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La théorie des Relations industrielles a été fondée par des économistes du National
Labor Relation Board (NLRB), agence gouvernementale chargée de superviser le
fonctionnement du système américain de négociation collective, instauré par la loi Wagner
(Wagner act) en 1935 pendant la période du New Deal. Un cadre théorique opérationnel leur
était nécessaire pour représenter les pratiques qu’ils étaient en charge d’encadrer. Ils ont eux-
mêmes qualifié ce cadre de « théorie néo-réaliste » des relations du travail.
L’ouvrage fondateur de John Dunlop 1 inaugure la création du champ interdisciplinaire
des Relations industrielles, dont l’objectif est de rendre plus réaliste l’analyse du marché du
travail. L’outillage théorique proposé s’inspire de la théorie des systèmes de Talcott Parsons.
Dunlop propose de reconsidérer le marché du travail à travers le prisme d’un système de
relations industrielles. Ce dernier désigne « l’ensemble des règles de travail » inhérents à la
société industrielle qui se développe au cours des Trente glorieuses aux Etats-Unis. Importé
en Europe sur le tard, le terme de Relations industrielles y a parfois été remplacé par celui de
Relations professionnelles, à l’heure où la tertiairisation s’est étendue dans les sociétés post-
industrielles.
Dans le cadre théorique de Dunlop, le système de relations industrielles est un sous-
système du système social. Il interagit avec d’autres sous-systèmes, tels que le système
économique, le système technique et le système politique. Le système de relations
industrielles est composé d’acteurs, produisant des règles dans un environnement donné.
Les acteurs sont les travailleurs et leurs organisations syndicales, les employeurs et
leurs organisations patronales, l’État et ses agences gouvernementales. Ils partagent une
idéologie commune, renvoyant à la représentation que chaque acteur se fait de son rôle (et
du rôle des autres) dans le système.
. Les règles substantives (« substantive rules »), renvoyant au contenu des règles de salaire et
d’emploi (mode de rémunération, taux d’augmentation des salaires, durée du travail,
conditions de travail, protection de l’emploi, règles de licenciement, etc.)
. Les règles procédurales (« procedural rules »), renvoyant à la forme prise par la fixation des
règles de contenu, selon que leur détermination transite par la loi, la négociation collective ou
le contrat.
Le contenu des règles fixées est étroitement influencé par l’environnement du système
de relations industrielles. L’environnement est représenté par les systèmes politique,
technique et économique. La thèse défendue par Dunlop est celle d’une convergence des
règles substantives produites dans les systèmes de relations industrielles à environnement
comparable.
Des travaux ultérieurs dans le champ des relations industrielles amenderont ce cadre
d’analyse, jugé excessivement déterministe, pour tenir compte des stratégies d’acteurs 2. De
nombreuses monographies mettent ainsi en évidence que des entreprises, situées dans un
environnement comparable, peuvent adopter des stratégies de gestion des ressources
humaines différentes. Ces stratégies exercent en retour une influence sur l’environnement
lui-même. Des enquêtes de terrain ont également comparé les règles négociées dans les
entreprises où les syndicats sont présents avec les règles produites dans le secteur non
syndicalisé.
. Le principe de représentativité est celui en vertu duquel l’État désigne les organisations
professionnelles habilitées à négocier les accords collectifs (l’un des critère pris en compte
étant le rôle de ces organisations pendant la Résistance). Contrairement au système anglo-
saxon, les syndicats n’avaient donc pas, à cette époque, à construire de rapport de force sur
le lieu de travail pour établir la preuve de leur représentativité aux yeux de l’employeur. Ceci
explique en partie le faible taux de syndicalisation français, observable dès cette période,
2 T. Kochan, H. Katz, R. McKersie, The Transformation of American Industrial Relations, Basic Books, 1986.
malgré l’influence des syndicats et leur capacité à déclencher fréquemment des grèves, dont
la durée et l’étendue ont toutefois décliné à partir des années 1980.
La conséquence du principe de représentativité est qu’un accord de branche, signé par
l’un des cinq syndicats reconnus représentatifs par l’État, s’applique à toutes les entreprises
de la branche, même lorsqu’aucune section syndicale n’est présente dans les entreprises de
cette branche.
. Le principe de faveur définit une hiérarchie des normes en droit du travail : un accord collectif
négocié au niveau de l’entreprise doit toujours s’avérer plus favorable aux salariés qu’un
accord de branche, qui doit lui-même être plus favorable que la loi. Le principe de faveur s’est
imposé à travers diverses dispositions existantes dans le Code du travail, bien qu’il n’y figure
pas explicitement et qu’il repose sur la jurisprudence : en cas de conflit de normes, c’est la
norme la plus favorable aux salariés qui s’applique.
Les lois Auroux de 1982 ont promu la négociation d’entreprise (sur les salaires et le
temps de travail – sans obligation de conclure) dans le respect du principe de faveur, la
conclusion d’accords sur le lieu de travail devant s’avérer plus favorables aux salariés.