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Claude Goguel

Les vacances des Français


In: Communications, 10, 1967. pp. 3-19.

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Goguel Claude. Les vacances des Français. In: Communications, 10, 1967. pp. 3-19.

doi : 10.3406/comm.1967.1139

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1967_num_10_1_1139
Claude Goguel

Les vacances des Français

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étrangère, alors que le départ en vacances est progressivement devenu un phéno


mène de masse dont l'importance économique augmente chaque année et que
chacun en France, du moins ceux qui peuvent partir, perçoit comme un élément
capital de son mode de vie. Plus précisément, la notion de « vacances » que nous
retiendrons ci-dessous implique essentiellement l'idée de déplacement en dehors
du domicile habituel, à des fins non professionnelles. Il ne faut donc la confondre
ni avec la notion de « congé », le congé correspondant à une interruption du tra
vail, ni avec la notion de « tourisme », qui est, en un sens, plus large puisque
comprenant une part importante et mal précisée des déplacements professionnels
et, en un autre sens, plus restrictive : il n'est, en effet, pas certain que les séjours
chez des parents dans des communes rurales de régions non touristiques
procèdent du phénomène « tourisme ». D'autre part, le tourisme en France est
non seulement le fait des Français passant leurs vacances en France, mais aussi
celui de nombreux étrangers auxquels nous ne nous intéressons pas ici. Ne
seront considérés comme séjours de vacances que les déplacements d'au moins
quatre jours consécutifs à l'extérieur du domicile habituel.
Cette importance des vacances semble spécifique à la France. La proportion
des partants en vacances au cours d'une année déterminée y est élevée, en
comparaison de ce qui s'observe dans les pays industrialisés de niveau de dévelop
pement comparable au nôtre. Elle est en particulier très élevée pour les citadins,
Claude Goguel

alors que les ruraux, qui représentent le tiers de la population française, partent •
encore relativement peu. Mais surtout, la durée des vacances hors domicile,
qui résulte très directement de celle des congés, est considérablement plus élevée
en France que dans tout autre pays. Comment expliquer ces différences natio
nales ? L'importance des congés annuels des travailleurs français est-elle la cause
ou la conséquence de leur durée élevée de travail hebdomadaire? Dans quelle
mesure faut-il expliquer cette structure particulière de l'année de travail par la
médiocrité de l'habitat ou l'imperfection de l'urbanisme qui empêcheraient les
Français de pleinement profiter à leur domicile habituel des heures qui seraient
gagnées sur le travail en cours d'année? Ou par la variété du peuplement de
Paris, les Parisiens fournissant à eux seuls plus du tiers des partants en vacances,
et retournant, souvent, passer l'été dans leur région ou leur village d'origine?
Ou plus simplement par la multiplicité, la qualité et la diversité des sites touris
tiques français ? Ou encore par la nature des divers climats auxquels nous sommes
soumis ? Autant de questions que l'on peut être tenté de poser mais auxquelles
nous ne répondrons qu'indirectement par une description des caractéristiques
des vacances des Français.
Quelles sont les sources de notre connaissance des vacances ? Bien sûr, de mult
iples observations personnelles, chacun d'entre nous étant souvent amené
à se transformer à la fois en acteur et en observateur et à percevoir les échos
qui en donnent une image régulièrement grossie, partielle ou déformée et auxquels,
pendant longtemps, le bon sens n'a pu opposer aucune description complète et
cohérente fondée sur des observations homogènes. Cette impossibilité de pro
céder à une description fidèle d'un phénomène aux dimensions aussi nombreuses
que variées par de seules observations empiriques justifie l'emploi qui a été fait
par l'I.N.S.E.E 1., pour le décrire, d'enquêtes par sondage qui permettent d'éla
borer un cadre d'analyse précis, cadre statistique à l'intérieur duquel les socio
logues peuvent ensuite, sans risque de déformation perspective, s'attacher à
préciser la nature, les caractéristiques et la signification de tel ou tel aspect
particulier des vacances.
L'I.N.S.E.E. a ainsi régulièrement procédé, depuis 1949, à des études par
sondage des vacances, en interrogeant, à leur domicile habituel après la période
des vacances, des familles constituant des échantillons représentatifs de la popu
lation française. La dernière enquête complète, qui a porté sur près de 18 000 per
sonnes appartenant à 6 000 foyers distincts, date de 1964 ; elle a d'ailleurs été
prolongée et actualisée en 1965 et 1966, de telle sorte que, si l'on est pendant
longtemps resté très ignorant des caractéristiques exactes des vacances des
Français, leur étude statistique est maintenant faite en permanence, ce qui
permet de suivre avec précision l'évolution des principales grandeurs.
D'autres enquêtes par sondage ont été effectuées par l'I.F.O.P 2. et le
CREDOC 3, qui apportent également des éléments d'information complé
mentaires sur tel aspect des vacances ou sur le comportement de telle catégorie
de population. C'est une synthèse des résultats de toutes ces enquêtes statistiques
que nous allons donner ci-dessous sans rappeler l'origine exacte de chaque
observation et sans chercher non plus à aller au-delà d'une présentation comment
ée de résultats. C'est à partir de ceux-ci que l'on pourra ensuite se livrer à
toutes réflexions utiles sur le phénomène « vacances ».
1. Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques.
2. Institut Français d'Opinion Publique.
3. Centre de Recherche et de Documentation sur la Consommation.
Lts vacances des Français

Les départs en vacances.

Environ 45 % des Français partent en vacances en dehors de leur domicile


habituel (pour au moins quatre jours consécutifs) au moins une fois dans l'année.
Cela représente moins de la moitié des Français mais tout de même 21,5 millions
de partants, dont près du quart part d'ailleurs à plusieurs reprises dans l'année,
sur une population totale de près de 50 millions de personnes.
Bien sûr il arrive à un plus grand nombre de Français de partir en vacances,
beaucoup d'entre eux ne pouvant partir ou n'éprouvant pas le désir de partir
systématiquement chaque année. Ainsi, plus du tiers des non partants au cours
d'une année déterminée sont déjà partis en vacances au cours d'une année
antérieure mais n'ont pu le faire cette année-là pour un motif personnel, familial,
professionnel ou financier, de telle sorte que 30 % seulement des Français ne
sont jamais partis en vacances.
La proportion de partants, ou taux de départ en vacances, varie fortement
avec les caractéristiques sociales et professionnelles, le type d'habitat, la taille
d'agglomération de domicile, la région, etc. Sauf chez les enfants en bas âge
et chez les jeunes de 14 à 17 ans, les femmes partent plus en vacances que les
hommes, la différence tenant probablement, en ce qui concerne les âges adultes,
à l'existence du service militaire et aux contraintes professionnelles des hommes,
ainsi qu'à une plus grande liberté professionnelle des femmes — elles travaillent
dans une moindre proportion — liberté s'accompagnant d'ailleurs souvent
de l'obligation d'emmener les enfants en vacances (cette légère supériorité du
taux des départs des femmes ne doit évidemment pas masquer que ce que nous
appelons vacances — le départ du domicile — n'est probablement pas du tout
vécu de la même manière par les hommes et par les femmes, une proportion
importante d'entre elles étant obligées de continuer à tenir leur ménage pendant
cette période).
C'était, jusqu'à une date récente, entre 10 et 13 ans que l'on partait le plus
en vacances ; les départs des jeunes ont été semble-t-il, plus tôt considérés
comme une nécessité et ont donc précédé ceux des adultes, mais le taux de départ
en vacances des adultes d'une trentaine d'années a maintenant rattrapé celui
des jeunes. Le taux de départ des adultes, qui baisse temporairement pour les
hommes à l'âge du service militaire et de l'entrée dans la vie active, reste élevé,
de l'ordre de 40 % à 50 %, jusqu'à cinquante ans environ. Il ne baisse ensuite
que progressivement, les personnes âgées partant encore dans la proportion
de 30 % environ à 65 ans et de près de 20 % à plus de 70 ans.
Le taux de départ varie très fortement d'une catégorie sociale à l'autre :
de moins de 10 % dans les familles d'agriculteurs, il s'élève à 85 % chez les cadres
supérieurs ou professions libérales ; il est de 40 % chez les commerçants et les
ouvriers, de 60 % chez les employés et de 75 % chez les cadres moyens. Mais
évidemment ces taux moyens varient beaucoup avec la taille de la localité de
résidence : indépendamment même d'un effet tenant à la diversité des structures
socio-professionnelles des diverses catégories de localités ou d'agglomérations,
il est incontestable que le départ en vacances est d'autant plus fréquent que l'on
habite une ville importante et il peut donc être présenté comme répondant à
un besoin lié à l'urbanisation : de 20 % seulement dans les communes rurales,
le taux de départ atteint 80 % à Paris, les taux intermédiaires s'échelonnant
GRAPHIQUE

Les départs multiples des adultes (en un an)


en fonction du niveau de revenu du ménage (en 1964)

Taux de départ en vacances


(en %)
100 r

90
pas de départ en vaca aces
80

70 r

60 \
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50
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30 yj.
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<r .o- '-o-^ — |~ 4 départs ou ph IS
4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 60 70 8090100
Revenu annuel déclaré par ménage
(en milliers de F, échelle logarithmique)
Les vacances des Français

régulièrement entre ces deux limites au fur et à mesure que la taille des villes
croît.
Alors qu'il est facile d'étudier l'évolution des taux de départ des diverses
catégories sociales, et de noter que le taux croît dans toutes les catégories sauf
peut-être chez les adolescents, les agriculteurs (dont une très petite minorité
seulement appartient à cette civilisation des vacances), et les cadres supérieurs
et professions libérales (qui ont pratiquement atteint le taux de saturation),
il est très difficile d'étudier l'évolution du taux de départ dans les diverses caté
gories de communes ou d'agglomérations. En effet, sous l'effet de l'urbanisation,
les limites des agglomérations se modifient sans cesse de telle sorte qu'il n'est
pas possible de caractériser de manière permanente les agglomérations par leur
taille. Il semblerait cependant qu'à une certaine taille d'agglomération corre
sponde un taux de départ en vacances à peu près constant, et que la croissance
du nombre de départs s'explique essentiellement par l'urbanisation, c'est-à-dire
par la croissance régulière de la population des agglomérations urbaines plutôt
que par une croissance du taux de départ de chaque catégorie d'agglomération.
D'autres facteurs encore peuvent être isolés qui contribuent à faciliter ou à
freiner le départ en vacances : la possession d'une voiture, ou a fortiori d'une rés
idence secondaire, favorisent le départ, alors que l'existence de nombreux enfants
limite les possibilités de départ des parents et également, du fait des contraintes
financières, de ces enfants. Mais l'analyse des départs en vacances peut être
facilement résumée à l'étude de la liaison existant entre taux de départ et niveau
de revenu du ménage. On peut ainsi non seulement rendre compte de l'évolution
des départs, mais également projeter les taux de départ pour des années pas
trop éloignées et sous certaines hypothèses bien définies. Une telle analyse
montre l'étroite dépendance existant entre taux de départ et niveau de revenu,
non seulement en ce qui concerne l'existence d'au moins un départ dans l'année,
mais aussi, et de manière très nette, en ce qui concerne les départs multiples :
il faut ainsi disposer, dans une famille, d'un revenu annuel d'au moins 25 000
francs pour avoir une chance non négligeable de partir à deux reprises dans
l'année, et le triple ou quadruple départ dans l'année n'est pas rare dans les
familles disposant de 100 000 francs par an.
La liaison entre départ et revenu est restée extrêmement stable au cours des
cinq dernières années, si bien que la quasi-totalité de la croissance des départs
au cours de cette période peut être, statistiquement, expliquée par l'élévation
du niveau de vie des ménages : contrairement à une idée fort répandue, on ne
noterait donc aucun effet de diffusion des départs à niveau de revenu réel cons
tant. On manque malheureusement de données statistiques relatives à des
périodes plus lointaines, qui permettraient de préciser les époques, qui ont
inévitablement existé, de diffusion des vacances.
On remarquera qu'une absence de diffusion des départs, dans un passé récent,
a très bien pu correspondre à une rapide augmentation de la durée des vacances
hors domicile, permise par l'allongement des congés (les deux tiers des salariés
avaient, en 1965, un mois ou plus de congés et la durée moyenne des vacances
hors domicile des personnes de tous âges parties au moins une fois au cours
de l'année était de 30 jours en 1964, 36 jours pour les enfants, 28 jours pour les
adultes).
Claude Goguel

Les périodes de vacances.


Les vacances des Français sont essentiellement des vacances d'été : moins
de 5 % des partants partent à une autre période que l'été, sans partir également
en été. Cependant, surtout dans les familles relativement aisées, il est courant
de partir à la fois en été et à une autre période de l'année, principalement à
Pâques ou à Noël. Une fraction de ces séjours d'hiver sont, en fait, des séjours
de sports d'hiver : les sports d'hiver, qui pendant longtemps sont restés le fait
d'une minorité, tendent à se développer rapidement. Mais ils restent, la plupart
du temps, réservés aux privilégiés : privilégiés par leur situation géographique,
mais aussi privilégiés par leur situation de fortune. Sur un million de skieurs
en un hiver, on ne compte guère plus de 50 000 enfants partis en « classe de
neige » et à peu près autant de jeunes partis en chalet U.C.P.A. (Union des
Centres de Plein Air), et si certaines classes de neige sont très largement subven
tionnées par les municipalités, la contribution financière des parents doit souvent
être importante. Les sports d'hiver sont, en effet, fort chers : hébergement
en dur, transports, remontées mécaniques, équipement sportif et vestimentaire
constituent autant de sources de dépenses importantes qui ne peuvent être
amorties que sur de courtes périodes ; 40 % des séjours se font, en effet, à Noël,
25 % à Pâques et seulement 35 % entre ces deux dates.

TABLEAU I

Nombre de partants
et taux de départ en Vacances en 1966

Effectif de la population française au milieu de l'été 1966 : 49 500 000


Effectif de la population des ménages ordinaires * à la même date : 48 250 000

Départs en vacances Départs en vacances


au cours de au cours de
l'été 1966 l'année 1966
(1-6 au 30-9) (évaluations)

Nombre de partants 20 250 000 21 500 000


Taux de départ en vacances 42 % 44,5 %
Taux de départ des adultes (14 ans
et plus) 39 % 42 %
Taux de départ des enfants (ju
squ'à 13 ans) 50 % 51 %

Accroissement annuel de la population française : 500 000


Accroissement annuel du nombre de partants en vacances : 600 000

* Tous les taux sont calculés sur la seule population des ménages ordinaires. On peut considérer
que le nombre de départs en vacances de personnes appartenant à la population comptée à part ou
aux ménages collectifs est négligeable.

8
Les vacances des Français

En ce qui concerne les vacances d'été, la concentration des départs sur les
mois de juillet et août est encore plus frappante : pendant la première quinzaine
d'août, plus de 10 millions de Français sont simultanément en vacances, et de
nombreuses usines sont alors fermées, ce qui serait impensable dans d'autres
pays. Tous les investissements de vacances doivent alors être amortis dans les
pires conditions sur une période de l'année extrêmement courte, ce qui tend à
accroître les coûts et à faire fortement baisser la qualité du service rendu : nom
breux sont les Français qui quittent un univers urbain, souvent qualifié de
concentrationnaire, pour le trouver reconstitué au bord de la mer.

TABLEAU II

Taux de départ en vacances au cours de Vété 1966 suivant l'âge,


la catégorie de commune ou d'agglomération de résidence
et la catégorie socio-professionnelle du chef de ménage (en %)

Taux de départ (été 1966)


Catégorie de commune
ou d'agglomération de résidence
et catégorie socio-professionnelle De l'ensemble Des enfants Des adultes
du chef de ménage de la (de moins de (de 14 ans
population 14 ans) et plus)

Ensemble 41,7 49,7 39,1


Agriculteurs et salariés agricoles . . . 9,3 13,5 8,0
Ouvriers et personnels de service . . 41,3 44,2 39,9
Non actifs 24,7 40,8 23,7
Autres catégories 62,9 69,5 60,6
Communes rurales 18,0 25,6 15,6
Agriculteurs et salariés agricoles .... 8,6 12,2 7,4
Ouvriers et personnels de service . . 21,9 27,2 19,2
Non actifs 9,4 19,3 8,6
Autres catégories 36,3 43,0 33,7
Villes et agglomérations de
moins de 100 000 habitants 44,5 56,7 40,2
Agriculteurs et salariés agricoles 12,2 21,7 9,3
Ouvriers et personnels de service. . . . 41,2 47,6 38,1
Non actifs 25,9 64,3 23,7
Autres catégories 59,4 70,6 54,9
Villes et agglomérations de
100 000 à 1 000 000 habitants . . . 52,5 59,6 50,1
Ouvriers et personnels de service .... 45,2 47,4 44,1
Non actifs 38,2 63,1 37,0
Autres catégories 66,3 74,7 63,2
Complexe résidentiel de Paris. 74,0 78,8 72,8
Ouvriers et personnels de service .... 67,4 66,7'
67,2 67,4
Non actifs 49,4 48,9
Autres catégories 85,2 88,3 84,3
TABLEAU III

Évolution du taux de départ en vacances au cours de Vété, de 1961 à 1966


(adultes de 14 ans et plus)

Taux de départ Taux de départ


en vacances au cours en vacances au cours
de l'été 1961 (en %) de l'été 1966 (en %)

Enfants (de 0 à 13 ans) 47,7 49,7

Ensemble des adultes 34,0 39,1


(de 14 ans et plus)
suivant le sexe:
Hommes 33,1 38,1
Femmes 34,9 40,0
suivant l'âge:
14 à 24 ans 45,4 45,4
25 à 29 ans 41,2 51,7
30 à 39 ans 41,4 48,6
40 à 49 ans 36,5 43,0
50 à 59 ans 30,2 34,6
60 à 64 ans 25,3 29,1
65 à 69 ans 20,6 27,9
70 ans et plus 14,6 16,3
suivant la catégorie socio-professionn
elle du chef de ménage:
Agriculteurs 5,7 7,2
Salariés agricoles 5,1 12,2
Patrons de l'indust. et du comm . . . 38,6 40,1
Cadres supérieurs, prof, libérales . . 76,2 82,7
Cadres moyens 67,9 73,6
Employés 51,3 57,5
Ouvriers 36,2 39,9
Personnels de service 43,7 40,2
Autres actifs 57,7 60,2
Non actifs 20,4 23,7
suivant la catégorie de commune ou
d'agglomération de résidence * :
Communes rurales 12,9 15,6
Villes et aggl. de — 20 000 hab. . . 30,0 35,4
Villes et aggl. de 20 000 à — 100 000 39,8 44,8
Villes et aggl. de 100 000 à 1 000 000 50,3 50,1
Complexe résidentiel de Paris .... 67,7 72,8
dont : Paris intra-muros 69,9 79,3
Toutes villes et aggl. de 100 000 h.
et plus 59,5 60,9

* Les catégories ne sont en fait pas strictement comparables en 1961 et en 1966, du fait des modifi
cations des limites des agglomérations intervenues entre temps.

10
Les vacances des Français

Ce n'est que par une modification radicale de nos habitudes que cette situation
pourra être améliorée : mais les Français n'ont pas encore pleinement pris
conscience de la perte considérable, financière d'abord mais aussi de confort,
de liberté, etc., qu'entraîne l'actuel calendrier des vacances d'été et la date
de leurs vacances leur est souvent imposée par leur employeur ou par les études
de leurs enfants.
D'autres conséquences, moins directement perceptibles, risquent de résulter
de l'absence d'étalement des vacances : il est d'abord probable que le rythme
d'accroissement des départs pourrait être notablement plus élevé, grâce à une
diffusion des départs à niveau de revenu réel constant, si, du fait d'un bon éta
lement qui permettrait de rentabiliser au maximum les équipements, le coût
des vacances s'abaissait ; ainsi, sans qu'ils en soient conscients, les non-partants
souffriraient, eux aussi, de l'absence d'étalement des départs. Par ailleurs, la
concentration des départs étant spécialement marquée en France — la durée
élevée des congés pouvant être, en partie, responsable de cette situation, dans la
mesure où il y a plus facilement superposition de périodes de congés d'un mois
que de quinze jours — le coût des vacances risque de rester, ou de devenir, plus
élevé en France, ou dans les équipements de vacances principalement fréquentés
par des Français, que dans les pays étrangers qui reçoivent plus facilement
des touristes à toutes les époques de l'année. Une telle situation, qui sera d'autant
plus sensible que le coût relatif des transports aériens de masse se sera abaissé,
et permettra donc d'atténuer les distances, ne peut qu'entraîner, en l'aggravant,
un déséquilibre croissant de la balance touristique française.
Mais il faut cependant se demander si, d'une certaine manière, les Français
ne recherchent pas cette concentration des vacances. On peut remarquer que
partir au mois d'août, c'est un moyen de fuite d'une certaine solitude en même
temps qu'une affirmation d'appartenance à une certaine civilisation. Ces remar
quesétant renforcées par l'analyse de l'insatisfaction du public amené à la fr
équentation des stations désertes au mois de juin ou, au contraire, de sa propens
ion à s'agglutiner au mois d'août et à vivre alors dans une situation de surpeu
plement critique, alors même qu'il pourrait trouver sinon la solitude, du moins
un calme relatif, en acceptant de se tenir à quelques kilomètres en retrait des
bords de mer les plus fréquentés.

Les lieux de vacances.


Environ 15 % des séjours de vacances des Français se font à l'étranger, prin
cipalement dans les pays limitrophes : l'Espagne accueille ainsi près de 1,5 mil
lion de Français en été, l'Italie plus d'un million, la Suisse un demi-million, etc.
Mais alors que jusqu'à 1965, le nombre de séjours à l'étranger s'était très rapide
mentaccru, particulièrement en Espagne, en raison des prix compétitifs qui
y étaient pratiqués et qui y avaient attiré toute une nouvelle couche de clientèle,
nous sommes actuellement dans une phase de transition. Celle-ci correspond
à l'alignement progressif d,es coûts dans les divers pays d'Europe occidentale
et donc à une certaine stabilisation de leur fréquentation, et au début de l'essor
des séjours dans des pays plus lointains et beaucoup moins développés dont
l'exploitation touristique risque d'être menée de manière quasi-industrielle
au cours des décades à venir (à l'aide, bien sûr, de capitaux internationaux,
et sans qu'il soit toujours bien facile de déterminer l'importance du gain que les

11
CARTE
Localisation des séjours de vacances par département en 1964

I I moins de 100.000
I- * • *l de 100.000 à 149.000 de 300.000 a 449.000
I I de 150.000 à 199.000 de 450.000 à 699.000
de' 200.000 à 299.000 700.000 et plus
Les vacances des Français

économies nationales de ces pays pourront retirer de tels investissements).


En ce qui concerne les genres de régions de vacances, en été, c'est, de loin, le
bord de mer qui est le plus recherché, avec près de 40 % des séjours. Si la cam
pagne attire presque autant de monde, sur une beaucoup plus grande surface,
c'est parce que s'y trouvent de nombreuses résidences secondaires ou maisons
de famille, habitées en permanence ou non, permettant de prendre des vacances
économiques. La montagne attire également du monde en quelques points
privilégiés et particulièrement à proximité des plans d'eau permettant la nata
tion et le yachting. Les vacances itinérantes ou en ville sont surtout fréquentes
à l'étranger.
L'analyse des localisations des séjours de vacances suivant la région de domic
ilepermet de mettre en évidence un comportement spécifique des Parisiens :
au contraire des habitants des autres régions, ceux-ci partent, en effet, en vacances
dans toutes les régions de France, ce qui peut s'expliquer par de très nombreux
facteurs : nécessité de s'éloigner pour trouver des lieux de vacances, revenus
élevés permettant de s'éloigner, facteurs sociologiques liés à l'histoire du peuple
mentde Paris et aux habitudes de vacances dans la famille, etc. Il est ainsi
frappant de constater non seulement que les Lyonnais ou les Marseillais, qui
disposent de magnifiques zones de vacances à proximité de chez eux, restent à
l'intérieur de périmètres très étroits dont on peut presque dire qu'ils ne se recou
vrent pas, mais même qu'une forte proportion des habitants du Nord prennent
leurs vacances dans le Nord, le Pas-de-Calais ou sur la côte belge, qui sont ainsi
aussi fréquentés, en été, que les autres régions côtières, de la Manche, de l'Atlan
tiqueou de la Méditerranée.

Les modes d'hébergement.


Alors que pendant longtemps, et maintenant encore dans certains milieux,
l'hôtel a été considéré comme l'un des principaux modes d'hébergement de vacanc
es, il n'est utilisé en fait, à l'heure actuelle, que pour 10 % des nuitées de vacances,
et d'ailleurs nettement plus souvent à l'étranger qu'en France où sa part est
encore plus faible. C'est l'hébergement chez des parents qui représente, de
loin, la forme de vacances la plus répandue. C'est d'ailleurs par elle que les
nouveaux partants accèdent aux vacances : c'est, en effet, la plus économique
et elle constitue surtout la première étape, donnant à la, fois un moyen et une
justification au déplacement, du processus conduisant à la civilisation des
vacances. Près de 40 % des séjours sont ainsi passés chez des parents, sans que
l'on soit encore en mesure de préciser ce que représentent, parmi ceux-ci, les
séjours au domicile habituel des parents des séjours effectués avec eux, dans
leur résidence secondaire.
Environ 15 % des séjours se font dans des maisons louées, 5 % chez des amis
et 10 % dans une résidence secondaire que l'on possède. Que reste-t-il alors
pour les formes modernes de vacances : camping, villages de vacances, maisons
familiales de vacances, etc. et pour toutes les formes de vacances collectives
des jeunes? A elles toutes, elles représentent moins du quart de l'ensemble,
et beaucoup moins encore si l'on en exclut l'hébergement sous tente et en cara
vane. Celui-ci, en très rapide croissance depuis une dizaine d'années (croissance
permise par la modicité du coût d'investissement et sa répartition sur l'ensemble
des utilisateurs) représente maintenant environ 15 % des séjours d'été : il est

13
Claude Goguel

le fait, chaque année, de 3,5 millions de personnes et il constitue souvent un


puissant moyen d'intégration à la civilisation des vacances, permettant de se
libérer à la fois des contraintes familiales et financières. Mais à celles-ci s'en sont
rapidement substituées d'autres, tenant à la rapidité même de développement
du phénomène — surcharge ou inconfort des terrains — qui font douter que le
camping puisse longtemps subsister sous sa forme actuelle. Il suffira de quelques
incidents tenant à la poursuite de l'entassement actuel pour qu'une sévère
réglementation soit édictée qui favorisera une forme de camping luxueux et
cher, en rappelant à ceux à qui la route de la mer aura été barrée que, dans
une économie de marché, il faut payer même pour ne profiter que d'avantages
naturels tels que soleil et mer.
Les divers modes d'hébergement sont très inégalement utilisés par les diff
érentes catégories de population : alors que 80 % des séjours sont effectués chez
des parents ou amis, dans la tranche de revenu inférieure, cette part n'est que de
30 % dans la tranche supérieure. Très peu d'enfants vont à l'hôtel ; par contre,
on campe souvent avec des enfants et l'habitude de camper est très répandue
jusqu'à 50 ans, ceci d'ailleurs dans des classes* de revenu relativement aisé.
Les villages de vacances, parmi lesquels il faut distinguer ceux qui sont gérés
par des organismes à but non lucratif de ceux qui relèvent du secteur commercial,
ne sont fréquentés que par quelques pour cent de la population, les clubs de
vacances, dont l'image est culturelle ment valorisée — en partie grâce à leur
propre publicité — dans l'esprit des Français, n'accueillant quant à eux que
1 % des partants.
Le principal frein au développement des diverses formules de vacances collec
tives est essentiellement d'ordre financier car si les capitaux privés s'investissent
de plus en plus dans des équipements de loisirs et de vacances rentable?, les
investissements publics ne peuvent suffire à satisfaire la forte demande potent
ielle de vacances économiques.
Les colonies de vacances permettent à plus d'un million d'enfants de partir
chaque année : la croissance des premières années est maintenant bien passée
et elles arrivent tout juste à maintenir leur taux de fréquentation. En effet, les
départs d'adultes se multipliant, il arrive de moins en moins souvent que les
enfants partent en vacances sans que leurs parents partent également. Et
ceux-ci préfèrent emmener leurs enfants avec eux ; de telle sorte qu'une fraction
croissante des enfants qui partent en colonie de vacances y effectuent un séjour
secondaire, étant précédemment partis avec leurs parents. Cette modification
du rôle de la colonie, qui prend une fonction d'appoint, correspond d'ailleurs à
une modification de clientèle, les familles susceptibles de payer deux séjours de
vacances successifs à leur enfant étant déjà d'un niveau de revenu relativement
élevé, au contraire de celles pour lesquelles la colonie représente la seule chance
de départ de leur enfant.

Les trajets de vacances.


Qui dit déplacement dit voyage. Les vacances sont l'occasion de circuler, de
découvrir des provinces ou des pays nouveaux, de rencontrer des personnes
différentes. Mais, s'il est possible d'estimer les distances parcourues .à l'occasion
des vacances, il est beaucoup plus difficile d'apprécier l'intégration de ces trajets
de vacances aux régions traversées. A côté des 7 % de séjours itinérants, plus

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Les vacances des Français

courants à l'étranger qu'en France, et que l'on peut bien appeler séjours touris
tiques, on peut citer le cas extrême de ces campeurs motorisés à qui il faut une
journée entière pour monter leur campement et qui traversent la France d'une
traite, pour éviter toute étape intermédiaire qui les obligerait à détruire le savant
agencement de leur matériel sur le toit de leur voiture.
Et ce n'est pas parce qu'une part croissante des trajets est effectuée en auto
(les deux tiers) au détriment du train (qui n'est plus utilisé que pour le quart
des trajets), que les voyages permettent mieux qu'avant de découvrir les régions
traversées ; il est de plus en plus difficile de s'arrêter au bord d'une route, et la
nécessité de tenir « la moyenne » jointe au désir d'économiser les frais d'une
étape inutile n'encouragent pas à prendre le chemin des écoliers.
. Bien que les partants effectuent, en moyenne, 1 400 km à l'occasion de leurs
divers séjours de vacances de l'année (la distance moyenne entre domicile et
lieu de vacances étant de l'ordre de 350 km), il ne faut guère espérer que s'éta
blissent beaucoup de contacts personnels entre indigènes et touristes. A la limite,
ceci est totalement exclu quand les touristes sont retranchés dans un village
artificiel éloigné de toute agglomération, et qu'aucun échange, même commercial,
ne peut se faire avec la population locale.
Guère plus de 1 % des trajets de vacances, qui représentent 3,5 % de la dis
tance parcourue, se font en avion. Mais il est d'autres modes de transport de
luxe ; ainsi le train a-t-il une double clientèle : celle des familles non encore
équipées de voiture qui prennent leurs congés payés (quatre Français sur dix
appartiennent à une famille non équipée de voiture), et celle des familles les
plus aisées qui prennent un train auto-couchettes pour descendre sur la Côte
d'Azur ou qui abandonnent leur voiture pour partir en train aux sports d'hiver.

Les résidences secondaires.

Près de 1,4 million de familles disposent d'une résidence secondaire dans


laquelle elles peuvent se rendre quand il leur plaît. Mais, sur ce nombre, 1 million
seulement possèdent leur propre résidence secondaire, les autres résidences étant
soit louées à l'année, soit tenues à la disposition d'enfants ou d'autres membres
de la famille. La répartition géographique des résidences secondaires présente
une certaine ressemblance avec celle des séjours de vacances : forte densité sur
les côtes et dans les régions de montagne ; mais apparaissent aussi les résidences
secondaires de week-end des Parisiens, surtout dans l'Ouest et le Sud-Est de
l'agglomération parisienne, dans lesquelles s'effectuent des séjours secondaires
de vacances, à Pâques ou en fin de saison, mais qui restent souvent inoccupées
pendant tout l'été. Car, pour les Parisiens beaucoup plus que pour les provin
ciaux, on peut distinguer résidences de vacances et de week-end.
Le parc des résidences secondaires, difficile à estimer précisément, s'accroîtrait
d'environ 60 000 à 80 000 unités par an, l'accroissement provenant pour environ
un tiers de constructions neuves et pour deux tiers de transformations d'an
ciennes résidences principales. S'il reste encore un potentiel considérable de
maisons anciennes à remettre en état dans des régions déshéritées où sévit
l'exode rural, l'accroissement du parc de résidences secondaires peut par contre
poser des problèmes considérables dans certaines régions touristiques ou dans la
périphérie des grandes agglomérations, faisant monter le prix des terrains,

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Claude Goguel

réduisant la surface des terres cultivables, à la limite rendant les occupants du


dimanche majoritaires dans les assemblées locales.
Environ 160 000 familles possèdent une caravane, que l'on peut considérer
comme résidence secondaire mobile. Si ce nombre peut paraître encore peu élevé,
il faut remarquer que la France tient la seconde place en Europe, après la
Grande-Bretagne, dans ce domaine et qu'un tel nombre correspond à un taux
de possession de 1 % qui n'est pas négligeable. Autre comparaison : il y aurait
à peu près deux fois plus de caravanes, en France, que de voiliers de tous types.
Plus d'un million de familles possèdent une tente sans posséder de caravane.

Les dépenses de vacances.


Non seulement le fait de partir en vacances est-il lié à l'existence d'un niveau
de revenu suffisant, mais encore, pour ceux qui partent, les dépenses, et donc le
choix du type de séjour, présentent-ils encore une liaison très étroite avec le
niveau de revenu. Ceci n'est pas surprenant. Ce qui l'est plus, c'est de constater
que la part du revenu consacrée aux dépenses des vacances est, dans les familles
qui partent, à peu près constante, et ne représente que de 6 à 8 % de ce revenu.
En fait, si l'on considère l'ensemble des ménages, ceci correspond à une très forte
élasticité des dépenses de vacances par rapport au revenu, mais il faut tout de
même expliquer comment la dépense de vacances peut ne pas être plus élevée
que ce qu'elle est.
Remarquons d'abord que 6 à 8 % du revenu annuel, c'est près d'un mois de
revenu ; alors que la durée moyenne des vacances hors domicile est justement
d'un mois. Puis, que ce pourcentage du revenu du foyer est consacré aux dépenses
de vacances des seuls membres du foyer qui partent ; or, huit à neuf sur dix
seulement des membres des foyers dont au moins un membre est parti, partent.
Enfin, toutes les dépenses contractuelles, de logement, d'impôts, d'amortisse
ment de l'équipement, etc. continuent à courir pendant la période des vacances,
de telle sorte que les chiffres ci-dessus ne détruisent pas complètement l'idée
selon laquelle les vacances constituent une période de dépenses libres, irréfléchies
ou inavouées, et en tout cas importantes.
En valeur absolue que représentent ces dépenses ? 1 200 francs par ménage
parti et par an, 450 francs par personne et par an, 15 francs par personne et par
journée de vacances. Mais il faut bien souligner que ces nombres ne constituent
que des moyennes et correspondent à des formes de vacances extrêmement
variées, depuis le séjour, en partie subventionné, en colonie de vacances, ou le
séjour quasi-gratuit chez des parents ou amis, jusqu'au séjour à l'hôtel ou au
circuit touristique dans un pays étranger lointain. On ne peut analyser cette
dépense en fonction du type de séjour, la dépense étant connue au niveau annuel
et pour l'ensemble de la famille, alors qu'il a pu y avoir des séjours nombreux
et de types variés pendant cette période. On peut par contre, connaissant son
rapport au revenu, donner son intervalle de variation. La dépense par ménage
varie de 250 francs à 5 000 francs environ entre les catégories extrêmes, la dép ense
par personne variant de 250 francs à 1 000 francs pour l'année et de 7 francs
à 22 francs pour la journée.
Mais l'analyse des dépenses de vacances fait encore apparaître d'autres « lois »
intéressantes à interpréter : ainsi, la dépense de vacances est-elle pratiquement
la même, à revenu égal, dans toutes les catégories sociales, ce qui témoigne d'une

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Les vacances des Français

remarquable homogénéité de comportement, et surtout la dépense de vacances


est pratiquement indépendante de la taille des familles. Non seulement part-on
moins en vacances quand on appartient à une famille nombreuse mais, le budget
vacances étant ainsi exactement fixé par l'importance des ressources familiales,
détermine le type de vacances, genre de région, distance, mode d'hébergement,
etc. que l'on peut prendre. Et si l'on ne trouve pas de formule de vacances
correspondant à ce budget, on ne part pas. Dernière « loi » : la répartition du
budget vacances entre quelques grandes catégories de dépenses est extrêmement
stable et indépendante de la dépense ; 60 % des dépenses de vacances sont
des dépenses d'hébergement et de nourriture, 20 % des dépenses de transports
et 20 % d'autres dépenses (cette dernière répartition n'est cependant pas appli
cable à des séjours particuliers comme ceux de sports d'hiver pour lesquels
on trouve la répartition suivante des dépenses : 68 % pour l'hébergement et la
nourriture, 12 % pour les transports et 20 % pour les autres dépenses).
Si 15 % seulement des séjours de vacances se font à l'étranger, ceux-ci sont
le fait de catégories plutôt aisées de la population et se font dans des modes
d'hébergement relativement chers ; de telle sorte que c'est près du quart de la
dépense totale de vacances qui correspond à des séjours à l'étranger, sans que
l'on puisse distinguer très précisément la part de la dépense effectivement
déboursée à l'étranger de celle qui a servi à rémunérer, en France, l'organisateur
d'un séjour à l'étranger.

Les déplacements de week-end.

Nous avons jusqu'ici parlé de vacances en ne considérant que les déplace


mentsde quatre jours ou plus. Mais il ne faut pas négliger pour autant les courts
déplacements rendus possibles par l'accélération des transports, l'élévation des
niveaux de vie et l'aménagement des horaires hebdomadaires de travail.
Aucune étude complète n'a encore été faite ' des déplacements de week-
end ; de premiers résultats, partiels, sont cependant d'ores et déjà disponibles
qui montrent que, s'il arrive à trois Français sur dix de partir en week-end en
couchant au moins une nuit à l'extérieur de leur domicile habituel, le départ
fréquent n'est le fait que d'une petite minorité, 5 % environ de la population
qui dispose d'un toit — résidence secondaire, chez des parents, éventuellement
chez des amis — à faible distance de son domicile principal (il est d'ailleurs
intéressant de constater que le départ régulier en week-end semblerait surtout
le fait des cadres moyens plutôt que des classes les plus aisées de la population).
Il suffit que cette minorité se rende chaque semaine dans les périphéries des
agglomérations et qu'en outre un rayon de soleil incite d'autres citadins à aller
passer la journée à la campagne, pour que les routes soient rapidement saturées,
donnant l'illusion que « tout le monde part en week-end ». En fait, lors d'un
beau week-end de printemps, moins de 10 % des citadins partent pour le week-
end ou la journée. Par contre, dès qu'apparaît la possibilité de prolonger le
week-end grâce à une heureuse succession de jours de congés comme nous en
connaissons chaque année au mois de mai, le nombre de départs peut être
beaucoup plus élevé, les partants n'hésitant pas alors à parcourir quelques
centaines de kilomètres. Il est probable que ces courts déplacements, interméd
iairesentre séjours de vacances et départs classiques de week-end, se multi-

17
Claude Goguel

plieront rapidement au cours des années à venir, tout en restant le fait de caté
gories de population relativement aisées, et poseront très vite les mêmes pro
blèmes de saturation que les grands départs en vacances.

Quelques perspectives.
Nous sommes incontestablement dans une période d'évolution rapide de tous
les comportements de loisir. Mais dans ce domaine, dire d'une évolution qu'elle
est rapide ne doit pas faire croire que les phénomènes se modifient brutalement
d'une année à l'autre : s'agissant de comportements de masse qui affectent la
moitié de la population française, les modifications ne peuvent apparaître
tangibles que sur des périodes de plusieurs années, de l'ordre de la dizaine.
Le taux de départ en vacances croît. L'analyse du passé récent et les projec
tionsque l'on peut faire pour un avenir pas trop lointain montrent qu'il devrait
continuer à croître dans les dix ans à venir : de 45 % actuellement, il pourrait
atteindre 50 % vers 1972 et 60 % entre 1980 et 1985. La durée des vacances
hors domicile continuerait aussi à croître, mais modérément, sous le triple effet
de l'accroissement des revenus, d'un éventuel allongement des congés et de la
multiplication des séjours de vacances secondaires dans lesquels seront inclus
en nombre croissant, des dimanches et des jours de congés légaux (qui ne sont
que partiellement intégrés, pour l'instant, à des séjours de vacances).
Après une légère pause, le nombre de séjours à l'étranger pourrait augmenter
rapidement vers la fin de la prochaine décade ; la croissance portant à la fois
sur les séjours principaux dans des pays économiquement peu développés et
sur les séjours secondaires lointains d'une clientèle très aisée.
Il sera nécessaire, pour compenser l'attirance de la mer et éviter que les côtes
ne se transforment en immenses champs de bataille (ou terrains vagues après
le reflux) de fortement encourager la création de stations intérieures correct
ement équipées (en particulier de plans d'eau autorisant tous les sports nautiques).
Mais on peut s'interroger sur les chances réelles de telles stations face à la concur
rencedes stations de bord de mer qui s'implanteront à l'étranger. Ainsi dès main
tenant construit-on des résidences secondaires de luxe en Sardaigne ; ce sera
bientôt le tour de l'Afrique du Nord, des villages de vacances devant, quant à
eux, s'implanter, malgré l'instabilité politique, tout autour de la Méditerranée
et même sur des côtes encore beaucoup plus éloignées.
Saurons-nous résoudre le problème de l'étalement des vacances? C'est dou
teux en ce qui concerne les vacances d'été ; il faudrait, en effet, une énergie peu
commune, dont personne n'est prêt à faire preuve, pour rompre le cercle vicieux
actuel : l'habitude étant prise de mettre l'économie nationale en veilleuse au
mois d'août, chacun, qu'il soit client ou fournisseur, est obligé de suivre le rythme
ainsi imposé et ne changera ses habitudes que sous des contraintes très violentes.
On peut au moins espérer arriver à un certain étalement des vacances d'hiver :
les phénomènes de pointe sont déjà tels, en effet, à Noël, au 1er janvier ou à
Pâques, et le désir de départ à ces occasions si fort chez certains, qu'on sera
inévitablement amené un jour à désynchroniser les dates de vacances scolaires
des diverses régions. Ce qui permettra à un plus grand nombre de partir aux
sports d'hiver dans des conditions financières améliorées.
Mais en fait, tant aux sports d'hiver, dont l'urbanisme tend à devenir urbain
qu'au bord de la mer où, à la villa de naguère succèdent des ensembles d'habi-

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Les vacances des Français

tations juxtaposés ou superposés, se posera le problème de la signification des


vacances. De moins en moins, le terme n'évoque, en effet, des idées de calme, de
solitude ou de retour à la nature ; les vacances constituent, semble-t-il, l'occasion
d'un certain rapprochement ou d'une vie sociale difficile à connaître dans un
univers urbain classique en même temps qu'une époque au cours de laquelle
on cherche à se libérer des contraintes auxquelles on est quotidiennement sou
mis le reste de l'année : contraintes professionnelles, financières (on dépense
plus facilement en vacances, dans le cadre du budget que l'on s'est fixé avant
de partir, que pendant l'année), familiales, etc. De plus en plus, elles offrent
aussi des possibilités de pratique sportive ou culturelle.
Mais les contraintes ne vont-elles pas se trouver recréées par le succès même
des vacances ou remplacées par de nouvelles et ce qui faisait la spécificité des
vacances ne va-t-il pas progressivement disparaître par évolution à la fois des
vacances et du mode de vie quotidien?
C'est, à travers celui des vacances et du tourisme, tout le problème de l'évo
lution de notre civilisation qui est ainsi posé.

Claude Goguel
Institut National de la Statistique
et des Études économiques.

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