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Les déterminants des émissions d'Actions à Bons de

Souscription d'Actions
Souad Brinette
Dans La Revue des Sciences de Gestion 2014/3 (N° 267-268), pages 159 à 169
Éditions Direction et Gestion
ISSN 1160-7742
ISBN 9782916490427
DOI 10.3917/rsg.267.0159
© Direction et Gestion | Téléchargé le 04/09/2023 sur www.cairn.info (IP: 160.176.201.28)

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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 267-268 – Finance 159

Formes de capitalisation financière


Les déterminants des émissions d’Actions
à Bons de Souscription d’Actions
par Souad Brinette

L
es actions à bons de souscription (ABSA) sont des actifs
financiers qui donnent le droit, et non l’obligation, d’acquérir
à un prix déterminé une certaine quantité d’actions à créer
au cours d’une période donnée.
Les raisons théoriques évoquées pour expliquer l’intérêt de ces
titres renvoient à l’existence des conflits d’intérêt (P. Schultz,
1993) et d’asymétrie d’information (Th.J. Chemmanur et P.
Fulghieri, 1997) entre les différents partenaires de l’entreprise.
L’hypothèse d’agence de P. Schultz (1993) prévoit que les
émissions d’ABSA réduisent les coûts d’agence du free cash-flow
Souad BRINETTE en permettant un financement en deux étapes. La deuxième
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Docteur en Sciences de Gestion augmentation du capital exige une appréciation du cours de
l’action, les dirigeants doivent prouver que l’entreprise a de
Enseignant chercheur à l’OCRE bons projets d’investissement pour réaliser cette augmentation
EDC PARIS (Ecole des Dirigeants et Créateurs du capital.
d’Entreprises), France Dans leur modèle de signal, Th.J. Chemmanur et P. Fulghieri
(1997) estiment que, lors des introductions en bourse et pour se
signaler, les firmes les plus risquées de bonne qualité émettent
des ABSA sous-évaluées et les firmes les moins risquées émettent
des actions sèches, sous-évaluées également.
Les implications des deux théories d’agence et de signal ont
été examinées empiriquement sur le marché américain (B.
Jain, 1994 ; J.-L. Garner et B.B. Marshall, 2005 ; etc), et sur le
marché australien (J.C.Y. How et J.S. Howe, 2001 ; M. Lee et
al., 2003 ; etc.).
Les résultats empiriques obtenus sur les différents marchés
soutiennent les prévisions communes des deux hypothèses
d’agence et de signal1. Cependant, ces théories ont plusieurs
implications différentes et sont ainsi empiriquement distinguables.
Les implications uniques de l’hypothèse des coûts d’agence ne

1. Les deux hypothèses d’agence et de signal font des prévisions semblables


au sujet du risque, de l’âge, de la taille des entreprises émettrices d’ABSA lors
des introductions en bourse.

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Formes de capitalisation financière

sont pas généralement soutenues par ces études. Les résultats Sur le plan théorique, P. Schultz (1993) n’a pas modélisé l’émis-
confirment plutôt l’hypothèse de signal. sion d’ABSA pour rendre compte de ses résultats empiriques.
Sur le marché français, les justifications explicatives du recours À notre connaissance, le seul modèle théorique mis en avant sur
à ce type de titres ont suscité peu d’intérêt. On dispose d’une les émissions d’ABSA est celui de Th.J. Chemmanur et P. Fulghieri
seule étude2 empirique effectuée sur la période allant de 1986 (1997). Ces derniers montrent que les firmes risquées émettent
à 2000. Des confirmations empiriques de cette étude nous des ABSA pour signaler leur qualité dans un environnement
apparaissent nécessaires. caractérisé par une asymétrie d’information.
Notre présente recherche a pour objectif d’enrichir le débat sur
cette question en analysant, sur le marché français, l’impact de L’hypothèse de signal de Th.J. Chemmanur et P. Fulghieri (1997)
plusieurs variables tirées de la littérature théorique et empirique souligne que les ABSA peuvent être considérées comme un
sur la décision d’émission d’actions attachées aux bons de mécanisme de signalisation sur un marché caractérisé par une
souscription. asymétrie d’information. Les firmes émettent des ABSA lorsque
Cet article est organisé de la manière suivante. Dans le premier la valeur de leurs investissements potentiels ne peut pas être
point, nous exposons la revue de littérature. Dans le deuxième déterminée par le public.
point, nous présentons les variables et les hypothèses de Selon Th.J. Chemmanur et P. Fulghieri (1997), les émissions
recherche. Dans le troisième point, nous décrivons l’échantillon d’ABSA peuvent être utilisées comme un signal sur la confiance
ainsi que la méthodologie utilisée. Enfin, nous présentons et des émetteurs en leurs perspectives de croissance vu que la
nous discutons nos résultats empiriques. seconde augmentation du capital est conditionnée par une
hausse du cours de l’action.

1. Revue de littérature Au niveau des validations empiriques de ces deux théories, nous
avons constaté que la majorité des études ont été effectuées
Sur le plan théorique, nous disposons de deux théories explica- sur les deux marchés américain et australien.
tives de l’émission d’ABSA : la théorie du financement séquentiel Les résultats obtenus sur ces deux marchés sont en cohérence
de P. Schultz (1993) et le modèle de signal de Th.J. Chemmanur avec l’hypothèse de signal de Th.J. Chemmanur et P. Fulghieri
et P. Fulghieri (1997). (1997) (S. Byoun et W.T. Moore, 2003 ; J.-L. Garner et B.B.
Dans son hypothèse de financement séquentiel, P. Schultz Marshall, 2005 ; J.C.Y. How et J.S. Howe, 2001 ; M. Lee et al,
(1993) met l’accent sur l’importance des émissions d’ABSA 2003 ; J.‑A. Suchard et M. Nicholas, 2004).
pour minimiser les coûts d’agence et inciter les dirigeants à Sur le marché français, le sujet reste très peu exploré. J.-F. Gajewski
entreprendre des projets à valeur actuelle nette (VAN) positive. et al, (2007) justifient l’émission d’ABSA par la flexibilité de déter-
L’émission d’ABSA, composée de deux augmentations de capital mination du prix d’émission. Ils montrent que le risque d’échec
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successives, permet de transmettre aux investisseurs de l’infor- de l’opération d’émission peut être résolu par l’émission d’ABSA.
mation sur les perspectives de la firme. En émettant des ABSA, Les bons de souscription permettent en effet une plus grande
les firmes s’engagent à une deuxième augmentation du capital, au flexibilité dans la détermination du prix d’émission. Ceci s’explique
prix d’exercice des bons, qui aura lieu lors de l’exercice des bons par le fait que la législation française ne prévoit aucune disposi-
de souscription. Si les dirigeants ne prouvent pas la rentabilité tion relative à la détermination du prix de souscription des bons
du projet (VAN négative), le cours des actions reste inférieur au de souscription d’actions. Lorsque l’émission est réalisée à un
prix d’exercice du bon de souscription et la seconde étape du prix supérieur au cours de bourse, le succès de l’opération est
financement par l’exercice des bons de souscription ne se réalise assuré tant que le prix d’émission est inférieur à la somme des
pas. Dans le cas contraire, le cours des actions monte, les bons cours de l’action et du bon.
sont exercés et la deuxième opération de financement se produit. L’analyse des études théoriques et empiriques nous conduit
Les émissions d’ABSA poussent alors les dirigeants à prendre à conclure que le choix des émissions d’ABSA est justifié par
des décisions optimales d’investissement et à prouver la valeur plusieurs variables liées aux caractéristiques des émetteurs et
d’un projet avant d’obtenir un deuxième financement. de l’émission.
P. Schultz (1993) a testé empiriquement la validité de son
hypothèse sur un échantillon de 630 émissions d’actions sèches
et 167 émissions d’ABSA. Ses résultats empiriques soutiennent 2. Les variables du modèle
son hypothèse de financement séquentiel selon laquelle les et les hypothèses
ABSA sont émises pour minimiser les coûts d’agence de cash-
flow lorsqu’il est difficile de déterminer la rentabilité des projets On a défini deux groupes de variables explicatives de l’émission
potentiels. d’ABSA : les variables liées aux caractéristiques des émetteurs,
et celles inhérentes aux caractéristiques de l’émission. Nous
2. Jean-Francois Gajewski, E. Ginglinger et M. Lasfer (2007), « Why do compa- avons formulé des hypothèses sur le signe du coefficient de
nies include warrants in seasoned equity offerings ? », Journal of Corporate
Finance. chaque variable.

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2.1. Les hypothèses relatives

Formes de capitalisation financière


Sous hypothèse 2.1. : Il existe une relation positive entre les flux
aux caractéristiques des émetteurs de liquidité et la décision d’émission d’ABSA.
Sous hypothèse 2.2. : Il existe une relation négative entre le niveau
des opportunités de croissance et la décision d’émission d’ABSA.
Les flux de liquidités ou les cash-flows sont mesurés par le résultat
2.1.1. L’asymétrie d’information net augmenté des dotations rapporté à la valeur comptable des
D’après les deux modèles de Th.J. Chemmanur et P. Fulghieri actifs.
(1997) et de P. Schultz (1993), les entreprises qui choisissent Les opportunités de croissance sont approchées par le Q de Tobin.
d’émettre des ABSA se caractérisent par une forte asymétrie
d’information entre les investisseurs et les dirigeants. Cette
relation positive entre l’asymétrie d’information et l’émission
2.1.3. L’actionnariat dirigeant
d’ABSA fut confirmée dans bon nombre d’études empiriques Lors d’une opération d’émission, la fraction d’actions conservée
comme celles de J.C.Y. How et J.S. Howe (2001) ; S. Byoun et par le dirigeant véhicule l’information privée sur la valeur de
W.T. Moore (2003) et J.‑A. Suchard (2005). l’entreprise et réduit l’asymétrie d’information.
Pour notre part, nous anticipons une relation positive entre Dans une perspective d’agence, une faible fraction du capital
l’asymétrie d’information et l’émission d’ABSA. détenue par les dirigeants peut être une source de conflits
Hypothèse 1 : Il existe une relation positive entre la variable d’agence entre les actionnaires et les dirigeants.
d’asymétrie d’information et la décision d’émission d’ABSA. P. Schultz (1993) note que les coûts d’agence sont inversement
Dans le cadre de notre recherche, nous différencions les entre- liés au pourcentage de capital détenu par les dirigeants. Cette
prises selon leur sensibilité à l’asymétrie d’information en utilisant relation négative a été confirmée par J.S. Ang et al, (2000).
deux variables : la taille et le risque de l’émetteur. Pour notre part, nous soumettons l’hypothèse suivante :
Sous-hypothèse 1.1. : Il existe une relation négative entre la taille Hypothèse 3 : Il existe une relation négative entre la proportion
de l’émetteur et la décision d’émission d’ABSA. du capital détenue par les dirigeants et l’émission d’ABSA.
Sous-hypothèse 1.2. : Il existe une relation positive entre le risque Nous retenons comme mesure de l’actionnariat dirigeant le
de l’émetteur et la décision d’émission d’ABSA. pourcentage d’actions détenues par les dirigeants l’année
Nous retenons le logarithme des ventes pour mesurer la taille précédant l’émission.
de l’émetteur. Quant au risque de l’émetteur, il est approché par
la volatilité annualisée des cours des actions calculée sur 90
jours avant l’annonce d’émission.
2.1.4. Le niveau d’endettement de la firme
avant l’émission
2.1.2. Le risque de free cash-flows
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Dans une perspective de financement hiérarchique adoptée par
Le free cash-flows peut être défini comme l’ensemble des liqui- S.C. Myers (1984) ainsi que par S.C. Myers et N.S. Majluf (1984),
dités disponibles après avoir financé tout projet rentable de les entreprises privilégient le financement interne au détriment du
l’entreprise (M. Jensen, 1986). Cette disponibilité de liquidités financement externe. Dans le cas d’un recours à ce dernier, les
dans l’entreprise est l’une des sources de conflits d’agence entre firmes privilégient l’endettement à une augmentation de capital.
les actionnaires et les dirigeants. Toutefois, une entreprise, ayant un endettement excessif et un
Pour atténuer ce problème de free cash-flows, certains auteurs besoin de financement important, est obligée de renoncer à
proposent le recours à l’émission d’ABSA. Selon P. Schultz (1993), l’endettement pour ne pas augmenter son risque de défaillance.
l’émission d’ABSA constitue un moyen pour limiter le risque de Elle se trouve donc contrainte d’émettre des titres pour financer
free cash-flows et réduit, en conséquence, les conflits d’agence ses investissements mais également pour se désendetter.
entre actionnaires et dirigeants. Dans une perspective d’agence, l’existence de dettes incite les
Nous supposons que les entreprises qui choisissent d’attacher actionnaires à investir dans des projets risqués et peu rentables
des bons de souscription lors des émissions d’actions sont des afin de s’approprier une partie des richesses de la firme au
entreprises caractérisées par un risque élevé de free cash-flows. détriment des créanciers. Ce qui peut être à l’origine des coûts
Hypothèse 2 : Il existe une relation positive entre la variable free d’agence de la dette.
cash-flows et la décision d’émission d’ABSA.
L’estimation des ressources disponibles et des opportunités de D. Mayers (1998) met en évidence l’intérêt de l’émission de
croissance permet d’apprécier le risque de free cash-flows. Les dettes convertibles pour réduire les coûts d’agence de la dette.
entreprises disposant d’importants cash-flows mais dont les Les émissions d’obligations convertibles en tant que financement
perspectives de croissance sont faibles risquent de voir leurs séquentiel peuvent être assimilées à des émissions d’ABSA. On
fonds gaspillés dans des projets non rentables (risque de free suppose que les entreprises les plus endettées recourent aux
cash-flows élevé). émissions d’ABSA pour réduire les coûts d’agence de la dette.

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Hypothèse 4 : Il existe une relation positive entre le niveau Le même résultat a été constaté sur le marché américain par B.
d’endettement de la firme avant l’émission et la décision d’émis- Jain (1994), J.-L. Garner et B.B. Marshall (2005), ainsi que sur le
sion d’ABSA. marché australien par J.C.Y. How et J.S Howe (2001).
Nous proposons d’utiliser deux estimations du niveau d’endet- Pour notre étude, on s’attend à une fréquence plus grande de
tement : l’émission d’ABSA dans ces secteurs.
– niveau d’endettement total = Dettes totales/capitaux propres ; Hypothèse 6 : Il existe une relation positive entre le secteur indus-
– niveau d’endettement financier = Dettes financières/Total actif. triel et de haute technologie et la décision d’émission d’ABSA.
Nous estimons le secteur d’activité par une variable binaire
égale à 1 si la firme appartient aux deux secteurs industriel et
2.1.5. La rentabilité de l’émetteur de haute technologie, et 0 sinon.
L’insuffisance de la rentabilité face aux besoins grandissants de
la croissance conduit l’entreprise à avoir recours aux ressources
externes. Cet argument a été mis en évidence par S.C. Myers et 2.2. Les hypothèses relatives
N.S. Majluf (1984) dans leur théorie de financement hiérarchique. aux caractéristiques de l’émission
Selon cette théorie, les entreprises utilisent d’abord l’autofinan-
cement, puis la dette, et en dernier lieu l’émission d’actions pour
financer leurs investissements. Les firmes les plus rentables 2.2.1. La sous-évaluation
manifestent donc plus de capacité d’autofinancement, d’où une
relation négative entre le niveau d’endettement et la rentabilité Certains auteurs ont examiné le lien entre la sous-évaluation et
d’une part, et entre la rentabilité et l’émission d’actions d’autre le choix d’émission d’ABSA.
part. P. Schultz (1993) met en avant une sous-évaluation des ABSA qui
La relation négative entre le niveau d’endettement et la rentabi- dépasse de 8 % celle des actions. Il explique cela par le fait que
lité a été corroborée par plusieurs études empiriques telles que les firmes qui émettent des ABSA sont plus petites, plus jeunes,
l’étude de M. Harris et A. Raviv (1991), celle de R.G. Rajan et L. et plus risquées que celles qui émettent des actions ordinaires.
Zingales (1995), ou encore le travail de L. Booth et al. (2001). Th.J. Chemmanur et P. Fulghieri (1997) montrent que les entre-
En revanche, d’après la théorie du ratio d’endettement optimal, prises les plus risquées, caractérisées par une forte asymétrie
une relation positive devrait exister entre la rentabilité et le d’information, émettent des ABSA sous-évaluées, tandis que
niveau d’endettement. En effet, la déductibilité des charges les entreprises peu risquées choisissent d’émettre des actions
d’intérêts incite les entreprises rentables à se financer par sèches sous-évaluées également. Ce constat a été confirmé
émission de dettes. par les résultats obtenus par J.C.Y. How et J.S. Howe (2001) et
Dans certains cas, les entreprises les plus rentables devraient S. Byoun et W.T. Moore (2003).
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recourir au financement externe. Nous supposons que ce type
d’entreprise choisit d’attacher des bons de souscription aux Sur le marché français, E. Ginglinger (1996) explique l’intérêt
actions pour signaler sa bonne qualité et pour éviter la réaction d’émettre des ABSA sous évaluées. Elle précise que la sous-
presque toujours négative à l’annonce d’émission d’actions évaluation d’ABSA donne à l’émission une plus grande souplesse
sèches. et assure la réussite de l’opération d’émission.
Hypothèse 5 : Il existe une relation positive entre la rentabilité Pour P. Chollet et E. Ginglinger (2001), la sous-évaluation des
de la firme et la décision d’émission d’ABSA. ABSA est un mécanisme de signalisation utilisé par les émetteurs
Cette variable est approchée par la rentabilité des capitaux risqués pour inciter les investisseurs à souscrire à l’opération
propres (ROE3) et la rentabilité économique (ROA4). d’émission
En reprenant l’intuition de ces modèles, nous supposons que
l’émission d’ABSA est liée positivement au degré de sous-
2.1.6. Le secteur d’activité de l’émetteur évaluation.
Certains chercheurs considèrent que le choix d’émission d’ABSA Hypothèse 7 : Il existe une relation positive entre le niveau de
est lié au secteur d’appartenance de l’émetteur. sous-évaluation et la décision d’émission d’ABSA.
Th.J. Chemmanur et P. Fulghieri (1997) avancent que la majorité La sous-évaluation correspond à la différence entre le cours
des émetteurs appartient au secteur industriel risqué. boursier de l’action et le prix d’émission rapporté au prix d’émis-
En outre, P. Schultz (1993) montre que les émissions d’ABSA sion.
sont réalisées par des émetteurs du secteur industriel et de La mesure de la sous-évaluation des ABSA tient compte de
haute technologie. la valeur des deux titres qui les composent (action et bon).
L’évaluation des bons de souscription d’actions est fondée sur
le modèle d’évaluation des options de F. Black et M.J. Scholes
(1973) et tient compte des caractéristiques spécifiques liées à
3. ROE (Return on equity).
4. ROA (Return on assets). la dilution et à l’estimation de la volatilité.

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2.2.2. Le produit de l’émission Tableau 1. Récapitulatif des hypothèses formulées

Formes de capitalisation financière


Signe
Les résultats obtenus par P. Schultz (1993) montrent que la Variables Mesure utilisée
attendu
probabilité de l’émission des ABSA diminue avec le produit de
Asymétrie d’infor- Positif Taille de l’émetteur (négatif)
l’émission, et que le produit de l’émission est trois fois plus mation Risque de l’émetteur (positif)
bas pour l’émission des ABSA que pour l’émission des actions.
Cash-flows Positif Flux de liquidité (positif)
S. Byoun et W.T. Moore (2003) notent que le produit de l’émission
Perspectives de croissance
d’ABSA est sept fois inférieur à celui de l’émission d’actions ; (négatif)
un résultat opposant à P. Schultz (1993) ainsi qu’à M. Lee et Actionnariat Négatif Pourcentage détenu par les
al, (2003). dirigeant dirigeants
J.C.Y. How et J.S. Howe (2001) ne constatent aucune différence Ratio d’endette- Positif Dettes totales/Capitaux propres
significative de la taille d’émission entre les émetteurs d’actions ment Dettes financières/Total actif
et d’ABSA. Rentabilité Positif Rentabilité des capitaux propres
Sur le marché français, les résultats trouvés par J.-F. Gajewski Rentabilité économique
et al, (2007) montrent que le produit de l’émission d’actions est Secteur Positif Appartenir aux secteurs industriels
plus faible que celui provenant de l’émission d’ABSA. Ce résultat et de haute technologie
confirme l’hypothèse du produit net de J.-C. Yeoman (2001) selon Sous-évaluation Positif Sous-évaluation des actions
laquelle les firmes émettent des ABSA pour minimiser le risque Sous-évaluation des ABSA
d’échec des émissions importantes. Produit de l’émis- Négatif Logarithme du produit brut
De son côté, E. Ginglinger (1996) constate que le ratio « Produit sion
brut de l’émission/Capitalisation boursière » est en moyenne plus Dilution Négatif Le rapport entre le nombre des
important pour les opérations d’émissions d’actions sèches que nouvelles actions et la somme des
anciennes actions et des nouvelles
pour les ABSA. Elle attribue cela au fait que les ABSA sont souvent actions provenant de l’émission
émises par des sociétés saines, alors que la plupart des opéra- d’ABSA. Nombre total d’actions
tions de restructuration sont réalisées à l’aide d’actions sèches. après l’opération
Nous supposons que le produit de l’émission influence négati-
vement la décision d’émission d’ABSA.
Hypothèse 7 : Il existe une relation négative entre le produit de 3. Données et méthodologie
l’émission et la décision d’émission d’ABSA.
Nous mesurons le produit brut de l’émission par le logarithme Nous nous intéressons à la procédure de constitution de l’échan-
du produit brut en millions d’Euros. tillon et à la méthodologie utilisée.
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2.2.3. La dilution 3.1. Présentation de l’échantillon de l’étude
Certains travaux (J.-F. Gajewski et al, 2007) soulignent que les
émissions d’ABSA entraînent une dilution moins forte par rapport L’échantillon de l’étude comporte toutes les émissions d’actions et
aux émissions d’actions sèches. Ceci s’explique par le fait que d’ABSA qui ont eu lieu entre 1999 et 2006 sur la bourse de Paris.
les firmes émettrices d’ABSA reçoivent le produit de l’émission La liste des entreprises émettrices a été constituée à partir des
en deux étapes. rapports annuels de la COB pour les années 1999 à 2002 et
Dans notre analyse, nous nous intéressons à la dilution immédiate. des rapports annuels de l’AMF5 de 2003 à 2006.
Le test de l’effet de la dilution anticipée n’est pas jugé néces- Notre échantillon initial comporte 76 émissions d’ABSA et 359
saire et a été par conséquent écarté de notre analyse vu qu’il émissions d’actions. Toutefois, et compte tenu de notre objectif de
est fortement corrélé avec la sous-évaluation. recherche, nous avons procédé à une sélection des échantillons
Hypothèse 8 : Il existe une relation négative entre la dilution appropriés. Notre échantillon final a été limité à 70 émissions
immédiate et la décision d’émission d’ABSA. d’ABSA et 137 émissions d’actions.
Les émissions retenues dans notre recherche ont été sélection-
La dilution est calculée avant l’exercice des droits préférentiels nées comme suit :
de souscription et avant l’exercice des bons de souscription – sont retenues les émissions réalisées par voie d’appel public
d’actions. à l’épargne ;
Nombre d'actions nouvelles (ou d'ABSA) – sont retenues les émissions réalisées par des entreprises
Dilution =
Nombre d'actions anciennes + Nombre d'actions nouvelles (ou d'ABSA) non financières ;
Le tableau suivant présente un récapitulatif des hypothèses
formulées. 5. L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) est issue de la fusion de la
Commission des opérations de Bourse (C.O.B.) et du Conseil des Marchés
Financiers.

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164 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 267-268 – Finance
Formes de capitalisation financière

– sont exclues de l’échantillon les émissions effectuées par des La probabilité associée à l’évènement Yi = 1 est définie comme
banques, des compagnies d’assurance, des sociétés immobi- la valeur de la fonction de répartition de la loi logistique au point
lières ou d’autres institutions financières ; (a + bXi).
– on a éliminé les opérations liées à l’introduction en bourse ;
– pour éviter tout problème de contamination, on a éliminé de
cet échantillon tout émetteur ayant fait une autre annonce que 4. Résultats
l’annonce d’émission.

Nous avons recueilli les informations concernant les opérations 4.1. Résultats de l’analyse descriptive
d’émission de l’année boursière, des bulletins mensuels d’infor-
mation de la commission des opérations de bourse et du site
univariée
de l’AMF. L’analyse descriptive univariée est effectuée dans le but de
Les informations relatives aux caractéristiques des entreprises simplifier les données issues de plusieurs variables. Nous avons
ont été extraites des trois bases de données ORBIS, OSIRIS et eu recours à deux types de tests de différence de moyennes :
Wordscope et des rapports annuels des entreprises. paramétrique et non paramétrique.
Les cours boursiers ont été extraits de la base de données Lorsque l’hypothèse de normalité est vérifiée, les tests paramé-
Datastream. S’agissant de données caractérisant l’émission, triques sont plus puissants que les tests non paramétriques. Au
elles ont été collectées dans les prospectus et les notes d’infor- contraire, dans le cas de non-normalité, les résultats des tests
mations des émetteurs disponibles sur le site de l’AMF, des avis paramétriques risquent d’être biaisés.
et décisions d’Euronext ou encore des avis publiés au BALO. On a vérifié la normalité de la distribution de variables ; les résultats
Nous avons décelé la présence de quatre valeurs extrêmes dans des tests de normalité pour les deux échantillons d’actions et
l’échantillon. On a décidé de conserver ces valeurs. À notre avis, d’ABSA nous ont montré que la normalité de la distribution n’est
l’inclusion de ces données dans le modèle de régression permet vérifiée que pour quelques variables explicatives. L’utilisation des
de tenir compte du comportement contradictoire de ce groupe seuls tests paramétriques, basés sur l’hypothèse de normalité
d’entreprises par rapport aux entreprises de notre échantillon. n’est pas suffisante pour comparer ces deux échantillons. Il était
Nous avons vérifié aussi l’absence de corrélation entre les prédic- alors jugé nécessaire de confirmer les résultats par d’autres
teurs. Lorsque certaines variables sont fortement corrélées entre tests non paramétriques.
elles, on ne les inclut pas dans le même modèle. Nous avons choisi d’utiliser le test paramétrique de Student
sachant qu’il est réputé très puissant et que souvent, il rejette
la normalité pour des grands échantillons.
3.2. Présentation de la méthodologie Pour les tests non paramétriques, nous avons utilisé le test
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de Mann Whitney pour évaluer la significativité de la différence
Nous proposons deux types d’analyse : une analyse univariée des moyennes. Ce test est équivalent au test de Wilcoxon mais
et une analyse multivariée. plus facile à mettre en pratique. Il est aussi plus puissant que
L’analyse univariée est réalisée afin de mettre en évidence les le test de la médiane.
différences entre les émetteurs d’ABSA et ceux d’actions. Les résultats des deux tests sur la différence des moyennes de
Pour l’analyse multivariée, notre choix porte sur la méthodologie nos variables entre les deux échantillons d’actions et d’ABSA
Logit. Ce type d’analyse est une extension de la régression sont présentés dans le tableau 2 :
multiple. Il est aussi une solution aux problèmes posés lorsque La différence de moyenne de la variable risque de l’émetteur
la variable à expliquer est binaire. entre les deux échantillons est significative au niveau de 5 %
La variable à expliquer dans notre modèle est dichotomique : avec le test paramétrique de Student. Cette différence n’est par
c’est le choix entre les actions ordinaires (0) et les actions à contre pas significative avec le test non paramétrique de Mann
bons de souscription d’actions (1). Whitney. Ce résultat ne nous permet pas de confirmer l’hypothèse
selon laquelle les émetteurs d’ABSA sont plus risqués que les
L’analyse Logit (ou la régression logistique) suppose que les émetteurs d’actions ordinaires.
variables explicatives sont indépendantes les unes des autres. Pour les autres variables, nous constatons que les résultats des
Contrairement à la régression multiple, ce type d’analyse n’exige deux tests paramétrique et non paramétrique sont très proches.
pas que les prédicteurs soient distribués normalement ou Les différences de moyenne sont significatives avec les deux
linéaires. Ainsi, il ne fait aucune hypothèse d’homogénéité des tests pour cinq variables : « la taille », « la part du capital détenue
variances, de normalité ou d’homoscédasticité des résidus. par les dirigeants », « le secteur d’activité de l’émetteur », « la
Par ailleurs, cette technique s’applique uniquement à de grands sous-évaluation » et « la dilution ».
échantillons. Les deux variables « Flux de liquidité » et « Rentabilité économique »
La technique Logit est un modèle de probabilité non linéaire. Elle montrent un résultat significatif uniquement pour le test non
détermine les probabilités qu’un événement survienne ou non. paramétrique.

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Dossier III
La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 267-268 – Finance 165

Tableau 2. Résultats des tests paramétriques et non paramétriques sur l’égalité des moyennes

Formes de capitalisation financière


Moyenne
Variables Différence de moyenne Test Student Test Mann Whitney
Actions ABSA
Risque de l’émetteur 0,6765 0,8029 -0,1264 1,995 -1,629
(0,049) (0,103)
Taille de l’émetteur 18,1031 17,5386 0,5645 2,061 -1,817
(0,041) (0,069)
Flux de liquidité -0,0079 0,0203 -0,0282 -1,36 -1,817
(0,175) (0,069)
Perspectives de croissance 1,3806 1,6882 -0,3076 -1,424 -0,974
(0,157) (0,330)
Part du capital détenue par les dirigeants 0,4221 0,2971 0,125 3,404 -3,009
(0,001) (0,003)
Niveau d’endettement total 3,3265 2,744 0,5825 0,779 -0,078
(0,437) (0,937)
Niveau d’endettement financier 0,2599 0,2699 -0,01 -0,319 -0,007
(0,750) (0,994)
Rentabilité des capitaux propres -0,247 -0,2817 0,0347 0,186 -0,135
(0,853) (0,893)
Rentabilité économique -0,0382 -0,011 -0,0272 -1,16 -2,036
(0,247) (0,042)
Secteur d’activité 0,3942 0,5857 -0,1915 -2,648 -2,61
(0,009) (0,009)
Sous-évaluation 0,1211 0,2198 -0,0987 -2,831 -2,222
(0,005) (0,026)
Produit de l’émission 16,691 16,8387 -0,1477 -0,656 -0,706
(0,513) (0,480)
Dilution 0,2864 0,2155 0,0709 2,498 -3,068
(0,013) (0,002)
Notes : ce tableau présente les résultats des tests paramétriques et non paramétriques sur l’égalité des moyennes. La première colonne
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présente les variables étudiées. La deuxième et la troisième colonne présentent les moyennes des différentes variables, la 4e colonne
présente les différences de moyenne, les deux dernières colonnes présentent respectivement les résultats du test paramétrique de Student
et du test non paramétrique de Mann Whitney. Sont mises entre parenthèses les probabilités correspondantes de rejet à tort de l’hypothèse
nulle H0.

Étant donné que la distribution de ces deux variables n’est pas En codant par 1 ou 0 les choix des émetteurs, le modèle donne
normale, le test de Mann Whitney sera alors considéré comme le les variables qui augmentent les probabilités d’émettre des ABSA
test le plus puissant. Les résultats confirment donc l’hypothèse plutôt que des actions.
selon laquelle les entreprises rentables, ayant d’importantes Nous utilisons la représentation suivante :
ressources disponibles sont les plus émettrices d’ABSA.
Les deux échantillons d’actions et d’ABSA ne présentent pas de Pi
L = Ln( )
différence significative au niveau de cinq variables : « Perspectives 1 − Pi
de croissance », « Endettement total », « Endettement financier », L = B 0 + B 1RISQ + B 2TAIL + B 3Cash + B 4QTob + B 5CAP + B 6 End .total + B 7 End . finan
« Rentabilité des capitaux propres » et « Produit de l’émission ». + B 8 ROE + B 9 ROA + B 10SECT + B 11SEV + B 12 Pr od + B 13 Dilu + ε
Avec :
– L est la variable explicative de notre analyse. Elle prend la
4.2. Résultats de la régression logistique valeur 1 lorsque l’entreprise choisit d’émettre une ABSA, et 0
si elle choisit d’émettre une action ordinaire.
Contrairement à l’analyse univariée, la régression logistique – on a identifié 13 variables explicatives : Risque de l’émetteur
permet de prendre en compte l’interaction des variables les (RISQ) ; Taille de l’émetteur (TAIL) ; Flux de liquidité (Cash) ;
unes sur les autres. Perspectives de croissance (QTob) ; Part du capital détenue
La régression logistique modélise la relation entre un ensemble de par les dirigeants (CAP) ; Niveau d’endettement total (End.
variables indépendantes et la probabilité qu’un cas est membre total) ; Niveau d’endettement financier (End.finan) ; Rentabilité
d’une des catégories de la variable dépendante. des capitaux propres (ROE) ; Rentabilité économique (ROA) ;

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Tableau 3. Coefficients du modèle explicatif de l’émission d’ABSA


Formes de capitalisation financière

Appartenance aux deux secteurs industriel et de haute techno-


logie (SECT) ; Sous-évaluation (SEV) ; Produit de l’émission Variable dépendante = 1 si le titre émis par l’entreprise est une ABSA
(Prod) ; Dilution (Dilu). Chi-deux 46,017***
– les coefficients « B » donnent le signe de la relation entre la
-2Loglikelihood 218,865
variable dépendante et les variables explicatives. Un coefficient
R2 de Nagelkerke 0,276
positif indique que la variable explicative est positivement liée
à la probabilité que l’évènement survienne, c’est-à-dire que % correct 76,30 %
l’entreprise émette des ABSA. Variables explicatives B Exp (B) Sig.
RISQ 0,980** 2,664 0,037

4.2.1. Présentation des résultats avant suppression TAIL -0,272** 0,762 0,021

des valeurs corrélées Cash 1,503* 4,493 0,058


QTob -0,061 0,941 0,660
Le tableau ci-dessous présente les résultats de la régression logis- CAP -1,461** 0,232 0,033
tique en prenant en compte toutes les variables indépendantes. End.total 0,003 1,003 0,953
Les résultats obtenus relatifs à l’incidence des deux variables, End.finan 1,587* 4,889 0,077
taille et risque de l’émetteur, sont cohérents avec nos hypothèses :
ROE -0,128 0,880 0,545
le risque de l’émetteur augmente la probabilité d’émettre des
ROA 0,746 2,108 0,759
ABSA alors que la taille diminue cette probabilité. Ce résultat
valide l’hypothèse d’une influence positive de la variable asymé- SECT 0,710** 2,034 0,040
trie d’information. Ainsi, les entreprises risquées de petite taille, SEV 2,224*** 9,245 0,005
caractérisées par une forte asymétrie d’information, émettent Prod 0,182 1,199 0,204
plus d’ABSA que d’actions.
Dilu -3,287** 0,037 0,016
Dans le but d’affiner notre analyse, nous avons testé l’effet
Constante 0,645 1,906 0,785
d’interaction6 entre les deux variables « risque » et « taille » après
avoir centré7 ces deux variables. ***, **,* significatif aux seuils de 1 %, 5 % et 10 %.
Les résultats d’analyse de l’effet d’interaction entre ces deux
variables représentant l’asymétrie d’information indiquent que Nous avons aussi vérifié l’existence d’un effet d’interaction entre
le choix d’émission d’ABSA par les firmes est conditionné par le ces deux variables représentant le risque de free cash-flow. Les
couplage de ces deux variables. Ceci soutient l’hypothèse que résultats obtenus ne sont pas significatifs. La prise en compte
les entreprises les plus assujetties à l’asymétrie d’information de l’effet d’interaction entre ces deux variables n’apporte pas
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(petite taille et forte volatilité) émettent plus d’ABSA que d’actions d’information complémentaire à notre analyse.
ordinaires. Ces résultats ne nous permettent pas de confirmer notre
Ces résultats concordent avec ceux des études menées sur hypothèse selon laquelle la décision d’émission d’ABSA est
les marchés américain et australien. Cependant, nos résultats associée à l’existence de risque du free cash-flow.
sont contraires à ceux obtenus sur le marché français par J.‑F.
Gajewski et al, (2007). Ces derniers indiquent que les ABSA Le coefficient indiquant l’impact du niveau d’endettement finan-
sont émises par les firmes avec une importante capitalisation cier est positif et significatif au niveau de 10 %. Cela traduit le
boursière et ne constatent pas d’influence significative du risque fait que les émetteurs d’ABSA sont plus endettés par rapport
sur la décision d’émission d’ABSA. aux émetteurs d’actions sèches et que l’émission d’ABSA est
Concernant la variable free cash-flow (FCF), on l’a estimée par réalisée éventuellement pour réduire le taux d’endettement
l’effet combiné de la présence des flux de liquidité « Cash » et des financier des entreprises. Un même résultat est constaté pour
opportunités de croissance « QTob ». De ce fait, les entreprises le coefficient du niveau d’endettement total. Ce coefficient, bien
ayant de faibles opportunités de croissance et d’importantes que positif, n’apparaît pas significatif. Cela peut s’expliquer par
liquidités sont celles ayant un risque élevé de free cash-flow. la non-pertinence de cette mesure. En effet, certains auteurs,
Les signes attendus des deux variables représentant le risque en l’occurrence R.G. Rajan et L. Zingales (1995), notent que tout
de FCF sont observés. Le coefficient de la variable « QTob » est ratio d’endettement exprimé en fonction des dettes totales ne
négatif et celui de la variable « Cash » est positif. Néanmoins, constitue pas un bon indicateur, et qu’il ne permet pas de mettre
seul l’effet de la variable « Cash » est significatif. en exergue le risque de faillite de l’entreprise.

Le niveau de sous-évaluation, la part du capital détenue par


6. On parle d’effet d’interaction lorsqu’une variable à expliquer Y est condi- les dirigeants et la dilution immédiate permettent de séparer
tionnée par l’effet combiné de deux variables explicatives X 1 et X 2. les deux groupes d’entreprises : les émissions d’ABSA sont
7. Centrer une variable consiste à soustraire de chacune de ses valeurs
initiales la moyenne de ces mêmes valeurs. fortement sous-évaluées par rapport aux émissions d’actions

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Tableau 4. Matrice des corrélations

Formes de capitalisation financière


RISQ Tail Cash QTob CAP End.total End.finan ROE ROA SEV Prod Dilu
RISQ 1

TAIL -0,26** 1

Cash -0,20** 0,16* 1

QTob 0,06 -0,28** 0,15* 1

CAP -0,06 -0,10 -0,04 0,02 1

End.total -0,07 0,07 0,01 -0,15* 0,19** 1

End.finan -0,13 0,12 0,09 -0,03 0,03 0,17* 1

ROE -0,09 0,04 0,33** 0,05 -0,06 -0,60** -0,03 1

ROA -0,25** 0,19** 0,88** 0,16* -0,03 -0,06 0,03 0,38** 1

SEV 0,08 0,05 -0,14* -0,17* -0,10 -0,03 0,06 -0,11 -0,16* 1

Prod -0,19** 0,56** 0,25** 0,08 -0,20** 0,00 0,03 0,10 0,28** 0,05 1

Dilu 0,23** 0,01 -0,37** -0,33** 0,12 0,10 0,24** -0,09 -0,43** 0,17* -0,13 1

***, **,* significatif aux seuils de 1 %, 5 %, et 10 %.

ordinaires ; le fait de détenir une faible proportion du capital par 4.2.2. Présentation des résultats après suppression
les dirigeants augmente les chances de faire partie du groupe
émetteur d’ABSA ; la dilution immédiate a une incidence négative
des valeurs corrélées
sur la probabilité de ce choix. Les résultats dégagés après suppression des valeurs corrélées
Les signes des coefficients constatés de la variable produit de sont présentés dans le tableau suivant :
l’émission ne confirment pas l’hypothèse de l’existence d’une On remarque que la suppression des valeurs corrélées ne change
relation négative entre le produit de l’émission et la décision pas les signes des coefficients.
d’émission d’ABSA. Cela suggère qu’il ne s’agit pas d’un facteur À l’exception des deux variables « ROE » et « Prod », les signes
d’influence déterminant du choix entre l’émission d’actions et attendus des autres coefficients sont conformes aux hypothèses
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l’émissions d’ABSA. que nous avons faites initialement. Les variables les plus
significatives sont les variables représentant le risque, la taille,
Il a été constaté aussi que faire partie du secteur industriel ou de l’actionnariat, le secteur d’activité, la sous-évaluation et la
la haute technologie est davantage associé à l’émission d’ABSA. dilution immédiate.
Les résultats obtenus sont peu concluants au sujet de l’influence Au contraire, les variables représentant la rentabilité de l’émet-
de la rentabilité de l’émetteur sur le choix d’émission d’ABSA. Le teur, le niveau d’endettement avant l’émission et le risque de
signe du coefficient de la variable « ROA » est bien positif alors free cash-flow ne présentent pas de résultats significatifs.
qu’il est négatif pour la variable « ROE ». Les résultats peuvent être ainsi synthétisés :
– les émetteurs d’ABSA sont plus risqués et plus petits par
Afin d’affiner notre analyse, nous avons vérifié l’existence de rapport aux émetteurs d’actions ordinaires ;
corrélations entre les différentes variables explicatives. – les firmes ayant d’importantes ressources disponibles préfèrent
émettre des ABSA ;
Le tableau 4 présente une synthèse des corrélations entre – lors des émissions d’ABSA, les actionnaires dirigeants détiennent
l’ensemble des variables : une faible part du capital émis ;
On observe deux corrélations importantes (mises en gras) : un – les émetteurs d’ABSA appartiennent au secteur industriel ou à
coefficient de corrélation positif et significatif au niveau de 5 % celui de la haute technologie. Ces deux secteurs risqués sont
entre la variable « ROA » et la variable « Cash », et un coefficient de caractérisés par une forte asymétrie d’information ;
corrélation négatif et significatif de -0,60 entre les deux variables – les émissions d’ABSA sont davantage sous-évaluées que
« End.total » et « ROE ». celles d’actions ordinaires. on interprète l’émission d’ABSA
Pour éviter les problèmes de colinéarité entre les variables expli- sous-évaluées comme un signal de bonne qualité. Seules les
catives, nous présentons dans ce qui suit plusieurs modèles de entreprises de bonne qualité vendent leurs actions en deux
régression en n’introduisant pas les variables corrélées dans étapes et choisissent de sous évaluer leurs titres lors de la
un même modèle. première cotation ;

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Dossier III
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Tableau 5. Coefficients des modèles explicatifs de l’émission d’ABSA après suppression des valeurs corrélées
Formes de capitalisation financière

Variable dépendante = 1 si le titre émis par l’entreprise est une ABSA


Chi-deux 45,453*** 45,675*** 45,594*** 45,922***
-2Loglike 219,428 219,207 219,287 218,960
lihood
R2 de 0,273 0,274 0,274 0,276
Nagelkerke
% correct 75,8 % 75,4 % 75,8 % 76,3 %
Variables expli- Modèle 1 Sans Cash et ROE Modèle 2 Sans Cash et End.total Modèle 3 Sans ROE et ROA Modèle 4 Sans End.total et ROA
catives B Exp(B) Sig. B Exp(B) Sig. B Exp(B) Sig. B Exp(B) Sig.
RISQ 1,002** 2,723 0,032 0,977** 2,656 0,035 0,996** 2,706 0,033 0,969** 2,634 0,038
TAIL -0,269** 0,764 0,023 -0,274** 0,760 0,021 -0,265** 0,767 0,024 -0,269** 0,764 0,022
Cash 1,691** 5,422 0,022 2,202** 9,043 0,016
QTob -0,045 0,956 0,741 -0,057 0,945 0,677 -0,050 0,951 0,715 -0,063 0,939 0,647
CAP -1,523** 0,218 0,026 -1,492** 0,225 0,027 -1,468** 0,230 0,031 -1,429** 0,240 0,033
End.total 0,020 1,021 0,546 0,019 1,019 0,569
End.finan 1,585* 4,877 0,073 1,651* 5,210 0,063 1,528* 4,609 0,083 1,571* 4,813 0,076
ROE -0,120 0,887 0,443 -0,128 0,880 0,418
ROA 1,460 4,304 0,246 1,859 6,417 0,187
SECT 0,725** 2,065 0,036 0,709** 2,032 0,039 0,719** 2,052 0,037 0,703** 2,019 0,041
SEV 2,229*** 9,292 0,004 2,200*** 9,029 0,005 2,252*** 9,507 0,004 2,227*** 9,272 0,005
Prod 0,172 1,188 0,227 0,181 1,198 0,205 0,176 1,193 0,212 0,186 1,204 0,189
Dilu -3,209** 0,040 0,016 -3,180** 0,042 0,017 -3,341** 0,035 0,012 -3,375** 0,034 0,012
Constante 0,714 2,042 0,763 0,713 2,039 0,763 0,576 1,780 0,806 0,536 1,710 0,819
***, **,* significatif aux seuils de 1 %, 5 % et 10 %.

– la dilution provenant de l’émission d’actions est plus importante et de rendre compte de la dynamique des comportements des
que celle provenant de l’émission d’ABSA. émetteurs et de leur éventuelle hétérogénéité.
Les résultats obtenus s’accordent à montrer que, dans un contexte Cette étude permettrait de justifier la différence de nos résultats
d’asymétrie d’information, l’émission d’ABSA permet de signaler obtenus sur la période 1999-2006 et ceux dégagés par J.-F.
la valeur de l’entreprise au marché financier. Gajewski et al, (2007) sur une période plus ancienne allant de
1986 à 2000.
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Conclusion
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Cela peut s’expliquer, à notre avis, par la différence de la période
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© Direction et Gestion | Téléchargé le 04/09/2023 sur www.cairn.info (IP: 160.176.201.28)

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mai-août 2014
Dossier III

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