Vous êtes sur la page 1sur 5

CHAPITRE : Toxicologie des médicaments

BARBITURIQUES

Présenté par :
Dr. N. CHEFIRAT née BELABBACI
Maitre-assistante en Toxicologie

Année universitaire
2018 – 2019
Toxicologie des médicaments Barbituriques

INTRODUCTION
Les barbituriques (BB), dérivés de substitution de l’acide barbiturique, sont des
dépresseurs du SNC dont le spectre d’activité s’étend de l’effet sédatif à l’anesthésie. Ils
ont des propriétés anti-convulsivantes, myorelaxantes et hypnotiques. Leur usage dans
le traitement de l’insomnie, l’anxiété et le stress a été largement remplacé par celui des
benzodiazépines du fait :
— D’un index thérapeutique étroit.
— De nombreuses interactions médicamenteuses (inducteurs enzymatiques).
— D’une toxicité élevée en cas de prise massive.
— D’un risque d’abus en raison de leurs effets toxicomanogènes (forte tolérance,
dépendance physique et psychique majeure, syndrome de sevrage si arrêt brutal).

I. TOXICOCINETIQUE
A. ABSORPTION

— Les BB sont globalement bien résorbés au niveau digestif (mécanisme de transport


passif).
— Leur résorption est d’autant plus rapide qu’ils sont plus lipophiles, que l’estomac est
vide ou qu’il y a ingestion associée d’alcool. Elle est par contre lente en cas d’ingestion
massive du fait du ralentissement du transit intestinal.
— Le Tmax est atteint rapidement : 4 heures chez l’enfant pour le phénobarbital.

B. DISTRIBUTION

— Dans le sang, les BB sont partiellement liés aux protéines plasmatiques.


— Ils diffusent dans tout l’organisme avec une tendance à se stocker dans les tissus
nerveux et adipeux en raison de leur liposolubilité.
— On distingue 4 classes de BB, soit, par ordre de lipophilie décroissante :

CLASSE DELAI D’ACTION EXEMPLE


BB ultra-rapides Quelques secondes (uniquement en IV) Thiopental
BB rapides ½h-1h Sécobarbital, Pentobarbital
BB intermédiaires 1h-2h Amobarbital, Aprobarbital
BB lents 2h-3h Phénobarbital

— Les BB traversent la barrière placentaire et passent dans le lait maternel.

C. METABOLISME

— Le métabolisme, essentiellement hépatique, est pour la plupart des réactions un


processus de détoxification conditionné par la liposolubilité du BB :
• Les BB les plus liposolubles sont fortement métabolisés (jusqu’à 99% des BB
ultrarapide) et ont donc une action rapide mais brève.
• Les moins liposolubles sont peu transformés (jusqu’à 75% des BB lents) et ont une
action lente mais prolongée.

Dr. N. BELABBACI-CHEFIRAT 2
Toxicologie des médicaments Barbituriques

— Les principales réactions sont :


• Une oxydation des chaînes latérales en position 5, donnant des composés plus
polaires et inactifs avec une possible glucuroconjugaison et sulfoconjugaison.
• Une désulfuration des thiobarbituriques avec formation de leurs homologues
oxygénés, qui suivent ultérieurement leur propre métabolisme.
• Une N-désalkylation des BB N-méthylés.
• Une scission de la molécule, donnant l’urée et d’autres substances dont des acides
organiques.
— Les BB sont de puissants inducteurs enzymatiques intensifiant la biotransformation
de nombreuses substances dont le BB inducteur lui-même.

D. ELIMINATION

— L’élimination est essentiellement rénale par sécrétion tubulaire active.


— Elle est plus ou moins lente en raison de l’action antidiurétique développée des BB et
d’une réabsorption tubulaire possible des formes non ionisées.
— Elle peut être accélérée par alcalinisation des urines.
— Une petite fraction s’élimine par les fèces.
— Les BB passent dans la salive et le lait maternel.

II. MECANISME D’ACTION TOXIQUE


— Les BB exercent leur action par le biais d’un renforcement GABAergique, c'est-à-dire
une augmentation de l’inhibition médiée par le GABA au niveau du SNC.
— Le GABA (acide δ-aminobutyrique) est le principal neurotransmetteur inhibiteur.
— Les récepteurs GABA de type GABAA interviennent dans les effets des hypnotiques
anxiolytiques. Leur activation déclenche une ouverture du canal ionique suite à un
changement de conformation et augmente ainsi la perméabilité de la membrane
neuronale aux ions chlorures conduisant à une hyperpolarisation.
— Les BB, par leur action sur ces récepteurs inhibiteurs, diminueraient l’excitabilité des
neurones en augmentant la durée moyenne d’ouverture du canal au chlore. A fortes
doses, ils ouvrent ce canal même en l’absence de GABA.

III. INTOXICATION AUX BARBITURIQUES


A. INTOXICATION AIGUE

— Le tableau de l’intoxication barbiturique aiguë associe principalement :


• Des troubles de la vigilance : depuis l’ivresse barbiturique comparable à l’ivresse
éthylique jusqu’au coma profond, calme, hypotonique, hyporéflexique.
• Une dépression respiratoire centrale : bradypnée souvent aggravée par un
encombrement trachéobronchique et une pneumopathie de déglutition.
• Des signes cardiovasculaires en cas d’intoxication massive : hypotension
artérielle avec tachycardie réactionnelle.
• Une hypothermie : conséquence d’un trouble central de la thermorégulation, de
l’hypotonie musculaire et de la vasoplégie.

Dr. N. BELABBACI-CHEFIRAT 3
Toxicologie des médicaments Barbituriques

— Des complications peuvent survenir : rhabdomyolyse, embolie pulmonaire,


surinfection pulmonaire.
— L’évolution est variable : la mort peut survenir par arrêt respiratoire, défaillance
cardio-circulatoire, défaillance rénale ou broncho-pneumopathie. Dans les cas
favorables, le sujet sort progressivement du coma et généralement sans séquelles.

B. INTOXICATION CHRONIQUE

Malgré la tolérance qui se développe, l’intoxication chronique peut donner lieu à des
troubles de nature diverse : obnubilation, troubles du caractère, de la vue et de la parole,
maladresse des mouvements, troubles cutanéo-muqueux, digestifs, urinaires et
circulatoires.

IV. TRAITEMENT
A. TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE

B. TRAITEMENT EVACUATEUR

— Lavage gastrique dans l’heure qui suit et même 12 heures après l’ingestion de
phénobarbital. En cas de contre-indication, il peut être substitué par une simple
aspiration du contenu gastrique.
— Décontamination gastro-intestinale par administration de charbon activé.

C. TRAITEMENT EPURATEUR

— Diurèse forcée alcaline (sérum bicarbonaté avec glucosé, mannitol et potassium)


accélérant l’élimination des BB lents sous forme inchangée.
— Epuration extrarénale (dialyse péritonéale, hémodialyse…) si :
• Contre-indication de la diurèse forcée.
• Intoxication massive (barbitémie > 400 µmol/L) et symptomatique.

V. ANALYSE TOXICOLOGIQUE
A. ISOLEMENT
L’isolement des BB se fait par une extraction directe par des solvants en milieu acide à
partir du liquide gastrique, du sang, des urines ou de prélèvements autopsiques.
B. IDENTIFICATION

1. Identification générale

a. Réactions générales dues à la fonction acide


Les BB sont considérés théoriquement comme des diacides du fait de la présence de 2 H
des groupements NH d’origine uréique. La labilité de ces H est nulle en milieu acide mais
se manifeste en milieu alcalin d’où 2 conséquences pratiques :

Dr. N. BELABBACI-CHEFIRAT 4
Toxicologie des médicaments Barbituriques

— Influence sur la solubilité : utilisation de solvants organiques en milieu acide fort


pour l’extraction des BB des milieux biologiques.
— Influence sur l'absorption en UV : l'absorption des BB en UV en milieu aqueux est
caractérisée par 2 pics :
• A 238 nm, à pH 10 (ionisation totale de l'H du premier groupement NH).
• A 260 nm, à pH 14 (ionisation totale de l’H du deuxième NH).

b. Réactions générales de coloration ou d’insolubilisation dues au


groupement CO—NH—CO
— Réaction de PARRI : le groupement CO-NH-CO a la propriété de donner avec certains
ions métalliques (Cu, Hg, Co), en milieu rigoureusement anhydre et alcalin, des
complexes aminés fortement colorés. Cette réaction a une faible sensibilité et sa
spécificité n'est pas absolue (hydantoïnes, phtalimide…).
— Formation de complexes insolubles : avec les ions de métaux lourds, surtout ceux
d'Ag, de Hg et de Cu. Cette réaction est sensible mais peu spécifique (acides
organiques d'origine médicamenteuse, acides gras…).

2. Techniques différentielles
— Chromatographie sur couche mince :
— Chromatographie en phase gazeuse après dérivatisation.
— Chromatographie liquide à haute performance.
— Spectrophotométrie dans l’UV et dans l’IR.
— Immunoessais.

C. DOSAGE
— Spectrophotométrie dans l’UV : mesure comparative à une gamme étalon de la
différence de densité optique de l’extractum, soit entre le maximum (240 nm) et le
minimum (260 nm) d’absorption, soit à une même longueur d’onde (260 nm) entre
les deux pH d’ionisation de la molécule (14 et 10).
— Chromatographie en phase gazeuse couplée éventuellement à la spectrométrie de
masse après dérivatisation et avec étalonnage interne.
— Chromatographie liquide à haute performance.
— Les immunoessais (test EMIT, radioimmunoessai, polarisation de fluorescence).

D. INTERPRETATION
— Elle concerne essentiellement les dosages de phénobarbital dans le sang pouvant se
pratiquer en urgence ou dans le cadre d’un suivi thérapeutique par immunodosage :
• 10-40 mg/L : taux thérapeutiques.
• 40-70 mg/L : coma modéré chez un patient non traité.
• 70-100 mg/L : coma profond.
• 120 mg/L : intoxication majeure.
— A gravité égale, les taux peuvent être 2 fois plus importants chez un patient traité ou
toxicomane.
— Les BB d’action courte engendrent des intoxications plus marquées pour des taux
plus faibles.
— Dans le cadre d’un suivi thérapeutique, l'efficacité du médicament ne peut être jugée
qu'après 15 jours de traitement. Il en sera de même pour toute modification de la
posologie.

Dr. N. BELABBACI-CHEFIRAT 5

Vous aimerez peut-être aussi