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Résumé. – La chimiothérapie régionale dans les cancers du foie peut se faire par voie intra-artérielle ou par
voie portale.
La chimiothérapie intra-artérielle hépatique, moins toxique et plus efficace qu’une chimiothérapie systémique,
s’adresse essentiellement aux métastases hépatiques bilatérales, diffuses, localisées et non résécables. Elle
peut être continue ou discontinue. L’implantation du cathéter dans l’artère peut être effectuée par
laparotomie ou par des techniques moins invasives. En raison des variations anatomiques de la
vascularisation artérielle hépatique, une artériographie avant la mise en place du cathéter est indispensable.
Ceci permet la mise en place d’un cathéter unique, même en cas d’artère hépatique multiple, en y associant
des ligatures artérielles appropriées.
La chimiothérapie intraportale est utilisée en préventif. Elle s’adresse aux micrométastases indétectables par
l’imagerie traditionnelle. Elle est utilisée en adjuvant après résection d’un cancer colorectal. Le cathéter peut
être placé dans la veine ombilicale ou une veine tributaire du système splanchnique. Cette chimiothérapie
intraportale est habituellement de courte durée, postopératoire précoce.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Nous envisageons deux types de techniques de chimiothérapie – une chimiothérapie artérielle discontinue par l’intermédiaire d’un
régionale des cancers du foie : accès sous-cutané relié à un cathéter implanté dans l’artère
hépatique ;
– la chimiothérapie intra-artérielle ;
– une chimiothérapie artérielle continue par l’intermédiaire d’une
– la chimiothérapie intraportale. pompe Infusaid 400 (laboratoire Michel Frères).
Mais quelle que soit la méthode de perfusion utilisée, la technique
chirurgicale d’implantation du cathéter est rigoureusement la même.
Chimiothérapie intra-artérielle La voie d’abord peut être une sous-costale droite lorsqu’on a la
certitude que les lésions sont localisées au niveau du foie. En cas de
hépatique métastases hépatiques synchrones non résécables d’un cancer
primitif colorectal, il faut utiliser une voie d’abord médiane sus- et
sous-ombilicale permettant l’exérèse du cancer primitif et la mise en
PRINCIPES
place du cathéter. Cette cœliotomie médiane est préférable en cas de
Les tumeurs hépatiques sont surtout vascularisées par l’artère métastases hépatiques métachrones. Elle permet au mieux
hépatique alors que le parenchyme hépatique sain est à 80 % irrigué l’exploration de la cavité abdominale et l’exérèse d’une éventuelle
par le sang portal. Le fait de délivrer par voie artérielle hépatique récidive locale pelvienne ou lomboaortique qui peut être associée à
une chimiothérapie favorise donc une concentration des la mise en place du cathéter intra-artériel hépatique.
antimitotiques essentiellement dans les métastases et épargne ainsi
le foie sain et le reste de l’organisme. Il a été montré que la
VARIATIONS ANATOMIQUES ARTÉRIELLES
concentration lors d’une administration intra-artérielle de
5-fluorouracil (5-FU) dans la tumeur était cinq à 20 fois supérieure à Les variations anatomiques des artères hépatiques sont fréquentes [11]
celle observée dans le foie sain [1]. Ainsi, le foie sain et l’organisme et ont été classées en dix types par Michels (fig 1) [15]. Hiatt [12],
sont en partie préservés de la toxicité liée à l’administration de étudiant 1 000 artériographies hépatiques effectuées avant
l’antimitotique, permettant d’augmenter considérablement les doses transplantation, trouve une variation anatomique dans 25 % des cas
de chimiothérapie administrées et donc les chances d’efficacité avec et classe celle-ci en cinq types principaux (fig 2). Chuang et
le minimum d’effet d’intolérance périphérique. Wallace [4] proposent une classification différente en fonction des
variations anatomiques de l’origine de l’artère gastroduodénale
(fig 3). En effet, c’est cette artère qui est utilisée de façon
préférentielle pour mettre en place le cathéter intra-artériel. Ainsi,
Philippe Lasser : Chef du service de chirurgie digestive carcinologique.
Dominique Elias : Chef de service. avant toute implantation d’un cathéter pour chimiothérapie intra-
Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France. artérielle, il est nécessaire d’avoir une artériographie cœliaque et
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lasser P et Elias D. Procédés de chimiothérapie régionale dans les cancers du foie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Techniques chirurgicales - Appareil digestif, 40-783, 2000, 7 p.
40-783 Procédés de chimiothérapie régionale dans les cancers du foie Techniques chirurgicales
G CS 2 Variations anatomi-
ques de l’artère hépatique
Dt (d’après Hiatt). Analyse
de 1 000 artériographies.
GD : Artère gastroduodé-
nale ; Spl : artère spléni-
Spl que ; CS : artère coronaire
stomachique ; M sup : ar-
tère mésentérique supé-
rieure ; Dt : droite ; G : gau-
Type 1 A che.
GD A. Type 1 : normal,
75,7 %.
CS B. Type 2 : artère
G hépatique moyenne
Dt + artère hépatique gau-
che, 9,7 %.
C. Type 3 : artère
hépatique moyenne
Spl + artère hépatique
droite, 10,6 %.
D. Type 4 : pas d’artère
hépatique moyenne,
une artère hépatique
Type 2 GD B gauche, une artère hé-
patique droite, 2,3 %.
E. Type 5 : une artère
CS
hépatique unique droi-
G te née de la mésen-
Dt térique gauche, 1,5 %.
¶ Anatomie classique G
2
Techniques chirurgicales Procédés de chimiothérapie régionale dans les cancers du foie 40-783
3 Variations anatomi-
ques de l’artère hépatique
et de l’artère gastroduodé-
nale (d’après Daly).
Analyse de 200 artériogra-
phies selon la classification
de Michels modifiée selon
l’origine de l’artère gastro-
duodénale (GD).
4 Cas habituels : une artère hépatique moyenne avec une artère gastroduodénale née
du tronc commun.
Détail : l’extrémité du cathéter affleure la lumière de l’artère hépatique.
Cy : artère cystique ; Py : artère pylorique ; PDS : artère pancréaticoduodénale supé-
rieure ; GD : artère gastroduodénale ; CS : artère coronaire stomachique ; HM : artère
hépatique moyenne ; Spl : artère splénique.
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40-783 Procédés de chimiothérapie régionale dans les cancers du foie Techniques chirurgicales
4
Techniques chirurgicales Procédés de chimiothérapie régionale dans les cancers du foie 40-783
8 Trifurcation artérielle.
Technique.
GD : artère gastroduodé-
nale ; Dt : droite ; G : gau-
che ; Spl : artère splénique ;
CS : artère coronaire stoma-
chique.
10 Cathéter mis en place dans une artère hépatique gauche née de la coronaire sto-
machique.
Py : artère pylorique ; GD : artère gastroduodénale ; CS : artère coronaire stomachi-
C’est pourquoi nous proposons une technique plus simple (fig 8). Le que ; HM : artère hépatique moyenne ; Spl : artère splénique ; HG : artère hépatique
cathéter est introduit comme d’habitude dans l’artère gauche.
gastroduodénale, son extrémité affleure la lumière de l’artère
hépatique et on lie la branche de division gauche de l’artère technétium 99 et au macroagrégat d’albumine. Cet examen fait partie
hépatique commune. Les shunts intra-artériels hépatiques assurent intégrante de la technique, même si le test à la fluorescéine objective
la perfusion du territoire hépatique dépendant de l’artère liée. une parfaite perfusion du parenchyme hépatique et de lui seul. Dans
un certain nombre de cas, cette scintigraphie a mis en évidence une
Sténose ostiale de l’artère hépatique commune perfusion extrahépatique qui contre-indique la mise en route
Dans ce cas, la vascularisation du parenchyme hépatique est immédiate de la chimiothérapie intra-artérielle. Cette perfusion
effectuée à contre-courant par l’intermédiaire de l’artère extrahépatique est le témoin de la persistance d’une artériole à
gastroduodénale. Celle-ci ne peut donc être utilisée pour mettre en destinée pancréatique ou duodénale qui a été méconnue lors du
place le cathéter. En l’absence d’artériographie préopératoire, il faut temps chirurgical. Cette artère doit être, soit liée chirurgicalement,
se méfier d’une telle anomalie lorsque l’artère gastroduodénale soit embolisée avant de débuter la chimiothérapie si l’on veut éviter
paraît anormalement volumineuse et il faut s’assurer des possibilités une complication, et en particulier une ulcération duodénale.
de ligature de l’artère gastroduodénale en faisant un test de Enfin, cet examen doit être répété au cours de la chimiothérapie dès
clampage. Dans ces cas, le flux artériel gastroduodénal devant être qu’apparaît une symptomatologie anormale permettant, là encore,
conservé, le cathéter est introduit dans l’artère hépatique commune, de diagnostiquer une perfusion extrahépatique secondaire, soit à
celle-ci est liée en aval de la sténose et l’extrémité du cathéter une thrombose artérielle, soit à une thrombose du cathéter ou à un
affleure l’origine de l’artère gastroduodénale (fig 9) [6]. déplacement de celui-ci.
Artère hépatique gauche unique
Dans un cas, nous avons cathétérisé l’artère hépatique gauche. Il AUTRES TECHNIQUES D’IMPLANTATION
s’agissait d’un patient qui avait subi antérieurement une Pour éviter une laparotomie, d’autres techniques moins invasives
hépatectomie droite ; le cathéter a été introduit dans l’artère ont été proposées.
hépatique gauche en utilisant la partie distale de l’artère coronaire
stomachique ; celle-ci a été disséquée le long de la petite courbure ¶ Voies percutanées
gastrique, sa crosse a été individualisée et elle a été liée en aval de la Les techniques percutanées de cathétérisme de l’artère hépatique ont
pénétration du cathéter (fig 10). été utilisées par les radiologues. Les voies d’accès sont variées :
En conclusion fémorale, axillaire, humérale, tronc thoracoacromial [5]. Le cathéter
est introduit jusqu’au tronc cœliaque, il est placé dans l’artère
L’implantation d’un cathéter pour chimiothérapie intra-artérielle
hépatique commune et il flotte dans la lumière de l’artère. L’artère
hépatique nécessite une artériographie préopératoire, une dissection
gastroduodénale est embolisée ainsi que les artères à destinée
minutieuse des troncs principaux artériels si l’on veut éviter les
gastrique et duodénale (fig 11). Les complications observées sont
complications, en particulier les thromboses, les perfusions
plus fréquentes qu’après laparotomie, à type de déplacement (10 à
extrahépatiques ainsi que les perfusions partielles du parenchyme
40 % des cas), tout particulièrement lorsqu’on utilise la voie artérielle
hépatique. Dans notre expérience, un montage classique a été
humérale ou axillaire gauche, ces déplacements étant liés au
possible dans 68 % des cas, dans 32 % des cas un retour à un
mouvement du bras. La migration du cathéter s’observe dans 15 %
montage classique a été possible après section d’une artère
des cas. Enfin, le fait que le cathéter flotte dans la lumière artérielle,
hépatique droite et/ou gauche. Enfin, dans neuf cas seulement, une
expose plus aux thromboses artérielles que lorsque son extrémité
autre artère que l’artère gastroduodénale a été utilisée pour mettre
affleure la lumière de l’artère hépatique.
en place le cathéter.
¶ Contrôle postopératoire ¶ Utilisation de l’artère intercostale gauche
Une fois l’acte opératoire terminé et le cathéter mis en place, il faut Castaing [3] a décrit une technique évitant la laparotomie, le cathéter
avant de commencer la chimiothérapie, faire une scintigraphie au étant introduit dans la dixième artère intercostale gauche. Il est
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40-783 Procédés de chimiothérapie régionale dans les cancers du foie Techniques chirurgicales
TECHNIQUES D’IMPLANTATION
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Techniques chirurgicales Procédés de chimiothérapie régionale dans les cancers du foie 40-783
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