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CAS PRATIQUE

Après quinze années de salariat pour son employeur, un salarié constate une nouvelle
loi sur la protection auditive des salariés dont il pourrait bénéficier. Malheureusement, le salarié
et l’employeur s’opposent sur le principe de rétroactivité de la loi. D’une part le salarié souhaite
bénéficier de la rétroactivité de la loi. D’autre part, l’employeur assure l’impossible application
des lois nouvelles aux contrats de travail en cours et refuse d’octroyer un nouveau droit à son
salarié. Ces opinions contradictoires imposent de s’interroger sur le principe de rétroactivité de
la loi (A), au regard des relations contractuelles (B) et précisément au regard de la relation
contractuelle de travail (C).

A) Le principe de rétroactivité de la loi

Face à une loi nouvelle, la question qui se pose est de savoir : Comment une loi nouvelle
va-t-elle s’appliquer dans l’ordre juridique ?

En droit, l’article 2 du Code civil, dispose que « La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle
n'a point d'effet rétro actif ». Ce principe est d’ordre public. En cela, comme le rappelle la
troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 novembre 1984 (n°83-
14.566), les lois nouvelles entrées en vigueur s’appliqueront immédiatement aux situations non
contractuelles en cours.
Cependant, les lois peuvent contenir des dispositions transitoires prévoyant la rétroactivité
de la loi. Selon la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 décembre
2009 (n°08-20.570), ces dispositions transitoires doivent mentionner expressément la
rétroactivité de la loi.

En l’espèce, une loi nouvelle est intervenue et impose aux employeurs de l’édition de
donner gratuitement, chaque année, aux salariés des casques anti-bruit. Aucune information
n’est transmise quant à d’éventuelles dispositions transitoires sur l’application de la loi, ni sur
l’état de la loi.
Néanmoins, il est certain que le salarié demandeur des casques anti-bruit travaille depuis
quinze années dans une imprimerie.

En définitive, considérant que la loi est promulguée et entrée en vigueur, cette nouvelle loi
mettant à la charge de l’employeur une nouvelle obligation n’aura d’effets que pour l’avenir.
En ce sens, il semblerait que le salarié remplissant l’unique condition de travailler dans le
secteur de l’édition pourra bénéficier à compter de l’année en cours des nouvelles dispositions
de la loi mais ne pourra pas bénéficier rétroactivement de la distribution de ces équipements de
protection.
Dans l’hypothèse où la loi serait seulement promulguée, les règles relatives à la rétroactivité
de la loi s’appliqueront à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

B) L’exception au principe de rétroactivité de la loi dans les relations contractuelles


Ainsi, par principe, la loi ne dispose que pour l’avenir. Cependant : Une loi nouvelle
s’applique-t-elle pour l’avenir aux relations contractuelles formées avant l’entrée en
vigueur de la loi ?

En droit, selon l’article 1101 du Code civil, un contrat est « accord de volontés entre deux
ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». En
présence d’une situation contractuelle, la jurisprudence, notamment la cour de cassation dans
un arrêt de principe en date du 15 juin 1962, a posé le principe selon lequel la loi ancienne est
applicable aux contrats conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle quand
bien même cette loi serait d’ordre public.
Ainsi, les juges de la Cour de cassation soulignent dans un arrêt du 12 juin 2013 (n°12-
15.688) : sauf si le législateur l’a expressément décidé, une loi nouvelle ne s’applique pas aux
actes juridiques conclus avant son entrée en vigueur.

En l’espèce, comme précité, aucun élément ne permet d’établir la présence au cœur de cette
nouvelle loi de dispositions transitoires.
Par ailleurs, le demandeur est un salarié depuis quinze ans. Ceci implique nécessairement
qu’il a conclu un contrat de travail avec son employeur. En ce sens, le salarié et l’employeur
sont au cœur d’une relation contractuelle à laquelle par exception à l’application de la loi pour
l’avenir, la loi ancienne subsistera pour régir les relations.

En définitive, le salarié et l’employeur étant liés par un contrat, la loi nouvelle imposant à
l’employeur l’obligation de fournir des équipements de protection à ses salariés ne semble pas
s’appliquer. Cette loi semble n’être ni applicable rétroactivement ni applicable pour l’avenir du
contrat conclu. A l’inverse, c’est la loi en vigueur au jour de la conclusion du contrat qui reste
applicable. Le salarié semble ne pas pouvoir bénéficier de la distribution des casques anti-bruit.

C) Le particularisme de la relation salarié – employeur

Force est de constater que les relations contractuelles sont régies par la loi en vigueur au
moment de la conclusion du contrat. Pour autant : Une loi nouvelle peut-elle s’appliquer
immédiatement aux relations contractuelles professionnelles entre un salarié et un
employeur ?

En droit, les juges de la Cour de cassation ont développé une jurisprudence constante
imposant l’application immédiate des lois nouvelles aux contrats de travail. Premièrement,
selon les juges de la chambre commerciale dans un arrêt du 3 mars 2009 (n°07-16.527), des
considérations d’ordre public particulièrement impérieuses justifient une application immédiate
de la loi nouvelle. Par ailleurs, la chambre sociale a affirmé dans un arrêt du 12 juillet 2000
‘n°98-43.541) que « l’ordre public social impose l’application immédiate aux contrats de
travail en cours et conclus avant leur entrée en vigueur des lois nouvelles ayant pour objet
d’améliorer la condition ou la protection des salariés. » Ainsi, les effets à venir d’un contrat
de travail seront soumis à la loi nouvelle dès son entrée en vigueur.

En l’espèce, comme précité, le demandeur salarié d’une imprimerie est dans une relation
contractuelle de travail avec son employeur. Par ailleurs, la loi nouvelle vise une amélioration
des conditions de travail et de la protection du salarié. En effet, cette loi impose la distribution
de casques anti-bruit aux salariés. Ceci permet une atténuation des nuisances sonores pour les
salariés et un meilleur confort de travail. Cependant, l’appréciation de l’amélioration des
conditions de travail ou de la protection des salariés est souveraine aux juges du fond.

En définitive, face à une entreprise usant de machines éventuellement bruyantes pour son
exploitation une loi imposant la distribution de casques anti-bruit paraît répondre à
l’amélioration des conditions ou de la protection des salariés. Dans cette hypothèse, la loi
nouvelle serait applicable pour les effets futurs du contrat de travail. Ainsi, le salarié pourra
obtenir un casque anti-bruit pour chaque année à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Dans
l’hypothèse contraire la loi applicable lors de la conclusion du contrat régira les effets de ce
contrat.

En somme, selon l’appréciation souveraine des juges du fond, le salarié pourra soit bénéficier
d’un casque anti-bruit par année à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Soit il ne
bénéficiera pas de la loi nouvelle et n’obtiendra aucun casque au cours de son contrat de
travail. En tout état de cause, la loi nouvelle ne sera pas rétroactive, et le salarié n’obtiendra
pas une quinzaine de casques.

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