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Centre d’études de Sierre

Faculté d’économie
TechnoPôle 5
3960 Sierre

Faculté d’économie
Bachelor of Science in Economics and
Management

Module 12
Finance d'entreprise
Chapitre 12: Dividende et politique
de distribution de l'entreprise

Prof. Dr. D. Isakov


Assistant F. Monney

Semestre de printemps 2019

Le générique masculin est utilisé dans ce document,


sans aucune discrimination et uniquement
dans le but d’alléger le texte.
Module 12 : Finance d’entreprise
Chapitre 12

Chapitre 12 : Dividende et politique de distribution de


l'entreprise

Plan du chapitre :
12.1 Introduction

12.2 Dividende : définition et paiement


12.2.1 Définitions
12.2.2 Comportement du prix de l'action autour de la date ex-dividende

12.3 La neutralité de la politique du dividende

12.4 Politique du dividende avec impôts personnels et coûts d'émission


12.4.1 Entreprise sans liquidités suffisantes pour payer un dividende
12.4.2 Entreprise avec liquidités suffisantes pour payer un dividende

12.5 Rachats d'actions


12.5.1 Le cadre général
12.5.2 Verser des dividendes ou racheter ses actions : considérations du monde réel
12.5.3 Les rachats d'actions en Suisse

12.6 Explications possibles d’une politique de dividendes élevés


12.6.1 Désir de revenus immédiats
12.6.2 Diminution des problèmes d'agence
12.6.3 Asymétrie d'informations et signal

12.7 Etat des connaissances actuelles en matière de politique du dividende

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Module 12 : Finance d’entreprise
Chapitre 12

12.1 Introduction
Lorsqu’au terme d'un exercice, une entreprise dégage des cash-flows excédentaires
aux besoins de financement actuels, elle a plusieurs alternatives pour utiliser ces fonds
– c'est l'objet de ce chapitre.

12.2 Dividende : définitions et paiement


12.2.1 Définitions

Le terme dividende se réfère à une distribution totale ou partielle des cash-flows


générés par la firme au cours d'un exercice aux actionnaires – en principe il provient du
bénéfice de l'année. Ces distributions se font généralement en argent liquide. Lorsque la
distribution provient du capital, on parle de dividende de liquidation.

De nombreuses entreprises versent un dividende régulier en liquidités à tous leurs


actionnaires. Le plus souvent (en Suisse ou en Europe continentale), les dividendes
sont payés une fois par année. Quelquefois, les entreprises paient un dividende
additionnel, appelé dividende spécial.

On observe parfois des dividendes payés en actions (« stock dividends » ou distribution


d'actions gratuites). Comme dans ces cas, aucune liquidité ne quitte l'entreprise, il n'y a
donc pas d'effet sur la richesse des actionnaires, mais cela peut avoir un impact fiscal.
L'entreprise augmente simplement le nombre de titres en circulation.

La décision de payer (ou non) des dividendes est prise par le conseil d'administration de
l'entreprise et doit être approuvée par l'Assemblée Générale.

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Chapitre 12

Le montant du dividende peut être exprimé :

- en francs par action (dividende par action (DPA), « dividend per share » (DPS))
- en pourcentage du prix du marché (rendement du dividende, « dividend yield »)
- en pourcentage du bénéfice par action (taux de distribution, « dividend payout »)

Exemple : 2018 - versement de dividende des entreprises du Swiss Market Index


(SMI)

Source : Datastream (25.03.2019)

Exemple : Procédure du paiement de dividende en liquide de Gamma SA

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Le paiement du dividende suit une chronologie précise :

- Date d'annonce : le conseil d'administration déclare son intention de payer des


dividendes et le montant (par exemple 5 CHF/action)

- Date cum-dividende : le dernier jour où l'action est échangée avec droit au


dividende

- Date ex-dividende : le premier jour où l'action est échangée sans droit au


dividende

- Date de paiement : date à partir de laquelle le dividende est crédité sur le compte
des détenteurs d'actions qui y ont droit

12.2.2 Comportement du prix de l'action autour de la date ex-dividende

Avec des marchés des capitaux parfaits (sans impôts), le prix de l'action baissera
exactement du montant du dividende dans les premières minutes de la séance
boursière de la date ex.

Soit les notations suivantes :

- Pcum = prix cum-dividende


- Pex = prix ex-dividende
- D = dividende payé en espèces

On sait qu'au moment du détachement du dividende, on doit observer la relation


suivante :
Pex = Pcum - D

Pourquoi ? Parce que des liquidités sortent de l’entreprise et par conséquent la valeur
de l’entreprise (et donc des actions) doit diminuer.

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Chapitre 12

Illustration :
Une entreprise vaut 100 millions CHF. La société est financée uniquement par actions
et il y a 10 millions d’actions en circulations. Par conséquent chaque action vaut 10
CHF. L’entreprise verse un dividende de 1 CHF par action. A la date ex, l’entreprise ne
vaudra plus que 90 millions car elle a dû payer 10 millions CHF en dividende à ses
actionnaires. A la date ex, la valeur d’une action doit être de 90/10 = 9 CHF. Note: les
actionnaires n’ont rien perdu car ils ont reçu 1 CHF de dividende en cash.

Ainsi le prix doit s’ajuster de telle façon à ce que Pex=Pcum-D, sinon il y aurait des
possibilités d'arbitrage. En effet:

Si Pex>Pcum-D: Il suffirait d'acheter l'action "cum" dividende la veille, d'encaisser le


dividende et de revendre le titre ex-dividende pour faire un profit certain

Si Pex<Pcum-D: Il suffirait de vendre à découvert l'action "cum" dividende la veille, de


racheter au prix "ex" et de restituer le dividende au propriétaire du titre pour faire un
profit certain et sans mise de fonds.

Supposez que le prix d'un titre « cum » dividende est de 100 CHF, que le dividende est
de 10 CHF.

Exercice 1 : décrivez la stratégie d'arbitrage et votre profit en supposant que vous savez
que le prix à l'ouverture de la date ex-dividende sera de 95 CHF.

Réponse :
Acheter l'action à la clôture de date cum pour 100 CHF, recevoir le dividende de 10 CHF
et revendre l'action à l'ouverture de la date ex. En procédant ainsi, le profit est de :
-100 CHF + 10 CHF + 95 CHF = +5 CHF.

Exercice 2 : décrivez la stratégie d'arbitrage et votre profit en supposant que vous savez
que le prix ex-dividende sera de 80 CHF.

Réponse :
Vendre à découvert au prix de clôture de la date cum, payer le dividende au propriétaire
de l'action et racheter l'action au prix d'ouverture de la date cum. En procédant de la
sorte, on obtient un profit de : 100 CHF - 10 CHF - 80 CHF = +10 CHF.

La présence d'impôts sur les dividendes complique un peu ce raisonnement. En effet,


dans ce cas on peut montrer que le prix baissera un peu moins que le montant du
dividende. Les dividendes sont considérés comme un revenu et sont imposables au
taux d’imposition sur le revenu (jusqu’à 40% en Suisse). Les gains en capitaux sont
imposables à un taux moins élevé que les dividendes. Parfois, comme en Suisse, ils ne
sont pas imposables pour les personnes physiques (les ménages). L’impôt anticipé est
un impôt à la source visant à éviter les non-paiements des impôts sur les dividendes. Il

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est prélevé directement sur les dividendes d’actions (35% du dividende brut en Suisse).
En fait, l’entreprise doit verser directement l’impôt anticipé au fisc. L'investisseur peut
récupérer le montant de l’impôt prélevé ultérieurement s'il déclare ses dividendes
comme revenus dans sa déclaration d’impôts.

Exemple 1 : paiement du dividende de Gamma SA le 23 avril

5 CHF x 0.65 = 3.25 CHF/action sont versés par Gamma SA à chaque actionnaire.
1.75 CHF/action sont payés directement par Gamma SA au fisc (à l'Administration
Fédérale des Contributions -AFC). Ce montant peut être récupéré par l'investisseur s'il
déclare ses revenus au fisc.

Exemple 2 : paiement du dividende de Microsoft en 2004

En 2004, Microsoft a payé 2 dividendes : un dividende régulier de 0.08 USD et un


dividende spécial de 3 USD.

Événement Dividende régulier Dividende spécial

Annonce 20.07.2004 20.07.2004


Jour cum 22.08.2004 14.11.2004
Jour ex 23.08.2004 15.11.2004
Paiement 14.09.2004 02.12.2004

Evolution du cours de l'action Microsoft du 1.10.2004-31.12.2004

30.5
30
29.5
29
28.5
28
27.5
27
26.5
26
01.10.2004

06.10.2004
11.10.2004

16.10.2004

21.10.2004

26.10.2004

31.10.2004

05.11.2004

10.11.2004

15.11.2004
20.11.2004

25.11.2004

30.11.2004

05.12.2004
10.12.2004

15.12.2004

20.12.2004

25.12.2004

30.12.2004

Le 15 novembre, le cours décroche de 2.58 USD !

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12.3 La neutralité de la politique du dividende


Selon Miller et Modigliani (1961)1, sous certaines conditions, la politique du dividende
n'affecte pas la valeur de la firme. Elle est neutre et il n'y a pas lieu de s'en préoccuper.

L'intuition est que, comme les investisseurs n'ont pas besoin de dividendes pour
convertir leurs actions en liquidités, ils ne vont pas payer des prix plus élevés pour des
entreprises qui offrent des dividendes plus élevés. En d'autres termes, pour
l'actionnaire, encaisser le dividende c'est recevoir quelque chose qu'il possède déjà
pleinement.

Autrement dit, la politique du dividende n'a pas d'impact sur la valeur de l'entreprise, car
les investisseurs peuvent créer n'importe quel flux de revenus en vendant des actions.

Les hypothèses du modèle de MM peuvent être résumées en ces points :

- Les marchés financiers sont parfaits :


o Information gratuite et disponible pour tous (information symétrique)
o Absence de coûts de transactions
o Aucun investisseur n'est en mesure d'imposer ses prix
o Pas d'impôts et pas de coûts liés à l'émission d'actions nouvelles
- Les investisseurs sont rationnels
- L'avenir est certain (pas d'incertitude)
- A perspectives identiques et à plan d'investissement donné, la politique
d'investissement et de financement est indépendante des dividendes distribués

Si toutes ces hypothèses sont vérifiées, alors la politique du dividende est neutre.

Exemple : soit une entreprise qui ne va exister que pendant 1 période. Les dirigeants
savent que la firme générera des cash-flows de 10'000 CHF immédiatement et de
10'000 CHF dans une période. Ces cash-flows seront entièrement distribués sous forme
de dividendes. Le taux d'actualisation pertinent pour cette entreprise est de 10%. La
valeur de la firme aujourd'hui est de :

Div1 10'000
V0  Div 0   10'000   19'090.91
1  r  1.1

Sachant qu'il y a 1000 actions émises le dividende par actions est de 10 CHF à chaque
période.
Supposons maintenant que l'entreprise envisage une politique du dividende alternative

1 M. Miller et F. Modigliani, 1961, Dividend policy, growth and the valuation of shares, Journal of Business.

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car certains actionnaires réclament un dividende de 11 CHF en date 0. Pour payer un


dividende plus élevé, l'entreprise doit émettre des actions pour un montant de 1000 CHF
aujourd'hui. Ces actionnaires exigent que la valeur de leurs actions soit de 1100 CHF en
t=1, car le taux de rentabilité requis pour cette firme est de 10%. Les flux de revenus
aux anciens actionnaires aujourd'hui seront de 11000 CHF en t=0 et de 8900 CHF en
t=1. La valeur de l'entreprise est de :

Div1 8'900
V0 = Div 0 + = 11'000 + = 19'090.91
(1+ r ) 1.1

Elle est inchangée malgré une politique de dividende différente ! La politique du


dividende est bien neutre.

Au lieu de demander à l'entreprise de modifier sa politique du dividende, les


investisseurs peuvent eux-mêmes obtenir des dividendes différents en procédant à des
achats/vente de titres (« dividendes maison »).

Exemple : Biotech SA est une action qui vaut 42 CHF et qui va payer un dividende de 2
CHF par action. Hubert a 80 actions et préférerait avoir un dividende de 3 CHF par
action.

Sa stratégie de « dividende maison » consiste à encaisser le dividende de 80x2=160


CHF et à vendre 2 actions « ex-dividende » à 80.

« Dividende maison » Dividende de 3 CHF


Dividendes reçus 160 CHF 240 CHF
Produit vente 2 actions 80 CHF 0 CHF
Rentrées totales 240 CHF 240 CHF
Valeurs titres ex-div 40 CHF x 78 = 3120 CHF 39 CHF × 80 = 3120 CHF

Comme les investisseurs n'ont pas besoin des dividendes pour convertir des actions en
liquidités, la politique du dividende n'a pas d'impact sur la valeur de l'entreprise. Dans
l'exemple ci-dessus, Hubert démarre avec une richesse de 3'360 CHF :

42 CHF
3'360 CHF  80 actions 
action

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Après un dividende de 3 CHF, sa richesse totale est toujours de 3'360 CHF :

39 CHF
3'360 CHF  80 actions   240 CHF
action

Après un dividende de 2 CHF et la vente de 2 actions ex-dividende, sa richesse totale


est toujours de 3'360 CHF :

40 CHF
3'360 CHF  78 actions   160 CHF  80 CHF
actions

12.4 Politique du dividende avec impôts personnels et coûts


d'émission des titres
Dans la section précédente, nous avons supposé qu'il n'y avait pas d'impôts sur les
revenus des investisseurs. Mais les dividendes sont considérés comme un revenu et
sont taxés comme tel.

En revanche, les gains en capitaux ne sont pas taxés (en Suisse pour des ménages
privés) ou moins taxés que les revenus (dans d'autres pays). Il y a un désavantage
fiscal pour actionnaires à recevoir un dividende par rapport à l’obtention d’un gain en
capital.

Illustration :

Une entreprise vaut 100 millions CHF et elle à 10 millions d’actions valant 10 CHF
chacune.

En t=1, l’entreprise génère un bénéfice supplémentaire de 10 millions de CHF.

Si l’entreprise garde ses 10 millions de bénéfices, l’entreprise vaut 110 millions et les
actions valent 11 CHF. Il y a eu un gain en capital de 1 CHF/action pour l’actionnaire et
ce gain en capital n’est pas imposable (en Suisse).

Si l’entreprise décide de distribuer l’intégralité des bénéfices sous forme de dividendes,


les actionnaires recevront 1 CHF de dividende mais qui sera imposé à un taux allant
jusqu’à 40%. Pour les actionnaires devant payer 40%, le gain net ne sera que de 0.60
CHF/action, ce qui est inférieur au gain en capital.

Connaissant le désavantage fiscal des dividendes pour les actionnaires, que vont faire
les entreprises en termes de paiement de dividende?

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La réponse peut être donnée en distinguant deux cas de figure:

- L'entreprise n'a pas de liquidités pour payer des dividendes

- L'entreprise a suffisamment de liquidités pour payer des dividendes

12.4.1 Entreprise sans liquidités suffisantes pour payer un dividende

Si une entreprise n'a pas assez de liquidités, elle doit soit emprunter, soit lever de
nouveaux capitaux (émettre des actions).

Supposons (pour simplifier) qu'elle émette des nouvelles actions et qu'il n'y a qu'un
actionnaire dans l'entreprise et que nous sommes dans un monde à la MM (sans
impôts). L'opération est une opération « blanche » (au total=0), puisque ce que
l'actionnaire donne, il le récupère entièrement sous forme de dividendes !

Dans un univers avec impôts, il y a une perte nette de richesse chez les personnes
physiques. Le schéma suivant illustre cet état de fait :

De plus, l'émission d'actions n'est pas gratuite (env. 7% du montant émis aux USA), ce
qui constitue une nouvelle perte de richesse.

Conclusion : si l'entreprise ne dispose pas de suffisamment de liquidités, il ne faut PAS


payer de dividendes.

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12.4.2 Entreprise avec liquidités suffisantes pour payer un dividende

Que font les entreprises qui peuvent réellement payer des dividendes (et qui ont épuisé
tous leurs projets à VAN positive) ? Elles vont considérer d'autres alternatives du fait de
la présence d'impôts personnels qui peuvent être défavorables à l'actionnaire.

Ces alternatives sont :


- Se lancer dans des projets à VAN négatives (problème d'agence, dangereux...)
- Acquérir d'autres entreprises (coûteux)
- Investir dans des actifs financiers
- Racheter leurs propres actions (sans doute la plus intéressante)

Malgré le désavantage fiscal pour les investisseurs, les entreprises continuent pourtant
à payer des dividendes et ce fait constitue une énigme non encore clairement résolue
en finance. On l'appelle le « dividend puzzle ».

12.4.3. Dividendes avec et sans impôts: le cas suisse

La réforme de la fiscalité des entreprises II en Suisse permet à certaines entreprises de


payer des dividendes exonérés d’impôts à leurs actionnaires depuis 2011. Il est par
conséquent intéressant de comparer le comportement des entreprises en matières de
dividendes pour celles qui paient des impôts exonérés et celles qui ne peuvent pas le
faire. Cela permet de voir l’impact des impôts sur la politique du dividende. Une étude
récente analyse le comportement des deux groupes d’entreprises sur différentes
mesures de dividendes.
Isakov, Pérignon et Weisskopf (2019) analysent notamment le comportement des
entreprises qui peuvent verser des dividendes exemptés (treated) et des dividendes
taxés (control) après l’entrée en vigueur de la RIEII en 2011. En moyenne, voici ce
qu’on observe en termes de dividend payout et dividend yield.

En l’absence d’impôts, les entreprises paieraient beaucoup plus de dividendes. Avec


des impôts, elles en paient moins.

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12.5 Rachats d'actions

12.5.1 Le cadre général

Au lieu de redistribuer des liquidités sous forme de dividendes, les entreprises peuvent
le faire en rachetant leurs propres actions. Les rachats d'actions sont devenus ces
dernières années un moyen important de distribution des bénéfices aux actionnaires. En
effet, les rachats d'actions sont le plus souvent imposés à un taux inférieur aux
dividendes car ils sont imposés comme des gains en capitaux et non comme des
revenus.

Montants totaux de liquidités restitués aux actionnaires aux Etats-Unis

Source : Farre-Mensa, Michaely et Schmalz (2014)

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Montants totaux de liquidités restitués aux actionnaires dans l’Union Européenne

Source : Von Eije et Megginson (2008)

Les principales méthodes utilisées par les entreprises pour racheter leurs actions sont :

- Sur le marché (« open-market ») : l'entreprise achète ses propres titres sur le


marché comme n'importe quel autre investisseur.

- Par offre à prix fixe (« tender offer ») : l'entreprise fait une offre à tous ses
actionnaires de racheter une certaine quantité de titres, généralement avec une
prime

Exemple : l’entreprise XYZ souhaite racheter 10% de ses actions. Le prix de


l'action est actuellement de 100 CHF sur le marché. L'entreprise fait l'offre
suivante : rachat de 10% des titres à un prix de 120 CHF. Elle offre une prime
afin d'inciter les investisseurs à soumettre leurs titres. Si tous les actionnaires
soumettent leurs titres, elle rachète 1 action sur 10 à tout le monde.

- Par enchères à la hollandaise (« Dutch auction ») : chaque investisseur


communique à l'entreprise le nombre d'actions qu'il est prêt à soumettre et le prix.
L'entreprise reconstitue la courbe d'offre et fixe le prix en fonction de la courbe
d'offre.

- Par offre ciblée : à un actionnaire.

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Fréquence des techniques utilisées aux USA

Rachats d'actions aux USA-1985-2003

1'153 289 541

Enchère hollandaise
Prix fixe
Open market
Privée

13'016

Une fois qu'une entreprise a racheté des actions, deux possibilités s'offrent à
l'entreprise:

- Détruire les actions. Ceci aura pour effet de faire diminuer le capital-actions et le
montant de fonds propres. C'est ce que font généralement les entreprises.

- Garder les actions en trésorerie afin de les donner aux salariés comme plan
d'intéressement ou éventuellement les revendre dans le but de faire un profit.

12.5.2 Verser des dividendes ou racheter ses actions : considérations du monde


réel

On peut également analyser les rachats dans le contexte de MM. Dans cet
environnement (sans impôts et sans frais), le fait de racheter ses actions ou payer des
dividendes sera équivalent et n'aura pas d'impact sur la valeur de l'entreprise. En
revanche, il y aura des différences entre les deux moyens de verser des liquidités aux
actionnaires lorsque l'on prend en considérations des éléments du monde réel. Les
rachats présentent un certain nombre d'avantages par rapport aux dividendes pour les
dirigeants et pour les actionnaires.

a) La fiscalité

Les rachats d'actions sont généralement moins imposés pour les investisseurs privés
que les dividendes.

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b) Flexibilité de la distribution par rachat

Les entreprises ont tendance à considérer les dividendes comme un engagement et


sont peu enclins à le modifier. Les rachats ne sont pas considérés comme tels.

c) Rémunération des dirigeants

Une partie de la rémunération des dirigeants est souvent versée sous forme d'options.
Or, la valeur des options diminue avec le cours (effet du versement du dividende). Il y a
donc une préférence pour les rachats s’il n’y a pas de dilution du cours et qu’ils sont
donc réalisés « open market ».

d) Compensation de la dilution liée à l’exercice d’options de salariés

L'exercice des options crée une dilution de la valeur des actions – il y a plus d'actions en
circulation pour la même valeur. Les rachats viennent contrer cette dilution.

e) Rachats en tant qu'investissement

Au lieu d'investir dans des projets réels, les entreprises peuvent préférer investir dans
leurs propres titres si elles pensent qu'ils sont sous-évalués.

On trouve toutefois aussi des arguments fallacieux en faveur des rachats. Ainsi certains
observateurs affirment qu’un rachat d’actions conduit à une augmentation du bénéfice
par action et donc du prix de l’action. En effet, on a EPS = bénéfice/nombre d’actions. A
bénéfice constant, si le nombre d’actions diminue, l’EPS doit augmenter. Or un rachat
n’est pas gratuit et fait diminuer le bénéfice, l’affirmation que l’EPS augmente
automatiquement est donc injustifiée.

12.5.3 Les rachats d'actions en Suisse

Cette technique de redistribution des liquidités n'est autorisée en Suisse que depuis
1992 avec le nouveau droit de la SA. Elle a rapidement gagné en popularité et s'est
imposée ces dernières années. Le cadre légal et fiscal suisse présente quelques
spécificités.

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Chapitre 12

Montants totaux distribués par les entreprises suisses de 1993 à 2014

Note : chiffres incluant toutes les entreprises cotées au SIX (inclus les sociétés d'investissement).

Une entreprise ne peut pas avoir plus de 10% de ses titres en trésorerie. De plus, le
traitement fiscal des rachats en Suisse dépend du but poursuivi par cette opération (en
particulier de l'impôt anticipé). Si le rachat est effectué pour réaliser une réduction du
capital, il est traité comme un dividende de liquidation et le paiement de l'impôt anticipé
est dû. A contrario, lorsque le rachat est effectué pour garder les titres en trésorerie, il
sera traité comme une simple vente et ne sera pas imposé.

Si l'entreprise veut réduire substantiellement son capital, elle doit procéder à plusieurs
rachats consécutifs et réduire le capital. Dans le 90% des cas, les entreprises réduisent
leur capital. Elles ne peuvent pas utiliser l' « open market » car l'impôt anticipé ne peut
pas être prélevé. Afin de surmonter ce problème, les entreprises suisses ont innové et
proposé une nouvelle technique de cotation, le rachat sur une 2e ligne de cotation :
l'entreprise ouvre une 2e ligne sur laquelle elle est la seule acheteuse. Ainsi l'impôt
anticipé peut être prélevé.
Par ailleurs, la loi suisse impose l'égalité de traitement des actionnaires, raison pour
laquelle l'offre à prix fixe ne peut pas être utilisée (avec une forte prime). A nouveau, les
entreprises suisses ont innové en distribuant des options put à tous les actionnaires. Si
ces derniers veulent vendre leurs titres à l'entreprise, ils doivent exercer leur put. Sinon,
ils peuvent le revendre.

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Module 12 : Finance d’entreprise
Chapitre 12

Exemple de carnet d'ordre 1ère et 2e ligne, Nestlé, 28 mars 2019, 16h21

Les techniques utilisées par les entreprises suisses pour effectuer des rachats
d'actions (1993-2014)

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Chapitre 12

12.6 Explications possibles d’une politique de dividendes élevés


Les entreprises paient des montants très importants sous forme de dividende à leurs
actionnaires malgré une taxation défavorable (impôts sur les revenus). Différentes
explications ont été proposées dans la littérature afin d'expliquer ce phénomène:

- Le désir de revenus immédiats


- La diminution des problèmes d'agence
- L’asymétrie d'informations et signal

12.6.1 Désir de revenus immédiats

Certains individus préfèrent avoir des revenus immédiats plutôt que d'attendre (par
exemple les retraités). Ces individus auraient tendance à préférer et à acheter les titres
à haut dividende et à se débarrasser des titres à faible dividende.

Ce n'est pas un argument pertinent dans un monde à la MM. Toutefois, dans un univers
avec impôts, verser un dividende peut malgré tout être pertinent. De plus, il y a des
coûts de transaction lors de la vente de titres, ce qui ne permet pas de faire une
véritable réplication des dividendes à la MM.

12.6.2 Diminution des problèmes d'agence

Les actionnaires mandatent des dirigeants pour gérer et contrôler l'entreprise. Les
dirigeants pourraient être tentés d'utiliser certaines ressources dans leur propre intérêt –
c'est le problème classique de l'agence.

Le paiement d'un dividende élevé permet de résoudre partiellement ce problème. En


effet, les dirigeants peuvent plus difficilement « gaspiller » des fonds s'ils ont en moins à
disposition. Les actionnaires leur demandent donc des dividendes plus élevés.

12.6.3 Asymétrie d'informations et signal

Il existe une asymétrie d'informations entre les dirigeants et le reste du marché. Les
dirigeants connaissent mieux les perspectives de l'entreprise que le marché. Les
dirigeants ne peuvent pas révéler directement leurs informations au marché car :

- Les dirigeants ne veulent pas révéler de l'information défavorable


- L’information peut être difficile à quantifier ou à matérialiser
- L’information est stratégique pour les concurrents

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Chapitre 12

Les dividendes sont interprétés comme des signaux des dirigeants indiquant la
performance future de l’entreprise.

12.7 Etat des connaissances actuelles en matière de politique du


dividende des entreprises cotées

Questions non résolues :

- Pourquoi les entreprises versent-elles des dividendes en présence d'impôts (sur


le revenu) qui frappent les dividendes ?

- On n'a pas de ratio de distribution optimal déterminé de façon quantitative

- On n'a pas de règle précise pour fixer le montant du dividende, mais une série
d'observations sur le pour et le contre du versement de dividendes

Connaissances actuelles

- Les dividendes versés par les entreprises sont substantiels

- Les entreprises ont tendance à « lisser » leurs dividendes (modèle de Lintner,


établi depuis 1956)

- Les versements de dividendes fournissent de l'information au marché qui réagit


aux variations de dividende

- Les entreprises doivent respecter certaines règles élémentaires dans leur


politique du dividende :

o Elles ne doivent pas renoncer à des projets à VAN positives pour payer
des dividendes (sinon elles détruisent de la valeur)
o Il faut éviter d'émettre des actions pour payer des dividendes
o Il faut considérer des rachats d'actions lorsqu'il n'y a pas de meilleures
alternatives d'investissement

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Module 12 : Finance d’entreprise
Chapitre 12

Au final, on peut dresser un tableau synthétique des arguments en faveur et contre le


paiement de dividendes :

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