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Produits émulsionnés
Les matières carnées de base, les principaux procédés de transformation ainsi que les ingré-
dients et additifs ont été présentés dans les articles précédents [F 6 500], [F 6 501], [F 6 502].
Le lecteur pourra s’y reporter pour un complément d’information.
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Crème ou mousse B 80 B 45 B 25 B2 B3
Il existe différents types de pâtés, on les regroupe en 2 catégories : de foie supérieure
— les pâtés de chair dont la granulométrie est grossière
(> à 6 mm). Ce ne sont pas des émulsions car le gras (de porc) n’est (1) HPDA : humidité du produit dégraissé et désamidonné
pas émulsionné ; le risque de fonte lipidique est donc réel. Il peut C /P : collagène/ protides totaux
SST : sucres solubles totaux.
être limité par l’échaudage des gras, la mise en fabrication de gras (2) Rapportés à l’HPDA de 78 à 80 %.
très peu fondants (gras de gorge) et une dose de gras plus faible
que dans les pâtés émulsionnés. Pour ce type de produit, on privi-
légiera la tranchabilité par l’apport de foie, de liants (amidon, blanc
d’œuf) et de maigres présalés ;
— les émulsions chaudes, c’est-à-dire les pâtés à base de foie. Tableau 2 – Exemple de composition d’un pâté de foie
La taille des particules de gras dispersées est inférieure à 10 µm. de volaille avec qualificatif de supériorité
Matières premières (%)
Le pâté de foie (de porc ou de volaille) est une émulsion
chaude : c’est une dispersion de gras chauds (souvent de porc) Foie de volaille ............................................................................. 25
dans une phase continue ou dispersante constituée d’un
Gras de porc échaudés................................................................ 46
élément de mouillage chaud, de foies maigres et d’agents de
texture (protéines émulsifiantes, épaississants, liants) ; le tout Lait chaud ..................................................................................... 17
est broyé très finement à température relativement élevée. Ce Blanc d’œuf .................................................................................. 5
mélange a le comportement d’une émulsion, ce qui lui confère
une bonne stabilité et ses qualités de « tartinabilité » lors du Vin doux ou spiritueux ................................................................ 3
traitement thermique de stabilisation.
Additifs/ingrédients (%)
Nota : des éléments grossiers appelés marquants (viande maigre, champignons...) peu- Sel nitrité ......................................................................................1,6
vent être apportés à ce mélange pour des raisons organoleptiques et commerciales.
Lactoprotéines modifiées............................................................1,2
■ Critères chimiques et microbiologiques
Épices............................................................................................0,4
Les critères chimiques relatifs à la fabrication des émulsions chau-
des sont rassemblés dans le tableau 1 et les critères microbiolo- Dextrose........................................................................................0,5
giques ont été présentés dans l’article [F 9 010] « Produits de Ascorbate de sodium (si sel nitrité)............................................0,3
charcuterie. Maîtrise de la qualité sanitaire » de ce traité.
■ Exemple de formulation
Le tableau 2 donne, pour exemple, la composition d’un pâté de La température en fin de cutterage (> 35 à 40 oC) permet la fusion
volaille. des lipides, ce qui augmente la fluidité du mélange et facilite la dis-
Nota : la différence entre pâté de foie et mousse de foie porte essentiellement sur la pré- persion et le positionnement des protéines émulsifiantes à l’inter-
sence de bulles de gaz (air) incorporées dans la mousse, ce qui en fait un produit légère- face globule de gras - élément de mouillage. Le travail à chaud
ment foisonné et donc différent du point de vue organoleptique. C’est surtout l’ajout de
blanc d’œuf qui va permettre ce foisonnement, lors du cutterage.
permet, par ailleurs, une excellente solubilisation des lactoprotéines
modifiées qui seront donc plus actives.
■ Rôle des différents ingrédients et additifs
L’échaudage des gras permet :
La quasi-totalité des composants contribue à la réalisation de
— de provoquer la contraction du collagène du tissu conjonctif
l’émulsion chaude :
(on parle de raidissement) pour faciliter son broyage ultérieur ;
— l’élément de mouillage (lait, bouillon) constitue la phase — d’éliminer une fraction fondante gênante ;
dispersante ;
— d’assainir, éventuellement, par un effet pasteurisateur ;
— les gras échaudés constituent la phase dispersée très fine ;
— d’améliorer la tartinabilité et l’onctuosité du pâté.
— les protéines du foie, solubilisées lors du broyage, ainsi que
les lactoprotéines forment la phase émulsifiante à l’interface des Les inconvénients du travail à chaud existent :
globules de gras et de la phase aqueuse ; — dans la méthode classique, il y a risque de coagulation des pro-
— le blanc d’œuf et les lactoprotéines vont lier et épaissir ce téines actives du foie, ce qui peut entraîner une perte d’éléments
mélange. Le reste du foie, finement divisé au cutterage, se trouve émulsifiants ;
en suspension colloïdale dans la phase dispersante.
(0)
(0)
— la température finale est supérieure à 35 oC donc très favorable
au développement microbien : le travail ultérieur se fera en flux
tendu.
1.2 Fabrication Les principaux points à maîtriser sont :
— pour l’HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Points ) : le
Les principales étapes de la fabrication sont données figure 1. danger microbiologique étant important, il faudra maîtriser la
La température des gras échaudés et de l’élément de mouillage fraîcheur des matières premières carnées (délai après abattage si
doit être très élevée (> 80 oC) dans le but d’accroître la température possible 2-3 jours), le facteur temps avec gestion en flux tendu, le
du mélange afin de faciliter la dispersion des gras, au cutter, en facteur température tout au long du process, l’étanchéité du condi-
fins globules de quelques micromètres de diamètre. tionnement, le respect du barème du traitement thermique pré-
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Émulsification au cutter 0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Température finale > 35 °C
Temps de cuttérage (min)
Ajouts d'éventuels
marquants Figure 2 – Méthode classique. Évolution de la température au cours
du cutterage
Dosage
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(0)
Tableau 5 – Comparaison des deux techniques Tableau 6 – Suivi des paramètres en cours de stérilisation
(boîte 1/4 basse - 200 g de pâté de foie)
Points de comparaison
Méthode 2e
classique méthode Temps Température de Température à Valeur stérilisatrice
cumulé l’eau autoclave cœur boîte pâté cumulée : z = 10 oC
Température critique (min) (oC) (oC) T réf. = 121,1 oC (1)
dépassée au-delà de 55 oC Oui Non
0 30 30 0
Conséquences :
20 115 65 0
• protéines de foies coagulées Oui Non
30 115 78 0
• obligation d’augmenter
la quantité de foie Oui Non 40 100 0,0062
• couleur Brune si non 50 105 0,1439
Idem
présalage du foie
70 111,3 1,066
• viscosité Plus élevée Plus faible
71 115 111,6 1,1707
Dispersion des gras Plus difficile Facilitée 80 115 113,5 2,311
Quantité de foie 81 114 113 2,47
nécessaire à l’émulsion Plus élevée Plus faible
90 70 106,5 3,12
Risque d’échec de la stabilité Plus grand Plus faible 100 30 102 3,20
Emploi d’agents émulsifiants Plutôt nécessaire Indispensable 105 25 100 3,24
135 18 40 3,24
(1) La valeur stérilisatrice en minutes est définie à une température de réfé-
rence de 121,1 oC pour un micro-organisme de référence (Clostridium
botulinum ) ayant une sensibilité thermique caractérisée par sa valeur z
Température du produit (°C)
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— l’échaudage des gras améliore la tartinabilité et l’onctuosité ; Gorge de porc parée.............. 20 Épaule de porc ........................15
— le présalage du foie au sel nitrité améliore la couleur ; Flanchet de bœuf ................... 30 Gorge parée ............................15
— le travail en flux tendu limite le développement microbien et, Glace ....................................... 25 Gras de bardière .....................15
par conséquent, l’apparition de mauvais goût ;
— la cuisson au four altère moins les qualités gustatives que Gras de bardière .................... 15 Glace ........................................25
l’appertisation.
Ingrédients et additifs
(g/kg de matières carnées et non carnées)
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Il est apporté par le sel nitrité et présente deux rôles technolo- Étuvage Étuvage
giques majeurs : Fumage
— rôle bactériostatique contre les Clostridi, certaines entéro- Cuisson Cuisson
bactéries et certains staphylocoques toxinogènes ;
— rôle sur la couleur (cf. article [F 6 501]). Refroidissement rapide
Nota : une teneur élevée en nitrites libres n’est pas souhaitable (toxicité de la molécule). Immersion ou douchage
Il faut favoriser le taux de conversion de la myoglobine en nitrosomyoglobine grâce :
— à l’augmentation du temps de contact entre le nitrite et la viande : rôle positif du
présalage des viandes ; Conditionnement
— à l’accélération de la cinétique de la réaction chimique : l’élévation de température
lors de l’étuvage (entre 55 oC et 60 oC) est, à ce titre, favorable.
Stockage
La réduction des nitrites en NO exige un milieu acide et réducteur + 3 °C
(consommation d’un proton et d’un électron par molécule). Les
sucres réducteurs comme le lactose et le glucose ont un impact
positif ainsi qu’un additif réducteur comme l’acide ascorbique et ses Figure 4 – Principales étapes de fabrication d’une charcuterie
dérivés. émulsionnée à pâte fine
(0)
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■ Stabilisation/traitement thermique
Tableau 9 – Méthode classique (cutter)
● Objectifs
Cutterage maigre + sel + polyphosphates
• Le travail mécanique effectué par le cutter apporte une stabilité
Ajout de la glace (tout ou partie) et poursuite du cutterage physique au produit émulsionné.
Ajout des émulsifiants et, parfois, des épices
• Le travail thermique va entraîner la coagulation des protéines,
Ajout des gras réfrigérés ce qui fige définitivement la structure de la mêlée : elle ne peut être
acquise que pour des températures à cœur supérieures à 65 oC.
Ajout, éventuel, du complément de glace
La stabilité microbiologique dépend de nombreux paramètres :
Poursuite du cutterage jusqu’à émulsification
— de la charge initiale : l’utilisation de viandes normalement
En fin de cutterage : ajout de l’acide ascorbique,
des sucres, des épices contaminées (cahier des charges), d’ingrédients et d’additifs parfai-
tement contrôlés, permet de limiter la charge microbienne initiale
Température finale maximale : 14 oC/16 oC de la mêlée ;
— des boyaux : les enveloppes artificielles étanches aux micro-
organismes utilisées pour les produits de gros calibre (saucisses de
viande, saucissons de jambon, certains cervelas...) permettent
Tableau 10 – Méthode en une seule étape d’obtenir une durée de vie du produit supérieure à celle obtenue
(système Tecnal - Hachages) pour les saucisses poussées sous boyau naturel de porc ou de
mouton ;
Fabrication en continu
— de la valeur pasteurisatrice du barème utilisé : c’est un critère
Préhachage du maigre et du gras fondamental ; il serait souhaitable que le traitement thermique
(mêlée plus maigre que l’objectif) permette d’obtenir une valeur pasteurisatrice de l’ordre de 50
à 60 min pour un produit de charcuterie divisé aussi finement ; le
Malaxage 1 - Analyse du prémélange faible diamètre du produit ne permet que rarement d’atteindre cet
Ajustement de la composition (eau, glace, sels, épices, gras, etc.), objectif ;
dégazage — d’un refroidissement rapide qui permet de limiter le risque de
Malaxage 2 - Standardisation - Hachages successifs : 1 à 2 mm germination de spores éventuellement présentes et la multiplication
des formes végétatives potentiellement pathogènes et/ou toxi-
Température finale : 18 à 20 oC nogènes en découlant ;
— du douchage ou de l’immersion à l’eau glacée qui sont deux
méthodes couramment pratiquées. En l’absence de critères régle-
La méthode en continu (Tecnal) se prête à l’automatisation et à mentaires, il est recommandé d’atteindre la température de 10 oC
la standardisation des opérations. le plus rapidement possible.
Pour la technique classique, au cutter, il faut éviter : ● Réalisation
— le surcutterage : la mêlée est trop divisée. De ce fait :
• le tissu protéique, trop déstructuré, est incapable d’enrober Cette phase est, le plus souvent, effectuée en cellules de cuisson
correctement les globules gras ; multifonctions et se décompose en plusieurs étapes (tableau 11).
• la deuxième plage de température de fusion des lipides étant (0)
atteinte, on peut obtenir une fonte importante des gras qui se
rassemblent sous la forme de globules (coalescence) ;
• le produit est trop mou et mal stabilisé. On note à la cuisson Tableau 11 – Traitement thermique d’une knack
des rejets de gelée et de gras ; le rendement est médiocre ; de 22/24 mm
— le sous-cutterage : les globules gras sont mal dispersés. Les
gras sont insuffisamment divisés car le temps de cutterage est trop Étape Paramètres Objectifs
court. L’émulsification se fait mal, on note des rejets d’eau et de HR : 99 %
gras à la cuisson ; le rendement est médiocre. Température : 45 oC boyau Formation du pigment
naturel nitrosé
Étuvage 55 oC boyau Développement
La mêlée idéale doit présenter, en fin de cutterage, un aspect collagène de l’arôme
brillant ; elle se décolle du bol du cutter et atteint une tempéra- Durée : 30 min
ture de 14 oC environ (14 à 16 oC).
Sécher la surface
Air ambiant (≈ 55 % HR) du boyau pour une
Séchage Température : 55 oC
■ Embossage Durée : 20 min meilleure adsorption
de la fumée
Il s’effectue grâce à un poussoir. Les appareils modernes
Air ambiant Fumaison du produit
permettent de désaérer la pâte (sous vide). La mêlée est acheminée
Fumaison Température : 50 oC à 55 oC Apport de couleur
vers le boyau grâce à un système de palettes, ce qui limite le lami- Durée : 15 min et de flaveur
nage et donc l’échauffement. Le portionnage et le torsionnage
peuvent être automatisés ainsi que la mise des saucisses sur HR : 99 % Cuisson du produit
perches. Les boyaux utilisés peuvent être : Cuisson Température : 75 oC Stabilisation physique
Durée : 45 min environ et microbiologique
— naturels : menu de porc, mouton, chevrette ;
— artificiels : collagéniques, cellulosiques, en plastique, pelables Les saucisses sont ensuite refroidies par aspersion et stockées en
ou non. chambre froide.
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2.2.2 Principaux matériels utilisés 2.2.3 Facteurs influant sur la qualité organoleptique
■ Cutter
Les facteurs prépondérants sont les suivants :
Les appareils les plus performants sont à cuve tournante et dis-
posent de 6 ou 8 lames ainsi que d’un dispositif de mise sous vide — la qualité des matières premières est primordiale. La qualité
de la pâte dans le bol. du gras mis en œuvre conditionne, pour partie, la flaveur du produit
Le travail mécanique effectué par le cutter permet la réduction de fini (flaveur rance quand le gras est oxydé) ;
la taille des principaux constituants et leur émulsification. Le pro- — la formulation : la texture craquante des saucisses de
duit émulsionné obtenu présente alors une stabilité physique rela- Strasbourg dépend essentiellement des protéines mises en œuvre.
tive qui permet l’embossage dans de bonnes conditions. La flaveur est évidemment liée à la qualité de l’aromatisation utili-
■ Poussoir sée (quantité et qualité des épices mises en œuvre) ;
Les poussoirs continus « sous vide » avec système de portion- — la conduite du process : la couleur dépend essentiellement de
nage-torsionnage automatique sont les plus appréciés. Un dispositif la formation du pigment nitrosé et du taux de conversion de la
d’acheminement de la pâte de la trémie vers la canule, par le biais myoglobine en nitrosomyoglobine. Celui-ci est amélioré par la
d’un rotor à palettes, permet d’éviter un échauffement et une durée de contact entre la viande maigre et le sel nitrité, grâce, par
déstabilisation de la mêlée. exemple, à la technique du présalage des viandes (24 à 48 h à
3 oC). La phase d’étuvage précédant la cuisson est également
■ Cellules multifonctions essentielle : elle s’effectue à une température comprise entre 55 et
Il s’agit de cellules réalisées à l’aide de panneaux isolants en acier 60 oC, pour une durée variable selon le calibre de la saucisse (de
inoxydable. Le chauffage est assuré par un mélange air-vapeur 45 min environ pour une knack à 2 h 30 pour un produit de calibre
(humidité relative HR réglable) et le fumage s’effectue, à l’intérieur, 60 mm). Lors de l’étuvage, on constate une activation des enzymes
soit par admission de fumée (produite par un générateur indé- endogènes lipolytiques et protéolytiques. Il en résulte l’apparition,
pendant), soit par atomisation de fumée liquide. Ensuite intervient d’une part d’acides gras libres (vecteurs de flaveur) et, d’autre part,
la cuisson en ambiance saturée (vapeur uniquement). d’acides aminés et de peptides sapides.
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