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Module Conduite du Changement

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Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

Chapitre I.
Les fondements théoriques de la conduite du changement

Introduction

Le changement est partout. Le changement est devenu une composante à la


fois organisationnelle dans les entreprises, mais aussi sociétale. Le changement n'est
plus un phénomène conjoncturel qui arrive une fois de temps en temps.

Défini comme ça, le changement était quelque chose que l'on confiait à des consultants
externes à l'entreprise. On leur demandait de venir et de résoudre le problème, et une
fois le problème résolu, ils repartaient.

Le changement est devenu permanent, ce qui signifie qu'il est nécessaire, dans les
entreprises, d'avoir des compétences au quotidien pour gérer les changements.

Mais cela va plus loin. Cette compétence s'exerce dans l'environnement


professionnel par des experts, mais on va aussi chercher à développer la capacité à
changer de tous les individus pour qu'ils soient plus à l'aise avec les changements,
qu'ils puissent les réaliser plus facilement, qu'ils ne craignent pas les changements,
surtout, que le changement leur permet de construire l'avenir dont ils rêvent et dont ils
ont envie. Le changement est une réalité d'entreprise.

L'entreprise et le salarié doivent tenir compte du changement et l'intégrer dans les


pratiques au quotidien. Cela nécessite effectivement des compétences, des méthodes,
des outils.

Savoir changer, savoir changer rapidement, savoir changer durablement constitue des
avantages concurrentiels pour une entreprise. C'est-à -dire que cela va lui permettre de
prendre des parts de marché, d'être plus innovante, mais aussi d'être plus performante
dans son ensemble.

Le changement devient un facteur clé de la performance d'une entreprise. Pour cela, il


est important de comprendre et maitriser les méthodes de déploiement du
changement dans les entreprises.

I/ Définition du concept de changement

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Le changement organisationnel est une séquence d’évènements entrainant une


modification dans la forme, la qualité ou l’état d’une composante de l’organisation au
cours d’un certain intervalle de temps. Le changement peut, par exemple, porter sur la
répartition et la formalisation des taches, sur le processus de travail et les diverses
façons d’accomplir ces tâ ches. A part le contenu, il existe deux autres dimensions clés
du changement organisationnel : le contexte dans lequel il se déroule et le processus
c'est-à -dire la manière dont il se déploie dans le temps et l’espace. Contenu, contexte et
processus sont liés : toute action de changement organisationnel doit prendre en
considération ces trois dimensions.

Le contexte correspond à l’ensemble des facteurs susceptibles d’influencer la décision


de changement. Il s’analyse en deux temps. Il caractérise l’environnement sur le plan
économique, réglementaire, concurrentiel… et l’organisation aux niveaux culturel,
structurel, de la répartition du pouvoir… Le contenu concerne la nature du changement.
Ainsi la stratégie, la structure, le système sociotechnique, la culture… sont susceptibles
d’être modifiés. Enfin, le processus caractérise la vie concrète du changement. Il résulte
des interactions entre les acteurs concernés par le phénomène, ceux-ci pouvant être
membres ou non de l’organisation. Pour autant, ces dimensions ne sont indépendantes
les unes des autres, elles interagissent modelant progressivement le phénomène à
l’œuvre dans l’organisation. C’est ainsi que le contenu d’un changement aura des
conséquences sur les caractéristiques du contexte, celles-ci pouvant à leur tour générer
à terme des modifications de contenu. De même, il peut survenir des évènements (au
niveau du contexte) qui influeront sur le processus en cours. In fine, le changement
s’analyse dans une perspective interactionniste : les variables de contexte, de contenu et
de processus se définissent mutuellement dans une série d’interrelations.

Cette perspective triadique du changement suggère désormais de mieux comprendre les


pratiques auxquelles se livrent les managers pour gérer les périodes de transition de
leur organisation.

II/ Les types de changement dans l’entreprise

1. Changement à l’échelle de l’organisation

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Un changement à l’échelle de l’organisation est une transformation à grande échelle qui


affecte l’ensemble de l’entreprise. Il peut s’agir d’une restructuration de la direction, de
l’introduction d’une nouvelle politique ou technologie d’entreprise, par exemple.

Un changement d’une telle ampleur affecte chaque collaborateur. Cependant, à mesure


que les choses se tassent, les améliorations commencent à être visibles. Parfois, un
changement s’impose du fait d’une stratégie devenue obsolète ou simplement parce que
l’entreprise est devenue trop grande pour sa coquille. Néanmoins, un changement mal
planifié peut s’avérer très perturbateur et entraîner de lourdes conséquences pour toute
l’entreprise.

Un changement à l’échelle de l’entreprise est un événement considérable et doit être


planifié avec précision afin de préserver toutes les personnes concernées. L’issue du
changement, qu’elle soit négative ou positive, repose sur les stratégies de changement
organisationnel et leur mise en œuvre.

2. Changement transformationnel

Le changement transformationnel concerne spécifiquement la stratégie


organisationnelle d’une entreprise. Les entreprises qui s’adaptent le mieux aux
évolutions rapides de leur secteur sont réactives, flexibles et prêtes à modifier leurs
stratégies lorsque le besoin s’en ressent.

Les stratégies visant à guider un changement transformationnel doivent tenir compte de


la situation actuelle et de l’orientation que l’entreprise envisage de prendre. Les
tendances culturelles, le climat social et le progrès technologique sont quelques-uns des
nombreux facteurs dont les dirigeants doivent tenir compte lorsqu’ils élaborent des
stratégies de changement organisationnel destinées à soutenir une transformation.
Selon une étude de la MIT Sloan Management Review et Deloitte, les stratégies de
transformation des entreprises numériques arrivées à maturité portent essentiellement
sur l’intégration de technologies numériques, telles que les réseaux sociaux, les
technologies mobiles, l’analyse des données et le cloud. En revanche, les entreprises
numériques moins matures se focalisent sur la résolution de problèmes spécifiques avec
des technologies individuelles. Cela dit, compte tenu de la rapidité à laquelle évolue la
technologie numérique, les entreprises augmentent leurs chances de réussite si elles
intègrent une technologie évolutive et flexible dans leurs stratégies de transformation.

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3. Changement du personnel

Un changement de personnel se produit lorsqu’une entreprise met en œuvre un


recrutement de masse ou des licenciements. Chacun de ces types de changements
organisationnels peut avoir des conséquences importantes sur le moral et l’engagement
des collaborateurs, pour le meilleur ou pour le pire.

La menace de licenciements engendre de la peur et de l’anxiété chez les employés. Bien


que les circonstances requièrent parfois une telle décision, les dirigeants doivent
s’attendre à ce que le moral des collaborateurs en pâ tisse. Néanmoins, l’entreprise doit
aller de l’avant. Il est essentiel de faire preuve d’une véritable compassion et de donner
aux collaborateurs la motivation nécessaire pour continuer à travailler durant les
moments difficiles.

Si le recrutement de masse a des répercussions plus positives sur l’entreprise, il n’est


pas sans poser de difficultés. Le recrutement de masse est un signe de croissance
substantielle, au cours de laquelle une entreprise peut devoir faire face à des
changements culturels et une certaine désorganisation.

Le recrutement de nouveaux collaborateurs implique qu’ils soient formés et soutenus en


permanence. L’accueil de nouveaux collaborateurs est une chose formidable, mais cela
induit une rupture dans le travail des équipes d’encadrement. Si la transition n’est pas
gérée correctement, elle peut conduire au chaos, à l’inefficacité et finalement freiner la
croissance.

4. Changement imprévu

On définit généralement le changement imprévu comme une action devant être menée à
la suite d’événements inattendus. Bien que, par définition, il soit impossible de prévoir
un changement imprévu, il peut être géré de manière organisée.

Par exemple, les ouragans qui ont frappé les É tats-Unis au début de l’automne 2017 ont
provoqué l’évacuation de milliers de résidents forcés de chercher un abri temporaire
loin de chez eux. Une fois l’urgence passée, ils ont entamé le long processus de retour à
la vie normale. Les entreprises ont également connu des changements imprévus au
lendemain de ces tempêtes.

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De nouvelles réglementations gouvernementales, sur lesquelles les entreprises n’ont


aucun contrô le, peuvent également provoquer des changements imprévus. Même si les
circonstances qui conduisent à des changements imprévus peuvent être chaotiques, il
est important que les organisations soient résilientes et flexibles. Les entreprises
peuvent également bénéficier de la mise en place de stratégies basiques de changement
organisationnel pour minimiser le chaos et les perturbations.

5. Changement correctif

Les dirigeants mettent en œuvre des changements correctifs lorsqu’ils identifient un


besoin de remédier aux lacunes ou aux performances médiocres de l’entreprise.

Par exemple, des difficultés financières, généralement imputables à de mauvaises


performances, requièrent un changement correctif. Les exemples les plus courants de ce
type de changement peuvent être l’introduction d’un nouveau programme de formation
des collaborateurs, le déploiement d’un nouveau logiciel ou la création d’un nouveau
poste destiné à pallier un problème.

Parmi les types d’actions correctives, citons également la remise en question de


stratégies en place depuis des années mais qui ne sont désormais plus rentables. Les
problèmes de leadership, comme un PDG nouvellement nommé qui se révèle être un
mauvais choix pour l’entreprise, peuvent également nécessiter un changement correctif.
Même si les mesures de changement correctif doivent être pensées pour répondre à un
problème spécifique, leur réussite repose également sur des stratégies de changement
organisationnel efficaces.

Pour ce qui est des changements organisationnels, on en recense :

 Le changement global qui concerne l’ensemble des activités, services et unités


de l’organisation.

 Le changement partiel, moins complexe, qui ne concerne qu’une partie de


l’organisation, mais a généralement moins d’impact sur la performance globale.

De plus, ce changement peut être :

 Dirigé ou conduit par une personne possédant de l’autorité ou un certain


« rayonnement » au sein de l’entreprise.

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 Spontané, c’est-à -dire mené de manière intuitive par une ou plusieurs


personnes, parfois à l’insu de la direction.

 Planifié, en opposition à spontané ; ce type de changement implique l’existence


d’une volonté forte, la définition d’objectifs précis et la mise en place des
méthodes permettant d’atteindre ces derniers.

Enfin, le changement organisationnel peut se caractériser en fonction de sa nature :

 Radical : il s’inscrit en rupture totale avec le système organisationnel précédent,


modifiant de manière durable et rapide la structure de l’organisation, mais aussi
ses valeurs, ses habitudes, sa culture et sa stratégie globale. Il passe par des
investissements importants. Il peut répondre à une situation d’urgence, mais
aussi s’inscrire dans une perspective de repositionnement par anticipation à une
éventuelle crise.

 Incrémental : comme son nom l’indique, le changement incrémental est


progressif. Moins risqué que l’approche radicale, il permet de transformer
l’organisation « par petites touches » successives, de manière continue. Ayant des
conséquences moins importantes sur le plan humain et financier, ce type de
changement est généralement bien mieux accepté par les collaborateurs, même
s’il limite mécaniquement la marge de progression de l’entreprise et peut ainsi
l’empêcher de prendre le leadership.

 Anarchique : généralement mis en œuvre dans une situation de crise, ce type de


changement ne s’inscrit dans aucune vision ni stratégie particulière. Pris dans
l’urgence, il repose avant tout sur l’intuition du décisionnaire. Il s’agit
évidemment d’éviter à tout prix ce mode de transformation.

Chaque type de changement organisationnel requiert une action différente. Les


entreprises qui traversent le mieux les périodes de transition se caractérisent par leur
flexibilité et leur capacité à accepter le changement, même lorsque les circonstances ne
sont pas idéales. La mise en place de stratégies basiques permet également d’orienter les
efforts de transformation, y compris ceux qui sont provoqués par des événements
imprévus. En matière de changement organisationnel, la préparation doit être le mot
d’ordre.

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II/ Typologies du changement

Les multiples débats sur le concept de changement ont permis de faire émerger deux
grandes conceptions antagonistes du changement des organisations : le changement
déterministe d’un cô té, et le changement volontariste, de l’autre.

1. Le changement déterministe

Dans cette approche, l’organisation est envisagée comme un système passif, inflexible
et rigide dont les acteurs cherchent en priorité à préserver l’intégrité. Toute
transformation étant ici principalement déclenchée en réponse à des facteurs
environnementaux, perçus comme des contraintes : crise économique, pression
concurrentielle, évolution de la demande, modification de l’environnement
réglementaire.

2. Le changement volontariste

Par opposition à l’approche déterministe du changement organisationnel, l’approche


volontariste considère que toute transformation ayant lieu au sein de l’entreprise est
avant tout liée à l’intention de ses acteurs. Cette action délibérée est en règle générale
orientée par des choix stratégiques.

3. Les autres typologies de changements organisationnels

Le changement peut également se caractériser par son rythme, progressif ou radical.


Une autre approche qui, par jeu de combinaisons, permet de faire émerger 4 typologies
supplémentaires de changements organisationnels selon Autissier et Moutot 2003:

 Le changement prescrit (progressif et imposé) : Initié par les dirigeants sous la


pression de facteurs externes, ce type de changement est appliqué de manière
graduelle. La mise en place des 35 heures (changement de législation en France)
est un exemple parfaitement représentatif.

 Le changement de crise (radical et imposé) : Brutal, ce type de changement


répond à une situation de crise pouvant mettre en péril la santé ou la réputation
de l’entreprise la crise peut être interne (multiplication des plaintes, accidents,
dysfonctionnements importants, grève d’une partie du personnel…) ou
environnementale (Crise économique, crise sanitaire etc.).

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 Le changement construit (progressif et volontaire) : Les idées émises par les


subordonnés sont prises en considération par la hiérarchie, ce qui implique une
évolution de l’image véhiculée par l’entreprise. La mise en place d’une démarche
qualité illustre parfaitement cette logique de changement construit.

 Le changement adaptatif (radical et volontaire) : Pour s’adapter à la situation,


l’entreprise doit engager un effort de communication très important pour
convaincre les collaborateurs de s’engager dans la transformation de
l’organisation et de ses pratiques.

Une autre typologie oppose Changement évolutif et changement radical. Le premier


est considéré comme un changement graduel qui se produit dans l’évolution normale
des activités d’une organisation. Il peut se produire dans un environnement stable
comme dans un environnement complexe. Il peut donc apporter des transformations
majeures à long terme comme il peut n’aboutir à aucun changement significatif de
l’organisation. « Le passage d’un stade à un autre s’effectue pour certains d’une manière
graduelle car la nature ne fait pas de saut » Soparnot (2005). Le changement radical
est une réponse volontaire et délibérée des dirigeants, à une crise réelle ou anticipée. Il
est recommandé pour un environnement instable. Il apporte des transformations
profondes à l’entreprise puisqu’il touche à la structure et à la culture de l’entreprise
(valeurs, normes etc.) et vise à métamorphoser le comportement des salariés. Il touche

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donc l’ensemble de l’entreprise et aura des répercutions sur la culture, la structure et les
systèmes c’est pourquoi il est qualifié de stratégique

Enfin, on oppose aussi le changement prescrit au changement émergent. Si le


premier s’inscrit dans une logique analytique où c’est le manager qui trace une ligne
directrice que tout le monde doit suivre, le second implique la responsabilisation des
acteurs opérationnels, qui sont invités à participer activement à la démarche de
changement en faisant part de leurs idées.

III/ Les facteurs à la base d’un changement

Un premier facteur qui a toujours été un des déterminants de la transformation en


entreprise, c'est la technologie. Effectivement, l’évolution technologique rapide rend
obsolète les produits et les méthodes précédentes et génère des innovations continues.
En effet, tous les jours, il y a de nouveaux brevets, de nouvelles technologies qui
apparaissent et les entreprises s'interrogent sur le fait de les intégrer, comment elles
doivent les intégrer, pour se construire un avantage concurrentiel. Actuellement, la
technologie digitale est en train de créer, ce que certains nomment un raz-de-marée ou
effectivement une évolution majeure, qui oblige toutes les organisations à s'intéresser
au sujet et à intégrer cette technologie dans l'ensemble des pratiques et des usages.

La mondialisation, qui crée autant de contraintes que d'opportunités. En effet, dans un


environnement globalisé, la construction et la pérennité de l’avantage concurrentiel des
entreprises, devient dérisoire. De plus, l’évolution des facteurs environnementaux
devient de plus en plus complexe mettant les entreprises devant un défi majeur
d’adaptation rapide aux exigences cet environnement difficilement appréhendable.

La concurrence, qui devient de plus en plus importante, accrue et rude avec une
capacité d’innovation élevée et des actions stratégiques de plus en plus affinées.
L’entreprise est donc perpétuellement, devant le défit grandissant de réactivité tant au
niveau de sa gestion du temps qu’au niveau de sa flexibilité organisationnelle.

L’évolution sociétale du client et la volonté de celui-ci d'obtenir toujours quelque


chose de nouveau, ce qui oblige les entreprises à modifier leurs produits et leurs
services et à proposer à ces mêmes clients de nouvelles offres, régulièrement,
conduisant ainsi à de nombreux changements dans les organisations. Il y a également

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par rapport à cette exigence de nouveauté du client, de nombreux projets d'innovations


qui se font dans les entreprises.

La législation qui va obliger les entreprises à mettre en place un certain nombre de


procédures, de règles, mais aussi de fonctionnement, pour être en accord avec la loi en
lien avec effectivement des contraintes étatiques ou autres.

La crise qui joue dans le monde occidental, le phénomène de crise que l'on connaît
depuis un certain nombre d'années, oblige les entreprises à mettre en place des plans
d'optimisation, des plans d'excellence opérationnelle, des plans d'économie.

La taille de l’entreprise est fortement reliée au choix de la structure. La taille est


considérée comme un facteur déterminant de la structure organisationnelle. L’évolution
de l’entreprise dans le temps en termes de taille peut entrainer des changements
organisationnels majeurs pour permettre à l’entreprise d’améliorer sa performance.

La stratégie fixe l’activité de l’entreprise, ses objectifs et les moyens engagés, elle
oriente tous les efforts et occupe une place déterminante dans les relations qui
s’établissent entre l’entreprise et son environnement. La stratégie joue, donc, un rô le
essentiel dans le changement puisque c’est elle qui va, dans la plupart des cas, l’initier et
le provoquer.

La réorganisation de l’entreprise s’impose, donc, lorsqu’il s’agit d’adapter des aspects de


son organisation à des stratégies fondamentalement différentes de celles suivies au
paravent, de se doter de structures flexibles en vue de stratégies pressenties. Ces
facteurs qui créent le changement d’une façon volontaire ou imposée, poussent
l’entreprise à avoir un apprentissage organisationnel pour institutionnaliser ce
changement. D’où le concept de conduite du changement.

IV/ Principale difficulté dans la mise en place d’un changement : La résistance

Concept abordé initialement par Coch et French (1948) et inspiré des travaux de Lewin
(1951) sur la dynamique des groupes, la résistance au changement traduit la capacité
des individus d’entraver les projets de réforme dans lesquels s’engage l’entreprise.
Elle renvoie à une variété de comportements comme le déni, l’indifférence, le rejet,
la rumeur, l’obéissance aveugle, le refus, l’argumentation, la contestation,
l’opposition, la répression, la grève, le sabotage… (Bareil, 2010, in Soparnot, 2010).

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Pour autant, la résistance n’est pas toujours négative (Waddell et Sohal, 1998). En effet,
certains auteurs attribuent à ce comportement une fonction essentielle dans
l’entreprise, celle d’éviter les changements superflus ou encore les éléments
improductifs dans la conduite du processus. Lawrence (1969) synthétise cette situation
en ces termes: « We are all, at times, resistors as well as instigators of change ».

Même si la résistance au changement n’en est en rien systématique, il est impératif de


comprendre quelles en sont les causes. Selon la littérature, six facteurs peuvent être
repérés.

Le premier facteur est lié à l’anxiété provoquée par la réforme c’est, donc une forme
de résistance psychologique. Comme le souligne Jaques (1972), « c’est en période de
changement que se réveillent ou se cristallisent ces anxiétés qui n’existent qu’à l’état diffus
dans les organisations ». Le changement constitue donc un puissant « stresseur » qui
provoque chez les individus un état de déséquilibre psychologique (Ouimet et Dufour,
1997). Celui-ci remet en question des repères qui offraient une stabilité psychologique
rassurante. D’après Trader-Leigh (2002), ce facteur révèle le danger éprouvé par
rapport à la stabilité du travail, les compétences et le statut social dans l’organisation.
C’est ainsi qu’en situation d’anxiété, l’individu procède à de multiples rationalisations
qui font partie de son arsenal défensif. Il élabore des scenarii (de licenciements, de
flicage, de disparition des acquis sociaux…) souvent infondés. Cette fertilité imaginaire
est un moyen de restaurer un équilibre psychologique fragilisé.

Le second facteur renvoie à la relation que l’individu entretient avec l’entreprise


elle peut être qualifiée de résistance identitaire. En effet, l’organisation nourrit
l’individu en termes de représentation de lui-même. Et ce dernier construit son identité
et existe socialement à travers son travail, son appartenance à un monde (un service, un
métier) et à une entreprise. Le changement peut donc provoquer une remise en cause
profonde de l’identité de la personne en modifiant la nature de la relation qui la lie à
l’organisation. Les approches en termes de rupture du contrat psychologique sont, sur
ce point, révélatrices. Herrbach (1999) montre d’ailleurs que la violation du contrat
psychologique peut générer quatre types de réactions : la parole, le silence, le retrait et
la défection. La parole consiste à maintenir le contrat par l’échange. Le silence reste la
solution appropriée lorsque les termes ne sont pas négociables. Le retrait consiste à

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réajuster son apport en fonction de la réduction de l’apport de l’employeur. La défection,


manifestation extrême, se traduit par un départ de l’organisation. Ces comportements
dépendent toutefois de l’équilibre perçu entre les contributions de l’individu et de
l’organisation, de l’attribution de la responsabilité de la rupture et du sentiment de
justice dans la perception qu’a l’individu de la façon dont il a été traité par l’organisation.

Le troisième facteur relève d’une analyse en termes de jeux de pouvoir (Crozier et


Friedberg, 1977) qui peut être qualifiée de résistance politique. Ces auteurs notent
ainsi que « les acteurs […] ne peuvent jamais être réduits à des fonctions abstraites ou
désincarnées. Ce sont des acteurs à part entière qui, à l’intérieur des contraintes souvent
très lourdes que leur impose le système, disposent d’une marge de liberté qu’ils utilisent de
façon stratégique dans leurs interactions avec les autres. La persistance de cette liberté
défait les réglages les plus savants… ». En d’autres mots, les individus ne sont pas des
objets que l’on peut manipuler à travers un quelconque processus de changement. Ils
sont en mesure de l’infléchir et de l’orienter dans un sens qui leur est plus favorable. Les
individus ne sont donc pas automatiquement hostiles à rompre leurs habitudes : ils
soutiendront la réforme engagée tant qu’elle leur est profitable. En un mot, les acteurs
peuvent tout à fait accepter les objectifs de la réforme tant qu’elle ne remet pas en
question ce qui leur permet de rester maîtres de leur comportement. Et ils ne perçoivent
dans le changement un danger que lorsque celui-ci met en cause les conditions de leur
jeu, leurs sources de pouvoir et leurs libertés d’action en modifiant ou en faisant
apparaître les zones d’incertitude qu’ils contrô lent. Cela sous-entend finalement que la
résistance dépend de la connaissance et de la maîtrise qu’a l’acteur des enjeux et des
effets du changement.

Le quatrième facteur relève de l’influence du groupe appelé par Soparnot, 2013 :


résistance collective. Le comportement d’un acteur à l’égard du changement doit être
appréhendé par rapport au système social dans lequel il s’insère (Mayo, 1933). Or, le
groupe fonctionne selon des règles établies (normes, rites…). Leur intériorisation est si
forte que les membres « achètent » leur intégration en se conformant à ces règles.
Puisque le groupe détermine chez l’individu ce qui est bien et mal, ce qui est souhaitable
et non souhaitable, le changement peut se heurter à ce système et briser l’équilibre créé
par les normes. Lewin (1951), fondateur de la dynamique de groupe, a d’ailleurs
parfaitement montré que pour changer un individu, il fallait agir sur les normes du

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groupe. Les groupes ont même dans l’organisation une vie propre. Ils développent des
stratégies spécifiques que le changement peut compromettre et constituent à ce titre des
« lieux d’organisation » de la résistance. Les actions menées par des groupes officiels
(comme les syndicats…), afin de défendre des intérêts spécifiques (comme la défense
des intérêts des travailleurs…), en témoignent (Pemartin, 1987).

Le cinquième facteur est lié à la culture d’entreprise Soparnot la nomme résistance


culturelle. Toute entreprise revêt en effet une dimension symbolique, qui lui est propre
et la différencie des autres. Ces symboles forment la culture de l’entreprise, définie
comme l’ensemble des valeurs grâ ce auxquelles les membres d’une organisation
acquièrent une identité collective (Thévenet, 1986). La culture n’existe donc pas en
dehors des individus ; autrement dit, ceux-ci intériorisent les valeurs (ils en ont plus ou
moins conscience) et les partagent. Et c’est cela qui les unit. La culture tend donc à
conditionner et homogénéiser les attitudes et les comportements des acteurs en
forgeant leurs représentations, c’est-à -dire la manière dont ils signifient les situations et
les actions. Et c’est en fonction de ces significations qu’ils vont agir. Or, le changement
véhicule parfois des valeurs qui divergent avec celles de l’organisation. Les individus
peuvent alors combattre ce qui met en danger ce en quoi ils croient profondément.

Le sixième facteur concerne les connaissances et compétences des individus,


identifié par Soparnot : la résistance cognitive. Le changement impose en effet de faire
un apprentissage de techniques et de méthodes nouvelles. Comme le soulignent Crozier
et Friedberg (1977), « tout processus de changement est un processus d’apprentissage
c’est-à-dire de découverte voire de création et d’acquisition par les acteurs concernés de
nouveaux modèles relationnels, de nouveaux modes de raisonnement, de nouvelles
capacités collectives ». Or, celles-ci ne se décrètent pas mais se construisent bon gré mal
gré dans l’action. De plus, les acteurs n’ont parfois pas les qualifications et les
compétences pour effectuer ce qui leur est demandé. Cela est en phase avec le travail
pionnier de Coch et French (1948), qui posent que la frustration, mesurée par le taux
d’absentéisme, résulte de la difficulté des employés à effectuer leurs nouvelles tâ ches.

Le tableau suivant présente de façon synthétique les différents facteurs de la résistance


au changement.

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Tableau 2. Les facteurs et caractéristiques de la résistance au changement

Source : Richard Soparnot (2013)

Ainsi, face au changement, les comportements sont multiples. Le tableau suivant en


atteste :

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Tableau 1. Les comportements face au changement


Source : Bareil (2010).

IV/ La conduite du changement

É galement appelée Change Management, la conduite du changement consiste à


accompagner un projet de réorganisation de l’entreprise selon une méthodologie
spécifique.

Le projet de transformation peut concerner toutes les sphères de l’entreprise : la


conduite du changement peut par exemple accompagner la réorientation d’une partie de
l’activité, l’évolution des compétences de l’entreprise, la modernisation de l’outil de
production, la digitalisation des services etc. En général, il est perçu comme une
opportunité par l’ensemble de l’entreprise, qui le voit comme un moyen d’améliorer sa
gestion quotidienne et son efficacité.

S’il est bien opéré, le changement organisationnel se traduit notamment par une
réduction des coû ts et des sources de gaspillage, une amélioration des délais, une
satisfaction client ou une meilleure collaboration entre les équipes.

IV-1/Les grands modèles de la conduite du changement

La notion de conduite du changement est apparue avec les travaux de Kurt Lewin dans
les années 40. Ce psychosociologue américain avait travaillé pendant la Seconde Guerre
mondiale sur le changement des comportements alimentaires. Il avait montré qu'il était
plus facile de faire changer un groupe qu'un individu.

Parce que les membres du groupe échangeaient entre eux sur leur nouvelle manière de
faire, sur l'intérêt de tester le changement, et le groupe faisait ainsi évoluer les
normes, et permettait à celui-ci d'opérer le changement, à la différence de l'individu qui

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lui, pris isolément, n'a pas ce miroir de l'intérêt de changer. Il s’agit ainsi de l’expérience
des focus group de Lewin. Cet auteur montre qu'il y a des résistances au changement, et
que les personnes, en groupe, et en échangeant elles-mêmes sur les modalités de
réaliser le changement, vont faire évoluer les normes et ainsi lever les phénomènes de
résistance.

On appelle cela le paradigme sociologique du changement. C'est le sociologue qui


intervient, et la notion de changement est perçue comme une donnée sociologique,
véhiculée au travers du fonctionnement du groupe.

La notion moderne de conduite du changement est née à la fin des années 70, et au
début des années 80, avec les travaux de Rosabeth Moss Kanter. Cette auteure a un
célèbre modèle qu'on appelle la roue du changement. Dans cette roue, on voit les
principaux leviers de la conduite du changement : la communication, la formation,
l'accompagnement... qui sont des actions que l'on va mener auprès des bénéficiaires du
changement, pour leur expliquer le changement mais également pour les former à celui-
ci de telle manière qu'ils puissent l'implémenter, le déployer dans leur pratique
quotidienne. Ce modèle a été utilisé mais également généralisé par tous les grands
cabinets de conseil qui ont vulgarisé la notion de conduite du changement dans les
entreprises.

Jusqu'il y a peu, la notion de conduite du changement était essentiellement réalisée par


des consultants externes. Maintenant elle est réalisée par des consultants externes et
aussi des personnes en interne, que ce soit des consultants interne ou la ligne
managériale.

Les travaux de Moss Kanter sur la roue du changement, ont permis l'émergence de la
notion de conduite du changement. Cette méthode a été réalisée, pour les grands projets
informatiques de type ERP. Pour l'installation des progiciels de gestion intégrée, il était
nécessaire d'accompagner les utilisateurs parce que ces progiciels, modifiaient les
processus et il fallait travailler avec les bénéficiaires, sur le design des nouveaux
processus, et comment l'outil informatique allait les aider dans ces nouveaux processus.
De là est née la notion d'accompagnement du changement. On parle ainsi de conduite de
gestion instrumentale pour désigner ce deuxième grand modèle.

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

La démarche instrumentale de conduite du changement a une grande limite, qui a été


démontrée en autre par des auteurs comme Kotter. La conduite du changement,
instrumentale, vise à proposer des grands leviers, en mode projet. Mais quand est-il des
managers et du relais que ces derniers font auprès de leur équipe, des changements.

John Kotter a ainsi montré dès 1996 l'insuffisance des démarches instrumentales, qui
n'embarquaient pas assez les managers dans les projets de changement. Il a proposé une
démarche visant à former les managers à être des relais et des co-constructeurs du
changement. On passe dès lors de la démarche instrumentale à la démarche
managériale du changement, qui vise à former les managers, à être des relais du
changement sur le terrain.

Kotter dit : la personne qui est la plus écoutée par un salarié, c'est son chef. Et dans un
changement, le salarié ira obligatoirement vers son chef pour savoir ce que celui-ci en
pense, et comment celui-ci voit le changement au quotidien.

Donc, au lieu de penser le changement en termes de grands leviers qui seraient déployés
à l'occasion de projets, il faut aussi former les managers dans leur rô le. Cela a
profondément modifié les pratiques de conduite du changement. Parce que là , on a vu
aussi apparaître des acteurs qui étaient légitimes pour être ceux qui réalisaient la
conduite du changement, c'est-à -dire les managers mais également ceux qui les
formaient, comme les Ressources Humaines par exemple. Et dans ce modèle que l'on
qualifie de managérial de la conduite du changement, on voit l'embryon de
l'internalisation de la conduite du changement. Ce sont les managers en interne, qui
déploient le changement auprès de leur équipe à partir de compétences sur ce
thème. Ces compétences sont fournies par des programmes de formation élaborés, entre
autres, par les RH.

A partir des années 2005, on voit apparaître un modèle qui suit le modèle managérial de
la conduite du changement, qui est ce que l'on appelle le modèle Internalisant la
conduite du changement. En effet, les entreprises se dotent de cellules de conduite du
changement, avec des spécialistes internes, spécialistes qui vont accompagner
les projets, avec les grands leviers classiques de la conduite du changement, qui vont
aussi former les managers, mais qui vont également s'intéresser à la dimension
stratégique du changement. En élaborant ce que l'on va appeler des tableaux de bord de

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

la transformation, qui visent à s'assurer comment les objectifs stratégiques d'une


entreprise, sont déployés en grands projets mais en transformation sur le terrain,
permettant ainsi de construire la carte des transformations, le tableau de bord des
transformations, qui permettent à des dirigeants de savoir où ils sont de leurs projets de
transformation, de ce qui a été fait, de ce qui reste à faire, et également des zones
difficiles à traiter.

Donc on voit le modèle sociologique, le modèle instrumental, le modèle managérial, le


modèle expérientiel, le modèle internalisé, une évolution des grands modèles de
conduite du changement qui modifie profondément à la fois la définition même de la
conduite du changement, mais également les outils qui sont mobilisés pour cela.

Ces grands modèles ne sont pas opposés, ils se superposent. Ce n'est pas parce que l'on a
de la conduite du changement internalisée que l'on a plus de conduite du changement
instrumentalisée, et managériale. Et on voit, depuis peu, apparaître un autre modèle de
conduit du changement.

Une des critiques faites à la conduite du changement instrumentale, c'est qu'elle ne tient
pas assez compte des phénomènes de co-construction avec les personnes sur le terrain.
On dit souvent de la conduite du changement instrumentale, qu'elle produit une forme
de rhétorique, de discours, d'injonction du changement : « Il faut changer, c'est
important de changer, voilà comment il faut changer...

Ce dernier modèle est appelé le modèle expérientiel, qui vise à faire vivre des
expériences du changement aux personnes de telle manière que celles-ci comprennent,
au travers de cette expérience, à la fois l'importance du changement mais les modalités
de mise en œuvre. Ce qui lui permettra aux personnes qui vivent ces expériences de
passer ce que l'on nomme un point de bascule, où d'un seul coup on se dit c'est
possible, « je comprends, je vois ce qu'il faut faire ». Ces points de bascule vont non
seulement donner des manières opérantes au changement, mais créer de l'envie, de la
motivation des parties prenantes à la réalisation du changement.

On utilise beaucoup les ateliers participatifs, pour permettre aux personnes d'échanger
entre elles, ou avec d'autres personnes sur l'importance du changement, sur les
modalités du changement. Tout cela va permettre de la co-construction du

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

changement, mais aussi de l'envie de changer, de l'enthousiasme de changer, qui est


nécessaire pour réaliser quelque chose qui n'existe pas, de fait.

Ces quatre grands modèles et le dernier, qui émerge de plus en plus, montrent que la
conduite du changement n'est pas quelque chose de figé, c'est quelque chose qui évolue
dans le temps, en fonction des besoins, mais aussi en fonction de la maturité des
personnes à réaliser le changement.

On voit très bien du modèle sociologique au modèle expérientiel, toute la richesse que
l'on peut avoir, et toute la panoplie d'outils que l'on a, dorénavant, à disposition pour
réaliser la conduite du changement au quotidien.

V/ Les grands leviers de la conduite du changement

Ils sont au nombre de six.

1. Les diagnostics (il faut comprendre une organisation dans une situation de
changement).
2. La communication.
3. La formation,
4. L'accompagnement
5. Les ateliers participatifs
6. Le pilotage.

Les diagnostics consistent à comprendre une situation de changement afin de


déterminer les meilleures actions d'accompagnement de celui-ci. Concrètement, dans
une phase de diagnostic, Il faut produire des cartographies du changement. É galement
produire des cartographies des acteurs, mais aussi des diagnostics socio-
organisationnels, des analyses d'impacts, tous les éléments qui vont vous permettre de
caractériser un changement afin de déterminer quelles seront les meilleures actions
à envisager pour l'accompagnement de celui-ci, pour sa bonne réalisation,
mais également pour le bien-être de l'ensemble des personnes qui en bénéficieront.

Il est conseillé que la phase diagnostic se déroule en amont d'un projet, avant le
démarrage de celui-ci.

En pratique, bien souvent, tout ça se fait un peu en même temps. Mais il est important
d'essayer d'envisager cette phase de diagnostic le plus en amont afin effectivement de

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

pouvoir envisager des actions de manière prévue, afin de ne pas subir mais plutô t d'agir
sur des situations.

Dans cette phase de diagnostic, il y a quelques éléments sur lesquels on va regarder un


peu plus précisément :

On va regarder essentiellement la notion de résistance au changement, on va regarder


aussi comment le système qui va être impacté par le changement est prêt ou n'est pas
prêt au changement. On parle parfois de change readiness en anglais.

Toutes ces notions-là vont permettre de réaliser les actions d'accompagnement du


changement, mais également aussi de montrer à l'ensemble des parties prenantes
l'importance qu'il y a à conduire le changement, et que ce n'est pas quelque chose qui
vient en plus mais que c'est un élément qui est partie intégrante de la réalisation d'une
transformation.

Les diagnostics sont en général faits avec une petite équipe constituée des personnes du
projet, mais aussi de personnes de l'entreprise qui connaissent bien à la fois le
changement et le système dans lequel va être implanté le changement, afin de ne pas
faire d'erreur d'appréciation sur ce que l'on va appeler le système social.

On va essayer effectivement dans cette phase de diagnostic de comprendre les valeurs,


le système culturel, les irritants, les résistants, toutes ces petites notions-là que l'on
appelle souvent l'invisible social, qui ont leur importance et qui nécessitent des gens qui
connaissent extrêmement bien l'entreprise.

Donc on va faire participer ces personnes qui connaissent très bien l'entreprise, ou
sinon, si on ne dispose pas de ces personnes-là , il faut effectivement procéder à des
interviews, à des ateliers, pour recueillir toute cette matière.

La communication

Après la phase de diagnostic, on va passer dans une phase dite d'action avec différents
leviers. Un levier très connu et très classique est la communication.

La communication va consister à donner tous les éléments de langage aux


parties prenantes pour la bonne compréhension du projet mais également pour sa
réalisation.

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

Le changement c'est quelque chose de compliqué. C'est : on construit ce qui n'existe pas.
Et pour mettre les personnes et les bénéficiaires en situation de bien comprendre ce
qu'elles font, il faut être capable de projeter une cible, une destination, même si on sait
très bien que celle-ci évoluera avec le temps.

Et cet objectif-là est réalisé par la communication qui va consister à produire des
messages avec des médias à destination de cibles. Tout cela va constituer ce qu'on va
appeler une connaissance du projet de changement, une matérialisation, une
représentation du projet de changement. Ce terme est clé parce les gens vont agir en
fonction des représentations qu'ils ont d'un projet.

La formation

Parmi les grands leviers nous avons également la formation. La formation est un levier
classique de la conduite du changement. Très importante il y a quelques années, elle
tend à diminuer un tout petit peu, au profit de formes qui vont plus vers des ateliers
participatifs et des moments d'échange.

La formation va consister à lister l'ensemble des bénéficiaires du changement et à


définir des modules, des programmes pédagogiques permettant à ces mêmes
bénéficiaires non seulement de bien comprendre le changement, mais surtout de le
réaliser de manière opérationnelle dans leur activité.

Alors la formation a connu de grandes évolutions, on parle de blended, c'est-à -dire qu'il
n'y a pas uniquement la formation présentielle, on va associer à ces moments présentiels
des e-learning mais également des classes virtuelles, des MOOCs, et d'autres formes
pédagogiques alliant à la fois le présentiel, le distanciel, mais également le digital et
toutes les technologies modernes.

La formation demeure effectivement un élément clé parce que les parties prenantes sont
en attente de formation et qu'on leur délivre un comment faire le changement. Et bien
souvent c'est le rô le de la formation.

Le processus de formation consiste à définir les besoins de formation, à envisager les


contenus, et surtout à envisager les modalités pédagogiques pour faire en sorte que ces
contenus soient transmis aux bénéficiaires. On parle alors de plan de formation avec
toute la problématique de la logistique et du temps que les bénéficiaires devront allouer

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

à ces temps de formation. Et là , effectivement, il faut composer avec les contraintes de


terrain parce que, comme nous avons l'habitude de dire, pendant le changement
l'activité continue, et on ne peut pas dire dans une entreprise, tout s'arrête et
maintenant vous allez en formation, non.

Il faut composer habilement entre les contraintes de terrain, l'urgence du changement et


toute la qualité pédagogique que l'on va vouloir mettre.

Donc on va construire effectivement ce plan de formation et on va faire en sorte que


celui-ci soit déroulé pour l'ensemble des personnes concernées, avec un souci qui est la
construction des contenus de formation et la pérennisation de ces contenus de
formation dans le temps.

Tout l'enseignement qui va être donné, celui-ci doit être capitalisé parce qu'il évoluera
dans le temps mais aussi parce qu'il y aura de nouveaux arrivants qu'il faudra former.
Donc, plan de formation pendant le projet de changement, mais avec un souci de
pérennisation dans le temps.

L'accompagnement.

L'accompagnement est un grand levier de la conduite du changement. Cela consiste à


avoir une action opérationnelle, d'accompagnement des bénéficiaires sur le terrain. A la
différence de la formation et de la communication, on ne va pas gérer une action pour
tout le monde mais on va gérer un ensemble de petites actions en fonction des besoins
des personnes sur le terrain. Cela va être, tout simplement, un travail que l'on pourra
appeler de tutorat, de coaching sur une petite équipe pour lui apprendre à travailler
autrement, avec un logiciel par exemple, ou dans le cadre d'une nouvelle organisation.

Par accompagnement, nous entendons toutes les actions qui vont être menées de
manière ciblée sur des petits effectifs pour leur apprendre la notion de changement ou
pour effectivement, comme le nom l'indique, les accompagner dans cette notion de
changement. On va donc se retrouver durant la phase d'accompagnement avec un
portefeuille d'actions très concrètes, très différenciées en fonction des populations et de
leurs besoins, et là , on se dit jusqu'où on est en conduite du changement et jusqu'où on
est en gestion de projet. Il faut simplement s'accorder avec la gestion de projet pour qu'il
y ait une complémentarité entre les deux actions. L'accompagnement est le levier dont

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

les frontières sont un peu plus floues par rapport au projet mais par rapport à l'activité
opérationnelle. Il convient aux personnes en charge de la conduite du changement de
bien s'entendre à la fois avec les responsables projet mais à la fois avec les responsables
business, de ce qu'il est important de faire par rapport au changement envisagé et
pour que ça soit le plus profitable possible aux personnes qui sont sur le terrain. Encore
faut-il aussi que les personnes de conduite du changement aient la compétence pour
réaliser cet accompagnement, donc il n'est pas rare de voir dans l'accompagnement, de
créer des équipes mixtes, conduite du changement et activité, pour effectivement
réaliser toutes ces actions dites d'accompagnement.

Les ateliers participatifs

Parmi les leviers, nous avons ce que nous appelons les ateliers participatifs, on parle de
workshops également. Ce sont des temps pendant lesquels les bénéficiaires du
changement vont échanger entre eux ou via un script avec un animateur, sur à la fois
leur perception du changement, et les modalités de réalisation du changement. Les
ateliers participatifs sont clé dans ce qu'on appelle les démarches expérientielles de la
conduite du changement. Où le plus important n'est pas de dire ce qu'il faut faire et
pourquoi il faut le faire, mais de faire vivre une expérience aux personnes
concernées. Dans les ateliers participatifs, on va mettre les bénéficiaires en situation
d'expérience du changement. Ceux-ci vont à la fois exprimer leur ressenti, leurs besoins,
mais également s'interroger sur les modalités concrètes sur lesquels ils vont mettre en
œuvre le changement.

Les ateliers participatifs sont très proches des focus group de Lewin. Mais ils diffèrent
un tout petit peu parce que dans ces ateliers participatifs, il y a une structure, il y a une
structure. Ce n'est pas un bavardage, c'est un moment d'échange sur le changement avec
l'objectif d'augmenter la connaissance du changement. Et d'envisager de manière
concrète les manières par lesquelles celui-ci sera décliné sur le terrain.

Nous avons différents types d'atelier participatif : Il y a des ateliers participatifs dit de
catharsis, qui consistent à ce que les participants puissent donner leur ressenti à
propos d'un projet mais puissent aussi revendiquer des notions, puissent aussi
témoigner de certaines peurs, de certaines craintes. C'est un endroit où on peut tout dire
sur le changement, ce qui permet effectivement de faire en sorte que les

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

personnes verbalisent leurs peurs et ainsi en prennent conscience ou puissent


partager avec d'autres afin de se rendre compte que parfois elles ne sont pas
toujours fondées, et qu'il y a des solutions aux craintes qu'elles auraient pu mentionner.

Il y a aussi des ateliers brainstorming, qui visent à ce que les personnes co-
construisent le changement en proposant des choses dans une, avec des techniques de
brainstorming, qui consistent à ce que les propos des uns soient enrichis avec les propos
des autres.

Il y a également des ateliers exploration, qui sont bien sû r moins ouverts que les
ateliers brainstorming, qui visent à définir des idées de manière plus précise et sutout à
s'intéresser sur le comment. Donc là , à la différence de l'atelier brainstorming, onva pas
faire une liste de tout ce qui est possible, on va choisir quelques idées et on va
s'intéresser à comment les réaliser.

Et enfin, on a un dernier type d'atelier participatif, qu'on appelle l'atelier participatif


de décision. C'est un atelier de contractualisation, où on décide qui fait quoi comment et
quand et avec quelles obligations.

L'ensemble de ces ateliers-là , vont permettre au bénéficiaire de comprendre le


changement, de poser toutes les questions qui leur passent par la tête, de s'interroger
sur le comment, et aussi de commencer à dessiner des trajectoires opérationnelles du
changement.

Ces ateliers participatifs sont des ateliers très courts, réalisés avec un script avec un
animateur, souvent interne, avec l'objectif de co-construire le changement avec
les participants et surtout, de leur faire vivre un moment de changement.

Moment qu'ils pourront transmettre à leur équipe en reproduisant ce même atelier,


ou en réalisant un certain nombre d'actions qui auront été émises lors de l'atelier.

Les ateliers participatifs constituent un levier indépendant mais on les utilise de plus en
plus dans les autres leviers. On va les utiliser par exemple pour faire des diagnostics on
va les utiliser dans le cadre de la formation, on va les utiliser dans le cadre de
l'accompagnement et encore de la communication.

Le pilotage

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

Le dernier levier est le pilotage. On le présente en dernier, mais celui-ci intervient dès le
début. La notion de changement est compliquée en termes de pilotage. Parce qu'il y a
une action de changement qui aide le projet qui aide le business. Donc ce qui veut dire
que nous allons avoir en termes de pilotage des indicateurs sur la conduite du
changement, des indicateurs sur le projet et des indicateurs sur l'activité de business
récurrente.

On va s’intéresser uniquement aux indicateurs dit de conduite du changement, qui vont


permettre de savoir si les actions de conduite du changement qui sont réalisées sont
efficaces ou pas. Pour cela, nous utilisons de plus en plus ce qu'on appelle le modèle
ICAP.

Le I c'est pour information.

Le C c'est pour compréhension.

Le A c'est pour adhésion,

Le P c'est pour participation.

On va calculer un taux d'informations, un taux de compréhension, un taux d'adhésions


et taux de participation sur la population globale concernée par le changement, ou sur
des populations particulières. On obtient ces indicateurs à l'aide de questionnaires qu'on
administre auprès des personnes tous les trois ou six mois en fonction des projets. Et qui
vont nous permettre non seulement de calculer ces indicateurs, mais de voir leur
évolution dans le temps. Le taux d'informations va permettre d'évaluer la
qualité d'évolution d'informations. Est-ce que les gens sont informés par rapport au
projet, par rapport à son planning, par rapport à ses finalités, par rapport à ses
modalités.

Est-ce que les gens comprennent ce qu'il y a derrière le projet, c'est la notion de
compréhension. Qu'est-ce qu'ils comprennent du projet, de ses implications, de ses
enjeux?

Il y a un point pertinent : est-ce que les gens adhèrent au changement ? La notion


d'adhésion est toujours compliquée, parfois on parle de neutralité bienveillante. Et
comment adhèrent-ils, est-ce qu'ils adhèrent ou pas ? Il ne s’agit pas de chercher un
engagement massif, mais juste en référence à la neutralité bienveillante, de dire, ce

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

projet est intéressant et mérite qu'on y porte attention, et comme on dit simplement, ça
vaut le coup.

Est-ce que les gens participent au projet de changement ? Parce qu'entre les discours
du changement la réalisation il va y avoir ce que les gens vont faire concrètement pour
expérimenter pour tester des choses. C'est ce qu'on va appeler la participation.

Ça peut aller du simple fait d'aller en réunion, à tester quelque chose avec un client ou
sur le terrain ou sur le processus opérationnel. Donc cette notion de participation nous
permet d'évaluer si le changement est en cours.

Ainsi, le taux d’informations, le taux de compréhension, le taux d'adhésion, et le taux de


participation sont des éléments qui vont permettre de savoir si les grandes actions et les
grands leviers de diagnostic, de formation, de communication, d'accompagnement, les
ateliers participatifs, ont un effet positif sur les personnes concernées et si cela permet
au projet de se réaliser le plus rapidement possible et de réaliser les objectifs, et en
même temps de voir si tout cela va permettre, effectivement, d'avoir un impact sur le
business. Parce que la conduite du changement est au service de l'activité
opérationnelle, ce qu'on appelle le business.

On ne change pas pour changer, on change pour que les choses se fassent de la manière
la plus fluide possible, et en même temps pour qu'il y ait le maximum de résultats. En
termes de pilotage, il est possible de tracer un tableau de bord ICAP, voire même des
indicateurs de projet et des indicateurs d'activité.

Conclusion

Ce chapitre a permis de comprendre les concepts de base du changement


organisationnel et de faire un état des lieux de la littérature en conduite du changement
et de son évolution dans le temps. Cette synthèse des différents modèles vise à assoir les
bases théoriques de la conduite du changement pour mieux comprendre les outils et le
processus du pilotage d’un projet de changement.

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

Annexe : le Recueil des principaux modèles de la conduite du


changement

Kurt Lewin

Kurt Lewin a réalisé ses travaux à l'université de Berlin, ce point est important pour
expliquer ses travaux qui s'inspirent de la Gestalt théorie, en défendant l'idée que le tout
est davantage que la somme des parties qui le constituent. Mais les travaux de Lewin se
détachent également de ceux de cette école par son approche constructiviste de la
réalité.

Dans ces recherches, il accorde une grande importance au contexte, ainsi


qu'aux représentations que se font les individus des situations qu'ils vivent. Devenu
professeur à l'université de Berlin, il quitte l'Allemagne, en 1933, pour s'installer aux
É tats-Unis. Et c'est comme professeur à l'université de l'Iowa qu'il conduit ses
travaux fondateurs sur le comportement des individus au sein des groupes.

Aujourd'hui, Kurt Lewin est considéré comme pionnier dans la psychologie sociale par
l'introduction de son concept de la dynamique des groupes.

Ses principaux apports en matière de gestion du changement concernent l'analyse du


champ de forces en faveur et à l'encontre du changement, donc, la mise en évidence d'un
modèle de changement en 3 phases et la compréhension des dynamiques de groupe et
des styles de leadership. Ce sont ces 3 points que nous allons développer maintenant.

Pour Lewin, le groupe est un système en état quasi stationnaire.

Cet état, stable en apparence, est en fait maintenu en équilibre par des forces
opposées. Alors que les unes sont favorables au changement et les autres seront
favorables à la stabilité. L'état initial du groupe est maintenu en équilibre par ces
forces d'égales intensités et opposées les unes aux autres. Mais cet état est susceptible
d'évoluer à n'importe quel instant, parce que les forces qui le maintiennent en équilibre
ne sont ni stables, ni muables, c'est pour cette raison que cet état est qualifié de quasi
stationnaire.

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

Le changement d'état peut alors s'opérer de 2 façons. Tout d'abord, on augmente


l'intensité ou le nombre de forces favorables au changement. Ou alors, on diminue
l'intensité et le nombre de forces restrictives au changement.

Pour déterminer laquelle des 2 positions est la plus efficace pour faire
bouger l'organisation, Lewin réalise en 1943, sur la demande du gouvernement
américain, une recherche visant à amener les ménagères américaines à consommer des
abats. En effet, à cette époque, les abats étaient peu consommés, car considérés comme
dévalorisant et d'aspect peu appétissant. Les autres morceaux de viande étaient quant à
eux envoyés aux soldats sur le front de la guerre.

Pour conduire cette recherche, Lewin met en place un dispositif expérimental, visant à
comprendre comment influencer un groupe pour faire évoluer ses habitudes de
consommation. Deux méthodes sont alors mobilisées auprès de clubs et d'associations
féminines de ménagères, de petites villes américaines.

La première consistait à donner des conférences qui mettaient en évidence les mérites
nutritives des abats et donnaient des recettes. La deuxième proposait aux femmes
invitées, une rapide information puis ensuite de discuter ensemble du problème, à
savoir la consommation des abats, sous la direction d'une animatrice de groupe. Dans les
2 cas, l'expérience durait 45 minutes.

À l'issue de la réunion, Lewin demanda aux ménagères si elles étaient prêtes à


consommer des abats, la semaine suivante.

Si 33 % de celles ayant participé au groupe de discussion ont répondu positivement,


elles n'étaient seulement que 3 % pour celles qui avaient assisté à la conférence.

Une vérification, réalisée au domicile des ménagères une semaine après, a permis de
constater que la consommation des abats était 10 fois plus importante dans le second
groupe que dans le premier.

C'est donc en s'appuyant sur ces résultats que Lewin conclut qu'il est préférable de
conduire le changement en cherchant à diminuer les forces restrictives, c'est-à -dire la
position 3, plutô t que de chercher à augmenter les forces propulsives, c'est-à -dire la
position 2.

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

En effet, pour Lewin, les normes sociales liant les individus d'un même groupe, agissent
au sein du champ de forces comme des résistances au changement. Il est alors possible
de diminuer l'intensité de ces forces afin de changer l'équilibre du groupe, soit en
réduisant l'attachement des individus à la norme, soit en changeant la norme elle-
même.

L'entretien individuel ou la propagande de masse, comme celle réalisée par la


conférencière, laisse l'individu dans une situation solitaire et psychologiquement isolée.

Cette situation va favoriser les phénomènes de résistance aux changements.

Pour autant, selon Lewin, ces résistances tiennent plus à des facteurs collectifs tels que
la peur d'être écarté du groupe, qu'à des facteurs individuels et rationnels.

À l'inverse, la discussion et la prise de décision en commun, comme celle du groupe 2,


vont permettre d'augmenter l'implication des individus.

Cette implication peut alors susciter un mouvement collectif de changement des


comportements des individus au sein du groupe.

Ainsi, selon Kurt Lewin, pour conduire le changement, il est plus efficace de modifier les
normes du groupe, comme cela a été le cas dans le groupe 2, que de chercher à réduire
l'attachement des individus à ces normes, comme cela a été le cas dans le groupe 1.

Par ailleurs, contrairement au présupposé qu'un individu serait plus malléable que les
groupes, les travaux de Lewin mettent en évidence qu'il est plus évident de faire
changer des individus constitués en groupe, que des individus pris individuellement.

Dans ce cas, le groupe joue le rô le de réducteur de l'incertitude pour l'individu.

La deuxième contribution de Lewin sur le changement organisationnel concerne son


processus.

Kurt Lewin propose un modèle de changement en 3 phases :

La première phase vise à décristalliser les normes du groupe. Cette décristallisation


favorise l'abandon des comportements et des attitudes routiniers, afin de créer chez
l'individu une motivation à changer. Elle est rendue possible par la discussion, qui
permet comme dans l'expérience des abats, de remettre en cause les normes du groupe.
Elle va créer un déséquilibre à partir duquel l'individu est en mesure de s'ouvrir à

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

l'apprentissage de nouvelles normes. Ce déséquilibre repose sur l'insatisfaction de la


situation actuelle, qui déclenche des mécanismes d'inconfort, d'anxiété et d'insécurité
psychologique. Ainsi, la décristallisation favorise la prise de conscience, du besoin de
changer les comportements actuels, au profit de nouveau comportement.

La deuxième phase, celle de déplacement ou de mouvement, marque le changement


par la réduction des forces de résistance. Il s'agit d'une phase de transition, où l'on
expérimente de nouvelles pratiques.

Enfin, la dernière phase, celle de cristallisation, permet d'établir les nouvelles normes,
évitant ainsi tout retour à l'état initial susceptible de déstabiliser le nouveau champ de
force. Cette phase repose sur l'intégration de nouvelles habitudes dans le
changement quotidien, afin de rendre le changement permanent.

La principale contribution de Lewin à la compréhension des changements


organisationnels concerne le leadership. Pour Kurt Lewin, le manager, en tant que chef
d'un groupe, peut agir sur son fonctionnement, en fonction de la façon dont il exerce son
autorité sur le groupe. Lewin s'intéresse alors avec 2 collègues, Lippitt et White, à 3
styles de leadership différents.

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

Le premier, le leadership autoritaire, dirige les activités du groupe au moyen d'ordres


impératifs, il définit les objectifs du groupe et les moyens à mettre en œuvre pour
atteindre ces objectifs.

Le deuxième, le leadership démocratique, participe à la vie du groupe, mais sans


donner d'ordres. Il fait des suggestions, et encourage les membres du groupe à prendre
des initiatives. Il assiste également ses collaborateurs dans la fixation des objectifs et la
définition des moyens.

Le troisième style, le leadership permissif, apporte ses connaissances techniques au


groupe, mais ne s'implique que très peu dans les activités du groupe. Il laisse alors le
groupe agir à sa guise.

Les 3 chercheurs ont étudié l'influence de ces 3 formes de leadership sur le


comportement d'enfants, volontaires pour participer à des activités de groupe. Elle
montre tout d'abord que le leadership démocratique présente des résultats tout aussi
satisfaisants que le leadership autoritaire, bien qu'un peu inférieurs en termes de
quantité produite, mais meilleurs en termes de qualité. Par contre, avec le leadership
démocratique, des relations amicales et chaleureuses se tissent entre les membres du
groupe et le groupe devient capable de s'auto-diriger en l'absence de l'adulte. Le groupe
permissif, quant à lui, ne réussit pas particulièrement, aussi bien dans l'exécution au
travail que dans la satisfaction au travail. Les membres de ce groupe manifestent peu
d'indépendance vis-à -vis de l'adulte et coopèrent peu avec celui-ci. Avec le leadership
autoritaire, les auteurs observent 2 types de réaction :

La première, agressive, se manifeste avec des actes de rébellion et le désire d'attirer


l'attention de l'adulte. La seconde réaction, apathique, montre des enfants moins
critiques à l'égard de l'adulte. Mais lorsque le leadership autoritaire est remplacé par un
leadership démocratique, les enfants apathiques deviennent brutaux. Lewin et ses
collègues concluent alors que le leadership démocratique est bien plus performant que
les 2 autres formes de leadership, aussi bien en termes de rendement que de
satisfaction.

Selon eux, le leadership démocratique constitue un levier intéressant pour faciliter la


conduite du changement. Il permet d'introduire le changement par consensus social, et
s'appuie sur des débats ouverts, la recherche de diagnostic partagé, la définition

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

d'objectifs communs. Par contre, un leadership autoritaire qui s'appuie sur l'utilisation
contraignante du pouvoir, va récompenser ceux qui suivent le mouvement indiqué et
sanctionner les autres.

Si un tel leadership permet la rapidité d'exécution, le gain de temps initial est souvent
perdu en cours d'exécution du changement. En effet, à long terme, il est susceptible
d'entraîner des tensions, des affrontements et des rapports de force, qui ne favorisent
pas une réelle capacité à changer. Pour Lewin, ces résultats peuvent s'étendre à des
personnes qui sans avoir une position hiérarchique formelle, peuvent exercer leur
leadership sur les autres individus. Ces leaders d'opinion constituent des vecteurs
informels du changement à l'intérieur des groupes.

Lewin les qualifie de portiers du changement car ils peuvent influencer le comportement
des autres acteurs à l'intérieur du groupe.

Pour conclure, il est important de souligner que les travaux de Lewin font encore
référence en matière de conduite du changement. Son modèle en 3 phases est encore
très largement utilisé dans les projets de changement, conduits au sein de grandes
entreprises. La mise en avant du leadership démocratique est plus que d'actualité dans
les grandes entreprises, qui cherchent à manager par le sens et à mobiliser leurs
collaborateurs.

Rosabeth Moss Kanter

Kanter est un auteur reconnu pour son approche des changements organisationnels, en
s'appuyant sur les managers et sur les leaders. Son ouvrage, The change masters, où
elle présente la roue du changement, est considéré comme un des ouvrages les plus
influents du XXème siècle. Bien que ses domaines d'expertise soient multiples, passant
du management au leadership, par l'innovation, elle s'est très vite spécialisée sur l'étude
des changements organisationnels et sur les transformations des entreprises.

Elle propose une nouvelle vision de l'entreprise post-industrielle, comme une


organisation qui est plus flexible, avec relativement peu de niveau hiérarchique formel,
des frontières floues entre les unités, cette entreprise est adaptable à tous les

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Module Conduite du Changement
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Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

changements de l'environnement, elle est soucieuse de ses parties prenantes, aussi bien
de ses salariés que ses clients, ses fournisseurs ou ses actionnaires.

Une telle entreprise est en mesure de permettre aux personnes qu'elles emploient, de
prendre des initiatives et de les aider à améliorer leur employabilité. Bien sû r pour
arriver à ce type d'organisation, il est important que les entreprises s'engagent dans des
changements majeurs. Son modèle de roue du changement est donc un moyen pour ces
entreprises d'atteindre cet objectif.

Mais pour comprendre comment Kanter en est arrivée à proposer cette roue
du changement, 2 ingrédients sont essentiels.

Le premier concerne les résistances au changement. Kanter considère que les


personnes résistent au changement pour des motifs naturels et prévisibles, comme par
exemple la peur de perdre le contrô le, l'incertitude quant aux issues du changement, ou
encore parce qu'elles estiment manquer d'information quant au motif du changement, à
cause de la confusion qui apparaît lorsque trop de changements sont conduits
simultanément et viennent ainsi rompre les habitudes et les routines, ou encore pour ne
pas avoir à perdre la face ou apparaître stupide lorsque les changements engagés
viennent remettre en cause ce qu'elles faisaient précédemment. Pour Kanter, ces
résistances au changement apparaissent de façon plus marquée, lorsque le changement
n'est pas pris en compte par les managers.

En effet, et c'est le deuxième ingrédient de la réflexion de Kanter, les managers ont


un rô le central à jouer au cours des processus de changement, notamment pour réduire
les résistances. Pour autant, comme le souligne Kanter, de nombreux managers
assument leurs tâ ches sans être préparés à être agents du changement. Elle propose
donc à ces managers de suivre à certain nombre de principes fondamentaux, pour
développer la motivation et l'implication de leurs collaborateurs dans la mise en œuvre
du changement.

Parmi ces principes, on retrouve des choses assez simples, telles que souligner les
succès plutô t que les échecs, reconnaître et récompenser personnellement le travail
réalisé par les personnes et ce publiquement afin d'en augmenter l'impact, veiller à
établir un lien clair et non ambigu entre les réalisations et les récompenses, afin que les
personnes comprennent pourquoi elles sont récompensées et sur la base de quels

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Module Conduite du Changement
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Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

critères, reconnaître les reconnaissants, c'est-à -dire reconnaître les personnes qui
mettent en avant la contribution des autres au succès de l'entreprise.

Si ces principes visent avant tout à motiver et à impliquer les personnes, ils peuvent
avoir d'autres effets, comme la stimulation de l'innovation, le développement des
compétences individuelles, la transparence et l'honnêteté dans la relation.

Si le rô le des managers est essentiel dans la réussite des projets de changement, Kanter
pense également qu'ils ne sont pas les seuls à y contribuer. Elle estime que le leader du
changement est lui aussi central dans ce type de projet. Si ses convictions et la passion
qu'il porte pour les projets sont essentielles pour mobiliser les individus, elles ne sont
pas suffisantes pour garantir la progression du changement. À ce niveau, le leader doit
travailler en étroite collaboration avec les managers, chargés d'accompagner le
changement au quotidien. Cette étroite collaboration se construit autour du soutien que
le leader peut apporter au manager, par exemple en les formant à l'accompagnement au
changement, en mettant à leur disposition des ressources et des informations qui leur
seront utiles au moment voulu, lors du processus de changement.

Pour Kanter, une des erreurs classiques réalisées au cours des projets de changement,
est que le leader s'investisse beaucoup au début du processus et le délaisse par la
suite. Forte de ces réflexions autour des résistances et du rô le des managers et du
leader, Kanter propose une méthode de conduite du changement qu'elle appelle la roue
du changement.

Cette roue présente le changement comme un processus continu, ayant ni début, ni fin,
et qui peut être relancé à n'importe quel moment. Ainsi, à tout moment, tout processus
terminé peut être susceptible d'être relancé par un nouveau processus.

Aujourd'hui, la roue du changement qui est mobilisée dans de nombreux cabinets


de conseil et entreprises, repose sur 10 leviers opérationnels.

1) Le premier concerne le travail en commun. Ce travail permet aux acteurs du


changement de partager leur vision de la réalité et d'en construire une commune.

2) Le deuxième levier concerne la transmission régulière d'éléments d'appréciation sur


l'avancement du projet, fondés sur des points de repères ou jalons.

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Module Conduite du Changement
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Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

3) Le troisième levier a pour objet de mettre en place un système incitatif de


reconnaissance et de contribution de chacun.

4) Le quatrième levier vise à la mise en place de règles et de procédures pour


homogénéiser les pratiques au sein de la nouvelle organisation.

5) Le cinquième levier marque la volonté d'obtenir rapidement des progrès afin de


marquer l'avancée du changement.

6) Le sixième insiste sur le soutien inconditionnel des sponsors et des partisans du


changement.

7) Le septième levier met en avant la nécessité d'une communication forte accompagnée


au sein de l'organisation d'échanges de pratiques, pour favoriser l'enrichissement
mutuel.

8) Le huitième concerne la mise en place d'un plan de formation pour accompagner les
individus et les aider à acquérir les compétences nécessaires au sein de la nouvelle
organisation. Ce plan concerne tout aussi bien la formation des managers que des
personnels opérationnels.

9) Le neuvième levier marque l'importance de proposer des symboles et des signaux


qui éclairent le changement.

10) Le dixième et dernier levier concerne l'instauration d'un contrô le et d'un processus
de suivi du changement.

Ce sont ces 10 leviers qui composent la roue du changement. Ils s'organisent de façon
chronologique dans une suite d'étapes, commençant par le travail en commun et se
terminant par le contrô le. Kanter enrichit cette roue en s'intéressant à des dispositifs
très complets à mettre en place pour réussir les changements, elle s'interroge alors sur
l'intérêt qu'ont les managers à développer le travail en équipe. Contrairement aux idées
défendues dans de nombreuses organisations modernes, elle relativise ainsi
l'importance du travail en équipe comme étant l'outil qui permettrait à chaque individu
de se développer de façon optimale.

Au contraire, elle suggère que tous les projets et les tâ ches ne sont pas nécessairement
adaptés à un travail en équipe et que certaines d'entre elles devraient être prises en
charge par un travail individuel. Ainsi pour Kanter, il est important de développer à la

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Module Conduite du Changement
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Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

fois le travail en équipe et le travail individuel, en appliquant les modes de


fonctionnement de grands chefs d'orchestre. En effet, dans un orchestre, le travail
individuel et le travail en équipe constituent 2 axes importants pour développer une
musique harmonieuse. Kanter revient régulièrement sur l'analogie avec le chef
d'orchestre, en considérant le manager comme un chef d'organisation, qui conduit un
orchestre opérationnel où tous les musiciens viennent ensemble pour produire des
résultats collectifs et pour remplir leurs objectifs individuels.

Pour conclure, les travaux de Kanter contribuent nettement à améliorer


la compréhension du changement organisationnel. Son approche pragmatique permet
de dégager des conseils, des étapes et des principes qui vont être utiles lors de la
conduite des changements. Chaque agent de changement peut ainsi trouver dans ses
travaux, une source d'inspiration. Il apprendra à devenir un leader orienté relation,
ouvert aux approches collaboratives et individuelles, et qui consacre du temps à célébrer
les réussites et à les récompenser.

John Kotter

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

John Kotter, né en 1948, est actuellement professeur à la Harvard Business School. Ses
travaux font autorité en matière de conduite du changement, en expliquant les clés de
réussite des grandes entreprises qui ont su gérer le changement. C'est surtout son best-
seller, Leading and Change, qui l'a fait connaître à travers le monde. Dans cet ouvrage, il
expose son modèle en huit étapes pour conduire le changement, modèle qui est devenu
une référence en la matière. Les huit étapes de son modèle sont issues d'un long travail
de recherche conduit auprès d'une centaine d'entreprises dans les années 90.

Ce panel est composé d'entreprises, agissant dans des secteurs d'activité différents, de
tailles variées, implantées dans différents pays du monde et ayant connu des résultats
très variables. Son étude conclut que 70 % de ces entreprises échouent dans leur effort
de changement, notamment par manque de méthodologie en matière de conduite du
changement.

Pour construire son modèle, Kotter cherche avant tout à comprendre les résistances au
changement des individus. En effet pour lui, les changements ne se font pas
nécessairement dans les projets, mais plutô t par l'attitude adoptée par les individus et
par les managers. Il a ainsi identifié quatre motifs de résistance au changement pour
lesquels il a proposé des leviers d'action.

Le premier motif relève de l'intérêt individuel. L'individu a tendance au cours des


processus de changement à se concentrer sur son propre intérêt plutô t que sur l'intérêt
collectif de l'organisation.

Le deuxième motif traduit le manque de confiance de l'individu envers sa direction


et la méconnaissance qu'il peut avoir des objectifs du changement. Ainsi, l'individu va
s'appuyer sur ses expériences passées qui vont le pousser à résister.

Le troisième motif relève de la peur des individus de ne pas être capables de


développer les compétences et d'adopter les comportements attendus par leur
direction. Dans le dernier cas, les individus résistent au changement parce
qu'ils n'évaluent pas de la même façon que leur direction ou les managers les efforts
qu'il est nécessaire d'engager pour changer.

Sur la base de ces éléments et de son étude sur les projets de changement, Kotter
identifie huit étapes qu'il organise chronologiquement pour conduire le

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

changement. Les deux premières étapes permettent de préparer le changement en


créant un sentiment d'urgence et une coalition pour changer. La création d'un sentiment
d'urgence est nécessaire pour que les individus prennent conscience de la nécessité de
changer. En l'absence de ce sentiment d'urgence, les individus risquent, aux premières
difficultés rencontrées au cours du changement, d'opter pour une position de résistant.

Ce sentiment d'urgence permet donc de mobiliser les individus autour de l'idée d'un
changement bénéfique pour l'organisation. Il peut être engagé de différentes façons, en
communiquant par exemple sur les menaces actuelles ou potentielles, en élaborant des
scénarios catastrophes sur l'avenir de l'entreprise, notamment si elle ne change pas, ou
en faisant intervenir des parties prenantes, telles que des clients ou des consultants.

Pour Kotter, il est important de ne pas négliger cette étape, qui


conditionne l'engagement des individus et donc la réussite des changements à venir.

La seconde étape a pour objet de former une coalition. Selon Kotter, aucun dirigeant
aussi brillant soit-il, ne peut conduire le changement seul au sein de son entreprise. Il
doit aller chercher des ressources humaines pour l'aider à accomplir le
changement. Pour cela, Kotter propose de former une coalition qui regroupe des
personnes aux talents très divers, tels que l'expertise, le leadership naturel, la crédibilité
ou encore le pouvoir. Ces personnes doivent non seulement avoir la volonté de
changer, mais aussi la volonté de former une coalition très puissante. La première
mission de cette coalition sera alors de maintenir le sentiment d'urgence et de continuer
à propager l'idée d'un changement nécessaire.

Si ces deux premières étapes permettent de planter le décor, c'est au cours de la


suivante que le leader décide de ce qu'il va faire. Selon Kotter, il est impossible de
mobiliser les individus sur un changement si celui-ci ne propose pas une vision
ambitieuse et réaliste.

Cette vision constitue l'avenir de l'entreprise et représente aux yeux des individus la
promesse d'un avenir possible et envisageable. Elle va donc les motiver pour fournir
l'énergie nécessaire à l'engagement dans le changement.

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Module Conduite du Changement
3MGT IHEC
Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

Pour cette raison, cette vision doit être séduisante, attirante, mais surtout elle doit
fournir les bases, les fondations de la stratégie à venir de l'entreprise. Si elle peut
prendre la forme d'un slogan, elle doit surtout se décliner en objectif atteignable.

Si la formulation de la vision est importante, elle ne peut prendre corps dans l'esprit des
gens que si elle est communiquée.

Cette communication est la première étape qui permet d'enclencher le mouvement


de l'organisation. Mais il ne s'agit pas simplement de dire la vision, il s'agit aussi qu'elle
soit partagée par ceux qui vont la mettre en œuvre. Le rô le du leader sera alors d'être en
mesure de capter l'attention des personnes. Et pour cela, il faudra qu'il s'engage dans un
véritable effort de communication et de dialogue. Et si le choix du message et des médias
est essentiel, c'est surtout l'engagement du leader qui fera la différence, une façon pour
lui de montrer l'exemple.

La dynamique de changement ainsi enclenchée peut alors s'étendre lorsque les obstacles
au changement se lèvent progressivement et que les résultats à court terme se
dévoilent.

Selon Kotter, il est important que le leader s'attache à lever rapidement les obstacles à la
mise en œuvre du changement. La levée de ces obstacles doit permettre au manager et
aux opérationnels de mener à bien le changement au sein de leur unité. Il sera alors
peut-être nécessaire de faire évoluer un certain nombre d'éléments composant
l'organisation, comme par exemple sa structure, ses processus, les modes d'évaluation
du personnel, etc. Mais les obstacles peuvent aussi concerner les personnes encore
hostiles au changement. Il s'agira alors d'engager des actions permettant à ces
personnes de changer de vision sur le changement et de se faire une représentation du
futur de l'organisation.

Après la communication de la vision, le changement commence à s'opérer et il s'agit,


selon Kotter, de marquer les premiers résultats obtenus. En effet à ce stade, il est
important de maintenir la mobilisation des individus et donc d'obtenir des résultats
visibles rapidement, même si ce ne sont que des résultats intermédiaires. Ces victoires
rapides vont avoir pour vertu de montrer que "ça marche". Elles doivent être
suffisamment symboliques et matérialisables pour avoir un effet de généralisation
auprès de l'ensemble des collaborateurs. Le changement devient alors palpable, factuel

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Module Conduite du Changement
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Chapitre I. Fondements théoriques de la conduite du changement 2023/2024

pour l'ensemble des individus. Mais ces résultats à court terme, même s’ils sont
nécessaires, ne sont pas suffisants, il faut aussi persévérer.

Pour Kotter, il est important de ne pas crier victoire trop tô t. Il faut consolider le
changement et pour cela, il est important de l'accélérer. C'est alors l'occasion
d'entretenir la dynamique de changement en lançant de nouveaux projets selon un
rythme soutenu. Il faut alors élargir progressivement le changement à de nouveaux
domaines et rechercher l'amélioration continue.

Cette initiation sans relâ che de projets permet progressivement à la nouvelle


organisation de devenir une réalité. Il devient alors nécessaire de pérenniser le
changement. Cette révolution ne peut se faire qu'à la fin du processus de
changement, car les nouvelles valeurs ne peuvent que s'ancrer sur les nouvelles
pratiques et les succès démontrés. À l'issue de cette étape, le changement devient la
nouvelle norme, l'habitude.

Six ans après son best seller, Kotter propose un nouvel ouvrage, The Heart of Change.
Dans cet ouvrage, écrit avec Dan Cohen, il met en lumière un nouvel ingrédient à la
réussite des changements, les émotions des individus. Il montre ainsi que les individus
changent moins facilement quand ils font appel à leur logique, au calcul, que lorsqu'ils se
fondent sur leurs expériences et sur leurs émotions. Plus récemment, son dernier
ouvrage,

Alerte sur la banquise, met en scène les huit étapes au sein d'une allégorie qui raconte
l'histoire de pingouins sur la banquise. Cette colonie de pingouins qui vivait depuis des
années sur cette banquise, n'avait aucune raison de changer. Jusqu'au jour où Fred, peut-
être un pingouin un peu plus curieux que les autres, découvre que la banquise est en
train de fondre. Il décide alors de faire part de ses inquiétudes à Alice, l'un des membres
du Conseil des dix. La suite de l'histoire rend compte de leurs questionnements et de
leurs efforts pour convaincre les membres de la tribu qu'il est nécessaire de changer
leurs habitudes. Les héros de cette fable parlent de résistance au changement,
d'action héroïque, d'obstacles insurmontables et des tactiques pour les déjouer.

Pour conclure, Kotter avance que les changements ne se font pas dans les projets, mais
dans la posture que les managers adoptent au quotidien. Avec son modèle en huit
étapes, il met en avant le rô le structurant et hautement contributif du manager dans les

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processus de changement. Sa posture, sans s'opposer au projet, montre que celui-ci, s'il
n'est pas suffisamment relayé par les managers n'aura que peu de chances de réussir.

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