idées

MAGAZINE
AU JAPON, GRIVOISE La crise sanitaire a exclu
FÊTE DU PHALLUS les femmes de l’expertise

WEEK-END
UNIQUEMENT EN FRANCE MÉTROPOLITAINE,
EN BELGIQUE ET AU LUXEMBOURG

SAMEDI 11 JUILLET 2020-76EANNÉE - NO 23484-4,50 € - FRANCE MÉTROPOLITAINEWWW.LEMONDE.FR - FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO

Droit de manifester : le maintien de l’ordre critiqué
▶ Le Défenseur des droits ▶ Jacques Toubon, dont le ▶ Il regrette que les fonc­ ▶ Ce texte a été remis au ▶ Le nombre de condam­
formule huit recomman­ mandat s’achève, critique tionnaires ne soient pas nouveau ministre de l’inté­ nations pour outrage ou
dations aux forces de les techniques d’encercle­ toujours identifiables, rieur, Gérald Darmanin, qui rébellion a considérable­
l’ordre, pour une réforme ment des manifestants alors que les violences po­ prépare un schéma natio­ ment augmenté
des pratiques actuelles ou l’abus des gardes à vue licières font polémique nal du maintien de l'ordre PAGE S 14- 15

Relance Les propositions 
des économistes à Macron
LA GRANDE MUTATION président délégué du Conseil
d’analyse économique, Philippe
sent un « bouclier antifaillite » de
10 milliards d’euros pour les en­

DES PRATIQUES
Martin doit publier, vendredi,
avec Jean Pisani­Ferry (professeur
à Sciences Po) et Xavier Ragot
(président de l’OFCE), une note in­
titulée « Une stratégie économi­
que face à la crise », remise à l’Ely­
treprises. Côté demande, ils prô­
nent, entre autres, le doublement
de l’allocation de rentrée scolaire
et un « bon d’achat » distribué
aux ménages modestes sous
forme de chèques.

CULTURELLES
sée et à Bercy. « Le gouvernement
doit assumer de mener à la fois
une politique d’offre – soutien aux
entreprises – et de demande – sou­
tien à l’emploi et aux ménages »,
plaident­ils. Côté offre, ils propo­
Les représentants des entrepri­
ses industrielles font également
des suggestions. Ils réclament un
allégement de 15 milliards d’euros
des impôts de production.
PAG ES 10- 11 ET 17

▶ Dévoilée vendredi 10 juillet, ▶ Les usages numériques Climat Sécurité routière

l’étude décennale du ministère explosent chez les plus jeunes, Chaleurs extrêmes Retour sur 1972,
de la culture sur les habitudes tandis que les modes traditionnels, et incendies année la plus
des Français montre une profonde y compris le cinéma, vieillissent de forêts : meurtrière sur les
fracture générationnelle PAGES 20- 21
la Sibérie suffoque routes de France
PAGE 8 PAG E 19

Notre­Dame La cathédrale  Etats­Unis Diplomatie

Aux racines "ON EN SORT PROFONDÉMENT
La Cour suprême  SÉCOUÉ"
va retrouver sa flèche de l’affrontement
inflige un revers franco­turc
PAGES 6-7
à Trump
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Ile­de­France
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La Haute Juridiction a
Intrigues
AC ILM DE

estimé, jeudi, que le prési­

F

dent devait répondre à la politiques à la tête

UN

justice de New York, qui

réclame ses déclarations
du Grand Paris
d’impôts. Mais les élec­ PAGE 12
teurs n’en auront pas
connaissance avant la pré­ Pologne
sidentielle du 3 novembre
PAGE 7
A la présidentielle,
deux pays
Retraites face à face
PAGE 2
Jean Castex face 
1
LE ILM DE

au front syndical
UN
F

15 YARO

ÉDITO RIAL
JU N SH

Le 14 avril 2020. THOMAS COEX

Le premier ministre a
IL ANI
LE

emmanuel macron a donné drée lors de l’incendie, sera re­ réuni les partenaires COVID­19 : AUCUN 
T

son feu vert, jeudi 9 juillet, à une faite, mais pas en plomb, maté­ sociaux, qui s’accordent
reconstruction à l’identique de la riau jugé polluant. Une étude sur le fait que la réforme PAYS N’EST À L’ABRI 
toiture de Notre­Dame. Il s’aligne américaine vient d’ailleurs de
ainsi sur les conclusions des ar­ confirmer une importante conta­
des retraites n’est plus D’UNE REPRISE
chitectes du chantier. La flèche de mination au plomb. un sujet urgent
P AGE 3 1
Viollet­le­Duc, qui s’était effon­ PAGE 22 PAGE 11
Algérie 220 DA, Allemagne 3,70 €, Andorre 3,50 €, Autriche 3,80 €, Belgique 4,80 €, Cameroun 2 400 F CFA, Canada 5,70 $ Can, Chypre 3,20 €, Côte d'Ivoire 2 400 F CFA, Danemark 36 KRD, Espagne 3,50 €, Gabon 2 400 F CFA, Grande-Bretagne 3,10 £, Grèce 3,50 €, Guadeloupe-Martinique 3,20 €, Guyane 3,50 €,
Hongrie 1 330 HUF, Irlande 3,50 €, Italie 3,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 4,90 €, Malte 3,20 €, Maroc 22 DH, Pays-Bas 3,80 €, Portugal cont. 3,50 €, La Réunion 3,20 €, Sénégal 2 400 F CFA, Suisse 4,40 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 4,10 DT, Afrique CFA autres 2 400 F CFA
 INTERNATIONAL
0123
2| SAMEDI 11 JUILLET 2020

A Minsk, deux Pologne se font face
Dans cette petite ville, la présidentielle du 12 juillet s’annonce serrée entre les libéraux et le parti au pouvoir

REPORTAGE
minsk mazowiecki (pologne) ­
envoyés spéciaux

M
ariusz Wasilewski
grille une cigarette
devant des bou­
quets d’aneth, des
bottes de radis et des bassines de
tomates. Installé sur la place du
marché central, ce modeste ven­
deur de légumes de 33 ans ne met
pas longtemps à décrire l’am­
biance du moment : « C’est vrai­
ment moitié­moitié. » A quatre
jours du second tour de l’élection
présidentielle polonaise, qui
oppose le président sortant,
Andrzej Duda, candidat du parti
national­conservateur Droit et
justice (PiS), au maire libéral de
Varsovie, Rafal Trzaskowski
(Plate­forme civique, PO, centre
droit), l’issue du scrutin semble
refléter ici ce qui se joue à
l’échelle nationale : un match ex­
trêmement serré entre deux
camps devenus hermétiques.
Ici, c’est Minsk Mazowiecki,
une ville pavillonnaire de
40 000 habitants, à 40 km à l’est
de Varsovie, où se côtoient
autoentrepreneurs et salariés de
grandes entreprises varsovien­
nes, migrants ruraux et em­
ployés du ministère de la dé­
fense, premier employeur de la
commune avec ses sept unités
militaires. Un îlot gouverné par
les libéraux en plein cœur d’une
région profondément conserva­
trice où le PiS n’a cessé de grigno­
ter des « parts de marché » de­
puis une dizaine d’années.
En 2015, lors du précédent scru­
tin présidentiel, Andrzej Duda
avait raflé la mise d’un cheveu à
Minsk Mazowiecki. Cette fois, ce
pourrait être l’inverse.

Rouleau compresseur De gauche à droite : Daniel Milewski, député local de Droit et justice ; un panneau du candidat de l’opposition, Rafal Trzaskowski ; chez un partisan du président
« Même si l’arithmétique du sortant, Andrzej Duda ; le maire de Minsk Mazowiecki, Marcin Jakubowski, membre de Plate­forme civique, le 8 juillet. KASIA TREK/ITEM POUR « LE MONDE »
premier tour ne joue peut­être
pas en notre faveur, je garde espoir
que Minsk ne se trompera pas », A quelques pas, Sylwester mois à peine avant le premier de l’indépendance de la Pologne,
confesse Daniel Milewski, député
« Le PiS a Siedlec, 51 ans, marchand de tour – l’a revigoré. « Il a le cha­ copie d’une statue en pied de LES PROFILS
local du PiS. « Pour la première fois, imprimé sa vêtements, est lui aussi pour la risme qui manquait cruellement à Lech Kaczynski, défunt frère ju­
ajoute­t­il, un peu perplexe, j’ai « continuation ». « Ce que le notre parti depuis le départ de meau du patron de la majorité,
l’impression qu’on a affaire à une
marque sur gouvernement a dit s’est concré­ Donald Tusk [ex­premier minis­ Jaroslaw Kaczynski, crucifix et
élection où il n’y a pas d’indécis. » un électorat dur, tisé, comme la baisse de l’âge de tre] », se réjouit Marcin Jaku­ icônes se disputent l’espace
Aucun des deux candidats n’est départ à la retraite. Cette politique bowski, qui approuve la straté­ d’une commode sous des cartes
d’ailleurs venu faire campagne à
blanc, catholique a vraiment changé la vie des gens gie de campagne adoptée visant anciennes d’Europe.
Minsk. A quoi bon prêcher des et hétérosexuel. et c’est pourquoi Duda est plus cré­ à ne pas attaquer à l’artillerie « Ce n’est pas un vote pour ou
convaincus ? « Chacun sait pour dible. » La conséquence de cette lourde le camp adverse. contre un candidat, mais un choix
qui il va voter, je ne rencontre que
Minsk, c’est extrême polarisation est telle « Trzaskowski mise sur l’ouver­ entre deux modèles de société,
des ultrasympathisants ou des la Pologne qu’elle a généré un taux record de ture à tous pour combler le fossé l’ancien, libéral, et celui qui est
ultra­opposants, sans aucun participation dès le premier tour, qui s’est creusé dans la société, toujours en cours de construc­ Andrzej Duda,
dialogue entre un camp et
en pilule » 72 % à Minsk Mazowiecki alors alors qu’avant on avait tendance tion », expose Daniel Milewski, le président sortant
l’autre », insiste l’élu. La ligne de MARCIN JAKUBOWSKI qu’il était déjà de 64 % au niveau à se construire contre le PiS. » tout en surveillant d’un œil son Agé, comme son concurrent,
partage sépare des citadins, plu­ maire de Minsk Mazowiecki national – à comparer avec les smartphone. Membre de la de 48 ans, juriste de formation,
tôt libéraux, et des ruraux fran­ 49 % de 2015. Perçu comme un référendum commission justice et droits il est resté longtemps un parfait
chement conservateurs. Le maire libéral, Marcin Jaku­ Selon le maire, dont le bureau humains à la Diète, l’Assemblée inconnu dans l’ombre de Lech
Sur le marché de Minsk où com­ tions sociales sans précédent bowski, membre de PO, a tout fait moderne pourrait être celui de nationale polonaise, il s’apprête Kaczynski, président de 2005 à
merçants et acheteurs viennent mise en place par les conserva­ pour entretenir cette mobilisa­ n’importe quel haut fonction­ à voter à distance, coronavirus 2010. Après la mort prématurée
dans leur écrasante majorité des teurs n’en porte pas moins ses tion en placardant sur les murs de naire européen, avec le drapeau oblige. « Les libéraux sont pleins de celui-ci, il devient député
campagnes environnantes, fruits. « L’autre jour, une cliente sa ville des affiches façon pochoir national côtoyant la bannière de contradictions, reprend le européen. Investi en 2015 par le
Grazyna Konopka, 67 ans, ven­ m’a acheté une robe en disant : “De appelant les citoyens aux urnes. étoilée des Vingt­Sept, les libé­ jeune député de 31 ans, ils n’ont parti national-conservateur Droit
deuse de robes, fait presque fi­ toute façon, c’est Duda qui paye” », A moins qu’il ne distribue lui­ raux polonais ont tiré les leçons cessé de répéter que la redistribu­ et justice (PiS), il crée la surprise
gure de curiosité. « Avec mes s’amuse Grazyna. même des tracts dans la rue pour de cinq années de lutte contre le tion sociale n’était pas possible. en battant le libéral Bronisław
convictions libérales, je suis ultra­ Derrière son stand de légumes, « maintenir la température ». A populisme de leur adversaire : C’est la question­clé : la Pologne Komorowski (2010-2015), prési-
minoritaire, raconte­t­elle. Ici, Mariusz Wasilewski l’affirme sans 45 ans, cela fait déjà dix ans qu’il « Pendant des années, PO au pou­ “on peut le faire” ou la Pologne dent sortant favori des sondages.
autour des stands, la proportion détour : « Aujourd’hui, on vit bien résiste au rouleau compresseur voir était concentrée sur la cons­ “on ne peut pas”. Pour les gens, le
en faveur du PiS c’est plutôt 90/10. mieux qu’il y a cinq ans. J’ai deux conservateur. « A cette époque, truction d’une économie forte en modèle institutionnel n’a pas
J’en suis au point où je ne parle pas enfants, et les allocations familia­ témoigne­t­il, la Plate­forme civi­ oubliant ceux qui ont moins pro­ beaucoup d’importance, on ne
de politique parce que ça crée des les [500 zlotys soit 111 euros par que réalisait de très bons scores, fité de la transition économique parle pas de la présidence ou de
tensions. Les gens me disent : enfant] nous ont beaucoup aidés. mais, quand ça a tourné à l’avan­ [après la chute du commu­ ses prérogatives. »
“Vous n’avez pas voté Duda ? Vous Tous les parents vous diront la tage du PiS, la région a suivi. » nisme]. Nous avons compris que Comme partout dans le pays, le
devriez rendre votre 13e mois de re­ même chose. J’irai voter pour Aujourd’hui, poursuit l’édile la politique économique a besoin scrutin, à Minsk Mazowiecki, est
traite [une des mesures­phares Duda parce que je suis pour la con­ au visage rond et à la barbichette d’une composante sociale forte et avant tout perçu comme un
du PiS]”, même si je n’ai rien tinuation de cette politique. Il a soignée, « le clivage, entre une non d’un libéralisme débridé. » référendum pour ou contre la
demandé ! » La politique d’alloca­ bonne allure, en plus. » Pologne libérale, ouverte et une Changement de décor au local politique menée depuis cinq ans Rafal Trzaskowski,
Pologne très conservatrice, repliée du député du PiS, situé juste en par Jaroslaw Kaczynski, le vérita­ le challenger
sur elle­même, est fondamental, face. Bustes du pape Jean Paul II ble homme fort du pays, accusé Né en 1972 à Varsovie, diplômé
Débat à distance entre les candidats c’est la ligne de front. Tout découle et du général Jozef Pilsudski, père par l’opposition de ruiner la en relations internationales,
de cela, l’approche sur le climat, démocratie polonaise. et ancien boursier de l’université
Le nouveau coronavirus n’y aura été pour rien. Symbole l’ouverture aux minorités sexuel­ Mais pour l’heure, comme l’af­ d’Oxford, au Royaume-Uni, il ga-
du dialogue de sourds entre les deux camps tout au long de les, la religion. Le PiS a imprimé sa firme le maire, qui entrevoit un gne ses galons comme conseiller
la campagne, pour la première fois depuis 1989, aucun débat marque sur un électorat dur, blanc, « Ce vote, c’est espoir d’alternance, « aucun du comité d’intégration de la
télévisé n’aura opposé les deux candidats à la présidence dans catholique et hétérosexuel. » bookmaker ne s’aventurerait à Pologne à l’UE, avant de devenir
l’entre-deux-tours. Malgré de multiples propositions des mé- « Minsk, poursuit­il, c’est la Po­
un choix entre miser sur le résultat ». A en juger député européen. Deux fois
dias, les équipes de campagne ne sont pas parvenues à s’accor- logne en pilule », façon de dire, l’ancien modèle par les affiches des deux candi­ ministre, il conquiert la mairie
der et les candidats ont débattu à 300 kilomètres de distance à selon l’expression polonaise con­ dats accrochées aux clôtures et de Varsovie en novembre 2018.
côté de pupitres vides portant le nom de leur rival. sacrée, que sa ville est un concen­
de société, libéral, aux balcons des pavillons, la Membre de la Plate-forme civique
Le président sortant, Andrzej Duda, a accusé son adversaire de tré de la situation nationale. et celui en cours division entre les habitants de (PO, centre-droit), il remplace au
vouloir organiser un débat « sous la protection de médias étran- Quoique tardive, l’arrivée dans cette banlieue lointaine de la pied levé la précédente candidate
gers », et son concurrent libéral, Rafal Trzaskowski, a affirmé le jeu électoral de son candidat
de construction » capitale est profonde.  du parti tombée au plus bas
vouloir éviter « un piège supplémentaire » tendu par des médias – Rafal Trzaskowski a été investi DANIEL MILEWSKI jakub iwaniuk dans les sondages, un mois
publics sous étroit contrôle du pouvoir. par la Plate­forme civique un député local du PiS et isabelle mandraud avant le premier tour du scrutin.
 À tous ceux qui veulent
mieux manger.
À ceux qui préfèrent manger français, parce que c’est meilleur
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que c’est meilleur tout court. À ceux qui veulent savoir exactement
ce qu’ il y a dans leur assiette. À ceux qui mettent plus de temps
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moins de sucre, moins de gras… mais pas moins de goût. À tous les
Français qui ne sont jamais aussi fiers d’ être français que quand
ils sont à table. À ceux qui demandent « qu’ est-ce qu’on mange ce
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ceux qui pensent que ce n’ est pas normal de payer plus cher pour
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soi-même, on peut contrôler l’origine, la qualité et le prix. Parce
que quand on fait soi-même, c’est toujours mieux.

4 | international
En dépit des menaces, l’Australie
réplique à Pékin sur Hongkong
Canberra suspend son traité d’extradition avec le territoire
sydney ­ correspondance
C
onfrontée à une dégra­
dation rapide de sa rela­
tion avec la Chine, l’Aus­
tralie a défini une stra­
tégie qui tient en trois mots : ne
rien céder. Jeudi 9 juillet, ignorant
les mises en garde de Pékin qui lui
avait intimé de « ne pas s’aventu­
rer davantage sur la mauvaise
voie » en se mêlant du dossier
hongkongais, le premier ministre
conservateur Scott Morrison a
pris des mesures pour répondre
au « changement fondamental de
la situation » dans l’ex­colonie bri­
tannique de Hongkong. Fin juin,
le régime communiste avait im­
posé à sa région administrative
spéciale l’adoption d’une nou­
velle loi sur la sécurité.
Parce que cette législation, « à
notre avis, sape la propre loi
fondamentale de Hongkong et le
haut degré d’autonomie garanti
dans la déclaration conjointe sino­
britannique » – qui avait établi le
principe « un pays, deux systè­
mes » jusqu’en 2047 –, le chef du
gouvernement australien a an­
noncé que son pays suspendait
son traité d’extradition avec
Hongkong et proposait un refuge
à des milliers de Hongkongais en
prolongeant de cinq ans la durée
des visas accordés aux étudiants
et aux travailleurs qualifiés.
Dix mille personnes, vivant
déjà en Australie, bénéficieront
immédiatement de cette déci­
sion qui leur permettra, à terme,
de déposer une demande de
nationalité. Canberra a emboîté
le pas au Royaume­Uni, qui
avait offert, début juillet, un per­
mis de résidence à 3 millions de
personnes. En parallèle, l’Austra­
lie va faciliter l’installation
La Chine vante sa stratégie après avoir jugulé
la deuxième vague de virus dans sa capitale
Plus de 11 millions de personnes ont été testées, et 5 000 ont été placées en quarantaine
pékin ­ correspondant
L e calendrier ne pouvait être
plus favorable aux autorités
chinoises. Le 7 juillet, le jour
même où celles­ci annonçaient
avoir réussi à mettre un terme à la
réapparition du Covid­19 à Pékin,
Donald Trump entamait la procé­
dure lançant le retrait américain
de l’Organisation mondiale de la
santé. Alors que la première puis­
sance mondiale ne parvient pas à
juguler l’épidémie, la Chine ne
boude pas son plaisir d’expliquer
au reste du monde quelle straté­
gie appliquer. Selon le Global
Times du 9 juillet, les autorités sa­
nitaires chinoises s’apprêtent à
publier un récapitulatif de leur ac­
tion. « Le succès de l’expérience chi­
noise contre le nouveau coronavi­
rus peut être utile pour le monde
entier, spécialement pour les Etats­
Unis », note fièrement le quoti­
dien nationaliste.
De fait, alors que de nombreux
pays redoutent la deuxième
vague de l’épidémie, les autorités
chinoises ont annoncé, jeudi
9 juillet, n’avoir recensé aucun
nouveau cas de Covid­19 à Pékin,
pour le troisième jour d’affilée.
Un cas lié au marché alimentaire
de gros de Xinfadi, situé dans le
sud­ouest de la capitale, était
apparu le 11 juin. En tout, 335 per­
sonnes ont été infectées. Il n’y
a pas eu de décès. L’origine
exacte de la contamination
n’a pas été identifiée.
d’entreprises, actuellement do­
miciliées sur le territoire de
Hongkong, sur l’île­continent.
Par contre, elle n’a pas proposé,
comme le réclamaient des orga­
nisations de défense des droits
de l’homme, un programme de
protection humanitaire qui
aurait visé une cible plus large.
Dans les heures qui ont suivi ces
annonces, le porte­parole de l’am­
bassade de Chine à Canberra a
fustigé les responsables austra­
liens. « Ils ont manifestement in­
terféré dans les affaires intérieures
de la Chine en faisant des remar­
ques irresponsables », a­t­il dé­
claré, avant d’ajouter que l’Austra­
lie devait arrêter « immédiate­
ment », faute de quoi « elle se tire­
rait une balle dans le pied ».
Mesures de rétorsion
Anticipant de possibles mesures
de représailles, le gouvernement
de Scott Morrison avait, depuis
plusieurs jours, mis en garde ses
ressortissants installés en Chine et
à Hongkong, contre « un risque ac­
cru de détention pour des motifs de
sécurité nationale vaguement défi­
nis ». « Evidemment, ces décisions
ne vont pas contribuer à apaiser les
tensions, mais la relation était déjà
tellement dégradée que cela ne de­
vrait pas changer grand­chose »,
lâche Rory Medcalf, directeur du
National Security College.
Les relations entre les deux pays
sont à couteaux tirés depuis que,
à la mi­avril, l’Australie a pris l’ini­
tiative de demander l’ouverture
d’une enquête internationale sur
l’origine et la propagation de la
pandémie de Covid­19. Accusant
Canberra de faire le jeu des Etats­
Unis, Pékin a multiplié les insul­
tes et les mesures de rétorsion
économiques : restriction des im­
Plus de 11 millions de person­
nes ont été testées – soit environ
la moitié de la population de
la ville – et plus de 5 000 person­
nes travaillant ou habitant à
proximité du marché de Xinfadi
ont été placées en quarantaine,
parfois durant quatre semaines.
Ce processus est actuellement
en train de s’achever. Les autori­
tés n’ont donc pas choisi le confi­
nement total, comme à Wuhan,
au début de l’année.
Elles ont procédé plus subtile­
ment : en isolant les personnes
ayant fréquenté le marché et leurs
proches, et en testant les catégo­
ries qui ont le plus de contacts so­
ciaux : le personnel soignant, les
personnes travaillant dans la res­
tauration, les chauffeurs de taxi,
les livreurs à domicile, les coif­
feurs… Ces tests ont été effectués
par échantillons groupés de 5 à 6
personnes. Si l’une d’elles était
positive, tout le groupe repassait
le test. Mais s’ils étaient négatifs,
leurs résultats n’étaient pas com­
muniqués aux intéressés. Sans
doute pour gagner du temps,
Au niveau
national,
les autorités ont
fait état, jeudi, de
4 nouveaux cas,
tous importés
Leurs relations
sont à couteaux
tirés depuis
que Canberra
a demandé
une enquête
sur l’origine
du Covid-19
portations de bœuf australien,
droits de douanes de 80,5 % sur
l’orge, conseil à ses touristes et
étudiants de ne pas se rendre en
Australie. Pour l’île­continent, qui
envoie 32,6 % de ses exportations
vers la Chine, son premier parte­
naire commercial, le coup a été
rude mais pas fatal. Elle estime
que Pékin peut difficilement
toucher à son secteur d’exporta­
tion le plus lucratif – le minerai de
fer – faute d’alternative.
Quoi qu’il arrive, le gouverne­
ment conservateur a surtout dé­
cidé de ne pas plier face à un em­
pire du Milieu considéré comme
toujours plus menaçant. Selon les
observateurs, l’Australie se méfie
autant de ses ambitions régiona­
les qui débordent jusque dans son
pré carré, le Pacifique Sud, que de
ses tentatives d’ingérences sur la
scène politique locale.
Dernier incident en date, le
19 juin, quand Canberra s’est dit la
cible d’une vaste cyberattaque
d’un « acteur étatique ». Si elle n’a
pas nommé la Chine, tous les re­
gards se sont tournés vers Pékin.
Quelques jours plus tard, Scott
Morrison a annoncé que son pays
allait investir 1,35 milliard de dol­
lars australiens (826,2 millions
d’euros) dans la cybersécurité.
mais aussi pour éviter que les Pé­
kinois quittent la ville. Jusqu’au
4 juillet, quitter la capitale pour se
rendre en province nécessitait en
effet de présenter un test négatif
effectué dans la semaine précé­
dant le déplacement. Les person­
nes souhaitant voyager devaient
donc effectuer un test à leurs frais.
Une gestion sur mesure
Cette gestion sur mesure est quali­
fiée de « rapide, appropriée et effi­
cace » par Wu Zunyou, chef épidé­
miologiste de la Commission na­
tionale de la santé. Elle n’avait
pourtant pas que des avantages. A
Pékin, les 152 quartiers étaient
classés en trois catégories, selon le
niveau de risque sanitaire. Mais
connaître la situation de telle rue
ou de tel quartier n’avait rien d’évi­
dent. Parfois, des Pékinois ne se
rendaient compte qu’a posteriori
qu’ils s’étaient rendus dans un
quartier risqué. S’ils ne le savaient
pas, leur téléphone portable, lui, le
savait. L’application que chaque
Pékinois doit télécharger indique
chaque jour si l’on présente des
« conditions normales » ou pas, et
si l’on s’est rendu ou non dans une
zone à risque. Si oui, il n’était pas
possible de quitter Pékin.
Ces restrictions ont été levées le
4 juillet pour les quartiers à « ris­
ques faibles », ceux où aucun cas
n’a été décelé durant les quatorze
derniers jours. Les habitants de
ces quartiers n’ont plus besoin de
passer un test pour sortir de la
Canberra a aussi entrepris de
durcir sa législation sur les ingé­
rences étrangères fin 2017, ce qui
avait provoqué la première flam­
bée des tensions avec la Chine.
Ces nouvelles lois sont à l’origine
d’une première enquête, portée à
la connaissance du grand public
le 26 juin, qui s’intéresse aux
tentatives de manipulations qui
auraient visé un élu local, Shao­
quett Moselmane, connu pour
avoir loué le « leadership à toute
épreuve » du régime chinois dans
la crise due au nouveau corona­
virus. Il aurait, entre autres, été
fréquemment invité en Chine,
tous frais payés.
« Compétition croissante »
Enfin, l’Australie a dévoilé, le
1er juillet, un tournant majeur
dans sa stratégie de défense. Esti­
mant qu’elle doit désormais
concentrer l’essentiel de ses for­
ces dans la région indo­pacifique,
« épicentre d’une compétition
stratégique croissante », et où le
« risque d’une erreur de calcul et
même d’un conflit augmente », se­
lon Scott Morrison, elle va déve­
lopper des « capacités de dissua­
sion plus fortes », notamment en
se dotant d’une capacité de
frappe à longue portée.
Parallèlement, le pays, allié
historique des Etats­Unis, conti­
nue de renforcer ses liens avec
d’autres puissances moyennes
régionales. Après la signature,
début juin, de nouveaux accords
de défense avec l’Inde, le premier
ministre australien a rencontré,
jeudi, au cours d’un sommet
virtuel, son homologue japonais,
Shinzo Abe, pour discuter d’un
renforcement du partenariat
des deux pays. 
isabelle dellerba
ville. Les habitants des 15 quartiers
à risque moyen et du quartier à
risque élevé autour du marché de
Xinfadi ne peuvent pas quitter la
capitale. Par ailleurs, il est tou­
jours quasiment impossible, dans
l’ensemble de Pékin, d’entrer dans
un centre commercial, une rési­
dence ou un jardin public sans
présenter son code santé. Et le
masque reste de rigueur dans les
lieux publics. Malgré tout, les
Pékinois semblent s’être prêtés de
bonne grâce aux tests imposés ou
proposés, et les files d’attente
étaient plutôt bon enfant.
Au niveau national, les autori­
tés ont fait état, jeudi 9 juillet, de
4 nouveaux cas (dans le Shanxi,
la Mongolie­Intérieure, le Liao­
ning et à Shanghai), tous impor­
tés. Globalement, les autorités
annoncent au total, depuis fin
2019, 83 585 cas confirmés en
Chine continentale, dont 342 ma­
lades qui sont encore traités ;
4 634 personnes sont mortes,
très majoritairement dans la
province du Hubei.
Ces dernières semaines, les auto­
rités ont énormément communi­
qué sur leur gestion de la crise à
Pékin, qu’elles ont bien sûr oppo­
sée à celle de Donald Trump, aux
Etats­Unis. En revanche, elles sont
beaucoup plus discrètes sur une
autre catastrophe : les crues excep­
tionnelles qui ravagent le Sud et le
centre du pays, qui ont déjà fait
une centaine de victimes. 
frédéric lemaître
Accusé de harcèlement
sexuel, le maire de Séoul
se serait suicidé
Park Won­soon, ancien avocat, avait toujours
milité pour les droits des femmes
tokyo ­ correspondance
F igure progressiste de la po­
litique sud­coréenne, an­
cien avocat militant des
droits humains et considéré
comme présidentiable, le maire
de Séoul, Park Won­soon, a été re­
trouvé mort aux premières heu­
res, vendredi 10 juillet. Son corps
a été découvert dans les bois du
mont Bukak, sur les hauteurs du
nord de la capitale. Il a été trans­
porté à l’hôpital de l’université
de Séoul, où l’attendaient des
centaines de partisans boulever­
sés, qui criaient : « Nous t’aimons,
Park Won­soon ! »
« Nous prions pour l’âme du dé­
funt et présentons nos plus sincè­
res condoléances aux citoyens », a
déclaré le maire adjoint, Seo
Jeong­hyup, qui assurera l’inté­
rim jusqu’à l’élection du pro­
chain édile, prévue en avril 2021.
Les autorités devaient dresser un
autel à la mairie, et un deuil de
cinq jours sera observé.
M. Park pourrait avoir mis fin à
ses jours. Le maire avait annulé
ses engagements du 9 juillet
« pour raisons de santé ». Sa fille
avait signalé sa disparition en fin
d’après­midi, ajoutant avoir dé­
couvert une lettre « semblable à
un testament ».
« Dragon né dans le ruisseau »
Son décès suit le dépôt, le 8 juillet,
d’une plainte pour harcèlement
sexuel par une ancienne secré­
taire. D’après l’agence de presse
Yonhap, la plaignante accusait
l’édile de « contacts physiques »
non désirés et de lui avoir
adressé, depuis 2017, des messa­
ges au contenu « inapproprié ».
Un reportage à ce sujet devait
être diffusé jeudi soir.
L’annonce de sa mort en rela­
tion possible avec des accusa­
tions de harcèlement a choqué,
M. Park ayant toujours milité
pour les droits des femmes. Le
décès met fin aux poursuites. La
mairie n’a pas précisé si elle
envisageait une enquête. D’ori­
gine modeste, M. Park est né
le 26 mars 1956 dans une fa­
mille d’agriculteurs de la pro­
vince du Gyeongsang du Sud.
Entré en 1975 à la prestigieuse
université de Séoul, il en est ex­
pulsé quelques mois plus tard
pour sa participation aux mani­
festations étudiantes dénon­
çant la dictature de Park Chung­
hee (1911­1979). Il passe quatre
mois en prison.
Par la suite diplômé d’histoire à
l’université Dankook, il devient
procureur en 1982 à Daegu, ville
du Sud­Est connue comme un
bastion conservateur. Il n’occupe
ce poste que deux ans. Reparti à
Séoul, il devient avocat et défend
des militants de la lutte pour la dé­
mocratie, mais aussi des victimes
de harcèlement sexuel. En 1994, il
aide l’assistante d’un professeur
de l’université de Séoul à obtenir
des dommages­intérêts. L’ensei­
gnant avait refusé de la réembau­
cher car elle avait refusé ses avan­
ces. Le cas, qui avait mobilisé les
BO LIVIE
La présidente
contaminée par le virus
La présidente par intérim de
la Bolivie, Jeanine Añez, 53 ans,
candidate à l’élection prési­
dentielle du 6 septembre, a
annoncé, jeudi 9 juillet, être
positive au Covid­19. « Je vais
bien, je travaillerai à l’isole­
ment », a annoncé, sur son
compte Twitter, celle qui a
remplacé Evo Morales fin
2019, avant de se mettre en
quatorzaine. – (AFP.)
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
Une plaignante
accusait l’édile
de « contacts
physiques » non
désirés et de lui
avoir adressé
des messages
au contenu
« inapproprié »
mouvements des droits des fem­
mes, fut la première affaire de
harcèlement sexuel de l’histoire
de la Corée du Sud.
Park Won­soon a créé de multi­
ples associations, comme l’ONG
Solidarité populaire pour une dé­
mocratie participative. Il a fondé,
en 2006, Atelier d’espoir, un cen­
tre d’analyses ayant pour objectif
d’appliquer des politiques alter­
natives basées sur les idées des ci­
toyens. Ses engagements contre
les inégalités lui valent le surnom
de « designer social ».
Ses origines modestes et son
parcours dans la société civile en
font un responsable politique
atypique, un « dragon né dans le
ruisseau ». Personnalité chaleu­
reuse, M. Park se présente en in­
dépendant, en 2011, à la mairie de
Séoul, en se finançant grâce à
une campagne de dons sur Inter­
net. Elu sur le slogan « Du béton à
l’humain », Park Won­soon a mo­
bilisé contre les grands travaux
et pour un environnement ur­
bain plus agréable.
Au fil de ses mandats – il a été
réélu en 2014 et en 2018 – il a
œuvré pour le développement
d’une mobilité douce, en créant
les couloirs réservés pour les bus,
en développant un système de
véhicules électriques en partage
et en lançant le système Dda­
reungi de location de vélos, et
contre la pollution atmosphéri­
que. Park Won­soon n’a en revan­
che pas réussi à faire avancer plu­
sieurs sujets, comme les droits
des personnes LGBT.
En 2020, son action contre la
pandémie due au coronavirus a
été saluée. Les décisions prises
ont permis à la capitale de 10 mil­
lions d’habitants de ne pas subir
de confinement et de limiter le
nombre de cas à 1 401 au 10 juillet.
« Séoul veut devenir une référence
internationale de l’ère post­coro­
navirus pour la prévention et la
gestion des maladies contagieu­
ses », déclarait­il en juin.
Sur le plan politique, M. Park
avait rejoint, en 2014, le Parti dé­
mocrate, actuellement au pou­
voir. Vif opposant de la prési­
dente Park Geun­hye (2013­2017),
il a soutenu le mouvement ayant
conduit à sa destitution pour
corruption. Son aura et sa popu­
larité en faisaient un successeur
potentiel à l’actuel président pro­
gressiste, Moon Jae­in, qu’il sou­
tenait et dont le mandat se ter­
mine en 2022. 
philippe mesmer
VENEZU EL A
Le numéro deux du
régime testé positif
Le président de l’Assemblée
nationale constituante,
Diosdado Cabello, a annoncé,
jeudi, être positif au Covid­19.
Proche du président Nicolas
Maduro, M. Cabello est le nu­
méro deux du parti présiden­
tiel, le PSUV. L’organe qu’il di­
rige s’est attribué l’essentiel
des pouvoirs de l’Assemblée
nationale, contrôlée par l’op­
position. – (AFP.)
 0123
6 | international SAMEDI 11 JUILLET 2020

L A   C R I S E   D I P L O M AT I Q U E   AV E C   A N K A R A

La France et
la Turquie, aux
racines d’un
affrontement
Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan
ont d’abord tenté de s’entendre, avant que
les contentieux se multiplient sur la Libye,
la Méditerranée et au sein de l’OTAN

P
arfois, les crispa­ taire de la Turquie, qui se conçoit
tions sont des prélu­ comme un phare de l’islam poli­ Emmanuel
des aux crises ouver­ tique, ainsi qu’en témoigne le Macron et
tes. Au printemps projet de reclassement de la Recep Tayyip
2018, les épouses basilique Sainte­Sophie en mos­ Erdogan, en
de trois diplomates quée, à Istanbul. octobre 2018,
turcs, basés à Strasbourg auprès Cette crise illustre aussi l’atmos­ à Istanbul.
du Conseil de l’Europe et à Paris, phère de défiance entre les deux KAYHAN OZER/AFP
doivent remplir des formulaires pays, malgré les efforts d’Emma­
pour des titres de séjour français. nuel Macron pour nouer une re­
Or elles refusent d’être photogra­ lation de travail avec son homolo­ après celles prises en novem­ passé au maréchal Haftar, en Li­ dentaux dans la lutte contre l’or­
phiées sans leur voile. L’adminis­ gue Recep Tayyip Erdogan. Le pré­ bre 2019 en réponse aux forages bye, affaiblit sa position. SELON UNE SOURCE  ganisation Etat islamique (EI) :
tration bloque la procédure, au sident a découvert les manières illégaux dans les eaux territoria­ En réalité, entre les deux pays, DIPLOMATIQUE FRANÇAISE,  « Ce fut un tournant pour nous,
nom de la loi. Commence alors, turques avec l’arrestation d’un les de Chypre. « L’objectif n’est pas les tensions remontent à loin, à une attaque grave contre nos inté­
en coulisses, un invraisembla­ jeune journaliste, Loup Bureau, de punir la Turquie, mais d’obte­ l’ère Sarkozy. Elles mêlent ques­ « ON ESSAIE D’AVOIR rêts de sécurité », explique une
ble imbroglio protocolaire et juri­ fin juillet 2017, détenu pendant nir de la clarté », indique­t­on à tions internationales et considé­ source diplomatique.
dique. Ankara prend des mesures cinquante­deux jours. Trois ans l’Elysée. Les sanctions ont peu de rations intérieures, de part et UN MESSAGE DE FERMETÉ,  En février, avant le déclenche­
de rétorsion radicales. Elles vi­ plus tard, les échanges acrimo­ chances de passer dans l’immé­ d’autre. Elu président en 2007, ment de la crise du Covid­19, Er­
sent les nouveaux fonctionnaires nieux se multiplient. diat. Pour Berlin, la politique vis­ M.Sarkozy avait rejeté l’idée d’ad­
MAIS LA POSITION  dogan menace d’ouvrir les por­
de l’ambassade et du consulat à­vis d’Ankara ne peut se réduire hésion de la Turquie à l’UE. « C’est D’ACCOMMODEMENT  tes de l’Europe aux réfugiés en
français en Turquie. Ils sont pri­ « OBTENIR DE LA CLARTÉ » à ces instruments punitifs. Cette à partir du coup d’Etat manqué de provenance de Syrie. Un million
vés des cartes diplomatiques qui Face à la Turquie, la France réserve s’explique aussi par la 2016 que l’incompatibilité entre la GÉNÉRALISÉ A RENFORCÉ  de personnes ont été jetées sur
permettent de séjourner dans le s’avance dorénavant hérissée. Les présence d’une forte minorité Turquie et l’UE va devenir impossi­ les routes dans la région d’Idlib
pays. Le Quai d’Orsay, qui ne incriminations retenues contre turque en Allemagne. bilité », résume Marc Pierini, ex­ ERDOGAN » en raison de l’offensive du ré­
peut opérer le renouvellement Ankara sont nombreuses : at­ Paris s’égosille, dans une rela­ pert au centre de recherche Car­ gime de Damas, soutenu par
prévu des effectifs, bloque à son teinte à la souveraineté d’Etats tive solitude. Emmanuel Macron negie et ancien ambassadeur de l’aviation russe. En mettant en
tour l’attribution des titres de membres en Méditerranée, im­ a contribué verbalement à l’esca­ l’UE en Turquie (2006­2011). tion militaire tout en maintenant scène, pour les caméras, quel­
séjour pour les diplomates turcs plication massive dans le conflit lade, en accusant récemment An­ « La société civile est alors muse­ sous contrôle la frange islamiste ques milliers de candidats à
et leurs épouses. libyen, chantage aux migrants, kara de porter une « responsabi­ lée, une autocratie complète s’ins­ extrémiste. Aujourd’hui, on essaie l’exode, la Turquie cherche à
Cette crise étouffée a pris fin au achat d’équipements militaires à lité historique et criminelle » dans talle. Lors des élections municipa­ d’avoir un message de fermeté, créer un effet miroir par rapport
bout de quatorze mois, en la Russie, révélations dans la le conflit en Libye. « Criminelle » : les de 2019, Erdogan et son parti, mais la position d’accommode­ à la crise migratoire de 2015. Elle
juin 2019, lors de la visite de Jean­ presse turque sur un réseau d’in­ un adjectif jamais employé pour l’AKP, perdent leur monopole poli­ ment généralisé a renforcé Erdo­ met la pression sur l’UE, qui l’uti­
Yves Le Drian à Ankara. Compro­ formateurs au profit de la DGSE qualifier l’intervention russe en tique, en étant défaits dans de gan, même si elle a modéré un lise comme sous­traitant.
mis trouvé : un simple coup de (services extérieurs français)… Syrie. Le président français cher­ grandes métropoles comme Is­ temps ses ardeurs. » La Turquie est un allié de moins
tampon sera donné sur le passe­ Lundi 13 juillet, les ministres che à mettre à l’épreuve la solida­ tanbul. Depuis, en attendant la Fin juin 2018, Emmanuel Ma­ en moins fiable, qui préfère jouer
port des épouses concernées, des affaires étrangères de rité des alliés de la France et à ré­ présidentielle de 2023, ils sont cron félicite Erdogan pour sa réé­ sa propre partition, comme le
refusant de poser tête nue, à l’Union européenne (UE) doivent véler les contradictions turques. dans une stratégie de maintien au lection. Mais, deux mois plus montre sa relation complexe
l’instar de la solution adoptée se réunir pour évoquer les rela­ Pour l’heure, avec peu de réussite. pouvoir à tout prix et de durcisse­ tard, lors de la conférence des am­ avec la Russie. L’acquisition de
pour les conjointes de diploma­ tions avec la Turquie. Le chef de La situation est encore plus pa­ ment anti­occidental. L’envenime­ bassadeurs, le chef de l’Etat insiste systèmes antimissiles S­400
tes iraniens. Mais cette séquence la diplomatie française, Jean­ radoxale au sein de l’OTAN, où un ment public sert donc Erdogan. » de nouveau sur la nécessité de auprès de Moscou a provoqué
est riche d’enseignements. Elle Yves Le Drian, a évoqué l’hypo­ bloc de pays proaméricains de­ « sortir de l’hypocrisie ». Pendant l’ire des Etats­Unis. Washington
révèle le raidissement identi­ thèse de nouvelles sanctions, meure dans le déni du problème « ON PAIE VINGT ANS D’ILLUSIONS » ce temps, la crise des personnels a demandé en vain à Ankara d’y
turc. Faute d’un positionnement Début janvier 2018, la politesse diplomatiques bat son plein dans renoncer, pour pouvoir préten­
clair de Washington, l’Alliance est est de mise lorsque Emmanuel la relation bilatérale. « Est­ce que dre à l’achat d’avions de chasse
pétrifiée par le défi posé par ce Macron accueille Recep Tayyip nous pensons (…) que nous pou­ F­35. De son côté, Paris a freiné
membre ambivalent, réclamant Erdogan à l’Elysée. Nulle effusion, vons continuer une négociation l’avancée de l’étude de définition
la solidarité dans le dossier sy­ mais une volonté de trouver des d’adhésion à l’Union européenne pour le système de missiles

DE CAUSE
rien face à Damas et à Moscou, convergences. A l’époque, les de la Turquie, interroge M. Ma­ d’Eurosam, malgré les relances
tout en jouant une partition dis­ deux pays se rejoignent dans une cron, quand le projet chaque jour de M. Erdogan en personne.
sonante ailleurs. Le dernier inci­ opposition à la reconnaissance réaffirmé du président turc (…) est Mue par une fièvre néo­otto­

À EFFETS.
dent grave en Méditerranée a
servi de révélateur.
Le 10 juin, la frégate française
© Radio France/Ch. Abramowitz
de Jérusalem comme capitale is­ un projet panislamique régulière­ mane, la Turquie a bien assimilé
raélienne par l’administration ment présenté comme anti­euro­ le manuel des années 2020 : la
Trump. M. Macron souligne alors péen, dont les mesures régulières force et le fait accompli donnent

Le magazine de Courbet, lors d’une mission de

l’Alliance, a été visée par les radars
l’environnement de tir d’une frégate turque qui es­
cortait un cargo soupçonné de
transporter des armes vers la Li­
bye. L’enquête diligentée n’a pas
Chaque mis Ankara à l’index, provoquant
samedi la colère de Paris. « Le problème
n’est pas entre la France et la Tur­
8H05-9H00 quie, affirme­t­on à l’Elysée, mais
Aurélie dans le fait que le trafiquant et ce­
Luneau lui qui surveille les trafiquants
sont les mêmes, la Turquie. » Le
1er juillet, la France a donc décidé
de se retirer temporairement de
En partenariat l’opération de sécurité maritime
avec
L’esprit « Sea Guardian ». Huit pays sur
d’ouver- trente seulement ont soutenu la
France à l’OTAN. L’Elysée réclame
ture. une grande « clarification », mais
son propre soutien politique
la coopération « exemplaire » avec
Ankara dans la lutte contre le ter­
rorisme. Le protocole Cazeneuve,
encadrant le retour des djihadis­
tes français de Syrie, fonctionne
bien. En outre, le chef de l’Etat
met en avant le projet de défense
antimissile porté par le consor­
tium franco­italien Eurosam,
auquel la Turquie aspire.
Mais M. Macron prend aussi ses
distances avec le processus d’ad­
hésion enlisé. Il n’est plus ques­
tion que d’un « partenariat » avec
l’UE. « On paie vingt ans d’illu­
sions sur ce qu’est le projet politi­
que de l’AKP, souligne une source
diplomatique française de haut
rang. On a longtemps parlé d’isla­
misme modéré à la turque, qui
permettait de sortir de la domina­
vont plutôt à l’encontre de nos
principes ? Résolument pas. »
En novembre 2019, Emmanuel
Macron accorde un entretien ex­
plosif à The Economist, dans le­
quel il juge l’OTAN en état de
« mort cérébrale ». Ces mots sévè­
res visent à susciter le débat à
l’approche du sommet de Lon­
dres. « Fais d’abord examiner ta
propre mort cérébrale », rétorque
Erdogan à l’adresse de M. Macron.
L’ambassadeur de Turquie, Is­
maïl Hakki Musa, est convoqué
au Quai d’Orsay. Il l’avait déjà été
quelques semaines plus tôt, en
octobre, au lendemain du lance­
ment d’une offensive turque con­
tre la milice kurde des Unités de
protection du peuple (YPG) dans
le nord de la Syrie, alliée des Occi­
un avantage déterminant. Elle
nourrit des ambitions inédites
dans la région, en profitant du
vide laissé par les Etats­Unis. Son
affirmation militaire va accen­
tuer la détérioration des rela­
tions avec la France dans le dos­
sier libyen. Lancée en avril 2019,
l’offensive du maréchal Haftar
contre les forces du gouverne­
ment d’accord national (GAN) de
Faïez Sarraj, basé à Tripoli et re­
connu par les Nations unies, en­
traîne une implication d’am­
pleur de la Turquie, avec des mil­
liers de mercenaires syriens.
C’est la débandade côté Haftar.
Paris enrage contre l’inter­
vention d’Ankara et appelle au
respect du processus politique
esquissé à Berlin en janvier. La
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
Turquie renvoie la France à son
propre engagement politique
partisan, avec les Emirats arabes
unis, l’Egypte et le groupe privé
russe Wagner, aux côtés de l’Ar­
mée nationale libyenne. « Si
nous n’étions pas intervenus, Tri­
poli serait tombée en janvier ou
février, déclare l’ambassadeur
turc, Ismaïl Hakki Musa. On nous
accuse de jouer un jeu dangereux,
un double jeu. Et vous ? Au moins,
nous disons clairement ce que
nous faisons. Nous soutiendrons
le gouvernement aussi longtemps
qu’il le souhaitera. »
La crise du Covid­19 a confirmé
la mue de la diplomatie turque,
suivant le modèle russe et chi­
nois. Elle fait alterner les coups
de semonce et les opérations
de communication. L’ambassa­
deur, à Paris, explique qu’il a
coordonné une vaste mobilisa­
tion associative, pour fabriquer
environ 100 000 masques en
tissu. Fin avril, le diplomate re­
met 500 blouses sanitaires et
20 000 masques, au nom de son
gouvernement, à la sénatrice
de l’Orne, Nathalie Goulet, dans
un geste immédiatement relayé
par les médias proturcs. La
même quantité est fournie à la
région Grand­Est.
LIVRAISONS DE PLAQUENIL
En sens inverse, selon nos infor­
mations, Erdogan demande à
Emmanuel Macron, au cours
d’une vidéoconférence en avril,
d’intercéder en faveur de la Tur­
quie auprès de Sanofi. Ankara a
en effet commandé 18 tonnes
d’hydroxychloroquine – le pro­
duit aux vertus supposément
miraculeuses contre le Co­
vid­19 – à une usine du groupe si­
tuée en Hongrie. Mais Sanofi ne
pouvait répondre à une com­
mande aussi importante. « Nous
avons toujours cru à l’efficacité
des mesures préventives, précise
l’ambassadeur Ismaïl Hakki
Musa. En Turquie, nous utilisons
depuis longtemps le Plaquenil, qui
donne de bons résultats quand on
n’a pas encore attrapé le Covid. Au
départ, Sanofi disait qu’il ne pour­
rait livrer que 4 tonnes en quatre
mois. Ils sont montés finalement
jusqu’à 7,3 tonnes. »
Si les relations se tendent entre
les deux pays, ce n’est pas seule­
international | 7
Donald Trump n’a pas d’immunité «absolue»
La Cour suprême donne aux juges, mais pas au Congrès, l’accès aux avis fiscaux du président
san francisco ­ correspondante relation avec M. Trump. Le procu­ président et refusé que les docu­ Les deux dossiers ont été tran­
reur avait poursuivi la firme ments financiers soient transmis chés à une large majorité (7 contre
D onald Trump n’est pas
au­dessus de la loi. Il de­
vra répondre à la justice
de New York, qui réclame ses dé­
clarations d’impôt. Mais les élec­
comptable de M. Trump, Mazars,
pour obtenir communication des
déclarations d’impôt. Le président
avait contre­attaqué par un procès
contre M. Vance et la société
au Congrès – ce qui reviendrait à
les rendre publics. Elle a renvoyé le
dossier aux tribunaux inférieurs
en suggérant une série de critères
pour évaluer le bien­fondé des de­
2). Les deux juges conservateurs
nommés par M. Trump, Brett Ka­
vanaugh et Neil Gorsuch, se sont
joints aux juges démocrates et au
président de la cour, John Roberts,
teurs n’auront pas connaissance comptable, pour empêcher toute mandes présentées par le Congrès. pour réfuter l’argumentation sur
avant l’élection présidentielle du transmission de documents. Trois commissions de la Chambre l’immunité « absolue ».
3 novembre de ces documents des représentants, qui enquêtent La cour a pris soin de ne pas avoir
LES CIBLES HABITUELLES  hautement convoités, que le prési­ « Chasse aux sorcières » sur les liens de M. Trump avec la l’air d’interférer dans la bataille de
DU NOUVEAU RÉSEAU TURC  dent américain refuse de rendre La cour a estimé que le procureur Russie, avaient demandé au cabi­ novembre. Mais pour l’ACLU, im­
publics, contrairement à ses pré­ était en droit de réclamer ces élé­ net Mazars, ainsi qu’aux banques portante association de défense
SONT CLAIRES : CE QUI  décesseurs. Telle est la substance ments dans le cadre de son investi­ Deutsche Bank et Capital One, une des libertés civiles, l’essentiel était
de deux décisions annoncées gation, contredisant le président, série de documents couvrant la dans la sauvegarde du principe
EST LIÉ À LA LOI  jeudi 9 juillet par la Cour suprême qui affirme bénéficier d’une « im­ période 2010­2018 et concernant que le président n’est pas au­des­
RECONNAISSANT  sur deux affaires ayant trait aux munité absolue » du fait de son sta­ aussi la famille de M. Trump. sus des lois. « Même les propres ju­
documents financiers de l’ancien tut constitutionnel. « Aucun ci­ Le président a réagi par une vo­ ges que vous avez nommés le di­
LE GÉNOCIDE ARMÉNIEN  magnat de l’immobilier. toyen, pas même le président, ne lée de huit Tweet, dont le dernier sent », a souligné David Cole, le di­
La première (Trump v. Vance) ré­ peut éviter d’avoir à produire des dénonce une « chasse aux sorciè­ recteur de l’association. Et la déci­
OU CELLE INTERDISANT  sultait de la demande du procu­ documents dans le cas d’une en­ res politique ». La présidente dé­ sion ne préjuge pas de l’avenir. Elle
reur de Manhattan, Cyrus Vance. quête pénale, déclare le président mocrate de la Chambre des repré­ « ouvre la voie à d’éventuelles pour­
LES SIGNES RELIGIEUX  Celui­ci enquête sur le paiement de la cour, John Roberts, dans la sentants, Nancy Pelosi, s’est en suites criminelles à New York en
VISIBLES À L’ÉCOLE de 130 000 dollars (115 000 euros) décision majoritaire. Le président revanche félicitée que la cour ait janvier si le président est battu en
par l’avocat personnel de ne jouit pas d’une immunité abso­ « réaffirmé l’autorité du Congrès » novembre », s’est réjoui Mark Zaid,
M. Trump, Michael Cohen, lue face aux injonctions des procu­ à exercer son rôle de supervision l’avocat du lanceur d’alerte à l’ori­
ment en raison de l’échec fla­ aujourd’hui emprisonné, à l’ac­ reurs de la justice des Etats. » de l’exécutif. Elle a annoncé que gine du procès en destitution du
grant d’Haftar sur le terrain li­ trice de films pornographiques Dans la deuxième affaire ses collègues allaient continuer à président, qui s’est conclu en fé­
byen. La Turquie est aussi un ac­ Stormy Daniels, en échange, selon (Trump v. Mazars), la cour a en re­ enquêter « sur les liens entre le vrier par un acquittement. 
teur sur la scène française, dont l’accusation, de son silence sur sa vanche accédé aux arguments du président et la Russie ». corine lesnes
l’Elysée veut combattre de façon
plus résolue les ingérences. Cel­
les­ci s’inscrivent dans une stra­
tégie d’Etat, la constitution d’un
réseau international – institu­
tions, associations, mouvances,
médias, relais sur les réseaux so­
ciaux – chargé de promouvoir
l’agenda nationaliste­religieux
d’Ankara auprès de la diaspora.
Le maillage traditionnel des as­
sociations laïques turques n’est
plus qu’un souvenir.
« Ce n’est pas de l’entrisme, car
ils ne se cachent pas, relève
Didier Leschi, auteur de Misère(s)
de l’islam de France (Cerf, 2017),
ancien chef du bureau central
des cultes au ministère de l’inté­
rieur (2004­2008). Les Turcs pra­
tiquent en plus la menace, que ce
soit sur les visas de nos diploma­
tes ou bien sur les établissements
scolaires. Sur ce point, ils disent :
“Si vous nous empêchez d’ouvrir
des écoles en France, on nationa­
lise les vôtres en Turquie”. »
Les cibles habituelles de ce nou­
veau réseau turc sont claires :
tout ce qui est lié à la loi recon­
naissant le génocide arménien
(2001) ou bien à celle interdisant
les signes religieux visibles à
l’école (2004). Prosélytisme et
surveillance. « L’objectif est un
contrôle étroit de toute la popula­
tion considérée comme diaspori­
que, les émigrés et leurs enfants »,
résume une source à l’éduca­
tion nationale.
A Mulhouse, le 18 février,
Emmanuel Macron a annoncé
la fin progressive du système
des imams détachés, pilier de
l’islam consulaire. La moitié des
300 imams envoyés en France
par des Etats étrangers, dans le
cadre d’accords bilatéraux, sont
des fonctionnaires turcs. Le mé­
lange entre politique et religion
est complet. En 2017, pour la pre­
mière fois depuis sa création
en 2003, le Conseil français du
culte musulman a élu à sa tête
pour deux ans un représen­
tant de l’islam turc, Ahmet
Ogras, plus connu pour sa proxi­
mité avec Erdogan que pour son
ardeur pieuse.
Mais c’est surtout dans l’éduca­
tion que la vigilance des autori­
tés se renforce. L’enjeu est de
mieux contrôler le profil des
enseignants envoyés en France,
dont les compétences pédagogi­
ques comptent souvent moins
que l’appartenance à l’AKP, le
parti au pouvoir, ou leur engage­
ment religieux. Le mouvement
Milli Görüs, la matrice de l’islam
politique turc, très implanté en
Allemagne et proche des Frères
musulmans, joue ainsi sur la
confusion entre cultuel et
culturel. Au pic de la crise sani­
taire, il a organisé des soupes po­
pulaires à Strasbourg et distri­
bué des masques. Tout en étant
surveillé de près par les services
de renseignement. 
piotr smolar
8 | planète
Chaleurs extrêmes et incendies: la Sibérie suffoque
La région arctique a enregistré en juin des températures supérieures à la moyenne de 5 à 10 degrés
moscou ­ correspondant
S
ur les terres les plus froi­
des de la planète, on
étouffe. Verkhoïansk,
dans le nord de la Iakou­
tie russe, a fait la « une » de l’ac­
tualité, fin juin, avec un record de
chaleur enregistré à 38 °C. L’am­
plitude est à peine concevable,
pour une commune plus habi­
tuée aux records négatifs : − 68 °C
un jour d’hiver 1933, qui lui vaut
de disputer à une autre ville de la
région, Oïmiakon, le titre de cité
la plus froide du globe, et − 57 °C
encore durant ce mois de janvier.
Depuis fin juin, le thermomètre
est à peine redescendu et conti­
nue d’osciller autour des 30 de­
grés. Dans ce bourg d’un peu plus
de mille habitants aux maisons
en bois, plane la désagréable sen­
sation de se retrouver à l’avant­
poste de la catastrophe climati­
que, à l’instar des îles tropicales.
« Les enfants sont heureux de
pouvoir se baigner dans la rivière
Yama, ce qui n’est pas le cas tous les
ans, témoigne le maire de
Verkhoïansk, Evgueni Potapov,
joint par téléphone. Mais les gens
comprennent que ce n’est pas nor­
mal, et même dangereux. D’abord
parce que même les anciens
n’avaient jamais vu cela, mais aussi
parce qu’il y a eu beaucoup d’infor­
mation ces dernières années. Nous
constatons aussi des hivers plus
froids, mais avec moins de neige. »
Précocité inquiétante
Habitués aux rudesses du climat,
les habitants de Verkhoïansk, éle­
veurs de rennes ou employés de
la mine d’or, n’ont pas vu leur vie
changer radicalement, mais le
bétail, lui, souffre déjà : à cause de
la chaleur, l’herbe pousse mal
dans les pâturages. « Si cela
continue à ce rythme, c’est difficile
d’imaginer de quoi l’avenir sera
fait », conclut le maire.
Les dernières données publiées
par le service européen sur le
changement climatique Coperni­
cus confirment que le record ob­
servé à Verkhoïansk – qui doit en­
core être confirmé par l’Organisa­
tion météorologique mondiale –
est tout sauf un coup de chaud
passager ou localisé. Alors qu’à
l’échelle du globe les températu­
res du mois de juin ont été com­
parables aux records de 2019, c’est
la Sibérie arctique qui enregistre
les chaleurs les plus exception­
Des baleines et des lémuriens au dernier stade avant l’extinction
Plus de 32 400 espèces animales et végétales sont menacées, selon la liste rouge de l’Union internationale de conservation de la nature
I l avait été aperçu pour la der­
nière fois en avril près des cô­
tes de Caroline du Nord, aux
Etats­Unis, en compagnie de sa
mère. Fin juin, la carcasse du ba­
leineau a été repérée au large du
New Jersey. Ce mâle de 6 mois, de
l’espèce des baleines franches de
l’Atlantique Nord – appelées aussi
baleines noires ou baleines de
Biscaye –, était l’un des dix bébés
nés en 2019. Son autopsie a révélé
les traces d’au moins deux colli­
sions avec des bateaux ayant pro­
voqué des blessures sévères.
« Il s’agit de la 41e baleine franche
de l’Atlantique Nord déclarée
morte depuis 2017, a regretté
Sarah Sharp, vétérinaire spécia­
liste de la faune sauvage pour le
Fonds international pour la pro­
tection des animaux (IFAW). Cela
signifie qu’une baleine de cette
espèce sur dix est morte sur une
très courte période de temps. »
Selon la liste rouge de l’Union in­
ternationale de conservation de la
nature (UICN), mise à jour jeudi
9 juillet, les baleines franches de
l’Atlantique Nord font désormais
partie des espèces en danger criti­
nelles : la température moyenne y
était supérieure de plus de 5 de­
grés à la normale en juin, avec des
endroits qui ont atteint jusqu’à
+ 10 °C. La couverture neigeuse et
l’humidité du sol de surface ont
atteint les niveaux les plus bas ja­
mais enregistrés pour un mois de
juin en Sibérie arctique.
Au­delà de ces records, c’est la
précocité du réchauffement qui
inquiète les scientifiques. Les
températures ont été supérieures
à la normale, surtout dans la par­
tie occidentale de la Sibérie, dès
décembre 2019 et pendant tout le
printemps, avec des températu­
res dépassant parfois les 30 °C dès
le mois d’avril. Guidrometsentr,
l’agence météo russe, a fait de l’hi­
ver 2019­2020 le plus chaud en Si­
bérie depuis le début de ses rele­
vés, en 1930. « Il est inhabituel que
la Sibérie connaisse des tempéra­
tures si élevées pendant si long­
temps, confirme Freja Vamborg,
climatologue au service Coperni­
cus concernant le changement
climatique. Mais, avec le réchauf­
fement climatique, on va battre de
plus en plus de records. »
L’Arctique se réchauffe à un
rythme plus de deux fois supé­
rieur au reste du monde, du fait
d’un phénomène appelé amplifi­
cation arctique : l’air qui se ré­
chauffe fait fondre la glace et la
neige, ce qui remplace une couver­
ture blanche très réfléchissante
par de l’océan ou de la végétation,
plus sombres, qui absorbent da­
vantage les rayons du soleil. C’est
un cercle vicieux : la hausse des
températures, à son tour, fait fon­
dre encore plus de glace et aggrave
le réchauffement. De sorte qu’à
l’intérieur de la Russie les territoi­
res de l’Arctique et de la Sibérie
sont les plus touchés par les évé­
nements climatiques extrêmes.
Avec les chaleurs, viennent ainsi
les inondations et les feux de forêt.
Inhabituels sous de telles latitu­
des, les incendies appartiennent
désormais à la routine de l’été.
Sur ce front, l’année 2019 a été
un réveil pour tout le pays. Quatre
millions d’hectares de forêt
avaient alors brûlé rien qu’au
mois d’août, exposant des mil­
lions de Russes aux fumées, prin­
cipalement en Sibérie. Les superfi­
cies touchées chaque année ont
doublé en dix ans. Au­delà des
températures élevées, la fonte pré­
coce des neiges rend les sols et la
végétation plus secs durant l’été.
que d’extinction, la dernière caté­
gorie avant l’extinction. Cet inven­
taire mondial de l’état des espèces
végétales et animales répertorie
plus de 120 000 espèces, parmi
lesquelles 32 441 sont menacées.
« La baleine noire est en déclin de­
puis une dizaine d’années, expli­
que Justin Cooke, spécialiste des
cétacés à l’UICN. Selon les estima­
tions, il ne reste que 400 individus,
mais moins de 90 femelles adultes.
A moins de 50, le rétablissement de
l’espèce deviendra très compliqué. »
Avec seulement une trentaine
d’individus, le vaquita, le plus petit
des marsouins – il mesure environ
1,50 mètre –, est considéré comme
quasiment éteint. Mais les balei­
nes franches de l’Atlantique Nord
sont la première espèce de balei­
nes de grande taille classée en
danger critique d’extinction. Au
large des Etats­Unis et du Canada,
ces mammifères imposants sont
particulièrement exposés aux ac­
tivités de navigation et de pêche,
les collisions et l’enchevêtrement
dans des filets ou des câbles de ca­
siers à crabes faisant partie des
principales causes de mortalité.
Cette image,
transmise
par le service
européen sur
le changement
climatique
Copernicus,
montre les
températures
au sol
atteintes
en Sibérie
le 19 juin. ECMWF
COPERNICUS CLIMATE
CHANGE SERVICE/AP
L’année 2020 s’annonce elle
aussi difficile : selon les services de
surveillance aérienne des forêts,
3,7 millions d’hectares ont déjà
brûlé depuis le début de l’année,
dans les mêmes zones que celles
affectées en 2019. D’après Coperni­
cus, 59 millions de tonnes de CO2
ont été ainsi libérées dans l’atmos­
phère en juin – contre 53 millions
de tonnes en juin 2019 –, soit da­
vantage que les émissions du Por­
tugal pendant une année. Un re­
présentant des services d’urgence
assure toutefois que la lutte contre
les incendies a gagné en efficacité,
avec le déploiement plus systéma­
tique et plus rapide de moyens
aériens dans les régions les plus
isolées, où les autorités considé­
raient auparavant qu’il était inu­
tile d’éteindre les flammes.
Dans le sud de la Sibérie, on
craint aussi une répétition du scé­
nario catastrophe de 2019 s’agis­
sant des inondations. Les scientifi­
ques constatent également l’ex­
plosion de la population d’une es­
pèce de chenille particulièrement
vorace qui dévore d’immenses
quantités de feuillage de conifères.
« Les mesures
prises jusqu’ici
ne sont pas
suffisantes. Il n’y
a plus de marge
de sécurité »
JUSTIN COOKE
spécialiste des cétacés
à l’UICN
Justin Cooke recommande de
modifier le matériel de pêche, de
continuer à développer des
applications pour alerter les
navires lorsque des baleines se
trouvent sur leur route et
d’essayer de dévier le trafic mari­
time des zones hautement fré­
quentées par ces cétacés. « Les
mesures qui ont été prises jus­
qu’ici ne sont pas suffisantes,
insiste­t­il. Ces baleines sont au
dernier stade avant l’extinction, il
n’y a plus de marge de sûreté. »
La mise à jour de la liste rouge
alerte également sur la situation
des lémuriens : près d’un tiers de
Mais le signe le plus net du ré­
chauffement climatique, et peut­
être aussi le danger le plus grand,
est encore largement invisible. La
fonte du pergélisol, cette couche
de terre gelée qui peut atteindre
près de mille mètres de profon­
deur, est désormais une donnée
avérée, et elle va en s’accélérant.
« En dégelant sous l’effet du ré­
chauffement, le pergélisol relâche
toutes les matières organiques qu’il
piégeait, et notamment du CO2 et
du méthane, un gaz à effet de serre
bien plus puissant », explique An­
toine Séjourné, hydrologue à l’uni­
versité Paris­Saclay, qui étudie la
fonte du pergélisol en Iakoutie.
Infrastructures menacées
En découle une rétroaction : la
fonte du pergélisol aggrave le
réchauffement climatique qui, à
son tour, aggrave la fonte du
pergélisol, un phénomène en­
core amplifié par les incendies.
De quoi dérégler le climat
arctique, mais aussi celui du
reste du globe, alors que le pôle
Nord est considéré comme le
climatiseur de la planète.
toutes les espèces de Madagascar
sont désormais considérées en
danger critique d’extinction, et
103 des 107 espèces (98 %) encore
en vie sont en péril. La destruc­
tion de leurs habitats forestiers, la
chasse et le commerce d’ani­
maux de compagnie constituent
les principales menaces pesant
sur ces animaux. Environ 40 % du
couvert forestier originel de
Madagascar a été perdu entre les
années 1950 et 2000.
Hamster européen en danger
« L’île de Madagascar représente
moins de 2 % des autres aires
continentales où vivent les prima­
tes, mais elle concentre une
diversité d’espèces extrêmement
forte, précise Russell Mitter­
meier, le président du groupe de
spécialistes des primates de la
commission de survie des
espèces (CSE) de l’UICN. Cela
signifie qu’une très grande partie
de la faune mondiale des prima­
tes est entassée dans une très
petite zone terrestre. »
Les défenseurs de l’environne­
ment sont pourtant mobilisés
« Si cela continue
à ce rythme,
c’est difficile
d’imaginer
de quoi l’avenir
sera fait »
EVGUENI POTAPOV
maire de Verkhoïansk
« La prise de conscience des dan­
gers du changement climatique est
très lente en Russie, particulière­
ment chez les élites économiques et
politiques, note Ivan Blokov, l’un
des responsables de Greenpeace
Russie. Mais la question du pergéli­
sol contribue à cette prise de cons­
cience, d’abord à cause du coût que
sa fonte pourrait occasionner. »
Dans une ville comme Iakoutsk,
de nombreux bâtiments, bâtis
sur pilotis en raison de la dureté
du sol, menacent de s’effondrer.
Les vieilles maisons en bois, elles,
se disloquent. La menace plane
aussi sur les infrastructures, en
particulier celles liées à l’exploita­
pour la préservation des lému­
riens et des fonds ont pu être col­
lectés pour la promotion de l’éco­
tourisme, la création de nouvel­
les aires protégées, la mise en
place de patrouilles, des opéra­
tions de reboisement ou encore
la sensibilisation des popula­
tions. « Sur le papier, les systèmes
de protection sont bien dévelop­
pés, précise Russell Mittermeier.
Les surfaces protégées ont par
exemple été multipliées par trois,
mais elles ne sont pas toujours
bien gérées. L’écotourisme, en re­
vanche, fonctionne très bien, mais
le Covid y a mis un coup d’arrêt. »
Parmi les espèces de lémuriens
de Madagascar nouvellement
classées en danger critique
d’extinction figure le microcèbe
mignon, le plus petit primate du
monde. Ailleurs en Afrique,
l’UICN estime que 53 % des
espèces de primates sont
aujourd’hui menacées.
Le hamster européen rejoint, lui
aussi, les espèces en danger criti­
que d’extinction. Le rongeur a dis­
paru de plus de 75 % de son aire de
répartition en Europe de l’Est, des
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
tion du pétrole et du gaz, situées à
80 % dans des zones gelées en
permanence. Début juin, l’affais­
sement d’une cuve contenant
des hydrocarbures et leur déver­
sement dans une rivière, près de
la ville de Norilsk, ont confirmé
ces craintes, même si les causes
de l’incident n’ont pas été éta­
blies avec certitude.
Si Vladimir Poutine considère
encore que « personne ne sait à
quoi est dû le changement climati­
que », cela n’a pas empêché la Rus­
sie de ratifier l’accord de Paris sur
le climat en septembre 2019. Le
gouvernement réalise que les
avantages qu’il escompte du ré­
chauffement climatique (en pre­
mier lieu l’ouverture de la route
maritime en Arctique) risquent
d’être bien inférieurs aux dangers
encourus. Illustration de cette po­
sition en demi­teinte, le président
russe a présenté en janvier un plan
national visant à adapter le pays
au changement climatique, en li­
mitant ses dégâts mais aussi en en
saisissant « les opportunités ». 
audrey garric (à paris)
et benoît vitkine
trois quarts de son habitat d’ori­
gine en Alsace et d’au moins un
tiers de son aire de répartition en
Allemagne. « Bien que les mesures
de conservation, y compris la ges­
tion agricole favorable aux hams­
ters et les réintroductions, aient
ralenti le déclin des populations
dans certaines régions, elles n’ont
pas réussi à inverser la tendance »,
a déploré Mikhail Rusin, du
groupe de spécialistes des petits
mammifères de l’UICN.
Ce déclin est lié à une baisse des
taux de reproduction, les femel­
les ne semblant plus produire
aujourd’hui que cinq à six des­
cendants par an, contre plus de
vingt au cours du XXe siècle. Les
raisons de cette réduction de­
meurent toutefois en partie inex­
pliquées et des études sont en
cours pour étudier les effets po­
tentiels de l’expansion des plan­
tations en monoculture, du dérè­
glement climatique ou de la pol­
lution lumineuse. Car si rien ne
change, l’espèce pourrait dispa­
raître au cours des trente prochai­
nes années, écrit l’UICN. 
perrine mouterde
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Pour des soins

de qualité
accessibles
à tous.

L
a pandémie à laquelle nous faisons face aura durablement transformé les usages en
matière de soins. La téléconsultation, jusqu’alors émergente, est devenue un phéno-
mène de masse et son usage s’inscrit désormais dans le quotidien des Français. Elle
entre ainsi dans une nouvelle séquence, celle de la maturité.

Chez Qare, nous avons été pionniers de la téléconsultation, « réalisable par tout médecin,
accessible à tout patient, sur tout le territoire ». Et si ce sujet continue de nous passionner, c’est
parce que nous sommes convaincus que la téléconsultation est un moyen de mieux prodiguer
à tous des soins de qualité.

Nous ne sommes aujourd’hui pas les plus gros mais nous voulons être les meilleurs. Dans cette
recherche de l’excellence, nous nous engageons sur quatre fondamentaux qui donnent du sens
à nos actions :

La qualité à tous les niveaux : dans le design de notre solution, la formation, l’expé-
rience et la satisfaction des utilisateurs, le support et le suivi des patients. Avec pour objectifs
le confort d’utilisation, le gain de temps et finalement la qualité du service rendu.

Une approche globale de la santé : nous militons depuis notre création pour une
approche qui considère aussi bien la santé physique que la santé mentale, la prévention aussi
bien que le soin. Le meilleur moyen d’être en bonne santé reste de ne pas tomber malade. Si
la téléconsultation a prouvé son utilité dans le soin, elle est aussi un formidable outil pour les
démarches de prévention.

La co-construction avec le monde médical : notre solution élaborée avec les soignants
pour les soignants évolue au quotidien, pilotée par notre Direction médicale et en collaboration
avec nos nombreux partenaires dans le monde de la santé. Nous la voulons ancrée dans la pratique,
respectueuse des valeurs des soignants et des attentes des patients. C’est l’essence de Qare.

L’innovation, encore et toujours. A l’image des objets connectés qui permettent déjà
d’enrichir notre service, nous poursuivons le développement de la téléconsultation en pharma-
cies d’officine, et continuons d’innover pour enrichir notre solution et améliorer le service rendu
aux patients et aux médecins.

La téléconsultation de la maturité que nous construisons est une solution plus qualitative, plus
intelligente, plus pertinente, et qui s’améliore de jour en jour. Une solution qui aide chacun à
prendre soin de lui et de ses proches, à devenir acteur de sa propre santé, afin de se porter
mieux, de vivre mieux.
RÉALISATION 14HAUSSMANN

Qui prend soin de vous ?

 FRANCE
0123
10 | SAMEDI 11 JUILLET 2020

CRISE  ÉCONOMIQUE

La crise liée au Covid-19 a pesé

sur la consommation et sur la dette
Effet du confinement sur la consommation en fonction du revenu
Revenu moyen
des 50 % des 40 % des 10 %
les plus faibles intermédiaires les plus élevés

Le gouvernement  Différence de consommation en 2020 par rapport à la même période en 2019

au défi de la relance – 0,5

–1
Début
du confinement
17 mars Confinement
Déconfinement
11 mai
Face à une récession historique et malgré 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26
le dérapage des finances publiques, l’exécutif numéro de semaine

devra montrer qu’il est au chevet des entreprises Quarante ans de hausse continue de la dette
Evolution de la dette publique française depuis 1980,
120,9 %
et de l’emploi. Mais des débats demeurent en % du PIB
2 648,2 milliards d’euros
en 2020 (prévisions)

64,4 %
58,7 % 98 %

L
a relance ? J’y pense le matin, le Laurent Saint­Martin, député LRM du Val­de­ 1 253,1 milliards
871,2 milliards d’euros 2 189 milliards
midi et le soir. » La petite phrase Marne et rapporteur du budget. Voilà pour le d’euros en 2007
glissée par Bruno Le Maire en constat. Mais les solutions pour y remédier en 2000 d’euros
marge de la passation des pou­ font encore débat à plusieurs égards. en 2016

voirs postremaniement, mardi
7 juillet, ne vise pas seulement à
illustrer le volontarisme du ministre de
l’économie, des finances « et de la relance »,
selon la nouvelle dénomination. De l’Elysée
à Matignon, la chose est entendue : si, pen­
dant la crise sanitaire, la France était « en
guerre », selon la formule d’Emmanuel
Macron le 16 mars, la relance de l’économie
constitue la prochaine bataille. L’Insee s’est
montré mercredi un peu plus optimiste que
le gouvernement. L’institut prévoit un recul
du PIB de 9 % en 2020 au lieu de 11 % pour
Bercy, jugeant que « l’économie française s’est
redressée assez nettement » depuis la mi­mai,
notamment grâce à la consommation des
ménages. Il n’empêche : la récession sera his­
torique, et des pans entiers de l’économie
(tourisme, hôtellerie, transport aérien, évé­
nementiel…) demeurent sinistrés.
Surtout, les répliques de la crise n’ont pas
fini de se propager. De quoi faire craindre
une vague de plans sociaux et de faillites à
l’automne, lorsque les « airbags » (chômage
partiel, report ou annulation de cotisations,
garanties de prêts…) commenceront à dispa­
raître. Une secousse sociale doublée d’un ris­
que politique non négligeable, à moins de
deux ans du scrutin présidentiel. « On a le
plus dur devant nous. Il va y avoir des difficul­
tés sur l’emploi, les entreprises, l’industrie et
les territoires », a admis M. Le Maire, mardi.
« La vague va être monumentale », abonde
Premier sujet : les mesures déjà engagées
pour soutenir une économie sous cloche ont
fait exploser la trajectoire budgétaire. Le défi­
cit devrait plonger en 2020 à 11,4 % du PIB, et
la dette explosera à 121 % du PIB. La France es­
père bénéficier d’une trentaine de milliards
d’euros dans le cadre du plan de relance euro­
péen, mais le reste devra être financé sans
augmentation d’impôts, comme s’y est en­
gagé Emmanuel Macron. Autrement dit, par
de l’endettement supplémentaire.
« RÉORIENTATION DES INVESTISSEMENTS »
« L’Allemagne a déjà annoncé un plan de
50 milliards d’euros d’investissement. Si le gou­
vernement attend pour présenter son plan de
relance, c’est pour voir quels secteurs repartent
ou pas. Si on avait les moyens d’une relance
plus importante, on l’aurait faite dès mainte­
nant », fustige Albéric de Montgolfier, rap­
porteur (LR) de la commission des finances
du Sénat. Ce tempo présente des avantages,
estime Philippe Martin, le président délégué
du Conseil d’analyse économique (CAE), un
think tank rattaché à Matignon : « La France a
choisi une stratégie d’annonces échelonnées.
Cela requiert plus de pédagogie, mais c’est
aussi plus flexible dans la situation actuelle où
l’environnement bouge sans cesse. »
Après des plans de relance sectoriels (auto­
mobile, aérien, tourisme…) ces dernières
semaines, l’exécutif devrait introduire par
amendement de nouvelles mesures pour
20,8 %
François Mitterrand
1985 1995
* Salariés en chômage partiel, hors smicards non primés
** Non-salariés, contrats courts, intérimaires
l’emploi des jeunes dans le troisième budget
« IL FAUT  rectificatif (PLFR 3), lors de son examen au
ACCOMPAGNER  Sénat après le 14 juillet. Le texte vient d’être
adopté en première lecture à l’Assemblée,
LE DÉCONFINEMENT  jeudi soir. Des précisions sont attendues
dans les prochains jours, probablement des
DE L’ÉPARGNE.  primes à l’embauche, ou des exonérations
de cotisations. L’idée d’un quatrième budget
POLITIQUEMENT,  rectificatif, un temps évoquée, a été aban­
LE SUJET, C’EST  donnée faute de place dans un agenda
parlementaire déjà surchargé. Un projet de
LA CONFIANCE. OR  loi spécifique pourrait être présenté
fin août, avant le projet de loi de finances de
LE DISCOURS ACTUEL  2021 en septembre.
EST ANXIOGÈNE » Sur le fond, dans la majorité comme au
gouvernement, on préfère présenter les
ALBÉRIC DE MONTGOLFIER choses sous l’angle de l’investissement que
rapporteur (LR) de la dépense pure et simple. Il s’agira de
de la commission « soutenir l’emploi », d’« accroître l’investisse­
des finances du Sénat ment en faveur de notre indépendance écono­
mique », et de « décupler les efforts en faveur
Nicolas François Emmanuel
Jacques Chirac Sarkozy Hollande Macron
2007 2012 2017 2020
de la transition écologique », tout en proté­
geant « les plus précaires et les plus fragiles, en
particulier les jeunes », peut­on lire dans le
rapport préparatoire au débat sur les finan­
ces publiques, qui aura lieu mi­juillet. « On
est dans une logique de réorientation des in­
vestissements, pas de ne faire que du soutien
pur », justifie Laurent Saint­Martin.
Deuxième sujet : le spectre des mesures
qui seront choisies. Le CAE devait publier
vendredi 10 juillet une note de Philippe
Martin, son président délégué, Jean Pisani­
Ferry, professeur à Sciences Po, et Xavier
Ragot, président de l’Observatoire français
des conjonctures économiques (OFCE), pro­
posant 48 milliards d’euros de mesures pour
« réorienter la croissance à court terme » : an­
nulation d’impôts et primes à l’embauche
pour les entreprises, doublement de l’alloca­
tion de rentrée scolaire pour les plus modes­
tes… mais aussi un plan d’investissement en

« L’affaissement économique est plus risqué que la dette »

Philippe Martin fait partie des économistes, avec Jean Pisany­Ferry et Xavier Ragot, qui devaient faire leurs propositions de relance à l’Elysée

ENTRETIEN ble de son revenu, même si

1,6 million de non­salariés, con­
moins baissé leur consommation
que les ménages aisés [car ils ont
sion budgétaire, c’est­à­dire le
montant de dépenses, et pas les
pendant un an, pour toutes les
embauches et les retours de chô­
à plus long terme, nous propo­
sons 20 milliards d’euros de me­

P résident délégué du
Conseil d’analyse écono­
mique (CAE), un think
tank rattaché à Matignon, Phi­
lippe Martin – qui participa à l’éla­
boration du programme du can­
didat Macron en 2017 – devait pu­
blier vendredi 10 juillet, avec Jean
Pisani­Ferry (professeur à Scien­
ces Po et également pilier de la
campagne) et Xavier Ragot (prési­
dent de l’OFCE), une note intitulée
« Une stratégie économique face à
la crise », remise à l’Elysée et à
Bercy. Les trois économistes y
dressent un premier bilan post­
confinement et proposent des
mesures de relance à court et
moyen termes, pour un total de
près de 50 milliards d’euros.
Où en est l’économie française ?
Face à un choc inédit, les mesu­
res mises en place par le gouver­
nement ont permis une protec­
tion forte et efficace des ménages.
Grâce au chômage partiel, ils
n’ont perdu en moyenne que 5 %
de leurs revenus pendant les huit
semaines de confinement, alors
que le PIB baissait de 30 %. La
grande majorité des actifs
(22 millions sur 30 millions) n’a
pas connu de dégradation sensi­
trats courts et intérimaires a subi
le choc de plein fouet. La consom­
mation a rebondi plus fortement
qu’espéré entre mi­mai et mi­juin
pour revenir à une situation qua­
si­normale (2 % en dessous des ni­
veaux habituels). Par contre il n’y
a pas d’effet de rattrapage post­
confinement. Côté entreprises,
on ne voit pas encore de vague de
faillites car les prêts garantis par
l’Etat ont permis de repousser le
problème. Mais les questions de
solvabilité sont à venir. Le PIB
pourrait finalement reculer de
9 %, selon l’Insee, en 2020, et non
pas de 11 % comme le prévoyait
Bercy. Ce sont tout de même
50 milliards d’euros de mieux
qu’espéré, même s’il reste encore
de nombreuses incertitudes,
notamment sanitaires.
Quelle est désormais la priorité ?
Les ménages ont beaucoup
épargné pendant le confinement.
Tout l’enjeu est que cette épargne
contrainte accumulée (environ
80 milliards d’euros) ne se trans­
forme pas en épargne de précau­
tion et soit dépensée. Mais il
existe des disparités de situation.
Pendant le confinement, les
ménages les plus modestes ont
plus de dépenses contraintes]. Ils
ont donc moins d’épargne, et ils
sont aussi plus exposés au chô­
mage. Si l’on met de côté le sujet
sanitaire, la période cruciale en
termes de risque économique et
social sera l’automne­hiver. Tout
l’enjeu du plan de relance est
d’éviter un cercle vicieux dans le­
quel la hausse du chômage et la
perte de confiance des ménages
et des entreprises plomberaient
l’économie et provoqueraient un
nouveau choc sur l’emploi.
La politique de l’offre
doit­elle primer, comme
l’explique l’exécutif ?
Il ne s’agit pas de choisir entre
politique de l’offre et politique de
la demande. Le gouvernement
doit assumer de mener à la fois
une politique d’offre (soutien aux
entreprises) et de demande (sou­
tien à l’emploi et aux ménages).
Nous pensons possible, sous l’hy­
pothèse d’une poursuite de
l’amélioration des conditions sa­
nitaires, de se donner comme ob­
jectifs de revenir, d’ici à un an, au
niveau de PIB de la fin 2019, et de
résorber le déficit d’emploi d’ici à
la fin 2021. Ce qui va compter en
termes de relance, c’est l’impul­
prêts aux entreprises. Pour cela,
nous proposons un plan de
relance de l’ordre de 2 points de
PIB (48 milliards d’euros) sur dix­
huit mois, ce qui correspond au
déficit de demande dont va pâtir
l’économie en fin d’année. Il
contiendra des mesures de court
terme pour les entreprises, l’em­
ploi, et les ménages, et des inves­
tissements de long terme pour
réorienter l’économie.
C’est­à­dire ?
Du côté de l’offre, un « bouclier
antifaillite » de 10 milliards
d’euros pour les entreprises et les
secteurs les plus en difficulté. Cela
peut passer soit par l’annulation
des impôts et cotisations, soit par
des négociations tripartites avec
les banques et l’Etat pour effacer
une partie de leurs dettes. Nous
préconisons d’y adjoindre une
suppression de la C3S (4 mil­
liards), cet impôt de production
[sur le chiffre d’affaires] dont nous
avons estimé au CAE qu’il a
augmenté de 10 % le risque de
faillite des entreprises durant la
crise de 2009. Afin de favoriser
l’emploi, nous proposons de ver­
ser une prime forfaitaire aux em­
ployeurs, de 200 euros par mois
mage partiel jusqu’à 1,5 smic. Elle
serait augmentée à 300 euros
pour les moins de 25 ans. Elle s’ap­
pliquerait aux CDI et CDD de plus
d’un mois et coûterait 5 milliards
d’euros. Les jeunes sortant d’étu­
des supérieures (bac +3) à partir
de septembre 2020 pourraient se
voir proposer un contrat tempo­
raire avec l’éducation nationale
pour faire du tutorat auprès des
élèves qui ont décroché pendant
le confinement.
Quid des plus modestes ?
Aider les ménages modestes et
précaires est à la fois nécessaire
socialement et efficace économi­
quement : les transferts sociaux
sont davantage et plus rapide­
ment dépensés quand ils sont al­
loués à des ménages modestes
qu’à des ménages plus aisés, qui
vont les épargner. Nous prônons
le doublement de l’allocation de
rentrée scolaire, une allocation
supplémentaire pour les étu­
diants et les travailleurs précaires
(4 milliards d’euros) et un « bon
d’achat » aux ménages modestes
sous forme de chèques à dépen­
ser avant 2021, qui pourraient être
ciblés sur des biens et services
« verts » (2 milliards). Par ailleurs,
sures d’investissement dans la
transition écologique (rénova­
tion des bâtiments), l’enseigne­
ment supérieur, la recherche et la
santé (ce dernier point est déjà
prévu par le gouvernement).
Comment financer toutes
ces mesures ?
Par une augmentation massive
de la dette publique. La règle euro­
péenne, qui fixe son niveau à 60 %
du PIB maximum, est aujourd’hui
obsolète, et le risque d’affaisse­
ment économique est beaucoup
plus important que celui de la
dette. Investir 1 milliard d’euros
dans des aides aux entreprises
pour une reprise rapide a un ren­
dement largement positif, et s’en­
detter à dix ans se fait aujourd’hui
à taux zéro. Ce qui ne veut pas dire
qu’il faut dépenser pour n’im­
porte quoi ! Mais des dépenses
importantes, si elles demeurent
limitées dans le temps, sont tout à
fait justifiables, quitte à s’endetter
sur des périodes longues. In fine,
l’exécutif sera jugé sur sa capacité
à relancer l’économie et les em­
plois, et à empêcher que des diffi­
cultés temporaires se transfor­
ment en crise persistante. 
propos recueillis par a. t.
 0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
Des ménages plutôt bien protégés
lors de l’épidémie
1,6
22 millions
soit 73 %
million soit 5 % n’ont pas connu
ont subi le choc
de dégradation
de plein fouet** sensible de
leur revenu
6,6
millions
soit 22 %
ont connu
une perte
de revenu
limitée du fait
de l’activité partielle*
Un déficit public souvent loin de la cible
des 3 % des règles européennes
Déficit public français, en points du PIB
2008 09 10 11 12 13 14 15
– 3,2
– 3,6
–4 –4
– 4,8
– 5,1
– 6,8
– 7,2
Infographie : Le Monde Source : FMI, Conseil d’analyse économique
faveur de la transition écologique, de l’ensei­
gnement et de la recherche, et de la santé.
« Le gouvernement doit assumer de mener à
la fois une politique d’offre et de demande »,
presse M. Martin.
« Les grandes priorités [de la note du CAE]
sont bien en ligne avec celles du gou­
vernement », répond l’entourage de
M. Le Maire. Au sein de l’exécutif, c’est pour­
tant une politique de l’offre qui est mise en
avant, dans la droite ligne du début du quin­
quennat. Alors que les entreprises sortent
affaiblies de la crise, le moment semble plus
propice que jamais pour remettre au goût du
jour le dossier des impôts de production, ces
taxes sur le chiffre d’affaires dans le viseur
de Bercy depuis des années. La baisse de la
cotisation sur la valeur ajoutée des entrepri­
ses (CVAE) a les faveurs de Bruno Le Maire,
moyennant un renoncement des régions à
une partie de ces recettes.
MOBILISER L’ÉPARGNE DES MÉNAGES
Côté entreprises toujours, une mesure de su­
ramortissement est à l’étude, mais aussi des
investissements de rénovation thermique
des bâtiments. Se pose en effet la question
du « verdissement » de l’économie. Le sujet
est explosif, comme l’ont montré les débats à
l’Assemblée sur le fait de conditionner ou
pas l’aide de l’Etat au respect d’objectifs envi­
ronnementaux de la part des entreprises.
Jeudi, les députés ont voté un amendement
LRM au PLFR 3, selon lequel les grandes en­
treprises (plus de 500 millions d’euros de
chiffre d’affaires) devront publier chaque an­
née un « rapport » sur leurs « engagements
climatiques » et indiquer des « mesures cor­
rectives si elles ne les respectent pas », sous
peine d’une amende de 375 000 euros. Mais
la gauche et les ONG y voit du simple
« greenwashing », faute de vraies contrepar­
ties. La note du CAE, elle, stipule que « les in­
vestissements verts ne doivent pas être consi­
dérés comme un élément de relance de l’em­
ploi et de l’économie à court terme, mais bien
une transformation de long terme ».
Dernier débat : comment mobiliser l’épar­
gne dont disposent aujourd’hui les ména­
ges, notamment les plus aisés, qui ont
moins dépensé durant le confinement. Une
« cagnotte » de quelque 80 milliards d’euros.
« Il faut accompagner le déconfinement de
l’épargne, enjoint Albéric de Montgolfier.
Politiquement, le sujet c’est la confiance. Or,
le discours actuel est anxiogène. Les gens ne
vont pas se mettre à consommer follement
ou les entreprises à investir. J’ai proposé que
les plans d’épargne salariale puissent être
débloqués sans pénalités pour acheter une
voiture, entre juillet et décembre. » Car l’Insee
a prévenu : si « les premières marches de la
reprise ont pu être gravies assez rapidement,
ce sont les dernières qui risquent d’être les
plus difficiles ». 
audrey tonnelier
Réformes sociales : le premier ministre,
55
Jean Castex, face au front uni des syndicats
milliards d’euros
Les discussions avec l’exécutif à peine entamées, la CGT appelle à une journée de mobilisation
C’est l’excès d’épargne
dont disposaient les ménages
I
l est resté muet sur le fond
après huit semaines
de confinement mais en y mettant les formes,
ce que ses interlocuteurs ont
80
apprécié. Jeudi 9 juillet, Jean Cas­
tex a ouvert un cycle de rencon­
tres bilatérales avec quatorze délé­
gations patronales et syndicales.
Une succession de tête­à­tête sy­
milliards d’euros nonyme de prise de contact entre
le premier ministre et les parte­
C’est l’excès d’épargne
naires sociaux. Organisées à l’hô­
dont disposaient les ménages
tel Matignon, les discussions de­
début juillet
vaient s’achever vendredi en fin
d’après­midi. A l’ordre du jour : les
conséquences de la récession, le
plan de relance de l’économie,
l’emploi des jeunes, la réforme des
retraites, le devenir de l’assurance­
16 17 18 19 2020 chômage… Un tour d’horizon très
large, au cours duquel il a surtout
été question de méthode. Sur tous
les dossiers du moment, M. Cas­
– 2,3 tex devrait préciser ses intentions
– 2,9
– 3,0 le 17 juillet, lors d’une nouvelle
– 3,6 réunion avec les organisations
d’employeurs et de salariés, qui se­
ront reçues simultanément.
Des face­à­face qui se sont tenus
jeudi, très peu d’indications ont
émergé, sauf sur un point : la per­
sonnalité de M. Castex semble
avoir positivement marqué les es­
– 11,4 prits. « Changement d’homme,
(prévisions) changement de style », a lancé Lau­
rent Berger, en sortant de son ren­
dez­vous. Le secrétaire général de
la CFDT a relevé « un climat
d’écoute », qualifiant d’« extrême­
ment direct » l’échange avec le
nouveau chef du gouvernement.
Ce que Geoffroy Roux de Bézieux,
le président du Medef, résume
d’une formule : « Castex, c’est un
rugbyman gersois. Il est cash et
avec lui on ne perd pas de temps. »
« C’est quelqu’un qui veut “tra­
vailler avec” et non pas “sans”, tout
en restant déterminé à ne pas met­
tre la poussière sous le tapis »,
- CESSATIONS DE GARANTIE
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait
savoir que, la garantie financière dont bé-
néficiait la :
SARLU QUAIS DE PARIS
IMMOBILIER
28 bis rue du Cardinal Lemoine
75005 PARIS
RCS: 801 045 261
depuis le 28/04/2015 pour ses activités de :
GESTION IMMOBILIERE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront
être produites dans les trois mois de cette
insertion à l’adresse de l’Établissement
garant sis Cœur Défense – Tour A – 110
esplanade du Général de Gaulle – 92931
LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il
s’agit de créances éventuelles et que le pré-
sent avis ne préjuge en rien du paiement
ou du non-paiement des sommes dues et
ne peut en aucune façon mettre en cause la
solvabilité ou l’honorabilité de la SARLU
QUAIS DE PARIS IMMOBILIER.
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait
savoir que, la garantie financière dont bé-
néficiait la :
SARLU SGS IMMO
60 Avenue de la Marne
64200 BIARRITZ
RCS: 813 954 377
depuis le 27/10/2015 pour ses activités de :
GESTION IMMOBILIERE depuis le
27/10/2015 pour ses activités de : SYNDIC
DE COPROPRIETE depuis le 27/10/2015
pour ses activités de : TRANSACTIONS
SUR IMMEUBLES ET FONDS DE
COMMERCE cessera de porter effet trois
jours francs après publication du présent
avis. Les créances éventuelles se rapportant
à ces opérations devront être produites dans
les trois mois de cette insertion à l’adresse
de l’Établissement garant sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX Il
est précisé qu’il s’agit de créances éven-
tuelles et que le présent avis ne préjuge en
rien du paiement ou du non-paiement des
sommes dues et ne peut en aucune façon
mettre en cause la solvabilité ou l’honora-
bilité de la SARLU SGS IMMO.
complète François Asselin, le nu­
méro un de la Confédération des
petites et moyennes entreprises.
Réputé homme de dialogue et
bon connaisseur des sujets so­
ciaux, M. Castex avait déjà mani­
festé de l’attention aux leaders
syndicaux et patronaux en les ap­
pelant très peu de temps après sa
prise de fonctions, le 3 juillet. « Je
lui ai dit qu’on avait apprécié que,
le lendemain de sa nomination, on
ait un coup de fil et que, moins
d’une semaine après, il y ait ce type
de réunion », a salué Philippe Mar­
tinez, secrétaire général de la CGT.
Yves Veyrier, le dirigeant de FO, a,
lui aussi, vu un « signal positif »
dans la démarche de M. Castex,
qui a pris « la peine de faire le pre­
mier pas » en invitant l’ensemble
des « interlocuteurs sociaux » pen­
dant deux jours. « Il veut redorer le
blason du mot concertation ? Je dis
chiche ! », a indiqué François Hom­
meril, le président de la CFE­CGC.
A ce stade, les protagonistes font
assaut d’amabilités, mais le plus
ardu est devant eux. « La con­
fiance, ça se gagne, a souligné
M. Martinez. Ce sont aux actes (…)
que l’on jugera. » A peine avait­il
franchi les portes de Matignon
qu’un communiqué de la CGT ap­
pelait à une « puissante journée
nationale d’actions, de grèves et de
manifestations » pour le 17 sep­
tembre. La centrale de Montreuil
a tenu à montrer, d’entrée de jeu,
qu’elle ne se contentera pas de
« paroles », exhortant l’exécutif à
prendre des mesures concrètes
« pour l’emploi et les salaires ».
Sur un ton plus posé, les autres
responsables de confédérations
ont également fait part de leurs
attentes. « Le problème, c’est de sa­
voir si c’est le type que vous avez en
face de vous qui décide », confie le
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D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
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QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait
savoir que, la garantie financière dont bé-
néficiait la :
SARL AGENCE DU PALAIS
12 Rue Michel Rondet
42000 SAINT-ÉTIENNE
RCS: 407 555 549
depuis le 01/01/2004 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET
FONDS DE COMMERCE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront
être produites dans les trois mois de cette
insertion à l’adresse de l’Établissement
garant sis Cœur Défense – Tour A – 110
esplanade du Général de Gaulle – 92931
LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il
s’agit de créances éventuelles et que le pré-
sent avis ne préjuge en rien du paiement
ou du non-paiement des sommes dues et
ne peut en aucune façon mettre en cause
la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL
AGENCE DU PALAIS.
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D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
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QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait
savoir que, la garantie financière dont bé-
néficiait la :
SARL ASPE-CONSEIL-
TRANSACTIONS-EXPERTISES-
«A.C.T.E. IMMOBILIER «
24 Rue d’Alsace Lorraine
31000 TOULOUSE
RCS: 401 218 938
depuis le 01/01/2004 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET
FONDS DE COMMERCE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront
être produites dans les trois mois de cette
insertion à l’adresse de l’Établissement
garant sis Cœur Défense – Tour A – 110
esplanade du Général de Gaulle – 92931
LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il
s’agit de créances éventuelles et que le pré-
sent avis ne préjuge en rien du paiement
ou du non-paiement des sommes dues et
ne peut en aucune façon mettre en cause
la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL
ASPE-CONSEIL-TRANSACTIONS-
chef de file d’une délégation syn­
dicale. « Contrairement à ce que
l’on a pu dire, Castex, ce n’est pas
Raffarin : il ne sera pas un simple
collaborateur », croit savoir, pour
sa part, un élu du monde patronal.
Sur la réforme des retraites, le
premier ministre avait annoncé la
couleur avant même de rencon­
trer les partenaires sociaux. Ses
déclarations ont laissé entendre
que le chantier sera mené en deux
temps. « A court terme », la ques­
tion des équilibres financiers de­
vra être réglée, selon lui. Ne pas le
faire « serait irresponsable », a­t­il
prévenu, mercredi, devant le Sé­
nat, en évoquant implicitement
les prévisions de déficit pour l’en­
semble des régimes de pension
(près de 30 milliards d’euros
en 2020). Quant à la construction
d’un système universel par
points, promise par Emmanuel
Macron, elle se poursuivrait selon
un calendrier distinct, plus étalé.
« Consolider le début de reprise »
Mais le chef du gouvernement se
heurte à un front uni des diri­
geants syndicaux et patronaux.
Jeudi, ils ont rappelé à M. Castex la
position affichée ces derniers
jours : à leurs yeux, ce projet sur les
retraites, qui inspire de la défiance
à une large partie de la population
et a déclenché, fin 2019­début
2020, un conflit social de grande
ampleur dans les transports, ne
doit pas revenir au premier plan
dans l’immédiat. Ce n’est « pas le
sujet de l’été ou le sujet de
l’automne, a dit M. Berger. La prio­
rité aujourd’hui, c’est l’emploi ».
« Quand on dit qu’on est à l’écoute
et que l’on veut dialoguer, on en
tient compte », a fait valoir M. Mar­
tinez. Sans vouloir repousser le
problème ad vitam aeternam,
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D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
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QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait
savoir que, la garantie financière dont bé-
néficiait la :
SARL LES VILLAS DE LA COTE
10 Avenue de la Serre
06800 CAGNES-SUR-MER
RCS: 329 347 132
depuis le 01/01/2004 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET
FONDS DE COMMERCE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront
être produites dans les trois mois de cette
insertion à l’adresse de l’Établissement
garant sis Cœur Défense – Tour A – 110
esplanade du Général de Gaulle – 92931
LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il
s’agit de créances éventuelles et que le pré-
sent avis ne préjuge en rien du paiement
ou du non-paiement des sommes dues et
ne peut en aucune façon mettre en cause
la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL
LES VILLAS DE LA COTE.
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait
savoir que, la garantie financière dont bé-
néficiait la :
SARL CONSEIL
IMMOBILIER CASTANET
7 Chemin du Coteau
31320 CASTANET - TOLOSAN
RCS: 498 268 853
depuis le 01/01/2010 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET
FONDS DE COMMERCE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront
être produites dans les trois mois de cette
insertion à l’adresse de l’Établissement
garant sis Cœur Défense – Tour A – 110
esplanade du Général de Gaulle – 92931
LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il
s’agit de créances éventuelles et que le pré-
sent avis ne préjuge en rien du paiement
ou du non-paiement des sommes dues et
ne peut en aucune façon mettre en cause
la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL
CONSEIL IMMOBILIER CASTANET.
france | 11
M. Roux de Bézieux a affirmé qu’il
n’est pas « sage, utile et prioritaire »
de discuter des régimes de pen­
sion « cet été ». « Entre parler finan­
cement des retraites à l’automne et
en parler le 17 juillet, il y a plusieurs
mois et la priorité des priorités, c’est
de consolider le début de reprise »,
a­t­il ajouté, suggérant ainsi qu’il
pourrait s’avérer plus opportun de
débattre de la résorption des défi­
cits au dernier trimestre.
Autre dossier sur lequel l’exécu­
tif est guetté avec impatience : le
sort réservé à la réforme de 2019
sur l’assurance­chômage. Certai­
nes dispositions, ayant pour effet
de durcir les conditions d’indem­
nisation, ont été repoussées pour
ne pas pénaliser les demandeurs
d’emploi dans cette période de
crise ; d’autres mesures, qui res­
treignent l’accès au régime, sont
entrées en vigueur, en revanche.
Tout l’enjeu, désormais, est de sa­
voir si les textes seront rétablis,
amendés ou abrogés. M. Castex a
récemment expliqué que leur
mise en œuvre sera décalée, alors
que les syndicats, eux, réclament
l’abandon complet.
Une décision, au moins, a d’ores
et déjà été prise : la suppression de
la taxe de dix euros sur les CDD
d’usage (CDDU), qui avait été ins­
taurée pour contenir le recours à
cette forme d’emploi très précaire
– très fréquente notamment dans
l’hôtellerie­restauration. Mer­
credi soir, les députés ont voté
deux amendements au projet de
loi de finances rectificative qui
vont dans ce sens. Le but, ont­ils
justifié, est d’« aider » des entre­
prises durement touchées par la
mise sous cloche de l’économie,
au printemps. 
raphaëlle besse desmoulières
et bertrand bissuel
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait
savoir que, la garantie financière dont bé-
néficiait la :
SAS C.O.R.E.B.
4 Avenue Pierre Semard
19100 BRIVE-LA-GAILLARDE
RCS: 332 889 955
depuis le 01/01/2004 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET
FONDS DE COMMERCE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront
être produites dans les trois mois de cette
insertion à l’adresse de l’Établissement
garant sis Cœur Défense – Tour A – 110
esplanade du Général de Gaulle – 92931
LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il
s’agit de créances éventuelles et que le pré-
sent avis ne préjuge en rien du paiement
ou du non-paiement des sommes dues et
ne peut en aucune façon mettre en cause
la solvabilité ou l’honorabilité de la SAS
C.O.R.E.B..
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait sa-
voir que, la garantie financière dont bénéfi-
ciait la :
SASU RAR IMMO
15 rue Nationale
95000 CERGY
RCS: 529 578 619
depuis le 06/05/2011 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET
FONDS DE COMMERCE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront
être produites dans les trois mois de cette
insertion à l’adresse de l’Établissement
garant sis Cœur Défense – Tour A – 110
esplanade du Général de Gaulle – 92931
LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il
s’agit de créances éventuelles et que le pré-
sent avis ne préjuge en rien du paiement
ou du non-paiement des sommes dues et
ne peut en aucune façon mettre en cause
la solvabilité ou l’honorabilité de la SASU
RAR IMMO.

12 | france
Intrigues
politiques à la tête
du Grand Paris
Anne Hidalgo a fait réélire le LR Patrick
Ollier et s’est assurée de garder son poste
de vice­présidente
I
l avait été écarté en amont
par son propre camp et ne
s’était donc pas porté candi­
dat. Le vieux gaulliste Patrick
Ollier a pourtant été réélu, jeudi
9 juillet, à la présidence de la Mé­
tropole du Grand Paris (MGP), à
l’issue d’une étonnante succes­
sion de rebondissements. Con­
testé par une partie de la droite, le
maire de Rueil­Malmaison
(Hauts­de­Seine) a été sauvé par la
gauche et les centristes. Seul can­
didat au second tour du scrutin, il
a obtenu 133 voix sur 137. A 75 ans,
il repart ainsi pour un nouveau
mandat de six ans à la tête de cette
structure créée en 2016 pour don­
ner une traduction institution­
nelle au concept de « Grand Paris »,
et très controversée depuis.
Vincent Jeanbrun, le fidèle de
Valérie Pécresse qui avait gagné la
primaire organisée au sein du
groupe Les Républicains (LR) et se
voyait déjà dans le fauteuil de pré­
sident de la métropole, a immé­
diatement dénoncé les « petits ar­
rangements », les « magouilles »
ayant abouti à ce résultat surprise.
« Certains ici font honte à la démo­
cratie, a­t­il lancé, très remonté.
Cela dépasse ce qui s’est produit à
Marseille ! Patrick Ollier a perdu
son honneur de gaulliste. »
Un autre maire LR apprécie en
esthète la performance du prési­
dent sortant : « Mis en minorité
dans son propre groupe, cible d’une
belle série de scuds, il réussit à se
faire réélire. Chapeau, même si cela
laissera sans doute des traces. »
- CESSATIONS DE GARANTIE
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D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
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QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), succur-
sale de QBE EUROPE SA/NV, dont le siège
social est à 37, Boulevard du Régent, 1000
BRUXELLES - BELGIQUE, fait savoir
que, la garantie financière dont bénéficiait
la :
SARL CABINET YVES GERNIGON
24 Rue Foulques Nerra
49230 SÈVREMOINE
RCS: 405 233 008
depuis le 01/01/2007 pour ses activités de :
GESTION IMMOBILIERE depuis
le 01/01/2004 pour ses activités de
:TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET
FONDS DE COMMERCE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront être
produites dans les trois mois de cette inser-
tion à l’adresse de l’Établissement garant sis
Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du
Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE
CEDEX Il est précisé qu’il s’agit de
créances éventuelles et que le présent avis
ne préjuge en rien du paiement ou du non-
paiement des sommes dues et ne peut en
aucune façon mettre en cause la solvabilité
ou l’honorabilité de la SARL CABINET
YVES GERNIGON.
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D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), succur-
sale de QBE EUROPE SA/NV, dont le siège
social est à 37, Boulevard du Régent, 1000
BRUXELLES - BELGIQUE, fait savoir
que, la garantie financière dont bénéficiait
la :
SARL STREET IMMOBILIER
12 Rue Cassini
06300 NICE
RCS: 530 998 293
depuis le 01/11/2012 pour ses activités de :
GESTION IMMOBILIERE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront être
produites dans les trois mois de cette inser-
tion à l’adresse de l’Établissement garant sis
Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du
Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE
CEDEX Il est précisé qu’il s’agit de
créances éventuelles et que le présent avis
ne préjuge en rien du paiement ou du non-
paiement des sommes dues et ne peut en
aucune façon mettre en cause la solvabi-
lité ou l’honorabilité de la SARL STREET
IMMOBILIER.
A l’issue de la primaire tenue
mardi soir au sein des élus LR et as­
sociés qui dominent la métropole,
la situation paraissait claire. Vin­
cent Jeanbrun, jeune maire de
L’Haÿ­les­Roses (Val­de­Marne),
avait alors été choisi par la droite
pour prendre la tête de la MGP,
avec 54 voix contre 44 en faveur de
Patrick Ollier. Jeudi, à l’ouverture
du conseil de la métropole tenu
exceptionnellement au Palais des
congrès de Paris, Vincent Jean­
brun est donc l’unique candidat de
son groupe au premier tour.
Attributions floues
Mais entre­temps, les téléphones
ont chauffé, et les divers soutiens
de Patrick Ollier ont échafaudé un
autre scénario. « Vous verrez, Ollier
ne se présente pas, mais c’est lui qui
sortira vainqueur », confie un élu
de gauche bien informé en arri­
vant dans la salle.
Martine Vassal (LR) réélue à la tête
de la Métropole Aix-Marseille-Provence
Une semaine après avoir jeté l’éponge dans la course à la mairie
de Marseille, Martine Vassal, la présidente Les Républicains
des Bouches-du-Rhône, a été réélue, jeudi 9 juillet, à la tête de la
Métropole Aix-Marseille-Provence. Un tour de vote a été suffisant
pour la voir retrouver son poste de présidente de la métropole,
jeudi matin, dans l’hémicycle du Pharo, avec 145 voix, soit la ma-
jorité absolue des 239 suffrages exprimés par les 240 conseillers
métropolitains. Le candidat de la gauche, Gaby Charroux, maire
communiste de Martigues, a obtenu 61 voix. Mme Vassal avait été
élue pour la première fois à la tête de la métropole le 20 septem-
bre 2018, après la démission de son mentor, Jean-Claude Gaudin,
qui avait seulement conservé son poste de maire de Marseille.
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QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait
savoir que, la garantie financière dont bé-
néficiait la :
SARL VEIGIMMO
73 Route du Chablais
74140 VEIGY FONCENEX
RCS: 478 266 026
depuis le 01/01/2011 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE depuis
le 01/01/2011 pour ses activités de
:GESTION IMMOBILIERE cessera de
porter effet trois jours francs après publi-
cation du présent avis. Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Établis-
sement garant sis Cœur Défense – Tour
A – 110 esplanade du Général de Gaulle –
92931 LA DEFENSE CEDEX Il est précisé
qu’il s’agit de créances éventuelles et que
le présent avis ne préjuge en rien du paie-
ment ou du non-paiement des sommes dues
et ne peut en aucune façon mettre en cause
la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL
VEIGIMMO.
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait
savoir que, la garantie financière dont bé-
néficiait :
M. LANTUEJOUL GEORGES
11 avenue Saintignon
54400 LONGWY
RCS: 378 494 660
depuis le 18/08/2011 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE depuis
le 18/08/2011 pour ses activités de :
GESTION IMMOBILIERE cessera de
porter effet trois jours francs après publi-
cation du présent avis. Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Établis-
sement garant sis Cœur Défense – Tour
A – 110 esplanade du Général de Gaulle
– 92931 LA DEFENSE CEDEX Il est pré-
cisé qu’il s’agit de créances éventuelles et
que le présent avis ne préjuge en rien du
paiement ou du non-paiement des sommes
dues et ne peut en aucune façon mettre en
cause la solvabilité ou l’honorabilité de M.
LANTUEJOUL GEORGES.
Anne Hidalgo
et Patrick
Ollier, sur les
nouveaux Vélib’
Métropole,
à Paris, en
octobre 2017.
ERIC FEFERBERG/AFP
De fait, contrairement à ses es­
poirs, Vincent Jeanbrun n’est pas
seul sur la ligne de départ. Il se re­
trouve en concurrence avec un
autre candidat de droite, le maire
(UDI) de Sceaux (Hauts­de­Seine),
Philippe Laurent, ainsi qu’avec un
socialiste et un communiste.
Aucun d’eux n’obtient la majorité
absolue nécessaire. Vincent Jean­
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QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait
savoir que, la garantie financière dont bé-
néficiait la :
SARL REFERENCE IMMO
2 Rue Paul Langevin
97419 LA POSSESSION
RCS: 489 904 276
depuis le 01/07/2006 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE depuis
le 01/07/2008 pour ses activités de
:GESTION IMMOBILIERE cessera de
porter effet trois jours francs après publi-
cation du présent avis. Les créances
éventuelles se rapportant à ces opérations
devront être produites dans les trois mois
de cette insertion à l’adresse de l’Établis-
sement garant sis Cœur Défense – Tour
A – 110 esplanade du Général de Gaulle –
92931 LA DEFENSE CEDEX Il est précisé
qu’il s’agit de créances éventuelles et que
le présent avis ne préjuge en rien du paie-
ment ou du non-paiement des sommes dues
et ne peut en aucune façon mettre en cause
la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL
REFERENCE IMMO.
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QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), suc-
cursale de QBE EUROPE SA/NV, dont le
siège social est à 37, Boulevard du Régent,
1000 BRUXELLES - BELGIQUE, fait
savoir que, la garantie financière dont bé-
néficiait la :
SARL JVI
17 Place Aristide Briand
95600 EAUBONNE
RCS: 311 147 995
depuis le 01/01/2011 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES
ET FONDS DE COMMERCE depuis
le 01/01/2011 pour ses activités de :
GESTION IMMOBILIERE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront
être produites dans les trois mois de cette
insertion à l’adresse de l’Établissement
garant sis Cœur Défense – Tour A – 110
esplanade du Général de Gaulle – 92931
LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il
s’agit de créances éventuelles et que le pré-
sent avis ne préjuge en rien du paiement ou
du non-paiement des sommes dues et ne
peut en aucune façon mettre en cause la sol-
vabilité ou l’honorabilité de la SARL JVI.
brun a beau arriver légèrement
en tête, il fait face à un front
monté contre lui en quelques
jours, et réunissant une partie des
LR, nombre de centristes, et l’es­
sentiel de la gauche.
Pourquoi pareille opposition ? La
première raison est que Vincent
Jeanbrun ne cache pas son mécon­
tentement à l’égard de la MGP, un
« machin » à réformer d’urgence,
affirme­t­il, reprenant le terme
choisi par Charles de Gaulle pour
dénigrer l’ONU en 1960. Ancien as­
sistant parlementaire de Valérie
Pécresse, dont il reste très proche,
il apparaît ainsi comme un soldat
de la présidente (ex­LR) de la ré­
gion Ile­de­France, chargé de tor­
piller pour son compte une métro­
pole jugée inutile et mal gérée.
Depuis plusieurs années, Valé­
rie Pécresse n’a pas de mots assez
durs pour la MGP. A ses yeux, le
Grand Paris, ce rêve ambitieux de
Nicolas Sarkozy, a débouché en
pratique sur un « corps mou ». Ses
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QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), succur-
sale de QBE EUROPE SA/NV, dont le siège
social est à 37, Boulevard du Régent, 1000
BRUXELLES - BELGIQUE, fait savoir
que, la garantie financière dont bénéficiait
la :
SARL SUN GESTION
14 Esplanade des Fontaines
82000 MONTAUBAN
RCS: 517 780 912
depuis le 05/11/2009 pour ses activités de :
GESTION IMMOBILIERE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront être
produites dans les trois mois de cette inser-
tion à l’adresse de l’Établissement garant sis
Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du
Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE
CEDEX Il est précisé qu’il s’agit de
créances éventuelles et que le présent avis
ne préjuge en rien du paiement ou du non-
paiement des sommes dues et ne peut en au-
cune façon mettre en cause la solvabilité ou
l’honorabilité de la SARL SUN GESTION.
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D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
QBE EUROPE SA/NV, sis Cœur Défense
– Tour A – 110 esplanade du Général de
Gaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX
(RCS NANTERRE 842 689 556), succur-
sale de QBE EUROPE SA/NV, dont le siège
social est à 37, Boulevard du Régent, 1000
BRUXELLES - BELGIQUE, fait savoir
que, la garantie financière dont bénéficiait
la :
SARL PLAISANCE CMB
10 - 12 rue des Ecoles
31830 PLAISANCE DU TOUCH
RCS: 534 735 774
depuis le 19/10/2011 pour ses activités de :
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET
FONDS DE COMMERCE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication
du présent avis. Les créances éventuelles
se rapportant à ces opérations devront être
produites dans les trois mois de cette inser-
tion à l’adresse de l’Établissement garant sis
Cœur Défense – Tour A – 110 esplanade du
Général de Gaulle – 92931 LA DEFENSE
CEDEX Il est précisé qu’il s’agit de
créances éventuelles et que le présent avis
ne préjuge en rien du paiement ou du non-
paiement des sommes dues et ne peut en
aucune façon mettre en cause la solvabilité
ou l’honorabilité de la SARL PLAISANCE
CMB.
« Patrick Ollier
s’est accroché
à son siège et
a négocié dans
notre dos un deal
avec Anne
Hidalgo et l’UDI »
RACHIDA DATI
maire LR du
7e arrondissement de Paris
frontières sont « purement politi­
ques » : Paris, les trois départe­
ments de la petite couronne, plus
une commune du Val­d’Oise et
six de l’Essonne. « C’est un Grand
Paris rétréci, riquiqui, sans Roissy
ni les villes nouvelles », une cu­
rieuse résurgence du départe­
ment de la Seine supprimé
en 1968, peste­t­elle.
Les maigres compétences dévo­
lues à la métropole suscitent éga­
lement ses reproches. A quoi sert
la MGP ? Sur le papier, elle s’oc­
cupe notamment d’aménage­
ment urbain, d’habitat, de lutte
contre les inondations. Mais ses
attributions se révèlent assez
floues, et l’essentiel de son budget
de 3,6 milliards d’euros est re­
versé de façon mécanique aux
131 communes membres. Les dé­
penses propres de la MGP se limi­
tent à moins de 200 millions
d’euros par an. Pour Valérie Pé­
cresse, la solution est claire : il
faut supprimer cette strate inutile
du millefeuille administratif, en
transférant ses compétences aux
autres collectivités. A commen­
cer par la région qu’elle préside.
« Folie dépensière »
Prendre la tête de la MGP pour
mieux la vider de sa substance, le
projet du lieutenant de Valérie
Pécresse semble d’emblée délicat à
vendre aux élus, censés au con­
traire défendre leur institution.
Vincent Jeanbrun y ajoute deux
difficultés. D’une part, ce maire de
36 ans utilise des mots violents
contre l’ancien ministre Patrick
Ollier, sa « folie dépensière », ses
« frais de communication colos­
saux », ses « recrutements à
tout­va ». Il heurte ainsi une partie
de la droite.
D’autre part, il veut remettre en
cause un des piliers du fonction­
nement de la métropole : la « gou­
vernance partagée », c’est­à­dire le
fait d’associer tous les partis à la
gestion de la structure. La maire
socialiste de Paris, Anne Hidalgo,
actuelle première vice­présidente
de la MGP, devrait ainsi lâcher ce
siège, que Vincent Jeanbrun avait
promis à sa grande rivale pari­
sienne, Rachida Dati (LR). De quoi
rendre furieux les socialistes, très
satisfaits de la cohabitation ac­
tuelle avec l’affable Patrick Ollier.
« Depuis des années, Valérie
Pécresse essaye de dynamiter de
l’intérieur comme de l’extérieur
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
cette métropole, commente Anne
Hidalgo. Mais la MGP ne peut pas
être l’otage du démarrage d’une
campagne régionale par Mme Pé­
cresse. » Pas question de laisser les
clés de la métropole à « une bande
qui n’aspire qu’à la détruire », ren­
chérit Emmanuel Grégoire, le pre­
mier adjoint de la maire de Paris.
Anne Hidalgo en tête, les élus de
tout bord hostiles à Vincent Jean­
brun et à une remise en cause en
profondeur de la MGP ont donc
cherché une solution de compro­
mis. Au premier tour, beaucoup
votent en faveur de Philippe
Laurent. Son profil assez rond,
son statut de secrétaire général de
l’Association des maires de France
peuvent faire de lui un candidat
de consensus. Aux yeux de beau­
coup, il présente toutefois une fai­
blesse majeure : il n’appartient
pas à LR, mais à l’UDI. Avec lui, le
parti de Christian Jacob perdrait
donc le contrôle de la MGP. Diffi­
cile à avaler. « Philippe Laurent a
simplement servi de lièvre », ré­
sume un maire.
Conciliabules
Au fil des suspensions de séance,
de multiples conciliabules ont
lieu. C’est alors que Patrick Ollier,
discret depuis le début, réapparaît.
Avec lui, LR garderait la métropole.
Et la gauche menée par Anne
Hidalgo conserverait un interlocu­
teur qui la satisfait et ne la bous­
cule jamais. Valérie Pécresse finit
par lâcher prise. Lors d’une sus­
pension de séance, elle incite son
poulain à renoncer et pousse les
élus LR à écarter également Phi­
lippe Laurent.
Au bout du compte, M. Ollier se
retrouve ainsi seul en lice pour sa
succession. « Je suis soulagé, la
métropole va renforcer son action,
alors que toute autre candidature
aurait pu conduire à sa dispari­
tion », commente­t­il après sa
réélection. Un étage plus bas, la
colère de Vincent Jeanbrun n’est
pas éteinte. « J’ai retiré ma candi­
dature pour que le parti garde la
métropole, mais le résultat consti­
tue une insulte à la démocratie,
dit­il. Avec Patrick Ollier, c’est le
candidat d’Anne Hidalgo qui a été
élu. » A ses côtés, Rachida Dati re­
grette, elle aussi, le résultat de
cette folle matinée : « Patrick
Ollier s’est accroché à son siège et
a négocié dans notre dos un deal
avec Anne Hidalgo et l’UDI. »
La maire de Paris, elle, se réjouit
du succès de Patrick Ollier… et de
rester vice­présidente : « Je suis
très, très heureuse qu’au bout de
cette demi­journée on revienne à
un dispositif qui permet aux mai­
res de travailler ensemble en dé­
passant les clivages. » Des « ma­
gouilles », comme le dit Vincent
Jeanbrun, un jeu de dupes ? Em­
manuel Grégoire résume autre­
ment l’élection d’un candidat
LR pilotée par la gauche : « Cela
s’appelle une opération ronde­
ment menée. » 
denis cosnard
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
Covid­19 : la crise dans le Grand­Est passée au crible
La commission d’enquête du Sénat est revenue sur la gestion de l’épidémie dans la première région touchée
U
n « rouleau compres­
seur épidémique ».
C’est l’expression qu’a
employée le président
(Les Républicains, LR) de la région
Grand­Est, Jean Rottner, pour
qualifier le passage de la pandé­
mie de Covid­19 dans sa collecti­
vité. Il était entendu, mercredi
8 juillet, par la commission d’en­
quête du Sénat sur la gestion de la
crise sanitaire, qui commençait
ses travaux en examinant son im­
pact dans l’un des territoires fran­
çais les plus meurtris. Le lende­
main, jeudi 9 juillet, les sénateurs
ont auditionné la préfète de la ré­
gion Grand­Est et du Bas­Rhin,
Josiane Chevalier, l’ancien direc­
teur général de l’agence régionale
de santé (ARS) Christophe Lan­
nelongue – limogé en avril – et la
présidente (divers droite) du
conseil départemental du Haut­
Rhin, Brigitte Klinkert, qui vient
d’entrer au gouvernement.
Première région touchée par
l’épidémie – notamment du fait
du rassemblement religieux
pentecôtiste qui a eu lieu à Mul­
house (Haut­Rhin) entre le 17 et le
24 février, jouant un rôle de pro­
pagateur du virus –, le Grand­Est
a vécu un véritable calvaire,
avant même que le reste du pays
n’ait eu le temps de réaliser l’am­
pleur de ce qui arrivait.
C’est à l’occasion d’une réunion,
fin février à la mairie de Mul­
house, que Jean Rottner a appris
l’existence de deux « clusters fa­
miliaux ». Le 2 mars, le premier
patient est admis en réanimation
dans un hôpital de la ville. Un mé­
decin de cet établissement fait
alors pour la première fois « le vrai
rapport entre le rassemblement re­
ligieux et la possibilité d’avoir, non
pas un cluster mais un vrai foyer
épidémique », raconte le président
de région, qui se rend lui­même
au 15, où les appels explosent, la
soirée du 4 mars.
Il envoie le lendemain un SMS à
Emmanuel Macron pour l’aler­
ter. Il le met en garde contre une
impression de décalage entre le
discours national et ce qu’il vit
désormais, une « véritable épidé­
mie avec des foyers qui partent de
partout ». Un décalage également
relevé par les sénateurs de la
commission d’enquête. « Le
6 mars, on nous disait qu’on de­
Le « tri » des patients en Ehpad au cœur des interrogations
Des représentants des personnels paramédicaux auditionnés évoquent un accès à l’hôpital moindre pour les personnes âgées
C ruciale », « terrible », « tragi­
que »… Lancinante au plus
fort de l’épidémie, la ques­
tion d’un présumé « tri » des pa­
tients à l’entrée des hôpitaux et
des services de réanimation a ali­
menté les interrogations des dé­
putés, mardi 7 juillet, alors que la
commission d’enquête chargée
d’examiner la gestion de la crise
sanitaire auditionnait cinq orga­
nisations représentatives des per­
sonnels hospitaliers ou paramédi­
caux (CGT, SUD, UNSA, FO, CFDT).
Tous les malades ont­ils pu être
pris en charge ? Des choix ont­ils
été faits en amont, parce que les
structures hospitalières étaient
saturées ? D’emblée, plusieurs re­
présentants syndicaux ont remis
en cause la version officielle, selon
laquelle les digues de l’hôpital ont
tenu pendant la crise, avec un
nombre de lits suffisants pour ac­
cueillir les malades. « L’hôpital n’a
malheureusement pas pu faire face
à la crise sanitaire, il n’en avait plus
les moyens », a jugé Astrid Petit, de
la CGT Santé. Et ce, pas seulement
en raison du manque de masques,
de médicaments ou de tests…
« Nous avons découvert que des
recommandations ministérielles
conseillaient de maintenir les
personnes âgées malades à leur
Un patient
atteint du
Covid­19,
avant son
transfert en
TGV vers un
autre hôpital,
à Mulhouse
(Haut­Rhin),
le 29 mars.
SEBASTIEN BOZON/AFP
vait aller au restaurant, au théâ­
tre, partout, alors que vous, vous
étiez en pleine déflagration de
cas », a résumé Catherine Dero­
che, élue LR du Maine­et­Loire.
Flambée de contaminations
Dans le Grand­Est, tout va très
vite. Entre le 11 et le 19 mars, une
flambée de contaminations et
d’admissions en « réa ». A la veille
du premier tour des municipales,
vingt décès sont comptabilisés en
vingt­quatre heures. « Là, on se dit
qu’il y a vraiment quelque chose de
terrible [qui est] en train de se pas­
ser, se souvient M. Rottner. Nous
nous engageons dans une course­
poursuite sanitaire. »
Très tôt, il faut pallier le manque
de matériel de protection sur le
terrain. Les médecins de ville et
les directeurs d’hôpital font re­
monter leurs besoins, criants. « Ils
nous disent “J’ai un stock jusqu’à
demain, après­demain… mais
après je ne sais pas…” », relate
M. Rottner. Le président de la ré­
gion se souvient d’une longue
conversation téléphonique avec
un chef de service à l’hôpital. « Tu
domicile ou dans les Ehpad [éta­
blissements d’hébergement pour
personnes âgées dépendantes],
plutôt que de les accueillir à l’hôpi­
tal », a affirmé la syndicaliste, évo­
quant une note ministérielle du
31 mars.
« On se pose la question de pour­
quoi on les a maintenues [chez elles
ou dans leur Ehpad] plutôt que de
leur donner la possibilité d’accéder
à l’hôpital, comme n’importe quel
patient », a ajouté Mme Petit, en rap­
pelant que « la moitié des décès Co­
vid proviennent des Ehpad ». Mardi,
la direction générale de la santé a
fait état de 10 476 morts dans
ces établissements depuis le début
de l’épidémie.
« Débrouillez-vous »
Relancés par plusieurs députés
désireux d’avoir des précisions
sur la manière dont se serait
opéré ce « tri », les représentants
syndicaux se sont retranchés der­
rière les témoignages venus du
terrain. « Ce sont des collègues qui
nous disaient : “On ne peut pas en­
voyer les personnes âgées en réa­
nimation, en service de médecine
dans l’hôpital, c’est refusé, on doit
se débrouiller, ils sont en train de
mourir, on ne sait pas quoi faire,
on les regarde mourir” », raconte
comprends, lui dit ce dernier avec
des sanglots dans la voix, j’ai de
jeunes infirmières autour de moi,
elles voient des personnes qui vont
bien à midi et sont décédées à
14 heures, je les sens dépassées… »
L’Etat a­t­il failli ? « On s’en est
sorti grâce à cette solidarité très
forte qu’il y a eue entre nous tous
(…). Nous étions en guerre, on ne
se posait plus la question de sa­
voir “C’est à qui de faire quoi” », a
souligné la présidente du conseil
départemental du Haut­Rhin,
Brigitte Klinkert, qui a rappelé
que deux habitants de son dé­
partement sur 1 000 étaient
morts du Covid­19.
Une ligne partagée par Christo­
phe Lannelongue, ex­patron de
l’ARS Grand­Est, qui relève néan­
moins des manques de « réacti­
vité » à l’échelon national. « Il faut
être clair, l’agence n’était pas pré­
parée », a­t­il reconnu. Manque de
masques, de tests, de réactifs, ab­
sence d’équipes suffisantes pour
tracer les cas… : l’ARS n’a pas pu
appliquer la stratégie de l’Organi­
sation mondiale de la santé (OMS)
de dépister, tester, tracer, isoler.
Clotilde Cornière, de la CFDT. La
syndicaliste poursuit, émue :
« Quand vous êtes dans un Ehpad
et que vous appelez en disant : “J’ai
dix, douze ou treize personnes en
détresse respiratoire, comment je
fais ?” et qu’on vous dit “dé­
brouillez­vous, on ne peut pas
venir les chercher, elles ne peuvent
pas descendre à l’hôpital”, le pro­
fessionnel comprend ce que ça
veut dire… Il va faire ce qu’il faut
pour soulager. »
Une « prise en charge » même
pas automatique, a­t­elle précisé,
faute de personnel. « Il faut suffi­
samment de monde pour être là
quand la personne est en fin de
vie… [pour qu’]on ne ferme pas la
porte de la chambre… ! » Pour elle,
« ce n’est pas acceptable », « com­
« Ces patients
n’ont pas été
évacués en
réanimation, ils
ont été évacués
au cimetière »
JEAN-JACQUES GAULTIER
député LR
Mais ses alertes sont restées vai­
nes dans les premières semaines
de la crise, « quand nous étions
dans une extrême difficulté ». « Le
niveau central ne réagissait pas, a
assuré M. Lannelongue, nous
avons multiplié les demandes. »
Dès la mi­février, il a notamment
transmis les signalements sur le
manque de masques à venir. Et
n’a reçu qu’une dizaine de respi­
rateurs en mars, malgré ses re­
quêtes. « Il faut que la commission
puisse avoir accès aux échanges
entre le centre de crise et les ARS »,
a­t­il insisté, tout en prônant un
renforcement de la capacité d’ac­
tion au niveau territorial.
Ces pénuries ont conduit à des
situations très difficiles, particu­
lièrement dans les établisse­
ments d’hébergement pour per­
sonnes âgées dépendantes (Eh­
pad). « Nous avons, malgré nous,
conduit à une diffusion de l’épidé­
mie dans les lieux confinés », a­t­il
regretté, précisant qu’un nou­
veau circuit de distribution de
masques « efficace » n’a pu être
mis en place qu’à la fin mars par la
préfecture. « Les ARS ne sont pas
ment on a pu mettre des usagers
dans ces situations­là, et des pro­
fessionnels aussi ? ».
Même appréciation d’Olivier
Youinou de SUD Santé. Selon lui,
des « choix ont dû être faits et parti­
culièrement dans les Ehpad », « par
manque de lits » dans les hôpitaux.
Une situation « dure à vivre ». « On
a jugé que des patients, essentielle­
ment parce qu’ils étaient âgés,
avaient une balance “bénéfice­ris­
que” d’une entrée en réanimation
qui permettait de dire au réanima­
teur qu’ils auraient du mal à les
sortir de réa, dit­il. Mais c’est sur
des données statistiques, pas sur
des études cliniques. »
Pour l’infirmier anesthésiste, le
décret du 28 mars 2020, prévoyant
l’utilisation de la molécule du
Rivotril, utilisée dans le cadre des
soins palliatifs, dans le contexte
du Covid­19, pose également ques­
tion. Il laisse entendre que ce pro­
tocole « palliatif Covid » mis en
place en Ile­de­France, qui permet­
tait la prescription médicale de
cette molécule dans le cadre des
cas aigus de Covid en Ehpad, a pu
être difficilement vécu. La déci­
sion d’enclencher ce processus de
soins palliatifs n’était pas « suffi­
samment discutée », regrette­t­il.
« La charge est revenue au person­
« On a été
dépassés par
l’ampleur du
risque viral (…)
et la difficulté
de mobiliser les
moyens matériels»
JEAN ROTTNER
président de la région Grand-Est
faites pour ces métiers logistiques,
a tranché la préfète de région,
Josiane Chevalier. Il ne fallait pas
leur confier la gestion des mas­
ques. » Pour la responsable, l’éche­
lon de la préfecture de zone est le
plus pertinent pour allouer les
moyens en gestion de crise.
La fonctionnaire est revenue
sur un épisode qui a fait grand
bruit, signe des cafouillages entre
l’Etat et les collectivités : la réqui­
sition par le Grand­Est d’une car­
gaison de 4 millions de masques
sur le tarmac de l’aéroport de
Bâle­Mulhouse, le 5 avril, desti­
nel non médical (…) pas formé à ça
(…), et c’est particulièrement lourd,
poursuit M. Youinou. Cela reste
ancré dans les têtes, les collègues
ont du mal à s’en sortir. »
Sa collègue de la CGT, Astrid Pe­
tit, a évoqué la mise en place « en
catastrophe » d’une « organisation
ad hoc de prise en charge de pa­
tients en fin de vie », au plus fort de
l’épidémie. « Je ne peux pas vous af­
firmer à 100 % que tous les patients
entrés en HAD [hospitalisation à
domicile, notamment dans les Eh­
pad] ont vu un médecin au mo­
ment de l’entrée », a­t­elle affirmé.
Le rapporteur, Eric Ciotti (Les Ré­
publicains, LR), a insisté sur ce
« point majeur », voyant une con­
firmation de son « expérience »
dans son département des Alpes­
Maritimes. Laquelle, a­t­il ajouté, a
« toujours été contestée par l’auto­
rité de tutelle ». « Ces patients n’ont
pas été évacués en réanimation, ils
ont été évacués au cimetière », a
abondé son collègue LR Jean­Jac­
ques Gaultier, qui a assuré avoir,
lui aussi, vécu cette situation
dramatique dans les Vosges.
Une voix discordante s’est
néanmoins exprimée autour de
la table : celle du représentant de
l’UNSA, Maxime Sorin, infirmier
en réanimation à l’hôpital. « Il n’y
france | 13
née pourtant aussi à la Bourgo­
gne­Franche­Comté et aux Bou­
ches­du­Rhône. « On a décidé d’al­
ler récupérer ces masques (…). Si
cette situation se reproduisait, on
referait exactement la même
chose, parce que l’enjeu, c’était de
sauver des vies », a défendu
Mme Chevalier, faisant référence
au « droit de priorité de l’Etat ».
« Quand on connaît la situation du
Grand­Est à ce moment­là, et
d’autres régions, l’Etat a fait son
devoir », a insisté la responsable.
« Système D »
Le président de région, Jean Rot­
tner, a indiqué que le soutien de
l’Etat – l’installation d’un hôpital
militaire, le transfert de malades
en TGV, l’ouverture de lits « trans­
frontaliers » – avait servi d’« amor­
tisseur », au plus fort de la crise.
N’était­ce pas de la « pure commu­
nication », a interrogé la sénatrice
(PS) de Paris Marie­Pierre de La
Gontrie ? « De vraies bouffées
d’oxygène », selon M. Rottner.
Mais s’il prévient qu’il est tou­
jours facile de juger a posteriori,
M. Rottner a toutefois pointé un
certain nombre de « défauts d’or­
ganisation ». Et critiqué les « lour­
deurs » de l’Etat dans la gestion de
la crise. « On a attendu pendant
des semaines la validation de tests
sérologiques qui étaient d’ailleurs
réalisés chez nous. Ce n’est plus
possible, ce n’est pas un pays mo­
derne », a­t­il critiqué, admettant
qu’il a fallu faire du « bricolage »,
du « système D » parce qu’il man­
quait de tout. « On a été dépassés
par l’ampleur du risque viral, par
l’impréparation de nos équipes
à travailler ensemble et la diffi­
culté de mobiliser les moyens ma­
tériels », a­t­il regretté.
M. Rottner a préconisé que les
élus soient davantage associés
aux gestions de crise ; il a jugé
utile que le directeur de l’ARS soit
un élu du territoire et plaidé pour
un système de pilotage unique
avec « un seul patron », de préfé­
rence le ministère de l’intérieur,
plutôt que celui de la santé.
« Notre territoire a besoin de se re­
lever, de retrouver confiance… », a­
t­il conclu, à l’issue de deux heu­
res d’audition, denses, sobres,
parfois poignantes. 
solenn de royer
et camille stromboni
a pas eu de choix qui a été fait chez
les patients », « tous les patients
sont vus », a­t­il affirmé, assurant
que les critères habituels d’entrée
en réanimation ont été appliqués.
Le syndicaliste a rappelé que tous
les patients n’accèdent pas à la
réanimation, non pas pour une
question de lits, mais en raison de
l’évaluation du « bénéfice­risque »
pour chacun sur cette procédure
très lourde, qui peut avoir de gra­
ves conséquences. « En réanima­
tion, à aucun moment je n’ai vu un
médecin dire : “J’ai deux patients,
je choisis lequel ?”, a­t­il insisté. Ce
n’est pas arrivé. »
La question était­elle trop sensi­
ble pour trouver une réponse
claire en près de quatre heures
d’audition ? « Ce point, nous l’ap­
profondirons », a assuré le vice­
président de la commission Ju­
lien Borowczyk (La République
en marche, LRM), qui remplaçait
au pied levé l’ex­présidente, Bri­
gitte Bourguignon, nommée
lundi 6 juillet au gouvernement.
Lui­même médecin régulateur
au SAMU, le député de la Loire
s’est montré très réservé sur ces
accusations, au vu de son expé­
rience. « On interrogera les méde­
cins », a­t­il conclu. 
s. de r. et c. st.
 0123
14 | france SAMEDI 11 JUILLET 2020

L A   P O L I C E   E T   L E S   C I T OY E N S

Maintien
de l’ordre :
en finir avec
«l’encagement»
Dans un document remis au ministre
de l’intérieur, le Défenseur des droits
formule huit recommandations pour
mettre fin à des pratiques qui ne respectent
pas les droits des citoyens

C’
est à la fois par l’interdiction du lanceur de Lors d’une
l’épilogue balles de défense (LBD) dans un manifestation
d’un mandat contexte de maintien de l’ordre. contre les
marquant et Fondée sur les 198 saisines re­ violences
un cadeau de çues depuis début 2019 par l’ins­ policières, place
bienvenue titution, cette « décision­cadre » de la République
empoisonné. Jacques Toubon a demande notamment « qu’il soit à Paris, le 13 juin.
rendu, jeudi 9 juillet, son ultime mis fin à la pratique conduisant à BENJAMIN GIRETTE
décision en tant que Défenseur priver de liberté des personnes POUR « LE MONDE »
des droits ; elle porte sur la ques­ sans cadre juridique ». Un réqui­
tion du maintien de l’ordre. sitoire sévère contre l’usage abu­
Dans un document de vingt­ sif des gardes à vue, des interpel­ peine nommé, le travail effectué Parmi les recommandations cadre juridique et sans que l’auto­
trois pages, que Le Monde a pu lations de groupe, des contrôles par le Défenseur des droits et le principales, le Défenseur des « CETTE JUDICIARISATION  rité judiciaire, garante des libertés
consulter, et qui a été remis di­ délocalisés… Autant de dévoie­ rôle que l’institution entend droits demande que soit mis fin CONTRIBUE À BROUILLER  individuelles, en soit informée à un
rectement sur le bureau du nou­ ments des textes administratifs continuer à jouer, au­delà du dé­ à la technique dite de « l’encage­ quelconque moment ». M. Toubon
veau ministre de l’intérieur, Gé­ qui visent en réalité à empêcher part de M. Toubon. ment », qui « consiste à priver plu­ L’IMAGE DU MANIFESTANT,  rappelle que la seule raison qui
rald Darmanin, il formule huit des personnes d’exercer leur C’est également une manière de sieurs personnes de leur liberté de peut conduire à procéder à un
recommandations inédites aux droit de manifester, pourtant ga­ tenter de peser sur le schéma na­ se mouvoir au sein d’une manifes­ DÉSORMAIS SOUVENT  contrôle délocalisé est le refus ou
forces de l’ordre pour mettre fin ranti par la Constitution. tional du maintien de l’ordre. Ce tation (…) au moyen d’un encercle­ l’impossibilité de produire une
à des pratiques qui ne respectent Le calendrier de la remise du bréviaire, en cours d’élaboration ment par les forces de l’ordre qui
PERÇU COMME UN  pièce d’identité. Il critique égale­
pas les droits des citoyens. Il en rapport est très politique. Ce do­ depuis un an et dont la publica­ vise à les empêcher d’entrer ou de FAUTEUR DE TROUBLES » ment la généralisation des « con­
rappelle quatre autres déjà faites cument vient opportunément tion a été maintes fois repoussée, sortir du périmètre ainsi défini ». fiscations d’objets », souvent sans
ces derniers mois, à commencer rappeler au nouveau ministre, à est l’un des dossiers prioritaires Si la Préfecture de police de Pa­ JACQUES TOUBON restitution à la fin, qui nuisent au
sur le bureau de Gérald Darmanin. ris, particulièrement ciblée, a défenseur des droits droit de propriété.
fait valoir qu’elle laissait tou­ Le ton se fait encore plus sévère
Nouveau directeur du cabinet à Beauvau TON SÉVÈRE
Il est censé reposer les bases du
jours une voie de sortie à ces
« nasses », le Défenseur des cette pratique qui n’a en outre
face à l’utilisation de la garde à vue
comme un moyen d’écarter tem­
Pierre de Bousquet de Florian, l’actuel coordinateur national du maintien de l’ordre à la française, droits a été saisi de cas d’encer­ « aucun cadre juridique ». porairement de l’espace public des
renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT), a été un modèle dont la police natio­ clement sans possibilité de s’en Il en va de même pour les « con­ citoyens, afin de les empêcher de
nommé directeur du cabinet de Gérald Darmanin, jeudi 9 juillet. Il nale a longtemps été très fière extraire ayant duré plusieurs trôles délocalisés », qui consistent participer à un cortège. Ces inter­
remplace Stéphane Bouillon, qui a officié pour Christophe Casta- mais qui a été fortement bousculé heures. « Les réclamants dénon­ à emmener les personnes au pellations préventives deviennent
ner. Agé de 66 ans, il a derrière lui une carrière préfectorale presti- depuis quelques années, et plus cent à chaque fois l’impossibilité poste de police pour procéder au alors un outil de la gestion des ma­
gieuse. Il est notamment passé par l’Hérault, la Seine-Maritime, les particulièrement avec le mouve­ de trouver une sortie et la confu­ contrôle de leur identité, en pré­ nifestations. « Cette judiciarisation
Hauts-de-Seine… Il a dirigé l’ancienne Direction de la surveillance ment des « gilets jaunes » et les ac­ sion, voire la tension, que la mé­ textant de l’impossibilité de le contribue à brouiller l’image du
du territoire (DST), entre 2002 et 2007. Un service qui deviendra, cusations de violences illégiti­ thode provoque, d’autant plus réaliser sur place. Une technique manifestant désormais souvent
après fusion avec les renseignements généraux, la Direction cen- mes. Dans sa lettre au ministre, que ces mesures s’accompagnent qui prive temporairement les per­ perçu comme un fauteur de trou­
trale du renseignement intérieur (DCRI), puis la Direction générale M. Toubon demande d’ailleurs souvent d’usage de gaz lacrymo­ sonnes de leur liberté et les empê­ bles à l’origine de dégradations ou
de la sécurité intérieure (DGSI). C’est donc un expert des questions que sa décision soit jointe à la dé­ gène et/ou d’interpellations », che souvent de participer à une d’infractions. Le risque est réel
de terrorisme qui pose ses valises au ministère de l’intérieur. finition du futur schéma. note­t­il, demandant l’arrêt de manifestation, « en dehors de tout d’instaurer une conception d’af­

Augmentation des condamnations pour outrage ou rébellion

Entre 2016 et 2019, elles ont augmenté de 21 %, illustrant la généralisation de la défiance entre les forces de l’ordre et une partie des citoyens

L a mort de Cédric Chouviat, à

la suite d’un contrôle rou­
tier sur les quais de Seine, le
3 janvier, a braqué les projecteurs
sur la « clé d’étranglement ». Cette
technique controversée que
même l’ancien ministre de l’inté­
rieur, Christophe Castaner, a criti­
quée le 8 juin. Mais avant l’inter­
pellation, cette histoire est d’abord
une affaire d’« outrage », ce délit
qui apparaît de plus en plus sou­
vent dans les dossiers judiciaires,
et qui dit quelque chose de la dé­
gradation de la relation entre la
police et la population.
Une escalade verbale de douze
minutes entre les quatre fonction­
naires et le livreur à scooter,
auquel il est reproché notamment
d’avoir une plaque d’immatricula­
tion sale. « Tu ne veux pas que je me
mette à quatre pattes et que je te
suce la b… », rétorque, après cinq
minutes de provocations mutuel­
les, l’un des agents à Cédric Chou­
viat, qui exige ironiquement un
« s’il vous plaît ». En retour, celui­ci
se moque des agents, les traitant à
plusieurs reprises de « pauvres
types », de « clowns » et de « gui­
gnols ». C’est ce dernier terme qui
convainc les fonctionnaires de
procéder à l’interpellation, voyant
là un « outrage » caractérisé.
Une situation de plus en plus
fréquente à en croire les chiffres
du ministère de la justice que
s’est procurés Le Monde. Entre
2016 et 2019, le nombre de con­
damnations par les tribunaux
correctionnels pour outrage à
personne dépositaire de l’auto­
rité publique, menaces contre un
policier ou un gendarme ou ré­
bellion, ont progressé de 21 %, de
près de 12 000 à 14 500, quand il
s’agit de la seule infraction ou de
l’infraction principale.
Au total, en comptant les cas où
il ne s’agit pas de l’infraction
principale (par exemple couplée
avec une agression), le nombre
de condamnations pour outrage,
rébellion ou menaces est passé
de 25 000 en 2016 à près de
28 000 en 2019 (+ 12 %). Ces délits
sont passibles respectivement
d’un an d’emprisonnement et
15 000 euros d’amende, deux ans
et 30 000 euros d’amende, trois
ans et 45 000 euros d’amende.
Cette forte augmentation porte
en elle l’incompréhension qui peu
à peu s’installe entre les forces de
l’ordre et une partie des citoyens.
Pour Laurent­Franck Lienard, avo­
cat spécialisé dans la défense des
policiers et des gendarmes, cet ac­
croissement des outrages traduit
une évolution des mentalités : « Il
y a un effondrement de l’autorité
policière. Les agents ne peuvent
plus exercer sur la voie publique
sans voir leurs actions contestées
de toutes parts. Avant, il n’y avait
que les délinquants qui se rebel­
laient, désormais, c’est le simple
passant qui vient contester. »
Outre cette généralisation de la
défiance, de nombreux policiers
se plaignent d’être de plus en plus
souvent insultés. « Aujourd’hui,
être sur une journée de maintien
de l’ordre, ça veut dire se faire
traiter de tous les noms pendant
toute la journée, sans rien pouvoir
faire, à force ça use les troupes »,
explique un capitaine de police,
qui assure que le respect envers
l’uniforme s’est effondré ces der­
nières années.
« Se couvrir »
La multiplication des épisodes ten­
dus avec les « gilets jaunes » expli­
que en partie cette augmentation
des outrages. Mais pour les avocats
des manifestants, ces chiffres tra­
duisent surtout un recours de plus
en plus massif à des plaintes abusi­
ves déposées par les forces de l’or­
dre, faute de réel grief à reprocher à
la personne interpellée. « Le poli­
cier est à la fois victime et juge de
l’infraction, explique Me Raphaël
Kempf, pour qui l’outrage pourrait
être puni d’une simple contraven­
tion. Le fait que ce soit un délit puni
d’un an d’emprisonnement donne
au policier le droit d’interpeller la
personne pour la ramener en garde
à vue. En dépénalisant l’outrage, on
éviterait de nombreuses interac­
tions violentes entre les forces de
l’ordre et les citoyens. »
Pour Me Yassine Bouzrou, spé­
cialiste des dossiers de violences
policières, le dévoiement des tex­
tes va plus loin. « A partir du mo­
ment où un contrôle se passe mal,
à partir du moment où la per­
sonne interpellée se plaint d’insul­
tes ou de coups, il y a systémati­
quement une procédure pour
outrage en représailles pour se
couvrir », assure­t­il, regrettant
que la parole des fonctionnaires,
notamment retranscrite sur pro­
cès­verbal, l’emporte quasi systé­
matiquement à l’audience.
Une « présomption de crédibi­
lité » pour les forces de l’ordre qui
n’a aucun fondement juridique,
selon Anne­Laure Maduraud,
magistrate et autrice d’un article
intitulé « Sur les PV, l’outrage »,
publié dans la revue Délibérée, du
Syndicat de la magistrature.
« Beaucoup de gens pensent que
les procès­verbaux de policiers
font foi jusqu’à preuve du con­
traire, mais cela n’a aucun fonde­
ment juridique. Les PV de police ne
valent qu’à titre de “renseigne­
ment”. Ils ne doivent pas peser da­
vantage à l’audience que l’audi­
tion du prévenu, par exemple. »
Les enquêtes pour outrage ou ré­
bellion se contentent d’ailleurs
souvent de confronter la version
des policiers à celle de la personne
interpellée. La première l’emporte
souvent, sauf dans les cas où des
vidéos viennent prouver le con­
traire. « Dans 95 % des cas, le PV est
certainement fidèle à la réalité, car
les policiers s’en prennent souvent
plein la figure, le problème, c’est
pour les autres 5 % auxquels on ac­
corde le même crédit les yeux fer­
més », confie un magistrat du par­
quet. Difficile pour les juges de
faire la part. Parfois, c’est l’expé­
rience qui prend le pas. « A force,
on repère les policiers qui abusent
et qu’on voit toujours revenir pour
des outrages ou des rébellions, as­
sure une juge. On voit les procédu­
res, et on parie entre nous que c’est
telle ou telle équipe de BAC : on est
rarement déçus. » 
nicolas chapuis
et jean­baptiste jacquin
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
frontement dans les relations poli­
ce­population », est­il écrit.
Il s’agit souvent d’arrestation de
groupes. Selon le Défenseur des
droits, cette pratique a tendance à
nuire aux droits des citoyens, la
retenue ayant tendance à s’allon­
ger vu le nombre de procédures
concomitantes à gérer. Il n’est pas
rare, qui plus est, que des mi­
neurs soient interpellés dans ce
cadre, ce qui devrait pousser les
forces de l’ordre « à prendre en
compte l’intérêt supérieur de l’en­
fant dans le choix des modalités
de leur intervention ».
AGENTS PAS IDENTIFIABLES
Au rayon des personnes à proté­
ger particulièrement, Jacques Tou­
bon demande qu’une attention
spécifique soit portée aux « obser­
vateurs issus de la société civile »,
au même titre que les journalistes.
Un certain nombre d’organisa­
tions appointent ces personnes
chargées notamment de filmer le
déroulement des manifestations
et des opérations de maintien de
l’ordre, comme la Ligue des droits
de l’homme. Des saisines sont re­
montées faisant état, vidéos à l’ap­
pui, d’observateurs victimes
d’usage de la force de la part de la
police ou de la gendarmerie, alors
que leur qualité était visible.
Le Défenseur des droits regrette
aussi que trop de fonctionnaires
et de militaires ne soient pas iden­
tifiables sur le terrain, ne portant
pas distinctement leur matricule,
ou empêchent les prises de vue et
de son, ce qui est illégal.
Enfin, sur la question des armes
intermédiaires, le Défenseur des
droits rappelle qu’il demande l’in­
terdiction du lanceur de balles de
défense (LBD) dans le cadre du
maintien de l’ordre. Mais « si cet
usage devait perdurer », il se féli­
cite de l’annonce du gouverne­
ment « d’équiper de caméras­pié­
tons les forces de l’ordre dotées de
LBD » et demande « la généralisa­
tion d’un tel dispositif ». Une ma­
nière de rappeler entre les lignes
que cette annonce de Christophe
Castaner remonte à janvier 2019
et que, un an et demi plus tard,
l’équipement des troupes sur le
terrain n’a pas beaucoup évolué. A
charge pour le nouveau ministre
de faire bouger les lignes sur un
dossier qui fait consensus même
chez les forces de l’ordre. 
nicolas chapuis
L’IGPN, une
institution à réformer
Les enquêtes de la police des polices sont
de plus en plus critiquées par les citoyens
ANALYSE
L es quatre lettres qui com­
posent son sigle sont de­
venues le symbole du
malaise ambiant qui entoure
l’action des forces de l’ordre.
IGPN, pour inspection générale
de la police nationale. La police
des polices, qui a réussi l’exploit
de passer du statut de service le
plus détesté au sein des rangs à
celui de service le plus critiqué
dans la population. C’est là tout
le paradoxe de cette institution,
qui cultive ces dernières années
une double réputation : celle
véhiculée en interne, où l’on
considère qu’elle traite très du­
rement les agents pris la main
dans le sac ; et celle circulant à
l’extérieur, où le service est sou­
vent brocardé pour son
laxisme et sa partialité, surtout
quand il s’agit de dossiers de
violences policières.
Est­ce la pression médiatique,
ou simplement les effets du ca­
lendrier judiciaire ? Ces derniè­
res semaines, l’IGPN a sorti
coup sur coup plusieurs belles
« affaires », à commencer par
l’enquête au long cours sur les
agissements frauduleux au
sein de la compagnie de sécuri­
sation et d’intervention de Sei­
ne­Saint­Denis (CSI 93).
L’IGPN a aussi fait un grand
pas dans l’enquête du Burger
King, ces CRS qui avaient frappé
des manifestants dans un res­
taurant proche des Champs­
Elysée, le 1er décembre 2018.
Quatre d’entre eux ont été mis
en examen en juin. Enfin l’af­
faire Chouviat, du nom de ce li­
vreur mort à la suite d’une in­
terpellation sur les quais de
Seine à Paris, le 3 janvier, a aussi
connu des avancées significati­
ves conduisant à la garde à vue
des quatre agents impliqués.
De l’autre côté, nombre de
dossiers patinent. Faute d’élé­
ments probants, jurent les en­
quêteurs, faute de zèle, rétor­
quent les détracteurs. La plus
symbolique – mais pas la seule,
loin de là – reste l’affaire de la
mort de Steve Maia Caniço,
tombé dans la Loire à Nantes la
nuit de la Fête de la musique
2019, alors que la police procé­
dait à une charge sur les quais.
Les investigations peinent tou­
jours à établir l’heure exacte de
la chute du jeune homme.
L’IGPN a été en partie désa­
vouée par le premier ministre,
qui avait missionné l’été der­
nier l’inspection générale de
l’administration (IGA) pour en­
quêter sur la manœuvre con­
troversée des policiers.
Semi-réforme
Le 8 juin, entre autres annon­
ces qui avaient consommé sa
rupture avec les forces de l’or­
dre, Christophe Castaner avait
promis une réforme de l’IGPN,
et partant de l’IGGN, son équi­
valent gendarmesque, dont
l’action plus discrète – et moins
transparente – est beaucoup
moins soumise à la critique du
grand public. Il avait proposé
que l’IGA, qui dépend directe­
ment du ministre de l’inté­
rieur, supervise les enquêtes
les plus graves, pour la partie
administrative. Le judiciaire
resterait entre les mains de
l’IGPN et de l’IGGN. Un comité
citoyen au sein de l’IGPN pour­
rait également voir le jour.
Une semi­réforme que
Gérald Darmanin retrouve
aujourd’hui en bonne place
dans la pile de ses dossiers sen­
sibles. Plusieurs options s’of­
frent à lui. La maximaliste ver­
UN COMITÉ CITOYEN
AU SEIN DE L’IGPN 
POURRAIT 
VOIR LE JOUR
rait le nouveau locataire de
Beauvau donner à l’IGPN son
indépendance, coupant ainsi
court au principal reproche
fait à cette inspection, celui de
chercher à protéger l’institu­
tion policière plutôt que les
citoyens. Au Royaume­Uni, un
système similaire est en place :
si la plupart des plaintes sont
traitées par les services de
déontologie de la police, les
faits les plus graves remontent
à une inspection indépen­
dante, dont le directeur n’est
pas policier et qui dépend di­
rectement du secrétaire d’Etat
à l’intérieur.
Cette solution aurait un in­
convénient principal pour
Gérald Darmanin : elle provo­
querait la fureur de la direction
générale de la police nationale
(DGPN), qui perdrait là son
principal organe de contrôle de
l’institution et donc une
grande partie de son pouvoir.
La Préfecture de police de Paris
y est en revanche favorable en
sous­main. Et pour cause, elle a
perdu de son côté le contrôle
de sa propre inspection géné­
rale des services (IGS), un ser­
vice dissous en 2012 à la suite
d’un scandale de faux dossier,
révélé à l’époque par Le Monde.
Elle verrait donc d’un bon œil
sa grande rivale logée à la
même enseigne.
La deuxième option consiste
à renforcer l’IGPN actuelle qui
croule sous les dossiers, tout
en mettant en place un con­
trôle plus strict de la part de
l’IGA. Le service d’enquête qui
compte une centaine de per­
sonnes a traité 1 460 dossiers
judiciaires et 224 dossiers ad­
ministratifs en 2019.
L’inspection ne se résume qui
plus est pas qu’à cette activité,
elle mène en réalité plusieurs
missions de front, parmi les­
quelles des audits des services,
des formations, des consulta­
tions juridiques… L’IGPN serait
donc preneuse de renfort. En
revanche, les troupes voient la
tutelle de l’IGA d’un mauvais
œil, estimant que cette inspec­
tion ne dispose pas de moyens
d’enquête comparables aux
siens et n’a donc pas de leçons à
donner. Un jugement similaire
à celui porté sur le Défenseur
des droits, dont les décisions
agacent en interne.
Reste une dernière solution
innovante, « disruptive », di­
rait­on en langage macronien.
Profitant du fait que la France
dispose de deux forces de sécu­
rité et donc de deux inspec­
tions générales, les principales
enquêtes sur la police, qui con­
cerneraient les faits les plus
graves, pourraient être con­
fiées à la gendarmerie et inver­
sement. Le tout­venant reste­
rait quant à lui entre les mains
de chaque institution. Cela ar­
rive déjà, mais de manière très
occasionnelle, quand un ma­
gistrat s’agace des ratés d’une
enquête. Cette option permet­
trait de lever une grande partie
des soupçons du public et de
garantir l’impartialité des en­
quêteurs. Mais elle a contre elle
un argument de poids : elle ne
ferait plaisir à personne au sein
des forces de l’ordre. 
n. ch.
« Les cultes ne peuvent
pas être le parent pauvre
de la solidarité nationale »
Le président du Consistoire, Joël Mergui, enjoint
à l’Etat d’aider la communauté juive, affaiblie par
le Covid­19, au nom d’un « enjeu humain majeur »
ENTRETIEN
C
omme les autres lieux
de culte, les synagogues
ont prudemment rou­
vert début juin. Mais
leur fermeture pendant près de
trois mois a mis à mal leur équili­
bre financier. Le président du
Consistoire central des commu­
nautés juives, Joël Mergui, appelle
l’Etat à étendre aux cultes la soli­
darité nationale postépidémique.
Le Covid­19 a durement frappé
certaines communautés juives
– et vous personnellement.
Comment se portent­elles
aujourd’hui ?
La communauté juive a été très
touchée en effet. Elle est très im­
plantée dans des régions où la
maladie a sévi, comme l’Ile­de­
France et le Grand­Est. Et la fête de
Pourim a malheureusement eu
lieu peu avant le confinement.
Aujourd’hui, nos communautés
pansent leurs plaies et essaient de
se reconstruire.
Comment les communautés
ont­elles fait face à ces deuils ?
La douleur est grande. Certains
ont perdu des êtres chers sans
pouvoir leur tenir la main, les ac­
compagner au cimetière. Le kad­
dish (la prière des morts), si impor­
tant dans l’histoire du judaïsme,
n’a pu être prononcé, faute de pou­
voir se réunir dans les synagogues.
On a pu surmonter ce moment
très difficile par un principe fonda­
mental du judaïsme qui se résume
par ces mots : « Tu choisiras la
vie. » Les décisionnaires religieux
juifs ont été unanimes : en cas de
risque pour la vie, on peut suspen­
dre les règles religieuses. Un adage
talmudique très ancien dit ainsi :
« Quand la mort est dans la rue, tu
restes chez toi. » C’est la base du
confinement !
Et puis il a fallu s’occuper des
personnes isolées lors de la fête de
Pessah, fête de la solidarité par
excellence. Il a fallu continuer à
fournir de la nourriture casher en
cette période de fête où la com­
munauté en avait davantage be­
soin sans pouvoir trop sortir.
Où en est la réouverture
des synagogues ?
Nous n’avons pas demandé une
ouverture trop rapide. Nous vou­
lions être sûrs que l’épidémie ne
repartait pas après la première
étape du déconfinement. Nous
sommes restés sur le principe de
précaution : malgré la fête de
Chavouot fin mai, nous n’avons
pas voulu rouvrir à ce moment­là,
comme l’aurait permis une déci­
sion du Conseil d’Etat. Nous
avons préféré attendre début juin,
date initialement prévue par le
gouvernement.
N’avez­vous pas, comme
certains catholiques, perçu
comme un signe de défiance
la décision du gouvernement
de ne pas autoriser la reprise
des cultes plus tôt ?
J’ai conscience qu’un lieu de
culte est plus à risque qu’un autre
« Nous sommes
dans une
situation
intenable :
nos recettes se
sont effondrées »
lieu. Il est beaucoup plus difficile
de faire respecter des gestes bar­
rières dans un endroit où les gens
ont une certaine familiarité. On
se retrouve, on parle, on chante, il
y a une convivialité naturelle.
Donc je fais partie de ceux qui
recommandent la plus grande
prudence.
Concrètement, faut­il s’inscrire
pour suivre un office ?
Oui, dans la majorité des com­
munautés. Un protocole rigou­
reux a été mis en place, les distan­
ces sont respectées, le masque est
obligatoire. Le 8 juillet, nous
avons organisé une prière dans
les synagogues, à l’échelle euro­
péenne, à la mémoire des person­
nes mortes pendant le confine­
ment. Nous nous dirigeons vers
Roch Hachana et Kippour [du 18
au 28 septembre], il est fonda­
mental que la sécurité sanitaire
soit bien rodée. Des salles supplé­
mentaires seront nécessaires, et
je lance d’ailleurs un appel en ce
sens aux municipalités.
Quelle est la situation finan­
cière des communautés juives
après le confinement ?
Elle est très difficile. Nos com­
munautés ne vivent que des
contributions des fidèles. Or, il
n’y a pratiquement pas eu de
dons pendant trois mois, alors
que des fêtes centrales de notre
calendrier, Pessah, Lag ba’omer et
Chavouot, devaient avoir lieu. La
reprise se fait avec moins de
monde et les fidèles aussi ont des
préoccupations économiques.
L’institution consistoriale, à
Paris, a la responsabilité directe
d’une centaine de communautés
de la région, elle verse des salaires
à plus de 600 personnes et assure
le maintien des services fonda­
mentaux à la vie juive. Contraire­
ment à l’ensemble des corps
socioprofessionnels de notre
pays, le personnel religieux est le
seul à n’avoir pu bénéficier de dis­
positifs de solidarité [il ne cotise
pas aux Assedic], malgré la ferme­
ture des synagogues. Nous som­
mes dans une situation intena­
ble : nos charges demeurent très
lourdes alors que nos recettes se
sont effondrées.
Comment rétablir la situation ?
Nous nous sommes toujours re­
posés sur la solidarité interne et
faisons appel à la générosité de
notre communauté et de ses amis.
Toutefois, face à cette situation ex­
ceptionnelle, cela ne suffit plus.
L’Etat a trouvé des moyens hors
du commun pour accompagner
toutes les structures, du privé au
public, de l’associatif au culturel,
des salariés aux indépendants, des
artistes aux sportifs. Le président
de la République a parlé à juste
titre de « guerre » contre le virus.
Au lendemain d’une guerre, il faut
reconstruire.
Comment l’Etat peut­il aider
les cultes alors que la loi
de 1905 l’interdit ?
Le Consistoire a toujours été res­
pectueux de la laïcité. Toutefois, à
l’heure où la République se mobi­
lise pour aider ses enfants, la soli­
darité doit s’étendre à tous. Il
existe aujourd’hui de multiples
moyens pour aider les cultes sans
faire d’entorses à la laïcité, à la­
quelle nous sommes très atta­
chés. J’ai fait plusieurs proposi­
tions en ce sens. Je suis convaincu
que, si la volonté est là, nous trou­
verons avec le nouveau gouver­
france | 15
« La laïcité
n’est jamais
menacée lorsque
l’Etat défend
ses enfants
face à des
risques vitaux »
nement les moyens d’aider les
cultes à surmonter cette période
sans précédent. C’est en fait une
aide aux conséquences du Co­
vid­19 dont il est question et non
aux cultes. Le pire serait d’en res­
ter à la vision caricaturale et sim­
pliste de la laïcité qui condamne­
rait à l’inaction. Nous souhaitons
que l’Etat permette aux fonda­
tions juives qui le souhaitent
d’aider les synagogues et le ju­
daïsme, aujourd’hui en danger.
Demandez­vous une entorse
au cadre de la laïcité qui inter­
dit aux associations cultuelles
de recevoir l’aide de fonda­
tions, qui, elles­mêmes,
touchent des fonds publics ?
J’ai toujours été un défenseur de
la laïcité et je ne veux pas y tou­
cher. Mais les cultes ne peuvent
pas être le parent pauvre de la so­
lidarité nationale. La laïcité n’est
pas synonyme d’indifférence ou
de désintérêt à l’égard des cultes
et de leur personnel. La laïcité
n’est jamais menacée lorsque
l’Etat défend ses enfants face à des
risques vitaux, aussi bien face au
risque terroriste, que face aux
conséquences des catastrophes
sanitaires ou naturelles.
Quant aux fondations, elles ne
touchent pas toutes des fonds pu­
blics. Par exemple, les fonds resti­
tués de la spoliation des juifs au
moment de la Shoah, qui a con­
cerné sans distinction religieux et
laïques, ne peuvent moralement
exclure le champ religieux sous
prétexte de laïcité.
La synagogue est le pivot de la
vie juive. Si nos synagogues sont
fragilisées, c’est toute la vie juive,
même non religieuse, qui peut
être fragilisée. Si on veut mainte­
nir un judaïsme en France, il faut
que les synagogues puissent con­
tinuer à exister et rester actives.
La crise sanitaire s’ajoute aux
nombreux défis surmontés par
nos institutions ces dernières an­
nées : l’antisémitisme, la sécurisa­
tion des lieux de culte, les vagues
de départ de certains juifs fran­
çais… Cela fait beaucoup et nous
devons rester extrêmement vigi­
lants à ne pas affaiblir les structu­
res de la communauté juive à une
époque de crise sociale et écono­
mique, souvent propice dans
l’histoire à un retour des haines.
Le judaïsme est prêt à prendre
toute sa part dans la période de
reconstruction qui s’ouvre pour
notre pays. Au­delà de l’enjeu
économique incontournable
pour prévenir l’effondrement des
structures communautaires, il y
a un enjeu humain majeur. Nos
concitoyens ont désormais be­
soin de structures fortes pour
panser leurs plaies et puiser une
chaleur humaine qui a fait tant
défaut ces derniers mois. C’est à
ce rôle que nos communautés
s’emploient au quotidien depuis
des siècles, qui constitue le fon­
dement du « vivre­ensemble » et
de la « fraternité » si chers à notre
République. 
propos recueillis par
cécile chambraud
 0123
16 | france SAMEDI 11 JUILLET 2020

A Lille, les avocats interdits de L’islam de France imaginé

par Gérald Darmanin
décorations et de signes religieux E n succédant à Christophe Castaner comme ministre de
l’intérieur, mardi 7 juillet, Gérald Darmanin a hérité, en
plus de la sécurité, d’un dossier sur lequel, au début de
La cour d’appel de Douai a donné raison au barreau de Lille, qui avait interdit son quinquennat, Emmanuel Macron attendait du neuf : les re­
lations avec l’islam. Lors de la passation des pouvoirs entre eux,
à ses avocats le port du voile à l’audience après un incident avec une élève le nouveau locataire de la Place Beauvau ne s’est pas étendu sur
ce compartiment de son portefeuille ni sur son intention de
faire bouger les choses dans ce domaine dans le laps de temps
avant l’élection présidentielle. Il a néanmoins glissé d’une

U
n ordre d’avocats
peut­il imposer à ses
membres, lorsqu’ils se
présentent à l’audien­
ce, de ne porter ni décoration ni
signe « manifestant ostensible­
ment une appartenance ou une
opinion religieuse, philosophique,
communautaire ou politique » ?
Oui, a répondu jeudi 9 juillet la
cour d’appel de Douai, saisie d’un
recours contre une délibération
du barreau de Lille.
Au commencement de toute
cette histoire se trouve l’incident
qui a opposé, en décembre 2018,
une élève avocate de confession
musulmane, Sarah Asmeta, à la
direction de son école. La jeune
femme revendiquait le droit de se
présenter la tête couverte d’un
foulard à sa prestation de ser­
ment. En dépit des « recomman­
dations » insistantes qu’elle avait
reçues, tant du directeur de son
école que du premier président de
la cour d’appel de Douai, Sarah As­
meta avait refusé de venir tête nue
à cette cérémonie, au nom de sa li­
berté de conscience et de religion,
telle qu’elle est affirmée par l’arti­
cle 10 de la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen et par
l’article 9 de la Convention euro­
péenne des droits de l’homme.
Dans la foulée, le conseil de l’or­
dre du barreau de Lille votait, le
24 juin 2019, une délibération
modifiant son règlement par
l’ajout d’un article qui disposait
que « l’avocat ne peut porter avec
la robe ni décoration, ni signe
manifestant ostensiblement une
appartenance ou une opinion
religieuse, philosophique, commu­
nautaire ou politique ».
La délibération était adoptée
par 18 voix pour, 2 contre, 1 abs­
tention sur 21 votants. L’un des
deux opposants, Me Mehdi Ziatt,
décidait alors de déposer un
recours contre cette décision
devant la cour d’appel de Douai,
au motif que celle­ci ne visait en
réalité que le port du foulard et
constituait « une grave discrimi­
nation basée sur le genre et sur la
religion ». Sarah Asmeta et le Dé­
fenseur des droits se joignaient à
lui pour demander l’annulation
de la délibération.
« Confusion des rôles »
A l’audience, qui s’est tenue le
8 juin, ils soutenaient, d’une part,
que le conseil de l’ordre du bar­
reau de Lille avait outrepassé son
pouvoir et, d’autre part, que sa
décision contrevenait aux liber­
tés constitutionnelles. Ils obser­
vaient en outre que « les avocats
usent depuis longtemps de leur
droit d’exprimer publiquement, y
compris en portant la robe, leurs
convictions politiques ». Ils ci­
taient en exemple les manifesta­
tions de soutien aux droits des
personnes homosexuelles, bi­
sexuelles ou transgenres par le
port de pin’s arc­en­ciel ou
d’autocollants associatifs, ou la
protestation récente contre le
projet de réforme des retraites du
gouvernement, qui avait conduit
plusieurs d’entre eux à arborer
sur leur robe un rabat de couleur
rouge. « Non seulement ces faits,
notoires, n’ont donné lieu à
aucune velléité de poursuites dis­
ciplinaires, mais personne ne sem­
ble avoir soutenu qu’il y aurait
là une entorse aux règles de la pro­
fession », soulignaient­ils dans
leurs conclusions.
En défense du barreau de Lille,
Me François Saint­Pierre faisait
valoir au contraire que « la mis­
sion d’un avocat assurant en robe
En attendant
la décision
de la Cour
de cassation,
les avocats
lillois devront
se présenter en
cheveux devant
les juges
la défense d’un justiciable devant
une juridiction est de défendre la
cause de son client, et non de faire
entendre la sienne ». Or, poursui­
vait l’avocat, « le port d’insignes
sur la robe n’a pas d’autre sens que
de communiquer un message
personnel de celui­ci à l’adresse des
magistrats composant cette
juridiction, des avocats des autres
parties au procès, des parties elles­
mêmes et du public ».
Se revendiquer « membre d’une
communauté, d’un parti politi­
que, d’une obédience, adhérent
d’une philosophie ou d’une reli­
gion » produit, selon Me Saint­
Pierre, une « confusion des rô­
les qui est à l’évidence contraire
aux principes fondamentaux de la
profession d’avocat, en particulier
de conscience et d’indépen­
dance ». Cette position était par­
tagée par le ministère public.
Dans son arrêt, la cour d’appel
leur donne raison. Le barreau de
Lille n’a pas outrepassé son pou­
voir, estiment les juges. « La vo­
lonté d’un barreau, représenté par
son conseil de l’ordre, de faire obli­
gation à ses membres, lorsqu’ils se
présentent devant une juridiction,
pour assister ou représenter un
justiciable, de revêtir un costume
uniforme, concourt à assurer l’éga­
lité des avocats et à travers celle­ci
l’égalité des justiciables, qui est un
élément constitutif au droit au
procès équitable », indique l’arrêt.
Quant au port des décorations,
interdit dans la foulée par la
délibération du barreau de Lille, la
cour rappelle que le code de la
Légion d’honneur, de la médaille
militaire et de l’ordre national du
Mérite ne « l’impose que sur le
costume officiel (grande tenue) ou
sur l’uniforme militaire (grande
tenue), ce que n’est pas la robe
noire d’avocat ».
Enfin et surtout, la cour reprend
l’argumentation de la défense en
considérant que « chaque avocat
dans l’exercice de ses fonctions de
défense et de représentation se
doit d’effacer ce qui lui est person­
nel au profit de la défense de son
client et du droit, le port de la robe
sans aucun signe distinctif étant
nécessaire afin de témoigner de
cette disponibilité à tout justicia­
ble ». La cour observe, en conclu­
sion, que si la délibération du bar­
reau ne saurait interdire à une
élève avocate de porter le foulard
lors de sa prestation de serment,
au nom du respect de sa liberté
de religion, cette même liberté
doit « céder lorsqu’elle intervient
comme auxiliaire de justice,
concourant au service public de la
justice, devant la protection des
droits et la liberté du justiciable ».
En attendant la décision de la
Cour de cassation devant laquelle
les plaignants ont annoncé un re­
cours, les avocats lillois devront
se présenter en cheveux devant
les juges et, pour certains d’entre
eux, retirer le ruban rouge ou bleu
qu’ils arborent sur leur robe. 
pascale robert­diard
phrase son intention de « lutter de toutes [ses] forces contre l’is­
lamisme politique qui attaque la République ». Se chargera­t­il
personnellement de cette action ? Sera­t­elle confiée à Marlène
Schiappa, ministre déléguée à « la citoyenneté », dont la feuille
de route est en cours de définition ? En tout état de cause, Gé­
rald Darmanin arrive avec quelques idées précises sur la mis­
sion qui doit être celle de l’Etat en direction du culte musulman.
Il les a consignées il y a quatre ans dans un document intitulé
« Plaidoyer pour un islam français. Contribution pour la laïcité »,
qu’il avait adressé aux candidats à la primaire de la droite en vue
de l’élection présidentielle. Sur soixante­cinq pages dédiées à
son grand­père, « l’adjudant­chef Moussa Ouakid, 13e régiment
des tirailleurs algériens, héros français », le jeune maire (LR) de
Tourcoing détaillait comment il proposait de s’inspirer de la po­
litique de Napoléon envers le judaïsme pour « imposer [à l’islam]
une concorde, c’est­à­dire un ensemble de règles, peut­être pour un
temps défini, afin de l’assimiler totale­
ment à la République ». Face au « ris­
EN 2016, LE MINISTRE  que de rupture » entre « les millions de
musulmans vivant en France et la Ré­
ESTIMAIT QUE LA  publique », face à « la guerre civile » qui
RÉPUBLIQUE DEVAIT  «pour couve », la République devait opter
une politique résolue « d’assimi­
OPTER POUR UNE  lation », écrivait­il.
Par quels moyens ? Gérald Darma­
POLITIQUE RÉSOLUE nin s’attaquait d’abord à des signes de
visibilité de l’islam dans l’espace pu­
« D’ASSIMILATION » blic. Les « signes ostentatoires », ce qui
semble désigner le voile, seraient
ainsi interdits à l’université « durant les heures d’enseignement ».
Dans l’espace public, serait interdit « tout vêtement ostensible­
ment prosélyte ou qui tendrait à discriminer les femmes ». La cons­
truction de minarets serait elle aussi proscrite. Des manifesta­
tions sexistes parfois associées à des croyances religieuses rigo­
ristes seraient combattues dans l’entreprise. Ainsi, un salarié qui
refuserait de travailler sous les ordres d’une personne de sexe –
ou de religion – différent pourrait être licencié sans préavis.
Pour ce qui est du culte proprement dit, une cotutelle serait
exercée, du côté de l’Etat, par un ministre des cultes et de la laïcité
et, du côté musulman, par un grand conseil de l’islam de France.
Ce nouvel organisme, inspiré du Consistoire central israélite,
remplacerait le Conseil français du culte musulman, créé,
en 2002, par Nicolas Sarkozy, mais devenu selon lui « inopérant »
faute de pouvoir, de légitimité et d’indépendance à l’égard des
pays d’origine. Toutes les mosquées devraient obligatoirement
être agréées par le ministère des cultes et s’affilier, sous peine de
fermeture, au grand conseil. Celui­ci nommerait et révoquerait
les imams de toutes les mosquées et dirigerait une fondation
compétente pour la construction des lieux de culte et la gestion
des formations d’imams. Il nommerait un grand imam chargé
de répondre aux questions théologiques. Un institut universi­
taire musulman géré par le grand conseil superviserait les for­
mations. En échange de ce contrôle particulièrement drastique,

L’offensive des départements Gérald Darmanin proposait de permettre aux collectivités loca­
les d’aider financièrement la construction des lieux de culte, par
des avances remboursables ou des garanties d’emprunt. 
cécile chambraud

pour obtenir la tutelle des Ehpad

Les associations d’élus locaux veulent restreindre le rôle des agences régionales de santé JUSTICE Une information
Condamné à judiciaire ouverte dans
trente ans de réclusion, l’affaire du « charnier »

E ntre les grands barons des

territoires et le secteur du
grand âge, le gouverne­
ment va devoir rapidement impo­
ser un cessez­le­feu. L’Association
des maires de France, l’Associa­
tion des départements de France
(ADF) et celle des Régions de
France ont rendu publique, mer­
credi 8 juillet, leur « contribution
au Ségur de la santé » dans la­
quelle elles souhaitent que le dé­
partement soit le seul « pivot des
politiques médicosociales et socia­
les ». Cette antienne décentralisa­
trice est un chiffon rouge pour les
fédérations et les syndicats repré­
sentatifs des maisons de retraite.
Réunies sous la bannière « Ter­
ritoires unis », les trois associa­
tions d’élus locaux souhaitent
que le « rôle des Agences régiona­
les de la santé (ARS) » soit res­
treint « au seul champ sanitaire »,
alors qu’elles copilotent
aujourd’hui les Etablissements
d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes (Ehpad) avec
les départements.
ARS et départements donnent,
en effet, aujourd’hui leur feu vert
pour la création de chaque éta­
blissement et contribuent en­
semble aux financements. « Cette
double tutelle nous prive de sou­
plesse pour l’embauche des per­
sonnels, déplore Didier Fuchs, di­
recteur de l’Ehpad Bartischgut, à
Strasbourg. L’ARS et le départe­
ment n’ont pas forcément les cré­
dits disponibles au même moment
pour financer conjointement des
postes d’aide soignantes. »
« Le chef de filât » sur le secteur
des Ehpads « doit être clairement
reconnu aux départements dans
la future loi grand âge et autono­
mie » promise par l’exécutif à
l’automne, affirme Frédéric
Bierry, patron du Bas­Rhin, éti­
queté Les Républicains, et prési­
dent de la commission des affai­
res sociales de l’ADF.
« Abonnés absents »
Le « new deal départemental »
dont rêve l’ADF permettrait de ré­
duire les lourdeurs administrati­
ves pour les directeurs, fait valoir
M. Bierry. Les crédits d’assurance
maladie aujourd’hui gérés par
l’ARS seraient « délégués » aux dé­
partements qui auraient seuls la
liberté de fixer le montant des
dotations. « Il faut un seul pilote
dans l’avion ! Ce qui n’exclut pas
que l’Etat conserve un rôle de stra­
tège et de contrôle », s’exclame Oli­
vier Richefou, président (UDI) du
département de la Mayenne. Les
départements sont déjà respon­
sables du secteur de l’aide à domi­
cile. Leur confier les Ehpad, fait
valoir l’ADF, permettrait de « dé­
cloisonner » les deux filières.
Le scénario de Territoires unis
est rejeté par quasiment tous les
acteurs professionnels du grand
âge. La « fin d’un financement na­
tional » des Ehpad « ne peut que
« faire croître les inégalités consi­
dérables qui existent déjà » et le
risque d’un « accompagnement à
géométrie variable des personnes
âgées », s’alarment six fédéra­
tions et syndicats d’employeurs,
dans un communiqué, le 2 juillet.
« Il ne s’agit pas de critiquer l’ac­
teur départemental mais de cons­
tater qu’ils ne peuvent pas avoir
tous les même moyens finan­
ciers », affirme Marc Bourquin,
conseiller « stratégie » de la Fédé­
ration hospitalière de France
(FHF). Directrice du centre hospi­
talier Loos Haubourdin (Nord) et
membre de la direction nationale
de la FHF, Séverine Laboue pré­
vient : « Nous n’accepterons pas
d’être la monnaie d’échange d’un
deal politique entre Emmanuel
Macron et les élus locaux. »
« Je suis ulcérée de voir que les dé­
partements osent réclamer d’avoir
la main sur nous alors qu’ils ont
été aux abonnés absents pendant
la crise », s’indigne de son côté
Florence Arnaiz­Maumé, délé­
guée générale du Syndicat natio­
nal des établissements et résiden­
ces privés pour personnes âgées.
Ces réactions révèlent « le corpo­
ratisme de permanents syndicaux
qui n’ont pas envie d’un contrôle
des élus départementaux, riposte
M. Richefou, le patron de la
Mayenne. Si nous devenons res­
ponsables des Ehpad, nous allons
mutualiser les charges, alléger les
coûts salariaux de l’encadrement
et bousculer un statu quo dans le­
quel les groupes privés lucratifs
trouvent leur compte ».
Certains présidents de départe­
ment mettent toutefois en garde
contre les effets pervers de ce
transfert « Il est préférable d’avoir
un seul pilote et que ce soit le dé­
partement qui gère. Mais il faut
d’abord s’assurer que l’Etat nous
donne les moyens financiers à la
clé », prévient Jean­Luc Gleyze,
président (PS) de la Gironde.
Patron de l’ADF, Dominique Bus­
sereau a plaidé devant Emmanuel
Macron, le 16 juin pour que la loi
permette à chaque département
de se « porter volontaire » pour as­
sumer cette compétence. « Il y a un
accord de principe de l’Elysée sur le
médico­social », estime le prési­
dent de la Charente­Maritime, qui
doit soumettre ce scénario à Jean
Castex, le 13 juillet. M. Bierry af­
firme avoir perçu « une ouverture »
de la part d’Olivier Véran, ministre
des solidarités et de la santé, lors
d’une réunion le 26 juin. « Rien
n’est arbitré par la nouvelle équipe
gouvernementale », croit savoir à
l’inverse un expert du dossier. La
nouvelle ministre déléguée à
l’autonomie, Brigitte Bourgui­
gnon, va devoir s’atteler en prio­
rité au déminage du dossier. 
béatrice jérôme
le djihadiste français
Tyler Vilus sera rejugé
Il y aura un second procès
Tyler Vilus. Le parquet natio­
nal antiterroriste a fait appel,
jeudi 9 juillet, de la décision
rendue en première instance
par la cour d’assises de Paris,
qui avait condamné le djiha­
diste français à trente ans de
prison, assortis d’une période
de sûreté des deux tiers.
Le parquet avait requis la
réclusion à perpétuité, assor­
tie d’une période de sûreté
de vingt­deux ans – la peine
maximale – contre l’homme
de 30 ans, jugé pour « associa­
tion de malfaiteurs terro­
riste », « direction d’un groupe
terroriste » et « meurtres en
bande organisée ». Reconnu
coupable de ces trois infrac­
tions criminelles, Tyler Vilus
avait néanmoins échappé à la
perpétuité, la cour ayant sou­
haité « laisser une lueur d’es­
poir » à l’accusé pour lui per­
mettre d’« évoluer ». Tour à
tour recruteur, propagandiste,
policier et combattant au sein
de l’organisation Etat islami­
que, selon le réquisitoire de
l’avocat général, converti à
l’islam, arrivé en Syrie en 2013,
Tyler Vilus avait été arrêté en
juillet 2015 à l’aéroport
d’Istanbul alors qu’il tentait
de regagner l’Europe.
de Paris-Descartes
Nouveau développement
dans le scandale des dysfonc­
tionnements au Centre du
don des corps de la rue des
Saints­Pères, à Paris. Une in­
formation judiciaire a été
ouverte par « réquisitoire in­
troductif », mercredi 8 juillet,
pour « atteinte à l’intégrité du
cadavre », a annoncé, jeudi, le
parquet de Paris. Le pôle santé
publique du parquet de Paris
menait depuis novembre 2019
une enquête préliminaire
à la suite des révélations de
L’Express quant aux dysfonc­
tionnements et dérives liés à
la conservation et à l’usage
des dépouilles dans le pre­
mier centre anatomique de
France, fermé administrative­
ment depuis. Soixante­douze
plaintes ont été déposées par
des familles de défunts pour
« atteinte à l’intégrité d’un ca­
davre ». Pour la vice­prési­
dente de l’association regrou­
pant les familles, Laurence
Dezélée, « cela signifie que
cette affaire débouchera sur
un procès et que les responsa­
bles seront jugés ». Les avocats
de l’université de Paris (ex­Pa­
ris­Descartes), dont dépend le
centre, ont salué une « bonne
initiative » du parquet et
confirmé qu’ils se constitue­
raient partie civile.
 ÉCONOMIE & ENTREPRISE
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
Les industriels veulent des baisses d’impôts
Afin de faciliter les relocalisations, France Industrie milite également pour des exonérations de taxes locales
C’
est la dernière ligne
droite pour pousser
ses idées. A quelques
semaines de l’an­
nonce du plan de relance, les re­
présentants des entreprises in­
dustrielles peaufinent leurs pro­
positions. France Industrie a pré­
senté sa « contribution », jeudi
9 juillet, et pose un préalable à
toute réforme : un allégement de
15 milliards d’euros des impôts de
production (sur un total de
77 milliards), qui pèsent sur la
compétitivité des entreprises.
« Sans cette baisse, ce plan de re­
lance sera bâti sur du sable », af­
firme son président, Philippe Va­
rin. Et l’Etat injectera en pure
perte des milliards d’aides publi­
ques qui doivent, selon l’ancien
patron de PSA, aller en priorité au
soutien à l’innovation et aux sec­
teurs d’avenir.
En 2019, le président de la Répu­
blique s’était engagé sur le prin­
cipe d’une baisse de la pression
fiscale dans le cadre du « pacte
productif », mis entre parenthè­
ses par la pandémie de Covid­19 ;
mais Emmanuel Macron n’avait
pas annoncé de montant précis.
Les 15 milliards réclamés par
France Industrie correspondent à
diverses taxes (la part régionale
de la cotisation à la valeur ajoutée
des entreprises, la contribution
sociale de solidarité des sociétés,
etc.). A charge pour l’Etat de com­
penser cette perte de recettes fis­
cales pour les collectivités locales.
Manque de fonds propres
Depuis 2017, le secteur manufac­
turier avait réussi à stabiliser les
emplois et sa part dans la richesse
nationale (12,4 %), après une quin­
zaine d’années de déclin. La crise
sanitaire a brisé cette dynamique.
Pour l’heure, il n’a retrouvé qu’un
peu plus de 80 % de l’activité
d’avant­crise, comme en Allema­
gne, mais des filières fortes,
comme l’aéronautique et l’auto­
mobile, sont menacées. « Une re­
prise à 100 % n’est pas pour de­
main », souligne M. Varin. Les in­
dustriels prévoient un déficit
d’investissement de 50 milliards
d’euros en 2020­2021, soit un tiers
de moins que leur potentiel de dé­
but d’année.
Au poids de la fiscalité s’ajoute
le manque de fonds propres, plus
criant que jamais. S’ils sauvent
des entreprises d’une faillite im­
médiate, les prêts garantis par
l’Etat (PGE) fragilisent leur bilan
et exposent certaines sociétés à
un rachat par d’« éventuels préda­
Alstom sacrifie son usine de Reichshoffen, vif émoi en Alsace
Pour voir son projet de rachat de Bombardier accepté par Bruxelles, le groupe français propose de se séparer de son site de trains régionaux
strasbourg ­ correspondance
P as question de rater une
nouvelle union ; de revivre
l’échec de la fusion Als­
tom­Siemens bloquée en 2019 par
Bruxelles. Afin d’éviter de voir re­
toqué son projet de rachat (autour
de 6 milliards d’euros) du cana­
dien Bombardier Transport, dé­
voilé en février, l’industriel ferro­
viaire français Alstom a transmis,
jeudi 9 juillet, à la Commission
européenne plusieurs engage­
ments censés lui éviter une posi­
tion dominante sur certains mar­
chés. Parmi ces concessions, la
vente de son usine de trains régio­
naux de Reichshoffen (Bas­Rhin)
provoque un vif émoi en Alsace.
Après avoir étudié le dossier plu­
sieurs mois, la Commission vient
donc de transmettre ses conclu­
sions. Ses préoccupations concer­
nent trois marchés où le poids du
nouvel acteur (un nouveau nu­
teurs inopportuns », s’inquiète
France Industrie. Or, les initiati­
ves actuelles de l’Etat ou des ré­
gions ne totalisent que 10 mil­
liards, quand 20 milliards à
30 milliards d’euros de fonds pro­
pres supplémentaires seraient
nécessaires, estime la Banque de
France. La question se pose alors
d’une allocation d’une partie des
100 milliards d’euros épargnés
par les Français depuis le début de
la crise. Cette période de crise
peut être mise à profit pour en­
courager les (re) localisations et la
réindustrialisation des territoires
– une demande ancienne que la
crise sanitaire a exacerbée. France
Industrie propose des exonéra­
tions fiscales pour hâter ces inves­
tissements.
En s’appuyant sur l’expertise
des professionnels et du Conseil
national des achats (CNA), le cabi­
net de conseil PwC a rendu publi­
méro deux mondial à 15,5 mil­
liards d’euros de chiffre d’affaires)
deviendrait problématique, selon
elle : le matériel roulant à grande
vitesse, la signalisation embar­
quée et surtout les trains régio­
naux, où Alstom­Bombardier pè­
serait, à terme, la moitié des ven­
tes européennes et surtout 100 %
du marché français.
Alstom propose donc plusieurs
remèdes en accord avec la maison
mère de Bombardier Transport.
Dans la grande vitesse, il s’agirait
de se séparer de l’activité des V300
Zefiro de Bombardier, produits
dans le cadre d’une coentreprise
avec le japonais Hitachi, lequel ap­
paraît comme un repreneur natu­
rel. Concernant la signalisation,
Alstom propose d’ouvrir à des
tiers l’accès à sa technologie.
Le gros sujet concerne donc les
trains régionaux, avec la vente
proposée d’une partie du site
Bombardier d’Hennigsdorf, près
que, jeudi 9 juillet, une étude
identifiant « les catégories de pro­
duits les plus propices à une relo­
calisation en France ». Avec un tri­
ple objectif : défendre la souverai­
neté nationale (ou européenne),
sécuriser des approvisionne­
ments et créer des activités et des
emplois. « Localiser et relocaliser
est possible. Nous avons retenu
58 catégories, résume Olivier
Lluansi, associé chez PwC et ex­
conseiller industriel de François
Hollande à l’Elysée.
Vingt catégories de produits
sont à « localiser », car il s’agit de
marchés émergents ou en trans­
formation nécessitant des usines
dans l’Hexagone : santé (anti­
corps monoclonaux, etc.), agroa­
limentaire (emballage en mono­
matériaux recyclables, etc.), élec­
tronique (cellules pour batteries
lithium­ion, etc.). Pour les trente­
huit autres, qui représentent
de Berlin, et de l’ensemble des ac­
tivités liées à la production des
trains SNCF Régiolis (appelés « Co­
radia Polyvalent » dans le catalo­
gue d’Alstom), dont l’assemblage
final se fait à Reichshoffen, et qui
occupe 780 salariés pour environ
400 trains à fabriquer d’ici à 2024.
« Douche froide pour les salariés »
Face à cette nouvelle inattendue,
les réactions de stupeur et d’indi­
gnation n’ont pas tardé. « C’est une
douche froide pour les salariés, qui
ont été mis devant le fait accom­
pli », estimait, jeudi 9 juillet, Da­
niel Dreger, délégué syndical CGT,
à la sortie du CSE extraordinaire
de l’entreprise. Guy­Dominique
Kennel, sénateur LR du Bas­Rhin,
a du mal à contenir sa colère : « On
met en jeu un site avec une
main­d’œuvre extraordinaire et
un carnet de commandes plein.
Prendre une telle décision sans en
avoir discuté au préalable est une
« Une reprise
à 100 % n’est
pas pour
demain »
PHILIPPE VARIN
président de France Industrie
115 milliards d’euros d’importa­
tions, le rapatriement des lignes
de production s’impose. « Si l’on
relocalisait seulement 20 % de ces
38 catégories, note M. Lluansi, cela
permettrait de créer 75 000 em­
plois directs et 220 000 emplois in­
directs. Ce ne serait qu’un début. »
Pour aider ces relocalisations,
France Industrie comme le cabi­
net PwC en appellent au soutien
des directeurs d’achat des entre­
prises, qui se fournissent encore
trop en produits finis ou en biens
pratique révoltante, c’est traiter les
salariés comme du bétail. »
Les critiques ciblent en particu­
lier la logique anticoncurrentielle
de Bruxelles, alors que le rachat
permettait de créer un numéro
deux mondial en mesure de rivali­
ser avec le géant chinois CRRC.
« Une nouvelle fois, et à tort, la
Commission européenne, au lieu de
soutenir son industrie, exige des sa­
crifices industriels », déclare FO­
Métaux dans un communiqué. « A
l’aune d’une crise économique ma­
jeure, il est temps d’adapter les rè­
gles de concurrence pour soutenir
les entreprises européennes », dit
l’eurodéputée LR Fabienne Keller.
Même discours à la région
Grand­Est, où la session plénière
s’est achevée par l’adoption, à
l’unanimité, d’une motion de sou­
tien au site. « Je regrette que la
Commission européenne applique
des règles de concurrence dépas­
sées, s’indigne Jean Rottner, le pré­
intermédiaires à l’étranger, sou­
vent hors d’Europe. Ces derniers
s’engagent sur des volumes et
plusieurs années pour donner de
la visibilité aux investisseurs.
Une vingtaine de projets
Dans un premier temps, le gou­
vernement et les collectivités lo­
cales pourraient lancer un appel à
manifestation d’intérêt afin de
sélectionner les bons territoires
pour une vingtaine de projets.
L’Etat pourrait aussi favoriser
l’achat de produits made in
France par les collectivités. Si on
ne fait rien, prévient M. Varin, l’in­
dustrie manufacturière perdra de
260 000 à 430 000 emplois.
Les relocalisations ne seront
qu’un remède parmi d’autres
pour réduire le nombre de chô­
meurs qui, toutes catégories con­
fondues, atteint désormais
6,7 millions. Au total, 10 000 en­
sident LR de la région. Je rappelle­
rai à Alstom que nous sommes un
de ses clients. La région Grand­Est a
tout de même passé une com­
mande de 375 millions d’euros pour
des trains Régiolis transfrontaliers,
sans compter les trains à hydro­
gène. Nous pourrions reconsidérer
nos commandes si Alstom décidait
de lâcher Reichshoffen. »
Reste à convaincre Bruxelles que
les remèdes proposés sont les
bons. Compte tenu du quasi­mo­
nopole de la future entité dans les
gros marchés régionaux français
(en particulier, en Ile­de­France),
Alstom et Bombardier devaient
sacrifier un site hexagonal pour
satisfaire Bruxelles. C’est le cas
avec Reichshoffen. Mais ce n’est
pas forcément celui qu’atten­
daient les concurrents et donc les
potentiels repreneurs (l’allemand
Siemens, le suisse Stadler, l’espa­
gnol Talgo, voire le chinois CRRC),
qui tablaient plus sur la cession du
| 17
L’usine de Cauquil
SAS, sous­traitant
d’Airbus,
à Mondouzil
(Haute­Garonne),
le 5 juin.
LIONEL BONAVENTURE/AFP
treprises de plus de 50 salariés ont
échappé à la défaillance, si l’on
compare avec le premier semes­
tre 2019, note le cabinet Altares
dans une étude également pu­
bliée jeudi. Elles le doivent à une
adaptation momentanée du droit
et aux aides massives de l’Etat,
notamment le chômage partiel,
qui ont mis des dizaines de mil­
liers d’entreprises sous respira­
teur artificiel.
Un grand nombre d’entre elles
disposaient, entre avril et juin, de
« moins de trente jours de liquidi­
tés pour faire face aux dépenses
immédiates », selon Altares. Un
chiffre, parmi d’autres, ne laisse
pas d’inquiéter : le ratio moyen
d’emplois menacés par entreprise
défaillante est passé de 3,3 à 7,5 au
deuxième trimestre. Emmanel
Macron a raison : « La rentrée sera
très dure. » 
jean­michel bezat
site Bombardier de Crespin (Nord),
plus grosse usine ferroviaire fran­
çaise, totalement intégrée, de l’in­
génierie à l’assemblage.
« Avec Hennigsdorf et Reichshof­
fen, Alstom et Bombardier se dé­
barrassent de deux usines en sous­
charge chronique, c’est de bonne
guerre, détaille un bon connais­
seur du dossier. Mais quel est l’inté­
rêt de reprendre Reichshoffen qui
n’est que le bout de chaîne de l’outil
industriel en réseau d’Alstom ? Un
train qui sort de Reichshoffen a
aussi été fabriqué à Ornans
[Doubs], au Creusot [Saône­et­
Loire], à Tarbes… Cela me surpren­
drait que le remède suffise à con­
vaincre Bruxelles. » Du côté d’Als­
tom et de Bombardier, on assure
que la vente est en bonne voie
pour être finalisée au premier se­
mestre 2021. Réponse de la Com­
mission d’ici au 16 juillet. 
éric béziat (àparis)
et nathalie stey

18 | économie & entreprise
L’Irlandais Paschal Donohoe élu
président de l’Eurogroupe
Le ministre de l’économie de l’Eire l’a emporté sur Nadia Calvino,
la candidate espagnole. Un revers pour Paris et Berlin, qui la soutenaient
londres, bruxelles ­
correspondance, bureau européen
I
l aura fallu deux tours pour
que les dix­neuf ministres
des finances de la zone euro
choisissent celui qui prési­
dera leur cénacle, durant les deux
ans et demi à venir. Et finalement,
ce club informel et très masculin,
qui depuis la crise de la Grèce joue
un rôle fondamental sur la scène
communautaire, a élu, jeudi
9 juillet, l’Irlandais conservateur
Paschal Donohoe, qui remplace
donc son homologue portugais,
Mario Centeno.
L’Espagnole Nadia Calvino,
membre du gouvernement so­
cial­démocrate de Pedro Sanchez,
partait pourtant favorite. Elle
avait d’ailleurs emporté neuf
voix au premier tour – Allema­
gne, France, Espagne, Italie, Por­
tugal, Grèce, Finlande, Malte et
Chypre – et il lui a manqué un bul­
letin pour l’emporter. Mais le re­
trait du Luxembourgeois libéral
Pierre Gramegna avant le second
tour, qui était soutenu par la Bel­
gique, les Pays­Bas et le Luxem­
bourg, a fait le jeu de M. Donohoe.
« Elle ne pouvait pas gagner au
deuxième tour », commente un
diplomate.
Le choix des argentiers euro­
péens n’est pas anodin, alors que
la pandémie due au coronavirus a
mis à l’arrêt l’économie mondiale
et que le Vieux Continent tra­
verse une récession sans précé­
dent (selon les dernières prévi­
sions de la Commission euro­
péennes publiées cette semaine,
la zone euro devrait voir son acti­
vité se contracter de 8,7 %
en 2020).
Il l’est d’autant moins que le
Brexit renforce le poids de l’union
monétaire, qui représente 86 %
du produit intérieur brut de
l’Union européenne, et que le
plan de relance, tel qu’il a été ima­
giné par Bruxelles, dessine l’ébau­
che d’une Europe plus fédérale.
Le groupe Aéroports de Paris pourrait
supprimer 10 % de ses effectifs
Face à la crise, le gestionnaire de Roissy ­ Charles­de­Gaulle et d’Orly lance un plan d’économies
A près Airbus et Air France,
c’est au tour de Groupe
ADP (ex­Aéroports de Pa­
ris) de tailler dans ses effectifs. Se­
lon nos informations, le gestion­
naire d’aéroports pourrait suppri­
mer 600 postes sur environ
6 300. La direction a saisi l’occa­
sion d’un comité social d’entre­
prise extraordinaire, organisé
jeudi 9 juillet, pour proposer
« aux représentants des salariés
d’engager des négociations en vue
d’adapter le modèle économique
et social » du groupe, a indiqué
ADP dans un communiqué.
Il faut dire que la crise a frappé
durement l’entreprise. Le man­
que à gagner en termes de recet­
tes est évalué à 2,5 milliards
d’euros. L’objectif de la direction
est de négocier avec les organisa­
tions syndicales « un accord d’ac­
tivité partielle de longue durée, un
accord de performance collective
et un dispositif de rupture conven­
tionnelle », a indiqué le groupe.
Selon Daniel Bertone, secré­
taire général de la CGT chez ADP,
« la direction voudrait parvenir à
réaliser de 10 % à 15 % d’écono­
mies ». Notamment « en dimi­
nuant la masse salariale »
Très opposé à
l’idée d’une taxe
européenne sur
les géants du
Net, il a été l’une
des personnes-
clés qui ont fait
échouer le projet
Affilié au Fine Gael (centre
droit), au pouvoir depuis 2011,
Paschal Donohoe était le candi­
dat naturel du nord de l’Europe. Si
les Pays­Bas et la Belgique ont
voté au premier tour pour le mi­
nistre luxembourgeois, comme
ils s’y étaient engagés, c’est parce
qu’ils avaient sollicité sa candida­
ture à une époque où seule Nadia
Calvino était dans la course (l’Ir­
lande n’avait alors pas encore de
gouvernement).
Relativement consensuel
Paschal Donohoe n’est pas la bête
noire absolue des pays du Sud,
dans la mesure où son pays, l’Ir­
lande, a dû, comme la Grèce, l’Es­
pagne ou le Portugal, se réformer
en profondeur pour bénéfi­
cier des plans de sauvetage de
l’Europe et du Fonds monétaire
international (FMI), en pleine
crise de la zone euro. « D’ailleurs,
personne ne s’est mobilisé contre
sa candidature », commente un
diplomate. « Sur la zone euro, l’Ir­
lande n’est pas un problème. Ce
n’est pas comme sur la question de
la fiscalité, qui ne relève pas de
l’Eurogroupe », poursuit cette
source.
A l’heure où les Européens ten­
tent de se mettre d’accord sur un
plan de relance et où les blessures
d’il y a dix ans ne sont pas refer­
mées, le nouveau patron de
l’Eurogroupe devait être relative­
ment consensuel. « En tant que
président, je chercherai à jeter des
(560 millions d’euros), déplore le
représentant syndical. En prati­
que, le groupe pourrait négocier
jusqu’à 600 départs.
La direction ne souhaite pour
l’instant pas chiffrer le nombre de
départs. « On veut absolument
donner toutes les chances à la né­
gociation », indique à l’AFP Ed­
ward Arkwright, directeur géné­
ral exécutif d’ADP. Le groupe a
déjà recours au chômage partiel,
qui concerne toujours de 60 % à
65 % des salariés. Avec ce disposi­
tif, il a réalisé une économie de
90 millions d’euros auxquels
viennent s’ajouter 30 millions
d’euros supplémentaires liés aux
efforts des personnels. « Pas d’em­
bauches, pas de promotion, pas de
prime », égrène M. Bertone.
Les échéances devraient s’en­
chaîner rapidement. Selon la
CGT, la direction voudrait trouver
rapidement un accord avec les or­
ganisations syndicales. « Les né­
gociations devraient aboutir
avant la fin octobre » pour que le
coût des restructurations « soit
inscrit dans le budget de 2020 »,
explique Daniel Bertone.
Comme Air France avant lui,
ADP va proposer une rupture
ponts entre tous les membres de la
zone euro et à dialoguer active­
ment avec eux pour faire en sorte
que nous adoptions une approche
consensuelle concernant la re­
lance de nos économies et de nos
sociétés », a déclaré Paschal Dono­
hoe jeudi.
Agé de 45 ans, fan de Star Wars,
décrit comme « très fin, très so­
phistiqué et très intelligent » par
un autre diplomate, le ministre
irlandais de l’économie est un re­
doutable négociateur qui sait
faire consensus. Dans son pays, il
a gravi les échelons du gouverne­
ment un à un : secrétaire d’Etat
aux affaires européennes
en 2013, aux transports, aux
sports et au tourisme en 2014,
aux dépenses publiques en 2016,
puis à l’économie à partir de 2017.
Après la défaite, de justesse, de
son parti aux élections législati­
ves de février, et la création, en
juin, d’un gouvernement de coa­
lition entre le Fine Gael, le Fianna
Fail et les Verts, il a réussi à con­
server son portefeuille, gagnant
la confiance du nouveau premier
ministre, Micheal Martin.
Il y a néanmoins un dossier sur
lequel le ministre de l’économie
irlandais fait nettement moins
l’unanimité en Europe : la fisca­
lité. Vigoureusement opposé à
l’idée d’une taxe européenne sur
les géants du numérique, il a été
l’une des personnes­clés qui ont
fait échouer le projet.
A la place, il a toujours plaidé
pour une approche mondiale sur
la question, par l’intermédiaire
de l’Organisation de coopération
et de développement économi­
ques (OCDE). Mais ce dernier pro­
jet a récemment été mis à mal par
les Etats­Unis, qui se sont retirés
des négociations et menacent dé­
sormais de représailles les pays
qui imposeraient cette taxe.
Craignant une contre­offensive
européenne, Paschal Donohoe
tente de temporiser ; il faisait va­
loir, jeudi 2 juillet, dans le Finan­
conventionnelle collective. L’ob­
jectif est « d’écraser la pyramide
des âges ». En 2018, ADP avait déjà
identifié de 1 300 à 1 400 salariés
susceptibles de partir à la retraite
d’ici à 2025. Ce serait la seconde
coupe claire dans les effectifs en
six ans. En 2014, un plan de dé­
parts volontaires avait déjà
poussé 370 salariés vers la sortie.
La réouverture d’Orly contestée
Outre les suppressions de postes,
la CGT redoute que la « direction
s’attaque à la structure sociale de
l’entreprise ». M. Arkwright s’en dé­
fend. A l’en croire, « l’objectif est de
préserver l’emploi au maximum,
les compétences, et de sauvegarder
cette structure ». Il n’empêche, l’ac­
cord de performance collective
pourrait revenir « sur des avanta­
ges acquis des salariés », s’inquiète
le syndicat. Il craint des atteintes
au temps de travail, la diminution
des congés, la stagnation des ré­
munérations, le retard dans le pro­
cessus d’avancement.
Les salariés ne sont pas les seuls
à être mis à contribution. Les ac­
tionnaires aussi devront, une fois
n’est pas coutume, se serrer la
ceinture. En 2019, ils n’auront eu
cial Times que « le processus de
l’OCDE est seulement en pause,
pas arrêté ».
Le ministre irlandais ne veut
pas d’harmonisation fiscale en­
tre les Vingt­Sept et il défend en­
vers et contre tout le taux d’im­
position sur les sociétés à 12,5 %
de l’Irlande. Il a aussi mené la ba­
taille contre la Commission euro­
péenne à propos de l’imposition
d’Apple.
Le géant américain, très présent
en Irlande, avait été condamné
en 2016 par Bruxelles à payer
13 milliards d’euros d’arriérés
d’impôts au tigre celtique.
D’après Bruxelles, l’entreprise
aurait bénéficié de deux accords
secrets avec Dublin, lui permet­
tant de payer beaucoup moins
que le taux de 12,5 %.
L’Irlande est vent debout contre
cette sanction. Elle se retrouve
dans l’étrange position de refuser
13 milliards d’euros (qui représen­
tent 18 % du budget de l’Etat) et a
fait appel de la sanction de la
Commission. En septembre 2019,
Paschal Donohoe promettait en­
core de mener « une défense très
robuste » du point de vue irlan­
dais sur ce sujet.
Né à Dublin en septembre 1974,
ayant grandi et fait ses études
d’économie et de politique dans
la capitale irlandaise, et élu dé­
puté de Dublin Central depuis
2011, l’homme est un pur produit
de cette ville. Il s’en est cependant
éloigné quelques années à la sor­
tie de l’université, quand il a tra­
vaillé au Royaume­Uni pendant
six ans pour Procter & Gamble. Il
s’est ensuite lancé en politique,
en 2004, d’abord comme con­
seiller municipal à Dublin, puis
sénateur et enfin député. Plutôt à
l’aise dans les médias, habile dé­
batteur, habitué du Forum éco­
nomique mondial de Davos, le
voilà désormais avec un rôle
européen central. 
éric albert
et virginie malingre
qu’un acompte de 69 millions
d’euros sur les 360 millions de di­
videndes qui leur étaient promis.
En 2020, le groupe a décidé de ne
pas verser de dividende. Un vi­
rage à 180 degrés. Depuis 2012 et
l’arrivée aux commandes du
groupe d’Augustin de Romanet,
insiste la CGT, « ADP reverse 60 %
de ses bénéfices aux actionnaires »
dont l’Etat (50,6 %) et Vinci (8 %).
Dans un communiqué, publié
jeudi, le syndicat dénonce le di­
lemme dans lequel se trouve le
groupe. « D’un côté, la situation
économique justifierait la mise en
place de solutions drastiques pour
les salariés, et de l’autre, l’Etat
exige d’ADP un soutien aux com­
pagnies qui vivent en ce moment à
crédit aux dépens de la trésorerie
d’ADP », s’insurge la centrale.
Selon elle, l’Etat et les compa­
gnies aériennes ont obligé ADP,
qui ne le souhaitait pas, à rouvrir
les portes d’Orly. Pour faire des
économies, le groupe voulait re­
grouper, dans un premier temps,
toutes les compagnies aériennes à
Roissy. Aujourd’hui, signale le syn­
dicat, « la réouverture d’Orly coûte
plus cher qu’elle ne rapporte ». 
guy dutheil
PERTES & PROFITS | WELLS FARGO
par phi lippe esc ande
La banque
retient son souffle
Combien de temps une pause
peut­elle durer ? Aussi longtemps
que l’on peut retenir son souffle.
Pour Wells Fargo, cela aura tenu
un trimestre. En mars 2020, la
troisième banque américaine
avait décrété une pause dans sa
restructuration. A l’instar de ses
collègues, elle avait reconnu que
la situation sanitaire et économi­
que justifiait de suspendre les
plans de restructuration annon­
cés en 2019 et début 2020. Mais,
aujourd’hui, la situation devient
critique. Les pertes s’accumulent
sur les crédits. Selon les analystes
de Bloomberg, la banque pour­
rait annoncer un résultat net de
9 millions de dollars (8 millions
d’euros) pour le deuxième tri­
mestre, contre 6,2 milliards pour
la même période en 2019. Alors
le vernis craque. Selon Bloom­
berg, la banque se prépare à an­
noncer des milliers de suppres­
sions d’emplois.
L’érosion s’accélère
Pris en étau entre la numérisa­
tion, qui fragilise la relation avec
le client, et la baisse des taux, qui
réduit la rentabilité de leurs opé­
rations, les établissements chan­
gent de modèle économique et
doivent réduire leurs coûts. D’où
les restructurations annoncées
ces dernières années. En 2019,
une analyse de Wells Fargo proje­
tait 200 000 disparitions de pos­
tes dans la banque américaine sur
la décennie à venir.
La situation est plus sévère en
Europe, où les banques sont
moins profitables et plus con­
traintes par la régulation. En 2019,
plus de 50 000 suppressions de
postes ont été annoncées sur le
Vieux Continent, notamment de
la part de Deutsche Bank et HSBC.
Heureusement, la pyramide des
632 MILLIONS
C’est, en euros, le total des amendes infligées en 2019 par l’Autorité de
la concurrence dans le cadre de 316 décisions et avis rendus, a an-
noncé Isabelle de Silva, sa présidente, jeudi 9 juillet, lors de la présen-
tation de son bilan annuel. C’est deux fois plus important que pour
2018, année pendant laquelle l’institution avait sanctionné des entre-
prises à hauteur de 272 millions d’euros. Parmi les décisions embléma-
tiques de l’Autorité en 2019, les sanctions contre le cartel des Titres
Restaurant, le secteur de la compote ou encore contre Google pour
abus de position dominante sur le marché de la publicité en ligne.
FIS C ALITÉ
Taxe GAFA : la France
fera l’objet de sanctions
américaines, mais elles
seront suspendues
L’administration Trump va
prendre des mesures à l’en­
contre de la France pour sa
taxe numérique, mais repor­
tera leur entrée en vigueur,
tout comme Paris a reporté
la collecte de cette taxe, a an­
noncé, jeudi 9 juillet, le re­
présentant américain au
commerce, Robert Lighthi­
zer. – (Reuters.)
AU TO MO BIL E
Le constructeur
américain
Harley-Davidson veut
supprimer 700 postes
Le fabricant américain des
mythiques motos Harley­Da­
vidson souhaite supprimer
700 postes dans le cadre d’un
vaste plan de restructuration
comprenant le départ de
500 employés dès la fin de
l’année, selon un communi­
qué diffusé jeudi 9 juillet. La
crise liée à la pandémie de
Covid­19 a accentué les diffi­
cultés du groupe de Milwau­
kee, situé dans le Wisconsin,
qui compte environ
6 000 salariés.
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
âges aide à faire passer la pilule.
En France, le nombre de départs
dépasse désormais celui des em­
bauches, qui tourne autour de
40 000 personnes par an. Mais
l’érosion s’accélère.
La crise ne va rien arranger à
cette affaire. Les analystes s’atten­
dent à une explosion des difficul­
tés sur les prêts avec les faillites
d’entreprises. Selon le Financial
Times, les quatre principales ban­
ques américaines pourraient en­
registrer pour 25 milliards de dol­
lars de pertes sur crédit au
deuxième trimestre. A cela
s’ajoute l’accélération du compor­
tement volage des clients. Selon
une étude du cabinet Bain, les
jeunes et les personnes aisées
sont de plus en plus nombreux à
changer d’établissement. Comme
dans le cas du commerce en ligne,
avec la crise sanitaire, le temps
s’est accéléré brutalement. Selon
l’étude, le taux d’attrition des plus
jeunes a doublé en un an et pen­
dant le confinement : « 50 % des
clients ont réalisé des transactions
à distance qu’ils effectuaient habi­
tuellement en agence et souhai­
tent conserver ce mode d’interac­
tion. » Nous voilà désormais
transportés en 2025, et les ban­
ques en ligne parviennent enfin à
convaincre les utilisateurs.
La « retail apocalypse » (« apoca­
lypse de la distribution ») qui ra­
vage les Etats­Unis se propage aux
banques. Heureusement pour el­
les, le métier est très régulé, ce qui
limite le risque d’une concur­
rence sauvage. Et les grands ré­
seaux sont aussi propriétaires des
premières banques en ligne, no­
tamment en France. Jusqu’à pré­
sent, cette révolution était géra­
ble. Mais, aujourd’hui, le rythme
s’accélère. Et les suppressions
d’emplois aussi. 
EN ERGIE
Les actionnaires
de Siemens approuvent
la scission de la division
énergie
Les actionnaires du conglo­
mérat allemand Siemens,
réunis en assemblée générale
extraordinaire, ont approuvé,
jeudi 9 juillet, la scission de la
division énergie, activité his­
torique du groupe que le pa­
tron de l’entreprise veut faire
« sortir du charbon ». En sep­
tembre, 55 % de Siemens
Energy sera introduit en
Bourse. – (AFP.)
DISTRIBU TIO N
Au Royaume-Uni,
4 000 suppressions
d’emplois chez
les pharmacies Boots
Les pharmacies Boots ont an­
noncé, jeudi 9 juillet, qu’elles
prévoyaient de supprimer
4 000 emplois au Royaume­
Uni, soit 7 % de leurs effectifs,
à cause de l’impact économi­
que du coronavirus. Le
groupe de pharmacies pré­
voit notamment la fermeture
de 48 magasins d’optique et
table sur une réduction de
20 % de son personnel admi­
nistratif, afin de baisser ses
coûts. – (AFP.)
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
E
n 1972, Michel Polnareff chante
On ira tous au paradis, Georges
Marchais devient secrétaire
général du Parti communiste
français, et Zinédine Zidane naît.
Cette même année, 16 545 per­
sonnes trouvent la mort sur la route – dé­
compte rectifié porté à 18 034 en comptant les
morts survenues dans les trente jours suivant
l’accident. Jamais la route n’avait autant tué
en une seule année. Jamais elle ne tuera
autant par la suite. Dix­huit mille morts –
50 par jour en moyenne –, soit l’équivalent
d’une ville comme Vitré (Ille­et­Vilaine)
aujourd’hui. Ou comme Mazamet (Tarn) à
l’époque, dont les habitants se coucheront
symboliquement pendant quinze minutes
dans les rues, afin de dénoncer la réalité d’une
hécatombe paraissant alors incontrôlable.
Freiné par l’action du Comité interministé­
riel de la sécurité routière, né le 5 juillet de
cette année­là, le fléau cause aujourd’hui cinq
à six fois moins de victimes. Si le « record » du
nombre de morts le plus bas – 3 488 en 2018 –
a de grandes chances d’être battu en 2020 en
raison de la diminution du trafic lié au confi­
nement, la conduite continue de provoquer
d’intolérables ravages. Le long week­end de
départ en vacances qui débute ce samedi
11 juillet devrait le rappeler. En 1972, juillet
avait été particulièrement meurtrier :
79 morts le 14, jour de la fête nationale ;
148 morts les 22 et 23 juillet ; 158 morts le
week­end suivant. Une boucherie sans égale :
avec 8,8 tués pour 100 millions de kilomè­
tres, la France dépasse alors l’Allemagne (6,6),
l’Italie (5) et les Etats­Unis (3).
Comment le pays a­t­il pu en arriver là ?
Douze ans plus tôt, les germes de la tragédie
étaient déjà en terre. Le 4 janvier 1960, à Ville­
blevin (Yonne), Albert Camus meurt à bord
de la Facel­Vega de son ami Michel Gallimard.
Sa disparition va alerter l’opinion sur les dan­
gers de l’asphalte – comme l’avait fait celle de
James Dean, cinq ans plus tôt aux Etats­
Unis –, mais elle ne changera pas grand­
chose à l’insouciance qui dominait au volant.
Entre 1960 et l’annus horribilis de 1972, le
nombre de tués chaque année sur la route va
ainsi être multiplié par deux. Folle décennie.
CARNAGES À RÉPÉTITION
Cause probable de l’accident d’Albert Camus,
la vitesse est alors libre en France, affranchie
de toute limitation. Mais la vitesse est aussi
un symbole de liberté et de modernité, un
fait culturel, une rupture avec le monde
d’avant. « La notion de mort violente ne faisait
pas peur à la génération ayant connu la
guerre. L’accident lié à la vitesse était inhérent
aux temps modernes », souligne l’historien
Jean­Louis Loubet, auteur d’une Histoire de
l’automobile française (Seuil, 2001).
En cette fin des « trente glorieuses », la puis­
sance des cylindres a aussi ses chantres. Ainsi
Françoise Sagan, qui collectionne les bolides
(Jaguar, Gordini, Aston Martin, Ferrari…) et
multiplie les hymnes à la vélocité dans ses
textes. « La vitesse n’est ni un signe, ni une
preuve, ni une provocation, ni un défi, mais un
élan de bonheur », écrit celle qui avait elle­
même réchappé à une sortie de route et deux
tonneaux en 1957, alors qu’elle roulait à
160 km/h près de Milly­la­Forêt (Essonne). Le
cinéma n’est pas en reste : 1971 voit la sortie
de plusieurs films faisant l’apologie de la
vitesse et de ses risques. Dans Le Casse (1971),
d’Henri Verneuil, une course­poursuite de
neuf minutes met sens dessus dessous un
quartier d’Athènes où la circulation n’a pas
été arrêtée par l’équipe de tournage : le casca­
deur Rémy Julienne sera obligé de s’encastrer
dans une bordure afin d’éviter l’automobile
d’un inconnu arrivant en face.
Les constructeurs, pendant ce temps­là, se
frottent les mains. Accrue de 20 km/h tous les
dix ans, la vitesse de pointe des voitures de
série est désormais l’un des principaux argu­
ments de vente d’un secteur automobile fran­
çais en plein âge d’or (2,7 millions de véhicules
neufs vendus en 1970, contre 2,2 millions
en 2019). Prospectus et publicités flattent
A Mazamet (Tarn), lors d’un happening de sensibilisation aux accidents de la route, organisé par un journaliste de « Paris Match », le 17 mai 1973. AFP
A tombeau ouvert
En 1972, le nombre de morts sur les routes
de France atteignait son record historique,
causant la perte de 18 034 personnes. Au mois
de juillet de cette même année était créé
le Comité interministériel de la sécurité routière
l’ivresse de l’accélération et l’instinct d’agres­
sivité des conducteurs. L’un des plus gros suc­
cès de l’époque, la Peugeot 104 (1,6 million
d’exemplaires vendus entre 1969 et 1971), est
capable d’atteindre « les 176 km/h, départ
arrêté, en 30 secondes », peut­on lire dans les
magazines. « Voici la Golf la plus rapide du
monde », clame, de son côté, Volkswagen à
propos de son dernier prototype. La sainte
vitesse est vénérée jusque dans les pages du
journal de BD pour enfants Spirou à travers les
chroniques de Starter, rubrique créée par Jidé­
hem. Le dessinateur y présente ses derniers
essais, à la manière d’un journaliste auto.
En 1972, il s’émerveille ainsi des performan­
ces de la Toyota Corolla (la voiture la plus ven­
due de l’histoire), avec « son gros compteur »
permettant de « décoller comme un avion ».
Que se passe­t­il, au même moment, sur les
routes du pays ? L’horreur. Couplée à une
amélioration du confort de bord, la puissance
accrue des voitures a généré une fausse
impression de sécurité. La litanie des acci­
dents survenus en 1972 – 259 954 en tout – fait
froid dans le dos. En février, un carambolage
sur l’A1 au niveau de Croisilles (Pas­de­Calais)
tue 11 personnes. Lors d’une même nuit de
juin, 10 jeunes gens meurent en revenant de
deux bals, l’un à Neffiès (Hérault), l’autre à
Morisel (Somme). Entre­temps, le 25 avril, vers
18 h 30, l’effroi a fait halte sur la commune
d’Anetz (Loire­Atlantique). Une camionnette
ramenant chez elles des ouvrières d’une usine
de chaussures est percutée frontalement par
un camion chargé de pommes, au lieu­dit la
Boule­d’Or. Bilan : douze morts, âgés de 16 à
50 ans. « Un carnage. L’émotion a été très forte
dans la région. Tout le monde se connaît à la
campagne ; de nombreuses familles avaient été
touchées de près ou de loin par ce drame », s’en
émeut encore Bernard Perrouin, ancien prési­
dent d’une association d’histoire locale à
Ancenis (Loire­Atlantique), d’où étaient origi­
naires la plupart des victimes.
Assises sur deux bancs à l’arrière de l’esta­
fette, sans ceinture, les passagères ont été
catapultées à l’intérieur d’un habitacle
transformé, sous l’impact, en soufflet d’ac­
cordéon. Coupable d’avoir dépassé impru­
demment une 2 CV, qui elle­même dépassait
un tracteur, le chauffeur du camion sera
écroué et poursuivi pour homicide involon­
horizons | 19
taire. La patronne de l’entreprise de transport
qui l’employait le défendra dans la presse
locale : « C’est la fatalité, et rien d’autre. »
La fatalité : le sentiment dominant, au cours
de ces années noires ; les « choses de la vie »,
pour reprendre le titre d’un film de Claude
Sautet, sorti en 1970, dans lequel Michel
Piccoli, à demi­conscient après une violente
sortie de route, se remémore les dernières
années de son existence. « Dix­huit mille
morts étaient mieux acceptés par la société de
l’époque que 3 000 aujourd’hui. Il n’y avait
alors pas grand monde pour se demander si ce
massacre quotidien était normal ou évitable »,
analyse la journaliste et écrivaine Geneviève
Jurgensen, fondatrice de la Ligue contre la
violence routière en 1983, après la mort de ses
deux fillettes, victimes d’un jeune chauffard.
UNE ROLLS AU CIMETIÈRE
Au fil des années et des tragédies, une forme
d’angoisse avait néanmoins fini par sourdre
« LA NOTION DE  au sein de la population. « Quand on prenait
la route, on téléphonait pour dire qu’on était
MORT VIOLENTE NE  bien arrivé », n’a pas oublié Geneviève Jurgen­
FAISAIT PAS PEUR  sen. « Quand votre enfant prenait la route,
vous n’étiez pas sûr de le revoir vivant. Et si un
À LA GÉNÉRATION  malheur arrivait, la résignation l’emportait.
“On n’y peut rien, c’est comme ça”, disait­on
AYANT CONNU LA  dans les familles », se souvient Christian Ge­
GUERRE. L’ACCIDENT  rondeau, l’un des principaux artisans du dé­
clin de la mortalité routière. Révolté par cette
LIÉ À LA VITESSE  « guerre en temps de paix », ce chargé de mis­
sion responsable des transports à Matignon
ÉTAIT INHÉRENT AUX  décide, début 1972, d’aller frapper à la porte
de Jacques Chaban­Delmas. Le premier mi­
TEMPS MODERNES » nistre était sensible à la question de la vio­
JEAN-LOUIS LOUBET lence routière pour avoir perdu sa seconde
historien épouse, Marie­Antoinette Iôn, dans un acci­
dent de la circulation, deux ans auparavant.
« Notre entretien a duré 1 minute 30. “Vous
avez raison, Gerondeau”, m’a­t­il dit, avant de
me confier le dossier », relate Christian Geron­
deau, aujourd’hui âgé de 82 ans.
La mortalité routière déchaîne maintenant
les passions. D’un côté, l’opinion a pris la
mesure du fléau, qualifié de « génocide » par
un collectif d’intellectuels (Roger Caillois,
Louis Leprince­Ringuet, Alfred Sauvy…) dans
un manifeste exigeant l’interdiction des
« publicités criminelles des constructeurs en
faveur des vitesses meurtrières ». De l’autre,
Georges Pompidou freine des quatre fers.
Féru de poésie, le président de la République
l’est tout autant des grosses cylindrées. « Le
lobby automobile, François Michelin en tête,
avait par ailleurs ses entrées à l’Elysée »,
rappelle Christian Gerondeau, à qui « Cha­
ban » va glisser à l’oreille une apostrophe
qu’il attribue à Pompidou : « Si les Français
veulent se tuer en voiture, qu’ils se tuent ! »
Christian Gerondeau est finalement
nommé délégué d’un Comité interministé­
riel de la sécurité routière créé par décret le
5 juillet 1972. C’est le début d’une longue his­
toire, marquée par l’adoption de séries de
mesures au cours des décennies qui sui­
vront. Les premières vont rendre obligatoire
le port de la ceinture à l’avant et généraliser à
l’ensemble du réseau les limitations de
vitesse. Un effet d’aubaine viendra ensuite
doper le mouvement avec le choc pétrolier
de 1973. Il faut faire des économies de carbu­
rant ; de nouvelles réductions de vitesse sont
adoptées. Le nombre des tués sur la route
baissera automatiquement : moins 30 %
entre 1970 et 1980, en dépit d’une progres­
sion de 1,6 % du trafic. Implacable logique.
Les images de l’opération « Mazamet ville
morte », le 17 mai 1973, lancée par le journa­
liste de Paris Match Michel Tauriac, feront le
tour du monde. La prise de conscience des
dangers de la route – « ce minotaure » man­
geur de vies, comme l’écrit alors Le Monde –
franchit un nouveau palier quatre mois plus
tard avec le décès d’une des personnalités
préférées des Français : Fernand Raynaud. Le
cabriolet de l’humoriste – auteur d’un sketch
intitulé La Prévention routière trois ans plus
tôt – a heurté une voiture puis un camion,
avant de percuter le mur du cimetière du
Cheix­sur­Morge (Puy­de­Dôme). Vitesse
excessive, concluront les experts.
« Mon père conduisait pourtant tellement
bien, se souvient son fils Pascal, âgé de 15 ans
au moment du drame et promis à devenir
son chauffeur particulier une fois adulte. Ses
réflexes et son instinct lui permettaient de se
sortir de toutes sortes de difficultés. La vérité
est qu’il avait eu beaucoup de chance
jusque­là. Personne, autour de lui, ne pensait
qu’il puisse avoir un jour un accident. » La « fa­
talité », ajoute­t­il. On y revient.
Une stèle commémorative a été posée à l’en­
droit où la Rolls­Royce Silver Shadow de Fer­
nand Raynaud s’est encastrée. Il n’y en a pas,
en revanche, au carrefour de la Boule­d’Or, à
Anetz, où, un an plus tôt, neuf ouvrières et
trois hommes entassés au fond d’une four­
gonnette brinquebalante périrent, dans l’ac­
cident le plus tragique de la plus tragique de
ces années sanglantes. Tel un totem, un objet
symbole des excès du volant et des politiques
de sécurité routière se dresse sur le bas­côté
depuis 2009 : un radar automatique. 
frédéric potet
 CULTURE
20 |
L E S   P R AT I Q U E S   C U LT U R E L L E S   D E S   F R A N Ç A I S
Une consommation 
culturelle fracturée
Si les Français montrent un appétit accru pour la culture, deux mondes se côtoient :
celui du patrimonial, vieillissant, et celui du numérique, porté par les jeunes
C
ette étude marque une
date. Une rupture aussi.
Pendant près d’un an,
des sociologues du mi­
nistère de la culture ont interrogé
9 200 Français âgés de 15 ans et
plus sur leurs pratiques culturel­
les. Non pas quels livres ils préfè­
rent, mais s’ils lisent un peu, beau­
coup ou pas du tout. Même chose
pour le théâtre, le cinéma, la musi­
que, les musées, les monuments,
les bibliothèques, la radio ou la té­
lévision. Ou encore pour les prati­
ques numériques – les sites de vi­
déo comme YouTube, les plates­
formes de streaming, les jeux vi­
déo, etc. Sans oublier enfin les
pratiques en amateur.
Le ministère de la culture réalise
cette étude tous les dix ans envi­
ron. La première date de 1973.
Celle de 2020, dont les résultats
sont dévoilés vendredi 10 juillet,
peut être appréciée de deux fa­
çons. D’un côté, jamais les Fran­
çais n’ont autant « consommé »
de culture, quels que soient leur
âge, leur statut social et le lieu où
ils habitent. Mais jamais la frac­
ture n’a été aussi forte entre la
culture classique ou patrimo­
niale, que Pierre Bourdieu nom­
mait « légitime » (lecture, théâtre,
musique classique, musées, ci­
néma), et la culture numérique
liée à Internet, la musique notam­
ment, mais aussi la vidéo en li­
gne. Une fracture qui recoupe en
partie celle entre la culture de sor­
tie et la culture de salon.
Surtout, ces deux mondes ne
connaissent pas la même dyna­
mique. La culture classique ou pa­
trimoniale, selon les arts, voit son
audience baisser, stagner ou aug­
menter parfois. Le plus souvent
son public vieillit, habite dans les
villes et appartient à des milieux
sociaux aisés ou diplômés. Les
femmes sont aussi plus nom­
breuses que les hommes. Pour
prendre un exemple, dans les an­
nées 1970, les 15­24 ans ayant as­
sisté à un spectacle de théâtre ou
à un concert de musique dans
l’année étaient en moyenne trois
fois plus nombreux que les
60 ans et plus. L’écart a presque
disparu en 2018 : les jeunes sont
moins nombreux, remplacés par
les plus âgés.
En revanche, l’autre monde, ce­
lui qui nage dans le numérique, vi­
suel ou sonore, est en pleine ex­
plosion. Il est porté par un public
jeune, plus masculin que féminin,
issu de tous les milieux sociaux, et
réside autant en ville qu’à la cam­
pagne. Il existe des passerelles en­
tre ces deux mondes, mais elles
tendent à se raréfier. Aussi une
bascule est­elle en marche.
Depuis cinquante ans, notre pay­
sage culturel est en effet structuré
par les baby­boomeurs (nés entre
1945 et 1955), très gros consomma­
Les
recherchent de
nouveaux
auteurs
Envoyez vos manuscrits :
Éditions Amalthée
8-10 rue Louis Marin, 44200 Nantes
Tél. 02 40 75 60 78
www.editions-amalthee.com
teurs de culture « classique ». Tout
au long de sa vie, cette génération
a été la première à disposer des
moyens financiers suffisants pour
sortir et se divertir. Problème, les
baby­boomeurs ne sont pas im­
mortels. Peu à peu, ils sont rempla­
cés par un public plus éclectique
qui invente une autre culture et
une autre façon de la consommer.
Un public qui lit beaucoup moins
et va moins au spectacle que ses
aînés, ce qui pose, à terme, le pro­
blème de la survie de cette culture
classique.
Selon l’étude – publiée au mo­
ment où le secteur affronte une
crise économique sans précédent
–, cette bascule incite à repenser le
concept de démocratisation cultu­
relle, sur lequel les pouvoirs pu­
blics se cassent les dents depuis
vingt ans : les efforts pour amener
les populations modestes, cen­
trées sur la télévision, vers la cul­
ture classique ont en effet peu
porté leurs fruits et restent donc
d’actualité. Mais l’étude ajoute que
l’explosion de la culture numéri­
que, qui, elle, touche de façon plus
homogène les publics, ouvre
d’autres questions. Dont celle­ci :
l’Etat peut­il continuer à concen­
trer l’essentiel de ses efforts sur
une culture patrimoniale dont le
public se réduira et oublier le mou­
vement en marche ?
L’écoute de la musique
en plein essor
C’est la grande gagnante des dix
dernières années. Huit personnes
sur dix ont écouté de la musique
en 2018 contre 66 % en 1973.
L’écoute quotidienne, hors radio,
connaît la progression la plus
spectaculaire : 57 % en 2018, con­
tre 34 % en 2008 et seulement 9 %
en 1973. Tous les Français, quel
«En culture, la notion de qualité est en train de s’hybrider»
Pour le statisticien et sociologue Loup Wolff, l’essor du numérique bouleverse le rapport du public à la culture
ENTRETIEN
C hef du département des
études, de la prospective
et des statistiques au mi­
nistère de la culture, Loup Wolff
est coauteur, avec Philippe
Lombardo, de l’étude « Cinquante
ans de pratiques culturelles en
France ». Il en détaille les points
les plus saillants.
Votre étude montre que la
société est de plus en plus cultu­
relle. Qu’est­ce que cela signifie ?
C’est l’un des constats les plus
importants. La fraction des gens
qui ne regardent que la télévi­
sion, une frange qui autrefois
était essentiellement rurale et
âgée, a fortement diminué. Cette
dynamique culturelle est portée
principalement par le numérique
et l’audiovisuel – notamment par
l’écoute de la musique, les vidéos
en ligne ou les réseaux sociaux.
Pour ne prendre que l’exemple
de la musique, dans les années
1970, l’écoute à domicile était
spécifique aux diplômés, aux ur­
bains et aux cadres. Aujourd’hui,
elle s’est développée partout et
dans toutes les franges de la
société. Mais cette dynamique ne
que soit leur âge, leur milieu so­
cial et leur territoire sont concer­
nés, ce qui est nouveau. Le numé­
rique a évidemment favorisé
cette explosion et démocratisé
une pratique qui, au début des an­
nées 1950, restait majoritaire­
ment le fait d’une population
aisée et urbaine.
Grande progression
du jeu vidéo
Au cours des deux dernières dé­
cennies, la pratique, au moins oc­
casionnelle, des jeux vidéo, pro­
gresse de façon très forte et reste
majoritairement masculine : 39 %
des femmes et 49 % des hommes
jouent en 2018, contre 15 % des
femmes et 24 % des hommes dix
ans plus tôt. Les générations nées
avant 1954 jouent peu ou pas du
tout. Cet essor est particulière­
ment visible à partir de la généra­
tion née entre 1965 et 1974, la pre­
mière à avoir connu l’arrivée des
consoles de salon à un âge encore
jeune. Mais, en vieillissant, les
Français continuent de jouer,
qu’ils habitent en ville ou à la
campagne.
Explosion de
l’audiovisuel en ligne
chez les plus jeunes
C’est la confirmation d’un mou­
vement amorcé il y a dix ans et
qui semble irrésistible : l’affirma­
tion d’une culture audiovisuelle
en ligne, surtout chez les jeunes.
Ces contenus numériques, essen­
tiellement des vidéos, sont con­
sommés par le biais des réseaux
sociaux, de plates­formes de
streaming gratuites comme You­
Tube ou payantes comme Netflix
ou Amazon Video.
se réduit pas au numérique et est
aussi portée par des comporte­
ments en hausse de fréquenta­
tion des lieux de culture (ciné­
mas, théâtres, musées, monu­
ments historiques).
L’autre fait majeur est le
vieillissement de la plupart
des pratiques traditionnelles,
comme la lecture, la musique
classique et les musées.
Quels sont les ressorts
de ce mouvement ?
Dans beaucoup de domaines,
on observe une participation
croissante des plus âgés à la vie
culturelle : longtemps associées à
la jeunesse, les sorties au cinéma,
au spectacle, l’écoute quoti­
dienne de musique sont deve­
nues des usages courants y com­
pris aux âges plus avancés. La cul­
ture patrimoniale est elle aussi
touchée par ce phénomène, avec
une problématique spécifique de
baisse des pratiques chez les plus
jeunes. Ce vieillissement, qui
s’accompagne souvent d’une éli­
tisation, par exemple pour les
musées, induit un effritement
des formes culturelles classiques.
Des pans entiers de ces arts per­
dent du public, notamment les
La consommation quotidienne
de vidéos en ligne est devenue la
pratique culturelle principale
(59 %) des 15­24 ans, et ce jusqu’à
l’exclusion de la télévision et de la
radio pour 22 % d’entre eux ! Pour
autant, plus d’un tiers des
15­19 ans (35 %) continuent de re­
garder la télévision, mais sur un
support mobile, smartphone ou
tablette, alors que ceux qui ont
60 ans et plus le font de façon
marginale (5 %).
Forte émergence des
pratiques numériques
à l’exclusion des autres
C’est une conséquence du phéno­
mène numérique : l’émergence
d’un univers tout­numérique, en­
core très rare en 2008 lors de la
précédente étude, mais qui de­
vient une catégorie très significa­
tive en 2018, en réunissant près
d’une personne sur six (15 %). Ses
adeptes consomment des vidéos
en ligne (quotidiennement pour
71 %), consultent les réseaux so­
ciaux (84 %), jouent aux jeux vi­
déo (39 %). Ils lisent en revanche
très peu, vont occasionnellement
au cinéma et rarement au théâtre
ou au musée. Les membres de ce
groupe se recrutent parmi les
plus jeunes : près de la moitié a
moins de 25 ans et 79 % moins de
39 ans. Ce sont souvent des hom­
mes, issus de milieux aussi bien
urbains que ruraux.
Cet univers restera­t­il juvénile
ou s’étendra­t­il à mesure que les
adeptes vieillissent ? Le second
scénario est probable quand on
sait que, si on ne lit pas un livre à
15 ou 20 ans, il y a peu de chance
qu’on le fasse à 40 ans ou plus –
même chose pour le théâtre ou le
musée. S’il s’impose, ce public du
formes les plus savantes comme
la musique classique ou la lec­
ture. Il faut chercher les causes
du côté des baby­boomeurs.
Cette génération atypique, nom­
breuse, a eu et a encore des prati­
ques culturelles plus intenses et
plus fréquentes que les généra­
tions précédentes.
Or cette génération, qui a
aujourd’hui entre 65 et 80 ans,
vieillit et elle n’est pas remplacée.
Ou plutôt elle est remplacée par
une petite fraction de la popula­
tion jeune et urbaine aux prati­
ques culturelles similaires dans
leur intensité, mais qui est moins
nombreuse et plus éclectique
dans ses choix, car l’offre s’est
considérablement élargie.
Où sont les jeunes qui
manquent pour remplacer
les aînés ?
Beaucoup dans la culture numé­
rique. On voit notamment que les
plus jeunes lisent bien moins que
les plus âgés. Et, quand on lit très
peu dans sa jeunesse, il y a peu de
chance pour que l’on devienne un
gros lecteur plus tard. Mais il n’y a
pas que la lecture à être touchée :
l’enjeu devient de s’appuyer sur
leur manifeste appétit de culture,
Générations de personnes
nées entre :
1995 et 2004
1965 et 1974
1945 et 1954
Source : département des études
de la prospective et des statistiques (DEPS)
tout­numérique fait courir le ris­
que d’une désertion progressive
des lieux culturels.
Recul récent et modéré
de la télévision
Regarder la télévision est une pra­
tique qui baisse un peu mais reste
massive : 98 % en 2008 contre
94 % en 2018. Autre signe de ce
tassement récent, la durée hebdo­
madaire moyenne de visionnage
recule de deux heures (de 21 heu­
res à 19 heures) en dix ans. Une
grande partie de cette baisse est
imputable aux 15­24 ans, attirés
par d’autres écrans, alors que les
leur besoin de récit collectif et
individuel pour revaloriser au­
près des plus jeunes certaines
formes devenues moins accessi­
bles, plus exigeantes.
Quels sont les autres facteurs
qui peuvent expliquer
ce déclin de la culture dite
classique ou patrimoniale ?
Ce qui a changé et qui reste à
creuser sociologiquement, c’est
l’écart de plus en plus fort entre
les cadres et les professions inter­
médiaires du public et ceux du
privé. Aujourd’hui, on peut être
cadre du privé et ne pas aller à
l’opéra ou au théâtre, ne pas
écouter de la musique classique ;
ce n’est plus un problème, alors
que ça l’était pour la génération
des baby­boomeurs. Cela faisait
partie des pratiques liées à un
certain statut. Ce n’est plus un
marqueur social.
La lecture baisse quand les
pratiques numériques sont
en plein essor. Certains ont­ils
raison de s’inquiéter de
ce qu’ils considèrent comme
une « sous­culture » ?
La notion de qualité est en train
de s’hybrider. Pendant long­
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
Ecouter de la musique
tous les jours
ou presque
86 %
49 %
20 %
plus âgés restent fidèles à la télé­
vision. Seulement 58 % des
15­28 ans regardent la télé quoti­
diennement. Au même âge, ils
étaient 78 % pour la génération
précédente. Aujourd’hui comme
autrefois, la télévision concerne
toutes les classes sociales et les
territoires. Paris est une excep­
tion, avec seulement 56 % de té­
léspectateurs quotidiens, contre
78 % en moyenne en France.
Les jeunes désertent
la radio
Près de 70 % des 15 ans et plus
écoutent quotidiennement la ra­
temps, cette notion a été dictée
par les institutions, l’Etat ou les
collectivités locales, selon des fil­
tres – historiques, esthétiques… –
définis. Cela existe toujours. Mais
d’autres critères émergent avec
l’irruption très forte des prati­
ques numériques. Ce qui tient
lieu de qualité sur les plates­for­
mes de vidéo en ligne, par exem­
ple, c’est une notion nouvelle, pu­
rement numérique, de « popula­
rité » d’un film ou d’une série, pas
leur esthétique. On voit donc ap­
paraître de nouvelles construc­
tions sociales de la qualité, qui en­
trent en concurrence avec celles
des institutions.
L’enjeu pour les pouvoirs pu­
blics n’est pas de lâcher sur les
ambitions de qualité, mais de re­
construire la façon dont on éla­
bore cette qualité et le rapport
aux publics dans une société de
plus en plus culturelle, où les
grands groupes privés mondiaux
font leur fortune sur la cul­
ture. L’enjeu est aussi de garantir
la diversité des expressions, à un
moment où il devient clair qu’elle
n’est pas garantie par ces grands
groupes, loin de là. 
propos recueillis par
g. fr. et m. g.
 0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
Trois générations de pratiques culturelles
Part de personnes âgées entre 15 et 28 ans, selon sa génération,
ayant pratiqué une activité culturelle, en %
Regarder la télévision
tous les jours
ou presque
58 %
66 %
50 %
Infographie : Le Monde
dio en France. Deux phénomènes
sont à relever. D’abord, une cer­
taine tendance au recul de cette
pratique après 60 ans et surtout la
baisse très significative parmi les
jeunes. Alors que la part d’audi­
teurs quotidiens parmi les
15­28 ans se maintenait autour de
70 % pour les générations nées
avant 1984, elle n’est plus que de
56 % pour la génération née entre
1985 et 1994 et de 35 % pour celle
née entre 1995 et 2004 aux mê­
mes âges. Alors qu’il s’agissait
d’une pratique relativement par­
tagée dans la population, l’écoute
de la radio concerne désormais un
public qui vieillit. Et les auditeurs
quotidiens ont des profils de plus
en plus diplômés et urbains.
Une fréquentation
patrimoniale portée
par les plus aisés
La fréquentation des musées, ex­
positions et monuments histori­
ques est en légère augmentation
depuis les années 1970, mais sans
dynamique notable d’une décen­
nie à l’autre. Sauf pour la plus ré­
cente, marquée par une hausse
très forte des publics qui ont entre
35 ans et 75 ans. Surtout, les écarts
sociaux se creusent : 80 % des ca­
dres ont visité un site patrimonial
Le tout-numérique gagne du terrain
Part de personnes déclarant appartenir à l’univers du tout-numérique,
par tranche d’âge et selon les générations, en %
50 45
(personnes nées
entre 1995 et 2004)
40
30
30 (1985-1994)
20 17
(1975-1984)
10
3 1954)
0 1 1 1944)
15 - 18 23 - 38 33 - 48
Source : DEPS Infographie : Le Monde
Ecouter la radio Avoir lu au moins un livre (hors
tous les jours bande dessinée) au cours des
ou presque douze derniers mois
35 % 58 %
71 % 81 %
76 % 84 %
en 2018, contre 32 % des employés
et ouvriers, alors que les chiffres
étaient de 75 % et 28 % en 2008 et
de 70 % et 44 % en 1973. Les visites
et expositions virtuelles de mu­
sées ou monument, qui se sont
multipliées durant le confine­
ment, ne diversifient en rien les
publics, et cela vaut aussi pour le
théâtre ou les concerts.
Chute du « tout­
culture » patrimonial
Il y a encore des adeptes du « tout­
culture » patrimonial : télévision,
radio, musique, lecture de livres,
cinéma, théâtre ou fréquentation
de musées. Certains le font de fa­
çon intensive, d’autres plus mo­
dérée. Dans les deux cas, en rai­
son du désintérêt des jeunes, ce
public baisse fortement et pour­
rait être marginal dans le futur.
36 % des 15 ans et plus relevaient
de cette catégorie en 1973. Ils ne
sont plus que 15 %.
Recul continu
de la lecture
La lecture des livres est une prati­
que qui continue de baisser forte­
ment. En 2018, 62 % des Français
ont lu au moins un livre au cours
de l’année : c’est 11 points de
moins par rapport à 1988 et c’est
7 ensuite le phénomène « jeune »
(1965- 4 3
1974) (1955-
(1945-
1 tombe : entre 23 et 38 ans, la pro­
1964) (1935-
43 - 56 53 - 64 63 - 72 73 - 83
Etre allé au cinéma
au moins une fois par mois au
cours des douze derniers mois
29 %
29 %
29 %
aussi la proportion la plus faible
depuis le début des années 1970.
Cette chute est liée à la désaffec­
tion massive des jeunes, d’autant
que, pour chaque génération, la
lecture est une pratique qui dé­
cline au fil de l’âge.
Les lecteurs assidus, qui achè­
tent dix ou quinze livres par an,
sont également moins nom­
breux depuis dix ans : ils étaient
28 % en 1973, la moitié
aujourd’hui. Ils sont toujours plus
âgés et ne sont pas remplacés.
En 1973, la part de lecteurs assidus
était deux fois plus élevée au sein
des 15­24 ans par rapport aux
60 ans. Aujourd’hui, elle est pres­
que deux fois plus faible.
Que la lecture soit occasionnelle
ou assidue, le décrochage se
creuse à partir des générations
nées après 1975, avec une propor­
tion de lecteurs historiquement
faible pour les plus jeunes. Ces
chiffres se vérifient autant dans
les grandes agglomérations qu’en
milieu rural. Ils sont les mêmes
pour la bande dessinée, dont la
lecture a diminué de moitié entre
1988 et 2018. Fait notable, la sur­
vie de la lecture pourrait venir des
femmes, qui lisent bien plus que
les hommes. Elles sont 70 % à lire
au moins un livre par an… contre
52 % pour les hommes.
Davantage de jeunes
dans les bibliothèques
En 2018, les femmes sont égale­
ment bien plus nombreuses que
les hommes à être inscrites dans
une bibliothèque (19 % contre
10 %) et à en avoir fréquenté une
(31 % contre 22 %). Sinon, au fil des
décennies, les jeunes sont tou­
jours plus présents : alors que
près d’un quart (24 %) des
15­28 ans nés entre 1955 et 1964
s’étaient rendus dans une biblio­
thèque – ou médiathèque – au
cours des douze derniers mois,
cette proportion double avec les
générations plus récentes. Mais
gression de la fréquentation
d’une génération à l’autre est plus
modérée, pour quasiment dispa­
raître après 40 ans. Les usagers se
recrutent en immense majorité
chez les cadres et les diplômés.
Avoir assisté
à un spectacle vivant au
cours des douze derniers mois
42 %
46 %
45 %
* Les personnes qui lisent, fréquentent les cinémas, les théâtres,
ainsi que les lieux patrimoniaux, un peu plus que la moyenne.
Un public plus vieux
pour le cinéma
Le succès de la salle de cinéma ne
se dément pas depuis la fin des
années 1990. La fréquentation
(au moins un film par an) est
même passée de 57 % en 2008 à
63 % en 2018. Les 15­24 ans res­
tent un public solide mais stable
– près de 85 % sont allés au ci­
néma durant les cinquante der­
nières années. La nouveauté, qui
joue son rôle dans la progression,
est la présence toujours plus
forte des 40­59 ans et surtout des
plus de 60 ans. Seuls 13 % des plus
âgés allaient au cinéma en 1981,
ils sont désormais 42 %. Aussi, le
caractère juvénile de la pratique
du cinéma s’estompe. Tout
comme s’estompent les fractures
parmi les spectateurs assidus,
qui se recrutent depuis peu dans
toutes les catégories d’âge, mais
également sociales ou territoria­
les – même si les diplômés de
l’enseignement supérieur sont
4,3 fois plus nombreux que les
moins diplômés.
Le théâtre et la danse
portés par les plus âgés
Le théâtre et la danse sont deux
pratiques en continuel développe­
ment depuis 1973 – de 12 % à 21 %
pour le théâtre – à mesure que les
équipements ont « poussé » sur
l’ensemble du territoire. Mais les
15­28 ans d’aujourd’hui y vont
moins que ceux des générations
précédentes, alors que ceux qui
ont plus de 50 ans y vont plus. Ce
constat est lié à l’émergence,
en 2018, du « tout­numérique »,
qui se caractérise par un recul gé­
néralisé des pratiques de sortie.
Les spectateurs du théâtre sont
plus homogènes qu’auparavant
en termes de territoire et de mi­
lieu social, même si les urbains di­
plômés dominent encore. Fait no­
table dans cette hausse de la fré­
quentation, les trois quarts des
25­39 ans ont uniquement vu
en 2018 un one­man­show, un
spectacle d’improvisation ou de
café­théâtre.
La musique classique
en baisse
culture | 21
en 2008 à y assister, ils sont 15 %
en 2018. Cette hausse est portée,
là encore, par un bouleversement
générationnel au profit des plus
âgés – mais aussi par un déclin du
rock dans l’offre musicale au pro­
fit du rap et de la variété. Dans les
années 1970 et 1980, ces specta­
cles étaient plébiscités par les pu­
blics juvéniles. Mais, d’une décen­
nie à l’autre, la tendance s’est in­
versée : en 2018, ce sont les
Appartenir 40­59 ans qui sont les plus pré­
à l’univers de la culture sents (19 %) et les 15­24 ans les
patrimoniale* moins présents (10 %).
Les festivals en hausse
Le phénomène festivals se vérifie
avec une fréquentation en
hausse : 8 % en 1973, 16 % en 2008,
19 % en 2018. Toutes les classes
d’âge sont concernées mais,
4% comme pour l’ensemble du spec­
tacle vivant, ce sont les plus de
40 ans, et non les jeunes, qui do­
pent les chiffres depuis dix ans.
Essoufflement des
pratiques en amateur
39 % des Français disent prati­
quer en amateur la musique, le
44 % chant, l’écriture, la peinture, la
poterie, le théâtre ou la photogra­
phie, alors qu’ils étaient 50 %
en 2008. Ainsi, la désaffection de
la pratique musicale individuelle
ou en groupe, y compris sur ordi­
nateur, s’est accélérée au cours de
la dernière décennie : 20 %
en 1988, 16 % en 2008, 11 %
en 2018. Même chose pour le des­
47 % sin, qui reste pourtant la pratique
préférée des 15­19 ans : 41 %
en 2008, 29 % en 2018. Ces der­
niers délaissent toujours plus
l’écriture, un phénomène sans
doute en lien avec le déclin de la
lecture. La pratique théâtrale
En 2018, seulement 6 % des son­ reste aussi très peu répandue. La
dés sont allés à un concert de mu­ photographie est l’activité artisti­
sique classique, contre 9 % que qui a conquis le plus de nou­
en 1997. Le secteur connaît égale­ veaux adeptes en dix ans.
ment un vieillissement marqué Comme ailleurs, la pratique en
de ses publics en raison de la raré­ amateur vieillit, elle est devenue
faction des plus jeunes. La géné­ dominante chez les femmes et, si
ration du baby­boom est celle qui les cadres étaient les moins repré­
a le plus fréquenté les salles de sentés en 1973, ils arrivent en tête
concerts, et ce à tous les âges. Les en 2018.
générations qui l’ont précédée,
mais également celles qui la sui­ L’espoir de l’«éclectisme
vent, ont systématiquement été
moins enclines à s’y rendre. Ce augmenté»
décalage s’aggrave : seuls 2 % des Un groupe social émerge, consti­
15­28 ans ont assisté à un concert tué des personnes qui cumulent
classique au cours de l’année – toutes les pratiques culturelles,
une proportion historiquement patrimoniales et numériques, et
basse. Les plus diplômés et les dans une intensité souvent supé­
milieux aisés dominent toujours rieure à la moyenne : lecture, ci­
plus le public durant la dernière néma, lieux de spectacle, musées
décennie. mais aussi vidéos en ligne, ré­
seaux sociaux et jeux vidéo. Ce
Moins d’adeptes pour public est très diplômé, souvent
cadre, très urbain, et encore plus
les concerts de rock parisien. Il est jeune aussi. Il ne re­
Les spectateurs de concerts rock présente pour l’instant que 9 % de
ou de jazz sont un peu moins la population, mais il pourrait, se­
nombreux en 2018 (11 %) lon l’étude, « devenir décisif dans
qu’en 1997 (13 %). Là encore, les prochaines décennies pour la
l’écoute massive de musique nu­ compréhension de la façon dont
mérique, souvent gratuite, par les les pratiques culturelles se reconfi­
plus jeunes peut jouer son rôle : gurent en France ». 
ceux nés après 1995 sont en guillaume fraissard
baisse très nette dans les con­ et michel guerrin
certs. Les 45­55 ans sont désor­
mais les plus présents. L’étude est disponible
En revanche les spectacles de va­ en intégralité sur
riété, française ou internationale, Culture.gouv.fr/Sites­
connaissent un essor après vingt­ thematiques/Etudes­et­
cinq ans de déclin : ils étaient 10 % statistiques
Une étude unique en son genre
Pour la sixième édition de l’étude sur les pratiques culturelles des
Français, publiée depuis 1973, le département des études, de la
prospective et des statistiques du ministère de la culture a disposé
de moyens élargis. De février 2018 à mars 2019, 9 200 personnes
(contre 5 000 en 2008) de 15 ans et plus, ont été interrogées de visu.
Pour la première fois, les territoires ultramarins sont concernés
par l’enquête, dont les résultats seront publiés ultérieurement.
Avec près d’un demi-siècle de données, cette plongée en profon-
deur dans les pratiques culturelles des Français permet de mesurer
les bouleversements majeurs qui traversent la société : montée
du numérique, fractures territoriales et socioprofessionnelles,
déclin de certains champs de la culture… Cette mine de renseigne-
ments sert notamment à « adapter le questionnement aux
comportements et pratiques émergents » et à « mieux identifier les
facteurs d’accès ou au contraire de distanciation aux pratiques
culturelles ». Mais, parce qu’ils mettent en exergue la difficulté
pour la puissance publique à atteindre ces objectifs, les résultats
font souvent grincer des dents au ministère.

22 | culture
Pour Notre­Dame, la flèche du consensus
Emmanuel Macron a finalement donné son feu vert, jeudi, à une reconstruction à l’identique de la toiture
F
inie la polémique sur la
flèche de Viollet­le­Duc.
L’heure n’est plus au
geste architectural, à la re­
construction de Notre­Dame de
Paris « plus belle encore », à l’apo­
logie de la jeunesse ou de la réin­
vention, mots chéris du président
Macron. L’heure est au consen­
sus : alors que les architectes
chargés du chantier présentaient,
jeudi 9 juillet, devant la Commis­
sion nationale de l’architecture et
du patrimoine, leur rapport de
3 000 pages qui prône une recons­
truction à l’identique de la toiture,
l’Elysée a orchestré le dénoue­
ment d’un feuilleton qui aura
mobilisé plumes et esprits pen­
dant quinze mois.
Au nom d’un continuum histo­
rique, pour ne pas menacer la
structure, mais aussi pour respec­
ter l’objectif fixé d’une reconstruc­
tion en cinq ans, le rapport pré­
senté a reçu un avis positif et una­
nime de la Commission qui, pour
n’être que consultatif, est prati­
quement toujours suivi par le mi­
nistère de la culture. Un consen­
sus notable pour cette assemblée
d’architectes, d’élus, et de repré­
sentants d’associations de dé­
fense du patrimoine, qui ont
choisi la solution la moins risquée.
La charpente sera en chêne, au
grand dam des lobbies du béton et
des amoureux du fer : « On n’a
même pas été interrogés », s’in­
surge Charlotte Flores, qui, avec
l’association ConstruirAcier, re­
présente la filière. Et ceux qui at­
tendaient, comme cela avait été
annoncé le 17 avril 2019, un con­
cours international d’architecture
pour repenser la flèche en seront
pour leurs frais.
« Affaire quasiment phallique »
Voilà, en réalité, des mois que
cette question est tranchée. Passé
le lyrisme des débuts, censé re­
donner du souffle à une France
stupéfiée par l’incendie (« Notre­
Dame de Paris, nous avons su
l’édifier et, à travers les siècles, la
faire grandir et… l’améliorer » :
Emmanuel Macron dans le texte),
et les divers projets plus surpre­
nants les uns que les autres – une
flèche en titane, une toiture végé­
tale, vitrée, couverte d’une piscine
ou de panneaux solaires… –, l’en­
thousiasme s’était rapidement
tari. Deux mois après le sinistre,
déjà, un conseiller de l’Elysée con­
fiait en souriant : « La flèche est un
millième du sujet. Cette affaire est
quasiment phallique. Il y a trop
d’hommes sur ce dossier. »
Elle aura en tout cas contribué à
nourrir la presse, prompte, par
Une étude relance la question de l’exposition au plomb
Des chercheurs de l’université Columbia suggèrent que des Parisiens auraient été exposés à des niveaux très supérieurs aux données officielles
P lus d’un an après l’incen­
die de Notre­Dame, une
nouvelle étude souffle sur
les braises. Publié jeudi 9 juillet
dans la revue GeoHealth, un arti­
cle rédigé par des chercheurs de
l’université Columbia (Etats­
Unis) suggère que les Parisiens,
en particulier ceux résidant à
proximité de la cathédrale, pour­
raient avoir été exposés à des ni­
veaux de plomb supérieurs à ce
que l’on pensait. La toiture et la
flèche de l’édifice, parties en fu­
mée dans la nuit du 15 avril 2019,
contenaient 460 tonnes de
plomb, substance très toxique,
même à faible dose, particulière­
ment pour les jeunes enfants et
les femmes enceintes.
« La population résidant dans un
rayon d’un kilomètre et sous le pa­
nache de l’incendie a probable­
ment été très considérablement
plus exposée aux retombées de
plomb, bien que pendant une
courte durée, que ne l’indiquaient
Vue de
la toiture de
Notre­Dame
de Paris,
le 24 mars
2017. AFP
exemple en novembre 2019, à
monter en épingle une querelle
imaginaire entre le général Jean­
Louis Georgelin – nommé par le
président pour diriger l’établisse­
ment public chargé de Notre­
Dame –, et Philippe Villeneuve,
l’architecte en chef, lorsque ce
dernier se laissa aller à expliquer
que ce serait « à l’identique ou
sans lui ». En bon soldat, le général
l’avait rappelé à son devoir de ré­
serve, avec une brutalité toute
militaire, tout en cherchant en
sous­main à convaincre Macron
qu’il n’était pas Pharaon.
Ses proches ne cessent de l’ex­
pliquer : le président écoute. Déjà,
le 15 avril, il fut question d’annon­
cer un changement dans la doc­
trine, mais le Covid­19 s’en est
mêlé, et l’anniversaire de l’incen­
die a paru déplacé en ces temps de
confinement. Mi­juin seulement,
le général a finalement présenté
les conclusions du rapport
Villeneuve au président.
A l’Elysée, l’idée est d’attendre,
pour communiquer, la fin de la
séquence remaniement et les
les mesures effectuées par les auto­
rités locales » : la conclusion des
chercheurs américains ne man­
quera pas de raviver la polémique
sur la gestion par les pouvoirs pu­
blics du risque sanitaire repré­
senté par les retombées de plomb.
Ces dernières auraient non seule­
ment été importantes à proximité
immédiate de la cathédrale mais
jusqu’à un kilomètre de l’édifice.
Selon leurs estimations, au total,
près d’une tonne de poussières de
plomb serait ainsi retombée sur le
sol dans cette zone.
Supérieurs à la « valeur repère »
Des données qui viennent com­
bler un vide. La modélisation de
la dispersion des particules de
plomb du panache de l’incendie,
publiée en novembre 2019 par
l’Institut national de l’environne­
ment industriel et des risques
(Ineris), n’intégrait pas les dépôts
aux alentours de Notre­Dame. La
simulation concernait un
conclusions de la Commission
nationale de l’architecture et du
patrimoine. La veille, une fuite
dans Le Figaro a finalement
sonné le branle­bas, tard dans la
nuit : au matin, voilà Roselyne
Bachelot, nouvellement nommée
à la culture, qui annonce sur
France Inter « un large consen­
sus » pour la reconstruction à
l’identique. L’après­midi, un dé­
briefing est organisé pour quel­
ques journalistes, tout ça très pru­
demment pour ne pas empiéter
sur le champ de la Commission.
Le message est clair : qu’on
n’aille pas croire que le président
s’est mis en porte­à­faux, ou, pire,
qu’il a perdu une quelconque
bataille : il a toujours voulu,
dit­on dans l’entourage du prési­
dent, « l’avis de tous les experts.
Désormais c’est fait, et il leur fait
confiance. »
Il y aura bien un concours d’ar­
chitecture, mais celui­ci portera
sur la reconversion des abords de
Notre­Dame, en lien avec la
Mairie de Paris (consensus, tou­
jours), et peut­être aussi sur la
périmètre de 1 à 50 km de la
source.
L’Ineris était parvenu au total,
relativement faible, de 150 kg de
plomb dispersés, soit six fois
moins que la quantité calculée
par les chercheurs américains sur
la distance d’un kilomètre.
L’Ineris avait alors reconnu une
« incertitude importante » par rap­
port à ces estimations.
Alexander Van Geen, l’auteur
principal de l’article, est allé lui­
même faire des prélèvements de
sol autour de la cathédrale. Géo­
chimiste à l’Observatoire de la
Terre Lamont­Doherty de l’uni­
versité Columbia, il a récolté cent
échantillons en décembre 2019 et
en février 2020. Au pied des
arbres, dans les squares, partout
où il pouvait et en particulier au
nord­ouest de Notre­Dame, là où
le panache de fumée s’est dirigé le
15 avril 2019. « J’ai eu droit à plein
de regards bizarres de gens qui se
demandaient pourquoi un vieux
Le président
a toujours voulu,
dit son entourage,
« l’avis de tous
les experts.
Désormais
c’est fait, et il leur
fait confiance »
« Maison du chantier », bâtiment
éphémère qui pourrait trouver sa
place dans la cour de l’Hôtel­Dieu,
et abriter des expositions, des
conférences, des ateliers (une
vieille idée qui traîne depuis cet
hiver). Bref, c’est pour ne pas re­
tarder le chantier et ne pas cristal­
liser le débat sur la question que le
président a renoncé à sa flèche.
Sitôt réglée la question de la ré­
fection à l’identique, voilà qu’un
autre souci ressurgit : le plomb. La
Commission, peuplée d’amou­
reux du patrimoine – tel
Alexandre Gady, président d’hon­
type ramassait de la terre, en es­
sayant d’éviter les crottes de chien,
et mettait un peu de terre dans des
sacs en papier », se souvient
Alexander Van Geen.
Les niveaux de plomb mesurés
dans les 100 échantillons varient
fortement : de 0,03 g/kg à 9 g/kg
avec, sans surprise, des concen­
trations plus élevées au
nord­ouest de la cathédrale. Les
concentrations moyennes mesu­
rées dans la zone sous le vent
(0,43 g/kg) sont quasi le double de
celles (0,24 g/kg) hors panache.
Surtout, elles sont supérieures à
la « valeur repère » du Haut
Conseil de santé publique, fixée à
0,3 g/kg. Pour environ un tiers des
échantillons, ce seuil est dépassé.
Des résultats qui diffèrent sen­
siblement des données commu­
niquées par l’agence régionale de
santé (ARS) d’Ile­de­France. Le
9 mai 2019, l’ARS indiquait qu’« en
dehors des zones à proximité
immédiate de la cathédrale
neur de la Société pour la protec­
tion des paysages et de l’esthéti­
que de la France, qui ne cesse,
depuis le début du chantier, de dé­
noncer le moindre manquement
à la règle –, a voté non seulement
pour une charpente en chêne,
mais également pour une couver­
ture en plomb, « dans le respect
des matériaux d’origine », comme
le résume son président, le séna­
teur des Alpes­Maritimes, Jean­
Pierre Leleux (Les Républicains).
« La cathédrale a été bâtie à
l’époque avec une couverture en
plomb. Quand on change de maté­
riaux sur un bâtiment aussi véné­
rable, on change l’équilibre de l’édi­
fice », explique­t­on à la Commis­
sion, où l’on sait bien que le choix
va faire réagir.
« C’est le matériau qu’on utilise
pour les couvertures de tous les
monuments d’Europe, plaide un
membre de la Commission. Regar­
dez le Panthéon ! Le plomb est un
matériau très ductile qui s’adapte
parfaitement aux formes. On va
dire le plomb, c’est dangereux. Mais
le plomb, ce n’est pas l’amiante. Le
[parvis, voirie avoisinante] aucun
des prélèvements réalisés sur l’île
de la Cité et le long des berges ne
révèle la présence de plomb dans
les sols à des taux supérieurs aux
valeurs repères », précisant que les
données étaient « comprises entre
0,02 et 0,1 g/kg, soit comparables
aux valeurs habituellement
mesurées à Paris ».
« A prendre avec précaution »
Pour Alexander Van Geen, ces
différences de résultats peuvent
s’expliquer par les techniques de
prélèvement de terre : jusqu’à
5 cm de profondeur pour l’ARS, ce
qui « dilue beaucoup les poussiè­
res de surface », observe le
géochimiste ; en « surface » (envi­
ron 1 cm) pour le chercheur de
Columbia.
« Toute nouvelle étude sur un su­
jet aussi compliqué est la bienve­
nue, mais les conclusions sont à
prendre avec précaution, réagit
Nicolas Péju, directeur général
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
plomb, on l’évacue naturellement
pourvu qu’on n’en ait pas ingéré de
trop grandes quantités. »
De quoi faire bondir des cher­
cheurs américains, qui viennent
de publier une nouvelle étude
réévaluant à la hausse la pollu­
tion au plomb générée l’an passé
par l’incendie.
La Commission, qui souhaite
« pouvoir se prononcer en toute
objectivité », a demandé une étude
complémentaire, et le général
Georgelin – qui, en digne fils de la
Grande Muette, se gardera bien de
vous dire en face que c’est, là aussi,
le choix qu’il aurait opéré – sait
qu’il a là son prochain combat. Il
lui reste quatre ans pour mener à
bien l’objectif que lui a fixé
Emmanuel Macron. L’homme
sourit : « On va y arriver. La seule
chose qui pourrait rendre vrai­
ment les choses difficiles serait un
reconfinement. Pour parler
comme à l’Ecole de guerre, le
“mode d’action ennemi”, c’est le
Covid­19. » 
laurent carpentier
et isabelle regnier
adjoint de l’ARS. Le parti pris mé­
thodologique de prélèvement de
terre doit être validé scientifique­
ment. » Pour le numéro deux de
l’ARS, « elles n’apportent pas d’élé­
ments particulièrement nou­
veaux ni contradictoires par
rapport aux études menées par
l’ARS, l’Ineris ou l’Anses [Agence
nationale de sécurité sanitaire] ».
Sans nier « une pollution aux
abords de la cathédrale », M. Péju
rappelle que « ni les prélèvements
ni les plombémies n’ont mis en
évidence d’effets sanitaires liés à
l’incendie de Notre­Dame ». Se­
lon les données de l’ARS, sur plus
de 1 200 enfants dépistés, 1 %
présente des plombémies
élevées pouvant indiquer un ris­
que de saturnisme. Une propor­
tion conforme aux statistiques
nationales de Santé publique
France, dont la dernière étude de
référence remonte toutefois à
plus de dix ans. 
stéphane mandard
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
Rafi Eitan, Anna Chapman… les légendes du Bureau
Sur France Inter, Stéphanie Duncan fait revivre la grande histoire à travers le destin passionnant d’espions célèbres
FRANCE INTER
SAMEDI 11 - 13 H 20
SÉRIE DOCUMENTAIRE
C
ertes, le thème est re­
battu. Fascinant, le
monde de l’espionnage
ne cesse d’inspirer scé­
naristes et cinéastes. Le succès du
Bureau des légendes, l’excellente
série d’Eric Rochant ou, côté is­
raélien, de False Flag ou Fauda en
témoignent. La série « Espions,
une histoire vraie », imaginée
par Stéphanie Duncan pour
France Inter, n’en reste pas
moins passionnante.
La productrice d’« Autant en
emporte l’histoire » (également
sur Inter) n’a pas cherché à racon­
ter une énième fois des affaires
qui, pour certaines, sont déjà bien
connues (comme celle du Rain­
bow­Warrior) mais plutôt à « es­
sayer de comprendre un parcours
de vie. De croiser la grande histoire
avec le destin d’un homme ou
d’une femme ». Réalisés en confi­
nement par trois femmes, chacun
des neuf épisodes de cette série
réjouissante mêle archives sono­
res et textes lus par des comé­
diens, afin que l’auditeur puisse
« se créer des images ».
Les deux premiers épisodes
– écoutables en ligne – étaient
consacrés à Allen Dulles, ancien
directeur de la CIA, et à l’espionne
russe Anna Chapman. Pour le troi­
Métis ivoiriens, un passé colonial qui ne passe pas
Un documentaire s’intéresse à ces enfants nés de mère ivoirienne et de père français qui demandent justice
FRANCE 24
SAMEDI 11 - 22 H 15
DOCUMENTAIRE
C’ est un aspect peu
connu de la colonisa­
tion française en Afri­
que occidentale que ce court mais
instructif documentaire de
26 minutes, réalisé en Côte
d’Ivoire, a choisi de traiter. Des
enfants métis nés avant l’indé­
pendance ivoirienne d’août 1960,
de mère africaine et de père blanc,
témoignent. Même si la plupart
se sont parfaitement intégrés
GRILLE N° 20 - 161
PAR PHILIPPE DUPUIS
1 2 3 4 5 6
I 8
II
III
IV
V grille avec des chiffres
VI
VII
VIII
IX
X
SOLUTION DE LA GRILLE N° 20 - 160
HORIZONTALEMENT I. Pattemouille. II. Ruée. Ourlien. III. Ore. Ri. Elans.
IV. Va. Para. Ente. V. Assagi. Ter. VI. Dac. Agitée. VII. Enta. Eres. Le.
VIII. Nièce. AM. Pur. IX. Courrai. Orna. X. Enregistrées.
VERTICALEMENT 1. Providence. 2. Aura. Anion. 3. Tee. Acteur. 4. Te. PS.
Acre. 5. Rasa. Erg. 6. Moirage. Aï. 7. Ou. Agirais. 8. Ure. Item. 9. Ille. Es.
Or. 10. Liante. Pré. 11. Lente. Lune. 12. Enserreras
Rafi Eitan, à Jérusalem (Israël), le 27 janvier 2016. AMMAR AWAD/REUTERS
sième, Stéphanie Duncan a choisi
de s’intéresser à Rafael – « Rafi » –
Eitan, chef du Mossad, devenu hé­
ros national à la suite de l’enlève­
ment hautement rocambolesque
du criminel nazi Adolf Eichmann,
en 1960. Né en 1926, Rafi Eitan re­
joint très tôt la Haganah, organi­
sation paramilitaire sioniste qui
s’était donné pour mission de dé­
fendre les communautés juives
dans la société ivoirienne, ils sont
toujours en quête de justice.
En 1903, le gouverneur général
de l’Afrique occidentale française
ordonne de « séparer » les enfants
métis du reste de la société. Cha­
que grande ville de l’empire colo­
nial français doit fournir un es­
pace pour accueillir ces enfants.
L’historien Pascal Blanchard
rappelle le succès d’un livre inti­
tulé L’Amour aux colonies. Paru
en 1893 et réédité à 37 reprises, ce
« bréviaire racial et sexuel » indi­
que qu’avoir une jeune indigène
concubine ne perturbe en rien le
7 8 9 10 11 12
des attaques arabes. Membre
d’un commando d’élite dirigé par
Yitzhak Rabin, il se fait remarquer
alors qu’après avoir rampé dans
les égouts de Haïfa – ce qui lui
vaudra le surnom de « Rafi le
puant » – il parvient à faire sauter
une station radar britannique sur
le mont Carmel.
En 1951, il prend la tête des opé­
rations du Mossad et réussit à
statut social du colon, même s’il
est marié à une Française. Le
corps de l’autre, comme la terre,
appartient aux colonisateurs. En
tant que Blanc, faire un enfant à
une femme noire et disparaître
ensuite ne pose aucun problème.
Des sujets, pas des citoyens
De nombreux enfants naîtront de
ces unions plus ou moins forcées
et parfois très brèves entre colons
blancs et jeunes femmes noires.
En Côte d’Ivoire, ces enfants seront
rassemblés et élevés au sein du bâ­
timent qui servait de résidence au
HORIZONTALEMENT
I. Grosse farce d’hier devenue déro-
bade hypocrite. II. Donne sans discu-
ter. Chargés de senteurs marines.
III. Approchée du bout des doigts.
Instruments de force. IV. Circulent
dans la communauté. Islandais de la
Figuration libre. V. Note. Jouer avec
les mots. Crie comme un cerf par la
droite. VI. Bloque la situation. Refu-
ges. Fin de matinée. VII. Grand lac
américain. Bien aise. VIII. Faite en pu-
blic, elle devient honorable. Equipés
pour passer à l’attaque. IX. Gracieuse
et noble. Equipé pour éviter le déra-
per. X. La famille d’Hercule. Joliment
frisées.
VERTICALEMENT
1. Rend la marche et les démarches
difficiles. 2. Au sud du Nigeria.
Prennent la pose sans bras ni jambes.
3. Touche les feuilles et le porte-
feuille. Rapprochent solidement.
4. Vit de ses gages. Travaille sur l’œil.
5. Capitale de la Corse romaine. Pro-
tection digitale. 6. Article. Peut faire
peur. 7. Fatiguera à la longue. En
crise. 8. Plume américaine née en
France. Celle d’en face. 9. Boit pour
oublier. Calme les gorges irritées.
10. Fait preuve de passion. Bousculée
intérieurement. 11. Destinée à
la consommation. Quart de tour.
12. Evacuent les eaux.
capturer et exfiltrer Adolf Eich­
mann, logisticien de la « solution
finale », caché en Argentine. Rafi
Eitan quittera les services secrets
israéliens en 1971 mais restera un
héros national jusqu’à ce que son
nom soit, dans les années 1980,
mêlé à l’affaire Pollard, du nom
d’un agent agissant aux Etats­
Unis pour le profit d’Israël – le­
quel a d’ailleurs inspiré à Eric Ro­
gouverneur à Bingerville, près
d’Abidjan. Ce sont d’anciens pen­
sionnaires de ce foyer que la réali­
satrice a retrouvés et fait parler.
Le droit colonial avait fait de ces
enfants des sujets, pas des ci­
toyens. Mais avant l’indépen­
dance, ces métis étaient considé­
rés comme pupilles de la nation.
Or jamais la nationalité française
ne leur a été accordée. D’où la dou­
leur et l’incompréhension expri­
mées par les témoins interrogés.
Celles et ceux qui ont entrepris
de longues démarches adminis­
tratives se heurtent au mur du si­
SUDOKU
N°20­161
1 8
2 5
3 2
6 8
7 5 9 4 seule fois par ligne,
8 4
Réalisé par Yan Georget (https://about.me/yangeorget)
UNE VIE,
menceau,
Jaurès, Ar
agon, Me
Vu par Cle
télévision | 23
chant un personnage de son film
Les Patriotes. A la fin de sa vie, il
faut l’entendre déclarer, dans
une précieuse archive : « Je suis
une relique archéologique. J’ap­
partiens à une génération qui a
permis à cet Etat d’exister. Une gé­
nération où il y avait de la loyauté,
et la volonté de se sacrifier pour le
bénéfice de tous. »
« Collaboration avec le crime »
A travers son portrait – et c’est le
cas dans quasiment tous les épi­
sodes –, c’est l’histoire d’un pays
qui se donne à entendre et à
comprendre. « Mélange de patrio­
tisme et de cynisme, à la fois stra­
tège et homme d’action, voire
homme de main sans état d’âme »,
Rafi Eitan déclarait : « Le travail de
renseignement implique une colla­
boration avec le crime : la morale
n’a rien à voir là­dedans. » C’est la
psychologie à l’œuvre qui a inté­
ressé la journaliste : « Qu’est­ce qui
fait, au fond, que quelqu’un de­
vient espion ou espionne ? » Trois
épisodes sur les neuf que compte
la série sont d’ailleurs consacrés à
ces dernières. 
émilie grangeray
« Espions : une histoire vraie »,
série créée par Stéphanie
Duncan, réalisée par Fanny
Bohuon, Anne­Sophie Ladonne et
Céline Illa (9 × 32 min). Disponible
à la demande sur France Inter.
lence et à la difficulté de retrouver
les actes de naissance. Ancien pen­
sionnaire du foyer de Bingerville,
Auguste Miremont, qui fut minis­
tre de la communication de Côte
d’Ivoire, estime que « l’Etat fran­
çais devrait songer à quelques com­
pensations. Au moins sur le plan de
la reconnaissance identitaire, ce
qui donnerait le droit à la nationa­
lité française ». 
alain constant
Enfants cachés de la France
coloniale, de Caroline Dumay
(Fr., 2020, 26 min).
3 8 1 9 2 6
5 4 7 1 3 8
9 2 6 7 4 5
2 3 8 4 6 9
4 1 9 8 5 7
6 4 1 7 6 5 3 1 2 4
8 7 3 5 9 1
6 5 4 2 7 3
1 9 2 6 8 4
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Ferri et Christophe Beaugrand.
23.15 Le Grand Bêtisier
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21.05 Fort Boyard
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23.25 Fort Boyard : toujours
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Divertissement présenté
par Olivier Minne et Willy Rovelli.
France 3
21.05 Mongeville et Magellan :
un amour de jeunesse
Téléfilm d’Emmanuel Rigaut
et Etienne Dhaene. Avec
Jacques Spiesser(Fr., 2017, 95 min).
22.40 Commissaire Magellan
Téléfilm avec Jacques Spiesser,
Selma Kouchy (Fr., 2015, 90 min).
Canal+
21.10 Annabelle. La Maison
du mal
Film de Gary Dauberman. Avec
Vera Farmiga (EU, 2019, 100 min).
22.50 Wedding Nightmare
Film de Tyler Gillett et Matt Bettinelli-
Olpin. Avec Samara Weaving, Adam
Brody (Can./EU, 2019, 90 min).
France 5
20.50 Echappées belles
Tunisie, le soleil de la Méditerranée.
Magazine présenté par Jérôme Pitorin.
22.20 Une des dernières soirées
de carnaval
Pièce de Carlo Goldoni, captée
le 26 juin au Théâtre du Châtelet.
Arte
20.50 Héliopolis, la cité solaire
des pharaons
Documentaire de Christiane
Streckfuss (All.-It., 2019, 55 min).
21.45 Cités englouties :
Thônis-Héracléion en Egypte
Documentaire de Jan Tenhaven
(All., 2012, 55 min).
M6
21.05 Le Petit Nicolas
Film de Laurent Tirard. Avec
Kad Merad (Fr.-Bel., 2009, 90 min).
22.55 Scènes de ménages :
enfin en vacances !
Série. Avec Audrey Lamy, Loup-Denis
Elion (Fr., 2015, 125 min).
0123 est édité par la Société éditrice
du « Monde » SA. Durée de la société :
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durablement, porteur de l’Ecolabel européen sous le N°FI/37/001.
Eutrophisation : PTot = 0.009 kg/tonne de papier
24 | carnet 0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020

Le 7 juillet 2020, notre capitaine Marie Lavie,

sa femme, Geneviève PROST-BERTHELLOT
Jérôme FOURQUIN, Patrick et Olivier, 1926-2020,
ses neveux,
en vente Le Carnet est parti naviguer sous d’autres cieux. médecin, militante engagée dans de
ont le regret de faire part du décès du nombreuses associations, dont :
actuellement Les éclaireurs, éclaireuses de France,
Laurence, Ulysse, Mady, Mounette, docteur Jean-Claude LAVIE, Le planning familial, MLAC,
Nous informons nos lecteurs ses frères et sœurs, co-fondateur de l’Association La Maison des Femmes, AGIRabcd.
K En kiosque et nos annonceurs Sa famille Psychanalytique de France, La Fondation AGES
de la non parution de notre journal Et ses amis, croix de guerre Sa famille et ses amis rend hommage
le mardi 14 juillet 2020. 1939-1945, l’accompagneront le 13 juillet, à ses généreux donateurs.
le regrettent tant. à 10 heures, au crématorium du
survenu le 7 juillet 2020.
UNE VIE, UNE ŒUVRE

La parution du lundi 13 juillet cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. En désignant notre fondation,
sera exceptionnellement Bon vent ! reconnue d’utilité publique,
Conformément au vœu du défunt,
datée du 14-15 juillet 2020. Dauphine de Montlaur Sloan, comme bénéficiaire
il n’y aura pas de cérémonie.
Émile Il a été inhumé ce 10 juillet, à son épouse, de leur patrimoine,
Zola
L’indigné
Une permanence sera assurée Venaco (Haute-Corse). Alexandra Sloan Kelly, ils contribuent à améliorer
Les familles Bonnetaud et Tirard, Caroline Sloan, la vie quotidienne des personnes
le mardi 14 juillet Ses neveux et nièces,
La Louberie, Edward Sloan, âgées dépendantes, souvent isolées
jusqu’à 13 heures, Ses nombreux amis, et vulnérables, et à soutenir
07240 Silhac. ses enfants,
pour Le Carnet du Monde Alina Puig,
Joe Kelly, leurs aidants à domicile et en ehpad.
Vu par Clemenceau, Jaurès, Aragon, Mendès-France, Taubira...
laurence.deray@orange.fr
daté du jeudi 16 juillet 2020. Drew Eckstein, Leur mémoire restera à jamais
Hors-série ont la douleur de faire part du décès
de ses gendres ancrée dans nos souvenirs.
----------------- Paris. Ainsi que Sasha et Margot, Nous ne les oublierons jamais.
M. Robert MANCHON, ses petites-filles, Fondation AGES
Isabelle Roque,
0123 Merci de nous adresser
Michel Bardot,
ingénieur agronome,
ont la grande douleur de faire part
75, allée Gluck - BP 2147
HORS-SÉRIE
vos demandes par mail chevalier 68060 Mulhouse Cedex.
en précisant impérativement votre Michel Bouyer, de l’ordre national du Mérite, du décès de www.fondation-ages.org/
1940 numéro de téléphone personnel,
votre nom et prénom,
ont la tristesse de faire part du décès survenu le 5 juillet 2020, Robert Daniel SLOAN,
professeur de droit Formation
DE GAULLE
de à l’âge de quatre-vingt-neuf ans.
adresse postale et votre éventuelle
LA RÉSISTANCE
PÉTAIN à l’université de Tulane,
référence d’abonnement.
LA COLLABORATION

M. Jean Claude FROMAGE, L’inhumation s’est déroulée dans à la Nouvelle Orléans,

L’équipe du Carnet l’intimité familiale, au cimetière
reviendra vers vous de Vaugirard, Paris 15e, ce vendredi survenu le 19 juin 2020,
survenu à Paris 18e, le 24 mai 2020, à La Nouvelle Orléans,
dans les meilleurs délais. 10 juillet.
à l’âge de soixante-quinze ans. à l’âge de soixante-douze ans.
catherine.tirard@orange.fr
Hors-série La cérémonie religieuse a été L’inhumation a eu lieu ce 10 juillet,
carnet@mpublicite.fr célébrée le jeudi 9 juillet, en sa à 14 heures, au cimetière de Trégon
paroisse, l’église Notre-Dame de Jérôme Marcel et Marie-Françoise (Côtes d’Armor).
Mars,
Clignancourt. Christophe Marcel et Elodie Crénol,
FIA
HORS-SÉRIE JEUX
L’Inalco

l’ARGOT
MARC ELLE RATA
LULU D’ARD IS •
AU CARNET DU «MONDE» Julie et Stéphane Markovic, Fontainebleau. Paris. lance un DU d’ethnomédecine
Cristina Fustec Briceño et Pierre ses enfants, en septembre 2020
POU R TOU S
JEU X ET QUIZ Z
Fustec, Chantal Derudder, Marie-Laurence et Jean-Christophe D’une durée de deux ans,
Mariage ses parents, sa compagne, Régnier,
Quizz,

Bruno et Françoise Marcel, ce nouveau DU comprend 12 UE

Jean-Emmanuel Tixier et Celine
mots croisés,

Sophie Fustec et Roxane Fustec,

mots cachés,

de langues
mots fléchés,
jeux de l’oie,
coloriages et
Catherine et Pierre-Yves PÉCHOUX Dominique et Pascale Marcel, Nizinski,
ses sœurs,
points reliés,

(initiation chinois ou hindi),

rebus,

sont heureux de faire part du mariage ses frères et leurs conjointes,

anagrammes,
version, etc.

Jean-Francois Tixier et Guillaume,

de leur petite-fille Kamila, Evan, Luka, Adrianna, Lilie, Marie David, de sciences humaines et sociales
ont l’immense douleur de faire part Milan, Eva, Raphaël, Owen, Francine Trouvé-Tixier, (droit de la santé, anthropologie
du décès de ses petits-enfants, et géographie de la santé),
Clotilde BOUTIN Les enfants Térence et Alexandra ont la tristesse de faire part du décès d’ethnobotanique,
avec Ainsi que toute la famille,
Pablo Manuel de d’ethnopharmacologie,
Hors-série jeux Smaïn MERAD, FUSTEC BRICEÑO, de médecine chinoise
ont la tristesse de faire part du décès M. Jean-Louis TIXIER, et ayurvédique.
à Toulouse, le 23 juillet 2020. de Ce diplôme est ouvert
survenu à Mexico, le 5 juillet 2020,

Collections Décès
dans sa trente-troisième année. M. Jean-Luc MARCEL,
survenu à Paris, le 7 juillet 2020,
à l’âge de soixante-neuf ans.
à tous les professionnels de santé,
médecins, pharmaciens,
infirmiers, sages-femmes,
Il a encore tant d’autres beaux survenu à Paris, le 6 juillet 2020,
Gaëlle Bernard, chemins à illuminer. à l’âge de soixante-sept ans. Alice, Mikaël et Shawn Witkowski, kinésithérapeutes, ergothérapeutes,
son épouse, ses enfants, ainsi qu’aux autres professionnels
Jean-Louis et Anita Bernard, Les obsèques auront lieu le lundi Sara et Dune, à partir du niveau L2-L3
Maud de Galard et Romain, 13 juillet, à 15 heures, à Laragne- (sélection sur dossier).
ses parents, ses petites-filles,
Hector de Galard et Sophie, Montéglin (Hautes-Alpes). leur mère et grand-mère, Jane INALCO,
Ses enfants, Jeanne de Galard et Charles,
Ses petits-enfants, Hennessy, 65, rue des Grands Moulins,
ses enfants, Jane Witkowski, 75013 Paris.
Ses frères et sœurs, Gilles et Frédérique de Galard, Noémie Meyer,
Les familles Bernard et Flahault, sa fille, sa mère, Renseignements :
et leurs enfants, Quentin et Sylvia Meyer, Vanina De Greef et Stéphanie www.inalco.fr/formations/ecoles
Guy, Philippe et Olivier de Galard, son fils et sa belle-fille, Witkowski,
ont l’immense douleur de faire part ses cousins, ses sœurs,
Anaïs et Hugo Bagnérès,
LE VOLUME 1

Concerts
3 99
du décès de
LE LIVRET

€ Tous les membres de sa famille ses petits-enfants, Héloïse et Frédéric Delaunay, Léo
, Gourcuff, Pascale Meyer, Van Nieuwenhove,
SEULEMENT
Pierre-Marie BERNARD, son ex compagne, ses neveux et nièce,
charpentier de marine, ont la tristesse de faire part du décès Ginette Meyer, Timothy Barrington,
fondateur du chantier naval de Gisèle et Didier Wellhoff, son filleul
Dès mercredi 8 juillet, Billie Marine, ses sœurs et beau-frère ainsi que leurs compagnes et
le volume n° 1 Et toute sa famille, compagnons,
Laurent de GALARD,
NOTRE-DAME DE PARIS survenu soudainement, administrateur général
le 6 juillet 2020, ont la tristesse de faire part du décès ont la douleur de faire part du décès
du ministère de l’intérieur, de de
à l’âge de cinquante-huit ans.
survenu à l’âge de soixante-trois ans, Gérard MEYER, Nicolas WITKOWSKI,
Une cérémonie d’hommage lui le 7 juillet 2020, à Paris. 20e Festival Européen
sera rendue le samedi 11 juillet, à 8 h 30, survenu le 20 mai 2020, survenu dans sa soixante et onzième Jeunes Talents
en son chantier naval à Hennebont Ils rappellent le souvenir de son à l’âge de soixante-douze ans. année.
(Morbihan). père, Du 5 au 25 juillet 2020,
présente
M. Stéphane Péjouan L’inhumation aura lieu le samedi venez de nouveau partager
10

Chef d’entreprise remarquable Hector de GALARD et son épouse, 11 juillet 2020, à 10 h 30, au cimetière des grands moments d’évasion
d’inventivité et de ténacité, figure du Mme Valérie Brajon-Péjouan, de Vivoin (Sarthe).
(1921-1990) musicale avec les musiciens les plus
LA GRANDE GUERRE
Des taxis de la Marne milieu de la voile, personnalité hors ses enfants, talentueux de leur génération
à la bataille de Verdun
normes, amoureux de la vie, Samantha, Chloé, alicewitko@gmail.com
et de sa mère, parfois accompagnés de leurs aînés !
1914/1916

aventurier, il aura marqué de son Ludovic, Laura, Martin, Célébrez les 20 ans du festival
humour et de sa perspicacité tous ses petits-enfants,
Daisy de GALARD, Jules, Léonard,
Anniversaire de décès autour de 20 concerts
ceux qui ont eu la chance de croiser née Marguerite de GOURCUFF de musique de chambre
sa route aux quatre coins du monde. ses arrière-petits-enfants,
(1929 -2007), Les familles Péjouan, Belaman, En mémoire de avec Marie Perbost, Marc Mauillon,
Turlin, Dalard, Guitard, Le Consort,
« Plaisance d’esprit, toujours. La cérémonie religieuse aura lieu Francis VERIN, Pierre & Théo Fouchenneret,
Actuellement en vente, Equipage soudé. » ont le regret de faire part du décès de avocat, musicien et marin, Axelle Fanyo,
le 11 juillet, à 10 h 30, en l’église
le volume n° 10 Notre-Dame-des-Champs, Paris 6e. des musiciens de l’Orchestre
LA GRANDE GUERRE Cet avis tient lieu de faire-part. M. Bernard PÉJOUAN, disparu le 10 juillet 2000. national d’Île-de-France,
docteur en pharmacie, Maroussia Gentet, le Trio Karénine,
L’inhumation aura lieu à Courthézon Joëlle,
18, rue du Port, président honoraire Raphaël Sévère,
(Vaucluse), le 13 juillet, à 11 h 30. de l’académie nationale de Pharmacie, son épouse,
56570 Locmiquélic. Jean-Baptiste Doulcet,
chevalier Anne,
FEMMES 1, rue Cassini, de l’ordre national du Mérite, sa sœur, le Quatuor Ellipsos et tant d’autres…
D’EXCEPTION Marie-Christine Lorin-Bernoux, 75014 Paris. Nicolas,
son frère. Du mardi au vendredi
son épouse, « Le Montellier », survenu le 1er juillet 2020,
à l’âge de quatre-vingt-sept ans. à 20 heures,
Jean-François, 84350 Courthezon.
joellebaur@orange.fr le samedi et dimanche
son frère à partir de 16 heures.
et Dany Bernoux, lemontellier@degalard.fr Les obsèques se sont déroulées
dans l’intimité. Distanciation assurée,
Pierre et Morgan Bernoux, Remerciements masques à disposition
ses enfants, valeriepej78@gmail.com Tarifs de 8 € à 20 €.
Pauline et Johany Ringuet, Delphine GIRI, Informations et réservations sur
Julien Salmon et Caroline Miller, née CHAUVEAU, www.jeunes-talents.org
Pascal Penaud
Denise Lorin, et son épouse, Vicky Grjebine, Tél : 01 40 20 09 20.
Fabrice et Anne Lorin nous a quittés le 2 juillet 2020. Dominique Penaud
et leurs enfants, et son époux, Philippe Jauffret,
Laësa, Nae, Téo, Lou et Mila, Son mari, Marion Penaud, Société éditrice du « Monde » SA
En vente actuellement, ses petits-enfants Sa fille, ses enfants, Président du directoire, directeur de la publication
Déborah, Victor, Maxime, Antoine, Louis Dreyfus
le volume n° 13 Et ses nombreux amis, Sa famille, Directeur du « Monde », directeur délégué de la
Jules,
CAMILLE CLAUDEL Ses amis,
ses petits-enfants, La Fédération des Aveugles
publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
ont l’immense tristesse de faire part Directeur de la rédaction Luc Bronner
de France Directrice déléguée à l’organisation des rédactions
du décès de l’ont célébrée le jeudi 9 juillet, ont la douleur de faire part du décès rend hommage Françoise Tovo

Nos services Pierre-Marie BERNOUX,

à 14 h 30, en l’église Saint-Gilles
de Bourg-la-Reine.
de à ses généreux bienfaiteurs. Direction adjointe de la rédaction
Grégoire Allix, Philippe Broussard, Emmanuelle
Chevallereau, Alexis Delcambre, Benoît Hopquin,
journaliste, Jeanne PENAUD-REQUIER, En désignant notre association Marie-Pierre Lannelongue, Caroline Monnot,

Lecteurs survenu le 27 juin 2020,

TdC et autres vendeurs de figues
ont perdu leur plus ardent opposant.
ancienne élève de l’ENA,
présidente
comme bénéficiaire
de leur patrimoine,
Cécile Prieur, Emmanuel Davidenkoff (Evénements)
Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
Rédaction en chef numérique
de l’association rencontres Hélène Bekmezian
K Abonnements à l’âge de soixante-cinq ans. Moi, un an ce jour, mon Tonton et patrimoine en pays martelais,
ils contribuent à améliorer Rédaction en chef quotidien
Sur abo.lemonde.fr la vie quotidienne Michel Guerrin, Christian Massol, Camille Seeuws,
Selon sa volonté, les obsèques Jean-Claude, survenu le 4 juillet 2020, des personnes aveugles Franck Nouchi (Débats et Idées)
Par tél. au 03 28 25 71 71 et malvoyantes. Directeur délégué aux relations avec les lecteurs
de 9 h à 18 h (prix d'un appel local) ont eu lieu dans la stricte intimité dans sa quatre-vingt-huitième année. Gilles van Kote
le 29 juin. Leur mémoire restera à jamais Directeur du numérique Julien Laroche-Joubert
qui me manque tant. ancrée dans nos souvenirs.
K Le Carnet du Monde De là-haut, tu dois voir mon Elle aimait sa famille, le Lot et Chef d’édition Sabine Ledoux
défendait vigoureusement l’ENA qui Nous ne les oublierons jamais. Directrice du design Mélina Zerbib
carnet@mpublicite.fr Cet avis tient lieu de faire-part ballon que ces satanées mouettes me Direction artistique du quotidien Sylvain Peirani
et de remerciements. a permis à cette fille d’instituteurs Photographie Nicolas Jimenez
chipaient. lotois de devenir haut fonctionnaire. Fédération des Aveugles Infographie Delphine Papin
D’ici-bas, j’essaie de vivre comme de France, Directrice des ressources humaines du groupe
Marie-Christine Lorin-Bernoux, si de rien n’était. Famille Penaud, 6, rue Gager Gabillot, Emilie Conte
Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
13, villa Houssay, Et puis il reste Tatie Monique, 50, rue d’Assas, 75015 Paris. Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président,
92200 Neuilly. ma Tatie. 75006 Paris. Tél. : 01 44 42 91 91. Sébastien Carganico, vice-président
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
PARIS | HAUTE COUTURE AUTOMNE-HIVER 2020-2021
Le virtuel
sur mesure
Deux mannequins, un fond blanc et une pointe de punk pour Chanel,
un sous­bois, des nymphes, une sirène et un vestiaire classico­chic
chez Dior, ces deux marques de luxe ont fait des choix diamétralement
opposés pour cette première fashion week numérique
MODE
L
a fashion week de Paris
reprend du service, avec
ses membres histori­
ques, ses jeunes premiers
et son implacable rythme d’un
« défilé » toutes les heures pour la
couture, et un rythme équiva­
lent pour l’homme. Mais, en
cette saison Covid été 2020, tout
n’est pas exactement comme
d’habitude. Pour une fois, les col­
lections couture (automne­hiver
2020­2021) sont montrées (du 6
au 8 juillet) avant celles de
l’homme (du 9 au 13 juillet). Et,
surtout, aucun embouteillage de
berlines noires dans la capitale :
cette semaine de la mode a entiè­
rement eu lieu en ligne.
Soucieuse de préserver l’aura
d’un événement dont les retom­
bées économiques se chiffrent à
1,2 milliard d’euros par an pour
Paris, la Fédération de la haute
couture et de la mode a mis en
place un dispositif efficace. Cha­
que marque dispose d’un créneau
de vingt minutes pour poster une
vidéo sur la plate­forme numéri­
que ouverte à tous. Celle­ci a été
lancée en partenariat avec You­
Tube, Google, Instagram et Face­
book et est aussi alimentée par un
magazine en ligne conçu par l’Ins­
titut français de la mode. En
outre, la chaîne éphémère Paris­
Fashion est disponible en clair sur
Canal+ et le New York Times diffu­
sera les vidéos du calendrier offi­
ciel sur son site.
Les maisons ont eu la liberté de
choisir le format qui leur convient
le mieux : défilé filmé, interview,
fiction, reportage… Tout est possi­
ble, comme on a pu le constater
avec les propositions des deux
plus grandes marques de couture,
Dior et Chanel, concurrentes d’en­
styles | 25
Dior.
DIOR
Chanel.
MICHAEL JANSSON/CHANEL
Aucun
embouteillage de
berlines noires
dans la capitale :
cette semaine
de la mode
a entièrement
eu lieu en ligne.
Chaque marque
disposait d’un
créneau de vingt
minutes pour
poster une vidéo
même de faire rêver le grand pu­
blic. Dans le cadre d’une fashion
week accessible à tous, cette déci­
sion semble plutôt logique.
Mais ce n’est pas ainsi que Cha­
nel l’entend. La maison connue
pour ses défilés prolifiques et
spectaculaires (fusée décollant
dans les airs, chalets sous la
neige, plage de sable fin, super­
marché XXL, etc.) a dévoilé le
7 juillet une vidéo d’une minute
et vingt­deux secondes. C’est
tout ? C’est tout. Deux manne­
quins, un fond blanc, pas de dé­
cor. Une succession d’images ra­
pides alternant les plans panora­
miques sur les silhouettes en
mouvement et ceux plus serrés
sur le détail des vêtements.
« On voulait vraiment se concen­
trer sur la collection de Virginie
[Viard, la directrice artistique],
montrer les vêtements et ne pas se
perdre dans les fioritures, expli­
que Bruno Pavlovsky, président
des activités mode de Chanel.
Dans le contexte actuel, c’est bien
d’avoir un parti pris et de se recen­
trer sur l’essence même de la mar­
que. » C’est en tout cas une tacti­
que habile pour ne pas prêter le
flanc à la critique. Il y a un mois,
Chanel avait été la première mai­
son de mode à se lancer dans la vi­
déo : son clip de sept minutes
vergure similaire, qui ont fait des
choix diamétralement opposés.
« Je me suis inspirée du Théâtre
de la mode », explique Maria Gra­
joyeux de vêtements miniatures
nous a aidés à tenir dans ces mo­
tailleur Bar, des robes de vestale
plissées qui sont la signature de
reproduisant les paysages idylli­
ques de Capri, qui servait de pré­
Pour Dior, qui appartient à zia Chiuri, faisant référence au ments difficiles », analyse la créa­ Maria Grazia Chiuri. Mais aussi sentation pour la collection croi­
LVMH, la directrice artistique ita­ spectacle itinérant organisé trice, qui a été confinée à Rome. des modèles plus inattendus, sière de Chanel, avait été critiqué,
lienne Maria Grazia Chiuri a fait en 1945 à l’initiative de la Cham­ Comme leurs ancêtres de 1945, comme ces longs manteaux au en particulier par le New York Ti­
appel à son compatriote Matteo bre syndicale de la couture pari­ ces miniatures ont vocation à volume trapèze, ou cette robe mes, qui lui reprochait d’être trop
Garrone, réalisateur de Gomorra sienne : des poupées habillées voyager : Dior présentera la de bal qui ressemble à un tour­ déconnecté de la réalité, alors que
ou encore de Tale of Tales, dont on par les grands noms avaient par­ malle aux trésors à ses clientes à billon de plumes. les émeutes à la suite de la mort
retrouve l’esthétique romantique couru le monde pendant plu­ travers le monde. Les vêtements « Je voulais transmettre une de George Floyd se multipliaient
dans le court­métrage d’une dou­ sieurs mois pour promouvoir le seront aussi réalisés à taille hu­ émotion semblable à celle que l’on aux Etats­Unis.
zaine de minutes mis en ligne le savoir­faire français. « Dans un maine dans une toile blanche ressent face à un défilé », explique Et, cette fois encore, ce n’est pas
6 juillet. Il met en scène un sous­ sens, la période qu’on a vécue pour pouvoir être essayés et per­ Maria Grazia Chiuri. Comparée dans l’actualité que Virginie Viard
bois peuplé de nymphes et de si­ nous a confrontés à des restric­ sonnalisés. Parmi les 37 looks, on aux autres vidéos, la proposition puise son inspiration : « Je pensais
rènes choisissant des tenues mi­ tions similaires à celles de l’épo­ retrouve sans surprise des réin­ de Dior est non seulement la plus à une princesse punk sortant du
niatures à l’intérieur d’une malle. que. Se lancer dans ce projet terprétations de l’emblématique étonnante, mais aussi la plus à Palace à l’aube, explique­t­elle.
Avec une robe en taffetas, des che­
veux volumineux, des plumes et
Court-métrage, clip, teaser... à chaque maison, son option beaucoup de bijoux. Cette collec­
tion est davantage inspirée par
Karl Lagerfeld, qui allait au Palace,
la haute couture a beau être un do­ voir une nature sublimée – écorce d’arbre, peut aider. Aelis a ainsi confié au choré­ que par Gabrielle Chanel. » C’est le
maine sélectif et ultraprivilégié, le calen­ terre friable, pétales de fleurs –, source graphe Jacopo Godani le soin d’imaginer règne de l’opulence, avec des sil­
drier comptait tout de même 32 marques d’inspiration pour une collection à admi­ un ballet vénéneux pour valoriser ses ro­ houettes aux volumes impo­
inscrites au calendrier cette saison. rer en septembre chez Elie Saab, une sil­ bes soyeuses tandis qu’Azzaro a misé sur sants, saturées de broderies, gar­
Autant dire qu’il a fallu pour chacune houette énigmatique coiffée d’un cha­ le jeune cinéaste belge Lukas Dhont, nies de dentelles peintes à la
trouver le format adapté à son univers et à peau chez Maison Margiela ou une étoffe primé à Cannes pour son film Girl en 2018, main, vibrantes sous l’explosion
ses moyens, pour tenter de se différencier. brillante déployée chez Valentino, mai­ chargé de tourner un clip musical pop de paillettes, de pierres, de strass
Première option : l’invitation en coulis­ sons réputées pour la qualité de leur cou­ pour insuffler de la vie aux robes fendues et de perles. Beaucoup de tweed
ses pour donner à voir le créateur ou les ture mais qui attendront respectivement et ajourées signées du nouveau directeur et de tailleurs fidèles à l’héritage
ateliers au travail. Avec des vidéos propo­ les 16 et 21 juillet pour dévoiler en intégra­ artistique, Olivier Theyskens. Chanel, un soupçon d’austérité
sant généralement des gros plans ap­ lité leurs nouvelles pièces. Et le Covid­19 dans tout ça ? Aimant ré­ (une robe extra­longue en ve­
puyés sur les mains. Des mains qui mesu­ Mais c’est lorsque les designers osent in­ péter que couture rime avec rêve, la plu­ lours noir) compensé par un
rent, coupent, cousent, piquent le tissu, venter une troisième voie, avec des narra­ part des créateurs ont ignoré la pandé­ zeste de sensualité (un décolleté
comme chez Rabih Kayrouz, qui retrace tions qui leur sont propres, en cohérence mie, misant sur des biotopes fantasmés échancré, un dos nu). Tous les vê­
la création, entre Beyrouth et Paris, d’une avec les habits qu’ils défendent, qu’une où s’évader en robes du soir rebrodées, à tements sont d’une extrême so­
robe orangée, squelette de bandelettes vraie valeur ajoutée surgit. Ainsi, Ronald mille lieues des hôpitaux et des labos de phistication, qui ne se voit pas
qui prend vie quand celle qui l’enfile tour­ van der Kemp, connu pour ses robes à recherche. C’était compter sans la conclu­ forcément à l’écran.
noie. Ou bien des mains qui dessinent : empiècements dépareillés, bricolées à sion des facétieux Viktor & Rolf, qui se « On ne construit pas en profon­
celles de Daniel Roseberry, de Schiapa­ partir de tissus récupérés, a su reproduire sont confrontés au sujet avec un certain deur une marque avec le digital,
relli, qui, confiné à New York, n’a pu pré­ cet effet patchwork avec huit mini­courts­ second degré. Résultat ? On découvre en analyse Bruno Pavlovsky. Il ne
senter que des esquisses où l’on recon­ métrages très différents les uns des vidéo, entre autres, un mannequin en peut qu’amplifier quelque chose de
naît son trait mouvementé et les tailles autres. Le jeune Japonais minimaliste robe couverte d’émojis riant, pleurant, déjà existant. » Pour Chanel, une
toujours extrafines de ses silhouettes aux Yuima Nakazato a opté pour une sobre vi­ grimaçant, pour figurer les émotions collection se montre en vrai, de­
détails surréalistes. déo pour expliquer son projet poétique : il contradictoires traversées en période de vant 1 500 spectateurs prêts à dé­
Deuxième possibilité : le teaser. C’est a réinterprété à sa façon les chemises confinement, ou en grand manteau ar­ gainer sur Instagram leur vidéo
souvent la formule adoptée par ceux que blanches de 25 participants tirés au sort rondi à maxi­picots qui évoque sans mal du défilé. La maison espère pou­
la pandémie a ralentis et qui n’ont pas eu pour en faire des créations sensibles, la modélisation d’un virus en 3D. Le tout, voir renouer avec un show physi­
le temps de finaliser en atelier leurs collec­ adaptées à l’histoire de chacun. cela va sans dire, avec le visage couvert que dès septembre. En attendant,
tions. Le film proposé tient alors davan­ Pour s’assurer de ne pas rater son coup, par un masque assorti.  elle fait le choix de la sobriété. 
tage de la bande­annonce. Il peut donner à faire appel à des artistes collaborateurs valentin pérez elvire von bardeleben
26 | dossier spécial
L’information 
à l’épreuve 
du Covid­19
Journalistes confinés, déferlement
de « fake news », information monopolisée
par la pandémie : pour les médias,
la crise a été riche en leçons. Tour d’horizon
Q
uand le confinement a été
instauré, je lisais tout. Je
regardais tous les JT [jour­
naux télévisés], j’écoutais
toutes les émissions
d’info… Je savais tout et le
contraire de tout. J’aurais
pu devenir rédactrice en chef dans n’importe
quel média ! » Cette confidence d’une ex­
confinée angoissée, beaucoup de Français
pourraient sans doute la faire, tant la soif
d’informations sur le Covid­19 a paru inex­
tinguible tout au long du printemps. Pour
l’étancher, les journalistes spécialisés en
santé ou en sciences ont travaillé dans des
conditions inédites et, partout dans les
rédactions, les messages de remerciement
et de soutien ont afflué… en même temps
que les remarques piquantes et les critiques
parfois cinglantes.
« Au cours de la première semaine de confi­
nement, confie Emmanuelle Daviet, la mé­
diatrice des antennes de Radio France, nous
avons reçu autant de messages que d’habi­
tude en un mois. A la fin, nous en avions ras­
semblé 60 000. C’est considérable. » Aux sus­
picieux « C’est quand même curieux, ces
infos en boucle sur une grippe… » de l’avant­
confinement ont succédé les bienveillants
« Et vous, comment allez­vous vous organi­
ser pour travailler ? », les tendres « C’est la
première fois que je vous écris… », puis les
irrités « Vos émissions sont anxiogènes et
alarmistes », « Soyez moins pessimistes » ou
encore « Soyez plus critiques ». Autant de
réflexions qui engagent à questionner la
pratique journalistique.
Des journalistes privés
de terrain
« En dépit de conditions difficiles, et même si
elle aime bien battre sa coulpe et les gens la
critiquer, la presse a bien travaillé », estime
Alexis Lévrier, maître de conférences à
l’université de Reims et spécialiste de l’his­
toire du journalisme. A ses yeux, elle a
rempli « ses trois fonctions » : pratique, « dans
le sens où elle a donné les informations sani­
taires nécessaires » ; de proximité, « notam­
ment en ouvrant ses antennes aux auditeurs
et téléspectateurs » ; critique, parce que,
« alors que l’opinion publique voulait de
l’union nationale, la parole officielle a très
vite été remise en question ». Le chercheur en
veut pour preuve l’article sur Agnès Buzyn
paru dans Le Monde du 17 mars, dans lequel
l’ancienne ministre de la santé donnait à en­
tendre un point de vue discordant sur l’anti­
cipation des événements par l’exécutif…
« Par rapport à d’autres crises sanitaires, on
n’a pas été mal informés, confirme Hélène
Romeyer, professeure en sciences de l’infor­
mation et de la communication à l’univer­
sité de Bourgogne Franche­Comté et spécia­
liste de la médiatisation des questions de
santé. Et les pouvoirs publics ont joué la trans­
parence. » La diffusion en direct par certai­
nes chaînes du point d’information quoti­
dien de Jérôme Salomon, le directeur général
de la santé, a certes parfois suscité quelque
agacement. Mais « l’opinion publique a be­
soin de voir le système en train de travailler,
assure l’universitaire, et le pouvoir n’avait
d’autre choix que de donner ces informations.
Il est vrai qu’elles auraient pu l’être avec da­
vantage de recul, de commentaires ou de mi­
ses en perspective ».
Sans doute aurait­il fallu mieux « résister au
démon de l’immédiateté », selon la formule
d’Agnès Duperrin, journaliste santé à Notre
temps et vice­présidence de l’Association des
journalistes médicaux grand public, et pro­
poser davantage de reportages. « Notre mé­
tier, c’est quand même d’aller sur le terrain »,
souligne ainsi une journaliste contrainte,
comme la quasi­totalité de la profession, au
télétravail pendant la durée du confinement.
De fait, même si les journalistes pou­
vaient déroger à celui­ci pour accomplir
leur mission d’information, leur liberté de
mouvement était, au minimum, contrariée
par le nécessaire respect des règles sanitai­
res. A l’Assistance publique­Hôpitaux de
La 5e édition du festival reportée à 2021
jusqu’au mois de mars, l’équipe éditoriale du
Festival international de journalisme s’était
préparée à revoir ses thématiques 2020 à la lu­
mière de la pandémie de Covid­19. Un peu comme
l’année précédente, quand le mouvement des « gi­
lets jaunes » avait conduit à modifier l’une
des sept thématiques du festival organisé à
Couthures­sur­Garonne (Lot­et­Garonne) et à
ouvrir l’événement par une rencontre avec les « gi­
lets jaunes » de la région, animée par la journaliste
du Monde Florence Aubenas.
En mars donc, les deux journalistes du Groupe
Le Monde chargés de concevoir et d’animer la thé­
matique « Fin du monde : joue­t­on à se faire
peur ? », Delphine Veaudor (Courrier international)
et Olivier Nouaillas (La Vie), ont commencé à
réfléchir à la meilleure façon d’intégrer les problé­
matiques soulevées par la crise sanitaire aux neuf
heures de rencontres, de débats, d’échanges, de
lectures et de performances, qui devaient être
consacrées au sujet.
On imaginait même, début avril, organiser une
rencontre sur le thème « Le journalisme de terrain
est­il possible en temps de pandémie ? » quand
Paris, par exemple, on était dans l’impossi­
bilité de répondre à la demande : le service
de presse a dénombré environ « 150 con­
tacts journalistiques » par jour pendant
deux mois, soit autant que lors des pics
constatés au moment des attentats de 2015.
Mais, alors que les hôpitaux submergés de
malades n’accueillaient plus les reporters,
l’urgence se manifestait sur un autre front :
celui de la désinformation…
Rumeurs et contre­vérités
Pour preuve de la puissance de la déferlante
de « fake news », le réseau social Facebook a,
sur le seul mois d’avril, affiché des avertisse­
ments sur 50 millions de publications pro­
blématiques, grâce à un réseau de 60 contri­
buteurs dans le monde (dont, en France, le
« Factuel » de l’Agence France­Presse, le
« Fake Off » de 20 Minutes, « CheckNews » de
Libération, « Les Décodeurs » pour Le Monde
et les contenus « Stop l’infox » des rédactions
de France Médias Monde).
Au « Magazine de la santé », le rendez­vous
quotidien de France 5, le rédacteur en chef
adjoint, Jean­Marie Pernaud, est resté pan­
tois devant ce tsunami de rumeurs et de con­
tre­vérités : « Non seulement la tâche [pour
les déconstruire] était titanesque, mais il fal­
lait faire en sorte de ne pas braquer les gens,
témoigne­t­il. Pour certains, à partir du mo­
il a fallu se rendre à l’évidence : la 5e édition du
Festival international de journalisme, prévue du
vendredi 10 au dimanche 12 juillet, devait être
reportée à 2021. Finaliser la programmation en
pleine période de confinement était impossible,
et il n’était pas raisonnable d’espérer ac­
cueillir 6 000 personnes sur les bords de la Ga­
ronne au début de l’été.
Blessure coloniale, GAFA, expression du peuple…
Décision a donc été prise de repousser d’une année
la prochaine édition de cet événement destiné aux
passionnés d’actualité et d’information : elle aura
lieu du 9 au 11 juillet 2021. Il est évidemment bien
trop tôt pour en révéler la programmation, mais cel­
le­ci s’articulera autour des thématiques sur lesquel­
les les journalistes du Groupe Le Monde, partenaire
du festival, avaient commencé à travailler : la diver­
sité dans les médias, les rapports ambivalents de
ceux­ci avec les GAFA, le rôle des critiques culturelles,
la « fin du monde » donc, mais également l’expres­
sion du peuple, le modèle agricole ou encore un
thème qui serait tombé à pic dans l’actualité :
« Peut­on refermer la blessure coloniale ? »
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
ment où vous n’apportiez pas de l’eau au
moulin de telle thèse ou telle personne, vous
étiez un journaliste vendu et vous vous faisiez
insulter. » C’est dans ce contexte tendu que,
fin avril, le gouvernement a cru bon de lan­
cer sur son site la rubrique « Désinfox coro­
navirus », une sélection d’articles piochés à
son gré dans la presse, instrumentalisant
cette dernière à son corps défendant.
Quoique exceptionnelle en matière de vo­
lume, la propagation d’informations farfe­
lues n’a rien d’une nouveauté. La doctorante
et enseignante à l’université Paul­Valéry de
Montpellier Nejma Omari a ainsi relevé des
similitudes étonnantes entre les emballe­
ments provoqués par la grippe espagnole, sa
cousine des années 1930 et ceux de la pandé­
mie de Covid­19. Entre le port du masque
auquel les Français se refusaient alors pour
des raisons esthétiques et un médicament
miracle nommé « quinine », les sujets traités
dans les médias lui ont paru étonnamment
proches. A ceci près que, cette fois­ci, « ce
sont plutôt les gens lambda qui ont relayé des
informations non fiables ».
Des experts omniprésents
Dernier point commun entre hier et
aujourd’hui : la prolifération de la parole
scientifique et médicale. Aux dires des mé­
dias, unanimement reconnaissants, les soi­
On imagine bien qu’aucune de ces thématiques
ne sera dépassée en 2021. Mais il faudra égale­
ment revenir sur le terrible choc sanitaire, écono­
mique et social, provoqué par la pandémie,
dont on ne sait évidemment pas comment elle va
évoluer dans les mois qui viennent. Il faudra se
poser la question du rôle des médias face à un tel
événement : ont­ils été anxiogènes ou ont­ils
permis d’informer et de protéger les citoyens ?
Ont­ils été trop critiques ou trop conciliants en­
vers le gouvernement ? Sortent­ils affaiblis de la
crise, qui a impacté la diffusion de la presse écrite
et stoppé net la publicité ?
Le festival avait engagé relativement peu de dé­
penses pour 2020 quand la décision de repousser
sa 5e édition a été prise, et il a pu compter sur le
soutien des collectivités territoriales partenaires.
Rendez­vous donc, en juillet 2021, avec celles­ci,
mais aussi avec les 400 habitants de Couthures­
sur­Garonne, « coproducteurs » de l’événement, et
avec l’actrice Ariane Ascaride, qui avait accepté
d’être la marraine du festival en 2020. L’invitation
reste évidemment valable ! 
gilles van kote
0123
SAMEDI 11 JUILLET 2020
gnants ont toujours trouvé quelques ins­
tants dans leurs emplois du temps surchar­
gés pour participer à la certification de l’in­
formation. Mais les inconvénients n’ont pas
manqué non plus. D’abord, les publications
scientifiques tombaient comme à Grave­
lotte, avant même d’avoir été soumises à
une quelconque critique.
« Certaines étaient reprises en boucle par les
chaînes d’info en continu, et nous n’avions
plus qu’à courir derrière pour trier ce qui était
valable de ce qui ne l’était pas », vitupère une
journaliste. Or « le temps de l’enquête scienti­
fique et celui de l’enquête journalistique ne
s’emboîtent pas », rappelle la chercheuse Hé­
lène Romeyer. Ensuite, outre « l’épisode Di­
dier Raoult », véritable cas d’école d’un em­
ballement autour d’une étude à la méthodo­
logie très contestable, on a vu une nuée de
« médecins, infectiologues, professeurs en
manque de notoriété » se hâter aventureuse­
ment devant les micros qu’on leur tendait.
« Dans le contexte d’extrême électrisation
qui régnait alors, certains sont sortis des
rails, condamne Yves Sciama, journaliste
scientifique indépendant et président de
l’Association des journalistes scientifiques
de la presse d’information. Des gens d’habi­
tude pondérés ont perdu, non pas la raison,
mais au moins la prudence, en soutenant des
thèses avant qu’elles soient suffisamment
documentées. » Les rédactions qui dispo­
saient de journalistes spécialisés ont mieux
évité ces pièges tendus par la fébrilité que
celles qui ont hissé à la va­vite des reporters
tout­terrain au rang d’experts.
« L’expérience des précédentes épidémies
m’a été très utile pour redoubler de pru­
dence », reconnaît ainsi Frédérique Prabon­
naud, journaliste santé sur France 2, qui se
souvenait par exemple « s’être fait avoir »
par « des modèles épidémiques » qui, lors de
l’épisode de grippe H1N1, s’étaient révélés er­
ronés. Au moins peut­on espérer qu’à la pro­
chaine épidémie, toute une génération de
journalistes aura retenu quelques leçons du
coronavirus… Et le public avec elle.
Un public très demandeur
Pendant le confinement, les Français auront
regardé l’information à la télé comme jamais
(avec des audiences record à la clé pour les JT
et les chaînes d’info) et acheté des journaux
autant qu’ils l’ont pu − difficilement dans
leur version papier, allègrement dans leur
« JE SUPPOSE  version numérique. Comment, alors que la
QU’ON A CONTINUÉ  situation était aussi inquiétante qu’inédite,
À MOURIR 
aurait­il pu en être autrement ?
Cette focalisation sur le Covid­19 et ses con­
séquences a pourtant fini par lasser une par­
EN SYRIE. QUITTE 
À ALLONGER 
tie du public. Lorsque la morbidité a reflué et
que l’angoisse s’est atténuée, des critiques
sur le manque de diversité des informations
LA DURÉE DES  se sont élevées. « Je suppose que, pendant la
période, on a continué à mourir en Syrie, raille
“20 HEURES”,  Hélène Romeyer. Quitte à allonger la durée
des “20 heures”, il aurait fallu le faire avec des
IL AURAIT FALLU  sujets hors Covid. »
LE FAIRE AVEC  Jean­Marie Pernaud reconnaît que, au
cours des « trois dernières semaines de confi­
DES SUJETS  nement », les fidèles du « Magazine de la
santé » se sont mis à réclamer qu’on leur
HORS COVID » parle d’autre chose. « Dès le lendemain du
HÉLÈNE ROMEYER déconfinement, on a consacré l’émission à la
spécialiste ménopause, se souvient­il. Je crois que je n’ai
de la médiatisation jamais été aussi content d’aborder ce sujet ! »
des questions de santé Pourtant, même si l’envie de tourner la page
se fait sentir, la maladie continue de rôder
avec insistance. Et la nécessité d’en informer
le public reste impérative. Alors, comment
faire ? « Même si les gens ont envie de croire
qu’on est sortis de cette histoire, ce serait une
erreur pour les médias d’épouser ce mouve­
ment », prévient Alexis Lévrier. Il y va de leur
crédibilité, au terme d’un épisode comme les
journalistes n’en avaient jamais vécu. 
aude dassonville
dossier spécial | 27
Vu de Suisse : « Comment
raconter ce que l’on ne voit pas ? »
le confinement fut une impasse jour­
nalistique européenne. Comment racon­
ter ce que l’on ne voit pas ? Comment se
fier aux témoignages tournés parfois à la
maison, cadre serré, enregistrés avant
d’être postés sur les réseaux sociaux ? Le
Covid­19 a partout semé, de mars à mai,
des graines de réalité virtuelle contre les­
quelles les journalistes devront, à l’ave­
nir, apprendre à se prémunir.
Pendant que les médecins occupaient
les écrans et les colonnes des journaux,
contre­vérités et infox proliféraient. Le
travail de vérification par les médias sé­
rieux fut de grande ampleur. Mais quid
de l’autre vérité, celle du terrain ?
L’épidémie fut une sorte de brouillard
compliqué à dissiper. Les opérations
d’immersion dans les hôpitaux permet­
taient de partager la douleur des soi­
Vu d’Espagne : « La nécessité
des journalistes spécialisés »
qui aurait pu le prévoir ? Quel jour­
naliste aurait imaginé que la crise ma­
jeure de notre époque devrait être cou­
verte à distance, enfermés chez nous ? Ce
ne fut pas là le seul paradoxe du confine­
ment et de la pandémie : nous, les cor­
respondants à l’étranger, qui informons
sur ce qu’il y a d’exceptionnel ou d’« exo­
tique » dans les pays où nous sommes
en poste, devions informer sur un évé­
nement qui avait lieu en même temps
sur toute la planète.
Une leçon à retenir pour la presse est
la nécessité de disposer de journalistes
spécialisés : El Pais a une rubrique scien­
tifique qui a permis de faire le tri dans la
surabondance d’informations super­
flues ou simplement fausses. Deuxième
leçon : malgré les difficultés du confine­
ment, le terrain reste indispensable.
Vu de Grande-Bretagne: «Un choc
économique pour les médias»
en grande­bretagne, le Covid­19 s’est
avéré à la fois une opportunité et une
menace. D’une part, la gravité de la
crise et la façon désastreuse dont le
gouvernement de Boris Johnson l’a gé­
rée ont révélé une soif remarquable du
public pour des informations indépen­
dantes, fiables et fondées sur les faits.
Le site du Guardian a enregistré un
bond spectaculaire de son audience.
Lors des rebondissements les plus dra­
matiques de la saga Brexit, le journal
s’était habitué à une moyenne de 8 à
10 millions d’utilisateurs uniques par
jour. Fin mars, il a connu des pics à
25 millions. Aujourd’hui, la moyenne
s’est stabilisée entre 14 et 18 millions.
D’autre part, les médias – et surtout la
presse écrite – ont encaissé un énorme
choc économique auquel beaucoup ris­
« The Guardian », « El Pais » et « Le Temps » sont partenaires du Festival
international de journalisme, organisé avec le soutien du Groupe Le Monde.
gnants, mais pas toujours de mieux
comprendre. Comment, en France, éva­
luer le bien­fondé des TGV sanitaires qui
évacuèrent des centaines de patients ?
Comment, vu de Suisse, raconter le quo­
tidien des malades accueillis dans les hô­
pitaux de Bâle, Berne ou Genève ? Com­
ment comparer, dans la deuxième quin­
zaine d’avril, le verrouillage français et la
réouverture anticipée, en Allemagne,
des magasins et des lieux publics ?
Il nous aura manqué les confidences
en temps réel, le récit des coulisses, l’ac­
cès rapide et facile aux décideurs et aux
patients. Le Covid­19 a contaminé notre
façon de travailler en plaçant sous clo­
che le sel du métier de journaliste : no­
tre indispensable et saine curiosité. 
richard werly (correspondant
à paris pour « le temps »)
Rien ne remplace le contact personnel,
l’histoire vécue, a fortiori devant une
crise au coût humain dramatique. Et
une troisième : la pandémie confirme
que les citoyens attendent une informa­
tion rigoureuse, et celle­ci a un coût.
Ce n’est pas une particularité de l’Espa­
gne : partout, les audiences ont aug­
menté et la publicité a baissé. Pour mon
journal, cela a coïncidé avec le démar­
rage encourageant d’un système d’accès
payant à notre site. Le journalisme est
devenu un bien de première nécessité. Et
aussi l’agora de sociétés en détresse. Les
mots du dramaturge américain Arthur
Miller – « Un bon journal est, je suppose,
une nation qui se parle à elle­même » –
semblent plus valables que jamais. 
marc bassets (correspondant
à paris pour « el pais »)
quent de ne pas survivre. Le Guardian
prévoit une baisse de revenus sur les six
premiers mois de l’année de l’ordre de
25 millions d’euros, soit plus de 10 % de
son chiffre d’affaires annuel. Les hausses
de salaires ont été reportées, une cen­
taine de salariés sont au chômage partiel
et les cadres les mieux payés ont accepté
une baisse de salaire de 20 %.
Presque tous les grands titres britan­
niques ont lancé des plans d’écono­
mies. Le groupe de presse Reach, pro­
priétaire des tabloïds Daily Mirror et
Daily Express et de grands titres régio­
naux, a mis un millier de salariés au
chômage partiel au début de la crise et a
annoncé, le 7 juillet, que 550 d’entre eux
seraient définitivement licenciés. 
jon henley, correspondant
pour l’europe du « guardian »
 IDÉES
0123
28 | SAMEDI 11 JUILLET 2020

L’effacement
des
femmes de savoir
pendant
la crise sanitaire
Les « experts » interrogés par les médias sur le Covid­19 et ses
conséquences étaient à 80 % des hommes. Cette inégalité est le fruit
d’une longue histoire : les femmes ont, pendant des siècles,
été exclues du monde de la connaissance, mais aussi de l’espace public

E
lles ont disparu du débat public sans
crier gare, comme sur la pointe des
pieds – au point qu’il a fallu toute la
machinerie statistique de l’Institut
national de l’audiovisuel (INA) et du
Conseil supérieur de l’audiovisuel
(CSA) pour mesurer l’ampleur de la dé­
route. Pendant la crise due au Covid­19, les
femmes « expertes » étaient absentes, ou
presque, des plateaux télévisés et des débats
radiophoniques. « La parole d’autorité reste
un monopole largement masculin, y compris
dans un secteur comme celui de la santé où
les femmes sont majoritaires », constataient
le 23 juin, dans La Revue des médias de l’INA,
les chercheurs David Doukhan, Cécile Méa­
del et Marlène Coulomb­Gully, après avoir
analysé les journaux de TF1, France 2, France
3, CNews et BFMTV de mars­avril.
Le constat du CSA n’est pas moins sévère.
La crise sanitaire a « aggravé » une anomalie
que l’autorité publique combat depuis de
longues années : les femmes, moins présen­
tes dans les médias audiovisuels que les
hommes (41 % contre 59 %), restent souvent
cantonnées au registre traditionnel de la fé­
minité – le témoignage sur la vie quoti­
dienne (55 % contre 45 %). Pendant la crise sa­
nitaire, elles ont ainsi été invitées à raconter
à la première personne leur expérience de
« maman confinée » ou de victime de violen­
ces, mais elles ont beaucoup plus rarement
endossé le costume respecté de l’expert.
Cette difficulté à accéder au statut de « sa­
chant » n’est pas nouvelle – en 2019, les
femmes ne représentaient que 38 % des
experts invités à la télévision et à la radio –,
mais la tendance s’est considérablement
renforcée pendant l’épidémie. Sur les 3 000
experts interrogés par TF1, France 2, M6,
France 5, BFM, LCI, France Inter et RTL, seuls
Qu’en est-il de la parité dans les colonnes du « Monde » ?
20 % étaient des femmes. Une absence
d’autant plus énigmatique que le monde
médical est aujourd’hui largement fémi­
nisé : 27 % seulement des médecins sollici­
tés par les médias étaient des femmes, alors
qu’elles représentent, selon l’Insee, 52 % des
médecins hospitaliers et 46 % des généra­
listes et des spécialistes.
PLUS DE BACHELIÈRES QUE DE BACHELIERS
Ce déséquilibre a été jugé suffisamment
préoccupant pour que l’ancienne secrétaire
d’Etat chargée de l’égalité, Marlène
Schiappa, confie à la députée Céline Calvez
(La République en marche) un rapport sur
« la place des femmes dans les médias en
temps de crise ». Dans sa lettre de mission,
Marlène Schiappa cite une mise en garde
que Simone de Beauvoir adressait, dès
1949, dans Le Deuxième Sexe, aux femmes
qui imaginaient que les combats seraient
un jour derrière elles : « N’oubliez jamais
qu’il suffira d’une crise politique, économi­
que ou religieuse pour que les droits des
femmes soient remis en question. Ces droits
ne sont jamais acquis. Vous devrez rester
vigilantes votre vie durant. »
Simone de Beauvoir avait vu juste, estime
Marlène Schiappa dans une note publiée le
27 avril par la Fondation Jean­Jaurès. « Il n’a
fallu que quelques jours à peine pour que les
combats menés depuis des générations, ins­
tallés à l’agenda public de tous les pays occi­
dentaux, risquent de dégringoler, constate­t­
elle. Partout dans le monde, sans même le
vouloir, des magazines ou des journaux ont
proposé des “unes” ou des dossiers “men
only”. » Qui a­t­on vu, pendant la crise, sur
les plateaux de télévision ?, renchérissait,
sur le site des Nations unies, le 26 mars,
Anita Bhatia, directrice exécutive adjointe
de l’entité des Nations unies pour l’égalité
des sexes : « Une marée d’hommes. »
Dans un pays où les femmes ont accès au
savoir, cette répartition des rôles a quelque
chose de paradoxal. « Les hommes monopo­
lisent la parole de l’expertise, alors que les
filles sont plus nombreuses que les garçons à
obtenir le baccalauréat, et plus nombreuses à
être diplômées de l’enseignement supérieur »,
remarque Marlène Coulomb­Gully, profes­
seure à l’université de Toulouse­II ­ Jean­Jau­
rès. Un règne cependant de courte durée :
une fois qu’elles ont terminé leurs études,
les femmes peinent à accéder aux postes
hiérarchiques qui permettent, dans le
monde de la recherche et de l’université, de
faire entendre leur voix.
Les chiffres parlent d’eux­mêmes : selon le
ministère de l’enseignement supérieur et de
la recherche, les femmes sont nettement
plus présentes parmi les maîtres de confé­
rences (45 %) que parmi les professeurs
d’université (26 %). « Elles sont en outre très
peu nombreuses à la tête d’universités ou
d’organismes de recherche », constatait, le
8 mars, la ministre de l’enseignement supé­
rieur, Frédérique Vidal. Le monde de la santé
n’échappe pas à ce plafond de verre : en 2017
et 2018, 28 % seulement des nominations à
un poste de praticien hospitalier concer­
naient des femmes, 38 % à un poste de maî­
tre de conférences praticien hospitalier.
Cette disparité est le fruit d’une longue his­
toire : pendant des siècles, les femmes ont
été exclues du monde du savoir. « Elles reçoi­
vent une déplorable éducation, écrivait
George Sand en 1837, dans les Lettres à Mar­
cie. Et c’est là le grand crime des hommes en­
vers elles. Ils ont réussi à consommer cet es­
clavage et cet abrutissement de la femme,
qu’ils disent être aujourd’hui d’institution di­
vine et de législation éternelle. » Un siècle
plus tard, Virginia Woolf évoquait, dans
Trois guinées (1938), l’humiliation subie par
les femmes qui, jusqu’en 1919, ne pouvaient,
comme leurs pères ou leurs frères, rejoindre
la longue « procession des hommes cultivés ».
« BEAUCOUP 
DE NOS COLLÈGUES 
HOMMES NE NOUS 
PARDONNERONT 
D’ÊTRE 
INTELLIGENTES 
QUE SI NOUS 
RENONÇONS À 
ÊTRE BRILLANTES »
LAURENCE BOUQUIAUX
mathématicienne
et philosophe
à l’université de Liège
étape fut un saut d’obstacles : pour le latin,
fleuron des humanités, dont les filles étaient
jugées indignes ; pour le droit, arme virile par
excellence ; pour les mathématiques, réputées
trop abstraites pour des cerveaux féminins ;
pour les beaux­arts, où l’étude du nu était ju­
gée inconvenante pour les jeunes filles. »
Cette longue éviction des cercles du savoir
a laissé des traces. « Les femmes sont présen­
tes dans les universités depuis plus d’un siè­
cle, mais, à l’échelle de l’histoire, c’est un évé­
nement récent – d’autant que la féminisation
massive de l’enseignement supérieur a com­
mencé après 1968, souligne Christine Bard,
professeure d’histoire contemporaine à
l’université d’Angers. Malgré l’assise intellec­
tuelle qu’offre l’université, beaucoup de fem­
mes conservent, aujourd’hui encore, un sen­
timent d’illégitimité, même quand elles in­
terviennent dans leur domaine de
compétence. Elles ont le sentiment diffus de
contrevenir aux “lois du genre”. »
DE « BONNES ÉLÈVES » INOFFENSIVES
Dans Les Faiseuses d’histoire. Que font les

S i Le Monde est parvenu à une

quasi­égalité salariale et à la
parité dans les postes de cadres
au sein de la rédaction (rédaction en
chef et chefs de service), le journal
n’échappe pas à l’inégale représenta­
tion des hommes et femmes dans ses
colonnes. C’est pour une part, mais une
part seulement, la conséquence directe
du déséquilibre hommes­femmes au
sein des espaces de pouvoir tradition­
nels, aussi bien dans le monde diplo­
matique et politique qu’économique et
même universitaire, où les postes les
plus prestigieux et les plus visibles
restent largement dominés par les
hommes. Le constat vaut ainsi, par
exemple, pour les contenus Idées et Dé­
bats publiés dans le journal et sur le site.
Un suivi statistique a été mis en place
pour comptabiliser la répartition hom­
mes­femmes avec l’objectif de rendre
visible, d’abord en interne, le déséquili­
bre : depuis qu’une comptabilisation
régulière a été lancée, en juin 2018, la
proportion de femmes parmi les
contributeurs des pages Idées varie, se­
lon les périodes, entre 26 % et 40 %. De­
puis janvier 2020, sur 500 tribunes pu­
bliées, les femmes signataires (hors tex­
tes signés par plus de trois contribu­
teurs) ont représenté un peu plus de
30 % des libres opinions.
31 % à 52 % d’expertes interviewées
Un grand nombre de tribunes sont
envoyées spontanément par leurs
auteurs aux responsables des pages
Idées – et les hommes le font en plus
grand nombre que les femmes exper­
tes, pour des raisons largement décrites
(sentiment d’illégitimité, refus de s’ex­
primer en dehors de son champ de com­
pétence, moindre accès à des postes à
responsabilité, charge mentale et donc
moindre disponibilité pour écrire des
tribunes, etc.). Une partie des textes, en
revanche, sont commandés par les jour­
nalistes du service, avec la demande, ré­
gulièrement renouvelée, de s’approcher
le plus possible d’un équilibre. Cela se
traduit notamment par des entretiens
publiés dans la rubrique Idées qui appa­
raissent un peu moins déséquilibrés : la
proportion de femmes, parmi les ex­
perts ou intellectuels interrogés, varie
de 31 % à 52 %, selon les périodes.
Rendre publics ces chiffres ne relève
pas seulement d’une volonté de trans­
parence. C’est aussi un moyen de se
donner une obligation de résultats pour
rééquilibrer la place des femmes et des
hommes dans nos colonnes, en parti­
culier dans les espaces Débats. Nous
publierons désormais régulièrement
l’évolution de ces statistiques pour ren­
dre compte des progrès réalisés. 
luc bronner
(directeur de la rédaction)
Dans l’Hexagone, les pouvoirs publics
ont longtemps délaissé l’éducation des
filles, souligne l’historienne Michelle Per­
rot dans La Place des femmes. Une difficile
conquête de l’espace public (Textuel, 176 p.,
39 €). « La France était devancée par l’Angle­
terre, l’Allemagne et les pays de l’Europe du
Nord, analyse­t­elle. Le protestantisme était
beaucoup plus favorable à l’instruction des
filles que le catholicisme, qui se défiait de
leur imagination. » En 1861, Julie Daubié
conquiert de haute lutte, à 37 ans, le droit de
passer le baccalauréat, mais il faut attendre
la loi Jules Ferry de 1881 pour que l’école
dispense les mêmes programmes aux filles
et aux garçons. L’accès des femmes à
l’université est plus tardif encore. « L’âge des
étudiantes commence timidement avant
1914, où l’on en compte quelques centaines
en Europe, plus massivement entre les deux
guerres, où leurs silhouettes juvéniles
apparaissent partout dans les photos de
groupe, poursuit Michelle Perrot. Chaque
femmes à la pensée ? (La Découverte, 2011),
les philosophes Vinciane Despret et Isabelle
Stengers explorent le malaise des femmes
qui ont rejoint, à la fin du XXe siècle, la « pro­
cession des hommes cultivés ». La mathéma­
ticienne et philosophe à l’université de Liège
(Belgique) Laurence Bouquiaux constate
ainsi qu’elles adoptent souvent, dans le
monde universitaire, l’attitude docile de cel­
les qui ont investi des lieux qui ne leur
étaient « pas destinés » – « comme si elles ne
se sentaient pas autorisées à contester, ou
alors seulement de manière très soft, sous
forme de question ou de suggestion dont elles
laissent déjà entendre en les formulant qu’el­
les pourraient être prêtes à y renoncer ».
Laurence Bouquiaux évoque ainsi la fi­
gure des « bonnes élèves » qui se sentent to­
lérées à condition d’être « inoffensives ».
« On laisse parler les hommes (dans les réu­
nions, dans les colloques et même, peut­être,
dans les livres) parce que beaucoup de nos
collègues ne nous pardonneront d’être
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SAMEDI 11 JUILLET 2020
intelligentes que si nous renonçons à être
brillantes. La modestie est une vertu cardi­
nale (pour les femmes, bien sûr). On exécute,
on fait la petite main, on applique sagement
ce qu’on nous a appris, mais on n’invente pas,
ou alors seulement aux marges, sur les ques­
tions sans prestige auxquelles les hommes ne
consacreraient pas une heure de peine. »
Au sentiment d’inconfort engendré par
cette impression de ne pas se sentir « à sa
place » sur la scène intellectuelle s’ajoute
parfois une difficulté à se lancer dans des
controverses « générales ». « Beaucoup de
femmes sont des expertes reconnues dans
leur domaine, mais, quand elles travaillent
sur des thèmes particulièrement « genrés »
comme la famille, la sexualité ou l’éducation,
elles sont piégées dans des domaines hélas
perçus comme “spécifiques” et périphériques,
note l’historienne Christine Bard. Or, l’intel­
lectuel, dans la tradition française, se définit
justement par la montée en généralité. Les
hommes affichent plus volontiers une forme
d’omniscience qui leur permet de s’exprimer
sur des questions dont ils ne sont pas forcé­
ment les spécialistes. » Selon Marlène Cou­
lomb­Gully, cette difficulté a été renforcée
par le caractère inédit et déroutant de la
crise planétaire due au nouveau coronavi­
rus. « Quand elles n’ont plus la bouée de leurs
chiffres et de leurs études, les femmes hésitent
CHRISTELLE ENAULT
à prendre la parole, souligne­t­elle. L’incerti­
tude scientifique, politique, économique ou
sociale leur donne le sentiment que leur dis­
cours est fragile. Pendant la crise sanitaire, el­
les ont donc eu du mal à répondre aux inter­
rogations globales sur le “monde d’après”. Ce
n’est pas une question de “nature”, mais un
héritage de l’histoire : la généralité est la mar­
que de la parole masculine. »
Si les femmes, malgré leurs diplômes ou
leurs compétences, hésitent à intervenir en
tant qu’expertes, c’est aussi parce que, pen­
dant des siècles, l’espace public leur a été in­
terdit. « Une femme en public est toujours
déplacée », affirmait le philosophe et ma­
thématicien Pythagore (580­495 av. J.­C.).
« Toute femme qui se montre se déshonore »,
proclamait en écho Jean­Jacques Rousseau
deux millénaires plus tard. La langue fran­
çaise porte, aujourd’hui encore, l’em­
preinte de cette répartition des rôles : un
homme « public » agit avec noblesse et di­
gnité pour le bien commun, une femme
« publique » appartient à tous, dans un cli­
mat de honte et d’opprobre.
Pour l’historienne Michelle Perrot, la Révo­
lution française a conforté cette vision tra­
ditionnelle des deux sexes en refusant
d’ouvrir aux femmes les portes de l’espace
public. En 1789, le député Sieyès les classe
ainsi parmi les citoyens « passifs » : comme
les enfants et les étrangers, elles ne peuvent
prendre une « part active dans la formation
des pouvoirs publics » – du moins dans l’état
actuel, précise­t­il. Selon l’abbé Sieyès, les
femmes doivent s’abstenir d’influer « active­
ment sur la chose publique ».
Privées de droit de vote, les femmes de
l’époque révolutionnaire sont aussi privées
de parole. « L’art oratoire, porté au pinacle
par la Révolution, est la revanche ostenta­
toire de la vertu virile et de l’éloquence mas­
culine sur l’efféminement de la conversation
de salon, écrit Michelle Perrot. Le mode d’ex­
pression publique du jacobinisme ou de la Ré­
publique triomphante s’inspire du forum ro­
main et des harangues de Cicéron. Au service
d’une mâle rhétorique, il faut une voix forte,
des gestes déclamatoires, toute une drama­
turgie refusée aux femmes qui sont interdites
de tribune, qu’il s’agisse de la chaire, du pré­
toire, du Parlement, des clubs ou des partis. »
Le XIXe siècle porte cette séparation des
sexes à son acmé : les hommes règnent
dans l’espace public, les femmes sont confi­
nées dans l’espace privé. Réduites au rôle
d’épouses, de mères et de maîtresses de
maison, elles apprennent à ne pas élever la
voix, à ne pas parler de politique, à ne pas
s’aventurer seules dans les rues. Dans les
arènes politiques comme dans les tribu­
naux, la société leur impose le silence :
en 1897, Jeanne Chauvin, qui affiche les di­
plômes requis pour accéder au barreau, se
voit refuser le droit de plaider devant un tri­
bunal. Il faudra une loi, en 1900, pour qu’elle
puisse enfin exercer le métier d’avocate.
Au tournant du siècle, les femmes partent
à l’assaut du suffrage – mais le combat est
rude. En 1909, dans Jeunesse d’une ouvrière,
la féministe Adelheid Popp (1869­1939) ra­
conte ainsi ses difficultés à prendre la pa­
role au Parti socialiste autrichien. « Je
n’osais proférer une parole, je n’avais pas
même le courage d’applaudir. » A force de
s’entraîner seule, chez elle, à prononcer des
discours, elle finit par surmonter sa peur,
mais son aisance sème le doute sur son
identité sexuelle. « Les tisserands disent
qu’elle est sans doute un homme déguisé en
femme : “Car seuls les hommes savent parler
ainsi” », raconte Michelle Perrot.
UN SEXISME SYSTÉMIQUE
Comment s’étonner qu’aujourd’hui encore
la prise de parole des femmes dans l’espace
public ne coule pas de source ? Qu’elle se
heurte à des obstacles, des freins, des réti­
cences ? « La culture du silence imposée aux
femmes n’a pas entièrement disparu, expli­
que Marlène Coulomb­Gully. Les femmes qui
interviennent dans un débat doivent parler
fort, alors que leur voix a été souvent mo­
quée, se mettre en avant, alors que cette atti­
tude leur a été longtemps interdite, et avoir la
conviction que leurs propos sont justes et im­
portants, alors que leur parole a souvent été
disqualifiée et traitée de “bavardage”. »
Surmonter ces handicaps n’a rien d’aisé,
comme l’ont constaté les politistes Del­
phine Dulong et Frédérique Matonti en ob­
servant, pendant plus d’un an, les débats du
conseil régional d’Ile­de­France. Publié
en 2007, ce travail permet de mesurer l’am­
pleur du déséquilibre dans la prise de pa­
role : les élues interviennent quasiment
deux fois moins que leurs collègues mas­
culins. Les hommes coupent en outre beau­
coup plus souvent la parole aux autres et ils
la prennent davantage avant qu’on la leur
ait donnée, soulignent­elles dans un article
de la revue Sociétés & Représentations
(n° 24, Publications de la Sorbonne).
La dissymétrie est aussi une question de
style : le verbe solennel et impérieux des
hommes tranche souvent avec la prudente
réserve des femmes. « Elles renoncent beau­
coup plus facilement que les hommes à pren­
dre la parole après l’avoir demandée au mo­
tif qu’un intervenant précédent aurait déjà
dit ce qu’elles avaient à dire, constatent Fré­
dérique Matonti et Delphine Dulong. Elles
“avouent” en outre beaucoup plus facilement
leurs doutes, leur absence d’opinion, voire
leur incompétence. » Ces contrastes passent
le plus souvent inaperçus : lorsque le genre
est à l’œuvre, concluent­elles, c’est le plus
souvent de manière « invisible ».
Pour l’historienne Christine Bard, cette in­
visibilité est le signe du sexisme « systémi­
que » qui, malgré les immenses progrès ac­
complis ces dernières décennies, gouverne
encore nos sociétés. « Si nous avons besoin
de chiffres pour mesurer les déséquilibres
hommes­femmes, c’est parce que l’asymétrie
entre les sexes nous paraît banale, voire nor­
male. Le sexisme systémique dépasse nos
consciences et nos bonnes volontés. Il imprè­
gne les hommes comme les femmes. Ce fait
d’éducation et de culture, qui explique la fra­
gilité des unes et l’excès de confiance des
autres, est difficile à transformer : la socialisa­
tion au féminin et au masculin commence
dès la maternelle. » La réserve des femmes
ne relève en effet pas d’une mystérieuse « es­
sence » qui se transmettrait de mère en fille
idées | 29
« LES PROFESSEURS 
CONTINUENT 
À VALORISER 
LA PAROLE DES 
GARÇONS : ILS LES 
INTERROGENT PLUS 
SOUVENT ET ILS 
PASSENT PLUS DE 
TEMPS À ATTENDRE 
LEURS RÉPONSES »
MARIE DURU-BELLAT
sociologue
depuis la nuit des temps : elle est, comme le
montrent les travaux sur le genre, profondé­
ment enracinée dans les pratiques éducati­
ves. « Ce que l’on appelle la nature des fem­
mes est quelque chose d’éminemment artifi­
ciel, résultant d’une répression forcée par
certains côtés et d’une stimulation contre­na­
ture par d’autres », écrivait, en 1869, le philo­
sophe britannique John Stuart Mill. La « po­
lice du genre », aujourd’hui encore, modèle
les corps et les esprits, constate Marie Duru­
Bellat, auteure de La Tyrannie du genre
(Presses de Sciences Po, 2017).
« L’ENFANCE DES CHEFS »
Pour la sociologue, un « infiniment petit de la
domination » ronge peu à peu la confiance
des filles. « Dès les premières années d’école,
les attentes des professeurs envers les deux
sexes sont très différentes. Les études mon­
trent que les enseignants incitent les filles à
être sages, calmes, appliquées, sérieuses, po­
lies et prudentes – au risque de développer
une “dépendance apprise”, comme disent les
psychologues américains. Ils boostent au
contraire la confiance en soi des garçons en
les encourageant à prendre des risques et à
surmonter les difficultés – c’est l’“enfance des
chefs”, selon le mot des sociologues Christian
Baudelot et Roger Establet. »
Pendant les cours, la prise de parole des
filles et des garçons est, elle aussi, gouver­
née par des déséquilibres dont les en­
seignants n’ont pas toujours conscience.
« Dans les années 1970­1980, les professeurs
consacraient les deux tiers de leur temps aux
garçons, qui émettaient en retour les deux
tiers des propos tenus par les élèves, pour­
suit Marie Duru­Bellat. L’écart s’est
aujourd’hui réduit mais les professeurs
continuent à valoriser la parole des garçons :
ils les interrogent plus souvent et ils passent
plus de temps à attendre leurs réponses. Ces
processus discrets, informels et banalisés
échappent souvent aux professeurs comme
aux élèves. » Dans un travail publié en mars,
le sociologue Gaël Pasquier, auteur de
Construire l’égalité des sexes et des sexualités
(Presses universitaires de Rennes, 2019),
constate ainsi que les enseignants qui ten­
tent d’équilibrer la prise de parole en inter­
rogeant alternativement filles et garçons,
ou en suivant l’ordre des rangées, se heur­
tent à l’incompréhension de la classe : l’éga­
lité suscite les protestations indignées des
garçons et la surprise inquiète des filles.
Parce que ces stratégies bousculent les rôles
« traditionnels », elles permettent aux en­
fants, insiste­t­il, de « se projeter autrement
dans leur vie immédiate et future ».
Faut­il pour autant que les filles calquent
leurs comportements sur ceux des gar­
çons ? Qu’elles affichent, une fois adultes,
l’aplomb et l’assurance des hommes ?
Qu’elles se montrent, sur la scène intellec­
tuelle, aussi conquérantes et affirmatives
que leurs homologues masculins ? L’histo­
rienne Christine Bard émet des doutes. « La
prudence tient les femmes éloignées du
débat public, mais c’est une qualité intellec­
tuelle d’avoir un mouvement d’hésitation
avant de se prononcer, souligne­t­elle en
souriant. Les hommes pourraient parfois
s’inspirer de cette retenue car elle repose sur
une forme de sagesse. »
Cette réserve les conduit, non pas à se
taire, mais à emprunter des chemins de tra­
verse. « Les interventions du mouvement fé­
ministe visent une logique inclusive – la parti­
cipation des femmes à des institutions histo­
riquement masculines – mais elles portent
aussi une dimension critique : interroger la fi­
gure de l’intellectuel en surplomb et le mo­
dèle de l’intervention publique envisagée
comme une joute oratoire, souligne Juliette
Rennes, sociologue à l’Ecole des hautes étu­
des en sciences sociales. Depuis le XIXe siècle,
le développement du féminisme s’est accom­
pagné de prises de parole plus collectives et
horizontales dans le débat public – je pense à
la fois à la presse féministe des années 1900
et aux podcasts d’aujourd’hui. » 
anne chemin
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30 | idées SAMEDI 11 JUILLET 2020

Katia Dubreuil
L‘inquiétante nomination
du nouveau garde des sceaux
La présidente du Syndicat de la magistrature rend objectivement très inquiétante sa dèle français de l’ENM ? Cette première les plus importantes affaires politico­fi­
s’alarme des discours tenus par Eric Dupond­Moretti récente nomination. De ce discours question est d’autant plus centrale nancières du moment. Il est notoire­
sans nuances, trois exemples condui­ qu’un récent rapport, rendu à la de­ ment proche de toute une frange du bar­
avant sa nomination à la chancellerie, notamment sent à trois questions. mande du chef de l’Etat, a proposé des reau engagée dans un combat sans
de ses critiques à l’égard du Parquet national financier Depuis le début de la Ve République, évolutions radicales, dont certaines se­ merci afin de décrédibiliser les magis­
les magistrats de l’ordre judiciaire sont raient dévastatrices pour l’ENM. trats spécialisés en matière économique
formés dans une seule et même école. et financière et en criminalité organisée.

I
l y a deux façons de s’inquiéter de la
nomination d’Eric Dupond­Moretti à
la chancellerie. La première, la plus
évidente et la plus immédiate, con­
siste à dresser contre lui les juges, du seul
fait qu’un avocat pénaliste de renom et de
talent, qui a certes trop souvent cédé à la
facilité de la provocation et de l’outrance,
accéderait à la tête du ministère de la jus­
tice. Elle institue une logique guerrière,
une barricade infranchissable entre, d’un
côté, les magistrats, et, de l’autre, le
monde politique et les avocats, forcé­
ment animés d’intentions malveillantes
à l’endroit des premiers. Cette réaction
est, il est vrai, confortée par l’insondable
morgue d’un casting gouvernemental
dans lequel la justice est reléguée au
dixième rang protocolaire, et où deux mi­
nistres sont confortés alors que l’un fait
l’objet d’une enquête pour viol et l’autre
pour corruption et trafic d’influence.
C’est pourtant oublier que le garde des
sceaux n’est pas davantage le ministre
des magistrats qu’il n’est celui des avo­
cats, des greffes, des personnels péniten­
tiaires ou des éducateurs, et que la légiti­
mité des premiers à l’incarner n’est pas,
en définitive, nécessairement supérieure
à celle des autres. C’est oublier égale­
ment qu’une telle mise à distance, par les
magistrats, de ceux qui les critiquent
parfois n’est pas audible, à juste raison,
par le corps social, qui les renvoie volon­
tiers à un certain désir, pas toujours fan­
tasmé, d’entre­soi.
Ce détour corporatiste est d’autant
moins nécessaire que la nomination du
nouveau garde des sceaux pose des pro­
blèmes d’un autre type, dès lors qu’on
s’attache à le prendre à ses propres mots.
Contrairement à ce qu’il prétend sou­
vent, Eric Dupond­Moretti ne se con­
tente pas de défendre des hommes : en
les défendant, par le degré de généralité
de ce qu’il dit et par les lieux où il le dit, il
défend des causes. Toutes ne sont
d’ailleurs pas à jeter aux orties, et il porte
parfois sur l’institution un regard perti­
nent, que l’on aurait tort de disqualifier
du seul fait de son acerbité.
Eric Dupond­Moretti défend avec
constance la présence du peuple fran­
çais dans les cours d’assises, un meilleur
équilibre de la procédure pénale ; il mo­
rigène le conformisme ambiant et la
justice d’abattage que constitue trop
souvent la comparution immédiate : sur
ces terrains fondamentaux, il porte une
parole qui mérite l’attention, voire le
soutien. « De la parole aux actes », donc :
les projecteurs, qu’il a eu coutume d’at­
tirer, seront implacablement tournés
vers ce « ministre des libertés », tel qu’il
s’est déjà autoproclamé le jour de son in­
vestiture, en espérant qu’il mette égale­
ment en lumière la justice civile, pour
laquelle il n’a eu aucun mot lors de son
discours de passation.
Mais sur d’autres terrains tout aussi
fondamentaux, le garde des sceaux te­
nait jusqu’à il y a peu un discours qui
Cette école permet la formation d’une
culture commune, fondée sur l’indé­
pendance et la déontologie. Dans une
institution judiciaire globalement pré­
carisée, tout le monde ou presque s’ac­
corde à faire de l’Ecole nationale de la
magistrature (ENM) un des rares outils
efficients et internationalement recon­
nus. Pourtant, Eric Dupond­Moretti n’a
jamais vu en cette école autre chose
que le ventre fécond du corporatisme
judiciaire, à seule fin d’en suggérer la
suppression. Le nouveau garde des
sceaux s’engage­t­il à préserver le mo­
LE NOUVEAU GARDE DES
SCEAUX S’ENGAGE-T-IL
À METTRE FIN
IMMÉDIATEMENT À
TOUTES LES REMONTÉES
D’INFORMATIONS DANS
LES AFFAIRES POLITICO-
FINANCIÈRES OU CELLES
CONCERNANT DES
AVOCATS ?
Un enjeu démocratique
Ensuite, les condamnations de Jérôme
Cahuzac, Patrick et Isabelle Balkany,
François Fillon, mais aussi des décisions
rendues au sujet de la compagnie Airbus,
pour ne prendre que quelques exemples,
démontrent que les efforts accomplis de­
puis de nombreuses années commen­
cent à porter leurs fruits pour donner à la
justice économique et financière une
ampleur et une crédibilité qu’elle n’avait
pas jusqu’alors. Il s’agit là d’un enjeu dé­
mocratique de première importance,
fondé sur le principe d’égalité de tous de­
vant la justice, et qui emporte des consé­
quences fondamentales sur la confiance
des citoyens envers leurs institutions et
leur classe politique.
Pourtant, Eric Dupond­Moretti n’a eu
de cesse, ces dernières années, au­delà de
la défense d’individus qui ne saurait lui
être reprochée, de stigmatiser la « vo­
lonté effrénée de transparence », suscepti­
ble de conduire à « la dictature », au
« maccarthysme », de mélanger les lan­
ceurs d’alerte avec les délateurs, et de
pourfendre l’un des principaux outils de
ce combat pour l’égalité, le Parquet na­
tional financier (PNF). Le nouveau garde
des sceaux s’engage­t­il à poursuivre et
amplifier les efforts réalisés depuis plu­
sieurs années contre la criminalité éco­
nomique et financière ?
Enfin, et plus délicat : Eric Dupond­Mo­
retti s’est investi ces dernières années, et
c’est son droit le plus strict, dans la dé­
fense des personnes poursuivies dans
Comme ministre de la justice, il aura ac­
cès aux remontées d’informations des
parquets dans tous ces dossiers, qui sont
par nature signalés. Par ce biais, il saura
avant tout le monde que telle enquête est
ouverte contre telle personnalité politi­
que ou tel avocat.
Dans ces circonstances, il est normal
que de nombreux procureurs et juges
s’interrogent sur les usages dévoyés qui
pourraient être faits de ces informations
extrêmement sensibles – et ce à plus
forte raison qu’ils savent, depuis la con­
damnation de Jean­Jacques Urvoas, que
ces usages ne seraient pas l’apanage d’un
avocat ayant de multiples liens d’intérêt
dans des dossiers de premier ordre. Le
nouveau garde des sceaux s’engage­t­il à
mettre fin immédiatement à toutes les
remontées d’informations dans les affai­
res politico­financières ou celles concer­
nant des avocats, et à engager une ré­
flexion ambitieuse sur une réduction
drastique des autres ?
Telles sont les questions auxquelles ce­
lui qui en a posé tant, et pas seulement
de mauvaises, depuis tellement d’années
à l’institution judiciaire devra répondre
s’il veut trouver sur son chemin des par­
tenaires loyaux et constructifs. 
Katia Dubreuil est présidente
du Syndicat de la magistrature

Thierry Beaudet et Martin Hirsch

Il faut réformer le reste à charge à l’hôpital
Alors que le reste à charge après un séjour hospitalier varie grandement et sans logique particulière, le président de la Mutualité
française et le directeur général de l’AP­HP suggèrent que l’Assurance­maladie couvre cette dépense dans sa totalité

L
a crise due au Covid­19 a
mis en évidence un phéno­
mène mal connu, celui des
restes à charge hospitaliers,
c’est­à­dire la part des frais lors
d’un séjour hospitalier non pris
en charge par l’Assurance­maladie
obligatoire, et qui demeurent à la
charge du patient ou de sa mu­
tuelle ou assurance complémen­
taire. Un mécanisme mal connu
du grand public, peu connu des
experts, mais bien connu des pra­
ticiens, qu’il s’agisse des acteurs
du monde hospitalier ou des mu­
tuelles, qui ont à faire face à une
IL EST SOUHAITABLE complexité extraordinaire et une
logique difficile à expliquer.
DE FORFAITISER Comment justifier qu’un en­
fant admis pour une bronchio­
LES RESTES lite est redevable d’un ticket mo­
dérateur qui est en moyenne de
À CHARGE EN LES 1 600 euros, alors que le même
DÉCONNECTANT enfant qui se fait opérer de l’ap­
pendicite ne devra qu’un reste à
DES MOTIFS charge minime ? Pourquoi le sé­
jour en gériatrie aiguë d’une per­
D’HOSPITALISATION sonne âgée fragile conduit­il à
ET DES DURÉES un reste à charge bien plus élevé
que celui demandé à un patient
DE SÉJOUR plus jeune pour la pose d’un
stent, si aucun des deux n’est
dans le régime des affections à
longue durée ?
Il n’y a aucune logique liée à la
gravité de la maladie – qui peut
prétendre à l’absence de gravité
d’un séjour en réanimation d’un
patient atteint d’une forme sé­
vère du Covid­19 ? –, aucune logi­
que liée à des considérations de
santé publique, aucune logique
liée à un risque particulier. Il n’y a
pas plus de logique économique.
Le ticket modérateur, à l’origine, a
été créé pour « modérer » l’excès
de consommation de soins.
Aucun de ces motifs d’hospitali­
sation ne peut être qualifié de
consumérisme médical. Ce sont
juste des soins vitaux !
Complexités administratives
Impossible de trouver une ratio­
nalité à ces restes à charge errati­
ques, même s’il est une cons­
tante : ils sont directement corré­
lés à la durée du séjour et frappent
donc plus durement les person­
nes âgées, plus souvent et plus
longtemps hospitalisées. En 2018,
après intervention de la Sécurité
sociale, les patients qui suppor­
tent des restes à charge hospita­
liers de plus de 4 000 euros ont en
moyenne 68 ans.
En revanche, ces restes à charge
génèrent des complexités admi­
nistratives qui ont des coûts im­
portants, tant pour les hôpitaux
que pour les organismes complé­
mentaires. Des millions de restes
à charge à calculer, facturer, rem­
bourser, avec, à chaque fois, d’im­
portants traitements au cas par
cas, des formalités administrati­
ves conséquentes. Cela représente
des milliers d’emplois qui ne sont
pas au service direct du patient ou
de l’assuré. Les hôpitaux sont par­
fois conduits à dépenser plus
pour recouvrir la créance que le
montant de la créance elle­même
quand il s’agit de petites sommes.
Et ils sont conduits à devoir aban­
donner la créance face à des pa­
tients qui ne peuvent l’honorer
quand il s’agit de grosses som­
mes. Les organismes complé­
mentaires doivent traiter et re­
traiter des quantités de justifica­
tifs pour un phénomène sur
lequel ils n’ont pas prise.
Au moment où l’on cherche à
améliorer notre système de santé,
à le simplifier, à le débureaucrati­
ser, à donner priorité aux soins et
à la prévention, et à mieux recon­
naître les soignants, il y a une oc­
casion formidable de réformer le
reste à charge à l’hôpital et de ré­
soudre ce problème gestionnaire.
Il est souhaitable de forfaitiser les
restes à charge en les déconnec­
tant des motifs d’hospitalisation
et des durées de séjour, et de sim­
plifier les processus de facturation
en généralisant la dématérialisa­
tion et le tiers payant à l’hôpital.
Les hôpitaux pourraient se recen­
trer sur leurs missions premières
et redéployer sur le soin les mil­
liers d’emplois aujourd’hui consa­
crés aux incompréhensibles sub­
tilités de facturation. Et la contri­
bution des mutuelles, pour qui
l’hôpital représente aujourd’hui le
quart des dépenses, serait ainsi
considérée à sa juste valeur.
Un autre choix politique est
possible. L’Assurance­maladie
pourrait couvrir – à l’instar de ce
qui se passe dans de nombreux
pays européens – la totalité des
frais hospitaliers (dépassements
d’honoraires et chambres parti­
culières inclus), sans avoir de frais
de gestion supplémentaires. Les
besoins de santé évoluent, les
mutuelles seraient conduites à re­
penser leurs offres, y compris en
proposant de répondre à des be­
soins non couverts aujourd’hui,
comme le sport sur prescription
ou un accompagnement renforcé
des maladies chroniques, renfor­
çant leur rôle en prévention ; les
patients y trouveraient leur
compte. Les accords de Grenelle
avaient scellé des progrès dans la
Sécurité sociale. Au moment du
Ségur, il y a une occasion de s’ins­
crire dans la même lignée. 
Martin Hirsch est directeur
général de l’Assistance
publique-Hôpitaux de Paris
Thierry Beaudet est
président de la Fédération
nationale de la Mutualité
française
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SAMEDI 11 JUILLET 2020 0123 | 31

CULTURE | CHRONIQUE COVID­19 : 

p a r m i c he l g ue r ri n
AUCUN PAYS 
Bachelot, le retour N’EST À L’ABRI  verture des écoles et la reprise de l’activité
économique. L’attitude à adopter face à la
politiques dans lesquelles ont été arrêtées
les stratégies anti­Covid.
D’UNE REPRISE pandémie a tourné dans ce pays à l’affron­ L’avertissement vaut évidemment pour
du monde d’avant tement politique, à quatre mois de l’élec­
tion présidentielle. La situation politique et
sanitaire est tout aussi tendue au Brésil, où
la France, où, les vacances d’été arrivant et
le nombre de cas marquant une baisse ré­
gulière, la vigilance d’une partie de la popu­
le président Jair Bolsonaro vient d’être testé lation s’est affaiblie. L’infectiologue Jean­
positif au virus, après l’avoir tourné en dé­ François Delfraissy, président du conseil

R
oselyne Bachelot surgit DANS SES GOÛTS,  rision. En Inde, les mesures – imparfaites – scientifique chargé d’éclairer les décisions
et la magie opère. Elle a de confinement ont échoué à juguler l’épi­ des autorités sur la lutte contre la pandé­
beau être, à 73 ans, la LA NOUVELLE  démie ; celle­ci a redoublé d’intensité lors­ mie, a eu raison d’alerter ces derniers
plus âgée des vingt­cinq que l’activité économique a repris, mani­ jours : les Français, prévient­il, sont « à la
ministres de la culture qui se sont MINISTRE EST  festement trop tôt. merci d’une reprise de l’épidémie ».
succédé, personne ne le lui repro­ Les pays où la gestion de la pandémie est M. Delfraissy déplore en particulier le re­
che. Elle s’est retirée de la politi­
ANACHRONIQUE,   contestable ne sont pas les seuls, cependant, lâchement dans le respect des gestes bar­
que il y a huit ans, et ce n’est pas ET TOUT LE  à subir cette nouvelle flambée du virus. Au rières ; ce n’est pas le spectacle des embras­
un problème. Elle fait la mariole
aux « Grosses Têtes » de RTL et
elle n’essuie aucun sarcasme.
Dans ses goûts, elle est anachro­
nique par rapport au paysage cul­
MONDE S’EN FICHE

cette édition : le public – notam­

turel dominant, très loin du nu­
mérique et de l’industrie du di­
vertissement, et tout le monde
s’en fiche.
Pour une raison simple. Ro­
selyne Bachelot a été choisie pour
jouer les urgentistes, déconfiner
la culture et financer le secteur le
plus touché, après le bâtiment,
avec une perte de chiffre d’affai­
res de 22 milliards d’euros. Elle
entend intensifier les réouvertu­
res de lieux de spectacle et trou­
ver des sous. Donc un milieu qui
fait la quête préfère jouer les
courtisans plutôt que de pinailler.
Il est vrai que, pour un job au
temps compté, elle a des atouts.
Elle est connue, populaire, in­
carne le poste, sait jouer des mé­
dias – tout le contraire d’une ri­
ment les jeunes – se détourne de
plus en plus d’un art inadapté à
son époque et à ses pratiques.
Seuls 2 % des 15­28 ans ont assisté
à un concert classique au cours de
l’année. Sans compter que les mi­
lieux aisés ont dominé les salles
durant la dernière décennie.
Roselyne Bachelot a également
prévenu qu’elle serait la ministre
« des artistes ». On dirait les mots
d’André Malraux, qu’elle aime ci­
ter, qui rendait visite à ses pa­
rents, et ceux de Jack Lang, qu’elle
apprécie et a appelé, soit les deux
ministres qui ont tapissé la
France de lieux, ont favorisé la
création, provoquant une explo­
sion du nombre d’artistes et de
travailleurs culturels. Ce qui n’est
pas sans poser de problèmes de fi­
C e n’est pas le type de records aux­
quels les Etats­Unis nous avaient
habitués. Avec 59 400 nouveaux cas
de Covid­19 enregistrés dans la seule jour­
née du mercredi 8 juillet, le pays a dépassé
son propre plafond de 56 000 cas, établi à
peine cinq jours plus tôt. La pandémie a re­
pris dans des proportions spectaculaires
outre­Atlantique, où les Etats­Unis totali­
sent 3 millions de cas et 133 000 morts ; 37
des 50 Etats américains connaissent de
nouveau une forte croissance de la propa­
gation du virus, en particulier dans l’Ouest
et le Sud. Les hôpitaux de Floride et du
Texas menacent d’être submergés.
Cela n’empêche pas le président Trump
de continuer à faire pression pour la réou­
Cahier numéro un de l’édition n° 2906 du 9 au 15 juillet 2020
Japon, en Australie, en Europe, des pays qui
pensaient voir le danger maîtrisé sont con­
traints de renouer avec des restrictions dra­
coniennes, au moins localement. L’Europe
centrale, un temps épargnée par la vague
qui a frappé l’Europe du Sud et la Grande­
Bretagne de plein fouet au début de l’année,
est de nouveau en alerte. Dans plusieurs
pays des Balkans, la situation est préoccu­
pante ; en Serbie, elle a provoqué un mouve­
ment de protestation contre le pouvoir.
Ces multiples poussées de la pandémie
montrent que, sans même attendre l’éven­
tuelle deuxième vague redoutée pour
l’automne, le virus reste terriblement pré­
sent, prêt à rebondir dès que l’on baisse la
garde, quelles que soient les configurations
sades de ministres, anciens et nouveaux, ni
celui des collaborateurs fraternellement
massés, sans masque, dans les cours des
ministères, à la faveur des cérémonies de
passation de pouvoir, cette semaine, qui le
démentiront. Si les usagers des transports
en commun respectent le port du masque
avec une remarquable discipline, il serait
bon qu’au sommet de l’Etat on se sou­
vienne des mérites d’une règle élémen­
taire : celle de l’exemplarité. Le virus et les
comportements permettant de combattre
sa diffusion nous sont désormais fami­
liers ; masques et tests ne manquent plus.
Dans l’attente d’un vaccin, qui peut encore
durer plus d’un an, plus que jamais, la res­
ponsabilité de chacun est impérative. 

bambelle de noms qui l’ont précé­
dée. Ensuite, elle est « dingue » de
culture, d’opéra d’abord, au point
d’avoir déjà rêvé du poste
en 2007, quand Sarkozy lui a attri­
bué la santé. Il n’est pas courant
de voir une personnalité politi­
que au concert et pleurer d’émo­
tion sans le cacher.
Le monde culturel pense aussi
qu’avec son caractère trempé elle
saura tenir tête à Emmanuel Ma­
cron, mais aussi à son épouse, Bri­
gitte, si interventionnistes dans la
culture qu’ils ont tétanisé les pré­
cédents ministres, notamment
Franck Riester, parti avec l’image
d’un écolier à qui le président fait
la leçon. Roselyne Bachelot est
déjà offensive, estimant que les
salles de spectacle ont trop de
contraintes quand elle voit les
Français s’agglutiner dans la rue,
le métro ou un TGV. A contrario,
en cas de malheur, c’est­à­dire de
reconfinement, elle saura tenir le
gouvernail.
Rapport qualité-prix
Peu importe qu’elle incarne le
monde d’avant. Etre fan d’opéra
n’est pas dans l’air du temps, au
point qu’elle est un miracle pour
ce secteur. Pas seulement parce
qu’il est mal en point. Pas seule­
ment parce que l’Opéra de Paris, à
la suite des « gilets jaunes », des
grèves pour les retraites et du Co­
vid­19, affiche une ardoise de
45 millions d’euros et que, s’il y a
une personne qui peut oser le
renflouer en retirant de l’argent à
d’autres, c’est elle.
Roselyne Bachelot arrive sur­
tout en aficionado d’un art criti­
qué, car jugé trop coûteux et éli­
tiste. Surtout aujourd’hui, à écou­
ter les nouveaux maires Verts de
Bordeaux, Lyon, Strasbourg ou
Marseille, qui, non sans idéologie,
non sans arguments aussi, s’in­
terrogent sur le rapport qualité­
prix de l’opéra.
Ces élus trouveront des argu­
ments dans l’étude du ministère
de la culture sur les pratiques cul­
turelles des Français, dévoilée le
10 juillet, que nous publions dans
BACHELOT ARRIVE  Roselyne Bachelot arrive donc
DANS UN CLIMAT 
QUI VISE À 
SAUVER D’ABORD,  ner ». La force de celle qui a sou­
À RÉFLÉCHIR  tenu autant François Fillon que le
ENSUITE
RÉVÉLATIONS LIBYE
nancement.
C’était une autre époque. De­
SOUS L’EMPRISE LA GUERRE QUI
DE TARIQ RAMADAN P. 40 ALARME LA FRANCE P. 46
puis vingt ans, du moins dans la
bouche de ministres ou de mai­
res, moins dans les actes, la prio­
rité n’est plus l’artiste, qui a été
bien traité, mais le public, qui le
fut moins. Ou les citoyens. Ce
n’est plus l’offre qu’il faut choyer,
c’est la demande.
Pour plusieurs raisons. Déjà
« défendre les artistes », vœu gé­
néreux et général, aboutit à figer
les lignes d’une machine cultu­
relle à bout de souffle. Et puis la
légitimité de l’Etat à dicter le goût
est de plus en plus contestée, tant
son action semble déconnectée
des réalités. L’étude sur les prati­
ques culturelles des Français est,
là encore, édifiante : avec l’argent
de tous, les élus défendent en
priorité une culture classique ou
patrimoniale dont le public a ten­
dance à vieillir, à se raréfier et à se
replier sur les classes aisées, et ils
se soucient peu de nouvelles pra­
tiques liées au numérique, dont le
public est toujours plus nom­
breux et diversifié.
Plus largement, « défendre les
artistes » c’est enterrer les dizai­
nes de propositions qui ont fleuri
depuis le confinement et qui inci­
tent à ne pas « repartir comme
avant » et même, en raison du Co­
vid­19, à changer de logiciel. Par
exemple : redéfinir les missions
de service public et cerner des
priorités dans une offre pléthori­
que, mieux associer les habitants
aux décisions, privilégier les ac­
LEUR PLAN LE GOUVERNEMENT QUI EST
tions de proximité, relancer l’édu­ POUR LA FACE À VRAIMENT
cation populaire, aller vers une
slow culture plus écologique et
PRÉSIDENTIELLE LA RÉCESSION JEAN CASTEX ?
durable, moins mondialisée, plus
française ou européenne.
Il est probable que la révolution
culturelle sera mise de côté en rai­
son de l’urgence sanitaire. Du
reste, voyant dans un audit une
menace, les acteurs culturels ont
multiplié les pétitions « sectoriel­
les » aux signatures multiples, ré­
clamant des aides – c’est à celui
qui criera le plus fort. Ainsi l’Etat
et les villes, les régions aussi, ont PHOTOMONTAGE : N. KOVARIK/IP3/MAXPPP-F. AUGSTEIN/POOL/AFP-P. FOUQUE/PHOTO12/
AFP-P. LE SEGRETAIN/GETTY IMAGES/AFP-T. SAMSON/AFP-PHOTOMONTAGE S. CALVET/REA
dégagé quelques millions
d’euros, dans un grand désordre,
sans vision ni plan d’ensemble,
sans interroger leur pertinence.
dans un climat qui vise à sauver
d’abord, à réfléchir ensuite. Cela
dit, elle a confié que de « nécessai­ EN VENTE CHEZ VOTRE
MARCHAND DE JOURNAUX
res restructurations seront à me­
mariage homosexuel est d’être
imprévisible. 

Tirage du Monde daté vendredi 10 juillet: 148 993 exemplaires