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Nodule thyroïdien
Encyclopédie Pratique de Médecine

M Popelier, T Delbot

L a découverte d’un nodule thyroïdien est un motif fréquent de consultation. Il est souvent découvert par le
patient lui-même ou par son entourage, lors d’un examen systématique en médecine du travail, à l’occasion
d’un examen de la région cervicale pour une autre raison (infections ORL), ou repéré lors d’un échodoppler des
vaisseaux du cou.
Une telle découverte est anxiogène, car l’idée de cancer est généralement présente dans l’esprit du patient. L’enjeu
consiste à ne pas passer à côté d’une lésion cancéreuse (moins de 10 % des nodules) tout en évitant d’opérer
inutilement une lésion bénigne, sachant qu’il n’y a pas aujourd’hui de concensus quant à la stratégie des différents
examens complémentaires à effectuer, aucun ne permettant à lui seul de prédire la malignité de façon absolument
fiable.
© Elsevier, Paris.


Des signes d’hyperthyroïdie évoquent un – adénopathies satellites.
Première consultation adénome toxique (même s’il peut s’agir d’un nodule Elle permet en premier lieu de distinguer les vrais
hypo- ou normofonctionnel associé à une nodules des « pseudonodules » ou des variantes
hyperthyroïdie diffuse). anatomiques de la normale (lobes « globuleux »).
L’interrogatoire porte sur les antécédents Des signes d’hypothyroïdie doivent faire penser à Pour parler de nodule, il faut que la lésion soit
familiaux ou personnels de nodule, de goitre, une thyroïdite chronique à forme pseudonodulaire. circonscrite dans deux plans de coupe perpendicu-
d’irradiation cervicale ou de maladie endocrinienne laires, ce qui permet d’éviter certains pièges
pouvant s’intégrer dans une néoplasie endocri- classiques (vaisseaux, œsophage, plages
nienne multiple (cancer médullaire de la thyroïde,
phéochromocytome, adénome parathyroïdien).
Il faut s’enquérir du retentissement local du
nodule, surtout s’il est associé à une hypertrophie

Quels examens complémentaires
demander ?
hypoéchogènes non organisées en nodule).
Le diagnostic est parfois plus difficile avec un
pseudonodule, comme cela se rencontre dans les
thyroïdites auto-immunes (lobulations pseudo-
Le dosage de la TSH (thyroid stimulating nodulaires séparées par des travées
thyroïdienne : modification de la voix, dyspnée,
hormone) et l’échographie thyroïdienne sont hyperéchogènes, en particulier à la face postérieure
dysphagie ou simple gêne cervicale qui est bien
incontournables. des bases lobaires).
souvent sans rapport avec le nodule.
L’examen clinique tente d’apprécier le volume, le Certains nodules cliniquement évidents car
‚ Dosage de la TSH
siège, la consistance, la sensibilité et le caractère isolé superficiels, en particulier isthmiques, peuvent être
ou non du nodule au sein du parenchyme Il précise le statut thyroïdien. paradoxalement d’individualisation moins facile à
thyroïdien, avec une précision toutefois médiocre, Si la TSH est élevée traduisant une hypothyroïdie, l’échographie et risquent d’être méconnus si l’on ne
car les nodules postérieurs et les micronodules il faut compléter le bilan par les dosages de T4 libre recourt pas à des techniques améliorant l’analyse
infracentimétriques ne sont habituellement pas et d’anticorps antiperoxydase. des plans superficiels.
palpables. L’examen des aires ganglionnaires Si la TSH est abaissée, authentifiant une L’échographie ne peut affirmer la malignité d’un
cervicales en région jugulocarotidienne, le long des hyperthyroïdie qu’il faudra quantifier par le dosage nodule thyroïdien. Cependant, certains critères
muscles sternocleidomastoïdiens, dans la fosse de T 3 et T 4 libres, la scintigraphie est alors doivent faire considérer un nodule comme suspect
sus-claviculaire, ne doit pas être oublié. Enfin, on indispensable pour orienter la démarche de malignité : nodule solide, hypoéchogène, mal
tente de déterminer cliniquement le statut thyroïdien diagnostique et thérapeutique (cf chapitre limité, avec des calcifications punctiformes et des
par la recherche des signes d’hypo- ou « Hyperthyroïdie »). adénopathies satellites.
d’hyperthyroïdie. Le plus souvent, la TSH est normale. À ce stade, sont en faveur d’une lésion maligne :
– la consistance dure ;
‚ Certaines situations ‚ Échographie
– des signes compressifs ;
sont d’emblée évocatrices
Elle apporte des renseignements précieux : – des adénopathies cervicales : homolatérales,
© Elsevier, Paris

Des douleurs cervicales et une fièvre orientent – caractère isolé ou non ; d’un diamètre supérieure à 1 cm et non plates
vers une thyroïdite subaiguë à forme nodulaire. – taille et siège ; échographiquement ;
L’apparition brutale d’un nodule douloureux peut – nature solide, liquide ou mixte ; – l’âge du sujet inférieur à 20 ans ;
correspondre à un kyste hématique (hématocèle). – caractère hyper-, iso- ou hypoéchogène ; – le sexe masculin ;

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– le caractère isolé du nodule au sein d’un Le choix de l’iode 123 est préférable à celui du Les lésions vésiculaires sont de diagnostic
parenchyme normal par ailleurs ; technétium, car certains nodules chauds au cytologique difficile, car les anomalies cellulaires ne
– le caractère hypoéchogène solide à technétium sont froids à l’iode (qui constitue l’isotope sont pas systématiques, et seule l’analyse
l’échographie (a fortiori si l’on constate la présence de référence). histologique permet parfois de porter le diagnostic
de microcalcifications et de contours peu nets). Soixante-dix à 80 % des nodules sont froids, de néoplasie.
Deux examens peuvent alors guider la conduite c’est-à-dire ne fixent pas ou peu le traceur. Dix pour ¶ Incidents
diagnostique et thérapeutique : la scintigraphie et la cent d’entre eux sont malins. Si le nodule est chaud, Ce sont des hématomes, des douleurs, des
cytoponction. La place première ou seconde de le risque de cancer est très faible. malaises vagaux.
chacune des deux techniques dans la stratégie reste
Les traitements anticoagulants ou antiagrégants
actuellement discutée (fig 1, 2). ‚ Cytoponction plaquettaires doivent être arrêtés avant l’examen. En
Réalisée à l’aiguille fine avec un minimum de cas de traitement par antivitamine K, un relais est
‚ Scintigraphie
deux prélèvements par nodule, elle permet possible par l’héparine en attendant 6 heures après
Ses mauvaises indications sont : d’analyser la cytologie et de distinguer trois la dernière injection pour ponctionner. Les
– une lésion inférieure à 1 cm (pas de traduction catégories : maligne, bénigne, « intermédiaire » (ou antiagrégants doivent être arrêtés 1 semaine avant
scintigraphique) ; douteuse). Environ 20 % des prélèvements la ponction.
– l’existence d’une surcharge iodée (attendre demeurent ininterprétables (non significatifs). On peut s’aider de l’échographie (ponction
l’élimination de l’iode) ; échoguidée) pour améliorer les performances de la
– le « nodule » suspecté cliniquement mais non ¶ Limites cytoponction dans le cas des nodules non palpables
confirmé à l’échographie. Elle nécessite un cytologiste confirmé. malgré leur taille significative (siège postérieur) ou à
Les contre-indications de la scintigraphie sont la Le nodule ne doit pas être inférieur à 8 mm. prédominance kystique (ponction sélective dans la
grossesse et l’allaitement. Elle a une sensibilité de l’ordre de 90 %. partie solide).

‚ Quand faut-il doser la calcitonine


en cas de nodule thyroïdien ?
Nodule > 1 cm
TSH normale S’il existe des antécédents familiaux de cancer
médullaire, si le nodule est dur, et pour certains s’il
Scintigraphie siège dans le tiers supérieur d’un lobe.

‚ Le traitement « d’épreuve »
par hormones thyroïdiennes à dose
Nodule hyperfixant Nodule iso-
freinatrice a-t-il une place ?
ou hypofixant
Une diminution du volume du nodule est
observée dans 10 à 60 % des cas, et une disparition
dans près d’un tiers des cas. Mais une hormonosen-
Surveillance de la TSH Cytologie sibilité n’exclut en rien la malignité. Il s’agit donc
d’une fausse sécurité.
1 Stratégie « scintigraphie première » dans la stratégie diagnostique d’un nodule thyroïdien solitaire (ou
échographiquement dominant).

Nodule > 1 cm
TSH normale

Pour quels nodules solitaires
faut-il proposer
une intervention chirurgicale ?

Les figures 1 et 2 résument les grandes lignes de


Cytologie la stratégie thérapeutique. L’âge physiologique du
patient, sa compliance à une surveillance au long
Bénin Malin cours et sa cancérophobie éventuelle sont autant de
paramètres à prendre en compte.
Non significatif Intermédiaire ou douteux
‚ Faut-il proposer un traitement
par hormones thyroïdiennes après
lobo-isthmectomie pour nodule unique ?
Répétition de la ponction
Un contrôle de la TSH 2 mois après l’acte
chirurgical permet de reconnaître un passage en
Si toujours non significatif Scintigraphie hypothyroïdie, rare si le lobe restant est sain. Si la
TSH est normale, il n’est pas démontré à ce jour
qu’un traitement au long cours diminue le risque de
récidive. Celle-ci se rencontrerait dans 10 % des cas,
Argument Pas d'argument suffisant et c’est l’examen clinique qui la détecte.
de bénignité de bénignité
(nodule chaud) (nodule froid)

Surveillance Bilan préopératoire


2 Stratégie « cytologie première » dans la stratégie diagnostique d’un nodule thyroïdien solitaire (ou

Goitres multinodulaires

Ils diffèrent des nodules isolés dans leurs


échographiquement dominant).
pronostics évolutifs. Le risque de complications

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mécaniques est plus important, mais le risque de ‚ Faut-il proposer un traitement
malignité est classiquement plus faible. Enfin, le par hormones thyroïdiennes Nodules kystiques
risque de passage en dysthyroïdie est également à après thyroïdectomie subtotale
prendre en compte. pour goitre multinodulaire ?
Le risque élevé de récidive nodulaire sur le
C’est l’échographie qui fait le diagnostic. Il n’y a
‚ La conduite à tenir est-elle différente ? moignon postopératoire justifie la prescription d’un
pas d’arrière-pensée de néoplasie s’il s’agit d’un
L’étape « TSH-échographie » reste incontournable. traitement freinateur au long cours (objectif : TSH
kyste pur (peu fréquent), à différencier d’un nodule
proche de 0,1 mU/L).
Si la TSH est abaissée, il faut réaliser une kystisé, en réalité mixte (solide et liquide à
scintigraphie thyroïdienne qui va orienter le l’échographie), dont le pronostic et la prise en charge
diagnostic étiologique et les choix thérapeutiques (cf ✔ Nodules à opérer : rejoignent ceux des nodules pleins.
chapitre « Hyperthyroïdie »). – nodule solitaire (ou prédominant Le traitement du vrai kyste consiste en son
Si la TSH est augmentée, il faut doser les sur un goitre multinodulaire) d’un affaissement par ponction, suivi pour certains de la
anticorps antithyroïdiens dans l’hypothèse d’une diamètre supérieur à 3 cm ; mise sous traitement freinateur. En cas de récidive,
thyroïdite auto-immune à forme nodulaire. Un
– nodule « suspect » (dur, froid, solide une sanction chirugicale peut être nécessaire si le
traitement par L-thyroxine doit être mis en place,
hypoéchogène, avec adénopathies, volume le justifie.
dont l’objectif est de normaliser la TSH, voire de
cytoponction maligne ou douteuse,
l’amener dans les valeurs basses (environ 0,1 mU/L),
antécédent d’irradiation cervicale
pour obtenir un effet freinateur sur la dystrophie
dans l’enfance) ;
thyroïdienne. Erreurs à éviter devant un nodule
– thyrocalcitonine élevée ;
Si la TSH est normale, il faut distinguer : thyroïdien
■ les dystrophies multinodulaires diffuses sans
– âge inférieur à 20 ans avec nodule
nodule prédominant, ni retentissement mécanique, froid solitaire ; ✔ Appeler nodule toute anomalie
qui relèvent d’une surveillance clinique annuelle et – goitre multinodulaire compressif ; échographique (dystrophie, plage
échographique tous les 1 ou 2 ans. En cas – goitre multinodulaire ou adénome hypoéchogène au sein d’une
d’augmentation significative de volume d’un nodule toxique avant 40 ans. thyroïdite...).
au cours de la surveillance, la cytoponction est ✔ Faire opérer tous les nodules.
✔ Nodules à surveiller : ✔ Ne pas arrêter les anticoagulants
préférable. En cas de goitre volumineux et/ou
compressif, même en l’absence de nodule dominant, – dystrophie multinodulaire ou les antiagrégants avant une
le recours à la chirurgie peut s’imposer ; euthyroïdienne sans nodule cytoponction thyroïdienne.
■ les goitres multinodulaires avec nodule dominant : surveillance ✔ Ne pas s’assurer de l’absence de
dominant (clinique et/ou échographique). La échographique annuelle + grossesse avant une scintigraphie.
démarche diagnostique est alors superposable à cytoponction si évolutivité ; ✔ Doser la thyroglobuline dans le but
celle d’un nodule solitaire. – nodule kystique (après ponction de prévoir la malignité d’un nodule.
En cas de décision opératoire, il n’est pas évacuatrice) ; ✔ Répéter la scintigraphie en cas de
raisonnable d’opter pour une chirurgie partielle – nodule chaud prétoxique : TSH nodule froid.
(lobectomie), car le risque de récidive nodulaire sur le annuelle. ✔ Ne pas doser la TSH.
lobe restant est élevé.

Marc Popelier : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,


clinique du Mesnil, 46, rue Raymond-Berrurier, 78320 Le Mesnil-Saint-Denis, France.
Thierry Delbot : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,
service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Popelier et T Delbot. Nodule thyroïdien.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0460, 1998, 3 p

Références

[1] ANDEM. Recommandations pour la pratique clinique. La prise en charge [2] Leger A. Les nodules du corps thyroïde. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris),
diagnostique du nodule thyroïdien. Ann Endocrinol 1996 ; 57 : 526-535 Endocrinologie, 10-009-A-40, 1994 : 1-5

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