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Leishmaniose viscérale

Professeur Fabrice SIMON


Service de pathologie infectieuse et tropicale
Hôpital militaire Laveran - Marseille 13013 - France
simon-f@wanadoo.fr
Leishmaniose viscérale

Infection diffuse chronique

du système des phagocytes mononucléés

par un protozoaire du genre Leishmania

de tropisme viscéral
Leishmaniose viscérale et armées

• OPEX en zones d’endémie


• Bassin méditerranéen : L. infantum
• Afrique  Darfour (Soudan) : L. donovani
• Amérique du sud : L. chagasi
• Sous-continent indien : L. infantum, L. donovani

• Expériences d’autres armées


– France : cas au retour de Djibouti
– US Army : « Desert Storm »  8 cas atypiques à L. tropica
Mission OPEX Darfour (sud Soudan)
Garçon de 12 ans

Fièvre élevée, très irrégulière, depuis 15 jours.


T°: 40,2° (mesurée à 37°8 par l’infirmier 1 heure avant)

Examen
• Enfant très asthénique, abattu
• Conjonctives pâles
• Polyadénopathies cervicales et inguinales, indolores
• Splénomégalie volumineuse, dure et indolore, 5 TD
• Hépatomégalie ferme, 3TD
• Nuque souple ; ORL, poumon, cœur, neuro, peau : RAS.
Quel diagnostic ?
Kala-azar
Epidémiologie
Cycle épidémiologique, anthropozoonose

Agent pathogène : protozoaire genre Leishmania


• L. donovani (Asie, Afrique de l’est)
• L. infantum (régions méditerranéennes)
• L. chagasi (Amérique du sud)

Réservoir :
• mammifères : canidés++, rongeurs
• homme (Inde)

Vecteur : phlébotome femelle (sandfly)

2 à 3 mm
Cycle épidémiologique, anthropozoonose

Canidés, petits carnivores


Homme (Inde, Soudan)
 formes amastigotes

Phlébotome Phlébotome
 formes promastigotes  formes promastigotes

Homme
 formes amastigotes
Leishmaniose viscérale, monde

• 500 000 cas / an dans 60 pays


• 90% des cas dans 5 pays
– Inde (Bihar 200 000 morts/an), Bangladesh, Népal, Brésil,
Soudan.

Source OMS 2010


Ancien Monde & Nouveau Monde
Pathogénie
Inoculation

Infection
Parasite intramacrophagique

Guérison

Latence
Lymphocytes Th1
Macrophages
IFN gamma, IL12

Maladie
Atteinte du système des phagocytes mononucléés

Fièvre Organomégalie Pancytopénie Dénutrition Déficit


immunitaire
Décès
Formes amastigotes
en position intramacrophagique
Influence de l’immunité

- + +++
Charge parasitaire

Immunité cellulaire
+++ + -

Asymptomatique Kala-azar Atteinte multiviscérale

Post-kala-azar
Histoire naturelle

• Infection des macrophages : foie, rate, moelle osseuse,


(ganglions).

• Majorité d’infections a- ou pauci-symptomatique


- Ratio inapparente / symptomatiques :
- 10 / 1 (jeunes enfants)
- 100 : 1 (adultes immunocompétents)

• Infection opportuniste du VIH


- Si CD4< 200, réactivation plus qu’infection nouvelle
- Evénement classant sida
- Infection disséminée de présentation atypique
Clinique
Phase de début

• Incubation silencieuse : 1-12 mois

• Chancre d’inoculation rare


– lésion vésiculo-papuleuse au point de piqûre du phlébotome

• Installation progressive du tableau


– Fièvre irrégulière, asthénie, amaigrissement, troubles du
sommeil, diarrhée
– Pâleur
Phase chronique

• Fièvre + pâleur + splénomégalie

• Fièvre
– Irrégulière, hectique, anarchique
– Réfractaire (antibiotiques, antipaludiques, corticoïdes)

• Pâleur
– Liée à l’anémie, teint blafard
– Aspect cireux, bouffissure du visage

• Splénomégalie importante
– Aspect en équerre, ferme, indolore, grade 1 à 4 (OMS)

• Hépatomégalie, polyadénopathie
Typical presentation of VL in Djibouti
Phase chronique

• Dénutrition importante
– Amyotrophie, œdèmes, diarrhée, noma

• Signes digestifs
– Météorisme abdominal, constipation, splénalgie

• Signes cutanéomuqueux
– hyper-pigmentation : KA indien
– éruption vésiculeuse possible
– Hémorragies
Leishmaniose viscérale, Djibouti

• CHA Bouffard : 44 cas, 1996-2002


Fièvre : 100 %, SM : 90 %, toux : 48 %
Atypie : 1 cas d’ictère fébrile sans SM
Surinfections
22 % VIH+

Cytopénies : 100%, Na : 90%, LDH↑ : 100%


ASAT - ALAT↑ : 90 %, ASAT/ALAT > 1 : 79 %
2 patients avec sérologies leishmania négatives.

Traitement Glucantime  18% d’effets II


Apyrexie en 10 j
8 décès/ 42 (5 sida)
2 rechutes sur VIH

Bronstein JA et al. Méd Trop 2002;63:287


Complications

• Sans traitement : 90-100 % de décès

• Complications viscérales rares


– Oculaire, neurologique, respiratoire

• Infections nosocomiales
– Pneumopathies, tuberculose

• SIDA
Complications (2)

• Dermopathie post-kala-azar
– Prolifération cutanée tumorale
– Face, tronc

• Extension : hépatique

• Rupture de rate

• Echec thérapeutique
– Résistance, sida
Formes géographiques

• Méditerranéenne : enfant++
• Indienne : adulte jeune, hémorragies, pigmentation,
dermopathie post-KA
• Soudanaise: leishmaniose cutanéo-muqueuse + KA
Diagnostic
Orientation diagnostique

• Contexte épidémiologique
– Zone d’endémie, terrain

• Triade

• Pancytopénie
– anémie normochrome,
– leuco-neutropénie
– thrombopénie souvent tardive,

• VS élevée
– Anémie
– Hyperprotidémie polyclonale IgG ++ (source de faux +) &
hypoalbuminémie
Confirmation diagnostique

• Sérologie
– IFI (+ 1/100), HAI, Elisa
– réaction croisée avec les trypanosomes
– + < 90% des cas ; 50% si VIH+.

• Myélogramme
– coloré au MGG
– élimine une hémopathie
– moelle riche avec réaction histiocytaire
– présence de leishmanies amastigotes +/- culture +/- PCR

• Ponction d’autres organes


– ganglionnaire, PBH, rate (Se 96% mais danger), sang, biopsie
cutanée…
Examen direct après coloration
de frottis médullaire
= leishmanies amastigotes
intra et extracellulaires.
Sensibilité des outils diagnostiques

Méthode Immunocompétent Immunodéficient

Frottis sanguin <5% 50%


Frottis moelle 70% 90%
Frottis ganglion 50% 70%
Autres frottis <5% >30%

Sérologie IFI 90% 60%

PCR sang 95% 98%


PCR moelle 90% 95%

Culture toujours moins sensible que frottis


Tests diagnostiques de terrain

Cible Méthode Validité Limites

Sang rK39 Bandelette Se: >80% VIH ?


Sp>90%

Urine Protéo- Cupule Se: >80% VIH?


phosphoglycanes (KATEX) Sp>90% Urine bouillie
Traitement
Objectifs thérapeutiques

• Guérison clinique et biologique


– Retour à la normale
– Négative apparente des zones bastions

• Stérilisation
– Difficile chez l’immunodéprimé non restauré
– Eradication du réservoir = santé publique en zone d’endémie
Principes thérapeutiques

Infection Traitement
Létalité élevée Obligatoire
Protozoaire Parasiticide
Maladie générale Traitement systémique
Localisation hématopoïétique Concentration viscérale efficace
Parasite intra-macrophagique Endocytose du médicament
Action en pH acide

Rôle de l’immunité Immunomodulation ?


Risque de rechute Suivi prolongé
Molécules

• Dérivés antimoniés pentavalents (stibiés) :


- antimoniate de méglumine : Glucantime ® F
- stibio-gluconate de sodium : Pentostam ® UK

• Amphotéricine B : Fungizone ®, Ambisome ®, Abelcet ®

• Pentamidine isethionate : Lomidine ® , Pentacarinat ®

• Miltefosine

• Interféron gamma
Amphotéricine B

• Amphotéricine liposomale (Ambisome ®) ++


– Forte concentration intramacrophagique.
– Efficacité accrue, toxicité moindre (FDA).
– 3 mg/kg de J1 à J5 puis J10
– Immunodéprimés : 30-40 mg/kg en 10 injections sur 2-6 semaines
(4 mg/kg de J1 à J5, puis J10, 17, 24, 31 et 38)

• Amphotéricine déoxycholate (Fungizone ®)


– Perfusion IV lente (6 à 8h) : 0,75-1 mg/kg
– Par jour ou un jour sur 2
–  progressive sur 4 jours jusqu’à 1mg/kg/j (paracétamol associé)
– 15-30 perfusions selon statut, cures à répéter selon les cas
– Toxicité importante rénale++ et hématologique
Glucantime ®

Antimoniate de méglumine (amp de 5 mL : 405 mgSb )


20 mg/kg/j (max 850 mg) en IM profonde x 20/28 j
Pas pour les cas acquis en Inde

EII nombreux :
- stibio-intolérance (toux, fièvre, vomissement, diarrhée)
- stibio-intoxication (/ dose, cœur, foie, rein, pancréas, nerfs)

Surveillance : BU, ECG , transaminases, lipase, créatinine


Pentacarinat ®

• Pentamidine iséthionate
– Flacon de poudre dosés à 300mg, à dissoudre dans 10ml
d’eau
– Injections IM sur malade couché
– 2 à 4 mg/kg un jour sur deux
– Administration IV / 250cc de G5
– En moyenne 10 injections
– Surveillance glycémie, créatinine, ECG, NF, lipase
– Effets secondaires : lipothymie à l’injection par hypotension ;
abcès au point d’injection ; hypoglycémies ; diabète
secondaire.
Autres molécules

• Miltéfosine
− 1er traitement efficace par voie orale
− 1,5-2,5 mg/kg/j  adule 50 mg x 2/j
− 4 semaines
− CI : femme enceinte; contraception
− 95% de guérisons à 6 mois

• Interféron gamma
- Activation des macrophages,
- En association car peu efficace en monothérapie
Indications thérapeutiques

• Première intention
- Amphotéricine B IV; miltéfosine VO en Inde
- Si pas disponible, Glucantime

• Si échec ou rechute
- Nouvelle cure amphotéricine B
- Associations

• Toujours traitement symptomatique


-Renutrition, transfusion, antibiothérapie des surinfections

• Sur SIDA
- Amphotéricine B liposomale IV
- Antirétroviraux si infection par le VIH
- Prophylaxie secondaire
Références

• E. Pilly Ed. 2012

• Murray, Lancet 2005

• El Hassan, Lancet Infect Dis 2003

• e-Pilly Trop à télécharger gratuitement sur www.infectiologie.com

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