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Goguel Claude. Les vacances des Français. In: Communications, 10, 1967. pp. 3-19.
doi : 10.3406/comm.1967.1139
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1967_num_10_1_1139
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alors que les ruraux, qui représentent le tiers de la population française, partent •
encore relativement peu. Mais surtout, la durée des vacances hors domicile,
qui résulte très directement de celle des congés, est considérablement plus élevée
en France que dans tout autre pays. Comment expliquer ces différences natio
nales ? L'importance des congés annuels des travailleurs français est-elle la cause
ou la conséquence de leur durée élevée de travail hebdomadaire? Dans quelle
mesure faut-il expliquer cette structure particulière de l'année de travail par la
médiocrité de l'habitat ou l'imperfection de l'urbanisme qui empêcheraient les
Français de pleinement profiter à leur domicile habituel des heures qui seraient
gagnées sur le travail en cours d'année? Ou par la variété du peuplement de
Paris, les Parisiens fournissant à eux seuls plus du tiers des partants en vacances,
et retournant, souvent, passer l'été dans leur région ou leur village d'origine?
Ou plus simplement par la multiplicité, la qualité et la diversité des sites touris
tiques français ? Ou encore par la nature des divers climats auxquels nous sommes
soumis ? Autant de questions que l'on peut être tenté de poser mais auxquelles
nous ne répondrons qu'indirectement par une description des caractéristiques
des vacances des Français.
Quelles sont les sources de notre connaissance des vacances ? Bien sûr, de mult
iples observations personnelles, chacun d'entre nous étant souvent amené
à se transformer à la fois en acteur et en observateur et à percevoir les échos
qui en donnent une image régulièrement grossie, partielle ou déformée et auxquels,
pendant longtemps, le bon sens n'a pu opposer aucune description complète et
cohérente fondée sur des observations homogènes. Cette impossibilité de pro
céder à une description fidèle d'un phénomène aux dimensions aussi nombreuses
que variées par de seules observations empiriques justifie l'emploi qui a été fait
par l'I.N.S.E.E 1., pour le décrire, d'enquêtes par sondage qui permettent d'éla
borer un cadre d'analyse précis, cadre statistique à l'intérieur duquel les socio
logues peuvent ensuite, sans risque de déformation perspective, s'attacher à
préciser la nature, les caractéristiques et la signification de tel ou tel aspect
particulier des vacances.
L'I.N.S.E.E. a ainsi régulièrement procédé, depuis 1949, à des études par
sondage des vacances, en interrogeant, à leur domicile habituel après la période
des vacances, des familles constituant des échantillons représentatifs de la popu
lation française. La dernière enquête complète, qui a porté sur près de 18 000 per
sonnes appartenant à 6 000 foyers distincts, date de 1964 ; elle a d'ailleurs été
prolongée et actualisée en 1965 et 1966, de telle sorte que, si l'on est pendant
longtemps resté très ignorant des caractéristiques exactes des vacances des
Français, leur étude statistique est maintenant faite en permanence, ce qui
permet de suivre avec précision l'évolution des principales grandeurs.
D'autres enquêtes par sondage ont été effectuées par l'I.F.O.P 2. et le
CREDOC 3, qui apportent également des éléments d'information complé
mentaires sur tel aspect des vacances ou sur le comportement de telle catégorie
de population. C'est une synthèse des résultats de toutes ces enquêtes statistiques
que nous allons donner ci-dessous sans rappeler l'origine exacte de chaque
observation et sans chercher non plus à aller au-delà d'une présentation comment
ée de résultats. C'est à partir de ceux-ci que l'on pourra ensuite se livrer à
toutes réflexions utiles sur le phénomène « vacances ».
1. Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques.
2. Institut Français d'Opinion Publique.
3. Centre de Recherche et de Documentation sur la Consommation.
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régulièrement entre ces deux limites au fur et à mesure que la taille des villes
croît.
Alors qu'il est facile d'étudier l'évolution des taux de départ des diverses
catégories sociales, et de noter que le taux croît dans toutes les catégories sauf
peut-être chez les adolescents, les agriculteurs (dont une très petite minorité
seulement appartient à cette civilisation des vacances), et les cadres supérieurs
et professions libérales (qui ont pratiquement atteint le taux de saturation),
il est très difficile d'étudier l'évolution du taux de départ dans les diverses caté
gories de communes ou d'agglomérations. En effet, sous l'effet de l'urbanisation,
les limites des agglomérations se modifient sans cesse de telle sorte qu'il n'est
pas possible de caractériser de manière permanente les agglomérations par leur
taille. Il semblerait cependant qu'à une certaine taille d'agglomération corre
sponde un taux de départ en vacances à peu près constant, et que la croissance
du nombre de départs s'explique essentiellement par l'urbanisation, c'est-à-dire
par la croissance régulière de la population des agglomérations urbaines plutôt
que par une croissance du taux de départ de chaque catégorie d'agglomération.
D'autres facteurs encore peuvent être isolés qui contribuent à faciliter ou à
freiner le départ en vacances : la possession d'une voiture, ou a fortiori d'une rés
idence secondaire, favorisent le départ, alors que l'existence de nombreux enfants
limite les possibilités de départ des parents et également, du fait des contraintes
financières, de ces enfants. Mais l'analyse des départs en vacances peut être
facilement résumée à l'étude de la liaison existant entre taux de départ et niveau
de revenu du ménage. On peut ainsi non seulement rendre compte de l'évolution
des départs, mais également projeter les taux de départ pour des années pas
trop éloignées et sous certaines hypothèses bien définies. Une telle analyse
montre l'étroite dépendance existant entre taux de départ et niveau de revenu,
non seulement en ce qui concerne l'existence d'au moins un départ dans l'année,
mais aussi, et de manière très nette, en ce qui concerne les départs multiples :
il faut ainsi disposer, dans une famille, d'un revenu annuel d'au moins 25 000
francs pour avoir une chance non négligeable de partir à deux reprises dans
l'année, et le triple ou quadruple départ dans l'année n'est pas rare dans les
familles disposant de 100 000 francs par an.
La liaison entre départ et revenu est restée extrêmement stable au cours des
cinq dernières années, si bien que la quasi-totalité de la croissance des départs
au cours de cette période peut être, statistiquement, expliquée par l'élévation
du niveau de vie des ménages : contrairement à une idée fort répandue, on ne
noterait donc aucun effet de diffusion des départs à niveau de revenu réel cons
tant. On manque malheureusement de données statistiques relatives à des
périodes plus lointaines, qui permettraient de préciser les époques, qui ont
inévitablement existé, de diffusion des vacances.
On remarquera qu'une absence de diffusion des départs, dans un passé récent,
a très bien pu correspondre à une rapide augmentation de la durée des vacances
hors domicile, permise par l'allongement des congés (les deux tiers des salariés
avaient, en 1965, un mois ou plus de congés et la durée moyenne des vacances
hors domicile des personnes de tous âges parties au moins une fois au cours
de l'année était de 30 jours en 1964, 36 jours pour les enfants, 28 jours pour les
adultes).
Claude Goguel
TABLEAU I
Nombre de partants
et taux de départ en Vacances en 1966
* Tous les taux sont calculés sur la seule population des ménages ordinaires. On peut considérer
que le nombre de départs en vacances de personnes appartenant à la population comptée à part ou
aux ménages collectifs est négligeable.
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Les vacances des Français
En ce qui concerne les vacances d'été, la concentration des départs sur les
mois de juillet et août est encore plus frappante : pendant la première quinzaine
d'août, plus de 10 millions de Français sont simultanément en vacances, et de
nombreuses usines sont alors fermées, ce qui serait impensable dans d'autres
pays. Tous les investissements de vacances doivent alors être amortis dans les
pires conditions sur une période de l'année extrêmement courte, ce qui tend à
accroître les coûts et à faire fortement baisser la qualité du service rendu : nom
breux sont les Français qui quittent un univers urbain, souvent qualifié de
concentrationnaire, pour le trouver reconstitué au bord de la mer.
TABLEAU II
* Les catégories ne sont en fait pas strictement comparables en 1961 et en 1966, du fait des modifi
cations des limites des agglomérations intervenues entre temps.
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Ce n'est que par une modification radicale de nos habitudes que cette situation
pourra être améliorée : mais les Français n'ont pas encore pleinement pris
conscience de la perte considérable, financière d'abord mais aussi de confort,
de liberté, etc., qu'entraîne l'actuel calendrier des vacances d'été et la date
de leurs vacances leur est souvent imposée par leur employeur ou par les études
de leurs enfants.
D'autres conséquences, moins directement perceptibles, risquent de résulter
de l'absence d'étalement des vacances : il est d'abord probable que le rythme
d'accroissement des départs pourrait être notablement plus élevé, grâce à une
diffusion des départs à niveau de revenu réel constant, si, du fait d'un bon éta
lement qui permettrait de rentabiliser au maximum les équipements, le coût
des vacances s'abaissait ; ainsi, sans qu'ils en soient conscients, les non-partants
souffriraient, eux aussi, de l'absence d'étalement des départs. Par ailleurs, la
concentration des départs étant spécialement marquée en France — la durée
élevée des congés pouvant être, en partie, responsable de cette situation, dans la
mesure où il y a plus facilement superposition de périodes de congés d'un mois
que de quinze jours — le coût des vacances risque de rester, ou de devenir, plus
élevé en France, ou dans les équipements de vacances principalement fréquentés
par des Français, que dans les pays étrangers qui reçoivent plus facilement
des touristes à toutes les époques de l'année. Une telle situation, qui sera d'autant
plus sensible que le coût relatif des transports aériens de masse se sera abaissé,
et permettra donc d'atténuer les distances, ne peut qu'entraîner, en l'aggravant,
un déséquilibre croissant de la balance touristique française.
Mais il faut cependant se demander si, d'une certaine manière, les Français
ne recherchent pas cette concentration des vacances. On peut remarquer que
partir au mois d'août, c'est un moyen de fuite d'une certaine solitude en même
temps qu'une affirmation d'appartenance à une certaine civilisation. Ces remar
quesétant renforcées par l'analyse de l'insatisfaction du public amené à la fr
équentation des stations désertes au mois de juin ou, au contraire, de sa propens
ion à s'agglutiner au mois d'août et à vivre alors dans une situation de surpeu
plement critique, alors même qu'il pourrait trouver sinon la solitude, du moins
un calme relatif, en acceptant de se tenir à quelques kilomètres en retrait des
bords de mer les plus fréquentés.
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CARTE
Localisation des séjours de vacances par département en 1964
I I moins de 100.000
I- * • *l de 100.000 à 149.000 de 300.000 a 449.000
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courants à l'étranger qu'en France, et que l'on peut bien appeler séjours touris
tiques, on peut citer le cas extrême de ces campeurs motorisés à qui il faut une
journée entière pour monter leur campement et qui traversent la France d'une
traite, pour éviter toute étape intermédiaire qui les obligerait à détruire le savant
agencement de leur matériel sur le toit de leur voiture.
Et ce n'est pas parce qu'une part croissante des trajets est effectuée en auto
(les deux tiers) au détriment du train (qui n'est plus utilisé que pour le quart
des trajets), que les voyages permettent mieux qu'avant de découvrir les régions
traversées ; il est de plus en plus difficile de s'arrêter au bord d'une route, et la
nécessité de tenir « la moyenne » jointe au désir d'économiser les frais d'une
étape inutile n'encouragent pas à prendre le chemin des écoliers.
. Bien que les partants effectuent, en moyenne, 1 400 km à l'occasion de leurs
divers séjours de vacances de l'année (la distance moyenne entre domicile et
lieu de vacances étant de l'ordre de 350 km), il ne faut guère espérer que s'éta
blissent beaucoup de contacts personnels entre indigènes et touristes. A la limite,
ceci est totalement exclu quand les touristes sont retranchés dans un village
artificiel éloigné de toute agglomération, et qu'aucun échange, même commercial,
ne peut se faire avec la population locale.
Guère plus de 1 % des trajets de vacances, qui représentent 3,5 % de la dis
tance parcourue, se font en avion. Mais il est d'autres modes de transport de
luxe ; ainsi le train a-t-il une double clientèle : celle des familles non encore
équipées de voiture qui prennent leurs congés payés (quatre Français sur dix
appartiennent à une famille non équipée de voiture), et celle des familles les
plus aisées qui prennent un train auto-couchettes pour descendre sur la Côte
d'Azur ou qui abandonnent leur voiture pour partir en train aux sports d'hiver.
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plieront rapidement au cours des années à venir, tout en restant le fait de caté
gories de population relativement aisées, et poseront très vite les mêmes pro
blèmes de saturation que les grands départs en vacances.
Quelques perspectives.
Nous sommes incontestablement dans une période d'évolution rapide de tous
les comportements de loisir. Mais dans ce domaine, dire d'une évolution qu'elle
est rapide ne doit pas faire croire que les phénomènes se modifient brutalement
d'une année à l'autre : s'agissant de comportements de masse qui affectent la
moitié de la population française, les modifications ne peuvent apparaître
tangibles que sur des périodes de plusieurs années, de l'ordre de la dizaine.
Le taux de départ en vacances croît. L'analyse du passé récent et les projec
tionsque l'on peut faire pour un avenir pas trop lointain montrent qu'il devrait
continuer à croître dans les dix ans à venir : de 45 % actuellement, il pourrait
atteindre 50 % vers 1972 et 60 % entre 1980 et 1985. La durée des vacances
hors domicile continuerait aussi à croître, mais modérément, sous le triple effet
de l'accroissement des revenus, d'un éventuel allongement des congés et de la
multiplication des séjours de vacances secondaires dans lesquels seront inclus
en nombre croissant, des dimanches et des jours de congés légaux (qui ne sont
que partiellement intégrés, pour l'instant, à des séjours de vacances).
Après une légère pause, le nombre de séjours à l'étranger pourrait augmenter
rapidement vers la fin de la prochaine décade ; la croissance portant à la fois
sur les séjours principaux dans des pays économiquement peu développés et
sur les séjours secondaires lointains d'une clientèle très aisée.
Il sera nécessaire, pour compenser l'attirance de la mer et éviter que les côtes
ne se transforment en immenses champs de bataille (ou terrains vagues après
le reflux) de fortement encourager la création de stations intérieures correct
ement équipées (en particulier de plans d'eau autorisant tous les sports nautiques).
Mais on peut s'interroger sur les chances réelles de telles stations face à la concur
rencedes stations de bord de mer qui s'implanteront à l'étranger. Ainsi dès main
tenant construit-on des résidences secondaires de luxe en Sardaigne ; ce sera
bientôt le tour de l'Afrique du Nord, des villages de vacances devant, quant à
eux, s'implanter, malgré l'instabilité politique, tout autour de la Méditerranée
et même sur des côtes encore beaucoup plus éloignées.
Saurons-nous résoudre le problème de l'étalement des vacances? C'est dou
teux en ce qui concerne les vacances d'été ; il faudrait, en effet, une énergie peu
commune, dont personne n'est prêt à faire preuve, pour rompre le cercle vicieux
actuel : l'habitude étant prise de mettre l'économie nationale en veilleuse au
mois d'août, chacun, qu'il soit client ou fournisseur, est obligé de suivre le rythme
ainsi imposé et ne changera ses habitudes que sous des contraintes très violentes.
On peut au moins espérer arriver à un certain étalement des vacances d'hiver :
les phénomènes de pointe sont déjà tels, en effet, à Noël, au 1er janvier ou à
Pâques, et le désir de départ à ces occasions si fort chez certains, qu'on sera
inévitablement amené un jour à désynchroniser les dates de vacances scolaires
des diverses régions. Ce qui permettra à un plus grand nombre de partir aux
sports d'hiver dans des conditions financières améliorées.
Mais en fait, tant aux sports d'hiver, dont l'urbanisme tend à devenir urbain
qu'au bord de la mer où, à la villa de naguère succèdent des ensembles d'habi-
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