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L2 AES, L2 Science économique

Faculté de droit, sciences économique et politique


Université de Bourgogne Franche Comté

Introduction à la science politique (2023)


Plan détaillé du cours / Chapitre 1

Introduction : voir plan adressé le 25 janvier 2023

Chapitre 1 : Les régimes politiques

Regard sur les modes de gouvernement étatique (intrusion du sociologue politique dans un
« champ » qui est habituellement plutôt celui du constitutionnaliste).
Régimes politiques : notion qui permet de situer les uns par rapport aux autres les modes de
gouvernement étatique.
Des catégories d’analyse - dictature ou démocratie / régime pluraliste, autoritaire… ou totalitaire -
qui ont une longue histoire.
Au fond : degré d’ouverture et de compétition pour l’exercice du pouvoir d’Etat ; statut de
l’opposition dans un système politique.
3 types de régimes : autoritaire, totalitaire, pluraliste

I. Les régimes autoritaires

1°) Critères d’identification

Refus de ces régimes de se soumettre aux aléas de la compétition électorale.


Intolérance vis à vis de l’expression publique des désaccords politiques.
Mais il n’est pas exigé des citoyens de partager l’idéologie des gouvernants (recherche au plus d’une
adhésion de façade). Plus précisément :
- interdiction des organisations politiques (si absence de tradition démocratique)
- ou contrôle étroit de ces organisations (si passé démocratique) et, le plus souvent, pseudo-
pluripartisme et élections truquées pour canaliser l’expression populaire… et renouveler confiance
au régime.
- administration sous tutelle du pouvoir
- médias sous contrôle (mais relative liberté d’expression sur sujets non politiques) : « doxa ».

2°) Type de relation pouvoir politico-administratif / société civile

Dans les sociétés traditionnelles ou peu différenciées :


- relation pouvoir politico-administratif / société civile fondée sur solidarités familiales, tribales ou
régionale ou sur le clientélisme (cf. plus bas).
Ex. : Afrique, Péninsule arabique

Dans les sociétés plus différenciées :


- cette relation est médiatisée par un parti (ou syndicat) unique
Ex. : Parti Baas (au Moyen-Orient [XXe siècle]) ; Parti franquiste, FLN (Mouvement national)…

Selon le politiste Juan Linz : Régimes autoritaires  = Régimes fondés sur des «  mentalités  ».
Mentalités = «  manière de penser et de sentir plus émotionnelles que rationnelles, qui déterminent
des façons non codifiées de réagir aux situations qui se présentent  »

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3°) Typologie des régimes autoritaires

a) autoritarisme patrimonial
Ou néo-patrimonialisme (selon Eisenstadt) : le monarque distingue mal ses ressources de celles de
l’Etat / confusion des intérêts / clientélisme (cf. plus bas).
Ex. : Gabon, monarchies du Golfe…

b) oligarchies clientélistes :
Démocratie de façade (pour se protéger ; tenter de légitimer le pouvoir), corruption :
Ex. : Amérique latine (mais évolutions vers pluralisme), Tunisie de Ben Ali, Congo de Kabila (puis F.
Tshisekedi ?)…

[digression] : Clientélisme :
« Relation d’échange asymétrique entre 2 personnes de statut inégal, un « patron » et un « client »,
reposant sur un partage d’intérêts :
- le patron accorde sa protection et distribue des ressources à ses clients
- en contrepartie, les clients apportent au patron leur soutien et contribuent donc au maintien de sa
domination » (selon O. Nay).
En science politique : liens entre chefs politiques (élus, dirigeants) et diverses catégories : groupes
d’électeurs, entreprises, lobbies, associations, médias, citoyens…
Le clientélisme existe aussi dans régimes démocratiques autour de l’Etat social ou de l’organisation
du territoire (décentralisation).
Et bien qu’illégal, le clientélisme n’est pas toujours considéré comme illégitime (cf. Italie /
Mezzogiorno, Japon…).

c) bonapartisme / dictature populiste :


Dictature (souvent militaire ou valorisant l’armée ; le chef de l’Etat est souvent issu de l’armée),
ordre, nationalisme, plébiscite :
Ex. : Turquie kémaliste, Egypte, Pakistan ? …

d) Les bureaucraties autoritaires :


Existence d’un corporatisme d’Etat, d’une bureaucratie très développée, cooptation pour le pouvoir :
Ex. : Portugal de Salazar, démocraties populaires, URSS de Brejnev, Chine contemporaine…

[digression] Régime de Salazar (Antonio Salazar) : (officiellement) « Etat nouveau »


Anticommunisme, corporatisme, colonialisme.
1926 : Salazar ministre des Finances
1932-1968 : Salazar président du conseil des ministres
Marcelo Caetano le remplace (1968-1974)
Puis Révolution des œillets (1974)

e) « démocrature »
Combinaison démocratie / dictature selon P. Hassner pour caractériser par ex. la Russie de Poutine.
On parle aussi de « démocratie illibérale »
Concept attribué à Fareed Zakaria, politologue américain, pour désigner dans les années 1990 les
régimes post-soviétiques. Nouvelles démocraties avec des institutions sans passé relevant du
libéralisme constitutionnel (séparation des pouvoirs, Etat de droit, protection des libertés…).
Type de régime qui serait celui de la Hongrie, avec V. Orban, par ex. (débat à ce propos en Europe).
Régime à pluralisme limité. Protection limitée des libertés. Pouvoir semi-autoritaire…

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S’appliquerait à de nombreux pays : Europe de l’Est, Russie, Israel, Singapour, Amérique latine, voire
Etats-Unis… France ? …. Cf. tribune de Philippe Bas sur la crise de la démocratie française, Le Monde,
14 janvier 21.

« La démocratie illibérale pourrait également être caractérisée par les pouvoirs importants d’un chef
d’État ou de gouvernement, par une séparation des pouvoirs déséquilibrée, par l’affaiblissement des
contre-pouvoirs (notamment le Parlement et les juges),par la remise en cause de l’indépendance de
la justice, par des révisions de la Constitution s’apparentant à des manipulations institutionnelles »
(Vanessa Barbé, publiciste)

f) [digression / illustration] Le cas de l’Algérie : le complexe militaro-affairiste ?


Hirak : un mouvement sans précédent... ou la nouvelle indépendance de l’Algérie (2019).
Mise en cause des « décideurs » ...un euphémisme désignant l’opacité du groupe dirigeant issu du
FLN.
Présidents (et histoire) de l’Algérie :
- Ahmed Ben Bella (FLN, 1963-65 ; il est renversé par un coup d’Etat)
- Houari Boumedienne (colonel du FLN, au pouvoir de 1965 à 1978)
- Chadli Bendjedid (colonel du FLN, au pouvoir de 1979 à 1992 ; pouvoir en grandes difficultés après
le succès du FIS (islamistes) aux municipales de 1990 ; puis législatives de 1991 interrompues (éviter
une nouvelle victoire des islamistes) ; coup d’Etat ; guerre civile)
- Mohamed Boudiaf (1992 [président pendant 5 mois] ; figure historique ; non impliqué dans la
gestion de l’Algérie jusque là ; projet d’un plan de lutte anti-corruption ; il est assassiné)
- Liamine Zeroual (général, 1994-99 ; il démissionne)
- Abdelaziz Bouteflika (état-major du FLN [clan d’Oujda], président de 1999-2019)
- Abdelmadjid Tebboune FLN, (2019-…, élu lors dune élection contestér : seulement 15% de
participation)

Une Algérie et ses « décideurs »


Terme inventé en 1992 par Boudiaf qui voulait lancer une lutte anti-corruption...
Dénonciation des « forces de l’ombre », « nomenklatura »,« cadres » peu soucieux des intérêts de
leur pays..
Les « décideurs » - héritiers du FLN – profitent avant tout de la rente des hydrocarbures.
Les Algériens « accusent les « décideurs » de ne leur allouer qu’une fraction somme toute limitée de
la richesse nationale pour mieux en accaparer l’essentiel. » (s’après J.-P ? Filiu).
« Ces « décideurs » partagent la même foi en leur mission de défendre une Algérie dont les intérêts
nationaux correspondent à leurs intérêts particuliers » (id.)

Algérie : « Partis [d’opposition] menacés de dissolution »


« Le MDS [parti acteur du Hirak] subit la répression depuis des années.
Le comportement du pouvoir actuel est dans la droite ligne de l’époque d’Abdelaziz Bouteflika,
quand les arrestations et les poursuites judiciaires nous visant étaient nombreuses et que des
militants de notre mouvement ont connu la prison.
Ces persécutions judiciaires se manifestaient déjà par l’interdiction de nos activités politiques.
La situation actuelle révèle un nouveau calcul du pouvoir :
la volonté de s’attaquer à l’un des courants qui ont émergé du Hirak. » (témoignage d’un responsable
du MDS (Le Monde, 11 janv. 2022)
Toujours selon Le Monde, « application très restrictive de loi qui régit la vie des partis. [Il leur est]
interdit d’exercer une activité militante et publique hors des bâtiments où siègent les institutions «
élues » locales ou nationales.

g) Retour sur l’actuel régime russe : quelle nature de ce régime ?

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« Concernant le système politique russe, il faut le qualifier d’autoritaire. La guerre d’agression lancée
par Poutine n’entraîne pas de qualificatif spécifique à mon avis. Certains politistes parlent de régime
fasciste ou totalitaire mais ces qualificatifs ne font pas consensus. Une collègue de Mulhouse qui
travaille sur la Russie [confirme]. Pour l’autoritarisme, je me réfère souvent à la définition de G.
Hermet dans le Traité de sciences politiques de 1986 : usage de la cooptation plutôt que de la
compétition dans le choix des gouvernants + usage de la force plutôt que de la persuasion pour
légitimer le régime. » (Alexandra Goujon)

Et d’ajouter encore : « C’est la répression qui pourrait rapprocher la Russie du totalitarisme tout
comme son idéologie d’extermination de la nation ukrainienne mais pas de parti unique (comme le
souligne R. Aron), pas de terreur de masse au sens crimes de masses contre sa propre population
(comme le souligne H. Arendt), ni de mobilisation politique globale de la population (comme le
souligne J. Linz) »

II. Régimes totalitaires

1°) La notion de totalitarisme

Notion qui émerge ds l’entre-deux-guerres


… mais s’impose après 1945
… théorisée par Hannah Arendt (Le système totalitaire, 1951) et Raymond Aron (Démocratie et
totalitarisme, 1965).
Constat que, dans les années 30, 2 régimes politiques, malgré leurs différences idéologiques, ont
certaines analogies dans leurs pratiques et leurs résultats :
- URSS
- Allemagne nazie

Juan Linz souligne la dimension idéologique de ces régimes (à distinguer des régimes autoritaires où
ne jouent «  que  » des mentalités)
Idéologie = « système de pensée plus ou moins élaborées par des intellectuels ou pseudo-intellectuels
ou du moins avec leur aide  »

Dans ces 2 pays (URSS et Allemagne), développement d’une violence d’Etat.


Allemagne : juifs, communistes, certains libéraux pourchassés
URSS : paysans « enrichis » (koulaks), « vieux » communistes (1917), minorités nationales…
Tentative d’abolir dans la société tous les clivages spirituels, culturels, voire sociaux :
- avec une idéologie politique en URSS
- avec idéologie raciste en Allemagne
Dans cette perspective : recours intensif à la propagande, l’ « agitprop » (propagande / émotion),
l’embrigadement des citoyens dans des mouvements sociaux obligatoires (notamment les jeunes).
Recherche d’une adhésion active et effective de chacun au régime… en recourant au besoin à la
terreur…
Ceux qui sont récalcitrants ou jugés non conformes sont pourchassés et éliminés…
Ici : recours aux technologies de l’organisation, développement de l’appareil policier / guepeou,
tcheka, gestapo…
Au total : « barbarie à visage industriel » (selon l’expression du politiste Philippoe Braud).

2°) Exemples :
- la Révolution bolchévique :
Proclamation par Lenine de la dictature du prolétariat (3 nov. 1917). Selon Nicolas Werth (historien) :

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« En quelques semaines (fin oct. 1917 – janv. 1918), le « pouvoir par en-bas », le « pouvoir des
soviets » qui s'était développé de février à octobre 1917… se transforme en un pouvoir par en-haut, à
l'issue de procédures de dessaisissement bureaucratiques ou autoritaires.
Le pouvoir passe de la société à l’Etat, et dans l’Etat au parti bolchévik »
Promesse d’une société sans classe.
Toutes les libertés interdites [il y a toujours de « bonnes raisons » pour le faire].
Tous les opposants = ennemis du peuple ou contrerévolutionnaire.
La Tchéka (police politique pourchassant les ennemis) sème la terreur.
Il faut développer une « terreur de masse impitoyable.
Une révolution sans peloton d’exécution n’a aucune chance » (Lenine).

- Autre exemple : Chine de la révolution culturelle (1966…)


Objectif : anéantir tout clivage spirituel ; d’où – par exemple – les destructions de temples
bouddhistes au Tibet) et affirmation du maoïsme.
Déjà, antérieurement : Grand Bond (1957) : industrialisation des campagnes ; priorité absolue à
l’acier car vu comme source du développement, de puissance… et moyen de rivaliser avec l’Occident.
Mais cela conduit à la famine car les campagnes vont être abandonnée…

Témoignage sur la barbarie du Grand Bond (cité par Libération, oct. 2009) :
« La cantine servait, par jour et… personne, deux louches d’une soupe claire… avec de l’herbe, des
racines… de l’écorce…
Nos forces ont… décliné. Nos jambes… enflé...
Personne ne travaillait plus aux champs…
…il n’y avait plus d’animaux, puisqu’on ne pouvait… les nourrir.
Il n’y avait plus d’herbe, ni de feuilles… ou d’écorce, car c’est ce que nous mangions - et sans les faire
bouillir puisqu’on nous avait saisi… nos casseroles…
Peu à peu, les fossés des routes se sont remplis de cadavres de gens qui mouraient de faim....
Personne n’avait la force d’enterrer les corps...
La nuit, ceux qui avaient trop faim mangeaient des cadavres, ceux des enfants de préférence. »

3°) Caractéristiques des situations totalitaires (et exemples)

Des constitutions trompeuses :


- constitution de l’URSS de 1936, formellement très démocratique
- constitution de Weimar pas abolie par les nazis
En réalité :
- culte du chef : dictature du prolétariat ; fuhrerprinzip ; velayat e fakih : rôle 1er du guide religieux
en Iran ; Angkar [organisation] au Kampuchea (Cambodge)
- monopole idéologique : racisme-antisémitisme, marxisme-léninisme, islam des déshérités…

- Violence et peur
- contrôle de tous les moyens de pouvoir, et terreur
* mise en place d’administrations concurrentes des administrations officielles : surveillance,
insécurité juridique, terreur, purges régulières. Ex. Wehrmacht / SS
* pas forcément un système de parti unique (parfois pluripartisme de façade… pour mieux contrôler
la société et éventuels opposants)
* système policier et concentrationnaire / flou des incriminations pénales / élimination des
opposants ou personnes non conformes /
« solution finale », goulag, laogaï…

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Simon Leys (1935-2014) fut l’un des premiers à dénoncer la Révolution culturelle : Les habits neufs
du président Mao (1971)
Une des premières dénonciations d’un régime qui a fasciné l’Occident et notamment ses
intellectuels, ses politiques, sa jeunesse et, du coup, la critique fut sévère avec ce livre.
Mao n’accepte pas sa « mort politique » après l’échec du Grand bond et, à partir de réseaux qu’il a
conservés, notamment dans l’armée, il lance la révolution culturelle à compter de 1966 (en réalité
une sorte de guerre civile marquée par de nombreuses exécutions). S. Leys dénonce l’imposture de
cette révolution masquant une lutte pour le pouvoir.
S. Leys fut notamment attaché culturel de Belgique à l’ambassade de Pékin (quand elle rouvrit en
1971) et était dirigé alors par Patrick Nothomb.

Autres illustrations de ce type de régime (plus récemment) :


- Torture et élimination systématique au Cambodge
Acte d’accusation [en 2008, par le Tribunal spécial [de l’ONU] pour les violences de masse commises
par les Khmers rouges au Cambodge (1975-1979)] de Douch qui dirigea le S-21 l’un des principaux
centre de torture du pays :
« La politique était que personne ne pouvait sortir vivant du S-21…
Sous les ordres directs de l’accusé et parfois de ses propres mains, des personnes détenues… ont été
soumises… à des souffrances physiques et mentales intenses dans le but de leur soutirer des aveux et
parfois infliger une punition
Les victimes étaient battues…, électrocutées ou étouffées avec des sacs en plastique autour de leur
tête… »

- Corée du nord :
Dernier régime totalitaire ?
Idéologie Juche / Chuche / Djoutché. 3 piliers :
- indépendance politique
- défense nationale indépendante
- autonomie économique
Culte de la personnalité (Kim Il Sung, « soleil de la nation »).
Puis Kim Jong Il et Kim Jongeun
Mais remise en cause des alliances avec l’URSS et la Chine au début des années 1990.
Impact catastrophique sur l’économie.
Mais, plus récemment, alliance avec la Russie de Poutine.
Culte du chef : Kim Il Sung [Soleil de la nation] ; puis Kim Jong Il [Soleil du 21e siècle] ; puis Kim
Jongeun [depuis déc. 2011]. Installation d’une véritable dynastie au pouvoir.
Le dirigeant actuelk est né en 1983. Il exerce diverses fonctions officielles à partir de 2010. Il est SG
du Parti du travail de Corée depuis avril 2012.

Conclusion (sur le totalitarisme) :


« Le totalitarisme diffère par essence des autres formes d’oppression politique que nous
connaissons, tels le despotisme, la tyrannie et la dictature… Le régime totalitaire transforme toujours
les classes en masses, substitue au système des partis non pas des dictatures à parti unique mais un
mouvement de masse, déplace le centre du pouvoir de l’armée à la police, et met en œuvre une
politique étrangère visant ouvertement à la domination du monde » (H. Arendt)
Sur H. Arendt : voir le le biopic Margarethe von Trotta avec Barbara Sukowa (2012)

2 observations complémentaires
1. La grille « totalitaire » ne permet de décrire que des situations politiques assez courtes
- régime qui mobilise beaucoup d’énergie (mobilisation de la population, guerres…)
- interventions extérieures renversant ces régimes (Allemagne, Cambodge)
- évolution vers bureaucraties autoritaires inefficaces… qui s’effondrent (URSS de Brejnev)
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2. Débat concernant la juxtaposition nazisme / communisme
Deux régimes assimilables ?
Des perspectives idéologiques certes différentes, mais des modes de fonctionnement comparables,
voire des thématiques croisées
- le nazisme a récupéré des thématiques de rupture propre à l’extrème gauche
- le stalinisme a repris thématiques antisémites et xénophobes a priori propres aux nazis)
[selon Ph. Braud et S. Courtois…]

III. Les régimes pluralistes

Une reformulation démocratie (représentative)… car la notion de démocratie galvaudée


Démocratie = gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple (Lincoln, discours de
Gettysburgh)… même si dans la réalité le gouvernement est toujours le fait d’une fraction.

La démocratie articule 2 notions :


- un principe représentatif : le peuple, réputé souverain, délègue à un petit nbre le soin d’exprimer sa
volonté
- un principe libéral : libre confrontation des opinions et compétition des candidats à la
représentation
La caractéristique principale de la démocratie sera donc l’élection des dirigeants lors d’élections
compétitives et régulières.

1°) Modèles d’organisation de la représentation

Le peuple n’exerce jamais directement la souveraineté (sauf cas - rare - de démocratie directe)
La théorie constitutionnelle décrit donc différents agencements des représentants du peuple.

a) le régime parlementaire
Définition (Ph. Braud) : « Le gouvernement (ou conseil des ministres) qui exerce le pouvoir au nom
d’un chef d’Etat irresponsable est politiquement responsable devant une assemblée légiférante
susceptible d’être dissoute ».
Ce système est censé favoriser la collaboration entre les pouvoirs.
Système d’équilibre harmonieux entre les pouvoirs.
Selon Blum (apocryphe ?) : « Le régime parlementaire c’est la vie de ménage »

2 variantes au régime parlementaire :


* régime d’assemblée
Exécutif affaibli / si « ingrédients » suivants réunis :
- compétence illimité des assemblées
- gouvernement élu par le parlement
- ministres soumis aux directives du parlement
- faible autorité du chef de gouvernement sur les ministres

* exécutif dominant
Basé sur « parlementarisme rationalisé » (Royaume Uni, Suède, Allemagne fédérale…) :
- modalités réduites de mise en jeu de la responsabilité politique
- maîtrise par le gouvernement de l’ordre du jour des assemblées
- limitation de la durée des sessions du parlement
Une marginalisation du parlement en raison de mécanismes de décision de plus en plus complexes,
appuyé sur l’expertise

b) le régime présidentiel
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Autonomie réciproque du gouvernement et des assemblées (pas de droit de dissolution / pas de
responsabilité du gouvernement)
(NB : élection du président au SU direct ≠ clé du régime présidentiel)
Ce système caractérise d’abord les Etats-Unis. Mais, en réalité, il n’y a pas de séparation absolue des
pouvoirs :
- veto législatif du président
- le président a besoin de l’assentiment du sénat pour nommer les principaux responsables
ministériels
- le président peut être visé par une procédure d’impeachment (Andrew Johnson, Nixon, Clinton,
Trump)

c) La démocratie directe
- Cas de la Suisse par exemple (assemblée cantonale à Glaris, proche Zurich, et plus largement
pratique de référendums d’initiative populaire ou « votations » en Suisse)
- Cas d’Etats américains, avec la procédure de recall (rappel de certains élus), dans certains Etats
comme en Californie
Ex. : Gray Davis (destitution, 2003) remplacé par A. Schwarznegger
Echec en sept. 2021 de la tentative de destitution de Gavin Newsom (DP) [gouverneur et ex-maire de
San Francisco, diplômé en sce politique, mis en cause sur la gestion de la crise sanitaire ; besoin de
12% de signature des votants à la dernière élection, en 2018, pour lancer la «  procédure de rappel »,
puis vote : G. Newsom confirmé par 63% des électeurs puis réélu en 2022)
- Débat sur le référendum d’initiative citoyenne (RIC) en France…

2°) Elections régulières et compétitives


… et basées sur suffrage populaire :
* Selon Finley (L’invention de la politique) : ce suffrage découle de la montée des divergences entre
catégories dirigeantes qui, du coup, vont chercher un soutien populaire.
Par ailleurs : le suffrage est traditionnellement une réponse aux mobilisations populaires… depuis
19e siècle. Il est une réponse aux attentes de participation politique.

2 fonctions du suffrage :
- il légitime les gouvernants / donc : fonde l’obéissance au pouvoir
- il permet d’intervenir dans le choix des gouvernants. Pas de choix à proprement parler… car
encadrement juridique des choix (« Les représentants ne sont pas élus, ils se font élire  » selon
Gaetano Mosca)

3°) Consolider les régimes pluralistes…

Besoin de garantir la séparation des pouvoirs (et l’Etat de droit), qui sont fragiles et souvent
menacés. Cela passe par :
- un statut (spécifique) de l’opposition, une justice constitutionnelle, le respect des autonomies
locales…
L’Etat de droit = soumission des pouvoirs publics au droit, soit au principe de la séparation des
pouvoirs.
Mais quand un parti majoritaire domine à la fois le Parlement et le gouvernement, ce principe est
affaibli… et, donc, risque de basculement autoritaire…
Rappel : Hitler (44% des voix en mars 1933 + 8% Parti national allemand de Von Papen)… est arrivé
au pouvoir par la voie démocratique avant de remettre immédiatement en cause la démocratie.
D’où l’importance – en particulier - d’un statut à l’opposition… qui prend le relais de la séparation des
pouvoirs… et garantit l’Etat de droit…

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Statut de l’opposition : le Royaume Uni a montré le chemin : « opposition de Sa Majesté »

Plus communément, on parle du : Shadow Cabinet, dirigé par Jeremy Corbyn, Labour (2016-2020)
puis Keir Starmer (depuis 2020), député de Londres, chef du Labour, parti de l’opposition.

Le leader de cette « opposition officielle » = personnage officiel du royaume


(membre du conseil privé : institution assistant le monarque)
Il dirige – depuis 1923 – un « cabinet fantôme ».
Il est informé et consulté ds défense et affaires étrangères
Traitement : 77 % de celui du 1er ministre.
Salaire aussi pour les leaders de l’opposition dans les 2 chambres.

Années 60 : F. Mitterrand tente de constituer un contre-gouvernement en France


Puis projet de V. Giscard d’Estaing dans les années 1970. Mais cela n’a pas abouti.
Puis « constitution Sarkozy » (2008)… qui reconnait des droits spécifiques au Parlement pour
l’opposition et les minorités politiques.
Et débats actuels sur le sujet (en lien avec la « crise » de la démocratie ou de la représentation)…

4°) Exporter la démocratie ? …

Ruth Benedict pose la question dans son livre Le chrysanthème et le sabre  [concernant le Japon
pendant la guerre] : « Ce que les Etats-Unis ne peuvent pas faire - pas plus qu’aucune nation
étrangère - c’est créer par décret un Japon libre et démocratique. Cela n’a jamais marché dans aucun
pays dominé.
Aucun étranger ne peut décider qu’un peuple qui n’a ni les mêmes habitudes ni les mêmes a priori
que lui adoptera une manière de vivre conforme à la sienne.
On ne peut décréter que les Japonais vont accepter l’autorité de personnalités élues... »
… propos qui pourraient éclairer aussi d’autres cas : Irak, Libye, Afghanistan, Mali, Centrafrique…
Démocratie avant tout le produit d’une culture politique.

… ou soutenir les mobilisations en faveur de la démocratie…


Ex. : la Charte 08 en Chine
« Au cours des 2 dernières décennies du XX° s., la politique de réforme… du gouvernement a soulagé
le peuple… de la pauvreté et du totalitarisme de l'ère Mao, et a… amélioré le niveau de richesse et
les conditions de vie…, et rétablissement partiel de la liberté éco. »
Mais absence de progrès politiques
Absence d’Etat de droit
«  L'élite au pouvoir continue de s'accrocher à son pouvoir autoritaire … »
Revendications : liberté, droits de l’homme, égalité, démocratie, nlle constitution, sép. des pouvoirs,
magistrats indépendants, protection de la propriété privée, protection de l’environnement, «  rétablir
la réputation » des victimes de persécutions politiques.

Propos de l’opposant chinois Liu Xiaobo (1955-2017), professeur de lettres, Prix Nobel de la paix
2010. Emprisonné par le gouvernement chinois et mort en prison (2008-2017).

Pour conclure :

1°) Démocratie en crise... mais l’idéal démocratie résiste

Enquête internationale (Fondapol, K. Adenauer Stftung...) sur la démocratie dans 55 pays (2022).
A noter : approbation massive des interviewés (47 408, dans 55 pays [démocratiques], en 45 langues,
39 questions) de la démocratie représentative.
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Positionnement par rapport au chacun des items suivants :
6 types de régimes proposés :
- l’armée dirige : 25 % d’approbation
- un homme fort : 36 %
- démocratie censitaire fondée sur la savoir : 43 %
- gouvernement des experts : 62 %
- Démocratie directe (pouvoir citoyen) : 70 %
- Démocratie représentative (un parlement contrôle le gouvernement) : 81 %

A noter, la démocratie participative se classe au 2 e rang dans toutes les catégories de la population...
ce sont les catégories populaires qui sont le plus favorable au « pouvoir citoyen ».
(Pouvoir d’un homme fort ou de l’armée l’emportent en Inde)
Pour autant : critique du fonctionnement de la démocratie.
Les femmes, les catégories populaires et intermédiaires, les plus jeunes sont les plus critiques sur le
fonctionnement de la démocratie.
Globalement les Européens (et parmi eux les Français !) sont les moins critiques... comparés aux
autres pays... Même s’ils estiment que la démocratie fonctionne « assez mal » ou « très mal » à 50%.
Ces taux sont bcp plus élevés dans des pays tels le Liban ou le Nigéria (80 à 90%)
La corruption = principale menace pesant sur la démocratie.
[NB : 63% des Français pensent que « toutes les personnes qui nous gouvernent sont corrompues »]

Chapitre 2 : Analyser l’Etat


(une perspective de science politique)

(à suivre…)

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