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Chapitre 5 

: Les ressources stratégiques de l’entreprise, source de l’avantage concurrentiel  :

Question de base  : Pourquoi, dans une activité donnée, certaines entreprises réussissent-elles mieux que d’autres   ?

Le succès des entreprises dans une activité particulière est une question importante en stratégie, mais il n'y a pas de réponse
définitive car cela éliminerait la concurrence et la nécessité de la stratégie. Cependant, il existe des principes simples pour
comprendre l'avantage concurrentiel et proposer des stratégies pour surpasser la concurrence.

Dans ce chapitre, nous analysons l'essence de l'avantage concurrentiel et comment les grandes stratégies contribuent à créer cet
avantage. Nous examinons également les facteurs qui permettent à certaines entreprises de générer des avantages concurrentiels
plus performants que d'autres en utilisant l'approche de la stratégie par les ressources et les aptitudes. Enfin, nous clarifions les
relations entre l'avantage concurrentiel et les ressources stratégiques.

I) Caractérisation de l’avantage concurrentiel  :

1) La nature de l’avantage concurrentiel :

Le succès d'une entreprise dans son secteur d'activité est mesuré par sa capacité à se développer à long terme tout en atteignant
des niveaux de rentabilité supérieurs à la moyenne du secteur, créant ainsi plus de valeur pour ses actionnaires que la plupart de ses
concurrents. L'entreprise peut y parvenir en jouant sur deux leviers : le niveau des coûts de production et le niveau des prix qu'elle
parvient à faire accepter à ses clients. L'entreprise qui réussit le mieux est celle qui parvient à augmenter davantage que ses
concurrents l'écart entre ses coûts et ses prix, créant ainsi un avantage concurrentiel.

Cependant, il est difficile pour une entreprise d'augmenter ses prix tout en réduisant ses coûts, car la réduction des coûts entraîne
souvent une diminution de la valeur perçue par le client, et pour faire payer des prix plus élevés, l'entreprise doit souvent améliorer
la valeur perçue de son offre, ce qui entraîne une augmentation des coûts.

Le lien entre coût, prix et rentabilité est donc au cœur de la notion d'avantage concurrentiel. Les entreprises sont constamment
en train d'arbitrer entre les coûts et les prix pour maximiser leur rentabilité.

Entreprise A : propose une offre alignée sur l'offre de référence du secteur, ce qui lui permet de facturer des prix similaires à ceux de
ses concurrents tout en ayant des coûts légèrement inférieurs grâce à une stratégie de coûts.

Entreprise B : a choisi de différencier son offre de manière significative par rapport à l'offre de référence, ce qui lui permet de
facturer des prix plus élevés mais avec des coûts plus élevés également.

Entreprise C : a opté pour une stratégie de coûts réduits en éliminant certaines caractéristiques de l'offre de référence, ce qui lui
permet de pratiquer des prix plus bas que ses concurrents
Entreprise D : a réussi à combiner une position de prix supérieur à l'offre de référence tout en ayant des coûts inférieurs, résultant
en un positionnement idéal qui peut bouleverser le secteur. Ce type de positionnement est souvent le fruit d'une rupture
stratégique.

Entreprise E : se trouve dans une situation difficile car elle ne dispose pas d'un avantage de coût ni de la capacité à faire payer à ses
clients un prix supérieur à celui de l'offre de référence. Elle est confrontée à des concurrents ayant des coûts plus faibles ou offrant
des produits perçus comme supérieurs à des coûts équivalents, ce qui leur permet de dégager une rentabilité supérieure. Même s'ils
ne sont pas commercialement agressifs, leur rentabilité supérieure les rend plus attractifs pour des investisseurs, ce qui met en
danger la survie de l'entreprise E. Ce positionnement résulte souvent d'une ambiguïté dans la stratégie suivie, avec une mauvaise
appréciation des préférences du marché ou une inconstance stratégique faisant alterner les priorités assignées aux collaborateurs de
l'entreprise. Ce positionnement a souvent été qualifié de "stuck in the middle".

Pour avoir des performances supérieures à celles de ses concurrents et dégager une rentabilité plus élevée, une entreprise ne
peut jouer que sur deux paramètres : le niveau de ses coûts et le prix qu’elle parvient à faire payer à ses clients. Ce prix (appelé
aussi willingness to pay) est fonction de la valeur perçue de son offre.

2) Avantage absolu et avantage relatif  :

Réponse temporaire à la question de base : Certaines entreprises réussissent-elles mieux que d’autres parce qu’elles disposent soit
d’un avantage de coût, soit d’un avantage fondé sur une différenciation.
La simplicité de cette réponse est pourtant trompeuse pour deux raisons que nous allons analyser.

L’avantage concurrentiel est relatif :

La classification des entreprises en deux catégories simples basées sur les avantages concurrentiels est souvent trompeuse, comme
le démontre l'exemple de Toyota qui bénéficie à la fois d'un avantage de coût et d'un avantage de différenciation. L'avantage
concurrentiel d'une entreprise est relatif et dépend de la concurrence sur le marché en question. Pour être performante, une
entreprise doit avoir des coûts plus faibles que ses concurrents ou être capable de faire payer à ses clients un prix plus élevé en
proposant une offre spécifique perçue comme supérieure. Il n'y a donc pas de recette miracle pour réussir sur un marché, mais
plutôt une multitude de positionnements possibles en termes de coûts et de prix qui peuvent offrir à l'entreprise une rentabilité
satisfaisante.

La figure 5.2 présente la frontière efficiente, qui permet d'évaluer la position concurrentielle d'une entreprise. Les entreprises
situées sur la courbe sont considérées comme viables et performantes, car elles ont soit des coûts plus faibles que leurs concurrents,
soit elles peuvent faire payer un prix plus élevé pour une offre spécifique perçue comme supérieure. Les entreprises situées sous la
courbe sont confrontées à des rivaux ayant soit des coûts inférieurs, soit une valeur perçue supérieure. Pour rejoindre la frontière
efficiente, une entreprise doit sélectionner le meilleur rapport coût/valeur perçue et ensuite adopter un "bon management".
Il est possible pour une entreprise d'avoir un niveau supérieur de valeur perçue sans accroître les coûts (l’existence de A2 démontre
que B2 pourrait élever son niveau de valeur perçue sans effet sur sa position de coût), ou de maintenir le même niveau de valeur
perçue mais à des niveaux de coûts sensiblement plus faibles (l’existence de A3 démontre que B2 pourrait baisser ses coûts sans
effet sur son niveau de valeur perçue). L'imitation de comportements efficaces (benchmarking) ne suffit pas car cela entraînerait des
niveaux de coûts et de valeur perçue similaires à ceux de la concurrence. La concurrence ne pourrait donc que se renforcer et les
deux entreprises rivales avec le même compromis coût/valeur perçue en souffriraient.

Il est donc important de choisir un point sur la frontière efficiente qui permet à l'entreprise d'être meilleure que ses concurrents en
termes de combinaison coût/valeur perçue. Cette approche est statique et les stratégies doivent viser à modifier la valeur perçue
et/ou le coût de l'offre de l'entreprise au-delà de la frontière efficiente.

On peut considérer qu’une entreprise a un avantage concurrentiel si aucun de ses concurrents n’est capable de produire une offre
avec simultanément des coûts plus faibles et une valeur perçue plus élevée.

 Pour une entreprise bien gérée, toute diminution des coûts entraîne inévitablement une baisse simultanée de la valeur
que les clients attribuent à son offre et donc une réduction du prix que l’on parviendra à leur faire payer.
 Réciproquement, tout accroissement de la valeur perçue de l’offre de l’entreprise ne peut être obtenu sans
augmentation concomitante des coûts.

Controverse  : Porter (1980) vs Porter (1996)  : Stratégies génériques contre combinaison coût-différenciation   :

Le concept de « stuck in the middle » suggère qu'une entreprise doit choisir soit de se concentrer sur les coûts, soit de se différencier
fortement afin d'échapper à la concurrence par les prix (Porter en 1980). Pourtant, Porter (en 1996) a reconnu que beaucoup
d'entreprises très performantes n'étaient ni les leaders de leur secteur en termes de part de marché, ni les concurrents avec les
coûts les plus bas, ni encore les concurrents les plus différenciés. Ainsi, Porter a proposé une analyse de l'avantage concurrentiel en
termes de compromis entre coût et valeur de l'offre pour les clients, où tout progrès sur l'une des dimensions se paye sur l'autre
dimension.

Dans cette optique, une entreprise doit définir une stratégie en faisant en sorte qu'aucun concurrent ne puisse simultanément offrir
une valeur perçue supérieure et avoir des coûts plus bas. Il est difficile pour une entreprise de positionner simultanément plusieurs
de ses offres à des endroits très éloignés sur la « frontière efficiente » car cela créerait de la confusion dans la perception des clients
et des difficultés d'ordre organisationnel. Toyota a réussi à créer une offre haut de gamme en créant une marque nouvelle, Lexus, et
en isolant en grande partie la nouvelle gamme de l'activité historique de l'entreprise.

Infinité de sources de différenciation :

Le positionnement d'une entreprise dans son secteur d'activité dépend de la valeur que chaque client attribue à son offre sur une
multitude de critères de différenciation possibles, ce qui rend la notion d'avantage concurrentiel plus complexe qu'elle ne paraît. Le
positionnement spécifique de chaque entreprise dépend de la taille des segments de marché résultant de ces positionnements
spécifiques à chaque client. Bien que l'on dispose d'un modèle conceptuel pour prédire la création d'un avantage concurrentiel, rien
n'explique l'origine de la capacité de l'entreprise à faire baisser les coûts ou à accroître la valeur de son offre. C'est là que la notion
de "ressources" propres à l'entreprise intervient.

La bonne gestion consiste, pour un niveau de valeur perçue donné, à réduire au minimum les coûts ou, pour un niveau de coûts
donné, à maximiser la valeur perçue. La stratégie consiste donc à choisir la combinaison coût/valeur perçue pour laquelle, du fait
de ses compétences propres comme de l’état de la concurrence, l’entreprise pourra obtenir la performance maximale.

 Une même entreprise peut difficilement faire une chose et son contraire. Elle doit donc choisir la combinaison
coût/différenciation qui lui convient le mieux et focaliser ses efforts dessus.
 Elle doit en revanche éviter de développer des offres qui correspondraient à des priorités trop opposées : coûts et
valeurs perçues faibles d’un côté, coûts et valeurs perçues élevés d’un autre.

Question de base actualisée  : Pourquoi certaines entreprises, mieux que d’autres, réussissent à amplifier l’écart entre les coûts
qu’elles doivent supporter pour produire leur offre et le prix qu’elles parviennent à faire payer à leurs clients ?

II) Les ressources stratégiques de l’entreprise :


« Selon le courant des ressources, c’est l’ensemble spécifique de ressources et de compétences détenues par l’entreprise qui
constitue la source principale de son avantage concurrentiel. »

Fondements théoriques  : Concurrence pure et parfaite vs avantage concurrentiel   :

Concurrence pure et parfaite et monopole  : Selon les économistes, la concurrence pure et parfaite est considérée comme la
situation la plus souhaitable du point de vue de la société, car elle favorise la survie des entreprises les plus efficaces et les prix sont
réduits pour le bénéfice des consommateurs. En revanche, du point de vue des entreprises, la concurrence pure et parfaite ou le
monopole ne permettent aucune stratégie. Dans le cas d'un monopole, l'entreprise bénéficie d'un avantage absolu inhérent à sa
position, soit en raison de son entrée précoce sur le marché, soit par décision des pouvoirs publics. Les monopoles sont
généralement créés par l'État ou résultent de ce que l'on appelle un "monopole naturel". Dans ces cas, les pouvoirs publics imposent
des contraintes en contrepartie du monopole accordé, telles que le niveau des prix et la qualité de service. En situation de
concurrence pure et parfaite, tous les produits sont identiques et il n'y a pas de barrières à l'entrée. Les concurrents ont les mêmes
niveaux de coûts et la décision à prendre porte sur le volume de production, qui dépend de la taille du marché et du nombre de
concurrents. Dans ce contexte, il n'existe aucun avantage concurrentiel possible.

Concurrence monopolistique et oligopole  : Dans les marchés concurrentiels monopolistiques et oligopolistiques, les entreprises
peuvent utiliser la différenciation de produits ou les barrières à l'entrée pour créer un avantage concurrentiel et générer des profits
supérieurs à la concurrence parfaite. Les profits varient en fonction de l'étendue de l'avantage concurrentiel. Les structures de
marché ne sont pas fixes et peuvent évoluer en fonction des stratégies mises en œuvre par les entreprises. L'objectif des entreprises
est de s'éloigner de la concurrence parfaite en différenciant leurs offres et en créant des barrières à l'entrée. Lorsque la stratégie
réussit, l'entreprise peut atteindre une situation de monopole, ce qui maximise les profits mais peut avoir des conséquences sociales
négatives. Les lois antitrust sont une force opposée à la stratégie d'entreprise, visant à limiter les pratiques monopolistiques et à
maintenir une concurrence équitable.

1) Ressources et aptitudes : Les unités de base de l’analyse  :

Selon le courant RBV, une entreprise est un ensemble coordonné de ressources particulières qui déterminent ses marges de
manœuvre stratégiques, plutôt que d'être décomposée en portefeuille produits-marchés. L'analyse stratégique devrait donc
chercher à déterminer le potentiel concurrentiel des différentes ressources de l'entreprise.

Les ressources : définition et classification par type :

Les termes utilisés pour décrire les ressources sont souvent confondus ou interchangés, mais il est important de les distinguer pour
mieux comprendre leur utilisation. Les ressources sont les moyens dont l'entreprise dispose pour créer de la valeur, mais elles ont
besoin d'être combinées avec des aptitudes, des compétences et des savoir-faire pour être productives.

Les ressources peuvent être des actifs tangibles, tels que les biens physiques, ou des actifs intangibles, tels que la réputation ou la
culture d'entreprise. Les actifs intangibles sont souvent sous-estimés mais peuvent contribuer de manière significative à la richesse
potentielle de l'entreprise. Les ressources sont transférables lorsqu'elles peuvent être vendues sur le marché et utilisées en dehors
de l'entreprise, mais la tangibilité et la transférabilité ne sont pas nécessairement liées.

Les ressources de l'entreprise ne sont pas capables de produire par elles-mêmes, mais possèdent un potentiel d'usage activé par les
aptitudes. Les aptitudes sont des capacités d'action et de mise en œuvre des ressources détenues. Elles permettent d'associer et de
combiner un ensemble de ressources pour réaliser une tâche ou une fonction. Les connaissances sur les propriétés physico-
chimiques du silicium dans l'industrie des semi-conducteurs sont une ressource nécessaire, mais elles ne sont utiles que si elles sont
activées dans le cadre d'une capacité ou processus d'élaboration de nouveaux produits et procédés. Les aptitudes sont donc les
éléments clés de la compétitivité en permettant de passer du potentiel au réel et de la valeur espérée à la rente concrètement
réalisée.

Fondements théoriques  : Notion de rente organisationnelle  :

Le profil et la rente  : La théorie des ressources stipule que les différences de performance entre deux entreprises proviennent des
différences dans les ressources qu'elles contrôlent et dans leurs aptitudes à les exploiter. Cette théorie considère que la
performance de l'entreprise provient davantage de sa capacité à se constituer des rentes (revenus périodiques, pensions) que de sa
capacité à dégager des profits. Alors que le profit est le fruit d'un calcul différentiel, la rente quant à elle procède d'un calcul
additionnel. Maximiser les rentes ne revient pas tant à minimiser les coûts de production, mais à utiliser au mieux les ressources
disponibles pour accroître les revenus. Selon cette théorie, l'entreprise qui a pour stratégie d'utiliser au mieux ses ressources peut
maintenir un avantage durable. Les ressources telles que la notoriété de personnages comme Mickey Mouse peuvent procurer à
leurs propriétaires des rentes considérables, et leur coût de constitution peut être très difficile à reproduire. Par exemple, Nintendo
a réussi à imposer Super Mario comme une ressource à l'origine de rentes importantes en s'appuyant sur des ressources et des
supports différents de ceux utilisés par Walt Disney pour Mickey Mouse.

La rente différentielle de Ricardo  : Ricardo a introduit la notion de rente en 1817, en l'appliquant à l'agriculture. La rente
"ricardienne" ou "différentielle" est l'excédent de production résultant de la détention d'un actif plus productif. La notion de rente
s'étend maintenant à la collection de ressources et de savoir-faire de l'entreprise, où elle peut être liée à la rareté, un monopole ou
un déséquilibre temporaire des conditions d'offre. Les qualités intrinsèques de quelques managers réduisent le temps nécessaire
pour allouer les équipes de production ou de services et favorisent la création de rentes. Les entreprises recherchent la captation de
rentes et les sources de ces rentes, les ressources stratégiques.
Les ressources et aptitudes doivent avoir certaines propriétés qui leur permettent de dégager des rentes. Les niveaux de
performance élevés ne peuvent subsister durablement dans un domaine d'activité que si ce domaine est protégé par des barrières à
l'entrée. La performance des entreprises est principalement liée aux propriétés intrinsèques des ressources qu'elles possèdent.

Les étapes pour distinguer et exploiter les ressources et aptitudes organisationnelles  :

1) Pour constituer la base potentielle d’un avantage concurrentiel, une ressource ou aptitude doit être valorisable
(pertinente) et rare.

2) Pour qu'un avantage concurrentiel soit durable ou "soutenable", les ressources et les aptitudes de l'entreprise doivent
être difficiles à imiter, non substituables et non transférables. Il existe trois raisons pour lesquelles une ressource ou une
aptitude peut être difficile à imiter : des conditions historiques spécifiques, une ambiguïté causale et une complexité
sociale. Les causes originelles du succès de Microsoft sont issues de ces trois raisons, et la reproduction de ce succès dans
un contexte historique différent serait difficile. Les concurrents qui chercheraient à acquérir ces ressources et compétences
sans suivre le cheminement de l'entreprise devraient faire face à des déséconomies de compression du temps, soit des
investissements supérieurs ou une efficacité moindre. De plus, l'accumulation de ressources et le développement de
compétences sont indissociables du contexte organisationnel de l'entreprise, rendant toute imitation très difficile dans un
autre contexte.

Les déséconomies de compression du temps ont été introduites par Dierickx et Cool en 1989 et se basent sur le principe selon lequel
une entreprise qui souhaite se développer rapidement doit recourir à des ressources coûteuses et ne pourra pas bénéficier autant de
la croissance qu'une entreprise qui se développe plus graduellement.

3) Enfin, l'entreprise qui possède des ressources et des compétences doit s'approprier durablement les avantages
concurrentiels pour éviter que d'autres acteurs ne les captent. Les ressources doivent être durables et permettre
l'appropriation des résultats et des retours sur investissement. Les systèmes de protection légale et la capacité des
institutions nationales à faire respecter le droit sont des éléments clés. Les brevets sont un exemple illustrant la double
condition de durabilité et d'appropriation. Certaines entreprises choisissent de garder secrètes leurs découvertes plutôt que
de les breveter, ce qui leur permet de s'approprier les rentes correspondantes pendant une durée plus longue. Searle a
imposé à ses clients d'apposer sur les canettes de soda le logo de la marque NutraSweet pour étendre la durée de vie de sa
ressource brevetée, l'aspartame. Intel impose à ses clients de coller l'étiquette "Intel inside" sur leurs produits pour
préserver sa rente face à la concurrence accrue d'autres producteurs de microprocesseurs.

Les compétences « cœur » des aptitudes organisationnelles stratégiques :

Les aptitudes organisationnelles sont essentielles pour créer un avantage concurrentiel pour une entreprise. Lorsqu'elles sont mises
en œuvre de manière régulière, elles deviennent des routines et sont pratiquées par les individus de manière quasi-automatique.
Les routines sont des mécanismes d'action prévisibles, socialement intégrés et presque automatiques. Une routine devient une
compétence lorsqu'elle est intégrée, construite et reconfigurée dans différents secteurs d'activité grâce à un management réussi.
Contrairement aux aptitudes organisationnelles, les compétences sont multifonctionnelles.

Les compétences clés d'une entreprise, aussi appelées compétences "coeur", ont un potentiel de création de rente plus élevé que
les autres compétences. Elles permettent de se démarquer des concurrents, sont basées sur ce que l'entreprise sait et peut faire
mieux que les autres, interviennent au niveau de l'architecture de l'entreprise, et peuvent être étendues à d'autres produits ou
marchés. Ces compétences résultent de l'assemblage original de ressources et de processus que l'entreprise a "routinisé". Il est
important pour l'entreprise de concentrer ses moyens et son apprentissage sur ces compétences coeur afin de renforcer
constamment son avantage concurrentiel. Il existe un cercle vertueux des compétences coeur qui permet une diversification liée et
tout développement dans des domaines nouveaux reliés accroît leur niveau de performance.

L'utilisation d'une compétence peut être améliorée par trois phénomènes convergents. Tout d'abord, il y a des économies
d'apprentissage sur les ressources humaines et leur utilisation. Deuxièmement, l'utilisation accrue d'une compétence permet
souvent de bénéficier d'économies d'échelle. Enfin, le déploiement de la compétence dans des contextes différents peut entraîner
des innovations dans les processus connexes, ce qui enrichit la compétence au fil du temps. Il y a donc un effet de synergie qui se
produit non seulement dans la combinaison de ressources et d'aptitudes existantes, mais également dans les effets de découverte et
de rétroaction qui améliorent la compétence.

Une compétence coeur est une compétence qui permet de répondre aux opportunités commerciales sans qu'il y ait de changements
qualitatifs dans les actifs et les capacités de la firme. Elle contribue de manière significative aux bénéfices perçus par le client et
donne un accès potentiel à une grande variété de marchés et d'industries. Cependant, l'accumulation d'expérience sur une
compétence spécifique peut entraîner une situation d'enlisement ou d'impasse. La routine peut conduire à une certaine inertie et à
un manque de curiosité et d'exploration. Par conséquent, il est important d'évaluer les compétences dans leur potentiel à étendre
les routines actuelles et à développer de nouveaux types de routines et de ressources pour donner à l'entreprise à la fois efficacité et
capacité d'adaptation.

On distingue les aptitudes organisationnelles, qui combinent les usages des ressources possédées ou contrôlées par l’entreprise, et
les compétences, qui résultent d’un processus répété et socialisé d’exploitation de ces capacités organisationnelles.
 Seules des aptitudes organisationnelles et les compétences peuvent constituer les bases d’un réel avantage concurrentiel
spécifique à une entreprise.
 Pour cela elles doivent satisfaire aux conditions imposées par le filtre VRIST, c’est-à-dire qu’elles doivent être Valorisables,
Rares, difficilement Imitables (conditions historiques, ambiguïté causale, complexité sociale), non Substituables et non
Transférables.
 Sans application répétée et multiple, une compétence perd de sa valeur.

III) Lier avantage concurrentiel, ressources et compétences  :


La réussite des entreprises est due à leur avantage concurrentiel, qui repose sur un rapport coût/valeur perçue supérieur à celui de
leurs concurrents. Cet avantage est construit grâce aux ressources et compétences acquises au fil du temps. Ainsi, l'analyse interne
et l'analyse externe, deux composantes importantes de l'analyse stratégique, se rejoignent pour comprendre les liens entre
l'avantage concurrentiel, les ressources et compétences, tout en prenant en compte un environnement favorable éventuel.

La construction d'une stratégie réussie nécessite donc une analyse approfondie de l'environnement concurrentiel et une
mobilisation des ressources et des compétences de l'entreprise pour créer un avantage concurrentiel durable. Bien que l'analyse
externe soit essentielle pour comprendre l'industrie et les concurrents, une analyse interne est également nécessaire pour identifier
les compétences clés qui distinguent l'entreprise et lui procurent un avantage concurrentiel.

Ces compétences doivent posséder certaines propriétés (le « filtre VRIST ») qui permettent à l’entreprise de créer et de capter de la
valeur, de la « rente », sur des marchés déjà servis, adjacents mais non encore abordés, ou à définir. Cette analyse interne, basée sur
les ressources de l'entreprise, est une approche plus dynamique que l'analyse externe, permettant à l'entreprise de s'adapter à
l'environnement plutôt que de simplement le subir. Les entreprises performantes ont un avantage concurrentiel fondé sur un
meilleur rapport coûts/différenciation que leurs concurrents, qui est le résultat de ressources et de compétences spécifiques. Ainsi,
une combinaison d'analyse externe et interne est nécessaire pour construire une stratégie durable.

Le maintien d’un avantage concurrentiel repose sur plusieurs règles de base : entretenir les compétences, les répliquer, les
enrichir, les faire évoluer et enfin les combiner avec d’autres ressources et capacités, au travers de processus maîtrisés.
Les compétences et aptitudes organisationnelles sont aussi la source du futur potentiel concurrentiel de l’entreprise, voire de la
redéfinition des frontières de l’industrie.

Le chapitre en bref :
Pour une entreprise, la performance supérieure et la rentabilité accrue dépendent essentiellement de deux facteurs : le niveau des
coûts et le prix que les clients sont prêts à payer, qui est lié à la valeur perçue de l'offre. Un avantage concurrentiel est atteint si
l'entreprise peut proposer simultanément des coûts inférieurs et une valeur perçue plus élevée que ses concurrents. Cependant, une
baisse des coûts entraîne généralement une diminution de la valeur perçue, tandis qu'une augmentation de la valeur perçue
entraîne des coûts supplémentaires. La stratégie de l'entreprise doit donc trouver le meilleur équilibre entre coûts et différenciation.
Elle doit également s'appuyer sur des ressources et des compétences spécifiques pour créer un avantage concurrentiel durable, qui
doit être valorisable, rare, difficilement imitable, non substituable et non transférable. Le maintien de cet avantage repose sur
l'entretien, la réplication, l'enrichissement et la combinaison de ces compétences et ressources, ainsi que sur leur évolution
constante.

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