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Université Centrale

Niveau : Troisième année Orthophonie / 2023-2024

M atière : Psychologie Sociale

Enseignant : Sami Harakati

La psychologie sociale

La psychologie sociale a pour objet l’interaction des influences sociales et des personnalités
singulières et aussi les relations des individus entre eux et des groupes entre eux » (Jean
Maisonneuve). Si l’expression « psychologie sociale » a été employée dès la fin du siècle
dernier, les travaux donnant naissance aux études actuelles sont tous postérieurs à 1925.

Si l’expression « psychologie sociale » a été employée dès la fin du siècle dernier, les travaux
donnant naissance aux études actuelles sont tous postérieurs à 1925.

Dès son origine, la psychologie sociale doit faire face à deux positions extrêmes : la première
consiste à expliquer entièrement un individu par la société dans laquelle il vit. C’est la thèse
que défend Durkheim en 1898.

Elle marquera encore fortement les culturalistes (Malinowski, M. Mead) qui tentent de
démontrer combien les primitifs de Mélanésie ou de Nouvelle- Guinée sont le produit de leur
culture. La deuxième est d’expliquer entièrement le groupe par l’individu.

Souvent, les raisons de ces prises de positions extrêmes viennent plus d’une arrière-pensée
visant à préconiser ou transformer telle ou telle organisation sociale au détriment d’une
observation objective et rigoureuse, comme l’œuvre de Le Bon sur la psychologie des foules
(1915) qui était entachée de jugement moral. Les travaux actuels visent à employer des
méthodes qui ne puissent être influencées par leurs utilisateurs et qui ne préjugent pas des
résultats qu’elles permettront d’atteindre.

La psychologie sociale a employé des « modèles » empruntés à d’autres formes de


psychologie comme les « attitudes » (psychomotricité), d’autres comme ceux utilisés par la
communication (information, voies et réseaux de communication). Un autre modèle est
emprunté aux gestaltistes : perception du monde par autrui, forces en jeu dans les
transformations et l’équilibre des structures sociales.

1
L’étude des groupes sociaux devient possible avec l’hypothèse selon laquelle l’action des uns
sert de stimulus aux réactions des autres et vice versa, les groupes se différenciant de
situations collectives ponctuelles.

On étudiera les rôles individuels dans le groupe nés des besoins de chacun, les rôles sociaux
(politiques, professionnels…), celui du leader. Bales établit une échelle célèbre permettant de
situer les attitudes, coopérantes ou non, de tout individu procédant à une tâche collective ou à
une discussion.

L’intérêt pour les opinions et les attitudes vont permettre de développer l’étude de l’opinion
publique en un moment donné. Propagande, publicité, partis politiques vont l’utiliser. Les
sondages, avec l’aide des statistiques et sous condition d’un échantillonnage rigoureux et
significatif de la population étudiée, vont être pratiqués largement, analysant les désirs des
consommateurs ou les choix politiques, en des opérations ponctuelles.

Après avoir porté sur un petit nombre de questions, ces sondages, avec un nombre plus
important de questions, ont tenté d’étudier des phénomènes plus complexes (racisme,
sexisme…).

Le gestaltiste Lewin étudie les groupes restreints et ce qu’on appelle la dynamique des
groupes : tous les facteurs affectifs, opératoires et fonctionnels, qui renforcent la cohésion
d’un groupe, sont passés au crible. Les styles de conduite directive ou non directive de son
chef, le conformisme ou la déviance des participants, leur degré d’implication, le langage et
les fantasmes communs, les possibilités et conditions de changement sont analysés.

Depuis longtemps, l’entreprise avait été le champ d’observations et d’actions dérivées


directement de la psychologie sociale. Dès 1927, la fameuse expérience de Mayo a lieu dans
une usine américaine employant 29 000 ouvriers. Il y crée un atelier expérimental spécial où
les conditions de travail, la relation avec le contremaître, le respect et l’écoute de chacun sont
tels que le « climat » se transforme et le rendement augmente. Actuellement beaucoup
d’actions sont dirigées vers les entreprises pour les rendre plus humaines et en même temps
plus performantes.

Contemporain de Lewin, Moreno, psychiatre roumain exerçant à Vienne puis émigré aux
États-Unis, fonde la sociométrie. Il invente une technique qualitative permettant de décrire,
avec des méthodes statistiques, les liens et les répulsions qui existent entre les individus d’un
groupe restreint : le sociogramme. Il invente également une méthode de psychothérapie, le

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psychodrame, par laquelle un groupe de patients, dirigé par un clinicien, peut extérioriser ses
conflits anciens ou actuels, chacun jouant un rôle révélateur dans la pièce dramatique ainsi
improvisée.

UNE CARTOGRAPHIE DE LA COMPLEXITÉ HUMAINE

LA SPIRALE DYNAMIQUE (Clare W. Graves1 )

Il peut sembler présomptueux de vouloir cartographier l’ensemble des valeurs humaines.


Après tout, nous sommes plus de six milliards sur Terre et chacun d’entre nous a sa
spécificité.

La Spirale Dynamique relève le défi en distinguant trois strates de valeurs que nous allons
décrire en allant des plus extérieures et apparentes aux plus profondes. Les valeurs de
surface sont celles dont chaque individu est conscient et qu’il manifeste au quotidien. Elles
sont parfois formulées ouvertement, dans des conversations, des discours politiques ou des
plaquettes commerciales précisant la mission d’une entreprise. C’est au nom des valeurs de
surface que les êtres humains suivent des codes vestimentaires, participent à des rituels,
obéissent à des règles sociales, choisissent un métier ou une entreprise, ou se battent entre
eux.

Elles sont fondées sur des traditions, des religions, des lois, une réflexion éthique personnelle,
ou parfois un mélange de ces divers éléments. Derrière les valeurs de surface, existe une
deuxième strate : les valeurs cachées, qui appartiennent à deux catégories. Les premières sont
des valeurs masquées(1). Elles s’utilisent dans des circonstances où des valeurs de surface
sont émises en sachant pertinemment qu’il ne s’agit que d’un moyen d’atteindre un objectif.
Les valeurs masquées sont conscientes et relèvent soit du machiavélisme et de la
manipulation, soit d’un mécanisme de protection.

Par exemple, les Indiens Tarahumaras2 vivent dans les montagnes du Chihuahua, au Mexique.
Les Espagnols ont tenté de leur imposer leur manière de vivre, et les missionnaires jésuites
ont voulu faire de même avec leur religion. Les Tarahumaras ne sont pas un peuple
querelleur, et ils sont donc devenus chrétiens : aujourd’hui encore, ils célèbrent la messe tous
les dimanches, même si elle ne dure pas plus de dix minutes, et leur fête la plus importante a

1
Né le 21 décembre 1914 à New Richmond, Clare W. Graves a obtenu en 1940 une licence en Mathématiques
et Sciences générales, avant de s’orienter vers la psychologie (maîtrise en 1943, doctorat en 1945).
2
Les Tarahumaras de Chihuahua, documentaire d’Alain Bourrillon et Javier Perez Solano, France, 2000.

3
lieu à l’occasion de la Semaine Sainte. Dans, cette célébration appelée Noliruachi (« Quand
nous marchons en cercle »), les forces du mal sont représentées par des hommes couverts de
boue, appelés les Pharisiens, et qui en fait symbolisent les hommes blancs, impudents,
grossiers et agressifs. Le mal sera balayé pour la plus grande gloire de Dieu et de la Vierge
Marie, en fait le soleil et la lune. Il s’agit donc en réalité d’une belle fête païenne fort arrosée
de bière de maïs. En masquant leurs valeurs, les Tarahumaras ont réussi à survivre jusqu’au
XXIe siècle, alors qu’ils auraient vraisemblablement été exterminés s’ils n’avaient pas adopté
des valeurs de surface différentes de leurs valeurs réelles.

La deuxième catégorie de valeurs cachées est constituée de valeurs qui ne sont pas formulées(2), mais
qui sont présupposées connues : les valeurs implicites. Dans toute famille, toute organisation, toute
société existent des valeurs non dites que tout le monde se doit de respecter. Par exemple dans une
entreprise, on parle d’une culture de l’entreprise ; pour être accepté, il ne suffit pas de faire
convenablement son travail ; il est tout autant nécessaire d’être capable de percevoir cette culture, de
l’accepter et de l’assimiler et enfin de s’y conformer.

Prenons un exemple emprunté à G. Clotaire Rapaille3 Dans de nombreux pays, fabriquer des
produits de qualité est un impératif, mais la signification du mot qualité est une valeur cachée
implicite. Chaque contrée a sa propre définition et, faute de comprendre celle-ci, il est difficile
d’y vivre et d’y travailler. Pour les Américains, un produit est de qualité s’il fonctionne ; il
n’est pas réellement souhaitable qu’il dure longtemps car sinon quel prétexte auraient-ils pour
le remplacer ? Les Allemands considèrent que la qualité réside dans le respect des normes et
des standards. Les Japonais visent la perfection. Quant aux Français, ils ne distinguent pas le
concept de qualité et celui de luxe.

La troisième strate est celle des valeurs profondes. Elle diffère des valeurs au sens quotidien
du terme, mais décrit des structures permettant d’accueillir les valeurs de surface et les valeurs
cachées. C’est ici que se positionnent les niveaux d’existence de la Spirale Dynamique :
quelles que soient les valeurs de surface ou les valeurs cachées, elles appartiennent à une des
huit grandes catégories identifiées à ce jour. Des changements considérables peuvent avoir
lieu au niveau des valeurs de surface sans que pour autant les valeurs profondes soient
affectées.

3
RAPAILLE, G. Clotaire. Seven Secrets of Marketing in a Multi cultural World (2nd edition). Boca Raton (Florida),
Tuxedo Production, 2004, pp. 252-253.

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Ainsi, de multiples systèmes de valeurs de surface peuvent dépendre d’un même ensemble de
valeurs profondes, parce que les valeurs profondes décrivent comment une personne pense, là
où les valeurs de surface et les valeurs cachées concernent ce à quoi elle pense.

Ancrées au fond de nous, les valeurs profondes sont totalement inconscientes et pourtant leur
impact est immense : « Quand un être humain est centré sur un niveau d’existence, il a une
psychologie propre à ce niveau. Ses émotions, ses motivations, son sens de l’éthique et des
valeurs, sa biochimie, son degré d’activation neurologique, son système d’apprentissage, ses
croyances, sa conception de la santé mentale, ses idées concernant les maladies mentales et la
manière de les traiter, ses conceptions et ses préférences en matière de management,
d’éducation, d’économie, de théorie et de pratiques politiques sont tous caractéristiques de ce
niveau » déclarait Clare W. Graves.

Dans la mesure où tous les éléments d’un niveau d’existence sont cohérents et se renforcent
mutuellement, les valeurs profondes constituent un paradigme extrêmement solide, et résistant
aux tentatives de changement. Pourtant, aux grandes étapes de notre existence comme le
début de l’enfance, l’adolescence, ou l’entrée à l’âge adulte, nos conditions de vie évoluent si
fortement que nous n’avons pas d’autres choix que de changer nos valeurs profondes.

Référence :

1- Fabien et Patricia Chabreuil. La Spirale Dynamique Comprendre comment les hommes


s'organisent et pourquoi ils changent. InterEditions.2019.
2- Biraud. H-H. Manuel de psychologie à l’usage des soignants (3 ème édition). Paris.
Masson. 2010.

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