoi le visiteur avança dans l'antichambre avec un fracas de pas comme s'il avait été un géant et pour lui dire bonjour il
990 lui tendit sa grosse main musclée.
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993 Dans la torpeur d'après-midi de son chez-elle, les coups répétés à la porte secouèrent violemment Mlle Motleri, qui était
994 plongée dans une broderie savante. Malgré elle, elle fit un bond dans son fauteuil, laissa échapper la nappe qu'elle brodait,
995 qui s'affaissa sur le sol, tandis qu'anxieusement elle se hâtait vers la porte. Quand elle eut ouvert, elle se trouva nez à nez
996 avec une silhouette noire, massive et brillante, qui la regardait fixement. Sur quoi elle dit : "Mais vous... mais vous... " Et
997 recula, tandis que le visiteur entrait dans la petite antichambre, et ses pas pesants résonnaient d'une manière
998 incompréhensible dans le grand immeuble.
999
1000
1001 Elle fut très rapide, Annie Motleri, à atteindre la porte, des mèches désordonnées de cheveux gris lui pleuvant sur le
1002 front, au moment où se fit entendre l'écho des coups répétés de quelqu'un qui voulait entrer. D'une main tremblante elle
1003 tourna la clef, puis abaissa la poignée, ouvrant la porte. Sur le palier se tenait une forme vivante, massive et puissante, de
1004 couleur noire, toute à écailles, avec deux petits yeux pénétrants et des espèces d'antennes visqueuses qui se tendaient vers
1005 elle en tâtonnant. Sur quoi elle gémit : " Non, non, je vous en prie... " Et se retirait épouvantée, tandis que l'autre avançait
1006 d'un pas de plomb, et toute la maison en résonnait.
1007
1008
1009 Alors que Mlle Motleri, appelée par des coups insistants à la porte, eut couru ouvrir, elle se trouva nez à nez avec un être
1010 noir recouvert d'une cuirasse luisante et noire, qui la fixait en tendant vers elle deux pattes noires qui finissaient chacune
1011 par cinq griffes blanchâtres. Annie, d'instinct, battit en retraite, mais elle tenta de refermer le battant et gémit: " Non, non !

37
1012 Pour l'amour de Dieu... " Mais l'autre, appuyant de tout son énorme poids sur le battant, l'écarta toujours davantage, et
1013 finit par s'ouvrir un passage et par entrer, et le parquet craquait sous sa masse gigantesque. "Annie... ", mugissait l'intrus, "
1014 Annie... uh, uh... " Et vers elle il tendait ses horribles griffes blanches. Elle n'eut pas la force d'appeler au secours, Mlle Annie
1015 Motleri, quand, appelée par des coups énergiques à l'entrée, qui aussitôt l'avaient mise dans un état d'orgasme
1016 inexprimable, elle se précipita pour ouvrir et vit un coléoptère ténébreux, immonde, mastodontique, un scarabée, une
1017 araignée, une créature faite de plaques luisantes articulées qui formaient un monstre puissant, lequel la fixait avec deux
1018 minuscules yeux phosphorescents (où étaient renfermées toutes les profondeurs fatales de notre vie misérable); la
1019 créature tendait vers elle des dizaines et des dizaines d'antennes rigides qui se terminaient en crochets sanguinolents. "
1020 Non, non, maître Fassi... ", supplia-t-elle, reculant, et elle ne put en dire davantage. Alors la bête la saisit avec ses horribles
1021 griffes.
1022
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1024 La toute-jeunette Annie Motleri entendit frapper à la porte et alla ouvrir. C'était le monstre, l'enfer, l'antique dieu
1025 serpent, qui la pénétrait jusqu'au coeur avec ses petits yeux de phosphore et de feu. Et avant qu'elle ait eu le temps de faire
1026 même un pas en arrière, il fit jaillir ses tenailles de fer, et enfonça ses gros ongles dans le tendre petit corps, dans la chair,
1027 dans les viscères, dans l'âme sensible et souffrante. Vous la connaissez, Mlle Annie Motleri ? Quarante-cinq ans, eh non,
1028 vous voulez rire. Certes, elle vit seule. Qui voulez-vous désormais... ? Elle brode, elle brode, dans l'appartement silencieux.
1029 Mais qu'est-ce qui lui prend maintenant, de faire ce saut dans son fauteuil ? Peut-être quelqu'un a-t-il frappé à la porte ?
1030 Vous plaisantez. Non, personne n'a frappé, personne, personne. Qui pourrait jamais frapper à cette porte ? Et pourtant la
1031 demoiselle a couru avec un battement de cœur lancinant, se prenant les pieds dans le tapis, heurtant contre l'angle du
1032 trumeau, haletante. Elle a tourné la clef, elle a abaissé la poignée, elle a ouvert.
1033
1034
1035 Le palier est vide. Vides les dalles du palier, sous la lumière grise qui vient de la verrière grise et ne pardonne pas, la
1036 rampe est noire et immobile, immobile la porte de l'appartement d'en face, tout est immobile, vide et perdu à jamais. Il n'y
1037 a personne. Le néant du néant du néant. Mais l'antique regret est là. L'affliction inguérissable est là. La maudite espérance
1038 des anciennes années est là. Le monstre invisible est là. Lentement il enfonce ses aiguillons dans le cœur solitaire.
1039
1040 Buzzati Le rêve de l'escalier.
1041
1042 Démarche :
1043 1 Le texte de la nouvelle de l’auteur italien Dino Buzzati est distribué aux élèves. Le professeur lit la
1044 nouvelle et s’assure que les élèves ont perçu le procédé du texte : une même scène réécrite et
1045 développée pour passer du banal et familier au fantastique voire à l’horreur. On pourra aussi
1046 souligner l’ambiguïté finale suggérée par la chute : réalité de ce monstre qui hante l’escalier ?
1047 Expression de la terreur qu’éprouve Mlle Motleri face à sa solitude et ses regrets ?
1048 2 Le professeur peut sélectionner quelques paragraphes et faire remplir le tableau suivant aux
1049 élèves.
1050
1051
1052
versions 1 2 3 4 5 6 7 8

Réactions d’Annie

Evocations physiques
et psychologiques
d’Annie

Eléments de
description du
notaire

Entrée du notaire/
mouvements/
dénominations

38
Appartement de la
vieille fille : objets/
décor

Choix de focalisation

Type de récit/
tonalité/ registre

1053

1054 3 Proposer aux élèves le travail d’écriture suivant :

1055 A la manière de Dino Buzzati, rédigez au moins six versions de cette anecdote en respectant la
1056 logique du crescendo :

1057 La jeune fille se promenait dans le parc. Un bruissement de feuilles la fit se retourner. Elle vit
1058 s’approcher M……, son voisin de palier qui s’avançait avec son chien.
1059 - Bonjour !, lui dit-elle
1060 - Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas vue, répondit-il en lui tendant la main.
1061

1062 L’écriture des élèves pourra être précédée par une réflexion collective sur les éléments à transformer
1063 pour réussir le travail : un parc de plus en plus inquiétant, une heure tardive (minuit), des bruits de
1064 plus en plus effrayants, une main de plus en plus étrange, un chien de plus en plus agressif,
1065 transformation progressive du voisin en loup garou…

1066 Les élèves auront à leur disposition une liste de synonymes proposée par le professeur.

1067 Voici le tableau d’évaluation :

Nom :
1 le cadre :
- description du parc
- bruits
-variation des registres (du réalisme au fantastique)
2 la transformation progressive du « voisin »
- du point de vue objectif au point de vue subjectif
- un personnage de plus en plus mystérieux
- description progressive vers le monstre
3 procédés de l’amplification, du crescendo
- lexique de la peur
- verbes de parole
- modalisateurs….
4 Langue :
- syntaxe
- orthographe
- qualité du style
1068

1069 ANNEXES

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1070
1071 I Vénus et ses représentations :
1072
1073 Texte extrait de La Vénus d’Ille, collection Les grands classiques Nathan, Nathan :
1074 Vénus pour les romains, Aphrodite pour les grecs, la déesse de l’amour est une déesse
1075 honorée que nos poètes ont chantée. Cependant dans l’Antiquité grecque et romaine, cette déesse
1076 présentait déjà toute l’ambiguïté qui provoque la discussion entre M. de Peyrerohade et le narrateur.
1077 D’une part, la Vénus bénéfique préside les liens du mariage à la séduction et à la fécondité. D’autre
1078 part, la Vénus « turbulente », celle qui perturbe, préside aux désordres érotiques, et devient la
1079 déesse de l’amour physique. Vénus et Aphrodite ont donné naissance à un vocabulaire qui lui aussi
1080 peut être conté positivement et négativement. Ainsi la Vénus du désordre est à l’origine
1081 étymologique de « venin » (philtre d’amour à l’origine), ou « d’aphrodisiaque », de « venimeux », de
1082 « vénéneux », de « vénérien » ; l’autre Vénus, bénéfique, nous a légué, « vénération », « vénérer »,
1083 « vénérable » et … « vendredi ».
1084
1085
1086

1087 L’Aphrodite de Cnide, dite


1088 Vénus du Belvédère, copie romaine d’après un original grec de Praxitèle, 360-350 avant J.-C., cité du
1089 Vatican, musées du Vatican
1090
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1092

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1093
1094 L a naissance de Vénus, Sandro Botticelli, 1484-1486, Florence Galerie des Offices
1095
1096

1097
1098 Tête attribuée à Brutus l’Ancien , 225 avant Jésus-Christ, bronze, Musée du Capitole, Rome
1099 (illustration qui peut permettre aux élèves de se donner une idée du regard de la Vénus)
1100
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1107
Vénus de Milo, 100 avant J. C., marbre, hauteur Aphrodite Sosandra, dite Aspasie, milieu du
200m, Musée du Louvre, Paris. La statue fut premier siècle après J.C. Naples, Musée
découverte par hasard en 1920 par un paysan à Archéologique national
la recherche de pierres pour bâtir un mur. Un
officier de la marine Française, passionné
d’architecture, assista à la découverte.

1108
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1117
1118 II La peinture fantastique :
1119

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1120 Piranèse, Les Prisons, 1745-1761

1121
1122 Attente, Richard Oelze, 1935-1936
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1125
1126 L’île des morts, Arnold Böcklin, 1880
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1141 Une ville abandonnée, Fernand Khnopff, 1904
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1152 Toutes les lumières, Paul Delvaux, 1962
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1165 Montée et descente, M.C. Escher, lithographie, 1960

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1173
1174 L’empire des lumières, René Magritte, 1954

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