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La Réassurance

Pour une petite économie ouverte comme la Tunisie, la réassurance est une activité qui occupe une
place importante dans l’économie, elle constitue un vecteur efficace pour réduire les risques des
assureurs vis-à-vis de leurs engagements ainsi que pour optimiser leurs exigences en fonds propres.

I. Qu’est-ce que la réassurance ?


La réassurance est l’ensemble des services proposés par un réassureur à un assureur, en particulier
ceux consistant à couvrir certains risques que celui-ci ne souhaite pas conserver. Elle prend ainsi
forme via un contrat dans lequel figure l’ensemble des engagements, droits et devoirs des deux
parties. En général, le réassureur s’engage à couvrir une partie des risques techniques de l’assureur
en échange d’un versement par ce dernier d’une prime appelée prime de réassurance. Le contrat
stipule l’ensemble des conditions techniques qui déterminent l’engagement du réassureur ainsi que
les conditions financières donnant les règles comptables. La réassurance a souvent lieu lorsque les
assureurs souhaitent céder une partie de leurs risques afin de réduire leur exposition et leur besoin
de capital. Ceci peut être motivé par exemple lors du lancement d’un nouveau produit d’assurance
ou lors de la prise de marchés nouveaux ou peu connus afin de favoriser la croissance et l’innovation
tout en contrôlant les risques. Mais la réassurance doit s’entendre plus globalement comme un
partenariat entre un réassureur et un assureur et on peut ainsi lister les services suivants :

• L’amélioration de la rentabilité du capital de l’assureur ;


• La réduction de l’impact des provisions des sinistres sur la marge de solvabilité ;
• L’optimisation fiscale ;
• L’aide à la souscription de certains risques ;
• La collaboration à la conception d’un produit ;
• Le conseil et l’expertise sur la gestion des sinistres graves ;
• L’assistance dans la prévention de risques.

Afin d’alléger le besoin en capital, atténuer la volatilité des risques et protéger le bilan d’une société
d’assurance, plusieurs formes et types de traités de réassurance ont été conçus. Pour bien assimiler
le fonctionnement de la réassurance, il est nécessaire de définir quelques notions basiques
d’assurance. Nous en proposons une synthèse ci-après. La réassurance est l’assurance des assureurs

➢ Contrat de réassurance :
« Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes, destiné à créer, modifier,
transmettre ou éteindre des obligations ». En d’autres termes, le contrat d’assurance détermine les
engagements respectifs de l’assuré et l’assureur à travers un écrit qui est le contrat d’assurance (ou
traité de réassurance).

➢ Risque en réassurance :

Un risque représente l’occurrence probable d’un évènement générant une perte. Un risque est dit
assurable lorsque l’événement sous-jacent est :

 Futur ;

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 Aléatoire, c’est-à-dire que l’occurrence de l’événement ou le moment de sa survenance n’est
pas certain ;
 Réel : portant sur des biens matériels ou personnes existants ;
 Explicite ;
 Quantifiable, c’est-à-dire que l’assureur peut estimer la perte générée.

L’assureur peut décider de transférer tout ou partie d’un risque à un réassureur afin de couvrir ou
limiter les pertes associées. En réassurance, on catégorise les risques selon la typologie suivante :

• Les risques événementiels : ils comprennent les risques de catastrophe naturelle comme les
tempêtes, tremblements de terre, ou inondations, et les risques « Man Made » comme le
terrorisme ou les incendies. Ces risques entraînent une accumulation d’autre faits par
rapport au fait initial générateur (par exemple, suite à un acte terroriste, il y a d’autres
risques cumulés à considérer comme l’assurance dommage, la responsabilité civile ou
l’assurance vie). L’assureur se protège alors sur le cumul des pertes générées par
l’événement.
• Les risques individuels : il s’agit ici de risques portant sur des sommes assurées élevées tels
que les immeubles, sites industriels et plateformes offshore pouvant générer des pertes
importantes et que l’assureur souhaite limiter.
• Les risques de surfréquence : lorsqu’un risque générant des pertes modérées survient à une
fréquence anormalement élevée. Par exemple, en assurance santé, un hiver froid et aride
génère une surfréquence de sinistres.
• Les risques de déviation adverse : lorsque l’assureur souhaite se protéger sur l’évolution de
sinistres à développement long.
• Les risques d’erreurs : ont pour objectif de de sécuriser en répartissant le risque, même dans
l’appréciation de nouveaux risques.
➢ Assuré, souscripteur et bénéficiaire :

L’assuré qui est celui qui court le risque n’est pas nécessairement le souscripteur qui signe le contrat
d’assurance et s’engage à verser les primes, ou encore le bénéficiaire qui reçoit les prestations. En
assurance vie, on a notamment la distinction suivante selon le type de contrat (individuel ou collectif)

➢ L’assureur :

L’assureur représente une société privée qui couvre les charges liées aux risques non souhaités par
les assurés. Il s’engage via un contrat appelé police d’assurance à compenser un assuré en cas de
survenance d’un risque en échange d’une prime d’assurance.

➢ Pool :

Un pool est un groupement d’assureurs ou de réassureurs partageant un ensemble de risques afin de


bénéficier de plus grandes mutualisations et diversifications. Le résultat du pool est distribué entre
ses membres selon la part de chaque participant.

➢ Cédante, rétrocédant et rétrocessionnaire :

Le réassureur est l’entité qui couvre une partie des risques contractés par un assureur. Quand un
réassureur souhaite également céder une partie de ses risques à un second réassureur, on parle de
rétrocession. Dans ce schéma, on qualifie généralement l’assureur de cédante, le premier réassureur
de rétrocédant, et le second réassureur de rétrocessionnaire.

➢ Le courtier en réassurance :

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Le courtier tient le rôle d’intermédiaire. En réassurance, le courtier aide au placement des
programmes de réassurance afin de faciliter l’apport de capacité (couverture) aux cédantes et le
partage des risques entre rétrocessionnaires.

II. Les formes de réassurance :


La réassurance a trois formes juridiques qui sont les suivantes :

• Facultative : le réassureur a le droit après analyse d’accepter ou refuser un transfert de


risque que l’assureur lui présente. Ici, les risques concernés sont des grands risques
industriels, des risques atypiques de par leur exposition ou rareté. L’avantage de la
réassurance facultative est d’exposer une vision parfaite du risque au réassureur et lui laisser
par la même occasion la liberté de souscription. Néanmoins, cette forme juridique présente
des contraintes liées à la gestion qui doit être faite risque par risque, chaque risque donnant
lieu à un contrat et des conditions spécifiques. Une autre difficulté réside dans le fait que
l’assureur ne présente que les risques qu’il souhaite céder, ce qui requiert une expertise sur
l’évaluation des risques afin d’éviter le phénomène d’antisélection.
• Obligatoire : selon les conditions prédéfinies, l’assureur se doit de céder une part
déterminée d’un périmètre défini (nature des risques, zone géographique, montant). Le
réassureur quant à lui se doit d’accepter les risques et de les couvrir. N’ayant pas le choix sur
les risques à céder, l’assureur doit donc céder les « bons » comme les « mauvais risques »
avec la garantie qu’il sera couvert. En termes de gestion, la réassurance obligatoire est
beaucoup moins lourde que la réassurance facultative.
• Facultative-Obligatoire : aussi appelée « facob », cette forme de réassurance oblige le
réassureur dans ses engagements tandis que l’assureur a le choix au niveau de la cession de
ses risques. Le réassureur est engagé selon des conditions prédéfinies. Représentant moins
d’1% des traités, c’est une forme de réassurance rare. Dans la plupart des cas, cette
réassurance est à la base une réassurance « facultative » de longs contrats qui ont par
ailleurs engendrer une sorte de confiance entre le réassureur et l’assureur. Elle permet
réduire la gestion lourde inhérente à la forme de réassurance facultative. Le risque
d’antisélection est réduit dans une logique de partenariat entre l’assureur et le réassureur
qui se fait dans la durée.
III. Les types de traités de réassurance :
• Traités Proportionnels : lorsque l’engagement du réassureur est proportionnel à prime de
réassurance. Il en existe deux types : les traités en quote-part et les traités en excédent de
plein.
 Traités en Quote-Part : c’est le type de traité le plus simple. La prime de réassurance
est proportionnelle à la prime d’assurance selon un taux de cession unique qui est le
même pour toutes les polices d’assurances couvertes par le traité, indifféremment
de leurs caractéristiques. Exemple : pour un traité en Quote-Part de 50%, l’assureur
cède au réassureur 50% des primes du portefeuille couvert par le traité. De l’autre
côté, le réassureur s’engage à payer 50% des montants de sinistres. Les traités en
Quote-Part ne modifient pas le profil de risque de l’assureur mais le niveau
d’engagement de façon proportionnelle. Ils ont ainsi peu d’intérêt en termes de
couverture de risque.

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Figure1 : Traité en Quote-Part de 50%, l’assureur cède 50% au réassureur et garde 80% en
rétention

 Traités en Excédent de Plein : ici, l’assureur définit un montant de somme assurée


(appelé Plein de Rétention) en dessous duquel il conserve 100% du risque. En
d’autres termes, l’assureur est engagé à régler les sinistres jusqu’au plein de
rétention et le réassureur est engagé sur la partie des montants au-dessus du plein
de rétention, et en général jusqu’à une limite également fixée, au-delà de laquelle les
montants incombent de nouveau à l’assureur. Le taux de cession donnant la
contribution à la prime de réassurance est ainsi définie police par police. Avec ce
type de traités, l’assureur conserve les petits risques ce qui lui permet d’éviter les
pointes d’exposition ainsi que d’augmenter la capacité de souscription. Outre la
gestion qui est plus lourde que pour les traités en quote-part, l’inconvénient pour
l’assureur est qu’il ne se protège pas contre le risque de surfréquence.

Figure 2 : Traité en Excédent de Plein, exemple de répartition de l’engagement entre l’assureur et le


réassureur

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• Traités Non-Proportionnels : pour ces traités, la proportionnalité des engagements entre
l’assureur et le réassureur n’est plus respectée. La hauteur des engagements de chaque
partie est déterminée en prenant en considération deux paramètres sans lien avec la prime
originale et la somme assurée du risque. Le premier est la franchise ou priorité, qui est le
seuil en dessous duquel le réassureur n’intervient pas. Le deuxième paramètre est la portée
ou capacité, correspondant au montant de couverture maximal du réassureur. Les deux
types de traités non-proportionnels qui existent sont : les traités en Excédent de Sinistre
(Excess of Loss, "XL") et les traités en Excédent de Perte Annuelle (Stop-loss, "SL").
 Les traités en Excédent de Sinistre : la partie des montants de sinistres au-dessus de
la priorité et dans la limite de la capacité sont à la charge du réassureur. Il en existe
deux sous-catégories : Excédent de Sinistre par Risque et Excédent de Sinistre par
Évènement.
1. Excédent de sinistre par Risque : est applicable sur chaque sinistre individuel
généré par un risque.
2. Excédent de sinistre par Évènement : est applicable à l’agrégation des
sinistres ayants un même fait générateur évènementiel.

Figure 3 : Traité en Excèdent de sinistre

 Les traités en Excédent de Perte Annuelle : l’assureur se protège contre un excédent


de perte annuelle. Cela revient à couvrir le ratio de sinistres sur primes (S/P). Un
Stop-Loss est ainsi généralement exprimé à l’aide deux taux donnant le seuil et la
limite d’intervention du réassureur. Les traites Stop-Loss sont utilisés souvent pour
répondre aux problèmes de surfréquence. Par exemple, pour un traité 30% SL 90%,
le réassureur s’engage à couvrir les pertes annuelles de l’assureur par rapport à une
sinistralité globale de 90% des primes et jusqu’à un niveau de S/P égal à 120 % (90%
+ 30%).

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Figure4 : Traité en Excèdent de Perte Annuelle

IV. La réassurance en Tunisie :


A la fin de l’année 2021, le marché tunisien des assurances compte 24 compagnies résidentes,
compte tenu des deux nouvelles compagnies agréées en 2020 et spécialisées en assurance-vie et
capitalisation. Il est à signaler qu’une assurance a pu démarrer son activité et l’autre dont l’activité
n’a pas encore démarré durant l’année 2021 mais qui a obtenu l’accord du CGA et du ministère des
Finances sur la prorogation du délai réglementaire de lancement des activités au 4e trimestre 2022.
La majorité des compagnies résidentes (soit 22 compagnies) opèrent sous le statut de société
anonyme et deux sont constituées en société à forme mutuelle. Par ailleurs, quinze d’entre elles
opèrent en multi-branches, parmi lesquelles trois sont spécialisées en assurance Takaful. Quant aux
autres compagnies, elles sont spécialisées dans une activité particulière d’assurance. Ainsi, on
distingue sept compagnies spécialisées en assurance-vie et capitalisation, une compagnie spécialisée
en assurance des crédits à l’exportation (la Cotunace) et une compagnie spécialisée en réassurance
(Tunis-Ré).

Malgré l’importance et le rôle essentiel que joue le secteur des assurances dans le financement de
l’économie nationale grâce à sa contribution au soutien de l’épargne et à la stimulation de
l’investissement, le rapport annuel du Comité général des Assurances (CGA), relatif à l’exercice 2021,
montre que la part de la Tunisie dans le marché mondial de l’assurance reste relativement faible en
comparaison avec les autres pays émergents qui s’établi autour de 2,5 %.

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