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L’évolution de la didactique du fle en trois périodes.

1. Les débuts officiels du fle datent de 1960 avec la parution de la 1ère méthode
sgav. Le courant audio-visuel marquera profondément les années 60-70
correspondant à une période pionnière. Les techniques et pratiques de classe
constituant les ressorts de la méthodologie trouvent leur place dans une
didactique se développant dans un double mouvement descendant – ascendant
(figure suivante). Le mouvement descendant consiste en la sélection et la
transposition de connaissances issues des disciplines de référence appelées aussi
disciplines savantes. Aucun modèle, aucune théorie ne peuvent être implantés
tels quels dans la salle de classe. Ils nécessitent un travail complexe de
« pédagogisation ». Celle-ci est toujours une simplification des savoirs importés
et n’est pas sans danger. Le risque est grand d’amputer la théorie, de la déformer
de la caricaturer et de la rendre faussement opératoire. Le mouvement ascendant
est le questionnement qu’a l’enseignant à partir des problèmes concret
rencontrés sur le terrain. Les disciplines savantes de référence peuvent parfois
apporter un élément de réponse ou suggérer d’autres pratiques pédagogiques.

Ce mouvement descendant – ascendant a caractérisé la dfle des années 1960-


1970. Les didacticiens de l’époque avaient majoritairement une approche
empirique et s’efforçaient de résoudre des problèmes tangibles en suggérant des
réponses méthodologiques afin d’améliorer le déroulement de
l’enseignement/apprentissage.
2. Une deuxième période débute avec l’avènement des Approches
communicatives (fin années 70-années 80) et se prolonge durant les années 90
marquées par l’éclectisme. Les Approches Communicatives rejettent en bloc les
avancées de la période précédente. Elles se démarquent de la méthodologie en
ce sens qu’elles sont des approches et se veulent donc beaucoup plus flexibles
que la rigidité dénoncée des méthodologies audio-visuelles. Les approches
communicatives autorisent la souplesse et la diversité. La communication
devient à la fois but et moyen de l’apprentissage des langues.

L’expression Approches communicatives a été utilisée pour qualifier des


pratiques d’enseignement très hétéroclites aux contenus pédagogiques parfois
indéfinis. Les approches se sont également caractérisées par un manque de
concorde sur le plan des théories d’origines diverses (linguistiques,
psychologiques, autres) souvent convoquées de façon hâtive et sans prendre
l’élémentaire précaution de les soumettre à l’épreuve des faits –c’est à dire à la
réalité de la classe- avant de les exposer/imposer péremptoirement dans l’arène
de la DFLES. D’où l’impression de flou et de bric-à-brac tant théorique que
méthodologique caractérisant cette notion. En fait, tout devient permis sous
prétexte que c’est en communiquant qu’on apprend à communiquer en langue
étrangère.

On aurait pu penser que l’éclectisme des années 90 allait remettre la


méthodologie au cœur du débat puisque par définition il est censé emprunter à
chacune d’elles ce qu’il y a de meilleur. Il n’en est rien. Au contraire, la dilution
de la méthodologie se poursuit. Si nous nous référons à la figure en supra, le
mouvement descendant est toujours de mise. C’est le mouvement ascendant qui
n’existe plus depuis les années 1980. Les pistes explorées par beaucoup de
didacticiens, sont des discours essentiellement spéculatifs n’apportant que
rarement des réponses concrètes aux enseignants de terrain en les laissant
finalement seuls devant les choix à opérer face à leurs apprenants. Dans le même
registre, la tendance des années 1990 et au delà est de proposer des manuels de
didactique

au discours théorique minimaliste et offrant des fiches pratiques


consultables en un clin d’œil,
dissertant sur les thèmes actuellement porteurs et accordant une place
relativement modeste aux questions méthodologiques.

3. La 3ème période débute avec l’avènement du Cadre et se poursuit de nos jours.

L’évolution des fondamentaux du fle.

On peut adopter une approche consistant à commenter les avancées du fle à la


lumière de matériels de référence mis à la disposition des didacticiens,
méthodologues enseignants, et fournissant des orientations durables pour la
conception des manuels et des cours. Comme rappelé ci-dessous:
1. Le français fondamental (FF) marque les débuts de la période pionnière du
fle. Son influence s’étend jusqu’à la fin des années 70. Pour rappel, à partir de la
1ère
enquête contrôlée de terrain sur le français parlé, sont mis à disposition des
concepteurs de méthodes et des enseignants un vocabulaire des mots les plus
fréquents et les plus utilisés, ainsi qu’une grammaire pédagogique. Les
concepteurs du courant sgav s’inspirent naturellement du FF pour bâtir les
dialogues de leurs méthodes audio-visuelles. Ils optent également pour une
grammaire structurale plus à même de permettre un travail efficace sur les
structures de la langue qu’en utilisant une grammaire dite traditionnelle. Cette
période est dominée par

la priorité de l’oral par rapport à l’écrit introduit après plusieurs dizaines


d’heures;
l’acquisition des différentes structures de la L2 de manière inductive grâce
à une méthodologie précisément décrite et explicitée,
le recours aux exercices structuraux
l’importance accordée au contexte extralinguistique pour faciliter l’accès
au sens.

2. Un Niveau Seuil paraît en 1976. Dans un contexte où

le mot clé est communication;


Les travaux en sociolinguistique, ceux notamment de Labov, Gofman,
Gumperz et Hymes pur ne citer qu’eux, inspirent linguistes et
didacticiens;
les linguistiques dites de la parole suscitent engouement et intérêt par
rapport à la rigidité parfois dogmatique du structuralisme. L’énonciation
et la pragmatique ont le vent en poupe; Les actes de parole sont
plébiscités par des linguistes comme des didacticiens de langues;
la notion de discours se popularise de plus en plus;
la compétence de communication est en train de pénétrer l’univers des L2
et révolutionne le monde du fle;
certains éprouvent de la lassitude vis à vis des méthodes audio-visuelles.

Un Niveau seuil marque un tournant dans l’univers du fle. Il concrétise en


quelques sorte l’existence d’une autre linguistique possible à côté du
structuralisme dominant de la décennie précédente.

Un Niveau Seuil est un outil pour la mise en œuvre d’enseignements


« fonctionnels » afin de satisfaire les besoins de communications spécifiques de
publics spécifiques. Son principe directeur est le suivant: on peut déterminer les
besoins langagiers d’apprenants en fonction des actes de parole qu’ils auront à
accomplir dans certaines situations, envers certains interlocuteurs, à propos de
certains objets ou notions. Par conséquent, le choix du vocabulaire et des
structures grammaticales est subordonné à l’acte ainsi qu’aux aux différents
paramètres qui en commandent la réalisation.

Un tournant essentiel se dessine alors, qui va aller croissant à partir des années
80. La distinction opérée entre règles d’usage et règles d’emploi:

les règles d’usage correspondent au fonctionnement de la langue. Elles


favorisent la production d’énoncés grammaticalement corrects;
les règles d’emploi sont sollicitées dans la communication quotidienne.
Elles relèvent de la pragmatique. Elles permettent de s’ajuster à
l’interlocuteur, d’adopter les comportements adéquats en fonction de la
situation communicative. L’important est de parvenir à ses fins, de se
faire comprendre, d’obtenir ce que l’on désire même au prix de
productions langagières grammaticalement incorrectes. Il vaut mieux se
faire comprendre même au prix de fautes en L2 plutôt que de réaliser un
énoncé grammaticalement correct mais déplacé ou incongru.

3. La focalisation sur les règles d’emploi valorise la communication et le


culturel. Elle relativise le rôle et la portée de la grammaire. Cette
minimisation va se poursuivre durant la période des Approches communicatives
(AC)..

Les AC ont comme objectifs de

centrer l’enseignement sur les besoins et les motivations de l’apprenant;


créer une compétence de communication en donnant la maîtrise d’un
certain nombre d’actes de parole et de fonctions du langage.

Ce que les contenus reflètent:

le lexique est proposé en fonction des besoins de la communication;


la grammaire est dite notionnelle car basée sur le sens (énonciation,
pragmatique, sémantique);
la progression est fonctionnelle; elle s’adapte aux nécessités de la
communication;
les thèmes relèvent de l’interculturel.

La centration sur l’apprenant, individu social responsable de son propre


apprentissage est un concept qui prend de l’ampleur durant la période des AC
marquée également par la montée en puissance de l’interactionnisme et de la
cognition. L’apprenant développe sa compétence communicative à travers ses
échanges avec les autres. Les structures linguistiques ne sont pas disponibles a
priori, il se les approprie et les construit activement pendant ses interactions.
L’une des conséquences sur le plan didactique est que les méthodologies
d’enseignement centrées sur le professeur -à qui on donne le « mode d’emploi »
des méthodes- sont progressivement remplacées par des méthodologies
d’apprentissage -où l’apprenant est au centre du processus-.
4. Les années 90 sont dominée par l’éclectisme. Pendant cette décennie, deux
problématiques prennent de l’expansion:

l’apprentissage est abordé du point de vue de la psychologie. Le


constructivisme de Piaget, le cognitivisme pédagogique de Bruner et le
socio-constructivisme de Vygotsky sont amplement diffusés. Ils inspirent
de nombreuses études, sur les stratégies d’apprentissage par exemple, sur
le développement du langage enfantin ou encore sur le bilinguisme. La
liste est loin d’être close;
l’interculturel des années 80 se développe ainsi que l’approche
plurilingue. Plus que jamais l’apprenant est impliqué en tant qu’acteur
social, les notions de collaboration, de partage, d’intelligence collective
sont de plus en plus présentes. Le Cadre se profile.

L’évolution du profil des formateurs de formateurs en fle.

Il me faut en toucher deux mots. Car ceci explique en partie cela. Je me limite au
contexte que je connais bien, celui du milieu universitaire français qui délivre
les diplômes nationaux fle.

Durant la période pionnière des années 60-70 les pionniers du fle œuvraient
principalement dans des organismes tels que le Crédif et le Belc. Ils ne
subissaient pas la pesanteur d’une hiérarchie, n’étaient pas contraints par des
programmes. Ils avaient carte blanche pour élaborer du matériel innovant et
réfléchir à des pratiques originales. Ces personnes étaient sur le terrain,
expérimentaient en direct, discutaient constamment avec leurs collègues,
faisaient montre d’un grand pragmatisme.

Le fle devient institutionnel au début des années 80. Il rentre dans le giron de
l’université avec la création des diplômes nationaux: maitrise et menton fle des
licences. Les enseignants intervenant dans les « filières fle » peuvent être des
« pionniers » de la discipline s’ils sont titulaires des diplômes demandés lors du
recrutement. Ce n’est pas toujours le cas. Le monde du fle s’élargit
progressivement. Il est d’abord convoité par des spécialistes de sciences du
langage qui voient là l’opportunité d’un poste ou d’une promotion. Certains
s’engagent résolument dans les formations fle, d’autres se mettent davantage en
retrait, n’assurant que le strict minimum dans leur service statutaire. Au fil des
ans, avec la montée en force de l’anthropologie culturelle au sens large, des
enseignants non formés à la linguistique au départ son recrutés. Ils favorisent le
culturel, toujours au sens large, et ne s’intéressent pas au fonctionnement de la
langue. Et on voit aussi apparaitre des personnes issues des sciences de
l’éducation qui candidatent sur des postes fléchés fle car ayant effectué des
recherches dans un domaine de la didactique des langues avec focalisation sur le
français comme langue étrangère.

Depuis la mise en place du CECRL, La méthodologie a pratiquement disparu,


les pionniers également, les dinosaures sont en voie (voix) d’extinction. Les
jeunes profs universitaires ont enseigné (?) le fle lors de leurs stages avant de
faire un doctorat encadrés dans un laboratoire de recherches où l’une des
obsessions est l’excellence. Leur vision disciplinaire ne dépasse pas parfois le
cadre de leur spécialité. Mais ce sont les meilleurs, on n’a cessé de le leur
répéter.

Cette pluridisciplinarité constitue une richesse à n’en pas douter. Elle pose aussi
un problème qui est fondamental pour l’enseignement/apprentissage du fle. Et
qui est indiqué dans la figue ci-dessous. Les deux plateaux de la balance sont
loin d’être équilibrés.
Dans le CECRL, la compétence pragmatique’ est sur-dimentionnée à travers la
compétence à communiquer langagièrement. Celle-ci accorde une place
prépondérante à la sociolinguistique et la pragmatique au détriment absolu de la
compétence grammaticale. Or, pour tout professionnel du fle ayant vocation à
enseigner sa discipline -enseignant de terrain mais aussi formateur de
formateurs-, il est primordial et normal d’avoir des connaissances sur le
fonctionnement interne du système ainsi que sur les façons de les transmettre à
ses élèves. C’est un aspect incontournable du métier. Il faut d’abord doter les
élèves d’un français de survie. Cela passe nécessairement par leur appropriation
de règles inhérentes au système linguistique. Le tout communicatif et le tout
culturel prônés depuis des années par le discours dominant en didactique du fle
font aisément oublier cette évidence première.

Tentative de synthèse: l’évolution du fle pendant la période pionnière.

Dont les débuts officiels sont marqués par la publication de Voix et Images de
France en 1960 jusqu’à la mise en place des diplômes nationaux fle au début
des années 80. . Le tableau ci-après réalisé à la volée, est imparfait. Il tente de
synthétiser la formidable évolution de la discipline en une 20aine d’années durant
cette période bouillonnante d’inventivité. Je ne chercherai même pas à tenter un
panorama du même genre depuis l’avènement du Cadre.

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