Vous êtes sur la page 1sur 7

 8-0755

Analyse d’urine par bandelette : intérêt et


interprétation en néphrologie pédiatrique
V. Desvignes

Résumé : Pratique, facile d’utilisation, rapide, fiable et peu onéreuse, la bandelette urinaire (BU) est un
outil indispensable en cabinet et à l’hôpital. En néphrologie pédiatrique, elle permet l’évaluation semi-
quantitative des protéines, du sang, des leucocytes, des nitrites, du pH, de la densité urinaire et de la
glycosurie. Elle a une excellente valeur prédictive négative. Sa valeur prédictive positive reste cependant
insuffisante pour se passer d’une confirmation en laboratoire. La BU est un outil de dépistage des infections
urinaires, des glomérulopathies, du syndrome néphrotique ou des tubulopathies. Elle fait partie du bilan
de l’énurésie, de l’hypertension artérielle (HTA) ou du retard staturopondéral. Elle est un outil essentiel de
surveillance à domicile de beaucoup de maladies rénales comme le purpura rhumatoïde ou le syndrome
néphrotique. De nombreux types de BU existent. Le choix de la BU (non remboursée) doit être adapté à
la pathologie suspectée ou surveillée.
© 2022 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Bandelette urinaire ; Hématurie ; Protéinurie ; Microalbuminurie ; Leucocyturie ; Nitrates urinaires ;


Densité ; pH urinaire ; Densité urinaire ; Glycosurie ; Couleur des urines ; Glomérulopathies ; Tubulopathies ;
Hémoglobinurie ; Myoglobinurie

Plan elles sont devenues des outils indispensables tant en premier


recours qu’en milieu hospitalier.
■ Introduction 1 Elles trouvent leur intérêt dans l’orientation diagnostique et le
suivi de maladies néphrologiques. Elles permettent de suspecter
■ Anomalies urinaires recherchées 1 une infection urinaire (IU), une glomérulopathie ou une tubulo-
■ Types de bandelettes urinaires 2 pathie et de débuter un bilan et une prise en charge rapidement.
■ Modalités d’utilisation 2 Leur bonne valeur prédictive négative évite des examens inutiles.
Conditions de recueil 2 Elles font aussi partie du bilan de certaines pathologies comme
Horaires 2 l’énurésie ou l’hypertension artérielle (HTA).
Préparation 2 Elles sont, enfin, un dispositif essentiel du suivi de certaines
Lecture 2 pathologies comme le purpura rhumatoïde, le syndrome néphro-
Modalités de conservation et d’utilisation 2 tique ou le rein unique.

Il convient donc d’en préciser les performances, les modalités
Interprétation 2
d’utilisation, de conservation et l’interprétation.
Protéinurie et microalbuminurie 2
Hématurie 4
Nitrites et leucocytes 5
pH urinaire
Densité urinaire
6
6
 Anomalies urinaires
Glucose 6 recherchées
■ Conclusion 6
Le principe de dosage est fondé sur la technique
d’immunochromatographie. Il est qualitatif ou semi-quantitatif
selon les analytes.
Les principaux analytes détectés par BU sont les protéines et la
 Introduction microalbuminurie, les leucocytes, les nitrites, la densité, le pH et
le glucose.
L’analyse d’urine est l’un des tests de laboratoire les plus fré- Certaines BU détectent également les corps cétoniques, la bili-
quemment demandés. Les bandelettes urinaires (BU) ont été les rubine, l’urobilinogène, la créatinine et l’acide ascorbique. La BU
premiers tests rapides utilisés depuis maintenant plus de 50 ans. permet ainsi de mettre en évidence des pathologies uronéphrolo-
Pratiques, faciles d’utilisation, rapides, fiables et peu onéreuses, giques mais aussi métaboliques, hépatiques et biliaires.

EMC - Traité de Médecine Akos 1


Volume 26 > n◦ 1 > janvier 2023
Téléchargé pour Younes Abdennacer MEZOUAR (goldenwr10@gmail.com) à Research Centre for Scientific and Technical Information à partir de ClinicalKey.fr par
http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(22)44470-X
Elsevier sur janvier 14, 2024. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2024. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
8-0755  Analyse d’urine par bandelette : intérêt et interprétation en néphrologie pédiatrique

Nous allons nous limiter aux analytes pertinents en néphro- faire l’examen le plus rapidement possible et de leur avoir donné
logie pédiatrique à savoir les protéines, la microalbumine, les les consignes de lecture (échelle colorimétrique photographiée et
leucocytes, les nitrites, le sang, le pH, la densité, le glucose et la temps de lecture précisé).
créatinine.
Modalités de conservation et d’utilisation
 Types de bandelettes urinaires Les températures de conservation sont, pour l’ensemble des BU,
comprises entre 2 et 30 ◦ C. La date de péremption est indiquée sur
Plusieurs types de BU sont disponibles avec un nombre variable le flacon et doit être respectée. Les BU doivent être conservées dans
de plages tests allant de un à 13. La liste ne peut en être exhaustive leurs flacons qui renferment un dessicateur. Le bouchon doit être
(Tableau 1). parfaitement fermé pour protéger de l’humidité et de la lumière.
Des BU avec des plages réactives différentes de l’échelle colori-
métriques ne doivent pas être utilisées. Il s’agit, en règle générale,
 Modalités d’utilisation de BU périmées ou mal conservées. Les BU ne doivent être ni
coupées en deux ni réutilisées.
Conditions de recueil
Pour l’enfant capable de contrôler ses mictions, le prélèvement
doit être réalisé en milieu de jet, comme pour un examen cyto-
 Interprétation
bactériologique urinaire (ECBU). Une toilette périnéale préalable Protéinurie et microalbuminurie
ne serait pas impérative, mais reste cependant conseillée.
La nécessité d’un recueil après 3 à 4 heures de stagnation des Circonstances de découverte
urines dans la vessie retrouvée dans la majorité des notices peut
Aucun dépistage n’est obligatoire en France. La recherche systé-
être appliquée aux grands enfants et adolescents, mais pas aux
matique de la protéinurie (PU) avant vaccination a été supprimée
jeunes enfants. Chez l’enfant n’ayant pas acquis la propreté, les
car la contre-indication à la vaccination ne peut reposer sur
urines sont recueillies au jet ou avec un sac collecteur après toilette
l’existence d’une PU. La recherche de la PU a été réintroduite dans
périnéale préalable avec de l’eau et du savon. En cas de conta-
le carnet de santé à l’examen des 4, 6, 8, 10 à 13 ans et 14 à 18 ans
mination par les selles chez le nourrisson et par les règles chez
mais, en pratique, sa réalisation reste exceptionnelle en dehors de
l’adolescente, le prélèvement doit être renouvelé.
signes d’appel cliniques.
Certains services hospitaliers, selon l’urgence et les habitudes,
La découverte d’une PU peut être fortuite ou motivée par des
recourent au cathétérisme urétral « aller–retour », notamment
signes cliniques (œdèmes, HTA, hématurie [HU] macroscopique,
chez les filles ; la ponction suspubienne reste exceptionnellement
purpura, arthralgies, fièvre, altération de l’état général, retard sta-
pratiquée.
turopondéral, etc.).
Les urines sont récoltées dans un récipient propre et sec (sans
trace de détergent), stérile ou non (pas de risque de prolifération
d’une souillure éventuelle si l’analyse est immédiate).
Principe
La zone imprégnée de bromophénol vire au vert en présence de
protéines. Le réactif est particulièrement sensible à l’albumine et
Horaires réagit de manière très variable aux autres protéines (immunoglo-
L’urine peut être prélevée à toute heure du jour. bulines, hémoglobine, mucoprotéines, uromoduline, etc.).

Corrélations (Tableau 2)
Préparation Le seuil de détectabilité se situant entre 0,1 et 0,3 g/l, les BU
La BU doit être faite sur des urines fraîchement émises (dans les standards ne peuvent pas révéler une microalbuminurie.
2 h maximum). Des BU spécifiques existent pour sa recherche (Clinitek® Microl-
En cas d’impossibilité, les urines doivent être conservées à 4 ◦ C bumine, Microalbustix® , Micral® et BU combinées : Uritop® 13,
pendant 2 heures maximum, remises à température ambiante etc.). Leur limite de détection est à 60 mg/l.
(30 min environ) et homogénéisées (en tournant lentement à
plusieurs reprises le flacon pour mélanger les urines). Principales causes de faux positifs et de faux
L’examen débute par l’appréciation à l’œil nu de la couleur et négatifs de protéinurie à la bandelette urinaire
de la clarté de l’urine.
Ces principales causes sont présentées dans le Tableau 3.
Toutes les plages réactives de la BU sont immergées pendant
1 seconde puis la BU est égouttée rapidement à l’aide d’un papier
Confirmation de la protéinurie
absorbant pour supprimer l’excédent d’urine.
Toute PU de l’enfant découverte à la BU doit être confirmée
par une analyse quantitative sur échantillon (urines du réveil de
Lecture préférence). La PU sur urines des 24 heures, hormis situations
particulières, n’est plus recommandée (recueil des urines souvent
Les temps de lecture sont de 1 à 2 minutes selon la plage concer-
incomplet).
née. Une interprétation plus tardive n’est pas valable avec risque
On recommande désormais le dosage sur échantillon d’urine
de faux positifs ininterprétables.
de la créatininurie, PU et albuminurie pour calculer le rapport
La lecture visuelle se fait à partir d’une échelle colorimétrique
PU/créatininurie et albuminurie/créatininurie.
qui figure sur le flacon. Dans certains services hospitaliers, un
Les normes chez l’enfant sont abordées dans le Tableau 4.
analyseur permettant une lecture automatisée est préconisé, voire
Des examens plus poussés sont parfois nécessaires pour préciser
obligatoire pour éviter des erreurs de lecture, avoir une reproduc-
la composition de la protéinurie, comme l’électrophorèse des pro-
tibilité maximale et un temps de lecture précis, mais également
téines qui oriente vers le profil glomérulaire, tubulaire ou mixte
pour permettre une mémorisation des résultats et leur transfert
de l’atteinte rénale.
vers un ordinateur (Agence nationale de sécurité du médicament
et des produits de santé [ANSM], 2015). Pour certaines BU, les
deux modalités peuvent être combinées.
Approche diagnostique
La lecture est généralement faite par un professionnel de santé La PU peut être bénigne ou pathologique, en rapport avec une
(médecin, infirmier, sage-femme). Quand la BU n’a pu être réali- atteinte rénale, glomérulaire, tubulaire ou mixte.
sée par un soignant, la lecture peut être confiée aux parents sous La PU est bénigne quand elle est intermittente, isolée et
réserve de garder la BU à l’abri de la lumière et de l’humidité, de observée dans des circonstances particulières (exercice physique

2 EMC - Traité de Médecine Akos

Téléchargé pour Younes Abdennacer MEZOUAR (goldenwr10@gmail.com) à Research Centre for Scientific and Technical Information à partir de ClinicalKey.fr par
Elsevier sur janvier 14, 2024. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2024. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Téléchargé pour Younes Abdennacer MEZOUAR (goldenwr10@gmail.com) à Research Centre for Scientific and Technical Information à partir de ClinicalKey.fr par
Elsevier sur janvier 14, 2024. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2024. Elsevier Inc. Tous droits réservés.

EMC - Traité de Médecine Akos

Tableau 1.
Types de bandelettes urinaires (liste non exhaustive).
Laboratoire Nom Leucocytes Nitrites Protéines Microalbumine Sang pH Densité Glucose Corps Bilirubine Urobilinogène Acide Créatinine
urinaire céto- ascorbique
niques
Bayer Uritest® 2 x x
Uritest® 4 x x x x
Biosynex Autotest® IU x x x x
Uritox® + 7 x x x x x x x
Uritox® + 11 x x x x x x x x x x x
Uritox® 13 x x x x x x x x x x x x x
Exacto® 4 IU x x x x
Siemens Albustix® x
Hémastix® x
Héma x x x x
Combistix®
Labstix® x x x x x

Analyse d’urine par bandelette : intérêt et interprétation en néphrologie pédiatrique  8-0755


Uristix® 2 x x
Multistix® 5 x x x x x
Multistix® 8 x x x x x x x x
SG
Multistix® 10 x x x x x x x x x x
SG
Roche Combur® 2 x x
Combur® 3 x x x
Combur® 4 x x x x
Combur® 5 x x x x x
Combur® 6 x x x x x x
Combur® 7 x x x x x x x x x
Combur® 10 x x x x x x x x x x
Micral® x
Mylan My Test® x
My Test® IU x x x x
Sans marque URS-10T x x x x x x x x x x
Sweet Cures Quickly Test® x x x x x

IU : infection urinaire.
3
8-0755  Analyse d’urine par bandelette : intérêt et interprétation en néphrologie pédiatrique

Tableau 2. Tableau 5.
Corrélations entre bandelette urinaire et concentration urinaire en pro- Principales causes de faux positifs et de faux négatifs d’hématurie à la
téines (pas à pas, Société française de pédiatrie). bandelette urinaire.
Négatif < 0,1 g/l Faux positifs Faux négatifs
Traces 0,1–0,2 g/l Hémoglobinurie par hémolyse Densité urinaire élevée
+ 0,3 g/l Myoglobinurie par rhabdomyolyse Captopril, vitamine C
++ 1 g/l Infections urinaires (peroxydases bactériennes)
+++ 3 g/l Sang dans les urines d’origine vaginale
++++ > 3 g/l Sang dans les urines d’origine digestive
Münchhausen par procuration

Tableau 3. Substances oxydantes (hypochlorite)


Principales causes de faux positifs et de faux négatifs de protéinurie à la
bandelette urinaire (BU).
Faux positifs Faux négatifs
Wilson), d’autres sont acquises (séquelles de pyélonéphrite,
uropathie obstructive, nécrose tubulaire aiguë, néphrite tubulo-
Urines concentrées Urine diluée (densité > 1,015) insterstitielle aiguë, etc.).
Infection urinaire, leucocyturie Protéines de bas poids moléculaire
Urines alcalines (pH > 7,5)
Suivi des situations à risque rénal
Hématurie macroscopique
La présence d’une protéinurie est désormais reconnue comme
Contact avec un ammonium
étant, avec le taux de filtration glomérulaire, un facteur majeur
quaternaire
et indépendant du pronostic rénal dans la maladie rénale chro-
Chlorhexidine dans le flacon nique. La toxicité tubulaire de l’albumine et des protéines filtrées
Immersion prolongée de la BU expose au risque de fibrose interstitielle rénale et toute variation
Prise de pénicilline/sulfamides significative de la PU représente souvent un tournant évolutif de
la maladie.
La surveillance de la PU, au mieux de la microalbuminurie, est
Tableau 4. donc très importante dans le suivi de toute situation à risque rénal.
Normes chez l’enfant. La facilité de réalisation de la BU par les parents permet le suivi à
domicile d’un purpura rhumatoïde, d’un rein unique, d’une glo-
Enfant < 24 mois Enfant > 24 mois
mérulonéphrite, d’une insuffisance rénale chronique ou de toute
Protéinurie/créatininurie < 50 mg/mmol ou < 20 mg/mmol ou autre situation à risque rénal.
< 0,5 mg/mg < 0,2 mg/mg
Albuminurie/créatininurie < 3 mg/mmol ou
< 0,03 mg/mg Hématurie
Syndrome néphrotique > 200 mg/mmol
ou > 2 mg/mg
Circonstances de découverte
La découverte d’une HU peut être motivée par la constatation
d’urines macroscopiquement rouges, brunes ou colorées. Elle peut
intense, fièvre ou orthostatisme). Elle est d’origine glomérulaire également accompagner une PU, être recherchée à titre systéma-
et de faible importance. La constatation d’une PU très positive en tique en cas de néphropathie familiale connue ou retrouvée de
fin de journée et négative le matin au réveil confirme souvent le façon fortuite.
diagnostic de protéinurie orthostatique.
La PU est pathologique quand elle est persistante, isolée ou
Principe
associée à des signes cliniques :
• l’atteinte glomérulaire est la cause la plus fréquente d’une PU La plage réactive repose sur l’activité peroxydasique de
pathologique. Elle est responsable de la fuite de protéines plas- l’hémoglobine. Des taches vertes sont observées en présence
matiques à travers une membrane basale glomérulaire lésée d’érythrocytes intacts. Une HU, une hémoglobinurie ou une
associée à des mécanismes de réabsorption tubulaires saturés. myoglobinurie importantes colorent la plage réactive de façon
La PU glomérulaire est essentiellement constituée d’albumine uniforme. Les plages réactives sont de plus en plus foncées.
(≥ 80 %) et détectable à la BU. Les pathologies gloméru-
laires sont primaires (syndrome néphrotique) ou secondaires
(glomérulonéphrite aiguë postinfectieuse, purpura rhumatoïde,
Corrélations
maladie de Berger, syndrome d’Alport, syndrome hémoly- Le seuil de détectabilité est supérieur à cinq érythrocytes intacts
tique et urémique, glomérulonéphrite membranoproliférative par microlitre et supérieur à dix érythrocytes par microlitre pour
ou extramembraneuse, lupus, réduction néphronique, mala- les érythrocytes lésés, l’hémoglobine et la myoglobine.
dies systémiques, etc.) ; La sensibilité de la BU est de 75 à 98 %, sa spécificité de 82
• l’atteinte tubulaire est responsable d’un défaut de réabsorp- à 88 %. Sa valeur prédictive positive n’est que de 39 %, mais sa
tion des protéines plasmatiques normalement filtrées puis valeur prédictive négative est supérieure à 95 %.
réabsorbées et métabolisées au niveau du tubule. Il s’agit Il n’y a pas de relation entre l’importance de l’hématurie et la
donc majoritairement de protéines de faible masse molécu- gravité de son étiologie. Il est donc peu intéressant de chiffrer
laire, telles que la ␤2-microglobuline, l’␣1-microglobuline et l’hématurie en nombre de croix.
la retinol-binding protein. De faibles quantités d’albumine sont Une BU négative élimine une hématurie ou une des causes de
possibles. La PU tubulaire n’est pas détectée par les BU. Seule faux positifs (Tableau 5). Certains aliments (betterave, mûres, myr-
l’albumine est reconnue, mais elle est souvent en faible quan- tilles, rhubarbe, chou rouge), des colorants comme la rhodamine
tité. D’autres signes indirects en rapport avec une dysfonction B utilisée dans des confiseries, des médicaments (rifampicine,
du tube contourné proximal peuvent être associés, notam- métronidazole, céfalotine, salazopyrine, vitamine B12 ) peuvent
ment une glycosurie ou un pH urinaire supérieur à 5,5 malgré être responsables d’une coloration anormale des urines. La
une acidose métabolique. Certaines pathologies tubulaires sont présence de cristaux d’urate (sans valeur pathologique), une bili-
héréditaires (acidose tubulaire proximale, cystinose, syndromes rubinurie peuvent également donner une couleur rouge orangé
de Dent, de Lowe, cytopathie mitochondriale ou maladie de des urines.

4 EMC - Traité de Médecine Akos

Téléchargé pour Younes Abdennacer MEZOUAR (goldenwr10@gmail.com) à Research Centre for Scientific and Technical Information à partir de ClinicalKey.fr par
Elsevier sur janvier 14, 2024. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2024. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Analyse d’urine par bandelette : intérêt et interprétation en néphrologie pédiatrique  8-0755

Confirmation de l’hématurie Tableau 6.


Principales causes de faux positifs et de faux négatifs de nitraturie à la
La découverte d’une hématurie macroscopique ou micro- bandelette urinaire.
scopique doit être confirmée par la réalisation d’un ECBU.
L’hématurie microscopique se définit par la présence de plus de dix Faux positifs Faux négatifs
hématies par microlitre et l’hématurie macroscopique s’observe à Médicaments avec Bactéries non productrices de nitrites
partir de plus de 500 hématies par microlitre. phénazopyridine (streptocoque, entérocoque, staphylocoque,
pyocyanique, Acinetobacter spp., etc.)
Principales causes de faux positifs et de faux Urines trop diluées ou trop concentrées
négatifs (densité > 1020)
Ces principales causes sont à retrouver dans le Tableau 5. Temps de séjour vésical trop court
(nourrisson, pollakiurie, sonde vésicale, etc.)
Approche diagnostique Enfant nourri au sein (alimentation pauvre
Une hématurie macroscopique de sang rouge, avec ou sans en nitrates)
caillot, oriente vers une cause urologique. Une HU initiale fait Jeûne, alimentation parentérale, régime
envisager une cause urétrale (lithiase, tumeur, valves de l’urètre végétalien
postérieur, angiome, urétrite, etc.) et une HU terminale une cause pH acide
vésicale (cystite, bilharziose, tumeur, hématurie d’effort, etc.). Présence d’acide ascorbique, de certains
L’HU de sang rouge peut également être totale en cas de saigne- antibiotiques
ment important au niveau rénal (maladie de Berger, etc.) ou des Solutions colorées (betteraves, certains
voies urinaires. antibiotiques)
Une HU de sang brun (« coca-cola », « porto ») est plus en faveur
d’une cause néphrologique (glomérulonéphrite aiguë, maladie
de Berger, Alport, thrombose des artères rénales, casse-noisette,
infarctus rénal dans la drépanocytose, anévrisme et angiome, etc.). Tableau 7.
L’orientation diagnostique est également donnée par les autres Principales causes de faux positifs et de faux négatifs de leucocyturie à la
résultats de la BU : bandelette urinaire.
• une HU associée à une leucocyturie et/ou des nitrites positifs Faux positifs Faux négatifs
oriente vers une IU ;
Sécrétions vaginales PU élévée
• une HU associée à une PU fait envisager une atteinte gloméru-
laire (glomérulonéphrite aiguë, purpura rhumatoïde, maladie Protéinurie > 1 g/l Neutropénie
de Berger, etc.). Sonde urinaire Urines concentrées
Néphrites interstitielles chroniques Glycosurie > 160 mmol/l
Suivi des hématuries Cétonurie pH acide
La surveillance de l’HU n’a pas d’intérêt dans les différentes Vitamine C
pathologies sus-citées : c’est la PU qui, avec le débit de filtration Concentration élevée d’acide oxalique
glomérulaire, reste le marqueur le plus important à surveiller pour
apprécier le pronostic rénal. PU : protéinurie.
La persistance d’une HU microscopique dans le purpura rhu-
matoïde sans PU pendant plusieurs années est fréquente et non
inquiétante. Elle peut justifier un avis spécialisé en cas de persis- Schématiquement, une croix correspond à environ 70 000 leu-
tance au-delà de 1 an et la poursuite d’une surveillance espacée. cocytes par millilitre, deux croix à environ 125 000 leucocytes par
millilitre et trois croix à environ 500 000 leucocytes par millilitre.

Nitrites et leucocytes
Principales causes de faux positifs et de faux
Circonstances de découverte négatifs (Tableaux 6, 7)
En cas de suspicion d’IU (cystite ou pyélonéphrite) ou de fièvre La BU est considérée comme fiable chez la fille à partir de 1 mois
isolée inexpliquée, la recherche de nitrites et de leucocytes par la et chez le garçon de plus de 3 mois (Groupe de pathologie infec-
BU devrait toujours être le préalable à tout ECBU. Si la BU n’a tieuse pédiatrique [GPIP], 2015).
pu être réalisée au cabinet, la BU peut être réalisée à domicile
par les parents sous réserve de la garder à l’abri de la lumière et
de l’humidité, de l’utiliser rapidement et d’en avoir expliqué les Approche diagnostique
modalités d’interprétation. Si nitrites et leucocytes sont négatifs, la valeur prédictive néga-
tive de la BU est de l’ordre de 95 %, justifiant de ne pas faire
Principe d’ECBU (sans dispenser d’une réévaluation de l’indication en
Les nitrates sont transformés en nitrites par les bactéries qui fonction de la clinique).
possèdent une nitrate réductase. Il s’agit principalement des Si nitrites et leucocytes sont positifs, la valeur prédictive positive
entérobactéries, Escherichia coli, Proteus mirabilis et de certains sta- en faveur d’une IU est de l’ordre de 70 %. La présence d’une HU
phylocoques. La plage vire au rose si le résultat est positif. augmente la valeur prédictive positive. L’ECBU est nécessaire pour
affirmer le diagnostic.
Corrélations Si les nitrites sont négatifs et les leucocytes sont positifs, la
valeur prédictive positive est faible, estimée à 33 %. L’ECBU est
Corrélations entre bandelette urinaire et nitrites indiqué en fonction du contexte clinique.
Les valeurs du seuil de détection s’échelonnent de 0,03 mg/dl à
0,1 mg/dl pour une concentration bactérienne comprise entre 103
et 105 unités formant colonie (UFC) par millilitre. Pour l’ANSM les Suivi
seuils de détection pour les nitrites ont des fourchettes de valeurs La pratique de la BU (leucocytes et nitrites) au domicile
très larges et sont supérieurs aux recommandations actuelles de est simple chez les enfants fébriles porteurs d’une uropathie
diagnostic d’IU. malformative connue ou présentant des infections urinaires réci-
Corrélation entre bandelette urinaire et leucocyturie divantes. La négativité de la BU dispense de l’ECBU. À l’inverse, la
L’urine peut compter physiologiquement 10 000 leucocytes positivité d’une ou des deux plages incite à la pratique sans retard
non altérés par millilitre (10/mm3 ) avec une BU négative. de l’ECBU pour une prise en charge adaptée.

EMC - Traité de Médecine Akos 5


Téléchargé pour Younes Abdennacer MEZOUAR (goldenwr10@gmail.com) à Research Centre for Scientific and Technical Information à partir de ClinicalKey.fr par
Elsevier sur janvier 14, 2024. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2024. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
8-0755  Analyse d’urine par bandelette : intérêt et interprétation en néphrologie pédiatrique

pH urinaire Tableau 8.
Corrélations entre bandelette urinaire et glycosurie.
Principe Traces 5,5 mmol/l 1 g/l
Le pH sur les urines du matin se situe entre 5,5 et 6,2. Un + 14 mmol/l 2,5 g/l
pH inférieur à 5,5 est dit « acide » et un pH supérieur à 6,5
++ 28 mmol/l 5 g/l
« alcalin ». Le pH urinaire est influencé par notre alimenta-
+++ 55 mmol/l 10 g/l
tion. À titre d’exemple, la canneberge acidifie l’urine, les agrumes
l’alcalinisent. ++++ 111 mmo/l ≥ 20 g/l
Le principe chimique est un système avec double indicateur. Le
rouge de méthyle et le bleu de bromothymol sont utilisés pour
générer un changement de coloration d’orange à vert puis bleu Approche diagnostique
sur une échelle de 5 à 9 avec la précision de une unité. Si un apport élevé en liquide est écarté, une urine très diluée
peut indiquer une insuffisance rénale avancée, un diabète insipide
Approche diagnostique central (déficit en hormone antidiurétique [ADH]) ou néphrogé-
Acidose sanguine nique (résistance à l’ADH) ou orienter vers certaines tubulopathies
Si, malgré une acidose métabolique, le pH urinaire reste supé- (syndrome de Bartter, de Lowe, etc.).
rieur ou égal à 7, l’hypothèse d’une tubulopathie proximale En cas de déshydratation, la densité urinaire doit être élevée
(avec fuite urinaire des bicarbonates) ou distale (avec défaut (1025–1030) ; dans le cas contraire, il faut savoir évoquer une
d’élimination des ions H+) peut être évoquée. tubulopathie.

Lithiases
Un pH urinaire acide peut favoriser les lithiases oxalo- et Glucose
calcium-dépendantes (types I et II), les lithiases de cystine (type V) Principe
et d’acide urique (type III). A contrario, les lithiases infectieuses
sont favorisées par un pH urinaire alcalin. C’est notamment le cas Le glucose est révélé par une réaction utilisant la glucose
pour les lithiases de struvite (phosphate ammoniacomagnésien) oxydase–peroxydase, avec limite de détection à 2,2 mmol/l
secondaires à une infection à germes uréasiques (principalement (0,4 g/l).
Proteus et Klebsiella).
Corrélations
Suivi Les corrélations entre BU et glycosurie sont présentées dans le
Tableau 8.
L’alcalinisation des urines, avec un objectif de pH autour de
7,5, est recommandée pour les certaines lithiases, tout particuliè-
rement pour la cystinurie, ainsi que dans les acidoses tubulaires.
Approche diagnostique
L’acidification est intéressante dans les calculs de struvite et La glycosurie doit être interprétée selon son contexte de normo-
éventuellement dans certaines formes de cystites récidivantes. ou d’hyperglycémie.
En cas d’hyperglycémie, le diagnostic de diabète sucré est
confirmé.
Densité urinaire Une glycosurie normoglycémique peut se voir dans la glyco-
surie rénale familiale et le syndrome de Fanconi. La glycosurie
Principe familiale est permanente, isolée, et bénigne, elle n’évolue jamais
La densité urinaire permet d’évaluer la capacité du rein à vers l’insuffisance rénale. Le syndrome de Fanconi est un dysfonc-
concentrer les urines et l’état d’hydratation. tionnement partiel ou complet du tubule proximal. L’association
La zone de lecture de la densité est comprise entre 1000 et d’une glycosurie et d’une protéinurie modérée est suggestive. La
1030 avec une excellente corrélation avec la méthode réfractomé- cystinose en est la cause principale.
trique. La densité peut aider également à évaluer plus finement
les autres paramètres de la BU (leucocytes, hématies, nitrites, pro-
téines, glucose) et éviter certains faux positifs ou négatifs. Il existe  Conclusion
toutefois un risque de sous-estimation en cas d’urines trop alca-
lines (pH > 6,5) ou de surestimation en cas d’urines fortement La BU est simple, pratique, fiable. Elle doit faire partie du maté-
acides ou de protéinurie supérieure à 1 g/l. riel indispensable de chaque médecin car elle est un complément
L’évaluation de la densité urinaire par la BU ne remplace pas de l’examen clinique dans de nombreuses situations. Elle permet
le dosage de l’osmolalité (en mosm/l), si le contexte clinique le d’orienter rapidement vers des diagnostics qui peuvent parfois
justifie. nécessiter une prise en charge rapide. Elle évite a contrario des

Tableau 9.
Exemples de pertinence de la bandelette urinaire selon le contexte clinique.
Contexte clinique Glucose Leucocytes Nitrites Densité pH Sang Protéines Microalbumine
Infection urinaire + + + + +
Énurésie et troubles mictionnels + + + + +
Néphropathie glomérulaire + + +
Tubulopathie + + + + +
Lithiase + + + + + + +
Néphrocalcinose
Hypertension artérielle + + + +
Insuffisance rénale chronique + + +
Réduction néphronique
Transplantation rénale + + + + + +
Retard statural + + + + +
Diabète sucré + + +

6 EMC - Traité de Médecine Akos

Téléchargé pour Younes Abdennacer MEZOUAR (goldenwr10@gmail.com) à Research Centre for Scientific and Technical Information à partir de ClinicalKey.fr par
Elsevier sur janvier 14, 2024. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2024. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Analyse d’urine par bandelette : intérêt et interprétation en néphrologie pédiatrique  8-0755

examens inutiles. Elle est, enfin, maniable et peu onéreuse, facili- Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
tant le suivi par les parents au domicile de nombreuses pathologies en relation avec cet article.
uronéphrologiques.
La BU est pertinente selon le contexte clinique (Tableau 9).

Pour en savoir plus


“ Points essentiels ANSM. Rapport final du contrôle du marché des tests urinaires sur
bandelette utilisés dans les cas de suspicion d’infection urinaire.
2015.
• La BU en néphrologie pédiatrique permet l’évaluation Cohen R, Raymond J, Faye A, Gillet Y, Grimprel E. Prise en charge des infec-
semi-quantitative des protéines, du sang, des leucocytes, tions urinaires de l’enfant. Recommandations du Groupe de pathologie
des nitrites, du pH, de la densité et du glucose urinaires. infectieuse pédiatrique (GPIP) de la Société française de pédiatrie et
Elle a une excellente valeur prédictive négative. Sa valeur de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF).
Arch Pediatr 2015;22:665–67.
prédictive positive reste insuffisante pour se passer d’une
Cochat P, Freychet C. Analyse d’urine par bandelette réactive : intérêt en
confirmation en laboratoire. néphrologie pédiatrique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), 8-0755,
• Elle est un outil de dépistage des infections urinaires, des 2016.
glomérulopathies, du syndrome néphrotique, des tubulo- Bertholet-Thomas A, Llanas B, Servais A, Bendelac N, Goizet C, Choukroun
pathies. Elle fait partie du bilan de l’énurésie, des troubles G, et al. Intérêt de la bandelette urinaire dans le retard de croissance
mictionnels, de l’HTA ou du retard staturopondéral. staturo-pondérale dans l’aide au diagnostic d’une maladie rare. Arch
• Elle est un outil essentiel de surveillance à domicile de Pediatr 2015;22:756–62.
Mannucci-Lahoche A. Biochimie et cytologie urinaires. Prog Pediatr
beaucoup de maladies rénales : syndrome néphrotique, 2011;30:15–7.
purpura rhumatoïde, maladie de Berger, rein unique, Nathanson S. Leucocyturie sans germe : les clés pour comprendre et agir.
insuffisance rénale chronique, maladies systémiques, ou Pediatr Prat 2013;(246):1–6.
suivi de greffe rénale. Isaza C, de Seigneux S, Martine PY. Protéinurie : rappel physiologique et
applications pratiques. Rev Med Suisse 2012;8:466–72.

V. Desvignes, Pédiatre, attachée en néphrologie pédiatrique (veronique.desvignes@hotmail.fr).


CHU de Clermont-Ferrand, 58, rue Montalembert, 63000 Clermont-Ferrand, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Desvignes V. Analyse d’urine par bandelette : intérêt et interprétation en néphrologie pédiatrique.
EMC - Traité de Médecine Akos 2023;26(1):1-7 [Article 8-0755].

EMC - Traité de Médecine Akos 7


Téléchargé pour Younes Abdennacer MEZOUAR (goldenwr10@gmail.com) à Research Centre for Scientific and Technical Information à partir de ClinicalKey.fr par
Elsevier sur janvier 14, 2024. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2024. Elsevier Inc. Tous droits réservés.

Vous aimerez peut-être aussi