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Nous allons étudier un extrait de la première méditation de « Les méditations

métaphysiques » écrit par Descartes. Tout d’abord, Descartes se rend compte qu’il
tient pour vraies des fausses opinions. Il cherche alors à toutes les remettre en
question. Or, il est confronté à un manque de temps lié à sa condition humaine.
Comment Descartes peut-il douter d’une quantité incommensurable de fausses opinions
lorsque le temps lui manque ? Ainsi, on pourrait s’interroger sur les solutions
proposées par Descartes pour faire face aux limites physiques liées au temps. Le
texte procède de trois mouvements. Dans un premier temps de la ligne 1 à 7, nous
allons aborder les fausses opinions reçues pendant l’enfance de Descartes. Puis,
dans un deuxième temps de la ligne 8 à 16, nous verrons la situation paradoxale
dans laquelle Descartes se trouve. Enfin, dans un dernier temps de la ligne 16 à
26, nous analyserons comment Descartes répond au paradoxe en s’en prenant aux
fondements pour détruire les principes qui en découlent.

Descartes commence par un constat de sa situation. Il se rend compte que « dès ses
premières années » (ligne 1-2), son entourage lui a inculqué une « quantité de
fausses opinions » (ligne 2) c’est à dire des avis, des jugements qui deviennent
dangereuses lorsqu’elles cherchent à s’imposer en dissimulant la faiblesse de leurs
fondements sous les apparences de certitudes. Il tient ces fausses opinions « pour
véritables » (ligne 2).

Cependant, il est étonnant que Descartes ait pris pour vrai des opinions fausses
étant donné qu’elles sont "fondé[es] sur des principes si mal assurés"(ligne 3). Il
s’est alors construit des “principes si mal assurés” à partir des fausses opinions.
C’est à dire quand le fondement ne peut pas soutenir une vérité. Il a alors établi
à partir de ses principes, des opinions qui tirent leurs fiabilités des fondements
mal assurés. Ainsi, Descartes remet en question toutes ses connaissances acquises.
La véracité de ses opinions qualifiées de “douteux et incertain” (ligne 4) n’est
pas soutenue par des principes crédibles. Par ailleurs, Descartes explique qu’il
manquait d’esprit critique et avait tendance à prendre de manière systématique, ce
qui lui était enseigné, pour vrai. Le doute a permis à Descartes de prendre du
recul sur les opinions apprises jusque-là.

Fondé ses opinions à partir de ses premiere opinions qui parraissent comme
incertaines et

Descartes entame donc une réflexion visant à tout recommencer depuis les
fondements de son savoir. Il envisage ainsi de se défaire « de toutes les opinions
[qu'il] avait reçues » (ligne 5). Néanmoins, il s'agit pour Descartes d'une étape
difficile car il avait, jusqu'alors, placé toute sa confiance, il avait donné
“créance” à des fausses opinions. S'il souhaite faire table rase de son savoir et
recommencer tout depuis les « fondements », c'est en vue de constituer un nouveau
socle de connaissances qui seront, cette fois, fiables. Ainsi, « recommencer tout
de nouveau » (ligne 6) permettra à Descartes « d'établir quelque chose de ferme et
de constant dans les sciences » (ligne 7). Il souhaite inscrire ses opinions dans
la durée en adoptant une démarche scientifique. Dans cette entreprise, le doute est
un élément clé. En effet, le doute est une remise en question de l’authenticité
d’un fait : il met à l'épreuve des opinions et les transforment en sciences. Dans
le dialogue "Le Ménon", écrit par Platon, Socrate essaye de faire comprendre à
Ménon la différence entre le savoir et l'opinion vraie. En recourant à l'allégorie
des statues de Dédale, il compare les statues de Dédale aux opinions vraies. Après
qu’elles auront passé l’épreuve du doute et donc qu’elles auront fait la
démonstration de leur véracité, elles se transformeront en un savoir fixe et
fiable, attachées au sol par « un ressort ». Ainsi, cette opinion sera ancrée dans
le temps par ce "ressort" grâce à l’apport de preuve expérimentale et se muera en
sciences.

Descartes sait que détruire toutes les fausses opinions est “une entreprise […]
fort grande” qui est importante du point de vue de la quantité de fausses opinions
à traiter. Il est donc nécessaire d’avoir une certaine maturité pour effectuer ce
travail long et périlleux. Cette maturité a été atteinte à “un âge […] si mûr”
montrant que Descartes a attendu le moment propice pour réaliser sa remise en
question. Il a conscience et ne peux “espérer” se retrouver dans les mêmes
dispositions qu’à cet âge et non après. Il se juge “propre à l’exécuter” ce qui
sous-entend que son âge avancé lui a permis de retirer une forme de saleté que l’on
peut apparenter aux erreurs que l’on peut commettre pendant la jeunesse. De plus,
Descartes met en évidence le manque temps auquel il est confronté puisqu’il dit que
passer du temps à délibérer sur “le temps qui [lui] reste pour agir” serait
commettre une erreur qui à partir de ce moment en serait une. Tandis qu’avant, un
temps de réflexion s’imposait pour déterminer le moment le plus judicieux à la
remise en question. Il est donc arrivé à un âge favorable pour prendre du recul et
émettre une critique objective sur les fausses opinions apprises lors de son
enfance. Descartes est à un âge plus avancé qui lui apporte de la sagesse mais par
conséquent il manque de temps. Il est arrivé à un âge mûr qui se présente comme le
point d’équilibre entre la sagesse et le temps. Ce n’est par ailleurs pas le moment
où il est le plus sage dans sa vie.

Descartes aborde ensuite la liberté acquise avec l’âge : “mon esprit est libre de
tous soins”. Son esprit semble apaisé et dénué d’éléments qui pourraient le
détourner de son objectif initial. On peut parler d’émancipation liée à l’âge. Ce
dernier est désormais reposé et prêt à se lancer dans cette tâche complexe où il
est dans une solitude qui lui est agréable, “paisible”. La solitude permet une
rétrospection et un accès à la liberté en se protégeant de l’influence d’autrui. Il
veut s’appliquer “sérieusement” à son travail. Cette solitude revêt le caractère
d’une solitude d’esprit. On peut supposer qu’avant cet âge il n’avait pas de temps
à consacrer à cette tâche et qu’il ne pouvait pas faire un bon travail donc qu’il
laissait passer des erreurs dans son étude des fausses opinions. Il souligne la
liberté intellectuelle qu’il s’est pourvue pour détruire les fausses opinions
autrement dit “[ses] anciennes opinions”. Le fait de douter de ce que l’on savoir
constitue une étape clé à l’accès au savoir. Mais on peut se poser la question qui
est de douter de tout n’est pas possible en termes de temps et donc de se demander
si c’est la meilleure démarche à suivre.

Ainsi, arrivé à un âge opportun à la remise en cause de ses opinions, Descartes se


sent prêt à commencer son entreprise. Pour « arriver à ce dessein » qui est de «
détruire toutes [ses] anciennes opinions », Descartes cherche à remettre en cause
ses opinions fausses une par une. D'une part c'est par la raison que Descartes
souhaite formuler des jugements concrets dans le but de trancher entre la véracité
et la fausseté de ses opinions. Pour se faire, il compte accorder une part de
certitude à chacune de ses opinions, même à celles qui lui semble être douteuse
ainsi qu’à celles qui ne lui sont pas entièrement "certaines et indubitables".
Avant de s'assurer de la validité ou non de certaines opinions, Descartes commence
par croire en chacune d'elles. Il ne néglige alors pas les opinions qui pourraient
paraître « fausses ». Descartes cherche à faire passer par l'épreuve du doute ses
opinions. Le doute est considéré comme la finalité des recherches philosophiques,
il permet d'hésiter et ainsi d'être méfiant au sujet de la véracité d'un fait.
Descartes renie les anciennes vérités préétablies. Le meilleur moyen de mettre en
évidence l'« indubitable » et la prétendue vérité est de les confronter à l'épreuve
du doute systématique. C'est en passant l'épreuve du doute qu'une opinion devient
plus forte, et au contraire le moindre doute au sujet d'une opinion suffirait à ce
que Descartes la «[rejette] ». Ce doute pourrait s'apparenter à un doute sceptique
qui ne croit en aucune vérité générale. Mais Descartes souhaite tout de même
trancher entre le vrai et le faux des opinions par le doute cartésien. Le doute
cartésien est conçu comme provisoire et méthodique et cherche à accéder au vrai.

D'autre part, c'est aussi la raison qui lui fait comprendre que douter de ses
opinions une par une est impossible. Alors il ne lui sera pas nécessaire d'examiner
toutes ses opinions. Il a également conscience que de cette manière, sa tâche
s'apparenterait à un "un travail infini" (ligne 22). Il lui serait alors impossible
d'atteindre son objectif dû au manque de temps. C'est pourquoi il apporte la
solution qui lui permettra d'arriver à bout de son entreprise. Il s'appuie alors
sur une métaphore illustrant les ruines sur lesquelles reposent le reste de
l'édifice. Et que l’effondrement de ce dernier "entraînera avec lui tout le reste
de l'édifice" (l.24). Il fait alors allusion aux opinions fausses qui sont la
source de ses principes. Où ici, les ruines représentent les principes formés par
l'ensemble des fausses opinions et l'édifice les fausses opinions prises pour
véritables. Descartes va alors couper le mal à la racine et cherche alors à
reformer des « principes » qui sont les bases solides des opinions. Ainsi, Pour
déterminer, le degré de vérité d'une opinion, Descartes éprouve le besoin de
remonter aux principes autrement dit aux "ruines". Car toute vérité est suspendue,
et douteuse tant qu'elle n'est pas rattachée à un principe qui la soutient. C’est
en établissant la cohérence des fondements sur lesquelles tiennent ses opinions que
Descartes pourra leur apporter une certitude.

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