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Hypoglycémie Réactive 2013
Hypoglycémie Réactive 2013
Hypoglycémie réactive
A. Grimaldi
Le déclin de l’hypoglycémie réactive a suivi celui de la pratique de l’hyperglycémie provoquée par voie
orale. Cependant, l’hypoglycémie réactive idiopathique reste fréquente. Elle pourrait n’être qu’une
accentuation d’un phénomène physiologique survenant volontiers chez des personnes jeunes ayant une
hypersensibilité à l’insuline et aux catécholamines. Elle doit être distinguée de l’hypoglycémie réactive
post-prandiale précoce après chirurgie gastrique bariatrique, et de l’hypoglycémie réactive post-prandiale
tardive prédiabétique. La prise en charge de l’hypoglycémie réactive idiopathique nécessite d’éliminer une
hypoglycémie organique, de reconnaître le trouble de la patiente au lieu de le nier, de proposer des
mesures diététiques simples (diminution, fragmentation des apports glucidiques en privilégiant les
glucides à faible index glycémique) associées à un traitement de l’angoisse, au besoin par des techniques
de relaxation. Une telle prise en charge débouche en général sur une diminution de la fréquence et de
l’importance des symptômes, sans toutefois parvenir à les supprimer.
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Mots clés : Hypoglycémie post-prandiale ; Hyperglycémie provoquée par voie orale ; Insulinome ;
Dumping syndrome ; GLP1 ; Catécholamines
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particulier (surmenage, transports, lieux clos, foule). La sympto- particulier de la sécrétion d’adrénaline, se font à partir d’un
matologie comporte des signes qui ne font pas partie des seuil glycémique situé autour de 0,60 g/l [10]. De plus, il existe
manifestations neurovégétatives de l’hypoglycémie : sensation des variations individuelles des seuils, tant pour les manifesta-
d’oppression, soif d’air, hyperventilation, contracture des tions cognitives infracliniques que pour l’activation du système
extrémités, épisode de diarrhée motrice, flushs, impression de neurovégétatif et la sécrétion des hormones de contre-
mort imminente. L’effet du resucrage sur ces manifestations est régulation [11]. Il existe également une variation de la sensibilité
retardé, partiel ou absent. périphérique aux catécholamines, comme nous l’avons montré
il y a quelques années. Les patients présentant des hypoglycé-
mies réactives ont une sensibilité périphérique nettement
■ Mécanismes de l’hypoglycémie augmentée aux catécholamines, mise en évidence par la mesure
de la dose d’Isuprel® nécessaire pour augmenter la fréquence
réactive cardiaque de 25 battements/minute [12]. En fait, il est parfaite-
ment physiologique et cliniquement banal d’avoir de petites
Trois types d’hypoglycémie réactive sont distingués.
manifestations neurovégétatives lorsque la glycémie baisse de
0,90 g/l à 0,70 g/l ou 0,60 g/l. Ce qui est moins normal, c’est
Hypoglycémie réactive digestive de percevoir de façon pénible ces manifestations au point de
consulter. C’est là qu’intervient la personnalité souvent particu-
Elle est bien connue lors du dumping syndrome secondaire aux
lière des patients se plaignant d’hypoglycémie réactive. Il s’agit
gastrectomies pour tumeur. Elle est surtout observée aujourd’hui
volontiers de personnes anxieuses, perfectionnistes, parfois
après bypass gastrique pour traitement de l’obésité sévère [6].
migraineuses ou tachycardes [12]. Il s’agit le plus souvent de
L’hypoglycémie réactive est la conséquence de l’accélération du
femmes minces ayant une sensibilité importante à l’insuline [13],
transit gastrique, entraînant une élévation brutale de la glycé-
en bref, de « personnes sensibles ».
mie provoquant un pic d’insulinosécrétion. Ce pic serait majoré
par une sécrétion accrue des incrétines GLP1 et GIP [7]. Le pic
de sécrétion insulinique est à l’origine de l’hypoglycémie
Conduite à tenir
réactive. Quelques cas de nésidioblastose responsables d’hypo- Devant une personne qui consulte pour hypoglycémie
glycémie organique apparaissant après bypass gastrique ont été réactive :
rapportés [8]. L’existence de manifestations neuroglycopéniques • il convient d’éliminer une hypoglycémie organique, d’abord
doit indispensablement conduire à l’épreuve de jeûne. Quant au par l’interrogatoire puis, si nécessaire (heureusement rare-
rôle d’une hypersécrétion de GLP1 dans la pathogénie de ces ment), par une épreuve de jeûne de 3 jours. Il faut également
nésidioblastoses, il reste pour le moins hypothétique. penser à d’autres diagnostics, les manifestations neurovégéta-
tives pouvant avoir d’autres étiologies : malaises vagaux,
attaque de panique, crises dites de « spasmophilie », dyspep-
Hypoglycémie réactive prédiabétique sie ;
Au contraire de l’hypoglycémie digestive, l’hypoglycémie • il faut reconnaître le diagnostic d’hypoglycémie fait par le
réactive observée lors de l’intolérance aux hydrates de carbone malade. Il est possible de chercher à authentifier la baisse
prédiabétique est tardive. Elle est en effet la conséquence d’une glycémique au moment du malaise grâce à des dosages de la
anomalie de la cinétique de sécrétion insulinique. Lors de glycémie faits au laboratoire après des repas riches en gluci-
l’intolérance aux hydrates de carbone, le pic précoce de sécré- des ; néanmoins, la mesure par lecteur de glycémies capillai-
tion d’insuline est aboli ou diminué, avec pour conséquence res n’est pas suffisamment précise pour être conseillée.
une hyperglycémie initiale. Cette hyperglycémie provoque une L’HGPO est déconseillée [2, 14]. Si elle est réalisée, il ne faut
amplification de la seconde phase de l’insulinosécrétion, retenir en faveur du diagnostic que des hypoglycémies
responsable, 4 à 5 heures après le repas, d’une hypoglycémie s’accompagnant de manifestations cliniques semblables à
réactive. Lorsqu’on réalise une HGPO, il faut donc prolonger les celles perçues habituellement par le patient. La constatation
prélèvements jusqu’à 5 heures et ne pas arrêter l’épreuve, d’une hypoglycémie asymptomatique lors de l’HGPO serait
comme cela est habituel, à 2e ou 3e heure. Ces hypoglycémies plutôt un argument contre le diagnostic. Enfin, l’enregistre-
tardives de l’intolérance aux hydrates de carbone existent ment d’un holter glycémique sur trois jours, en demandant
indiscutablement. Elles favorisent l’obésité. Elles sont aisément au patient de bien préciser l’heure des repas et des malaises,
corrigées par les mesures diététiques visant à réduire la charge pourrait être utile mais, à notre connaissance, n’a pas fait
glucidique des repas,en fragmentant les apports et en augmen- l’objet d’étude ;
tant la part des glucides à index glycémique faible. C’est dans • quoiqu’il en soit, deux erreurs symétriques sont à éviter :
cette forme clinique que le traitement par acarbose peut être expliquer au malade qu’il n’a pas d’hypoglycémie, que ses
utilisé avec succès. Toutefois, il s’agit d’une période transitoire ; symptômes sont d’origine psychologique et lui conseiller de
l’aggravation du déficit insulinosécrétoire conduit à un diabète voir un psychiatre ou, au contraire, se lancer dans des
patent ne comportant plus de phase d’hypoglycémie réactive explorations multiples inutiles et souvent inutilement
tardive. répétées, à la recherche d’une pathologie organique. Les
patients arrivent souvent avec plusieurs HGPO avec dosage de
Hypoglycémie post-prandiale idiopathique l’insulinémie et parfois recours abusif à une imagerie (écho-
graphie et scanner), potentiellement dangereuse si elle amène
Reste la forme la plus fréquente de l’hypoglycémie post- à découvrir un incidentalome bénin sans rapport avec la
prandiale, celle dite idiopathique. Elle n’est en réalité que symptomatologie du patient ;
l’expression anormale d’un phénomène physiologique parfaite- • il faut expliquer au patient le mécanisme de ces malaises en
ment normal, à savoir une baisse modérée de la glycémie 2 à lui faisant comprendre qu’il est possible de les améliorer mais
3 heures après les repas. L’erreur des endocrinologues a été qu’on ne peut pas guérir, dans la mesure où il s’agit d’un
pendant longtemps de se polariser sur le niveau glycémique trouble fonctionnel et non pas d’une pathologie organique. Il
nécessaire pour pouvoir parler d’hypoglycémie. Les plus rigou- faut le rassurer sur l’absence de gravité de son trouble, même
reux fixaient la barre à 0,40 g/l. Il n’y avait alors que syndromes si l’importance de la gêne fonctionnelle est reconnue ;
de « non-hypoglycémie ». La plupart montaient la barre à • des mesures diététiques simples sont à conseiller, visant à
0,50 g/l, soit le seuil habituellement reconnu pour définir la diminuer la charge glucidique, à augmenter la consommation
neuroglycopénie [9]. Pourtant, les études fines de la contre- des aliments ayant un index glycémique faible, à diminuer,
régulation hormonale ont bien montré que les premières voire supprimer, les consommations d’alcool qui, chez
manifestations cognitives infracliniques, mises en évidence par certains patients, entraînent une augmentation de la sécrétion
des tests très sensibles, apparaissent lorsque la glycémie baisse insulinique. L’alimentation peut être fragmentée avec prise de
en dessous de 0,70 g/l. L’activation de la réponse neurovégéta- collations. Enfin, il faut encourager les patients à découvrir
tive et le déclenchement de la contre-régulation hormonale, en eux-mêmes, par des tests répétitifs d’adjonction et d’éviction,
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les aliments qui paraissent susceptibles de provoquer lesdites est en difficulté, la relation médecin-malade est à l’épreuve. Le
« hypoglycémies réactives » ; médecin, après avoir éliminé une pathologie et en particulier
• toute technique de relaxation peut être bienvenue, ainsi une hypoglycémie organique, doit rassurer le patient et l’aider
qu’une éventuelle psychothérapie de soutien, habituellement à améliorer ses symptômes. Cela commence par la reconnais-
refusée par le patient ; sance du diagnostic, à l’opposé d’une trop fréquente
• enfin, en dernière instance, on peut être amené à essayer des dénégation.
médicaments. L’acarbose réduit le pic glycémique post- .
A. Grimaldi (andre.grimaldi@psl.ap-hop-paris.fr).
Service de diabétologie-métabolisme, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Grimaldi A. Hypoglycémie réactive. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 6-0600,
2009.
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