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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Table des matières

Introduction ................................................................................................................................ 6
Chapitre I : Brève histoire de la conformité. ....................................................................... 10
Chapitre II : Pourquoi la COMPLIANCE est un bien nécessaire ? ................................. 15
Connaissance du client (KYC)/lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme. ......................................................................................................................................... 16
Protection des données de la clientèle. .............................................................................................. 18
Lutte contre l’évasion fiscale/FATCA/CRS ...................................................................................... 21
Protection de la clientèle ................................................................................................................... 22
Chapitre III : Des diligences à appliquer avant l’ouverture d’un compte ........................ 25
Chapitre IV : Connaissance client et lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme. ................................................................................................... 29
Obligation de mettre en place un dispositif de LCBFT* ................................................................... 29
Pourquoi l’approche fondée sur les risques ? .................................................................................... 31
Ce dispositif commence par la connaissance du client ou KYC*. .................................................... 31
Obligations atténuées en matière de LCBFT.................................................................................... 32
Obligations renforcées en matière de LCBFT. .................................................................................. 33
Portée extraterritoriale de la LCBFT. ................................................................................................ 38
Chapitre V : La lutte contre l’évasion fiscale : FATCA et CRS. ....................................... 41
FATCA .............................................................................................................................................. 41
Common Reporting Standard ou CRS. ............................................................................................. 44
Chapitre VI : Portées et limites de la protection des données personnelles et du secret
professionnel pour les banques au Sénégal. ......................................................................... 49
Légitimité des données personnelles recueillies par les institutions financières. .............................. 49
Des diligences à appliquer dans le traitement de ces données à caractère personnel. ....................... 50
Le droit de conservation : de l’archivage des données à caractère personnel ................................... 52
Des droits conférés à la personne faisant l’objet d’un traitement des données personnelles ............ 53
Des limites au secret professionnel. .................................................................................................. 54
Chapitre VII : Diligences relatives aux comptes en devises. .............................................. 57
Ouverture de comptes étrangers au profit de non-résidents .............................................................. 57
Ouverture et de renouvellement de comptes intérieurs en devises au profit de résidents ................. 60
Chapitre VIII : Protection de la clientèle au Sénégal et dans la zone UMOA. ................. 62
Répression de l’usure ........................................................................................................................ 63
Droit au compte ................................................................................................................................. 64
Quelques services que les banques doivent offrir gratuitement à leurs clients. ................................ 66
Traitement des réclamations .............................................................................................................. 67
Obligations de transparence des banques .......................................................................................... 68

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Protection des déposants ................................................................................................................... 69
Conclusion ............................................................................................................................... 72
Annexe 1 : Gestion des nouveaux produits .............................................................................. 74
Annexe 2 : Obligation de formation des collaborateurs. .......................................................... 75
Annexe 3 : Data protection....................................................................................................... 76
Annexe 4 : Déclarations de soupçon et déclarations systématiques ........................................ 77
Annexe 5 : La LCB/FT ne concerne pas seulement les banques ............................................. 79
Annexe 6 : Traitement des réclamations dans la zone UMOA ................................................ 80
Annexe 7 : L’obligation pour la conformité de protéger la clientèle ....................................... 81
Annexe 8 : Traitement des comptes dormants ......................................................................... 82
Annexe 9 : Approche par les risques dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme. ....................................................................................................... 83
Annexe 10 : Traitement des données à caractère personnel ..................................................... 84
Annexe 11 : Traitement de la monnaie électronique du point de vue AML ............................ 85
Annexe 13 : Importance de la KYC ......................................................................................... 86
Annexe 14 : Comment bien gérer son compte bancaire ? ........................................................ 87

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« Le coût de la non-conformité est énorme. Si vous pensez que la
conformité coûte cher, essayez la non-conformité ! » Général Paul
McNulty, ancien procureur adjoint des Etats-Unis

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Introduction

En 2017, la Commission Bancaire de l’UMOA – COBA – a édicté la Circulaire 05-2017/CB/C


relative à la gestion de la conformité aux normes en vigueur par les établissements de crédit et
les compagnies financières de l’UMOA. Cette circulaire impose, en son article 5, à l’organisme
exécutif (Direction Générale) des banques et autres établissements financiers de la zone UMOA
de « mettre en place une fonction conformité permanente dont les activités sont exécutées
conformément aux dispositions de la présente Circulaire ».

Cela montre l’importance croissante prise par la fonction conformité dans les banques et autres
établissements financiers depuis quelques années. Paradoxalement, l’on parle souvent de la
conformité mais peu de documents sont disponibles pour aider les professionnels à bien
effectuer leur travail. Il existe un corpus de textes réglementaires qu’il faut lire mais peu de
vulgarisation.

Il y a deux ans, j’avais commencé à rédiger des articles sur différentes thématiques de la
conformité. J’ai eu l’idée de ce projet quand je constatai que je recevais beaucoup de mails, sur
LinkedIn, de personnes souhaitant en savoir plus sur la compliance. J’écrivis un premier article
intitulé Pourquoi la compliance est un bien nécessaire. Après sa publication, maintes personnes
me contactèrent pour que je continue le chantier et rende plus facile pour les profanes, la
compréhension du dispositif réglementaire.

Ce fut le début d’un passionnant travail de recherche ; travail qui m’a également permis d’en
connaître davantage sur le sujet. J’avais un jour passé un entretien dans une banque pour le
poste de chargé de conformité. L’on me posa la question : qu’est-ce qu’une déclaration
systématique ? J’ignorais la réponse.

Ce chantier était en quelque sorte un moyen d’améliorer mes connaissances des différents sujets
qui constituent la conformité. Elle est transversale, parce qu’à la limite des droits national,

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communautaire et international, des relations internationales, des ressources humaines, de la
finance, de la comptabilité…

Je ne me suis pas simplement contenté d’écrire des articles sur la conformité mais aussi de
courtes publications sur LinkedIn sur différents sujets qui la constituent comme la lutte contre
le blanchiment de capitaux, la connaissance du client – KYC -, la protection de la clientèle, la
protection des données à caractère personnel.

Dans cet opuscule, je regroupe tous mes écrits sur le sujet (la plupart n’ont jamais été publiés
et ceux qui l’ont été, ont été totalement réécrits et mis à jour). Dans quelques mois, je prévois
d’écrire un ouvrage plus général sur la conformité, ouvrage qui participerait à la vulgarisation
de la thématique en Afrique et aiderait les personnes qui veulent y exercer ou y exercent déjà,
à disposer d’un document accessible.

L’on me demande souvent : de quoi avons-nous besoin pour réussir dans la fonction conformité.
Je réponds qu’il faut toujours lire, être curieux et proactif car la réglementation change tout le
temps. Aussi est-il important de constamment se mettre à jour. Je ne crois pas que l’on puisse
réussir dans ce domaine sans embrasser l’apprentissage permanent. Les collaborateurs des
autres services se tourneront spontanément vers la conformité quand ils ne comprennent pas
une norme, une réglementation. C’est notre rôle de les accompagner ; si nous ne maîtrisons pas
la réglementation, nous leur transmettrons des informations erronées.

Au moment de finir cet ouvrage, fut votée, au Sénégal, la loi de finances rectificatives 2021.
Cette loi entraînera d’importants chamboulements pour les banques. J’y reviendrai plus en
détail dans le chapitre Lutte contre l’évasion fiscale, que j’ai dû presque totalement réécrire.
Cela montre la nécessité de se mettre à jour et de se tenir informé des nouvelles dispositions
réglementaires.

Il faut aussi que les entreprises, en général, et les banques, en particulier, comprennent que la
conformité est un investissement, qu’elle n’est pas un frein aux affaires. Au contraire, elle la

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facilite. Pourquoi ? Parce que si elles n’y investissent pas, les amendes et sanctions qu’elles
recevront du régulateur leur coûteront encore plus cher, des exemples en abondent. Elles
doivent veiller à mettre en place un dispositif au point.

En outre, la bonne réputation qu’entraînera la mise en place d’un dispositif conformité efficace
assurera à une entreprise ou une banque la confiance de ses partenaires (qui voudra travailler
avec une entreprise épinglée pour des faits de corruption ou une banque laxiste dans la lutte
contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme ?) et surtout des clients :
acquérir un nouveau client coûte beaucoup plus cher que fidéliser les anciens. Aussi est-il dans
l’intérêt des entreprises, des banques, de mettre en place un dispositif de protection de la
clientèle pour diminuer leur taux d’attrition.

Cet ouvrage est divisé en huit parties :

1) Brève histoire de la conformité bancaire ;


2) Pourquoi la compliance est un bien nécessaire ?
3) Diligences à appliquer lors de l’entrée en relation.
4) La connaissance client et la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme.
5) La lutte contre l’évasion fiscale avec FATCA et CRS.
6) La protection des données à caractère personnel et le secret professionnel dans les
banques.
7) Diligences relatives aux comptes en devises.
8) La protection des usagers des banques au Sénégal et dans la zone UMOA.

J’y ai aussi intégré 14 posts que j’ai écrits, sur LinkedIn, sur différentes thématiques de la
conformité.

Je vous en souhaite une bonne lecture. N’hésitez pas à me faire part de vos suggestions et
critiques. Cela me permettra d’améliorer et d’enrichir cet ouvrage au fil du temps.

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
www.moussasylla.com

moussasylla@live.fr

moussisylla@gmail.com

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Chapitre I : Brève histoire de la conformité.

Les banques ont toujours présenté de grands risques systémiques parce que leur faillite peut
entraîner de graves problèmes économiques pour leur pays d’implantation ou même le monde,
pour les plus grandes d’entre elles. Rappelons-nous de la faillite de Lehman Brothers ou de la
crise de liquidité de la Northern Rock : elles furent des éléments aggravants de la crise
économique de 2008. En 1929, après le Jeudi Noir, la ruée aux guichets des banques avait
également constitué un facteur amplifiant du marasme économique. Cela engendrera
d’importantes conséquences négatives comme la montée du nationalisme qui débouchera sur la
deuxième guerre mondiale.

Aussi y a-t-il une grande exigence à ce qu’elles soient strictement régulées pour favoriser la
confiance du public envers elles. Après son élection à la Présidence des Etats-Unis, Roosevelt
fit voter, par le Congrès, la loi Glass – Steagall en 19331. Son but était de séparer les banques
de détail – plus régulées – des banques d’investissement qui n’étaient pas autorisées à recevoir
des dépôts pour protéger le public. En France, la première loi bancaire date de 1941 2. Au
Sénégal, elle date de 1990 avec la loi 90/06 portant réglementaire bancaire, qui sera revue en
2008 avec la loi 2008/26.

Après la deuxième guerre mondiale, il y eut progressivement une prise de conscience que la
corruption est l’un des plus grands vecteurs du blanchiment de capitaux – l’argent qui en est
issu doit être blanchi afin de pouvoir être utilisé dans le circuit économique. Supposons qu’une
entreprise verse des pots-de-vin à un agent haut placé de l’Etat. Ce dernier ne pourra utiliser cet
argent directement dans le circuit économique ; il doit trouver des moyens de le blanchir. Parce
que les agents haut placés de l’Etat sont plus exposés au risque de corruption, la notion de
personne politiquement exposée - PPE - commençait à émerger ; il était requis des diligences
plus strictes dans le traitement de leurs opérations que pour les personnes ordinaires.

1
https://www.investopedia.com/articles/03/071603.asp
2
https://www.cairn.info/la-banque-sous-l-occupation--9782724605877-page-201.htm

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Pour lutter contre la corruption, les Etats-Unis votèrent, en 1977, le Foreign Corruption Practice
ACT – FCPA -, qui est la première loi anti-corruption au monde. Elle interdit aux entreprises
américaines de verser des pots-de-vin aux officiels étrangers pour obtenir des contrats ou gagner
des marchés. Cette loi a une portée extraterritoriale parce que s’appliquant dès qu’un Américain
est impliqué ou qu’une transaction est effectuée en dollars US.

Dans le cadre de cette loi, des sanctions et amendes importantes ont été infligées à des
entreprises coupables de faits de corruption3. Pour les éviter, les entreprises prirent conscience
qu’elles doivent mettre en place une fonction conformité chargée de s’assurer qu’elles
respectent les dispositions des lois anti-corruption :

- en amont, en mettant en place un dispositif anti-corruption ;


- en aval, en exécutant les diligences relatives à ce dispositif.

Nous écrivions plus haut que la corruption est l’un des plus grands vecteurs du blanchiment de
capitaux. Des organisations comme Transparency International avaient montré, dans leurs
rapports, que les deniers publics détournés par les dictateurs des pays du Tiers-Monde étaient
blanchis dans les banques occidentales. Cela privait ces Etats pauvres des moyens de se
développer. Il y eut aussi des plaintes de diverses associations contre les biens supposés mal
acquis par des dirigeants de pays dont la population vit dans une pauvreté extrême, ne disposant
pas de services basiques comme l’éducation, la santé… Les scandales et l’indignation que cela
suscita entraînèrent une prise de conscience que des mesures très fermes devaient être prises
pour lutter contre le blanchiment de capitaux.

Cette prise de conscience qu’il fallait lutter plus fermement contre le blanchiment de capitaux
était aussi due à la montée grandissante des cartels de drogue. L’argent tiré de la vente de
stupéfiants devait être également blanchi, ce qui entraîne des dangers pour l’intégrité du
système économique et la sécurité publique4. Dans son excellent et bien documenté livre,
Money Laundering and illicit financial flows, John A. Cassara montre que le blanchiment de

3
https://fcpaprofessor.com/top-ten-list-corporate-fcpa-settlements-5/ liste des 10 plus grandes amendes en 2021
4
Le Président Nixon déclara dans les années 1970, la guerre contre la drogue, afin de lutter contre l’insécurité
publique grandissante dans les grandes villes américaines.

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capitaux est l’une des causes de la spéculation foncière dans bien des parties du monde, surtout
les endroits les plus désirés et à la mode. Cela prive les citoyens qui travaillent dur et gagnent
honnêtement leur vie, de la possibilité d’acquérir une propriété.5 La personne qui souhaite
blanchir son capital ne lésinera pas sur les moyens, peu importe le prix du bien immobilier.
Pourquoi ? Parce qu’il veut donner une apparence de légitimité à son argent en acquérant des
biens qui lui permettront d’effacer les traces de l’origine des fonds – c’est ce qu’on appelle la
phase d’intégration, qui est la dernière étape du processus de blanchiment de capitaux (les autres
étapes sont le placement et la stratification). Cela provoque une augmentation galopante des
biens immobiliers, lésant les classes moyennes qui ne disposent plus des moyens pour accéder
à la propriété.

Il était nécessaire que des actions à l’échelle mondiale soient prises pour lutter contre le
blanchiment de capitaux.

C’est ainsi que le G76, constitué des 7 pays les plus riches au monde à l’époque, lors de sa
réunion de Paris en 1989, mit en place le Groupe d’Action Financière - GAFI -, chargé de lutter
contre le blanchiment de capitaux. Le GAFI édicta des normes appelées recommandations, dont
la première date de 1990. Ses recommandations ont été progressivement enrichies 7 au fil des
années, et après les attentats du 11 septembre, les aspects liés à la lutte contre le financement
du terrorisme y ont été intégrés (9 recommandations supplémentaires ont été ajoutées après
2001).

De plus en plus, la fonction conformité devenait importante au sein des banques parce qu’elles
sont très exposées aux risques de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme.
Parallèlement, les régulateurs devenaient de plus en plus exigeants. Si nous comparons la
circulaire 03/2011 relative à l’organisation du contrôle interne dans les établissements de crédit
de l’UMOA et celle 05/2017 relative à la conformité, nous nous apercevrons de l’ampleur qu’a
prise la conformité au fil des années.

5
Voir le chapitre 8 sur le secteur immobilier, page 125
6
Il est composé des pays suivants : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni
7
https://www.fatf-
gafi.org/media/fatf/documents/recommendations/pdfs/Recommandations%20du%20GAFI%202012.pdf La
version la plus récente des normes

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
La circulaire 03/2011 contient 3 articles sur les risques de non-conformité (une demi-page au
total) tandis que celle 05/2017 est entièrement consacrée à la conformité. Les deux disposent
que les établissements de crédit doivent « mettre en place une fonction conformité permanente »
mais la première ajoute « cette fonction n’est pas forcément une unité spécifique au sein de
l’organisation », ce qui n’est pas le cas de la deuxième.

En 2008, il y eut la crise économique dont l’une des causes est les prêts subprimes – ces prêts
à taux variables accordés à des clients vulnérables, sans grande connaissance financière.
D’autres scandales liés aux manipulations de devises – scandales LIBOR – furent dévoilés au
même moment. Ces pratiques douteuses des banques suscitèrent l’indignation du public, qui
exigea des régulateurs, de mieux protéger les intérêts des consommateurs et les investisseurs.
Aussi les exigences en matière de protection de la clientèle et d’intégrité du marché ont-elles
été durcies, après 2008, pour lutter contre l’asymétrie d’information8 et protéger les
investisseurs.

Dans ce cadre, les Etats-Unis ont voté en 2011 le Dodd – Frank Wall Street Reform and
Consumer Protection Act qui a établi le bureau de la protection de la clientèle chargé de protéger
les intérêts des clients. Un peu partout dans le monde, des réglementations similaires – comme
la directive MIF dans l’Union Européenne - ont été mises en place. La réglementation MIF crée
trois catégories d’investisseurs : les contreparties éligibles, les clients professionnels et les
clients non-professionnels qui sont les plus protégés, parce que supposés les moins bien
informés et plus vulnérables.

Le rôle de la conformité est de s’assurer que ces dispositifs de protection de la clientèle et des
investisseurs sont respectés. D’ailleurs, en son article 14, la circulaire 05/2017 de la COBA
dispose : « Les domaines d'intervention relevant directement de la fonction conformité
concernent notamment (…) la protection des intérêts des clients et des investisseurs. » Cela
passe par le respect de diverses réglementations qui sont composées de lois, d’instructions, de
circulaires, de décisions.

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L’asymétrie d’information se définit comme une situation où une partie détient plus d’informations que l’autre
et pourrait les lui cacher.

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Tous ces facteurs accrurent l’importance de la fonction conformité dans les banques.
Auparavant perçue comme étant « inutile » - plusieurs fois, en parlant à des personnes qui
exercent dans cette fonction depuis des années, nous nous sommes rendu compte du
changement de paradigme : d’une direction quelconque auparavant, à une, créatrice de valeur -
, elle devint une fonction incontournable.

Aujourd’hui, ne pas investir dans cette fonction pour une banque revient à s’exposer à beaucoup
de risques dont le plus important à notre avis, est celui de réputation. Les nouvelles vont très
vite de nos jours, amplifiées par les médias et les réseaux sociaux. Mettre en place une fonction
conformité performante contribuerait à protéger une banque et lui donner une bonne réputation
auprès des clients, des investisseurs des régulateurs et du grand public en général. Cela lui
permettra d’attirer, plus facilement, la clientèle, ce qui est la politique marketing la plus
efficace.

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Chapitre II : Pourquoi la COMPLIANCE est un bien nécessaire ?

Il y a quelques décennies, l’obtention d’un contrat justifiait toutes les pratiques douteuses
comme corrompre les officiers publics ou leur offrir des cadeaux déraisonnables en vue
d’influencer leurs décisions. Utiliser ces stratégies était toléré, voire encouragé. Cette situation
a de moins en moins cours depuis quelques années, la plupart des Etats ayant voté des lois anti-
corruption de portée extraterritoriale : Foreign Corruption Practises Act, UK Bribery Act, Loi
Sapin2…

En plus du risque de sanction, être épinglée pour corruption entraînerait une mauvaise image
de l’entreprise avec toutes les conséquences négatives : chute du cours boursier, appel au
boycott des consommateurs, exclusion des contrats publics et surtout mauvaise réputation.

La Conformité a un rôle important à jouer dans l’implantation de ces lois, devant mettre en
place le dispositif requis : code de conduite, droit d'alerte, respect des procédures d'appels
d'offres… Il ne s’agit pas de freiner le business mais de le faciliter en respectant l’éthique et la
déontologie.

Un défaut de mettre en place le dispositif pourrait entraîner des sanctions du régulateur.


Pourquoi ? Il ne s’agit juste pas de dire que nous n’avons commis aucun acte de corruption mais
également de prévenir que nous en perpétrions dans le futur. Cette prévention passe par le
respect des dispositions, de plus en plus sévères, des lois anti-corruption en vigueur un peu
partout dans le monde.

Prenons le Bribery Act de 2010 du Royaume-Uni. Il dispose : “The commercial organisation


had in place "adequate procedures designed to prevent persons associated with [the
organisation] from undertaking such conduct9.” Cette loi insiste sur la prévention qui est gage
de bonne foi. Cela permet également à une entreprise qui serait épinglée pour des faits de

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« L'organisation commerciale avait mis en place "des procédures adéquates conçues pour empêcher les personnes
associées à [l'organisation] d'entreprendre une telle conduite [corruption] »

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
corruption, de recevoir des sanctions moins lourdes. En France, la loi Sapin 210 impose aussi de
mettre en place des diligences relatives à la lutte contre la corruption : code de conduite,
identification et cartographie des fournisseurs, formation du personnel exposé, protection des
lanceurs d’alerte…

La corruption est l’un des principaux vecteurs du blanchiment de capitaux. L’argent qui en est
issu doit être blanchi afin de pouvoir être utilisé légalement dans le circuit économique. Aussi
est-il important pour les banques, de prendre des mesures adéquates pour lutter contre ce fléau :

- en amont, en mettant en place un dispositif de lutte contre la corruption, conformément


aux dispositions des lois anti-corruption (notons qu’elles sont souvent de portée
extraterritoriale11) ;
- en aval, en empêchant qu’elles soient utilisées pour blanchir l’argent issu de la
corruption (nous verrons plus loin comment peuvent-elles y parvenir).

Aujourd’hui la Conformité est une exigence. La pression des régulateurs étant de plus en plus
forte, les clients étant de plus en plus exigeants, les conséquences d’actes prohibés coûtant de
plus en plus chers, elle est une ligne de défense incontournable pour les entreprises.

Connaissance du client (KYC)/lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du


terrorisme.

Prenons le cas de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.


Dès 1970, les Etats-Unis votèrent la loi Bank Secrecy ACT - BSA. Cette loi impose aux banques
de mettre en place un dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux. Ce dispositif repose
notamment sur la connaissance clientèle, le reporting des transactions en espèces supérieures à
10 000 USD des clients ainsi que celles atypiques au Financial Crimes Enforcement Network

10
LOI n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique (1) - Légifrance (legifrance.gouv.fr) Texte de la loi
11
L’extraterritorialité concerne des normes juridiques dont le champ d’application excède la compétence
territoriale de l’État qui en est l’auteur (https://www.vie-publique.fr/fiches/269897-quest-ce-que-
lextraterritorialite )

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
– FINCEN, l’équivalent de notre CENTIF. La force du dollar lui donne une portée
extraterritoriale.

Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, elle a été durcie avec le US Patriot Act
pour lutter davantage contre le financement du terrorisme. Les banques qui ne la respecteraient
pas s’exposeraient à des amendes élevées du régulateur américain, courraient le risque de se
voir interdire l'utilisation du dollar et feraient face à des problèmes d’image et de réputation.
Quand nous savons l’importance du dollar dans les transactions internationales et la puissance
des Etats-Unis, aucune banque ne pourrait survivre à une telle situation.

Dans l’Union Européenne la première directive relative à la prévention de l’utilisation du


système financier aux fins de blanchiment de capitaux date de 1991. Elle a été mise à jour
progressivement. Nous sommes aujourd’hui à la sixième version.

En 2018, le Sénégal a voté la loi 2018-03 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux
et le financement du terrorisme. Elle abroge et regroupe respectivement les lois 2004-0912 et
2009-1613 relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et celle contre le financement
du terrorisme.

En son article 24, la loi 2018-03 dispose : « Les institutions financières doivent élaborer et
mettre en place des programmes harmonisés de prévention du blanchiment de capitaux et de
financement du terrorisme. » Cela veut dire que les banques et autres établissements de crédit
ont l’obligation de mettre en place un dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme. Ce dispositif commence par la connaissance du client – KYC - (voir
article 18 de cette loi sur l’obligation d'identification des clients et des bénéficiaires effectifs
des personnes morales).

Entreprendre une démarche KYC facilitera la tâche en aval. Elle permet :

12
http://www.droit-afrique.com/upload/doc/senegal/Senegal-Loi-2004-09-lutte-blanchiment-capitaux.pdf
13
http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article8317#:~:text=2%20mars%202009-
,LOI%20uniforme%20n%C2%B0%202009%2D16%20du%202%20mars%202009,contre%20le%20financemen
t%20du%20terrorisme.&text=Cette%20loi%20pr%C3%A9voit%20la%20mise,des%20Informations%20Financi
%C3%A8res%20(CENTIF)%20.

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
- de traiter plus rapidement les transactions des clients qui présentent des risques faibles
par l’observation d’une vigilance simplifiée ;

- et ainsi, pouvoir se concentrer sur celles qui présentent les risques les plus élevés par
l’observation d’une vigilance renforcée – identifier les personnes politiquement
exposées et assurer un suivi diligent de leurs opérations, secteurs d’activités sensibles
(ventes d’armes, voitures d’occasions, biens immobiliers, banques correspondantes) …

Cette approche fondée sur les risques est recommandée par le Groupe d’Action Financière
(GAFI). Pourquoi ? Avec cette approche, une banque pourra concentrer ses ressources sur les
clients qui présentent les risques les plus élevés et ainsi monitorer plus efficacement leurs
opérations.

Protection des données de la clientèle.

Les entreprises disposent aujourd'hui d’importantes données sur leurs clients. Avant l’ouverture
d’un compte, les banques, par exemple, doivent demander à leurs clients des documents afin de
respecter l’obligation légale qu’est la KYC – Know your customer. Ces documents contiennent
des données à caractère personnel : nom, prénom, adresse, date de naissance…

Avec l'essor du big data, du profilage, du hacking, de la fraude, ces informations sont une
matière première recherchée, d’où l’exigence des régulateurs à ce qu’elles soient protégées.
Dans ce sens, le Sénégal a voté en 2008, la loi 2008-12 relative à la protection des données à
caractère personnel, complétée par la loi 2008-12 sur la cybercriminalité. Les entreprises, dont
les banques, ont l’obligation de prendre des mesures pour protéger les données de leurs clients
et les traiter avec confidentialité.

En outre, les banques sont soumises au secret professionnel. La loi 2008-26 portant
réglementation bancaire dispose en son article 30 :

« Les personnes qui concourent à la direction, à l’administration, à la gérance, au


contrôle ou au fonctionnement des établissements de crédit, sont tenues au secret professionnel,
sous réserve des dispositions de l’article 53, dernier alinéa.

18
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Il est interdit aux mêmes personnes d’utiliser les informations confidentielles dont elles ont
connaissance dans le cadre de leur activité, pour réaliser directement ou indirectement des
opérations pour leur propre compte ou en faire bénéficier d’autres personnes. »

Les banques ont une obligation légale de recueillir des données sur leurs clients. Cependant,
outre le secret professionnel, elles sont aussi tenues de respecter les dispositions de l’article 35
de la loi 2008-12 sur la protection des données à caractère personnel :

« Les données doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et
légitimes et ne peuvent pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces
finalités. »

Aussi ces données ne doivent-elles être traitées que pour les fins pour lesquelles elles ont été
recueillies, sauf en cas d’exigence légale ou réglementaire (nous y reviendrons plus tard). Les
banques doivent s’assurer que les données des clients ne seront pas dévoilées sur la place
publique. Ces fuites d’information nuiraient fortement à leur réputation et à la confiance que
peuvent avoir les clients à leur égard, d’où l’importance qu’elles sensibilisent et forment leur
personnel sur ces aspects.

Pour élargir la réflexion, notre entreprise (banque) a-t-elle mis en place un dispositif de
protection des données de la clientèle ? Seules les personnes qui traitent les fichiers en ont-elles
accès ? La loi précitée dispose en son article 70 :

« Le traitement des données à caractère personnel est confidentiel. Il est effectué


exclusivement par des personnes qui agissent sous l’autorité du responsable du traitement et
seulement sur ses instructions. »

Si nous répondons non à ces questions, notre entreprise connaît de sérieuses brèches en matière
de protection des données personnelles. Une fuite des informations, parce que le système

19
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
informatique n’est pas sécurisé, entraînerait un important risque de réputation pour une banque
et l’exposerait à de fortes sanctions du régulateur.

C’est pour cela qu’il est nécessaire pour une entreprise (banque) de procéder régulièrement à
des audits de son système informatique. Est-il protégé ? La sortie des informations est-elle
contrôlée ? La loi sur la protection des données à caractère personnel impose des obligations de
sécurité quant à leur traitement. En effet, en son article 71, elle dispose :

« Le responsable du traitement est tenu de prendre toute précaution utile au regard de la


nature des données et, notamment, pour empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou
que des tiers non autorisés y aient accès. Il prend, en particulier, toute mesure visant à :

1) garantir que, pour l’utilisation d’un système de traitement automatisé de données, les
personnes autorisées ne puissent accéder qu’aux données à caractère personnel relevant de leur
compétence ;

2) garantir que puisse être vérifiée et constatée l’identité des tiers auxquels des données à
caractère personnel peuvent être transmises ;

3) garantir que puisse être vérifiée et constatée a posteriori l’identité des personnes ayant eu
accès au système d’information et quelles données ont été lues ou introduites dans le système,
à quel moment et par quelle personne ;

4) empêcher toute personne non autorisée d’accéder aux locaux et aux équipements utilisés
pour le traitement des données ;

5) empêcher que des supports de données puissent être lus, copiés, modifiés, détruits ou
déplacés par une personne non autorisée ;

6) empêcher l’introduction non autorisée de toute donnée dans le système d’information ainsi
que toute prise de connaissance, toute modification ou tout effacement non autorisés de données
enregistrées ;

7) empêcher que des systèmes de traitements de données puissent être utilisés par des personnes
non autorisées à l’aide d’installations de transmission de données ;

8) empêcher que, lors de la communication de données et du transport de supports de données,


les données puissent être lues, copiées, modifiées ou effacées de façon non autorisée ;

9) sauvegarder les données par la constitution de copies de sécurité ;

10) rafraîchir et si nécessaire convertir les données pour un stockage pérenne.

20
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Il est nécessaire, pour les banques, de s’assurer que les 10 points précités de l’article 71 de la
loi sur la protection des données à caractère personnel sont pris en compte dans leur traitement
des données à caractère personnel des clients. Une banque dispose d’informations sensibles sur
ses clients. Pour cela, elle doit prendre toutes les dispositions pour les sécuriser et éviter les
fuites d’information. A défaut, un client pourrait leur intenter un procès et obtenir des
dommages et intérêts. Si cela arrivait, la banque risquerait aussi de perdre la confiance des
clients à son égard, nuisant ainsi à sa réputation.

La Conformité a un important rôle à jouer dans la mise en place de ce dispositif, étant garante
de la protection de la clientèle (voir article 14 de la circulaire 05/2017 de la COBA). Elle doit
s’assurer que les dispositions – sécurité, confidentialité, archivage - des lois précitées sont
respectées pour éviter à la banque des sanctions, une mauvaise réputation et surtout lui assurer
la confiance du public.

Lutte contre l’évasion fiscale/FATCA/CRS

Depuis quelques années, les Etats se sont rendu compte qu’ils perdent d’importants revenus à
cause des paradis fiscaux. Les contribuables, pour éviter de payer leurs impôts, y créent des
sociétés écrans ou y planquent leurs fonds. Pour lutter contre cette évasion fiscale, les Etats ont
mis en place des politiques pour y venir à bout, dont la plus célèbre est FATCA.

FATCA est une réglementation américaine entrée en vigueur en juillet 2014. Elle oblige les
banques participantes à déclarer les revenus des contribuables américains lors de reportings
annuels. Elle a été votée dans le cadre du HIRE ACT de 2010.

Certains pays, dits IGA, ont signé des accords avec l’IRS – les services fiscaux américains - et
ce dispositif est intégré dans leurs lois locales. La grande majorité des banques des pays
africains, cependant, envoient directement les reportings des contribuables américains à l’IRS.
La force du dollar en fait une loi de portée extraterritoriale. Une recherche sur le site de l’IRS
montre que la plupart des banques sénégalaises y sont participantes. Il reste à mettre en place

21
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
un dispositif pour identifier les clients américains, récupérer leurs documents afin de pouvoir
les remonter lors du reporting annuel à l’IRS, procéder à la certification trisannuelle.

S’inspirant de FATCA, l’OCDE a mis en place le Common Reporting Standard. Il s’agit d’une
plateforme d’échange entre les différentes autorités fiscales des pays signataires pour faciliter
la lutte contre l’évasion fiscale. A date, 97 Etats sont signataires – seule l’Afrique du Sud et le
Nigeria sont participants en Afrique à date, mais nous croyons que dans le futur, d’autres
adhéreront (nous y reviendrons en détail dans le chapitre FATCA et CRS).

Comment fonctionne le CRS ? Chaque institution financière d’un pays participant doit
identifier les contribuables des autres pays participants et les transmettre annuellement à ses
services fiscaux. L’Italie et l’Afrique du Sud sont deux pays participants. Les institutions
financières de chacun de ces pays doivent identifier les contribuables de l’autre dans le cadre
d’un reporting annuel et les transmettre à leurs services fiscaux respectifs.

Les récents scandales comme les Panama Papers ont montré l’impact réputationnel de l’évasion
fiscale. Il s’agit pour les banques d’être proactives afin d’éviter les sanctions et sauvegarder
leur réputation. La CONFORMITE participe à la création de valeur en étant à l’avant-garde de
ces nouvelles donnes et en s’assurant qu’elles sont appliquées.

Protection de la clientèle

Les législations publiques considèrent, à juste titre, qu’il y a une asymétrie d'information entre
les entreprises et les consommateurs, au profit des premières. Aussi ont-elles mis en place des
politiques de protection des consommateurs.

La Conformité – elle est garante de la protection de la clientèle - doit s’assurer que les nouveaux
produits respectent la réglementation et que leurs tarifications ne sont pas abusives. Dans le cas
spécifique des banques de la zone UMOA, l’article 17 de la Circulaire n° 05-2017 de la COBA

22
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
sur la Conformité dispose : « La fonction conformité doit, de manière proactive, identifier,
évaluer et gérer les risques de non-conformité, y compris lors du développement de nouveaux
produits, pratiques commerciales, activités ou relations clients. »

Le Sénégal a voté en 2021, la loi 2021-19 relative à la répression de l’usure. Cette loi interdit
expressément d’octroyer des prêts à un taux supérieur à un plafond fixé par le Conseil des
ministres de l’UMOA. En effet, en son article 2, elle dispose : « Le taux effectif global (TEG)
d’intérêt est librement convenu entre l’emprunteur et le prêteur sous réserve de respecter le
plafond fixé à l’article premier de la présente loi. Il doit être fixé par écrit pour tout contrat de
prêt »

Les banques doivent respecter les dispositions de cette loi et s’assurer que les prêts qu’elles
octroient à leurs clients ne dépassent pas le taux usuraire. En outre, elles doivent vérifier que
tous les éléments entrant dans le calcul du taux effectif global (article 3 de la loi précitée) sont
intégrés dans leur Core Banking System.

Ne serait-ce que pour des raisons marketing, mettre en place un dispositif de protection de la
clientèle est une obligation. Notre entreprise (banque) dispose-t-elle d’un service réclamation
(notons que la circulaire 02/2020 de la COBA sur le traitement des réclamations en fait une
obligation pour les banques et établissements de crédit) ? Les produits et services proposés sont-
ils conformes à leur description ? Les tarifications des produits ou services ne sont-elles pas
abusives ? Notre banque n’applique-t-elle pas des taux effectifs globaux supérieurs au taux
usurier fixé par la Banque Centrale (cela est réprimé par la loi 2021-19 sur l’usure) ?

Outre le risque de sanction, ne pas respecter ces exigences nuirait à la réputation de l’entreprise.
Aussi la Conformité doit-elle s’assurer que l’entreprise remplit ses obligations en matière de
protection de la clientèle et même aller au-delà de ce que dit la réglementation. Cela donnera
confiance en sa clientèle, lui permettant de réduire le taux d’attrition.

23
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
La mise en place d’un dispositif conformité n’est pas un frein à l’essor des affaires et même le
facilite. Protéger les données des clients est légitime, lutter contre la corruption est nécessaire,
monitorer les transactions pour éviter qu’elles ne servent à financer le terrorisme est une
obligation quand nous savons l’impact d’une attaque terroriste. Aussi toutes les entreprises,
notamment les banques, doivent mettre en place un dispositif de conformité : plutôt que des
dépenses, il faut qu’elles voient en la conformité un investissement – ne pas le faire entraînerait
des sanctions de loin supérieures aux coûts, en plus des impacts réputationnels. Aussi la
Conformité est un bien nécessaire, que chaque banque doit implanter.

http://www.centif.sn/loi_caractere_personnel.pdf

http://www.centif.sn/loi_caractere_personnel.pdf

https://www.ca-pca.net/FATCA/definition.php

http://www.droit-afrique.com/upload/doc/senegal/Senegal-Loi-2004-09-lutte-blanchiment-
capitaux.pdf

http://www.droit-afrique.com/upload/doc/senegal/Senegal-Loi-2004-09-lutte-blanchiment-
capitaux.pdf

https://globalcompliancenews.com/anti-corruption/anti-corruption-laws-around-the-world/

https://www.bceao.int/fr/documents/circulaires

http://www.centif.sn/LOI_2018_03_RELATIVE_A_LA_LBCFT.pdf

24
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Chapitre III : Des diligences à appliquer avant l’ouverture d’un compte

L’ouverture d’un compte bancaire nécessite que les banques et autres établissements financiers
demandent aux prospects de leur transmettre des documents afin de vérifier leur identité. Cette
vérification de l’identité des futurs clients est nécessaire pour respecter l’obligation légale
qu’est la connaissance de la clientèle – KYC. Cela contribue également à la lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme – nous verrons comment dans le
chapitre suivant.

Quelles diligences doivent entreprendre les banques et établissements financiers pour connaître
leurs clients ?

L’article 43 du Règlement n° 15/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002 relatif aux systèmes


de paiement dans les Etats membres de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
(UEMOA) dispose :

« Préalablement à l’ouverture d’un compte de dépôt le banquier doit s’assurer de


l’identité et de l’adresse du demandeur, sur présentation d’un document officiel original en
cours de validité portant sa photographie, contenant dans la mesure du possible des informations
relatives à sa filiation, ainsi que son adresse professionnelle ou domiciliataire. La personne
physique commerçante est tenue de fournir, en outre, toute pièce attestant de son
immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.
L’identification d’une personne morale ou d’une succursale est effectuée par la production
d’une part, de l’original, l’expédition ou la copie certifiée conforme de tout acte ou extrait du
Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, attestant notamment de sa forme juridique, de
son siège social et d’autre part des pouvoirs des personnes agissant en son nom. Le banquier
est tenu des mêmes diligences à l’égard de tout cotitulaire de compte collectif, personne
physique ou morale. Le banquier doit informer les clients auxquels un chéquier est délivré des
sanctions encourues en cas de défense de payer faite en violation de l’article 84 alinéa 3 du
présent Règlement. »

Les dispositions du règlement susvisé sont complétées par celles relatives à la loi 2018-03 sur
la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, notamment
l’obligation d’identification de la clientèle. En effet, en son article 18, cette loi dispose :

« Avant d'entrer en relation d'affaires avec un client ou de l'assister dans la préparation


ou la réalisation d'une transaction, les personnes mentionnées aux articles 5 et 6 de la présente

25
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
loi identifient le client et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif de la relation d'affaires par des
moyens adaptés et vérifient ces éléments d'identification sur présentation de tout document écrit
fiable. »

Comment identifier les clients ? La loi le précise en ses articles 27 (pour les personnes
physiques) et 28 (pour les personnes morales).

-Article 27.- Identification d'une personne physique


L'identification d'une personne physique implique l'obtention des nom et prénoms complets, de
la date et du lieu de naissance et de l'adresse de son domicile principal.
La vérification de l'identité d'une personne physique requiert la présentation d'un document
officiel original en cours de validité et comportant une photographie, dont il en est pris copie.
La vérification de son adresse est effectuée par la présentation d'un document de nature à en
rapporter la preuve ou par tout autre moyen.
Les mentions à relever et à conserver sont les nom et prénom(s), la date et le lieu de naissance
de la personne ainsi que la nature, la date et le lieu de délivrance du document. L'institution
financière vérifie l'authenticité du document présenté.
S’il s’agit d’une personne physique commerçante, cette dernière est tenue de fournir, en outre,
toute pièce attestant de son immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit mobilier.
Lorsque la vérification de l'identité ne peut avoir lieu en présence de la personne concernée,
l'institution financière met en œuvre, en application des dispositions de l'article 40 de la présente
loi, des mesures de vigilance complémentaires.

-Article 28.- Identification d'une personne morale

L'identification d'une personne morale, d’une succursale ou d'un bureau de représentation


implique l'obtention et la vérification d'informations sur la dénomination sociale, l'adresse du
siège social, l'identité et les pouvoirs des associés et dirigeants sociaux mentionnés dans l'Acte
uniforme concerné ou de leurs équivalents en droit étranger, la preuve de sa constitution légale,
à savoir l’original, voire l’expédition ou la copie certifiée conforme de tout acte ou extrait du
Registre du Commerce et du Crédit mobilier datant de moins de trois mois, attestant notamment
de sa forme juridique.
Lorsque la vérification de l'identité ne peut avoir lieu en présence du représentant de la personne
morale, l'institution financière met en œuvre, en application des dispositions de l'article 40 de
la présente loi, des mesures de vigilance complémentaires.

Il est obligatoire que les institutions financières, lors de l’entrée en relation avec une personne
physique, recueillent une pièce d’identité délivrée par une autorité reconnue (passeport, carte
nationale d’identité) ainsi qu’un justificatif d’adresse (certificat de domicile ou de résidence,
factures d’eau, d’électricité ou de téléphonie). Notons que pour celles qui présentent des risques

26
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
plus élevés, d’autres documents pourraient leur être demandés comme dans le cas de certaines
PPE, l’origine de leur fortune.

Pour les personnes morales, les justificatifs relatifs à l’adresse, les pouvoirs des associés, la
preuve de sa constitution légale, un RCCM datant de moins de 3 mois, sont requis afin d’attester
la preuve légale de leur constitution. En outre, les états financiers certifiés, les procès-verbaux,
les rapports annuels pourraient leur être demandés afin de vérifier que l’entreprise n’est pas
fictive, qu’elle existe et exerce réellement.

L’identification de la clientèle est nécessaire parce qu’elle permet de déterminer le niveau de


risque d’un client et ainsi appliquer les diligences appropriées :

9) Customer due diligence (CDD) pour les clients qui présentent des risques faibles ;
10) Enhanced due diligence (EDD) pour les clients qui présentent des risques élevés.

Certaines personnes, de par leur fonction ou secteur d’activité, présentent plus de risques que
d’autres. Une personne politiquement exposée – PPE -, par exemple, est plus exposée aux
risques de blanchiment de capitaux – cela ne veut pas dire qu’être PPE est synonyme d’une
personne qui blanchit de facto de l’argent. Mais du fait de ses risques élevés, des diligences
particulières lui seront appliquées – nous verrons cela plus en détail dans le chapitre suivant –
afin de mitiger les risques.

Pour les personnes morales, certains secteurs d’activité sont plus exposés que d’autres à des
risques BC/FT. Prenons le secteur de l’armement14. Il arrive souvent de lire dans les journaux
des scandales relatifs à ce secteur avec le versement de commissions et rétro commissions
illicites. Les personnes qui les reçoivent tenteront de les blanchir afin de pouvoir les utiliser
légalement dans le circuit économique. Les personnes morales qui exercent dans ces secteurs
d’activité seront plus surveillées afin de prévenir ces risques.

14
https://www.liberation.fr/societe/2009/07/10/ventes-d-armes-tout-est-deal_569594/ Voir cet article du
journal Libération

27
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Les bénéficiaires effectifs ou ayants-droit économiques des personnes morales doivent être
également identifiés (Pour la définition de bénéficiaire effectif, voir le point 12 de l’article
premier de la loi LBC/FT). Pourquoi les institutions financières doivent-elles déterminer le
bénéficiaire effectif d’une personne morale ? Ce dernier pourrait influer sur le niveau de risque
en matière de BC/FT. Supposons une société anonyme ou société à responsabilité limitée
classée, a priori, à risque faible en matière de BC/FT, mais son bénéficiaire effectif est une PPE.
Dans ce cas, les diligences y relatives lui seront appliquées parce que cette PPE augmente le
niveau de risque de facto – nous y reviendrons davantage dans le chapitre suivant.

28
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Chapitre IV : Connaissance client et lutte contre le blanchiment de capitaux
et le financement du terrorisme.

Face aux risques qu’entraînent le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les


Etats dans le monde ont pris des mesures pour lutter contre ces fléaux. Les pouvoirs publics ont
voté ou adopté ou édicté des lois, directives et instructions. Les institutions financières, parce
qu’étant les plus exposées, sont en première ligne des stratégies mises en place pour lutter contre
ces deux menaces. Aussi ont-elles l'obligation de mettre en place des dispositifs de lutte contre
le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Obligation de mettre en place un dispositif de LCBFT*

L’article 24 de la Loi 2018-03 relative à la LCBFT du Sénégal dispose :

« Les institutions financières doivent élaborer et mettre en œuvre des programmes


harmonisés de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ».

Il est une évidence aujourd’hui que les banques, institutions de microfinance, sociétés
d’assurance-vie ont l’obligation de mettre en place un dispositif de prévention du blanchiment
de capitaux et du financement du terrorisme. Plus loin, l’article précité cite les éléments
composant ce programme :

1) La centralisation des informations sur l'identité des clients, des donneurs d'ordre, des
bénéficiaires effectifs, des bénéficiaires et titulaires de procuration, des mandataires et
sur les transactions suspectes ;
2) La désignation de responsable de conformité, au niveau de la Direction, chargé de
l'application du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme ;
3) La formation continue du personnel destinée à les aider à détecter les opérations et les
agissements susceptibles d'être liés au blanchiment de capitaux et au financement du
terrorisme ;

29
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
4) Un dispositif de contrôle interne pour vérifier la conformité, l'observance et l'efficacité
des mesures adoptées pour l'application de la présente loi ;
5) Le traitement des transactions suspectes.

Les banques sont aussi tenues de disposer de procédures et contrôle interne15 LBC/FT. Cela
leur permet :

- de mettre en pratique une approche fondée sur les risques – tel que recommandée par la
loi LBC/FT et le GAFI, par la classification de leurs clients, services, produits selon leur
niveau de risque en matière de BC/FT ;
- d’appliquer les autres diligences relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et
le financement du terrorisme comme la conservation des documents, le traitement des
opérations suspectes, les déclarations de soupçon à la CENTIF, l’identification des PPE,
et le contrôle périodique du dispositif16.

Une banque doit procéder à l’audit de son dispositif LBC/FT : a-t-elle mis en place toutes les
dispositions relatives à l’article 25 de la loi ? Si non, elle doit entreprendre sans délai un travail
de remédiation17.

15
Article 25 : Pour l'application des dispositions des articles 22 et 24 de la présente loi, les institutions financières
:
1. élaborent une classification des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme présentés
par leurs activités, selon le degré d'exposition à ces risques apprécié en fonction notamment de la nature des
produits ou des services offerts, des conditions des transactions proposées, des canaux de distribution utilisés ainsi
que des caractéristiques des clients ;
2. déterminent, si besoin est, un profil de la relation d'affaires avec le client, permettant de détecter des anomalies
dans cette relation, au regard des risques de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ;
3. définissent les procédures à appliquer pour le contrôle des risques, la mise en œuvre des mesures de vigilance
relatives à la clientèle, la conservation des pièces, la détection des transactions inhabituelles ou suspectes et le
respect de l'obligation de déclaration de soupçon à la CENTIF ;
4. mettent en œuvre des procédures de contrôle, périodique et permanent, des risques de blanchiment de capitaux
et de financement du terrorisme ;
5. prennent en compte, pour le recrutement de leur personnel, selon le niveau des responsabilités à exercer, les
risques au regard de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
16
Le dispositif doit être évalué au moins une fois par an, d’après les dispositions de l’article 4 de l’instruction
009-007-2017 portant modalités d’application de la loi LBC/FT : « Les programmes internes font l’objet d’un
examen périodique de leur efficacité par la structure chargée de l'audit interne, au moins une fois par an »
17
Voir l’instruction 009-007-2017 sur les modalités d’application de la loi sur la lutte contre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme : https://www.bceao.int/sites/default/files/2017-

30
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Ce dispositif repose en grande partie sur la connaissance du client - KYC - et son actualisation
tout au long de la relation d’affaires. Nous verrons plus tard pourquoi et comment.

Pourquoi l’approche fondée sur les risques ?

Tous les clients ne présentent pas les mêmes niveaux de risque face aux blanchiments de
capitaux et financements du terrorisme. Certaines personnes, physiques ou morales, de par leur
fonction ou leur secteur d’activité, y sont plus exposées. D’où l’exigence des Etats à ce qu’elles
soient plus surveillées. L’article 51 de la Loi 2018-03 relative à la LCBFT du Sénégal dispose :
« Lorsque le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme présenté par un
client, un produit ou une transaction leur paraît élevé, les personnes visées aux articles 5 et 6
renforcent l'intensité des mesures prévues aux articles 19 et 20 de la présente loi. »

Les personnes politiquement exposées - PPE - (qu’elles soient le titulaire d’un compte ou
bénéficiaires effectifs d’une personne morale), les banques correspondantes à risques élevés,
certains secteurs d’activité qui présentent des risques élevés en matière de LCBFT (armements,
hydrocarbures, secteurs d’activités très liquides, associations… les sociétés avec une chaîne
actionnariale complexe) font partie des clients pour lesquels les diligences doivent être
renforcées.

Les risques étant inégaux, le GAFI - Groupe d’action financière – préconise une approche par
les risques. Dans ses recommandations aux Etats, il écrit : « (…) les pays devraient appliquer
une approche fondée sur les risques pour s’assurer que les mesures de prévention et
d’atténuation du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme sont à la mesure des
risques identifiés. »18 Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour les institutions
financières ? Nous y reviendrons.

Ce dispositif commence par la connaissance du client ou KYC*.

12/instruction_no007-09-
2017_portant_modalites_d_application_par_les_if_de_la_loi_uniforme_relative_a_la_lbc_ft_f.pdf
18
Il s’agit de la recommandation 1

31
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Nous écrivions plus haut que la première étape de la lutte contre le blanchiment de capitaux et
le financement du terrorisme est la connaissance du client. Elle permet aux institutions
financières d’évaluer son niveau de risque.

Rappelons aussi que cette connaissance du client est une exigence légale. En effet, l’article 18
de la Loi 2018-03 relativement à la LCB/FT dispose : « Avant d'entrer en relation d'affaires
avec un client ou de l'assister dans la préparation ou la réalisation d'une transaction, les
personnes mentionnées aux articles 5 et 6 de la présente loi identifient le client et, le cas échéant,
le bénéficiaire effectif de la relation d'affaires par des moyens adaptés et vérifient ces éléments
d'identification sur présentation de tout document écrit fiable. » Nous avions montré dans le
chapitre précédent comment cette vérification est effectuée.

Une fois que l’institution financière connaît son client, elle pourra entreprendre les diligences
nécessaires afin de déterminer son niveau de risque. Ce dernier dépend de plusieurs facteurs :
pays d’implantation, secteurs d’activité, professions, bénéficiaires effectifs – rappelons-nous
des diligences requises par l’article 25 de la loi… Si le client présente des risques faibles, les
mesures de LCB/FT peuvent être atténuées. S’il présente des risques élevés, ces mesures
doivent être renforcées.

Obligations atténuées en matière de LCBFT.

Si le niveau de risque est faible, la banque peut atténuer les mesures relatives à la lutte contre
le BC/FT. En effet, en son article 46, la loi LBC/FT dispose :

« Lorsque le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme est


faible, les personnes visées à l'article 5 de la présente loi peuvent réduire l'intensité des mesures
prévues à l'article 19 de la présente loi. Dans ce cas, elles justifient auprès de l'autorité de
contrôle dont elles relèvent que l'étendue des mesures est appropriée à ces risques. »

La section 5 de la loi, qui comprend les articles 46 à 49, cite les clients et produits qui en font
partie. Atténuation des mesures ne veut cependant pas dire absence de vigilance. En effet,
l’alinéa 2 de l’article 46 de la loi LBC/FT dispose :

32
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
« Elles (les personnes, comme les banques, visées à l’article 5 de la loi LBC/FT) ne sont
pas soumises aux obligations de vigilance prévues aux articles 19 et 20 de la présente loi, pour
autant qu'il n'existe pas de soupçons de blanchiment de capitaux ou de financement du
terrorisme. »

Cela veut dire que les transactions inhabituelles des clients présentant un risque faible doivent
être analysées avec toute la diligence nécessaire. Supposons qu’une relation d’une banque
présente, a priori, un risque faible en matière de BC/FT. Elle avait justifié un revenu mensuel
de 300 000 mais verse des sommes de 2 000 000 chaque mois dans son compte. En dépit de
son risque faible, elle doit motiver ces versements. A défaut de justification, une déclaration de
soupçon devra être rédigée et transmise à la CENTIF, conformément au chapitre III (article 79
à 82) de la loi LBC/FT – voir l’annexe 4 de ce présent ouvrage qui traite des déclarations de
soupçon.

Obligations renforcées en matière de LCBFT.

Dans la section 6 de la Loi LBC/FT, intitulée Obligations renforcées de vigilance à l'égard de


la clientèle, il est fait mention des mesures à prendre face à certains clients qui présentent de
plus grands risques en matière de BC/FT. Nous avions cité plus haut certains d’entre eux.

Notons que face à ces relations (banques correspondantes à risques élevés, personnes
politiquement exposées, clients évoluant dans des secteurs à risques élevés…), les mesures de
vigilance doivent être renforcées et leurs opérations particulièrement surveillées parce qu’elles
présentent de plus grands risques en matière de BC/FT. Dans un monde où les informations
circulent vite, manquer de vigilance dans le traitement de leurs transactions nuirait à la
réputation d’une institution financière, en plus des sanctions financières auxquelles elle
s’exposerait.

Dans le cas des banques correspondantes (notons qu’il est interdit d’entrer en relation avec des
banques fictives) et des Personnes politiquement exposées, des diligences supplémentaires
doivent être entreprises par les banques d’après les dispositions de la loi LBC/FT (voir ci-
dessous les articles 53 à 54 de ladite loi).

33
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
- Article 53.- Mesures de vigilance renforcée

Lorsqu'elles concluent une convention pour offrir un service de correspondant bancaire,


d'encaissement ou d'escompte de chèques ou nouer une relation d'affaires en vue de la
distribution d'instruments financiers avec des institutions financières mentionnées à l'article 38
de la présente loi, les personnes assujetties mentionnées à ce dernier article :

1. recueillent sur l'établissement cocontractant des informations suffisantes pour connaître la


nature de ses activités et pour apprécier, sur la base d'informations accessibles au public et
exploitables, sa réputation et la qualité de la surveillance dont il fait l'objet ;

2. évaluent le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du


terrorisme mis en place par l'établissement cocontractant ;

3. s'assurent que la décision de nouer une relation d'affaires avec l'établissement cocontractant
est prise par un membre de l'organe exécutif ou toute personne habilitée, à cet effet, par l'organe
exécutif ;

4. prévoient dans la convention de correspondant bancaire ou de distribution des instruments


financiers les modalités de transmission des informations à la demande de l'établissement
assujetti ;

5. s'assurent, lorsqu'elles accueillent, dans le cadre des services de correspondance bancaire,


des comptes de correspondant qui sont utilisés directement par des tiers indépendants pour
l'exécution d'opérations pour leur propre compte, que l'établissement de crédit cocontractant a
vérifié l'identité des clients ayant un accès direct à ces comptes de correspondant et a mis en
œuvre à l'égard de ces clients des mesures de vigilance conformes à celles prévues aux
articles 18 et 19 de la présente loi.

Pourquoi ces mesures de vigilance renforcées envers les banques correspondantes à risques
élevés ? Une banque peut connaître ses clients, appliquer toutes les diligences nécessaires pour
monitorer leurs opérations, parce qu’elle a mis en place un dispositif efficient de LBC/FT.
Cependant, elle ne peut connaître les clients de ses correspondants bancaires. D’où la nécessité
qu’elle s’assure que la banque avec laquelle elle entre en relation d’affaires applique des
diligences équivalentes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme :

- soit parce que le pays a été évalué par le GAFI ou ses démembrements régionaux
comme disposant d’un excellent dispositif LBC/FT ;
- ou soit que la banque a mis en place, volontairement, des mesures LBC/FT plus
strictes que celles de son pays.

34
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
L’Instruction 09-07-2017 portant modalités d’application de la loi contre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme intègre en annexe19, un modèle de questionnaire à
envoyer aux correspondants bancaires transfrontaliers pour vérifier leur dispositif LBC/FT. Un
autre modèle très utilisé est le questionnaire WOLFSBERG sur les diligences correspondances
bancaires20.

Le questionnaire, uniquement, ne suffit pas, des recherches doivent être aussi effectuées pour
évaluer la fiabilité de la banque correspondante : a-t-elle été épinglée pour des faits de
BC/FT ou de corruption ? Ses dirigeants ont-ils une bonne réputation ? Ses régulateurs sont-ils
stricts ? Qui sont ses bénéficiaires effectifs ? Y figurent des PPE ?

A partir du questionnaire et des recherches complémentaires effectuées, la banque peut évaluer


le dispositif BC/FT de son prospect correspondant bancaire et décider s’il entrera en relation
d’affaires avec lui.

Notons que cette entrée en relation doit être validée « par un membre de l'organe exécutif ou
toute personne habilitée, à cet effet, par l'organe exécutif », d’après les dispositions de l’article
53 de la loi LBC/FT.

– Article 54.- Mesures spécifiques à l'égard des Personnes politiquement exposées

Sans préjudice des obligations prévues aux articles 18 à 20, 26 et 27 de la présente loi, les
institutions financières prennent les mesures spécifiques ci-après, lorsqu'elles nouent des
relations d'affaires ou lorsqu'elles effectuent des transactions avec ou pour le compte de PPE
étrangères au sens de l'article premier, point 44 de la présente loi :

1. mettre en œuvre des procédures adéquates et adaptées, en fonction du risque, de manière à


pouvoir déterminer si le client ou un bénéficiaire effectif du client est une PPE ;

2. obtenir l'autorisation d'un niveau adéquat de la hiérarchie avant de nouer une relation
d'affaires avec de tels clients ;

3. prendre toute mesure appropriée, en fonction du risque, pour établir l'origine du patrimoine
et l'origine des fonds impliqués dans la relation d'affaires ou la transaction ;

19
https://www.bceao.int/sites/default/files/2017-12/instruction_no007-09-
2017_portant_modalites_d_application_par_les_if_de_la_loi_uniforme_relative_a_la_lbc_ft_f.pdf
20
https://www.wolfsberg-principles.com/sites/default/files/wb/Wolfsberg%27s_CBDDQ_140618_v1.2.pdf

35
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
4. assurer une surveillance continue renforcée de la relation d'affaires. Sans préjudice des
obligations prévues aux articles 18 à 20, 26 et 27 de la présente loi, les institutions financières
prennent les mesures spécifiques ci-après, lorsqu'elles nouent des relations d'affaires ou
lorsqu'elles effectuent des transactions avec ou pour le compte de PPE nationales ou de PPE
des organisations internationales, au sens de l'article premier, point 44 de la présente loi :

1. mettre en œuvre des procédures adéquates et adaptées, en fonction du risque, de manière à


pouvoir déterminer si le client ou un bénéficiaire effectif du client est une PPE ;

2. appliquer, en cas de relations d'affaires à risque plus élevé avec de telles personnes, les
mesures visées à l'alinéa premier, point 2, 3 et 4.

Sous réserve de l'application de mesures de vigilance renforcées, en fonction d'une appréciation


du risque lié à la clientèle, les institutions financières ne sont pas tenues de considérer comme
politiquement exposée, une personne qui n'a pas occupé de fonction publique importante, au
sens des alinéas premier et 2 du présent article, pendant une période d'au moins un an.

Qu’est-ce qu’une PPE ? D’après les dispositions de l’article premier de la loi BC/FT, point 44,
les personnes ci-dessous sont catégorisées comme PPE :

- PPE étrangères : les personnes physiques qui exercent ou qui ont exercé d'importantes fonctions publiques dans
un autre Etat membre ou un Etat tiers, à savoir :

a) les Chefs d'Etat ou de Gouvernement, les Ministres, les Ministres délégués et les Secrétaires d'Etat ;

b) les membres de familles royales ;

c) les Directeurs généraux des ministères ;

d) les parlementaires ;

e) les membres des cours suprêmes, des cours constitutionnelles ou d'autres hautes juridictions dont les décisions
ne sont pas susceptibles de recours, sauf circonstances exceptionnelles ;

f) les membres des cours des comptes ou des conseils ou directoires des banques centrales ;

g) les ambassadeurs, les chargés d'affaires et les officiers supérieurs des forces armées ;

h) les membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance des entreprises publiques ;

i) les hauts responsables des partis politiques ;

j) les membres de la famille d'une PPE, en l'occurrence :

– le conjoint ;

– tout partenaire considéré comme l'équivalent d'un conjoint ;

– les enfants et leurs conjoints ou partenaires ;

36
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
– les autres parents ;

k) les personnes connues pour être étroitement associées à une PPE ;

l) toute autre personne désignée par l'autorité compétente.

- PPE nationales : les personnes physiques qui exercent ou qui ont exercé d'importantes fonctions publiques au
Sénégal, notamment les personnes physiques visées au a) à i) ci-dessus ;

- PPE des organisations internationales : les personnes qui exercent ou qui ont exercé d'importantes fonctions au
sein de ou pour le compte d'une organisation internationale, notamment les membres de la haute direction, en
particulier, les directeurs, les directeurs adjoints et les membres du Conseil d'Administration et toutes les personnes
exerçant des fonctions équivalentes.

Pourquoi ces diligences renforcées envers les personnes politiquement exposées ? De par leurs
positions, les PPE sont plus exposées à des risques de corruption et trafic d’influence – des
vecteurs importants du blanchiment de capitaux, comme nous l’évoquions dans le chapitre sur
l’histoire de la conformité - qu’une personne ordinaire. Imaginons qu’une PPE reçoive des pots-
de-vin d’une entreprise pour qu’elle lui octroie un marché public. Elle essaiera de les blanchir
afin de pouvoir les utiliser légalement dans le circuit économique. Aussi est-il important de
mettre en œuvre des diligences renforcées dans le traitement de leurs opérations, afin de
s’assurer qu’elles n’utilisent pas les institutions financières pour blanchir de l’argent.

Comment les institutions financières peuvent-elles y parvenir ? Elles doivent d’abord identifier
les PPE qui détiennent un compte dans leurs livres, comme le disposent les articles 2221 et 54
point 1 de la loi LBC/FT/. Elles doivent être aussi particulièrement et constamment vigilantes
sur leurs opérations, les monitorer et demander des justificatifs pour leurs transactions
inhabituelles. En outre, comme le recommande le GAFI, elles doivent « prendre des mesures
raisonnables pour établir l’origine du patrimoine et l’origine des fonds ». Cela concerne surtout
les PPE étrangères et les PPE nationales à risques élevés. Ces mesures permettront de mitiger
les risques.

Les mesures précitées doivent être aussi étendues aux proches des PPE :
ascendants/descendants, conjoints, relations d’affaires, proches… pour éviter qu’ils soient

21
Article 22 : Les personnes visées aux articles 5 et 6 de la présente loi sont tenues de disposer de systèmes de
gestion de risques adéquats afin de déterminer si le client est une personne politiquement exposée et, le cas échéant,
mettent en œuvre les mesures spécifiques visées à l’article 54 de la présente loi.

37
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
utilisés comme prête-noms. (Nous remarquons qu’Il y a souvent une confusion entre la notion
de célébrité et PPE : l’on est PPE de par sa fonction ou sa proximité avec une PPE ; tandis que
nous pouvons être très célèbre sans être PPE)

Notons que les banques doivent « obtenir l'autorisation d'un niveau adéquat de la hiérarchie
avant de nouer une relation d'affaires avec de tels clients [PPE] » d’après les dispositions de
l’article 54 de la loi LBC/FT.

Portée extraterritoriale de la LCBFT.

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a souvent une portée


extraterritoriale. Les Etats-Unis, qui considèrent que dès qu’une transaction utilise le dollar, est
de leur ressort, imposent aux institutions financières de prendre des mesures de vigilance
renforcées en matière de BC/FT. Elles ont promulgué plusieurs lois dont le Bank Secrecy Act
en 1970 et le Us Patriot ACT en 2001. Toutes les banques de la place utilisent le dollar. Aussi
est-il dans leur intérêt de mettre en place un dispositif de LCB/FT rigoureux.

A cela s’ajoutent les exigences de l’Union Européenne. Le point 49 du préambule de La


DIRECTIVE (UE) 2015/849 dispose :

« Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme étant des problèmes


d'envergure internationale, il convient de les combattre à l'échelle mondiale. Les établissements
de crédit et les établissements financiers de l'Union ayant des succursales et des filiales établies
dans des pays tiers dont les exigences en la matière sont moins strictes que dans les États
membres devraient, pour éviter l'application de normes très divergentes à l'intérieur d'un
établissement ou d'un groupe d'établissements, appliquer les normes de l'Union à ces
succursales ou filiales ou, si cela n'est pas possible, en aviser les autorités compétentes de leur
État membre d'origine. »

Beaucoup de banques de la zone UMOA et du Sénégal sont filiales ou succursales de banques


européennes – Société Générale, Banque Nationale de Paris/Paribas. Les institutions
financières européennes sont tenues d’appliquer à leurs filiales et succursale d’autres pays, les
mêmes diligences que celles décrites dans la Directive, si leurs normes sont moins strictes que

38
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
celles de l’UE. Dans un monde globalisé, les règles convergent. Il est dans l’intérêt des autres
institutions financières qui ne sont pas filiales d’établissements européens de prendre les
mesures les plus rigoureuses pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme. Cela accroîtrait leur réputation et leur crédibilité.

Si les institutions financières et les entreprises et professions financières non désignées d'un
Etat mettent en place un dispositif efficient de lutte contre le BC/FT, leurs transactions avec les
autres pays seront traitées plus rapidement. Dans le cas contraire, l'Etat serait blacklisté avec
toutes les conséquences négatives : délai de traitement plus long des transactions avec les
institutions financières des autres pays, mauvaise réputation. . .

Le Sénégal fait partie de la liste grise du GAFI22 parce qu’il présente des « déficiences
stratégiques » en matière de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme. Il doit les
corriger afin d’en sortir. Cela lui permettra de devenir plus crédible sur la sphère internationale
et pouvoir ainsi attirer davantage d’investissements étrangers. Une impulsion de l’Etat est
nécessaire afin que les dispositions de la loi relative au blanchiment de capitaux et financement
du terrorisme soient mises en œuvre par les assujettis. Il pourrait s’inspirer de l’exemple du
Ghana qui a réussi à sortir de la liste grise parce qu’il a entrepris des réformes courageuses.

Aujourd’hui, lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est une


nécessité pour toutes les institutions financières. Au-delà des exigences légales, il est aussi une
question d’image et de réputation : une négligence d’une institution financière pourrait, dans
un cas extrême, entraîner sa disparition. La lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme commence par la connaissance du client : cela permettra de
déterminer son niveau de risque. A partir de ce niveau de risque, les mesures de vigilance
pourront être atténuées ou renforcées.

Aussi l’approche par les risques est-elle le meilleur moyen de lutter contre le BC/FT, en
permettant « une allocation efficiente des ressources au sein du régime de lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) » comme le préconise le

22
https://www.fatf-gafi.org/countries/a-c/barbados/documents/increased-monitoring-june-2021.html#senegal

39
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
GAFI. Les institutions financières gagneraient à l'adopter, afin de lutter plus efficacement
contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

LCBFT : Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

KYC : Know your Customer : connais ton client.

BC/FT : Blanchiment de capitaux/Financement du terrorisme.

PPE : Personnes politiquement exposées

GAFI : Groupe d’Action Financière

40
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Chapitre V : La lutte contre l’évasion fiscale : FATCA et CRS.

Les Etats se rendent compte qu’ils perdent de plus en plus d’importantes recettes fiscales à
cause de l’évasion. La mondialisation aidant, les citoyens ont la possibilité de planquer leurs
fonds dans des pays qui pratiquent un taux d’imposition faible. Cela les prive des moyens
d’assurer les services essentiels à leur population. Il y eut quelques affaires retentissantes, ce
qui a encouragé les gouvernements à prendre des mesures pour lutter contre ce fléau.

En 2010, dans le cadre de la Loi HIRE ACT, les Etats-Unis ont édicté la réglementation FATCA
– Foreign Account Tax Compliance Act. Elle est entrée en vigueur le 1er juillet/2014. L’OCDE,
qui regroupe les 37 pays les plus riches au monde, a conclu que la coopération permet de lutter
plus efficacement contre l’évasion fiscale. Aussi a-t-elle mis en place le CRS – Common
Reporting Standard, surnommé GATCA. Ces deux réglementations ont pour but de lutter contre
l’évasion fiscale en favorisant l’échange d’informations.

FATCA

Comme écrit dans l’introduction, FATCA est une réglementation américaine entrée en vigueur
le 01 juillet 2014. Elle repose sur le principe que les institutions financières étrangères
participantes – FFI – identifient les contribuables américains et les remontent aux services
fiscaux américains. Contribuable regroupe à la fois citoyens américains et résidents permanents
– les détenteurs de la Green Card.

Cette identification se fait sur la base des indices d’américanité qui sont les suivants :

-Citoyenneté américaine ou détention de la Green Card ;

-Naissance aux Etats-Unis ;

-Adresse aux Etats-Unis ;

-Un numéro de téléphone américain ;

-Ordre de virement permanent aux Etats-Unis[i] ;

41
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Nous avions vu dans le chapitre sur la KYC que les banques ont l’obligation d’identifier leurs
clients. C’est grâce à cette identification qu’elles peuvent déceler un ou des indices parmi ceux
cités plus haut. En outre, l’entretien avec le client avant l’ouverture d’un compte permet d’en
découvrir d’autres qui ne figurent pas dans les documents officiels. Prenons le cas d’un client
de nationalité sénégalaise dont l’adresse et le numéro de téléphone sont sénégalais mais qui
détient une green card. C’est grâce à l’entretien avec son client que le gestionnaire de compte
pourrait découvrir l’indice lié à la résidence permanente.

Quand l’institution financière identifie un ou des indice d’américanité, elle doit appliquer des
diligences et vérifier si le client est US ou n’est pas US. Dans les deux cas, le client doit signer
des formulaires.

Nous écrivions plus haut que ce sont aux institutions financières d’identifier les comptes des
citoyens américains détenus dans leurs livres. Pour cela, elles doivent s’inscrire sur le site de
l’IRS23, qui leur fournira un numéro GIIN - Global Intermediary Identification Number. Ce
numéro est la preuve que l’institution financière est participante à FATCA.

Certains pays ont conclu des accords avec les services fiscaux américains. Le dispositif est
intégré dans leur législation. Ces pays sont dits IGA. Ils sont de deux sortes24 :

- Les pays dits IGA1 : les institutions financières de ces pays envoient les informations des
comptes des contribuables américains à leurs services fiscaux qui les transmettent ensuite à
l’IRS. C’est le cas de pays comme la France, l’Espagne, le Canada…

- Les pays dits IGA2 : ce sont les pays qui ont signé des accords avec les services fiscaux
américains mais dont le secret bancaire est intégré dans leurs constitutions. Ils recueillent les

23
https://www.irs.gov/businesses/corporations/fatca-foreign-financial-institution-list-search-and-download-tool
Liste de toutes les institutions financières participantes à FATCA
24
https://www.irs.gov/businesses/corporations/fatca-governments Voir la différence entre pays IGA1 et IGA2
sur le site de l’IRS

42
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
consentements des clients puis transmettent directement les informations à l’IRS. C’est le cas
de pays comme l’Autriche, la Suisse, le Japon…

Par contre, la plupart des pays africains, comme le Sénégal, n’ont pas signé d’accord avec l’IRS.
Ces pays sont dits final regs. Les institutions financières de ces banques s’inscrivent de leurs
propres initiatives sur le site de l’IRS et mettent en place les diligences pour identifier les
comptes des contribuables américains dans leurs livres, recueillir leur consentement puis
effectuer le reporting annuel à l’IRS.

Une recherche sur le site de l’IRS montre que la plupart des banques et sociétés d’assurance-
vie sénégalaises sont participantes à FATCA25. Il ne s’agit pas seulement pour une institution
financière d’être participante mais de procéder également à toutes les diligences qui y sont
relatives :

- identifier les contribuables américains dans leurs livres puis envoyer annuellement
au plus tard le 31 mars à l’IRS le reporting de leurs comptes – avec les soldes, les
intérêts et dividendes perçus - ;
- effectuer la certification trisannuelle ;
- faire le retesting annuel pour déterminer les HVA – high value account : clients avec
un solde agrégé supérieur à 1 million de dollars USD.

Il y a beaucoup de critiques sur l’extraterritorialité de FATCA et le manque de réciprocité des


Etats-Unis. Nous laissons le soin aux géopoliticiens d’en débattre. Cependant il est fortement
conseillé aux institutions financières d’adhérer à FATCA – pour ne pas dire que c’est une
obligation. Celles qui n’adhèrent pas pourraient être taxées de 30 % sur leurs sources de revenus
d’origine US. De plus la pression du dollar est une puissante incitation à adhérer : une institution
financière qui ne peut utiliser le dollar disparaîtra.

25
Fatca Lookup Search Page (irs.gov)

43
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Common Reporting Standard ou CRS.

Le Common Reporting Standard, ou CRS, a été mis en place par l’Organisation de Coopération
et du Développement Economique – OCDE – afin de lutter contre l’évasion fiscale. Il est entré
en vigueur en 2017 avec tout d’abord 49 pays participants. Comme FATCA, il repose sur la
participation des institutions financières, selon le principe suivant : chaque institution financière
d’un pays participant doit identifier les contribuables des autres pays participants et les
transmettre annuellement à ses services fiscaux.

Prenons un exemple. L’Italie et l’Afrique du Sud sont deux pays participants. Les institutions
financières de chacun de ces pays doivent identifier les contribuables de l’autre dans le cadre
d’un reporting annuel. Contrairement à FATCA, il y a une réciprocité : les institutions
financières des pays participants sont tenues d’identifier les contribuables des autres pays
participants et les transmettre à leurs services fiscaux.

Deux pays africains – l’Afrique du Sud depuis 2017 et le Nigeria depuis 2020 – sont participants
au CRS. Devraient suivre le Kenya et le Maroc en 2022, ainsi que l’Ouganda en 2023 26. Le
Sénégal n’est pas encore participant, mais cela changera bientôt. Il a signé en 2016 la
Convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale.
Cette Convention27 « prévoit toutes formes d'assistance administrative en matière fiscale :
échange d'informations sur demande, spontané, automatique, contrôles fiscaux à l'étranger,
contrôles fiscaux simultanés et assistance en matière de recouvrement des créances fiscales tout
en prévoyant d’importantes garanties pour la protection des droits des contribuables »28.

Ladite convention sera appliquée à compter du 1er janvier 2022 selon les dispositions de la loi
de finances rectificatives 2021. Elle modifie l’article 31 du Code Général des impôts avec la
modification du point 9 et l’ajout des points 10 et 11 :

26
https://www.oecd.org/tax/transparency/AEOI-commitments.pdf
27
https://read.oecd-ilibrary.org/taxation/norme-d-echange-automatique-de-renseignement-relatifs-aux-comptes-
financiers-en-matiere-fiscale_9789264222090-fr#page1
28
https://www.oecd.org/fr/ctp/echange-de-renseignements-fiscaux/le-senegal-prend-des-mesures-cles-visant-a-
ameliorer-la-transparence-fiscale.htm

44
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
a) Les institutions financières, y compris les établissements de crédit et organismes assimilés,
les entreprises d’assurance et de réassurance, sont tenues d’identifier les renseignements relatifs
aux résidences fiscales de tous les titulaires de comptes financiers et, le cas échéant, de toutes
les personnes physiques qui contrôlent ces derniers.

b) Elles communiquent à l’administration fiscale, au moyen d’une déclaration conforme au


modèle prescrit par elle, tous les renseignements requis pour l'application des conventions
conclues par le Sénégal permettant un échange automatique de renseignements sur les comptes
financiers à des fins fiscales et, s’il y a lieu, l’absence de renseignement.

Cette déclaration contient notamment les renseignements relatifs à l’identification des titulaires
de comptes financiers et, le cas échéant, celle des personnes physiques qui contrôlent ces
derniers, ainsi que les renseignements financiers afférents à ces comptes, y compris les revenus
de capitaux mobiliers, les soldes des comptes, la valeur de rachat des contrats d’assurance et de
rente, des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature, et le produit des
cessions ou rachats d’actifs financiers.

c) Les institutions financières sont, en outre, tenues de conserver les registres des actions
engagées pour satisfaire aux obligations mentionnées au présent article ainsi que les pièces
justificatives, auto-certifications et autres éléments probants utilisés à cette fin pendant une
période de dix ans suivant la fin de la période au cours de laquelle elles doivent communiquer
les renseignements requis en vertu du b) du 9 présent article.

d) Les obligations prévues au 9 du présent article sont précisées par arrêté du Ministre en charge
des Finances.29

10. À compter du 1er Janvier 2022, sauf lorsque les institutions financières ne sont pas tenues
de les recueillir, les personnes physiques ou les entités qui ouvrent des comptes financiers
auprès des institutions financières sont tenues de remettre une auto-certification permettant
d’établir leurs résidences fiscales et, le cas échéant, une auto-certification permettant d’établir
les résidences fiscales des personnes physiques qui les contrôlent.

Les modalités d’application de la présente disposition sont précisées par arrêté du Ministre en
charge des Finances. 30

11. Les renseignements recueillis par l’administration fiscale auprès des organismes visés à
l’article 31.9 peuvent être communiqués aux administrations fiscales des pays ayant conclu
avec le Sénégal des conventions permettant un échange automatique de renseignements sur les
comptes financiers à des fins fiscales, dans les conditions prévues par lesdites conventions.

Les banques sénégalaises doivent se préparer à ces nouvelles réalités pour éviter l’amende de
5 millions de francs CFA par compte déclarable en cas de défaut de souscription ou de

29
Au moment d’écrire ces lignes, l’arrêté n’a pas encore été publié
30
Au moment d’écrire ces lignes, l’arrêté n’a pas encore été publié

45
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
déclaration tardive pour les personnes physiques (article 667-III point d) ou 10 millions s’il
s’agit des bénéficiaires effectifs des personnes morales31 :

d) Le défaut de souscription ou la production tardive de la déclaration visée à l’article 31-9 du


présent Code ainsi que la mention de renseignements erronés ou incomplets constituent un
manquement à l’obligation déclarative de l’institution financière sanctionné par une amende de
5.000.000FCFA par compte déclarable.

e) Tout manquement à l’une des obligations prévues à l’article 633. I concernant les obligations
d’identification, de conservation, de transmission et de déclaration des renseignements relatifs
aux bénéficiaires effectifs est sanctionné par une amende de 10.000.000 FCFA. L’amende est
due autant de fois qu’il y a de documents ou renseignements demandés et non produits, omis,
incomplets ou inexacts.

f) Tout manquement à l’une des obligations prévues à l’article 633. VI concernant les
obligations d’identification, de conservation, de transmission et de déclaration des
renseignements relatifs aux personnes mentionnées dans les constructions juridiques, aux
bénéficiaires effectifs ainsi qu’aux actifs placés dans la construction juridique est sanctionné
par une amende de 10.000.000 FCFA. L’amende est due autant de fois qu’il y a de documents
ou renseignements demandés et non produits, omis, incomplets ou inexacts.

De lourdes obligations les attendent32 – obtenir l’auto-certification33 pour les nouvelles


ouvertures de compte afin d’identifier les clients déclarables et appliquer les diligences relatives
aux comptes préexistants qui sont de deux sortes : comptes de faible valeur et comptes de valeur
élevée34.

Une fois ces diligences appliquées, elles doivent effectuer un reporting sur les comptes
déclarables, sous format électronique, à l’Administration Fiscale. En outre, elles sont tenues
d’archiver les documents pendant une durée d’au moins dix ans – dans le chapitre suivant sur
le secret professionnel et la protection des données à caractère personnel dans les banques, nous
traiterons de l’importance de l’archivage et comment mettre un dispositif efficace de
conservation des documents.

31
Cela montre l’importance de bien faire la KYC pour identifier les clients personnes physiques et bénéficiaires
effectifs personne morale et ainsi pouvoir identifier qui déclarer (voir le chapitre 3 sur les diligences à effectuer
avant l’ouverture d’un compte)
32
https://read.oecd-ilibrary.org/taxation/norme-d-echange-automatique-de-renseignement-relatifs-aux-comptes-
financiers-en-matiere-fiscale_9789264222090-fr#page33 Voir la section 3
33
SIMILAR AGREED UPON FORM - INDIVIDUALS (citibank.com) Exemple d’autocertification par la
CITIBANK
34
https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/9789264222090-5-
fr.pdf?expires=1628597434&id=id&accname=guest&checksum=0F5ED4D22E95FE78564D86486C80ACD8
Voir la norme commune de déclaration pour plus de détail

46
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Elles doivent dès à présent recruter du personnel supplémentaire, les former sur ces nouvelles
réalités. Elles doivent, en outre, procéder à un audit de leur système informatique pour vérifier
s’il leur permet de produire les informations requises par les nouvelles dispositions de la loi. A
défaut, elles devraient le mettre à jour ou l’adapter totalement.

Les premiers reportings étant prévus pour l’année prochaine – 2022 -, la préparation doit
débuter maintenant : certaines banques ont plus de clients dans leurs livres dont les pays ont
signé des conventions fiscales avec le Sénégal. Aussi doivent-elles commencer à anticiper.
Ainsi elles pourraient évaluer la charge supplémentaire que cela entraînera et trouver des
stratégies comment l’absorber. A défaut, elles ne pourront produire le reporting demandé et
s’exposeront aux amendes prévues par la loi en cas de manquement.

L’OCDE reconnaît que l’évasion fiscale fait perdre aux Etats d’importantes recettes fiscales.
Aussi a-t-il mis en place des mécanismes d’échanges d’informations entre les Etats. Sans cela,
dans un monde globalisé, les citoyens s’installeront dans les pays qui pratiquent les plus faibles
taux d’imposition, favorisant ainsi les paradis fiscaux. Cela prive les Etats d’importantes
recettes fiscales et amoindrit leur capacité d’assurer leur rôle auprès de leurs citoyens.

Aujourd’hui, la lutte contre l’évasion fiscale est une priorité pour les Etats et organisations
internationales. FATCA impose aux institutions financières participantes de lourdes
obligations, qu’elles sont cependant obligées de mettre en œuvre. Ajoutons-y le CRS et
l’échange automatique d’informations. Il est obligatoire pour les institutions financières de
former les ressources humaines pour implanter ces mesures.

Nous écrivions plus haut que la plupart des institutions financières sénégalaises sont
participantes à FATCA. Cela est une première étape, la deuxième est de mettre en œuvre les
diligences afin d’identifier les contribuables américains et transmettre à l’IRS le reporting
annuel de ces contribuables. CRS ne s’applique pas encore au Sénégal. Cependant la nouvelle

47
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
loi de finances rectificatives 2021 imposera des diligences supplémentaires pour les institutions
financières : elles devront effectuer annuellement des reportings à l’Administration Fiscale.
Pour y parvenir, elles devront respecter les nouvelles modifications du Code Général des Impôts
et appliquer les mesures y relatives. Aussi doivent-elles, dès à présent, anticiper afin d’être
prêtes, et ainsi, pouvoir mettre en œuvre les nouvelles dispositions légales.

48
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Chapitre VI : Portées et limites de la protection des données personnelles et
du secret professionnel pour les banques au Sénégal.

Face aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, les exigences


légales sur la connaissance du client – KYC - pour les banques ont été renforcées. Elles ont
l’obligation de recueillir des documents sur leurs clients avant de leur ouvrir un compte ou de
traiter certaines de leurs opérations. Ces documents contiennent des données personnelles qui
sont protégées par la loi 2008-12 sur la protection des données à caractère personnel. En outre,
les banques sont soumises au secret professionnel, d’après les dispositions de l’article 30 de la
loi 2008-26 portant réglementation bancaire :

« Les personnes qui concourent à la direction, à l’administration, à la gérance, au


contrôle ou au fonctionnement des établissements de crédit, sont tenues au secret professionnel,
sous réserve des dispositions de l’article 53, dernier alinéa. »

Il y a une exigence de protection des données personnelles des clients mais elle n’est pas
absolue : les obligations légales, fiscales, la lutte contre le blanchiment de capitaux et de
financement du terrorisme la limitent.

Légitimité des données personnelles recueillies par les institutions financières.

La loi 2008-12 sur la protection des données à caractère personnel, en son article 35, dispose :

« Les données doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et
légitimes et ne peuvent pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces
finalités. Elles doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour
lesquelles elles sont collectées et traitées ultérieurement ».

La collecte des données d’un client est légitime lors de l’entrée en relation parce qu’elle est une
obligation légale. En effet, la loi sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement

49
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
du terrorisme, en son article 2735, impose aux banques de recueillir un certain nombre de
documents sur les personnes physiques avant de leur ouvrir un compte.

Toutefois, elles ne doivent demander que ce qui est nécessaire. Cela ne les empêche pas, quand
les circonstances l’exigent, de réclamer d’autres documents, notamment lorsqu’elles doivent
exercer leur devoir de vigilance lors des opérations de leurs clients, ainsi que le requiert l’article
1936 de la loi sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Des diligences à appliquer dans le traitement de ces données à caractère personnel.

Nous écrivions en introduction que les banques sont soumises au secret professionnel. Elles ne
peuvent utiliser les informations dont elles disposent dans des finalités autres que celles pour
lesquelles elles les avaient recueillies. Aussi doivent-elles s’assurer que les données à caractère
personnel qu’elles ont recueillies auprès de leurs clients seront traitées avec confidentialité et
sécurité. En outre, elles doivent veiller à ce que seules les personnes concernées puissent y

35
Article 27.- Identification d'une personne physique
L'identification d'une personne physique implique l'obtention des nom et prénoms complets, de la date et du lieu
de naissance et de l'adresse de son domicile principal.
La vérification de l'identité d'une personne physique requiert la présentation d'un document officiel original en
cours de validité et comportant une photographie, dont il en est pris copie. La vérification de son adresse est
effectuée par la présentation d'un document de nature à en rapporter la preuve ou par tout autre moyen.
Les mentions à relever et à conserver sont les nom et prénom(s), la date et le lieu de naissance de la personne ainsi
que la nature, la date et le lieu de délivrance du document. L'institution financière vérifie l'authenticité du document
présenté.
S’il s’agit d’une personne physique commerçante, cette dernière est tenue de fournir, en outre, toute pièce attestant
de son immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit mobilier.
Lorsque la vérification de l'identité ne peut avoir lieu en présence de la personne concernée, l'institution financière
met en œuvre, en application des dispositions de l'article 40 de la présente loi, des mesures de vigilance
complémentaires.
36
Article 19.- Obligation de vigilance constante sur la relation d'affaires
Avant d'entrer en relation d'affaires avec un client, les personnes visées aux articles 5 et 6 de la présente loi
recueillent et analysent les éléments d'information, parmi ceux figurant sur la liste dressée, à cet effet, par l'autorité
de contrôle, nécessaire à la connaissance de leur client ainsi que l'objet et la nature de la relation d'affaires, pour
évaluer le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Pendant toute la durée de la relation d'affaires, ces personnes recueillent, mettent à jour et analysent les éléments
d'information, parmi ceux figurant sur une liste dressée, à cet effet, par l'autorité compétente, qui permettent de
favoriser une connaissance appropriée de leur client. La collecte et la conservation de ces informations doivent
être réalisées en adéquation avec les objectifs d'évaluation du risque de blanchiment de capitaux et de financement
du terrorisme et de surveillance adaptée à ce risque.
A tout moment, ces personnes doivent être en mesure de justifier auprès des autorités de contrôle, l'adéquation des
mesures de vigilance qu'elles ont mises en œuvre par rapport aux risques de blanchiment de capitaux et de
financement duterrorisme présentés par la relation d'affaires.

50
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
accéder, comme le dispose l’article 70 de la loi sur la protection des données à caractère
personnel :

« Le responsable du traitement est tenu de prendre toute précaution utile au regard de la


nature des données et, notamment, pour empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou
que des tiers non autorisés y aient accès (…) »

Cet article est complété par l’article 71 sur l’obligation de confidentialité :

« Le traitement des données à caractère personnel est confidentiel. Il est effectué


exclusivement par des personnes qui agissent sous l’autorité du responsable du traitement et
seulement sur ses instructions. »

Cela montre l’importance, pour les banques, de sensibiliser leurs employés sur l’importance de
la discrétion. Les données à caractère personnel restent la priorité des clients. Ces derniers les
leur transmettent parce que c’est une obligation légale, et une autre obligation leur impose de
les traiter avec confidentialité.

Deux autres obligations sont requises dans le traitement des données à caractère personnel :
l’obligation de conservation - nous y reviendrons plus tard – et l’obligation de pérennité : « Le
responsable du traitement est tenu de prendre toute mesure utile pour assurer que les données à
caractère personnel traitées pourront être exploitées quel que soit le support technique utilisé.
Il doit particulièrement s’assurer que l’évolution de la technologie ne sera pas un obstacle à
cette exploitation. »37 Cela veut dire que la banque doit s’assurer que l’avancée technologique
ne sera pas un frein à l’exploitation future des données à caractère personnel déjà traitées. Par
exemple, si un support devient obsolète, celui qui le remplace ne doit pas empêcher que les
données traitées puissent continuer d’être utilisées.

37
Article 74 de la loi sur la protection des données à caractère personnel

51
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Le droit de conservation : de l’archivage des données à caractère personnel

Les banques ne peuvent détenir indéfiniment les données à caractère personnel qu’elles ont
collectées sur leurs clients. En effet, la loi sur la protection des données à caractère personnel
limite la durée de conservation. En son article 72, elle dispose : « Les données à caractère
personnel ne peuvent être conservées au-delà de la durée nécessaire qu’en vue d’être traitées à
des fins historiques, statistiques ou scientifiques. »

Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les


institutions financières sont tenues de garder pendant une durée de 10 ans les pièces et
documents relatifs à l’identité des clients, selon les dispositions de l’article 35 de la loi
LBC/FT :

« Sans préjudice des dispositions prescrivant des obligations plus contraignantes, les
institutions financières conservent pendant une durée de dix ans, à compter de la clôture de
leurs comptes ou de la cessation de leurs relations avec leurs clients habituels ou occasionnels,
les pièces et documents relatifs à leur identité. Elles conservent également les pièces et
documents relatifs aux opérations qu’ils ont effectuées, y compris les livres de comptes et les
correspondances commerciales, pendant dix ans, après l'exécution de l'opération. »38

Notons que la loi sénégalaise est plus exigeante que la recommandation 10 du GAFI ou les
exigences européennes qui préconisent une durée de conservation d’au moins 5 ans.

Cette obligation fait qu’il est important pour les institutions financières de mettre en place un
dispositif d’archivage sécurisé et efficace. Ces documents et pièces doivent être archivés
physiquement et électroniquement de préférence. Cela permettrait de respecter les dispositions
de l’article 36 de la loi précitée :

« Les pièces et documents relatifs aux obligations d’identification prévues aux articles
19, 26 à 31 et 32 de la présente loi, et dont la conservation est mentionnée à l’article 35, sont

38
Voir dans le chapitre précédent sur les nouvelles modifications apportées par la loi de finances rectificatives,
notamment l’obligation de conserver les documents pendant au moins 10 ans sur les comptes déclarables.

52
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
communiqués, sur leur demande, par les personnes visées aux articles 5 et 6 de la présente loi,
aux autorités judiciaires, aux agents de l’Etat chargés de la détection des infractions de
blanchiment de capitaux et de financement de terrorisme, agissant dans le cadre d’un mandat
judiciaire, aux autorités de contrôle ainsi qu’à la CENTIF. »

Pourquoi est-il important de mettre en place un dispositif d’archivage efficace ? Supposons


qu’un client soit soupçonné par la CENTIF de blanchir des capitaux. La CENTIF demande à
une institution financière de lui transmettre des informations relatives à ce client alors que la
relation d’affaires a cessé avec lui. Si ces documents ne sont pas bien archivés ou ne sont pas
du tout archivés, l’institution financière ne pourra répondre à la requête de la CENTIF et
s’exposera à un risque de réputation et d’image : elle serait dans ce cas en porte-à-faux avec les
dispositions de la loi, car négligente. Cela nuirait également à sa réputation.

Un audit du système d’archivage doit être effectué : s’assurer que les locaux sont sécurisés et
bien protégés et pour l’archivage électronique, prendre les dispositions pour protéger les
serveurs. Cela facilitera le travail des institutions financières en cas de requête judiciaire ou de
la CENTIF.

Des droits conférés à la personne faisant l’objet d’un traitement des données
personnelles

En son chapitre 4, la loi sur la protection des données à caractère confère des droits à la personne
faisant l’objet du traitement de ses données personnelles. Ces droits sont les suivants :

-Le droit à l’information ;

-Le droit d’accès ;

-Le droit d’opposition ;

-Le droit de rectification et de suppression.

53
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Notons aussi que ces droits ne sont pas absolus et sont limités dans le cas des banques par les
exigences en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Prenons le cas du droit d’opposition. L’article 68 de la loi sur la protection des données à
caractère personnel dispose :

« Toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que
des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement. Elle a le droit,
d’une part, d’être informée avant que des données la concernant ne soient pour la première fois
communiquées à des tiers ou utilisées pour le compte de tiers à des fins de prospection et,
d’autre part, de se voir expressément offrir le droit de s’opposer, gratuitement, à ladite
communication ou utilisation.
Les dispositions du premier alinéa du présent article ne s’appliquent pas lorsque le traitement
répond à une obligation légale. »

Dans le cas des banques, comme écrit plus haut, l’obligation légale pourrait être les diligences
en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme. Un client
ne pourrait s’y opposer en invoquant ce droit. En outre, il ne pourrait poursuivre une banque
qui répond à cette obligation légale – nous verrons cela plus loin dans la partie sur les limites
du secret professionnel.

Toutefois, les banques doivent intégrer dans leurs dispositifs, les droits des clients, dans le cadre
de leur traitement des données à caractère personnel, et accéder à leurs demandes si des
exigences légales ne les en empêchent pas.

Prenons un exemple sur le droit de rectification et de suppression. Supposons qu’un client ait
été autorisé par un tribunal de changer de prénom. S’il présente tous les justificatifs, la banque
est tenue de rectifier les informations sur ce client. Mais dans le cas du droit de suppression, la
cessation d’affaires ne pourrait être invoquée par un client pour obliger la banque à détruire les
documents relatifs à la relation bancaire : nous avons cité plus haut l’article 35 de la loi LBC/FT
qui impose une durée d’archivage de 10 ans, après la cessation d’affaires.

Des limites au secret professionnel.

Le secret professionnel n’est pas absolu, il est limité. En effet, l’alinéa 4 de l’article 53 de la loi
portant réglementation bancaire dispose :

54
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
« Le secret professionnel n’est pas opposable ni à la Commission Bancaire, ni à la
Banque Centrale, ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale. »

En outre, la loi sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme,


en son article 96, dispose :

« Nonobstant toutes dispositions législatives ou réglementaires contraires, le secret


professionnel ne peut être invoqué par les personnes visées aux articles 5 et 6 pour refuser de
fournir les informations aux autorités de contrôle ainsi qu’à la CENTIF - Cellule nationale de
Traitement des Informations financières - ou de procéder aux déclarations prévues par la
présente loi. Il en est de même en ce qui concerne les informations requises dans le cadre d’une
enquête portant sur des faits de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme,
ordonnée par le juge d’instruction ou effectuée sous son contrôle, par les agents de l’Etat
chargés de la détection et de la répression desdites infractions. »

Les banques ont l’obligation de faire des déclarations systématiques à la CENTIF pour les
transactions en espèces de leurs clients supérieures à 15 millions39 et des déclarations de
soupçon pour les transactions qui semblent atypiques. Elles ont aussi l’obligation de répondre
aux réquisitions de la même CENTIF. La protection des données à caractère personnel et le
secret professionnel ne peuvent être invoqués pour déroger à ces obligations légales.

De même un client ne peut invoquer ces mêmes motifs pour contester l’envoi de ces données à
des organismes de justice ou à la CENTIF ou intenter des procès aux personnes visées par la
loi LBC/FT. La loi, en son article 9.7, les exempte de toutes responsabilités, lorsqu’elles
transmettent des informations ou effectuent des déclarations de soupçon à la CENTIF :

« Aucune poursuite pour violation du secret professionnel ne peut être engagée à


l'encontre des personnes visées aux articles 5 et 6 ou de leurs dirigeants, préposés ou employés
qui, de bonne foi, ont transmis des informations ou effectué des déclarations de soupçon prévues
par l'article 79 de la présente loi, dans les conditions prescrites par les dispositions législatives
et réglementaires applicables ou lorsqu'ils ont communiqué des informations à la CENTIF, en
application de l'article 60. »

39
Voir l’Instruction 010-09-2017 fixant le seuil de la déclaration des transactions en espèces auprès de la
CENTIF (https://centif.tg/files/loi_10.pdf =

55
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme limite la protection
des données à caractère professionnel et atténue la portée du secret professionnel. Cette lutte a
une portée plus importante et des enjeux sociétaux plus grands.

Les banques doivent comprendre cela, elles doivent prendre en compte les deux exigences et
les concilier. Elles doivent protéger les données de leurs clients, les traiter avec confidentialité
et s’assurer qu’elles ne sont pas dévoilées sur la place publique. A défaut, cela entraînerait un
risque de réputation et des amendes du régulateur. Nous croyons que le risque de réputation est
plus important parce que le plus grand actif d’une banque est la confiance des clients à son
égard. En même temps, elles doivent respecter les dispositions de la loi LBC/FT qui limitent
fortement, dans certains cas, le secret professionnel et la protection des données personnelles.

Les Etats et les clients sont de plus en plus exigeants sur ces deux questions. Il peut être difficile
de réussir à concilier les deux. Cependant une fonction conformité-compliance performante,
qui remplit les rôles qui lui sont dévolus par la circulaire 05/2017 de la COBA, en son article
14 : la protection des intérêts des clients et investisseurs et la lutte contre le blanchiment de
capitaux, permet d’y arriver. Aussi un effort de formation doit-il être fait envers tout le
personnel afin de leur faire comprendre l’importance des enjeux et l’exigence des régulateurs.

https://www.bceao.int/sites/default/files/2018-03/CIRCULAIRE%20N%C2%B005-
2017_CB_C%20RELATIVE%20A%20LA%20GESTION%20DE%20LA%20CONFORMIT
E%20AUX%20NORMES%20EN%20VIGUEUR%20PAR%20LES%20ETABLISSEMENT
S%20DE%20CREDIT%20ET%20LES%20COMPAGNIES%20FINANCIERES%20DE%20
L%27UMOA.pdf

http://www.droit-afrique.com/upload/doc/senegal/Senegal-Loi-2008-26-reglementation-
bancaire.pdf

https://www.cdp.sn/content/loi-n%C2%B0-2008-12-du-25-janvier-2008-portant-sur-la-
protection-des-donn%C3%A9es-%C3%A0-caract%C3%A8re *

https://www.dri.gouv.sn/loi-n%C2%B0201803-du-23-f%C3%A9vrier-2018-0

56
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Chapitre VII : Diligences relatives aux comptes en devises.

L’ouverture d’un compte en devises dans l’espace UEMOA est régie par l’Instruction
N°08/07/2011 RFE relative aux conditions d’ouverture de compte et aux modalités de
fonctionnement des comptes étrangers de non-résidents, des comptes intérieurs en devises de
résidents et des comptes de résidents à l’étranger. Comme le suggère le titre de l’instruction,
elle indique les diligences à mettre en œuvre pour le traitement des comptes en devises.

Ouverture de comptes étrangers au profit de non-résidents


Dans le cas de l’ouverture de comptes étrangers au profit de non-résidents, deux situations
peuvent se présenter : celles en francs ou en euros et celles en devises autres que l’euro.

1-Ouverture de comptes étrangers en francs ou en euros au profit de non-résidents.

L’article 2 de l’Instruction précitée dispose : « Les intermédiaires agréés [dont les banques]
sont habilités à ouvrir, sous leur responsabilité, des comptes étrangers en francs ou en euros au
profit de non-résidents. »40 Ces ouvertures de comptes se font sous la responsabilité des banques
de la Zone. Cependant des conditions s’appliquent. La suite de l’article précise lesquelles :

« La demande d’ouverture d'un compte étranger en francs ou en euros doit comporter


les preuves de la qualité et de la résidence effective du requérant ainsi que les motifs de la
demande. Les intermédiaires agréés doivent s’assurer de la régularité des preuves qui ont été
apportées avant l’ouverture de ces comptes.

Le compte étranger en francs ou en euros est ouvert pour une durée de deux (2) ans. Un (1)
mois avant la fin de ce délai, le titulaire du compte est tenu de justifier à nouveau de sa qualité
et de sa résidence effective, aux fins d'obtenir le renouvellement dudit compte pour la même
durée. A défaut, l'intermédiaire agréé doit procéder à la clôture du compte, à l'expiration du
délai imparti. »

40
Non-résident : « les personnes physiques ayant leur principal centre d'intérêt à l'étranger, fonctionnaires
étrangers en poste dans un Etat membre de l’UEMOA et personnes morales nationales ou étrangères pour leurs
établissements à l’étranger. »

57
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
En résumé, pour les ouvertures de compte en euros ou francs au profit de non-résidents,
l’autorisation de la BCEAO n’est pas requise. Toutefois, les banques doivent s’assurer que la
personne est réellement non-résidente, en vérifiant la résidence effective du requérant. En outre,
une fois que le délai imparti arrive à expiration – deux ans -, la banque est tenue de clôturer le
compte en cas de non-renouvellement.

2-Ouverture de comptes étrangers en devises autres que l’euro.

L’autorisation de la BCEAO est requise pour les ouvertures de comptes étrangers en devises
autres que l’euro (article 3). Des conditions, précisées par l’alinéa 2 et 3 de l’article précité,
s’appliquent :

« La demande d’ouverture d'un compte étranger en devises doit comporter les preuves
de la qualité et de la résidence effective du requérant ainsi que les motifs de la demande. Elle
est présentée par le requérant à l'intermédiaire agréé qui l'introduit auprès de la BCEAO, pour
autorisation.

L'autorisation d’ouverture d'un compte étranger en devises, autre que l’euro, au profit d'un non-
résident, est délivrée par la BCEAO pour une durée de deux (2) ans. »

En résumé, le requérant transmet la demande qui devra inclure les informations mentionnées à
l’alinéa 2 de l’article 3, à sa banque. Cette dernière se chargera de l’introduire auprès de la
BCEAO pour obtenir l’autorisation.

La durée de l’autorisation est de deux ans. Après l’expiration du délai imparti, en cas de non-
renouvellement, la banque est tenue de clôturer le compte. Toutefois, l’autorisation peut être
renouvelée. Comment ? En adressant une demande de renouvellement à la BCEAO, suivant
les mêmes conditions que lors de l’ouverture du compte, au moins un mois avant l’expiration.

Notons que des conditions s’appliquent au fonctionnement de ces comptes.

L’article 12 de l’instruction susvisée dispose : « Il est interdit d'approvisionner les comptes


étrangers en devises par des versements en billets de banque de la BCEAO ou d'un Institut
d'émission disposant d'un compte d'opérations auprès du Trésor public français. »

58
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Cela veut dire qu’il est interdit d’approvisionner ces comptes en billets de banque franc CFA,
franc CEMAC et franc comorien.

Pour les comptes étrangers en euros et francs, les articles 1341 et 1442 précisent les opérations
autorisées au débit et crédit. En dehors de ces opérations, l’article 15 précise : « Toute opération
inscrite au débit ou au crédit (…) est soumise à l'autorisation préalable de la Direction chargée
des Finances Extérieures ou de la BCEAO, agissant par délégation du Ministre chargé des
Finances. »

Des diligences particulières s’appliquent avant qu’une banque puisse octroyer des prêts et
avances aux non-résidents. « L’autorisation préalable de la direction chargée des finances
extérieures après avis conforme de la BCEAO » est requise, d’après les dispositions de l’article
19 de l’instruction 08/07/2011. La demande doit être adressée à la direction chargée des
finances extérieures, et déposée à la BCEAO et comporter les éléments ci-dessous :

- Les noms et prénoms du requérant personne physique ou la dénomination sociale du


requérant personne morale ;
- la devise, le montant et la durée du prêt ;
- l'affectation des ressources ;
- le mode de financement du prêt par la banque (fonds propres, financement extérieur,
etc.).

41
Article 13 : Les comptes étrangers en francs peuvent être librement crédités :
–– du produit de la cession, au comptant ou à terme, de devises étrangères, par un non-résident ;
–– du produit de la cession de billets de banque étrangers par les correspondants étrangers des intermédiaires
agréés ou importés lors d'un voyage, par le titulaire du compte, conformément aux dispositions des Articles 26 et
27 de l’Annexe II du Règlement susvisé ;
–– des sommes provenant d'un autre compte étranger ;
–– des paiements faits par un résident au profit d'un non-résident, lorsque l'acquisition des devises par le résident
est autorisée par la réglementation en vigueur ;
–– des sommes provenant de la liquidation d'investissements par des non-résidents, sous réserve du respect des
dispositions législatives et réglementaires en vigueur ;
–– des sommes issues de la liquidation effectuée par devant notaire, de biens immobiliers appartenant à des non-
résidents.
42
Article 14 : Les comptes étrangers en francs ou en euros peuvent être librement débités :
–– en vue de l'achat, au comptant, de devises étrangères ;
–– en vue de l'achat, par un non-résident, de billets de banque étrangers ou du retrait de billets en francs CFA émis
par la
BCEAO ;
–– pour créditer un autre compte étranger ;
–– des paiements faits au profit d'un résident.

59
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Cela montre l’importance d’identifier les non-résidents qui détiennent des comptes dans les
livres d’une banque afin de pouvoir respecter cette exigence réglementaire. Sinon, un prêt ou
un découvert pourrait être octroyé à un non-résident sans l’accord de la direction chargée des
finances extérieures et de la BCEAO. Cela exposerait une banque à des sanctions et amendes.

Ouverture et de renouvellement de comptes intérieurs en devises au profit de


résidents43

L’ouverture de ces comptes est soumise à l’autorisation préalable du Ministre chargé des
finances, après avis conforme de la BCEAO (article 7). La demande doit être adressée au
Ministre chargé des finances et déposée à la BCEAO. Elle est accompagnée des justificatifs
suivants :

- la dénomination sociale du requérant ;


- la devise et la banque domiciliataire du compte ;
- la motivation précise de la demande à laquelle sont joints les documents justificatifs
relatifs aux opérations à exécuter sur le compte, notamment le contrat ou tout autre
document ;
- la durée du compte.

La durée du compte ne peut excéder un an, renouvelable en faisant une nouvelle demande, dans
les mêmes conditions que pour l’ouverture du compte, un mois minimum avant son expiration.
A défaut de renouvellement, le compte devra être clôturé (article 8).

Notons aussi d’après l’article 8, alinéa 2 de l’instruction que : « En tout état de cause, le compte
visé à l'alinéa 1er ci-dessus ne peut être crédité de versements de billets libellés en francs CFA
ou par le débit d’un compte en francs CFA. ». Cela est encore précisé par l’article 21 de la

43
Résidents : personnes physiques ayant leur principal centre d'intérêt dans un Etat membre de l’UEMOA,
fonctionnaires nationaux en poste à l’étranger et personnes morales nationales ou étrangères pour leurs
établissements dans un Etat membre de l’UEMOA.
Toutefois, les résidents des autres pays membres de la Zone franc sont assimilés à des résidents de l’UEMOA,
sauf pour le traitement des opérations suivantes : domiciliation des exportations et rapatriement du produit de leurs
recettes, émission et mise en vente de valeurs mobilières étrangères, importation et exportation d’or, opération
d’investissement et d’emprunt.

60
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
même instruction : « Il est interdit de créditer les comptes intérieurs en devises de résidents, de
versements de billets en francs CFA ou par le débit d’un compte en francs CFA. »

Cela veut dire que les comptes intérieurs en devises ne peuvent être crédités en francs CFA ; ils
ne peuvent être approvisionnés que par d’autres devises. Par exemple, un compte intérieur en
francs suisses de résidents ne peut être approvisionné par des versements en francs CFA ou un
virement d’un compte libellé en franc CFA. Les banques doivent s’assurer qu’elles prennent en
compte ces diligences dans le fonctionnement de ces comptes.

61
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Chapitre VIII : Protection de la clientèle au Sénégal et dans la zone UMOA.

En 1970, l’économiste américain George Akerlof avait publié un article, The market for
lemons44, où il expliquait les problèmes d’asymétrie d’information. Qu’est-ce que l’asymétrie
d’information ? Elle est une situation où une partie – généralement le vendeur – dispose de plus
d’informations qu’une autre– généralement l’acheteur – et pourrait les lui cacher.

Prenons le cas du marché de la vente de voitures d’occasion décrit dans l’article d’Akerlof. Les
vendeurs disposent de plus d’informations que les acheteurs sur l’état de leurs voitures : sont-
elles dans un bon ou mauvais état. Aussi se présente-t-il un problème d’asymétrie
d’information : le vendeur pourrait ne pas dévoiler à l’acheteur les éventuels problèmes de la
voiture d’occasion. En pareil cas, le consentement serait faussé.

Dans les relations entre les banques et leurs usagers, se présentent également ces problèmes
d’asymétries d’information. La banque dispose de plus d’informations, connaît mieux ses
produits et services que ses clients. Elle pourrait être tentée de leur vendre des produits ou
services dont ils n’ont pas besoin ou de leur transmettre des renseignements erronés, faussant
ainsi le consentement. Aussi y a-t-il une exigence des régulateurs pour que les clients,
considérés comme les parties les plus faibles, soient protégés.

Ce rôle de protection de la clientèle doit être assuré par la conformité. En effet, la circulaire
05/2017 de la COBA sur la conformité, en son article 14 intitulé Responsabilités spécifiques de
la fonction conformité, dispose : « Les domaines d'intervention relevant directement de la
fonction conformité concernent (…) la protection des intérêts des clients et des investisseurs »

Depuis quelques années, un certain nombre de mesures ont été mises en place par les Etats ou
la BCEAO afin d’assurer la protection des consommateurs en général, et des usagers des
banques en particulier, à travers des lois, instructions, circulaires, décisions…

44
http://wwwdata.unibg.it/dati/corsi/8906/37702-Akerlof%20-%20Market%20for%20lemmons.pdf

62
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Répression de l’usure

En 2021, le Sénégal a voté la loi 2021-19 relative à la répression de l’usure. Cette loi interdit
expressément d’octroyer des prêts à un taux supérieur à un plafond fixé par le Conseil des
Ministres de l’UMOA. En effet, en son article 2, la loi susvisée dispose : « Le taux effectif
global (TEG) d’intérêt est librement convenu entre l’emprunteur et le prêteur sous réserve de
respecter le plafond fixé à l’article premier de la présente loi. Il doit être fixé par écrit pour tout
contrat de prêt »

Les banques doivent s’assurer que les taux effectifs globaux (TEG) des prêts qu’elles octroient
à leurs clients ne dépassent pas le taux usuraire. En outre, elles doivent vérifier que tous les
éléments entrant dans le calcul du TEG (article 3 de la loi précitée) sont pris en compte dans le
contrat de prêt.

En cas de non-respect des dispositions de la loi, la juridiction de jugement peut ordonner la


fermeture temporaire ou définitive de l’établissement de crédit, après avis conforme de la
COBA, en plus de pouvoir infliger des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à 5 000 000
ou 15 000 000 de francs CFA en cas de récidive (article 7 et 8).

Outre les sanctions pécuniaires et le risque de fermeture, l’établissement de crédit s’expose à


un risque de réputation et perte de confiance de ses clients. Or la réputation est l’un des actifs
les plus précieux d’une entreprise. Aussi est-il important que toutes les dispositions de la loi
soient prises en compte par les établissements de crédit. Le Core Banking System doit être
audité et voir s’il intègre tous les éléments entrant dans le calcul du TEG, et ainsi pouvoir le
déterminer d’une manière fiable.

63
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Droit au compte

La réglementation de l’UEMOA, à travers ses instructions et règlements, reconnaît le droit au


compte. Ce dernier est défini comme « un droit permettant de mettre en place un service
bancaire minimum dont les personnes bénéficiaires sont en état d'exclusion sociale »45.

L’article 8 du REGLEMENT N°15/2002/CM/UEMOA dispose :

« Toute personne physique ou morale établie dans l’un des Etats membres, possédant
un revenu régulier dont la notion est définie par une instruction de la Banque Centrale, a droit
à l’ouverture d’un compte auprès d’une banque, telle que définie par l’article 3 de la Loi portant
Réglementation Bancaire, ou auprès des services financiers de la Poste. En cas de refus
d’ouverture de compte opposé par trois établissements successivement, la Banque Centrale peut
désigner d’office une banque qui sera tenue d’ouvrir un compte donnant droit à un service
bancaire minimum. »

L’article 10 du Règlement susvisé précise les éléments constituant un service bancaire


minimum :

- la gestion du compte ;
- la mise à disposition d’au moins un instrument de paiement, entouré des sécurités
nécessaires ;
- la possibilité d’effectuer des virements (domiciliation, encaissement et paiement) à
partir de ce compte ;
- la possibilité d’effectuer des prélèvements à partir de ce compte ;
- la réception et la remise en compensation client ;
- la délivrance au client de relevés de compte trimestriels46 et à sa demande, de
Relevés d’Identité Bancaire ou Postale.

L’article 8 du règlement susvisé parle de revenu régulier sans le définir. L’Instruction n°


01/2003/SP du 8 mai 2003 relative à la promotion des moyens de paiement scripturaux et à la

45
(https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/droit-au-compte/ )
46
Notons que pour les comptes « normaux », le relevé bancaire doit être transmis mensuellement : nous verrons
cela plus loin avec les services bancaires devant être offerts à titre gratuit

64
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
détermination des intérêts exigibles en cas de défaut de paiement précise la notion de revenu
régulier. En effet, en son article 3, l’instruction précitée dispose :

« Toute personne physique ou morale, établie dans l’un des Etats membres de l’Union,
dépourvue d’un compte bancaire ou postal et justifiant d’un revenu régulier tel que prévu à
l’article 8 du règlement, d’un montant supérieur ou égal à cinquante mille (50 000) FCFA, a
droit à l’ouverture d’un tel compte auprès de l’établissement de son choix et à la mise à sa
disposition d’au moins un instrument de paiement entouré des sécurités nécessaires. »

Si une personne remplissant les conditions énumérées plus haut se voit refuser une ouverture
de compte par 3 banques successives, elle peut se rapprocher de la BCEAO pour exercer son
droit au compte. La BCEAO assignera, à une banque de son choix, l’ouverture d’un compte
pour cette personne. La banque désignée devra s’exécuter : ouvrir le compte en fournissant à
son titulaire les services minimaux mentionnés par l’article 8 du règlement 15/2002.

Le droit au compte participe à augmenter le taux de bancarisation dans la zone UEMOA, en


donnant la possibilité à toute personne remplissant les conditions pour ouvrir un compte de
pouvoir le faire. En outre, l’obligation de payer en monnaie scripturale, « pour toute opération
financière [supérieure ou égale à cent mille] mettant en rapport les personnes privées
(particuliers, entreprises), d’une part, et les personnes publiques (Etat et ses démembrements),
d’autre part » montre l’importance du droit au compte : sans cela, un client à qui les institutions
financières refusent l’ouverture d’un compte, sans qu’il ait possibilité de recours, serait lésé. Il
ne pourrait effectuer des transactions supérieures au seuil de cent mille, ce qui lui nuirait.47

47
L’article 4 de la directive 08/2002/CM dispose : « Les salaires, indemnités et autres prestations en argent dus
par l’Etat, les Administrations publiques, Entreprises ou autres personnes publiques et parapubliques aux
fonctionnaires, agents, autres personnels en activité ou non ou à leurs familles ainsi qu'aux prestataires et portant
sur des sommes d’argent d'un montant supérieur ou égal au montant de référence fixé par instruction de la BCEAO
sont payés par chèque ou par virement sur un compte ouvert auprès des services financiers de la Poste ou d’une
banque, à moins qu'il n'y ait un autre moyen scriptural de paiement approprié pour servir au paiement du montant
inférieur au montant de référence. » Cela montre l’importance du droit au compte pour éviter de léser une personne

65
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Quelques services que les banques doivent offrir gratuitement à leurs clients.

En 2014, la BCEAO a édicté l’Instruction 06-2014 sur les services bancaires offerts à titre
gratuit. Pour augmenter le taux de bancarisation de la population, la BCEAO a rendu gratuits
les services bancaires ci-dessous :

1-Ouverture, fonctionnement et suivi de compte

- Ouverture de compte ;

- Délivrance de livret d’épargne ;

- Tenue de compte sur livret d’épargne ;

- Transmission de relevé de compte (une fois par mois) ;

- Relevé récapitulatif des frais annuels ;

- Dépôt d’espèces dans la banque du client quel que soit le guichet (hors acquittement de frais de timbre fiscal) ;

- Retrait d’espèces dans la banque du client quel que soit le guichet, à l’exception des opérations par chèques de
guichet ;

- Domiciliation de salaire ;

- Changement d’éléments constitutifs du dossier du client, notamment d’identification ;

- Mise en place d’une autorisation de prélèvement (ordre de prélèvement à partir du compte) ou de virement
permanent (création du dossier) ;

- Clôture de compte.

2- Moyens et opérations de paiement

- Retrait auprès d’un guichet automatique (GAB/DAB) de la banque du client ;

- Paiement par carte bancaire au sein de l’UMOA ;

- Consultation de solde et édition du relevé de solde au GAB/DAB dans la banque du client ;

- Virement de compte à compte dans la même banque ;

- Encaissement de chèques tirés sur une banque de l’Union ;

- Encaissement de virements nationaux, communautaires et internationaux.

3- Banque à distance

- Avis de débit et de crédit par voie électronique ;

- Consultation et édition du solde et de l’historique du compte à travers le GAB/DAB de la banque du client.

66
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Toutes les banques doivent s’assurer qu’elles respectent les dispositions de cette instruction.
Un usager de banque à qui une banque ferait payer de tels services pourra faire une réclamation
qui sera instruite selon les dispositions de la Circulaire 02/2020 de la COBA sur le traitement
des réclamations. Il est important pour les banques de faire un audit de leurs conditions de
banques et s’assurer que les services qui doivent être offerts à titre gratuit aux usagers de
banque, le sont réellement.

Traitement des réclamations

En 2020, la COBA a édicté la circulaire 02/202048 sur le traitement des réclamations. Cette
circulaire dispose en son article 4 : « Les établissements assujettis sont tenus de se doter d’un
dispositif interne de traitement des réclamations formulées par la clientèle ».

La première étape pour respecter les dispositions de la circulaire est d’élaborer « une procédure
de gestion et de suivi du traitement des réclamations de la clientèle, approuvés par l’organe
délibérant [Conseil d’Administration] ». La deuxième étape est le devoir d’information49 de la
clientèle « de l’existence d’un dispositif interne de traitement des réclamations, notamment par
voie d’affichage dans ses locaux, sur son site internet, ainsi que dans les documents
contractuels, à l’occasion de la fourniture d’un produit ou service financier » (article 5)

Il est nécessaire que les banques informent leur personnel sur la nécessité du traitement diligent
des réclamations. En effet, l’article 7 de la circulaire précitée dispose : « l’établissement
assujetti est tenu d’apporter une réponse à la clientèle dans un délai ne pouvant excéder un mois,
à compter de la date de réception de la demande. » Précisons aussi que « le traitement des
réclamations est rendu à titre gratuit pour le client » (voir l’article 8).

48
https://www.bceao.int/sites/default/files/2020-10/Circulaire%20N%C2%B0%20002-2020-CB-C%20-
Traitement_R%C3%A9clamations_Clients_Etablissements_Assujettis_Contr%C3%B4le_CB-UMOA.pdf Texte
de la circulaire 002-2020
49
Selon les dispositions de la circulaire, cette information doit préciser :
-les coordonnées de la structure, et le cas échéant, des personnes en charge du dispositif interne ;
-les modalités de saisine ou de dépôt des réclamations ;
-le délai de traitement des réclamations.

67
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Si une banque ne respecte pas toutes ces dispositions, les clients ont la possibilité de saisir la
Commission bancaire, ce qui pourrait entraîner des risques de réputation et l’exposer à des
amendes et sanctions.

Aussi est-il important que les banques mettent en place un dispositif de traitement des
réclamations tel que décrit à l’article 4 de la circulaire 02/2020 et s’assurer qu’il est respecté
par les collaborateurs. Cela contribuerait à lui faire gagner la confiance de la clientèle et ainsi
diminuer son taux d’attrition. L’environnement bancaire de la zone UMOA et du Sénégal est
très concurrentiel, avec un marché très concentré, un taux de bancarisation relativement faible.

Aussi chaque client compte-t-il. Pour cela, il est nécessaire pour les banques de traiter
diligemment les réclamations, conformément aux dispositions de la circulaire 02/2020. A
défaut, le client insatisfait ira ouvrir un compte dans une autre banque.

Obligations de transparence des banques

Dans sa Décision 397/12/2010, la BCEAO fixe les règles applicables aux banques et
établissements de crédit quant à l’information du public. Pour éviter qu’ils ne changent leur
tarification sans avertir leurs clients, cette Décision dispose en son article 23 : « Les
établissements de crédit, les systèmes financiers décentralisés et les services financiers de
l’Administration ou de l’Office des Postes sont tenus de respecter les règles relatives à la
transparence de la tarification et à la protection des usagers des services financiers et
bancaires ».

Plus loin, la BCEAO précise les dispositions qu’elle a mises en place pour assurer la
transparence de la tarification et la protection des usagers des services financiers et bancaires.

L’Information par voie d’affichage des conditions débitrices et créditrices est obligatoire pour
les banques et établissements financiers : à l’entrée leurs guichets et locaux, ils doivent afficher
de manière visible « la liste détaillée des conditions débitrices et créditrices qu’elles appliquent
à leurs clients, y compris les commissions. » (Article 31 de la Décision précitée). En outre, ces
informations doivent être communiquées au public par voie de presse chaque semestre et à
chaque modification de leur meilleur taux débiteur (Article 32).

68
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Les banques doivent se poser certaines questions : leurs conditions tarifaires sont-elles affichées
dans toutes leurs agences ? Sont-elles communiquées au grand public à la fréquence définie ?

Si la réponse à une de ces questions est négative, des mesures immédiates doivent être prises
pour y remédier. A défaut, la banque ou l’établissement financier s’exposerait à des amendes
et sanctions du régulateur et verrait sa réputation ternie, parce que donnant l’impression de ne
pas être transparent.

Protection des déposants

Aux Etats-Unis, pour éviter la ruée aux guichets des banques, Roosevelt avait créé le FDIC –
Federal Deposit Insurance Corporation – en 1933. Cette institution assure les dépôts bancaires,
à hauteur de 250 mille dollars actuellement. Supposons que je possède 100 mille dollars dans
ma banque ! J’entends dire qu’elle rencontre des difficultés financières. Parce que je sais que
le FDIC assure les dépôts à hauteur de 250 mille dollars, je ne me rendrai pas dans les guichets
de la banque pour retirer mes fonds. Tout cela participe au maintien de la confiance envers le
système bancaire.50

C’est la même stratégie qu’applique l’Union Européenne ; en effet la Directive 2009/14/CE


dispose : « Au plus tard le 31 décembre 2010, les États membres veillent à ce que la garantie
de l’ensemble des dépôts d’un même déposant soit fixée à 100 000 EUR en cas d’indisponibilité
des dépôts. »

Garantir les fonds des déposants participe grandement à la protection de la clientèle, en plus
d’améliorer la confiance des clients envers le système bancaire. Aussi L’UMOA a-t-elle mis en
place un tel dispositif. En effet, la loi 2008-26 portant réglementation bancaire dispose en son
article 65 : « Les établissements de crédit agréés dans l’UMOA adhèrent à un système de
garantie des dépôts. »

50
Extrait de mon article paru dans le journal Lequotidien Comment la confiance est le moteur des relations
(https://lequotidien.sn/comment-la-confiance-est-le-moteur-des-relations-humaines-et-sociales/ )

69
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Par la DECISION N° 088-03-2014, la BCEAO a créé le FONDS DE GARANTIE DES
DEPOTS DANS L’UNION MONETAIRE OUEST AFRICAINE dont la mission est
« d’assurer la garantie des dépôts des clients des Etablissements de crédit et des Systèmes
Financiers Décentralisés, en abrégé « SFD », agréés dans l’UMOA. » à travers les mécanismes
suivants :

Indemniser des déposants, en cas d’indisponibilité de leurs avoirs, dans la limite d’un plafond défini par le Conseil
des Ministres de l’UMOA ;

Collecter des cotisations auprès des adhérents et mobiliser toutes autres ressources nécessaires à l’exécution de ses
missions ;

Gérer les ressources collectées ;

Solliciter des reportings auprès des adhérents ;

Edicter des circulaires destinées aux Etablissements de Crédit et aux SFD, portant sur les modalités d’application
ou d’interprétation des dispositions des Statuts du FGD-UMOA ;

Conduire des actions, notamment en partenariat avec d’autres acteurs concernés, en faveur de la promotion de la
culture financière dans les Etats membres de l’UMOA ;

Négocier et signer des accords d’échange d’informations avec les Institutions et Organes de l’Union ;

Adhérer à tout organisme régional, continental ou international relevant du même objet ;

Conclure des accords de coopération avec toute autre institution, en tant que de besoin.

La confiance des populations envers le système bancaire les poussera à ouvrir des comptes
parce qu’elles savent que la protection de leurs avoirs est assurée. Aussi est-il important que les
banques communiquent51 sur cette garantie assurée aux dépôts. Cela incitera les populations à
se tourner vers les banques pour garder leurs fonds et augmenter ainsi le taux de bancarisation.

Fidéliser un client coûte beaucoup moins cher qu’acquérir un nouveau. La zone UMOA connaît
un faible taux de bancarisation (18 % en 2019 et 38,9 % pour le taux de bancaire élargi)52, aussi

51
Cela est préconisé par la directive 08/2002/CM/UEMOA. En son article 7, elle dispose : « Les Etats membres
et les autorités monétaires prendront, de concert avec les banques et établissements financiers, les mesures
appropriées d'information et de sensibilisation nécessaires à la vulgarisation des moyens de paiement scripturaux. »
52
https://www.bceao.int/sites/default/files/2020-
11/Rapport%20annuel%20situation%20inclusion%20financie%CC%80re%20UEMOA%20-%202019.pdf

70
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
chaque client compte. Par conséquent, il est important pour une banque de mettre en place un
dispositif efficient de protection de la clientèle afin de réduire son taux d’attrition.

A défaut, une banque investirait beaucoup d’énergie et d’argent dans l’acquisition clientèle
parce qu’elle serait incapable de fidéliser ses clients actuels. Et même après avoir acquis de
nouveaux clients, elle ne pourrait les garder que si elle met en place un dispositif efficient de
protection de la clientèle. Ce dispositif lui assurera d’avoir une bonne réputation auprès de ses
clients, qui est l’un de ses actifs les plus importants. En outre, cela l’aidera à avoir une publicité
gratuite : ses clients la référeront à leurs proches, lui permettant d’augmenter sa part de marché
sans grand effort.

71
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Conclusion

Nous avons cité dans cet ouvrage plusieurs lois, circulaires, instructions… Cette prolifération
des normes fait dire à beaucoup de spécialistes que le monde bancaire connaît une
hyperinflation réglementaire.

En outre, ces normes deviennent de plus en plus strictes, et les régulateurs sont de moins en
moins tolérants envers les manquements à leur égard. Pour faire face à ces exigences, une
entreprise, en général, une banque, en particulier, a besoin de mettre en place une fonction
conformité performante, avec des ressources humaines bien formées.

La Circulaire 05/2017 de la COBA dispose en son article 10 : « Les ressources humaines


affectées à la fonction conformité doivent posséder un niveau élevé de connaissance des
activités de l'établissement et des normes qui lui sont applicables. L'établissement doit prendre
les dispositions pour que ces ressources humaines maintiennent à jour leurs connaissances
desdites normes. »

Pour que les ressources humaines affectées à la fonction conformité puissent mettre à jour la
connaissance des normes qui régissent une entreprise, il faut qu’elles soient constamment
formées. Aussi une formation de qualité est-elle un élément déterminant pour disposer d’une
fonction conformité performante.

Un des éléments du programme de prévention du blanchiment de capitaux et du financement


du terrorisme est « la formation continue du personnel destinée à les aider à détecter les
opérations et les agissements susceptibles d'être liés au blanchiment de capitaux et au
financement du terrorisme ».

Il est nécessaire que les banques comprennent que la formation des ressources humaines de la
conformité est un investissement nécessaire. A défaut, leurs compétences seront obsolètes, les

72
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
exposant à des risques de non-conformité, avec toutes les conséquences négatives : mauvaise
application de la réglementation, ce qui entraînera des sanctions et amendes du régulateur et
cas extrême : retrait de l’agrément bancaire.

Pour éviter cela, les banques doivent mettre en place un plan de formation et le mettre à jour en
fonction des évolutions réglementaires. Ainsi, elles seront sûres que leurs employés seront
toujours à jour des normes.

A titre personnel, les chargés de conformité doivent savoir qu’il est dans leur intérêt de toujours
apprendre, d’embrasser ce que la langue anglaise appelle le « lifelong learning. » Avec une telle
attitude, leurs compétences ne seront pas désuètes et ils pourront remplir leur rôle de faire
respecter les normes.

N’oublions pas aussi que la conformité a l’obligation de former le personnel de l’établissement


financier, comme requis par l’article 14 de la Circulaire 05/2017 : « La fonction conformité doit
initier des actions visant à sensibiliser et former le personnel sur l'importance de l'appropriation
des normes en vigueur et du respect de la politique conformité. Elle établit et met en œuvre, à
cet effet, un programme de formation destiné au personnel. »

Pour assurer ce rôle, il faut d’abord maîtriser les normes. Dans un monde d’hyperinflation
réglementaire, de changement constant des normes, cette obligation de toujours apprendre n’est
plus un luxe mais une nécessité.

73
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 1 : Gestion des nouveaux produits

L’article 14 de la circulaire 05/201753 de la COBA sur la conformité dispose : « La fonction


conformité doit, de manière proactive, identifier, évaluer et gérer les risques de non-conformité,
y compris lors du développement de nouveaux produits, pratiques commerciales, activités ou
relations clients. »

Cela veut dire que la fonction conformité doit vérifier que les nouveaux produits respectent lois
et réglementations. En outre, elle doit s’assurer que ces produits ne lèsent pas les clients.
Rappelons que cette même circulaire dévolue à la fonction conformité le rôle de protection de
la clientèle.

Pour cela, il faut une conformité qui adopte une démarche proactive : gérer en amont les risques
de non-conformité afin de diminuer les risques de réclamations en aval – la circulaire 02/2020
impose de traiter ces réclamations dans un délai d’un mois.

Le lancement de nouveaux produits est un signe d’innovation. L’approche doit être encourager
l’innovation et en même temps l’encadrer : en résumé, promouvoir une innovation saine,
pérenne et respectueuse des règles.

Avec l’hyperinflation réglementaire, il s’agit un véritable défi que lancer un nouveau produit
mais avec une conformité proactive et ouverte, c’est possible. D’où l’importance de sa
participation au comité nouveaux produits.

53
Texte de la Circulaire 05/2017 sur la conformité https://www.bceao.int/sites/default/files/2018-
03/CIRCULAIRE%20N%C2%B005-
2017_CB_C%20RELATIVE%20A%20LA%20GESTION%20DE%20LA%20CONFORMITE%20AUX%20N
ORMES%20EN%20VIGUEUR%20PAR%20LES%20ETABLISSEMENTS%20DE%20CREDIT%20ET%20L
ES%20COMPAGNIES%20FINANCIERES%20DE%20L%27UMOA.pdf

74
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 2 : Obligation de formation des collaborateurs.

Un rôle méconnu de la #compliance est la formation et sensibilisation du personnel. L’article


14 de la circulaire 05/2017 de la COBA sur la Conformité dispose :

« La fonction conformité doit initier des actions visant à sensibiliser et former le


personnel sur l'importance de l'appropriation des normes en vigueur et du respect de la politique
conformité. Elle établit et met en œuvre, à cet effet, un programme de formation destiné au
personnel. »

Cette importance de la formation est aussi mise en emphase par la loi sur la lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En son article 23, elle dispose :

« Les personnes visées aux articles 5 et 6 assurent la formation et l'information régulière


de leurs personnels en vue du respect des obligations prévues aux chapitres II et III du Titre II
de la présente loi. », et cette obligation incombe à la conformité.

Aussi est-il important pour la #conformité d’assurer effectivement ce rôle. Cela lui facilitera la
tâche : quand le personnel s’approprie les normes réglementaires, peu de situations non-
conformes se présenteront. Cette politique de formation n’est pas du temps perdu parce qu’à
terme, elle permettra d’avoir une entreprise respectueuse des règles : une garantie pour une
excellente réputation.

75
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 3 : Data protection

La #KYC oblige les institutions financières à recueillir des données personnelles de leurs
clients. Cela ne veut pas pour autant dire que ces données personnelles peuvent être traitées
n’importe comment.

L’article 30 de la Loi portant réglementation bancaire dispose : « Les personnes qui concourent
à la direction, à l’administration, à la gérance, au contrôle ou au fonctionnement des
établissements de crédit, sont tenues au secret professionnel (…) ».

Spécifiquement la loi sur la protection des données à caractère personnel, en son article 35,
dispose : « Les données doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et
légitimes et ne peuvent pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces
finalités »

Que l’on soit obligés de collecter les données personnelles des clients naturellement, qu’on les
utilise comme l’on veut, non.

Il est important de sensibiliser ses collaborateurs sur cet aspect : les données personnelles
doivent être traitées avec confidentialité. Les Etats durcissent leurs réglementations et les clients
deviennent plus exigeants. Aussi est-il dans l’intérêt des institutions financières – et autres
entreprises - d’être proactives sur cette question pour éviter sanctions et mauvaise réputation.

76
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 4 : Déclarations de soupçon et déclarations systématiques

L’article 15 de la Loi sur le Blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dispose :


« Les institutions financières et les entreprises et professions non financières désignées
(EPNFD) sont tenues de déclarer à la CENTIF*, les transactions en espèces d'un montant égal
ou supérieur à un seuil fixé par une instruction de la BCEAO (…) »

Ce seuil est fixé par l’Instruction N°010-09-201754 de la BCEAO et il est d’un montant de
quinze millions.

Les organismes à but non lucratif ont aussi l’obligation de déclarer à la CENTIF : « Toute
donation en espèces d'un montant égal ou supérieur à un million de francs CFA » d’après
l’article 43 de la LBCFT.

Ces deux déclarations sont qualifiées de systématiques.

Outre les déclarations dites systématiques, il y a d’autres déclarations à faire à la CENTIF mais
elles procèdent de l’analyse des transactions du client et de la KYC. En effet l’article 79 de la
LBCFT, intitulé Déclarations de soupçon, dispose :

« Les personnes visées aux articles 5 et 6 sont tenues de déclarer à la CENTIF, dans les
conditions fixées par la présente loi et selon un modèle de déclaration fixé par arrêté du Ministre
chargé des Finances, les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des
sommes dont elles soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent
d'une infraction de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. »

54
https://centif.tg/files/loi_10.pdf Texte de ladite instruction

77
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
La LBCFT requiert une vigilance continuelle. Aussi est-il important de bien faire la #KYC et
disposer d’outil de monitoring des transactions de la clientèle pour lutter plus efficacement
contre ce fléau.

CENTIF : Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières

78
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 5 : La LCB/FT ne concerne pas seulement les banques

Quand on parle de LCB/FT*, on pense automatiquement aux institutions financières. Or selon


les dispositions de la loi 2018-03 sur la LCB/FT, outre les institutions financières, les
professions libérales et juridiques*… sont aussi concernées – voir l’article 6 de ladite loi.

Certes elles ne sont pas soumises à toutes les dispositions de la loi mais elles ont des exigences
en matière de LCB/FT. En effet, dans le chapitre 1 section I, elles doivent identifier le client
et/ou le bénéficiaire effectif, et s’il est PPE, appliquer les mesures de vigilances renforcées
décrites par l’article 54, en plus de devoir former et informer leurs personnels. Elles sont aussi
soumises à l’obligation de déclaration les opérations suspectes à la CENTIF.

La LCB/FT est une problématique sérieuse, qui demande à être traitée avec vigueur. Aussi est-
il important que les professions libérales mettent en place un dispositif de prévention contre la
LCB/FT, comme requis par l’article 21. A défaut, elles s’exposeraient à des sanctions élevées
et un risque de réputation qui menacerait leur existence.

La LCB/FT requiert une vigilance constante, et cette vigilance est une obligation non seulement
légale mais éthique.

79
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 6 : Traitement des réclamations dans la zone UMOA

Récemment la COBA* a édicté la circulaire 02/202055 sur le traitement des réclamations. Cette
circulaire impose aux institutions financières de la zone de répondre aux réclamations des
clients dans un délai maximal d’un mois. Les clients ont également la possibilité d’escalader
jusqu’à la COBA, si leurs réclamations n’ont pas été traitées ou bien traitées – voir articles 11
et 12.

Désormais toutes les institutions financières doivent mettre en place un dispositif interne de
traitement des réclamations et d’en informer la clientèle – articles 4 et 5. Les usages des
organismes financiers se plaignent souvent des abus, sans grande possibilité d’être entendus.
Aussi cette circulaire est-elle un pas important dans la protection des consommateurs. Au-delà,
pourquoi pas une loi sur la protection des consommateurs ?

La protection de la clientèle sert les intérêts d’une entreprise : elle améliore sa réputation,
diminue le taux d’attrition et pousse la clientèle à la référer, ce qui est le moyen le moins cher
pour accroître sa part de marché.

Pour rappel, selon la circulaire 05/2017 de la COBA sur la conformité : « Les domaines
d'intervention relevant directement de la fonction conformité concernent (…) la protection des
intérêts des clients et des investisseurs »

55
Texte de la Circulaire 02/2020 https://www.bceao.int/sites/default/files/2020-
10/Circulaire%20N%C2%B0%20002-2020-CB-C%20-
Traitement_R%C3%A9clamations_Clients_Etablissements_Assujettis_Contr%C3%B4le_CB-UMOA.pdf

80
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 7 : L’obligation pour la conformité de protéger la clientèle

L’article 14 de la Circulaire N°05/2017 de la COBA de l’UMOA sur la conformité dispose


que : « Les domaines d'intervention relevant directement de la fonction conformité concernent
notamment (…) la protection des intérêts des clients... »

De façon générale, la Compliance doit s’assurer que les produits et services que propose
l’entreprise ne lèsent pas les clients : ils doivent être adaptés à leurs besoins, profils et moyens
et faire l’objet d’une communication juste et transparente.

Au-delà des aspects réglementaires, il est dans l’intérêt d’une entreprise de prendre en
compte les intérêts des clients: ne pas le faire reviendrait à mettre à mal sa réputation, qui est
son actif le plus précieux.

Bien des entreprises ont terni leur réputation en n’ayant pas tenu compte des intérêts de leurs
clients ou en mentant sur leurs produits et services. C’est le cas de Volswagen à la suite du
scandale sur le diésel : elle fut sanctionnée par les régulateurs et surtout perdit sa bonne
réputation auprès du grand public.

Être proactif sur la protection des intérêts clients engendrera des externalités positives pour une
entreprise : ses clients auront plus confiance en ses produits et services et n’hésiteront pas à les
référer, ce qui est la forme de marketing la plus efficace.

81
La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 8 : Traitement des comptes dormants

La loi N° 2014-0156 définit un compte dormant comme « tout compte détenu dans les livres
d’un organisme financier, qui n’a fait l’objet d’aucune intervention depuis au moins dix ans, de
la part de son titulaire ou de ses ayants droit et dont ledit titulaire et ses ayants droit ne se sont
pas manifestés sur la même période, en dépit des tentatives menées par l’organisme financier
pour entrer en contact avec eux, notamment sur la base de la documentation fournie par le
titulaire ».

Les organismes financiers ont l’obligation de chercher ces titulaires de compte au bout de la
8ème année et pendant 2 ans, comme le précise l’article 4 de la loi précitée. En l’absence de
résultats, le compte est clôturé et les fonds transférés à la BCEAO qui les gardent pendant 20
ans. Au bout de cette durée, en l’absence de manifestation du titulaire du compte ou ses ayants-
droits, il y a prescription et les fonds transférés au Trésor public.

Les comptes dormants requièrent une surveillance particulière car sujets à des risques de
fraudes. Aussi est-il important pour les organismes financiers de mettre en place un tel
dispositif, la conformité, en tant que protectrice des intérêts de la clientèle, doit y veiller :
protéger la clientèle et faire respecter les obligations réglementaires.

56
Texte de la loi http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article9965

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 9 : Approche par les risques dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme.

Le GAFI recommande l’approche par les risques pour lutter plus efficacement contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme – BC/FT. Ces recommandations sont
reprises par la loi 2018-03 du Sénégal relative à la lutte contre le BC/FT.

En d’autres termes, cela veut dire que tous les clients, tous les produits ne présentent pas les
mêmes niveaux de risque. Concrètement, cela doit se refléter dans la manière de les traiter :

-Atténuer les obligations de vigilance pour les clients ou produits qui présentent des risques
faibles (voir les articles 46 à 49 de la loi). Cela ne veut pas dire qu’on délaisse la vigilance : un
client qui présente un risque faible mais dont la transaction est atypique doit être analysé avec
attention.

-Renforcer les obligations pour les clients ou produits qui présentent des risques élevés (voir
les articles 50 à 55 de la loi). L’entrée en relation avec ces clients et leurs transactions doivent
être monitorées avec la plus grande vigilance, car présentant de plus grands risques.

L’approche par les risques est une manière plus efficiente de lutter contre le BC/FT. Aussi est-
il important que les institutions financières l’implantent. A défaut elles se disperseraient et
seraient moins efficaces pour prévenir ces deux menaces.

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 10 : Traitement des données à caractère personnel

Les entreprises qui collectent et traitent des données personnelles de leurs clients gagneraient à
sensibiliser leurs employés sur le respect de la vie privée : ces données ne peuvent et doivent
être transmises à un tiers, sans besoin légitime et sans consentement.

Un de mes amis a eu récemment la mauvaise surprise de constater que l’historique de ses appels
a été transmis à un tiers, ce qui va à l’encontre de la loi sur la protection des données à caractère
personnel.

Oui, les entreprises doivent collecter et traiter des données de leurs clients, mais elles doivent
le faire dans le respect des dispositions de la loi : « (…) pour des finalités déterminées, explicites
et légitimes et ne peuvent pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces
finalités. »

Transmettre les données d’un client à un tiers sans son consentement et sans but légitime revient
à violer son intimité. La confiance est le fuel des relations d’affaires. Traiter les données du
client dans le respect de sa vie privée contribue au développement de cette confiance. A défaut,
la vie privée disparaîtrait, ce qui est inacceptable.

Oui à la collecte et au traitement de données à caractère personnel mais dans le respect des
droits du client, notamment celui à la vie privée.

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 11 : Traitement de la monnaie électronique du point de vue AML

Comment est traitée la monnaie électronique du point de vue #compliance risques blanchiment
de capitaux et financement du terrorisme ?

« La monnaie électronique ayant vocation à être utilisée uniquement pour l'acquisition de biens
ou de services. » bénéficie d’un allègement de l’obligation de vigilance selon le point 1 de
l’article 47 de la Loi LCB/FT. Pour rappel, les articles 18 et 19 de cette loi obligent les
personnes citées aux articles 5 et 6 à une #KYC et une vigilance constante tout au long de la
relation d’affaires.

Cet allègement dont bénéficie la monnaie électronique est cependant limitée : « toutefois, dès
qu'une demande de remboursement porte sur un montant unitaire ou sur un montant global d'au
moins 600.000 CFA (..), les personnes mentionnées à l'article 5 de la présente loi sont tenues
de respecter les obligations prévues aux articles 18 et 19. »

En résumé, le législateur considère que la monnaie électronique présente de faibles risques de


blanchiment de capitaux, en ne l’excluant pas totalement. Aussi permet-il l’allègement du
dispositif tant que le seuil de 600.000 n’aura pas été atteint. C’est une manière d’encourager
son utilisation : elle participe à la hausse du taux d’inclusion financière.

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 13 : Importance de la KYC

Entreprendre une démarche KYC est une obligation #compliance pour les personnes citées aux
articles 5 et 6 de la Loi Uniforme Lutte contre le blanchiment/financement du terrorisme
(LCB/FT) 2018 et permet d’atteindre plus facilement les objectifs visés par ladite Loi.

Les articles 19 et 20 de la Loi susvisée les obligent à exercer une vigilance constante sur leur
clientèle et leurs opérations qui doivent être cohérentes avec « leurs activités commerciales,
leur profil de risque et, (…), la source de leurs revenus ».

Cette démarche KYC permet de calibrer l'intensité des mesures de vigilance envers la clientèle
et les produits, selon leurs risques LCB/FT:

- Aussi les articles 46 et 47 permettent de réduire l’intensité des mesures prévues par les articles
19 et 20 pour les clients ou produits qui présentent de faibles risques LCB/FT ;

- Dans le cas contraire, l'article 52 impose de prendre des mesures de vigilance renforcée (PPE,
correspondance bancaire, secteurs d'activités sensibles...)

Bien faire la KYC revient à mitiger les risques : c'est le maillon le plus important du dispositif
LCB/FT. Au-delà, elle est créatrice de valeur pour la ligne commerciale, permettant d'adapter
notre offre de produits et services grâce à notre parfaite connaissance de nos clients.

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
Annexe 14 : Comment bien gérer son compte bancaire ?

De plus en plus de salariés sénégalais optent pour le virement de leur salaire dans leurs comptes.
En même temps, beaucoup d’entre eux ignorent le b.a.-ba du fonctionnement d’un compte
bancaire, ce qui entraîne des erreurs évitables qui engendrent des frais.

Explications sur le chèque

Mon cousin avait postdaté un chèque. Il croyait que sa banque refuserait de payer le chèque tant
que ladite date n’arriverait pas. A sa grande surprise, le chèque revint impayé. Je lui expliquai
que le chèque est payable à vue. Supposons que j’émette un chèque le 5 janvier, chèque postdaté
le 11 janvier. Si le bénéficiaire le présente le 6 janvier, et mon compte ne dispose pas d’une
provision suffisante, le chèque se retrouvera impayé. Le Règlement 15/2002 relatif aux
systèmes de paiement dans les Etats membres de l’UEMOA dispose en son article 80 : « Le
chèque est payable à vue. Toute mention contraire est réputée non écrite. »57

Le chèque présenté au paiement avant le jour indiqué comme date d'émission est payable le
jour de la présentation. »

En résumé, une fois que le chèque est émis et remis au bénéficiaire, celui-ci peut se présenter
pour l’encaisser. Postdater un chèque est donc inutile. Aussi, pour éviter de supporter des frais
pour chèque impayé, assurons-nous que notre compte dispose d’une provision suffisante.

Une autre cause d’impayés est l’incompréhension sur les dates de valeur. Supposons que je
remette un chèque de 100 mille francs CFA le 03 janvier et en émette un autre du même montant
à la même date. Le 3 janvier représente la date de comptabilisation ou d’opération des deux
chèques. Cependant, les dates de valeur diffèrent : le 2 janvier pour le chèque émis et le 4 janvier
pour le chèque remis. Si mon compte ne dispose pas d’une provision suffisante à la date du 3

57
8-
Reglement_n_15_2002_CM_UEMOA_relatif_aux_systemes_de_paiement_dans_les_Etats_membres_de_l_UE
MOA.pdf (bceao.int) (voir page 20)

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janvier, le chèque émis reviendra impayé. Dans ce cas, nous devons contacter notre gestionnaire
de compte pour qu’il force le montant du chèque et nous éviter ainsi des frais d’impayés.

En résumé, la banque considère les dates de valeur plutôt que les dates comptables.
Généralement, pour une opération de débit, la date de valeur est égale à j-1 et pour une opération
de crédit à j+1. Pour les versements d’espèce, la date comptable équivaut à la date de valeur.

Le fonctionnement du crédit

J’entends souvent des plaintes de connaissances sur la différence entre les taux d’intérêt bas
affichés dans les panneaux publicitaires et ceux qui figurent dans le tableau d’amortissement
de leur crédit. Pour attirer le client, les banques affichent le taux qui s’applique sur l’intervalle
le plus réduit. Un principe élémentaire de la gestion de risque est que, plus l’échéance du crédit
est lointaine, plus le crédit est risqué, donc le taux d’intérêt appliqué plus élevé. En outre, un
crédit comprend des frais et autres commissions – constituant avec le taux d’intérêt et les primes
d’assurance obligatoires, le taux effectif global -, que nous pouvons négocier.

Quand nous comparons les taux d’intérêt appliqués par diverses banques, ne considérons pas le
taux d’intérêt nominal, mais plutôt le taux effectif global. Ce dernier donne une meilleure idée
du coût du crédit que le taux nominal qui est greffé de divers frais, variant selon les banques et
entraînant des TEG différents – voir le post-scriptum à propos la loi sur l’usure.

En résumé, au moment de signer le dossier de crédit, prenons la peine de poser à notre


gestionnaire de compte des questions sur ce que nous ne comprenons pas. N’hésitons pas à
comparer les conditions tarifaires de plusieurs banques et surtout négocions les frais de dossier
! Si nous disposons d’autres revenus, montrons-les au banquier pour lui prouver que notre
risque de défaut est faible.

Je possède un livre de finance très instructif, Corporate finance demystified, écrit par Troy
Adair. En lisant ce livre, je me suis rendu compte que nous pouvons adopter certaines stratégies

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La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA
pour réduire nos annuités – l’annuité est la somme de l’amortissement du crédit et des intérêts
du crédit payés à intervalles réguliers. Supposons que nous avions contracté un prêt à un taux
de 12 %. Deux ans plus tard, notre banque diminue les taux à 8 %. Nous pouvons refinancer
notre crédit afin de diminuer nos annuités. Nous supporterons des pénalités de remboursement,
mais réduirons nos annuités.

En résumé, n’hésitons pas à refinancer notre crédit quand les taux d’intérêt diminuent.

Bâtir notre indépendance financière

Une prospérité financière passe par l’épargne et une utilisation productive de nos crédits. Nous
est-il arrivé de nous demander comment nous avons dépensé l’argent de notre crédit ou ignorons
ce que nous en avons fait ? Pour éviter cela, préférons l’épargne au crédit, que nous ne devrons
utiliser qu’en cas d’urgence ou pour acquérir des biens qui croissent dans le temps – actions,
biens immobiliers, investissements dans des projets.

Adam Smith écrit à propos des intérêts dans son livre De la richesse des Nations : « Celui qui
emprunte pour dépenser sera bientôt ruiné. » Ouvrons un compte d’épargne et épargnons une
partie de notre revenu. Les virements permanents du compte chèque vers le compte d’épargne
sont gratuits.

En résumé, épargnons une partie de notre revenu, cela nous permettra de faire face aux imprévus
sans forcément demander un crédit ou un découvert – dont les intérêts se rapprochent du taux
usurier de la BCEAO – voir le post-scriptum sur la loi sur l’usure.

Une stabilité financière passe par connaître la subtilité du système bancaire, éviter les erreurs
basiques qui engendrent des frais évitables. Pour atteindre notre indépendance financière, nous
devons épargner, budgétiser et envisager un crédit qu’en dernier recours. A défaut, nous serons
pris dans un engrenage de difficultés financières qui nous éloignera de l’indépendance
financière. Il est toujours possible de créer les conditions pour passer de difficultés financières

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à indépendance financière. Cela passe par l’organisation, la rigueur dans les dépenses,
l’investissement.

Post-scriptum : C’est une excellente loi que celle votée à l’Assemblée Nationale du Sénégal
relative à la répression de l’usure, surtout l’obligation pour les institutions financières de
mentionner dans les contrats de crédit le taux annuel effectif global - TAEG.

Pour les personnes n’ayant pas une connaissance financière, le taux nominal du crédit peut être
attrayant. Cependant, elles ne savent pas que le plus important dans un crédit est le TAEG, qui
inclut frais et commissions… ; aussi sont-elles souvent surprises de payer des mensualités plus
élevées qu’elles n’avaient prévu. Cette loi contribuera à la transparence dans les l’octroi de
prêts.

Je milite pour que des cours de finance soient introduits à l’école. Je suis souvent surpris de
voir des personnes ignorant qu’il ne sert à rien de postdater un chèque, car payable à vue, ce
qui entraîne des incidents de paiement et l’interdiction bancaire.

L’illettrisme financier est dangereux. Une amie entrepreneure faisait des bénéfices mais ne
parvenait pas à payer ses dettes. Quand j’analysai ses états financiers, je me rendis compte
qu’elle vendait beaucoup à crédit, ce qui gonflait son bénéfice sans lui donner de la trésorerie.
Aussi lui suggérai-je d’être plus agressif dans le recouvrement parce que vente n’équivaut pas
à entrée d’argent.

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