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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 40-783

Procédés de chimiothérapie régionale


dans les cancers du foie
P Lasser
D Elias

Résumé. – La chimiothérapie régionale dans les cancers du foie peut se faire par voie intra-artérielle ou par
voie portale.
La chimiothérapie intra-artérielle hépatique, moins toxique et plus efficace qu’une chimiothérapie systémique,
s’adresse essentiellement aux métastases hépatiques bilatérales, diffuses, localisées et non résécables. Elle
peut être continue ou discontinue. L’implantation du cathéter dans l’artère peut être effectuée par
laparotomie ou par des techniques moins invasives. En raison des variations anatomiques de la
vascularisation artérielle hépatique, une artériographie avant la mise en place du cathéter est indispensable.
Ceci permet la mise en place d’un cathéter unique, même en cas d’artère hépatique multiple, en y associant
des ligatures artérielles appropriées.
La chimiothérapie intraportale est utilisée en préventif. Elle s’adresse aux micrométastases indétectables par
l’imagerie traditionnelle. Elle est utilisée en adjuvant après résection d’un cancer colorectal. Le cathéter peut
être placé dans la veine ombilicale ou une veine tributaire du système splanchnique. Cette chimiothérapie
intraportale est habituellement de courte durée, postopératoire précoce.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Deux types de chimiothérapie régionale intra-artérielle peuvent être


utilisés :

Nous envisageons deux types de techniques de chimiothérapie – une chimiothérapie artérielle discontinue par l’intermédiaire d’un
régionale des cancers du foie : accès sous-cutané relié à un cathéter implanté dans l’artère
hépatique ;
– la chimiothérapie intra-artérielle ;
– une chimiothérapie artérielle continue par l’intermédiaire d’une
– la chimiothérapie intraportale. pompe Infusaid 400 (laboratoire Michel Frères).
Mais quelle que soit la méthode de perfusion utilisée, la technique
chirurgicale d’implantation du cathéter est rigoureusement la même.
Chimiothérapie intra-artérielle La voie d’abord peut être une sous-costale droite lorsqu’on a la
certitude que les lésions sont localisées au niveau du foie. En cas de
hépatique métastases hépatiques synchrones non résécables d’un cancer
primitif colorectal, il faut utiliser une voie d’abord médiane sus- et
sous-ombilicale permettant l’exérèse du cancer primitif et la mise en
PRINCIPES
place du cathéter. Cette cœliotomie médiane est préférable en cas de
Les tumeurs hépatiques sont surtout vascularisées par l’artère métastases hépatiques métachrones. Elle permet au mieux
hépatique alors que le parenchyme hépatique sain est à 80 % irrigué l’exploration de la cavité abdominale et l’exérèse d’une éventuelle
par le sang portal. Le fait de délivrer par voie artérielle hépatique récidive locale pelvienne ou lomboaortique qui peut être associée à
une chimiothérapie favorise donc une concentration des la mise en place du cathéter intra-artériel hépatique.
antimitotiques essentiellement dans les métastases et épargne ainsi
le foie sain et le reste de l’organisme. Il a été montré que la
VARIATIONS ANATOMIQUES ARTÉRIELLES
concentration lors d’une administration intra-artérielle de
5-fluorouracil (5-FU) dans la tumeur était cinq à 20 fois supérieure à Les variations anatomiques des artères hépatiques sont fréquentes [11]
celle observée dans le foie sain [1]. Ainsi, le foie sain et l’organisme et ont été classées en dix types par Michels (fig 1) [15]. Hiatt [12],
sont en partie préservés de la toxicité liée à l’administration de étudiant 1 000 artériographies hépatiques effectuées avant
l’antimitotique, permettant d’augmenter considérablement les doses transplantation, trouve une variation anatomique dans 25 % des cas
de chimiothérapie administrées et donc les chances d’efficacité avec et classe celle-ci en cinq types principaux (fig 2). Chuang et
le minimum d’effet d’intolérance périphérique. Wallace [4] proposent une classification différente en fonction des
variations anatomiques de l’origine de l’artère gastroduodénale
(fig 3). En effet, c’est cette artère qui est utilisée de façon
préférentielle pour mettre en place le cathéter intra-artériel. Ainsi,
Philippe Lasser : Chef du service de chirurgie digestive carcinologique.
Dominique Elias : Chef de service. avant toute implantation d’un cathéter pour chimiothérapie intra-
Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France. artérielle, il est nécessaire d’avoir une artériographie cœliaque et

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lasser P et Elias D. Procédés de chimiothérapie régionale dans les cancers du foie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Techniques chirurgicales - Appareil digestif, 40-783, 2000, 7 p.
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G CS 2 Variations anatomi-
ques de l’artère hépatique
Dt (d’après Hiatt). Analyse
de 1 000 artériographies.
GD : Artère gastroduodé-
nale ; Spl : artère spléni-
Spl que ; CS : artère coronaire
stomachique ; M sup : ar-
tère mésentérique supé-
rieure ; Dt : droite ; G : gau-
Type 1 A che.
GD A. Type 1 : normal,
75,7 %.
CS B. Type 2 : artère
G hépatique moyenne
Dt + artère hépatique gau-
che, 9,7 %.
C. Type 3 : artère
hépatique moyenne
Spl + artère hépatique
droite, 10,6 %.
D. Type 4 : pas d’artère
hépatique moyenne,
une artère hépatique
Type 2 GD B gauche, une artère hé-
patique droite, 2,3 %.
E. Type 5 : une artère
CS
hépatique unique droi-
G te née de la mésen-
Dt térique gauche, 1,5 %.

1 Variations anatomiques de l’artère hépatique (d’après Michels). Analyse de


200 artériographies selon la classification de Michels. Spl

mésentérique supérieure préopératoire puisque la disposition artérielle GD


classique n’existe que dans environ 60 % des cas. La connaissance
d’anomalies artérielles avant la laparotomie est très importante pour
le chirurgien, lui permettant de rechercher exactement les artères en M sup
surnombre et éventuellement de les lier en sachant que ces artères Type 3 C
peuvent être embolisées lors de l’artériographie.

TECHNIQUES D’IMPLANTATION PAR LAPAROTOMIE CS

¶ Anatomie classique G

Il s’agit d’une artère hépatique moyenne avec une artère Dt


gastroduodénale née de son tronc commun (60 % des cas) (fig 4).
Spl
Après l’ouverture du petit épiploon, le bord supérieur de l’estomac
et le bord supérieur du premier duodénum sont réclinés de manière
à découvrir l’artère gastroduodénale dans son trajet prépancréatique. M sup
L’abaissement du pylore et du premier duodénum est facilité par la Type 4
D
ligature première de l’artère pylorique. La ligature de cette artère est
systématique pour éviter l’apparition d’un ulcère chimio-induit. Il
faut lier tous les vaisseaux destinés au pylore et au premier CS
Dt
duodénum ; une dévascularisation complète du bord supérieur de
la région pyloroduodénale est indispensable pour éviter les
gastroduodénites chimio-induites [2, 16, 18]. La face antérieure du
pancréas étant exposée, l’artère gastroduodénale est disséquée sur 2 Spl
à 3 cm jusqu’à son origine au niveau de l’artère hépatique commune.
Elle est placée sur lacs. Il faut parfaitement disséquer son origine
pour permettre le bon positionnement du cathéter. Il est souvent
nécessaire de pratiquer l’exérèse d’un ganglion qui siège à la face
antérieure de l’artère hépatique commune et qui masque l’origine
Type 5 M sup E
de l’artère gastroduodénale ; ce ganglion est constant et plus ou
moins volumineux.
En revanche, il ne paraît pas utile de mettre l’artère hépatique postérieure de l’artère gastroduodénale et qui peut passer inaperçue
commune ni l’artère hépatique propre sur un lacs. L’artère si la squelettisation de l’artère gastroduodénale n’est pas complète.
gastroduodénale doit être parfaitement disséquée sur toutes ses L’artère gastroduodénale est liée distalement et clampée à son
faces, et en particulier, elle doit être libérée de la face antérieure du origine à l’aide d’un bull-dog. Une courte artériotomie longitudinale
pancréas, ce qui oblige à lier plusieurs artères à destinée permet l’introduction du cathéter. Celui-ci est préalablement rempli
pancréatique, en particulier l’artère pancréaticoduodénale de sérum physiologique, il est passé à travers la paroi abdominale
postérosupérieure qui naît des premiers millimètres de la face et relié, soit à un accès sous-cutané placé en position préthoracique

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Techniques chirurgicales Procédés de chimiothérapie régionale dans les cancers du foie 40-783

3 Variations anatomi-
ques de l’artère hépatique
et de l’artère gastroduodé-
nale (d’après Daly).
Analyse de 200 artériogra-
phies selon la classification
de Michels modifiée selon
l’origine de l’artère gastro-
duodénale (GD).

4 Cas habituels : une artère hépatique moyenne avec une artère gastroduodénale née
du tronc commun.
Détail : l’extrémité du cathéter affleure la lumière de l’artère hépatique.
Cy : artère cystique ; Py : artère pylorique ; PDS : artère pancréaticoduodénale supé-
rieure ; GD : artère gastroduodénale ; CS : artère coronaire stomachique ; HM : artère
hépatique moyenne ; Spl : artère splénique.

¶ Distribution artérielle différente (40 % des cas)

Artère hépatique moyenne d’où naît la gastroduodénale associée


à d’autres artères hépatiques
droite, soit à une pompe Infusaidt placée au niveau de la fosse
Il s’agit d’une artère hépatique gauche née de l’artère coronaire
iliaque droite. Le cathéter doit être introduit dans l’artère de manière stomachique ou d’une artère hépatique droite née de l’artère
à ce que son extrémité affleure très exactement la lumière de l’artère mésentérique supérieure ou les deux (fig 5).
hépatique. Il ne faut pas le pousser trop loin, son extrémité ne doit
Plusieurs attitudes ont été proposées :
pas flotter dans la lumière de l’artère hépatique car ceci est une
source de thrombose artérielle. Il est solidarisé à la paroi artérielle – soit, lier les artères hépatiques droite et/ou gauche et ne perfuser
par deux fils monobrins placés de part et d’autre du renflement que l’artère hépatique moyenne : on revient alors à la disposition
prévu à cet effet. Les nœuds ne doivent pas être trop serrés pour ne anatomique décrite précédemment ;
pas écraser le cathéter et gêner la perfusion. – soit, mettre en place plusieurs cathéters en sachant que la
Il faut pratiquer systématiquement une cholécystectomie pour éviter perfusion de l’artère hépatique droite née de la mésentérique
supérieure est délicate puisque cette artère n’a pas de collatérale
une cholécystite chimio-induite (20 à 30 % des cas) [7, 13, 17]. Certes,
(cf infra) ;
cette complication n’est pas inéluctable mais il n’est pas rare
d’observer au cours des perfusions de chimiothérapie des douleurs – soit, faire des anastomoses vasculaires complexes, en particulier
sous-costales qui sont de diagnostic extrêmement difficile si la entre l’artère hépatique droite et l’artère gastroduodénale [19, 20].
vésicule a été laissée en place lors de l’intervention. Cette En faveur de la première attitude, nous retiendrons les arguments
cholécystectomie est effectuée après la dissection de l’artère de Chuang et Wallace [4] qui ont montré que dès que l’on lie une
gastroduodénale et avant l’introduction du cathéter. Enfin, artère hépatique droite et/ou gauche en perfusant une artère
l’exploration de la pars condensas du petit épiploon est très hépatique moyenne, il se produit immédiatement l’ouverture de
soigneuse pour ne pas méconnaître une éventuelle petite artère shunt artériel intrahépatique entre les différents secteurs qui conduit
hépatique gauche née de la coronaire stomachique et qui peut être à une irrigation globale du foie à partir de la seule artère concernée.
méconnue malgré l’artériographie préopératoire. En faveur de la deuxième attitude, Niederhuber et Bach pensent
qu’en cas de ligature d’une artère primordiale droite ou gauche, la
La bonne perfusion du parenchyme hépatique est appréciée par revascularisation est assurée en partie par des artères périphériques
l’injection de fluorescéine ou de bleu de méthylène dans l’accès sous- (diaphragmatiques) qui ne sont pas intéressées par la perfusion de
cutané ou dans la pompe Infusaidt. Ce test coloré permet de vérifier chimiothérapie. Au cours de notre expérience, nous avons pu
l’homogénéité de la perfusion du foie et l’absence de perfusion vérifier le bien-fondé des travaux de Chuang et Wallace. En effet,
extrahépatique, en particulier pylorique et duodénale. Le cathéter toutes les fois que nous avons été amenés à lier une artère hépatique
est rincé sous pression avec du sérum hépariné à 500 unités/mL. droite née de la mésentérique supérieure et/ou une artère hépatique

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5 Une artère hépatique moyenne d’où naît l’artère gastroduodénale, associée


à d’autres artères hépatiques (gauche ou droite) qui sont liées.
Cy : artère cystique ; Py : artère pylorique ; CS : artère coronaire stomachique ; HM :
artère hépatique moyenne ; Spl : artère splénique ; HG : artère hépatique gauche ; HD :
artère hépatique droite ; MS : artère mésentérique supérieure. 6 Artère hépatique droite unique née de la mésentérique supérieure (rétropédiculaire
et sans collatérale).
gauche née de la coronaire stomachique, nous avons observé Mise en place d’un Holter-cathéter par artériotomie latérale (détail).
CS : artère coronaire stomachique ; Spl : artère splénique ; HD : artère hépatique
immédiatement en peropératoire que la perfusion de la totalité du droite ; MS : artère mésentérique supérieure.
foie était assurée par l’artère hépatique moyenne comme l’attestait
le test à la fluorescéine ou au bleu de méthylène. Dans notre étude
portant sur 200 cas de cathéters intra-artériels hépatiques, des 7 Artère hépatique droite
ligatures artérielles ont été effectuées dans 32 % des cas [8]. Dans née de la mésentérique su-
l’étude de Curley [6] portant sur 180 patients, des ligatures artérielles périeure. Technique propo-
sée.
hépatiques ont été effectuées dans 37 % des cas. Nous avons constaté
que les réponses objectives à la chimiothérapie intra-artérielle
hépatique ont été identiques dans le groupe de patients qui avaient
bénéficié d’une ligature artérielle par rapport aux patients qui
avaient une disposition artérielle normale et qui n’avaient pas
nécessité de ligature d’artère principale.
En conclusion, chaque fois qu’il y a une artère hépatique moyenne
associée à une ou à deux artères hépatiques droite ou gauche, nous
revenons à la disposition artérielle classique en liant ces artères, en
sachant que la dissection et la ligature de l’artère hépatique droite
née de la mésentérique supérieure ne sont pas toujours faciles ; elle
chemine en effet en arrière du pédicule hépatique et non sur son
bord droit et il est nécessaire de récliner la voie biliaire principale et
la veine porte pour la trouver. C’est dans ces cas que l’embolisation
de cette artère lors de l’artériographie préopératoire trouve tout son
intérêt.

Une seule artère hépatique droite née de la mésentérique


supérieure irriguant la totalité du foie (fig 6)
La difficulté technique est due à l’absence d’artère collatérale née de Trifurcation de l’artère hépatique moyenne
cette artère hépatique droite ; lorsqu’elle donne naissance à une
artère gastroduodénale, celle-ci ne peut être utilisée pour mettre en En cas de trifurcation de l’artère hépatique moyenne (en artère
place le cathéter du fait de sa position rétropancréatique. On a gastroduodénale et branche hépatique droite et gauche), il n’est pas
proposé l’utilisation d’un cathéter spécial (Holter-cathéter) introduit possible de placer le cathéter dans l’artère gastroduodénale. On
latéralement dans l’artère hépatique dont l’extrémité rétrécie flotte s’expose en effet à un risque de thrombose d’une ou des deux
dans la lumière artérielle, l’artériotomie étant enfermée par une branches hépatiques ou à un risque de perfusion préférentielle dans
bourse. Cette technique est en fait exposée à de nombreuses la branche droite ou dans la branche gauche. Pour pouvoir utiliser
complications (thrombose artérielle, extériorisation du cathéter). l’artère gastroduodénale, il faut que l’origine de celle-ci soit distante
Pour l’avoir utilisée plusieurs fois, nous préconisons une technique au moins de 1 cm en amont de la bifurcation de l’artère hépatique
peut-être plus complexe mais plus fiable en ce qui concerne les propre.
qualités des perfusions et leur facilité [9]. Elle consiste à disséquer, On a alors proposé de mettre en place le cathéter dans l’artère
dans le hile hépatique, la bifurcation de l’artère hépatique et après splénique, celui-ci étant poussé jusqu’à l’artère hépatique moyenne.
avoir libéré sur 1 à 2 cm la branche gauche, à utiliser celle-ci comme Il s’agit d’une technique difficile, parfois impossible car il existe une
une artère collatérale. On lie son extrémité distale et le cathéter angulation marquée entre l’origine de l’artère splénique et l’origine
introduit affleure la lumière de la branche droite au niveau de la de l’artère hépatique et, d’autre part, la position de l’extrémité du
bifurcation (fig 7). cathéter est difficile à apprécier en peropératoire.

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Techniques chirurgicales Procédés de chimiothérapie régionale dans les cancers du foie 40-783

8 Trifurcation artérielle.
Technique.
GD : artère gastroduodé-
nale ; Dt : droite ; G : gau-
che ; Spl : artère splénique ;
CS : artère coronaire stoma-
chique.

9 Sténose ostiale de l’ar-


tère hépatique commune.
Cathéter introduit dans
l’artère hépatique commune
en aval de la sténose.
GD : artère gastroduodé-
nale ; Dt : droite ; G : gau-
che ; Spl : artère splénique ;
CS : artère coronaire stoma-
chique ; Cath : cathéter.

10 Cathéter mis en place dans une artère hépatique gauche née de la coronaire sto-
machique.
Py : artère pylorique ; GD : artère gastroduodénale ; CS : artère coronaire stomachi-
C’est pourquoi nous proposons une technique plus simple (fig 8). Le que ; HM : artère hépatique moyenne ; Spl : artère splénique ; HG : artère hépatique
cathéter est introduit comme d’habitude dans l’artère gauche.
gastroduodénale, son extrémité affleure la lumière de l’artère
hépatique et on lie la branche de division gauche de l’artère technétium 99 et au macroagrégat d’albumine. Cet examen fait partie
hépatique commune. Les shunts intra-artériels hépatiques assurent intégrante de la technique, même si le test à la fluorescéine objective
la perfusion du territoire hépatique dépendant de l’artère liée. une parfaite perfusion du parenchyme hépatique et de lui seul. Dans
un certain nombre de cas, cette scintigraphie a mis en évidence une
Sténose ostiale de l’artère hépatique commune perfusion extrahépatique qui contre-indique la mise en route
Dans ce cas, la vascularisation du parenchyme hépatique est immédiate de la chimiothérapie intra-artérielle. Cette perfusion
effectuée à contre-courant par l’intermédiaire de l’artère extrahépatique est le témoin de la persistance d’une artériole à
gastroduodénale. Celle-ci ne peut donc être utilisée pour mettre en destinée pancréatique ou duodénale qui a été méconnue lors du
place le cathéter. En l’absence d’artériographie préopératoire, il faut temps chirurgical. Cette artère doit être, soit liée chirurgicalement,
se méfier d’une telle anomalie lorsque l’artère gastroduodénale soit embolisée avant de débuter la chimiothérapie si l’on veut éviter
paraît anormalement volumineuse et il faut s’assurer des possibilités une complication, et en particulier une ulcération duodénale.
de ligature de l’artère gastroduodénale en faisant un test de Enfin, cet examen doit être répété au cours de la chimiothérapie dès
clampage. Dans ces cas, le flux artériel gastroduodénal devant être qu’apparaît une symptomatologie anormale permettant, là encore,
conservé, le cathéter est introduit dans l’artère hépatique commune, de diagnostiquer une perfusion extrahépatique secondaire, soit à
celle-ci est liée en aval de la sténose et l’extrémité du cathéter une thrombose artérielle, soit à une thrombose du cathéter ou à un
affleure l’origine de l’artère gastroduodénale (fig 9) [6]. déplacement de celui-ci.
Artère hépatique gauche unique
Dans un cas, nous avons cathétérisé l’artère hépatique gauche. Il AUTRES TECHNIQUES D’IMPLANTATION
s’agissait d’un patient qui avait subi antérieurement une Pour éviter une laparotomie, d’autres techniques moins invasives
hépatectomie droite ; le cathéter a été introduit dans l’artère ont été proposées.
hépatique gauche en utilisant la partie distale de l’artère coronaire
stomachique ; celle-ci a été disséquée le long de la petite courbure ¶ Voies percutanées
gastrique, sa crosse a été individualisée et elle a été liée en aval de la Les techniques percutanées de cathétérisme de l’artère hépatique ont
pénétration du cathéter (fig 10). été utilisées par les radiologues. Les voies d’accès sont variées :
En conclusion fémorale, axillaire, humérale, tronc thoracoacromial [5]. Le cathéter
est introduit jusqu’au tronc cœliaque, il est placé dans l’artère
L’implantation d’un cathéter pour chimiothérapie intra-artérielle
hépatique commune et il flotte dans la lumière de l’artère. L’artère
hépatique nécessite une artériographie préopératoire, une dissection
gastroduodénale est embolisée ainsi que les artères à destinée
minutieuse des troncs principaux artériels si l’on veut éviter les
gastrique et duodénale (fig 11). Les complications observées sont
complications, en particulier les thromboses, les perfusions
plus fréquentes qu’après laparotomie, à type de déplacement (10 à
extrahépatiques ainsi que les perfusions partielles du parenchyme
40 % des cas), tout particulièrement lorsqu’on utilise la voie artérielle
hépatique. Dans notre expérience, un montage classique a été
humérale ou axillaire gauche, ces déplacements étant liés au
possible dans 68 % des cas, dans 32 % des cas un retour à un
mouvement du bras. La migration du cathéter s’observe dans 15 %
montage classique a été possible après section d’une artère
des cas. Enfin, le fait que le cathéter flotte dans la lumière artérielle,
hépatique droite et/ou gauche. Enfin, dans neuf cas seulement, une
expose plus aux thromboses artérielles que lorsque son extrémité
autre artère que l’artère gastroduodénale a été utilisée pour mettre
affleure la lumière de l’artère hépatique.
en place le cathéter.
¶ Contrôle postopératoire ¶ Utilisation de l’artère intercostale gauche
Une fois l’acte opératoire terminé et le cathéter mis en place, il faut Castaing [3] a décrit une technique évitant la laparotomie, le cathéter
avant de commencer la chimiothérapie, faire une scintigraphie au étant introduit dans la dixième artère intercostale gauche. Il est

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11 Voie axillaire artérielle Chimiothérapie intraportale


percutanée (d’après Cohen).
GD : artère gastroduodé-
nale embolisée ; Dt : droite ; PRINCIPES
G : gauche ; Spl : artère
splénique ; CS : artère coro- Contrairement à la chimiothérapie intra-artérielle qui a pour but de
naire stomachique ; Axil :
stériliser les métastases hépatiques non résécables, la chimiothérapie
artère axillaire ; A : aorte ;
Cath : cathéter percutané. intraportale a un but préventif. Les micrométastases hépatiques sont
vascularisées essentiellement par le système porte et l’introduction
de la chimiothérapie par voie portale a pour but de stériliser les
métastases hépatiques microscopiques infracliniques non détectables
par l’opérateur et par l’échographie peropératoire.

TECHNIQUES D’IMPLANTATION

Plusieurs veines du territoire splanchnique peuvent être utilisées


pour mettre en place le cathéter.

¶ Reperméabilisation de la veine ombilicale

Le ligament rond est sectionné à distance du parenchyme hépatique


et à l’aide d’un petit cathéter il est souvent possible de
reperméabiliser le cordon fibreux correspondant à la veine
poussé dans l’artère hépatique commune, via l’aorte et le tronc
ombilicale et d’obtenir ainsi un flux sanguin portal qui témoigne du
cœliaque. Son extrémité est placée au-delà de l’artère
cathétérisme de la branche gauche de la veine porte. Cependant,
gastroduodénale qu’il n’est plus nécessaire d’obturer et il flotte dans
cette technique n’est pas toujours possible et surtout la perfusion
la lumière artérielle.
portale risque de ne pas être homogène. En particulier, il peut y
avoir une perfusion préférentielle du foie gauche.
¶ Laparoscopie
L’implantation d’un cathéter intra-artériel hépatique dans l’artère ¶ Tronc gastrocolique
gastroduodénale par laparoscopie est possible [10]. Mais le nombre
de cas rapportés (trois patients) est actuellement insuffisant pour Le cathéter peut être placé dans le tronc gastrocolique de Henle.
permettre de valider cette technique. Après décollement coloépiploïque, on dissèque le tronc
gastrocolique, on isole la veine gastroépiploïque droite et la veine
¶ Avantages de la laparotomie colique supérieure droite. Le tronc de Henle et le bord droit de la
veine mésentérique supérieure sont disséqués. Le cathéter est
Ils nous paraissent supérieurs à ses inconvénients pour mettre en introduit, après ligature de son extrémité distale, dans la veine
place un cathéter intra-artériel hépatique pour chimiothérapie locale. colique supérieure droite. Son extrémité ne doit pas être poussée
– Elle seule permet un inventaire précis de la cavité abdominale. trop loin dans la veine mésentérique supérieure pour ne pas risquer
Il n’est pas rare de découvrir, au cours de l’intervention, une de perfuser une veine pancréatique. Il ne doit pas flotter dans la
carcinose péritonéale, des métastases ganglionnaires au niveau du lumière de la veine porte pour ne pas risquer une thrombose portale.
pédicule hépatique ou de la région cœliaque, voire une lymphangite La position idéale nous paraît être le tronc gastrocolique de Henle.
carcinomateuse, une récidive locorégionale pelvienne ou des Il est fixé par deux fils non résorbables. Cependant, cette technique
adénopathies lomboaortiques. Toutes ces lésions, si elles ne sont pas n’est pas toujours réalisable, en particulier après hémicolectomie
résécables, contre-indiquent la mise en place du cathéter intra- droite. Dans ce cas, on peut utiliser alors une veine colique gauche.
artériel hépatique ; en effet, la chimiothérapie intra-artérielle
La technique la plus simple nous paraît être l’utilisation de la veine
hépatique n’est justifiée que si les lésions sont strictement localisées
gastroépiploïque droite, non pas à sa terminaison au niveau du tronc
au niveau du foie.
gastrocolique de Henle, mais le long de la grande courbure
– Elle apprécie parfaitement l’importance de l’envahissement gastrique. La veine est séparée de l’artère, elle est liée distalement,
métastatique hépatique qui est souvent sous-estimé par la radiologie le cathéter est introduit sur 3 à 4 cm, il n’est absolument pas
conventionnelle. nécessaire de le pousser trop loin dans le système porte,
– Elle permet une cholécystectomie prévenant la cholécystite l’introduction de la chimiothérapie se faisant au « fil de l’eau ». Ce
chimio-induite qui s’observe dans 20 à 30 % des cas. cathéter est extériorisé à travers la paroi abdominale, il est branché
immédiatement sur une perfusion de sérum. Certains auteurs ont
– Elle permet une ligature soigneuse de toutes les branches préconisé le cathétérisme d’une veine jéjunale mais ces veines sont
artérielles destinées à la région antropylorique et au deuxième souvent de petit calibre, leur perfusion est difficile et surtout, les
duodénum, évitant les gastroduodénites et les ulcérations risques de mobilisation du cathéter nous paraissent beaucoup plus
chimio-induites. importants du fait du péristaltisme intestinal postopératoire.
– Elle permet une fixation parfaite du cathéter, évitant son Il faut contrôler la position du cathéter par une radiographie
déplacement. postopératoire avant de débuter la chimiothérapie intraportale,
– Enfin, le positionnement du cathéter dans l’artère celle-ci est postopératoire précoce et doit débuter à la 24e heure
gastroduodénale, dont l’extrémité affleure la lumière de l’artère postopératoire. Cette chimiothérapie dure 5 jours, le cathéter est en
hépatique, évite au maximum la thrombose artérielle hépatique qui général retiré sans difficulté au 10e-12e jour postopératoire ; nous
paraît plus fréquente lorsque le cathéter flotte dans la lumière n’avons jamais observé de complications liées à l’ablation de ce
artérielle hépatique. cathéter.

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Techniques chirurgicales Procédés de chimiothérapie régionale dans les cancers du foie 40-783

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