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1 - Le Principe de Primauté
1 - Le Principe de Primauté
Le principe de primauté signifie que le droit de l'Union prévaut sur les droits nationaux des États
membres. Il bénéficie à toutes les normes de droit européen disposant d'une force obligatoire et
s'exerce à l'égard de toutes les normes nationales. En principe, tous les actes nationaux sont soumis à ce
principe, quelle que soit leur nature (constitution, loi, règlement, arrêté, etc.) et que ces textes aient été
émis par le pouvoir exécutif ou législatif de l’État membre. Mais en réalité, le principe de primauté se
heurte au principe de souveraineté des États et son application en droit interne a longtemps fait l’objet
d’un débat sur la compétence du juge national. En France selon l’article 55 de la Constitution du 4
octobre 1958, les traités internationaux ont une valeur supérieure aux lois. Dans l’ordre juridique interne
on considère toutefois qu’ils sont inférieurs à la Constitution. Cette supériorité du bloc de
constitutionnalité dans la hiérarchie des normes, déjà théorisée par Hans Kelsen, a d’ailleurs été
confirmée par la jurisprudence dans divers arrêts : notamment celui du Conseil d’Etat Sarran et Levacher
de 1998 et ou encore par une décision Chartes des langues régionales du Conseil constitutionnel en
1999. Toutefois, les juridictions internationales prônent toujours la primauté du droit de l’Union (arrêt
Costa/ Enel de 1964 et l’arrêt Simmenthal de 1978). Cet ordonnancement juridique rend nécessaire de
s’assurer que les normes inférieures aux traités, les lois et actes administratifs soient conformes aux
traités, sans quoi la hiérarchie des normes ne serait pas respectée. Ainsi, il convient de se demander
dans quelle mesure le principe de primauté du droit de l’Union est absolu ?
Si l’absolutisme de ce principe génère des contestations (I), des compromis et solutions ont été
trouvées afin d’assurer sa mise en œuvre par un contrôle de conventionnalité (II).
Le principe de primauté n’a pas été institué par les traités de l’Union : il s’agit bien d’une création
prétorienne. Après l’arrêt Costa c/ E.N.E.L. de la Cour de justice daté de 1964, aux termes duquel elle a,
pour la première fois, estimé que « à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la
communauté économique européenne a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique
des États membres lors de l’entrée en vigueur du Traité et qui s’impose à leurs juridictions. » La
conséquence de cette intégration au droit de chaque pays membre de dispositions qui proviennent de
source communautaire est l’impossibilité pour les États membres de faire prévaloir une mesure
nationale contre une provision issue de l’ordre juridique, car celui-ci a été accepté sur la base de la
réciprocité.
À la suite de ces arrêts fondateurs, la Cour de justice a construit toute une ligne jurisprudentielle
ayant permis d’affirmer et d’affiner les contours du principe de primauté. Qu’elle se soit prononcée sur
les règles de droit primaire (traités) ou de droit dérivé, la Cour de justice n’a eu de cesse de répéter aux
États membres, et à leurs plus hautes juridictions, que le droit de l’Union prime le droit national, quelles
qu’en soient les conséquences. En principe, rien ne laissait présager que les États membres puissent
estimer que la reconnaissance de la primauté du droit de l’Union sur leur droit national puisse être
laissée à leur discrétion.
L’absolutisme désiré du principe de primauté du droit de l’Union a été déjoué par des velléités
nationales de souveraineté juridique. Ainsi, les cours constitutionnelles des États membres n’ont pas
manqué de rappeler leurs identités constitutionnelles nationales : comme ce fut le cas notamment dans
les arrêts “Solange I et II” d’une cour constitutionnelle fédérale allemande. Ces arrêts, datant du 29 mai
1974 et du 22 octobre 1986, ont affirmé que “ la primauté du droit communautaire trouvait sa source
dans la loi fondamentale, et donc sa limite dans l’identité constitutionnelle » de l'Allemagne, et si la Cour
de Karlsruhe renonçait en pratique à exercer un contrôle sur le respect des droits fondamentaux, c'était
parce que la jurisprudence de la Cour de Luxembourg rendait ce contrôle inutile, non parce qu'elle le
rendait impossible. La Cour de Karlsruhe n'a donc jamais suivi la cour de justice de la communauté
européenne dans l'affirmation d'une primauté inconditionnelle du droit communautaire, tout en
considérant que cette divergence sur les principes ne pouvait normalement pas se traduire par un conflit
de jurisprudences. Pour répondre à cela, la cour de justice a introduit les “principes généraux du droit”
qui protègent les droits fondamentaux en droit communautaire en s’inspirant soit des traditions
constitutionnelles communes aux états membres, soit des traités internationaux de protection des droits
de l'homme ratifiés par les Etats membres de de l’Union. Ainsi, ces principes se basent notamment sur la
convention européenne des droits de l’Homme notamment et surtout basés sur la CEDH. Ces
mouvements de résistance et de compromis témoignent du non-absolutisme du principe de primauté.
Toujours dans le but de concilier les intérêts nationaux et communautaires, un mécanisme de contrôle
de conventionnalité s’est étoffé.
2. L’externalisation du contrôle
Dans un deuxième système, ce contrôle peut se voir externalisé. Ainsi, il serait confié à des
juridictions internationales. En effet la France peut être condamnée par la cour de justice de l’union ou la
cour européenne des droits de l’homme sous certaines conditions car son droit national (lois ou actes
administratifs) viole la convention européenne des droits de l’homme ou le droit de l’UE. Ainsi il
reviendrait au législateur ou au pouvoir réglementaire de tirer les conséquences de ce constat et de
retirer la norme. Cela pose trois difficultés : le contrôle ne se fait qu’à l’égard de la convention
européenne des droits de l’Homme et du droit de l’Union ; il est nécessaire d’attendre une
condamnation de la France ; enfin les justiciables sont tributaires d’une réaction du législateur et de
l’exécutif qui par attentisme pourraient laisser la norme se maintenir malgré son inconventionnalité.
C’est pourquoi la troisième manière de réaliser le contrôle de conventionnalité est celle qui est retenue.
Le système par voie d’exception devant un juge administratif ou judiciaire. A l’occasion d’un
litige, le juge constate qu’une loi est contraire à une convention internationale, il ne peut certes pas
l’annuler en raison du monopole du conseil constitutionnel et de son office limité mais il peut l’écarter
dans l’instance en cours. Le juge administratif reste compétent du reste pour annuler les actes
administratifs contraires aux conventions internationales. Ce système de contrôle présente des
avantages certains. Le juge judiciaire l’a employé avant le juge administratif, car ce dernier voyait son
office limité par la hiérarchie des normes.
Conclusion
Avec un principe de primauté absolu, l’ordre juridique européen aurait été plus clair et lisible,
mais l’indépendance des états membres de cette confédération sui generis s’en serait trouvée
malmenée. Ainsi, les solutions jurisprudentielles et le contrôle de conventionnalité apparaissent
adéquats afin de préserver l’équilibre au sein de la hiérarchie des normes et de l’ordre juridique
européen.