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1 Luxations carpométacarpiennes
2 M. Ebelin, M. Soubeyrand, R. Idrissi

3 Les luxations carpométacarpiennes sont rares, notamment aux quatre doigts longs, et font suite à des
4 traumatismes en règle violents du sujet jeune. Elles engagent le pronostic fonctionnel de la main, surtout
5 pour la colonne du pouce où la mobilité carpométacarpienne est sollicitée quelle que soit la prise. La
6 luxation traumatique trapézométacarpienne est le plus souvent postéroexterne. Son diagnostic, évoqué
7 devant le type de traumatisme, l’impotence et la déformation du pouce, est confirmé par l’examen
8 radiologique. À l’origine d’instabilité de la première colonne, elle est potentiellement génératrice de
9 rhizarthrose. Le traitement d’une luxation fraîche est controversé entre le traitement orthopédique, la
10 réparation chirurgicale et la Iigamentoplastie d’emblée, qui devient à terme incontournable dans les
11 instabilités anciennes non arthrosiques. Pour les quatre doigts longs, on distingue les luxations
12 spatulaires isolées, partielles et complètes où les lésions associées de type fracture-arrachement sont
13 fréquentes. Dans les formes récentes, le diagnostic est le plus souvent radiographique et le traitement en
14 urgence vise à réduire la luxation et à la stabiliser, au besoin par voie sanglante. Dans les formes
15 anciennes symptomatiques, l’arthrodèse carpométacarpienne est la seule solution, sauf pour le
16 cinquième rayon où des interventions de résection arthroplastique ou d’arthroplastie stabilisée ont été
17 proposées pour préserver sa mobilité.
18 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

19 Mots clés : Luxations carpométacarpiennes ; Luxation trapézométacarpienne

20 Plan Elle intéresse en règle le sujet jeune, et son diagnostic est en 46


21 principe facile, d’abord clinique puis radiologique. À l’origine 47

22 ¶ Introduction 1
d’instabilité de la première colonne, elle est potentiellement 48
génératrice de rhizarthrose secondaire. Le traitement d’une 49
23 ¶ Luxation trapézométacarpienne 1 luxation fraîche reste controversé, les auteurs étant divisés entre 50
24 Anatomie 1 les tenants du traitement orthopédique et ceux de la réparation 51
25 Physiopathologie et classification 2 ligamentaire chirurgicale, voire de la ligamentoplastie d’emblée. 52
26 Formes récentes 3
27 Formes anciennes 3
28 ¶ Luxations carpométacarpiennes des doigts longs 5 Anatomie 53
29 Anatomie 5
L’articulation TM joue un rôle fondamental dans l’orientation 54
30 Physiopathologie et classification 5
spatiale et donc l’opposition du pouce. C’est une articulation 55
31 Formes récentes 7
constituée de deux surfaces en forme de selle situées l’une sur 56
32 Formes anciennes 9
le trapèze, l’autre sur la base de M1. Celles-ci ne peuvent 57
33 ¶ Conclusion 10 s’emboîter que grâce à une rotation de 90° de l’une par rapport 58
34 à l’autre, faisant coïncider la courbure convexe de l’une avec la 59
courbure concave de l’autre. 60
L’articulation TM est constituée d’une capsule lâche mais 61
35 ■ Introduction renforcée par une structure ligamentaire décrite comme com- 62
plexe [1], mais que l’on peut schématiser en quatre ligaments 63
36 Les luxations (ou disjonctions) carpométacarpiennes (CM)
principaux [2, 3] (Fig. 1) dont les trois ligaments TM vrais : 64
37 sont moins rares dans l’interligne trapézométacarpien (TM)
• le ligament collatéral radial tendu du tubercule dorsoradial du 65
38 qu’aux quatre doigts longs, et correspondent quelle qu’en soit
trapèze à la base de M1 ; 66
39 la variété à des traumatismes violents. Le pronostic fonctionnel
40 est plus réservé pour la colonne du pouce, où la mobilité CM • le ligament dorsal oblique qui naît du tubercule dorso- 67
41 est sollicitée quelle que soit la prise. ulnaire du trapèze, cravate la base de celui-ci en passant la 68
première commissure, et se termine sur le tubercule palmaire 69
et ulnaire de la base de M1 ; 70
42 ■ Luxation trapézométacarpienne • le ligament palmaire oblique reliant le tubercule palmaire de 71
la base de M1 au trapèze ; 72
43 La luxation traumatique TM reste rare comparée aux fractures • le ligament de suspension de la base de M1 ou ligament 73
44 de la base du premier métacarpien (M1), le nombre de cas intermétacarpien, tendu entre le tubercule palmaire de M1 et 74
45 rapportés par série dépassant exceptionnellement la quinzaine. la base du deuxième métacarpien (M2). 75

Appareil locomoteur 1
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Figure 1. Ligaments de l’articulation trapézométacarpienne.


A. Vue dorsale.
B. Vue palmaire.1. Ligament intermétacarpien ; 2. ligament collatéral
radial ; 3. ligament dorsal oblique ; 4. ligament palmaire oblique ;
5. abductor pollicis longus ; 6. extensor carpi radialis longus (R1) ; 7.
flexor carpi radialis.

Figure 3. Luxation trapézométacarpienne isolée.

Figure 2. Luxation trapézométacarpienne.


A. Variété postéroexterne.
B. Variété antéroexterne.

76 Les contraintes imposées à la TM sont importantes (d’où


77 l’importance de ces stabilisateurs ligamentaires passifs), et il
78 convient de rappeler que la pince pouce-index réalisant une
79 pression pulpaire distale de 1 kg applique une force de 10 kg sur
80 l’articulation TM, certaines prises pouvant même entraîner
81 120 kg de contrainte sur la base du pouce [4]. Figure 4. Luxation trapézométacarpienne réduite et instable avec
fracture parcellaire du trapèze.
82 Physiopathologie et classification
83 Latéralisée et hypermobile, l’articulation TM est beaucoup anatomique, et correspond à une rupture du ligament intermé- 95
84 plus vulnérable aux contraintes luxantes que les articulations tacarpien [6]. La luxation antéroexterne, plus rare, serait due à la 96
85 CM des doigts longs. Le mécanisme lésionnel (Fig. 2) est rupture associée du ligament palmaire oblique. Un seul cas de 97
86 souvent difficile à préciser [5] : déplacement interne est rapporté dans la littérature [7]. 98
87 • soit traumatisme direct par choc sur l’éminence thénar Les lésions associées, outre la fracture parcellaire de la base de 99
88 repoussant M1 en arrière et en dehors ; M1 de type « fracture-luxation de Benett » sortant de notre 100
89 • soit mécanisme indirect par compression axiale sur M1 en sujet, correspondent soit à des microarrachements osseux 101
90 rétropulsion ou par cisaillement commissural (accident de témoins des dégâts capsuloligamentaires, soit à une fracture du 102
91 volant ou de guidon de vélo) contraignant M1 de dedans en trapèze (verticale ou en coin [8]) (Fig. 4), soit à des lésions 103
92 dehors, ce mécanisme semblant en pratique le plus fréquent. étagées de la colonne du pouce (entorse ou luxation associée, 104
93 Ainsi, la luxation TM est le plus souvent postéroexterne métacarpophalangienne avec « premier métacarpien flottant » [9] 105
94 (Fig. 3), la base de M1 saillant en arrière dans la tabatière ou interphalangienne [10]). 106

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Figure 5. Techniques de brochage oblique tra-


pézométacarpien (A) et intermétacarpien (B).

107 Formes récentes (Fig. 5), longitudinal transfixiant la TM selon Wiggins [13] ou de 157
préférence intermétacarpien à la manière d’Iselin [14], complété 158
108 Diagnostic par une attelle commissurale. 159
109 Le diagnostic de luxation TM reste souvent clinique, évoqué Les différentes ligamentoplasties que certains proposent 160
110 devant une déformation en dos de fourchette de la TM (signe même en urgence sont détaillées dans les instabilités chroni- 161
111 de Tillaux, in [11]) et une impression de piston lors de la traction ques (cf. infra). 162
112 sur la colonne du pouce. Le type de traumatisme, l’examen du
113 pouce controlatéral et la sensation d’instabilité de la TM Indications 163
114 orientent d’emblée le diagnostic, confirmé par l’examen
En dehors de la luxation réduite et stable, alors indication 164
115 radiologique.
d’une simple immobilisation contrôlée régulièrement pendant 165
116 Examinée avec retard, la luxation entraîne un œdème volu-
117 mineux de la base du pouce effaçant la saillie de la base de M1, les 6 semaines de contention stricte, la sécurité impose de 166

118 qui impose de toute façon un bilan radiographique. Celui-ci pratiquer le plus souvent un brochage en réduction de la TM, 167
119 doit comprendre des incidences spécifiques de face et de profil complété par un gantelet en résine ou une attelle commissurale 168
120 vrais de la TM, répondant à des critères stricts de réalisation [12] : pour une durée totale d’immobilisation de 6 semaines. 169
121 • le cliché de face est pratiqué avant-bras et main reposant sur Alors que certains prônent la réalisation d’une ligamentoplas- 170
122 leur bord cubital, poignet porté en légère pronation et tie d’emblée [15], nous ne la pratiquons qu’en cas d’instabilité 171
123 extension de 15°. Le cliché est réalisé lorsque le plan de postréductionnelle franche, d’irréductibilité ou de récidive de la 172
124 l’ongle du pouce est parallèle à celui de la table. De la sorte, luxation au cours de la surveillance du traitement orthopédique. 173
125 les trois pièces de la colonne du pouce sont vues strictement Le type de ligamentoplastie est alors fonction du type d’insta- 174
126 de face et les sésamoïdes métacarpophalangiens se projettent bilité résiduelle (postéroexterne, externe pure, antéroexterne). 175
127 de façon symétrique sur la tête métacarpienne ;
128 • le cliché de profil est réalisé poignet en extension de 20° dans Résultats 176
129 le prolongement du bord radial de l’avant-bras, main en Si elles sont correctement réduites et en règle stabilisées par 177
130 pronation et avant-bras posé sur la table. Les deux phalanges brochage, les résultats même à long terme [16, 17] des luxations 178
131 du pouce sont alors vues de profil, les deux sésamoïdes sont TM sont favorables aux bilans clinique (douleur, mobilité et 179
132 superposés et la ligne articulaire de M1 est régulièrement
force) et radiographique. 180
133 concave, correspondant à la ligne convexe de la face
134 trapézienne.
135 Ces deux incidences perpendiculaires sont nécessaires et Formes anciennes 181
136 suffisantes pour objectiver la luxation et rechercher une fracture
137 associée (fracture du trapèze, microarrachement Diagnostic 182
138 ostéoligamentaire).
139 Les radiographies dynamiques sont inutiles aux urgences, La luxation invétérée TM est exceptionnelle, nécessitant 183
140 mais sont pratiquées systématiquement au bloc opératoire et réduction par voie sanglante, stabilisation par brochage inter- 184
141 sous scopie après réduction pour rechercher une instabilité au métacarpien et ligamentoplastie complémentaire de principe. En 185
142 testing clinique en hyperabduction, rétropulsion et flexion- revanche, l’instabilité ou la subluxation TM post-traumatiques 186
143 compression axiale. sont plus fréquentes, génératrices d’arthrose à moyen et à long 187
144 Scanner ou mieux arthroscanner comprenant des coupes terme conséquence d’une insuffisance de réduction ou de 188
145 longitudinales ne sont utiles que dans les instabilités chroniques stabilisation initiale. 189
146 et n’ont pas de justification en urgence. Cliniquement, le symptôme principal est la douleur de 190
l’articulation TM survenant dans les pinces pollicidigitales, en 191
147 Traitement particulier dans la tenue des petits objets, associée à une 192
148 Méthodes et conduite à tenir diminution de la force de serrage de la main. Le bilan radiolo- 193

La luxation est presque toujours réductible à foyer fermé, gique centré peut être normal ou montrer une simple subluxa- 194
149
150 parfois sur les lieux mêmes de l’accident ou aux urgences, mais tion de la TM, de toute façon majorée par les clichés 195
151 de préférence au bloc opératoire sous anesthésie. Cette réduc- dynamiques comparatifs de l’articulation. 196
152 tion doit être contrôlée sous scopie, ce qui permet de démas- Le scanner ou l’arthroscanner avec coupes longitudinales 197
153 quer une instabilité franche au testing dynamique. peuvent être utiles mais ne sont pas systématiques, permettant 198
154 La contention est alors assurée soit par un simple gantelet de d’apprécier l’étendue des lésions capsuloligamentaires, une 199
155 type résine immobilisant la colonne du pouce jusqu’à l’inter- éventuelle dégradation cartilagineuse et l’existence de lésions 200
156 phalangienne non comprise, soit par un brochage percutané ostéochondrales. 201

Appareil locomoteur 3
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Figure 6. Ligamentoplastie d’Eaton-Littler. 1. Plan de l’ongle ; 2. direction du tunnel.

202 Traitement
203 Au stade d’instabilité non arthrosique, l’indication d’une
204 ligamentoplastie de stabilisation ne se discute pas. Trois
205 procédés sont plus fréquemment utilisés.
206 Technique d’Eaton-Littler
207 C’est la technique la plus courante [18], utilisant la moitié du
208 tendon du flexor carpi radialis (FCR) prélevé sur 10 à 12 cm de
209 l’avant-bras et gardant son insertion distale sur la base de M2
210 (Fig. 6).
211 L’articulation TM est abordée par une incision de type Gedda-
212 Moberg [19] , longitudinale le long du bord externe de M1,
213 s’incurvant en proximal vers le poignet le long du bord externe
214 du FCR. Par voie sous-périostée, la partie antérieure de la base
215 de M1 et la capsule articulaire TM sont exposées, et un tunnel
216 transosseux est foré dans la base de M1 perpendiculairement au
217 plan de l’ongle du pouce. La languette tendineuse de FCR est
218 introduite de dedans en dehors dans ce tunnel transosseux puis Figure 7. Ligamentoplastie de Brunelli. 1. Abductor pollicis longus.
219 classiquement passée sous l’abductor pollicis longus (APL) pour
220 cravater alors le FCR laissé en place et être enfin retournée vers
221 la base de M1. La mise en tension de la plastie est réalisée après
222 positionnement de M1 en opposition et stabilisation de la
223 colonne du pouce par un brochage intermétacarpien corrigeant
224 la subluxation de M1. Après fixation du transplant, l’immobili-
225 sation postopératoire par broche et attelle commissurale de
226 complément est conservée de 5 à 6 semaines.
227 Ligamentoplastie de Brunelli
228 Elle utilise un faisceau du tendon APL (Fig. 7) prélevé par une
229 voie d’abord longitudinale dans la tabatière anatomique [20]. S’il
230 existe comme cela est habituel à ce niveau plusieurs languettes
231 tendineuses de l’APL, c’est la principale qui est utilisée, alors
232 que s’il n’existe qu’un seul tendon celui-ci est divisé longitudi-
233 nalement pour en prélever la moitié. Ce transplant est sectionné
234 à 6 cm en amont de son insertion distale puis récupéré en aval
235 de sa coulisse ostéofibreuse. Un tunnel transosseux est préparé
236 à la mèche à travers la base de M1, parallèle à sa surface
237 articulaire donc au plan de l’ongle du pouce et dirigé vers la
238 base de M2. Une contre-incision est faite au point d’émergence Figure 8. Ligamentoplastie de Pequignot-Allieu.1. Extensor pollicis lon-
239 de la mèche en dehors de M2. Le transplant de l’APL est alors gus ; 2. extensor carpi radialis brevis ; 3. extensor carpi radialis longus ;
240 tunnellisé avec un passe-fil puis suturé (en réduction et stabili- 4. artère radiale ; 5. abductor pollicis longus.
241 sation de la TM) au périoste de M2 et à l’aponévrose interos-
242 seuse avoisinante. La colonne du pouce est maintenue en
243 opposition par un brochage intermétacarpien complété par une Typiquement, l’incision dorsale en « V » permet un abord 249
244 attelle commissurale, tous deux gardés de 5 à 6 semaines. large de la TM. L’APL, souvent plurifasciculé, est désinséré pour 250
un de ses faisceaux puis dorsalisé en transosseux sur la partie 251
245 Ligamentoplastie de Péquignot-Allieu médiane de la base de M1. Le fragment prélevé aux dépens de 252
246 Plus rarement utilisée, elle consiste à prélever une languette l’ECRL est décroisé du paquet vasculaire radial et passé 253
247 de l’extensor carpi radialis longus (ECRL) (Fig. 8) servant de au-dessous de l’extensor pollicis longus (EPL), suivant ainsi le 254
248 poulie de réflexion au tendon de l’APL dorsalisé [21]. trajet du faisceau ligamentaire intermétacarpien. Cette plastie 255

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256 entoure la partie dorsale de l’articulation en passant au-dessous grand os et par ses faces latérales avec M2 et M4 ; la base de 307
257 du tendon de l’APL transloqué pour être ensuite amarrée en M4 s’articule par sa face supérieure à l’os crochu et au grand os, 308
258 tension à la capsule latérale et aux faisceaux restés en place de et latéralement à M3 et M5 ; pour M5, sa base convexe dans le 309
259 l’APL. sens dorsopalmaire répond à la face concave de l’os crochu, 310
260 Ainsi, l’abducteur dorsalisé assure la congruence articulaire avec fréquemment une facette complémentaire pour le grand 311
261 alors que le transplant de l’ECRL joue le rôle de « verrou » et os ; par une facette médioradiale, elle s’affronte à M4, empê- 312
262 surtout de poulie de réflexion active du tendon dorsalisé. chant toute inclinaison radiale. La solidarisation de l’ensemble 313
263 L’immobilisation complémentaire de la TM est identique à celle des métacarpiens est assurée par une enveloppe capsuloIiga- 314
264 des deux autres ligamentoplasties. mentaire à la fois épaisse et courte leur autorisant peu de 315
265 Indications mobilité : 316
• à la face antérieure des métacarpiens moyens, celle-ci com- 317
266 Le type d’instabilité et plus précisément sa direction condi-
prend des ligaments palmaires minces et un très fort ligament 318
267 tionnent le procédé de ligamentoplastie à utiliser, l’indication
qui part de la crête du trapèze et rejoint obliquement M2 et 319
268 chirurgicale étant formelle pour prévenir la survenue d’une
269 rhizarthrose post-traumatique : M3. De manière identique part du grand os un ligament qui 320
270 • l’instabilité postéroexterne, la plus fréquente, due principale- s’épanouit en trois branches vers M2, M3 et M4. À la face 321
271 ment à la rupture du ligament intermétacarpien, est une palmaire de M5, un assemblage ligamentaire en triangulation 322
272 indication de plastie d’Eaton-Littler au FCR, puisque la constitué par les ligaments pisi- et uncimétacarpiens absorbe 323
273 direction du transplant reproduit celle du ligament lésé, les principales contraintes lors de l’aplatissement de l’arche 324
274 perpendiculaire au plan de l’ongle ; métacarpienne ; 325
275 • l’instabilité externe ou radiale pure est une indication de • à leur face dorsale, la capsule est plus épaisse, courte, solide 326
276 ligamentoplastie d’Eaton-Littler ou de renforcement selon et doublée par les tendons terminaux des muscles radiaux. En 327
277 Péquignot-Allieu ; regard de M5, un fort ligament postéro-interne est tendu 328
278 • l’instabilité antéroexterne secondaire à une lésion de l’appa- entre l’os crochu et la base de M5 ; 329
279 reil ligamentaire antérieur justifie une ligamentoplastie de • les ligaments intermétacarpiens (ou interosseux) unissent les 330
280 type Brunelli, où l’axe du transplant est parallèle au plan bases articulaires des métacarpiens ; leur intégrité est un 331
281 unguéal. facteur de stabilité réductionnelle. 332
282 Tardivement, au stade de rhizarthrose post-traumatique Ces stabilisateurs passifs sont renforcés par les tendons du 333
283 évoluée, l’indication opératoire et la technique chirurgicale poignet qui verrouillent activement les articulations CM en les 334
284 appropriée rejoignent celle des rhizarthroses primitives (trapé- pontant : 335
285 zectomie, implant ou arthrodèse TM). • sur le versant radial : flexor carpi radialis (FCR), extensor carpi 336
radialis longus (ECRL) et extensor carpi radialis brevis 337
(ECRB) ; 338
286 ■ Luxations carpométacarpiennes • sur le versant cubital : flexor carpi ulnaris (FCU) et extensor 339
287 des doigts longs carpi ulnaris (ECU). 340
Parmi les éléments anatomiques menacés par voisinage, la 341
288 Les lésions des articulations CM des doigts longs sont rares branche profonde du nerf ulnaire (ou nerf cubital) peut être 342
289 (quelques centaines de cas recensés dans la littérature) et comprimée ou étirée du fait de sa proximité, qu’il s’agisse d’une 343
290 souvent méconnues [22, 23]. La fréquence des luxations intéres- luxation palmaire [28] ou dorsale [29] de la base de M4 ou M5. 344
291 sant l’interligne CM est ainsi de 1 % à 2 % de l’ensemble des Les quatre derniers métacarpiens unis entre eux par leur base 345
292 traumatismes du poignet et du carpe. forment une voûte qui prolonge la concavité palmaire de la 346
293 Les premières observations remontraient à Cooper et Roux au
e gouttière carpienne. Les articulations CM des doigts forment la 347
294 XIX siècle. Masquelet et al. [24] colligent 215 observations
base de l’arche transversale métacarpienne de la main dont le 348
295 publiées jusqu’en 1986, dont la plupart sous forme de cas isolés.
pivot central (M2-M3 qui s’articule avec le trapézoïde et le 349
296 Enfin, les séries les plus nombreuses reviennent à Guimaraes et
al. [25] (26 cas), Gerard et al. [26] (30 cas) et Gangloff et al. [27] grand os) est stable. La fixité du bloc M2-M3 s’oppose à la 350
297
298 (31 cas). relative mobilité de M4-M5, laquelle permet de 10° à 20° de 351
flexion-extension et de 15° à 20° de supination de l’auriculaire 352
lors de son opposition avec le pouce. Cette mobilité, bien que 353
299 Anatomie modeste, entraîne une certaine convergence du cinquième 354
300 Les trois métacarpiens moyens (M2, M3, M4) sont unis au rayon lors des prises pollicidigitales et un creusement antérieur 355
301 carpe par des interlignes en créneaux relevant d’un emboîte- de la paume, verrouillant les prises fortes ou cylindriques. Toute 356
302 ment réciproque serré (CM et intermétacarpien) et donc atteinte CM retentit ainsi sur la chaîne digitale d’aval, une 357
303 architecturalement stable (Fig. 9). Ces articulations communi- luxation négligée laissant persister un raccourcissement ou une 358
304 quent entre elles et avec l’articulation CM du cinquième rayon. déviation angulaire du métacarpien, et donc du doigt 359
305 La base de M2 s’articule par trois facettes aux trapèze, trapézoïde correspondant. 360
306 et grand os ; celle de M3 s’articule par sa face supérieure avec le
Physiopathologie et classification 361

Mécanisme 362

La désorganisation de l’emboîtement articulaire CM suppose 363


un traumatisme violent. On lui reconnaît deux mécanismes 364
principaux : 365
• direct : la force est appliquée directement sur la base des 366
métacarpiens (luxation dorsale ou palmaire selon le sens du 367
vecteur) ; 368
• indirect : la force est appliquée en regard des têtes de méta- 369
carpiens, provoquant une luxation de leur base. 370
Plus rarement, une brusque réduction du diamètre transversal 371
Figure 9. Interligne carpométacarpien. 1 à 5. Premier au cinquième de l’arche métacarpienne ou un choc sur le bord cubital de la 372
métacarpien ; 6. os crochu (hamatum) ; 7. grand os (capitatum) ;
main peut être à l’origine de l’expulsion dorsale des bases 373
8. trapézoïde ; 9. trapèze.
métacarpiennes. 374

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Figure 10.
A. Luxation dorsale de M5.
B. Fracture-luxation de la base de M5.
C. Luxation dorsale de M4 et M5.
D. Luxation dorsale de M2.

375 Classification lésionnelle représentant à l’inverse 35 % de l’ensemble des luxations CM 404


[30]
pour d’autres. Elles s’accompagnent fréquemment d’une fracture 405
376 La plus employée reste celle de Costagliola et al. qui diaphysaire du métacarpien correspondant ou adjacent. Toutes 406
377 individualise les lésions columnaires pour la colonne du pouce les combinaisons sont possibles (Fig. 11), mais on observe 407
378 et spatulaires des quatre doigts longs. Elles sont alors classées principalement les associations M2-M3 (environ 30 % des 408
379 selon leur siège et leur nombre, puis selon leur déplacement et cas [35]) et surtout M4-M5 (45 % des cas) (Fig. 12), ces dernières 409
380 leur nature (ligamentaire pure ou ostéoligamentaire). étant presque toujours dorso-ulnaires [36] mais pouvant être 410
381 Luxations spatulaires isolées (30 % des cas) également divergentes [37] . La fracture parcellaire souvent 411
présente de la base métacarpienne (M4 et/ou M5) est parfois 412
382 Elles intéressent un seul métacarpien (essentiellement M2 ou remplacée par celle de l’os crochu. 413
383 M5), et l’on distingue en fonction du déplacement :
384 • les luxations dorsales (Fig. 10), les plus fréquentes [31], qui Luxations spatulaires complètes (35 % des cas) 414
385 sont presque toujours des fractures-luxations de M5 : la force
Elles sont plus fréquemment dorsales que palmaires ou 415
386 longitudinale du choc détache le M5 et la partie interne de
divergentes [38], et nécessitent des traumatismes à haute énergie. 416
387 la base qui est attachée au cubital postérieur (ECU). La partie
Ainsi, elles concernent le plus souvent des hommes jeunes lors 417
388 externe reste solidarisée à M4 par les puissants ligaments
d’un accident de deux roues : le violent impact palmaire des 418
389 interosseux. Le déplacement est accentué par la traction de
métacarpiens contre le manche du guidon produit une 419
390 l’ECU et du FCU par l’intermédiaire du ligament pisométa-
contrainte à haute énergie sur la base des métacarpiens, qui 420
391 carpien. La traction de l’abductor digiti minimi (ADM)
rompt les ligaments CM palmaires puis dorsaux et entraîne la 421
392 contribue également à l’instabilité de cette fracture-luxation ;
luxation dorsale [39]. Elles s’accompagnent souvent de fractures 422
393 • les luxations palmaires qui supposent un traumatisme violent
des métacarpiens [40] ainsi que de lésions des parties molles 423
394 et se subdivisent selon le déplacement en luxations palmocu-
(50 % des cas) : ouverture cutanée, lésion de la branche posté- 424
395 bitales de réduction aisée à foyer fermé et luxations palmora-
rieure motrice du nerf ulnaire ou de l’arcade palmaire 425
396 diales difficiles à réduire en raison de la saillie de l’apophyse
superficielle. 426
397 unciforme de l’os crochu qui fait obstacle à la réduction et
398 peut même être fracturée [32] ;
Lésions associées 427
399 • la disjonction ulnaire de M5 est quant à elle exception-
400 nelle [33]. Parmi elles, en dehors des lésions ostéocartilagineuses quasi 428
constantes de l’interligne luxé qui compromettent à terme le 429
401 Luxations spatulaires partielles résultat fonctionnel final, la luxation simultanée de la TM est 430
402 Leur fréquence est diversement appréciée par les auteurs : exceptionnelle et l’on parle alors de luxation columnospatulaire 431
403 beaucoup plus rares que les spatulaires isolées pour certains [34], totale ou partielle. Elle est alors habituellement associée à des 432

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Luxations carpométacarpiennes ¶ 14-046-D-10

Figure 11.
A. Luxation spatulaire palmaire partielle de M4
et M5.
B. Luxation spatulaire palmaire partielle de M2
et M3.

Figure 12. Luxation dorsale des trois rayons médians.


A. Déformation clinique.
B. Radiographie de face.
C. Cliché de profil.

433 fractures des phalanges proximales, des métacarpiens ou du Les radiographies du poignet de face et de profil ne sont pas 445
434 carpe témoignant de la violence du traumatisme générateur. toujours suffisantes. Sur le cliché de face en incidence paume- 446
plaque, les articulations carpométacarpiennes sont normalement 447
435 Formes récentes bien visibles sans superposition, alors qu’en cas de luxation 448
celui-ci montre la disparition de l’interligne carpométacarpien 449
436 Diagnostic correspondant (Fig. 13) ainsi que la perte de convergence 450

437 La douleur et l’impotence fonctionnelle sont constantes. La anatomique des quatre axes métacarpiens longitudinaux vers la 451

438 déformation n’est présente que dans les traumatismes vus métaphyse radiale inférieure [41]. L’incidence de profil (strict sur 452
439 précocement en raison de l’importance de l’œdème qui apparaît planchette) permet théoriquement de déceler un défaut d’ali- 453
440 rapidement et efface dès lors tout relief. La palpation doulou- gnement entre métacarpiens et deuxième rangée des os du 454
441 reuse de l’interligne carpométacarpien est sans spécificité. La carpe (matérialisée par le grand os) mais ne montre pas directe- 455
442 recherche de complication immédiate, en particulier nerveuse, ment les interlignes du fait des superpositions. 456
443 est systématique : compression de la branche motrice ulnaire ou Ce bilan est en pratique optimisé par des trois quarts variant 457
444 du nerf médian. la pronosupination du poignet : l’interligne CM2 est dégagé 458

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Figure 13. Luxation dorsale des quatrième et cinquième métacarpiens.


A. Radiographie de face.
B. Cliché de trois quarts.
C. Brochage après réduction.

Figure 15. Scanner (coupe sagittale) mettant en évidence une fracture


parcellaire de la base de M3 après luxation carpométacarpienne.

tridimensionnel [42]) permettrait au mieux d’analyser le type de 467


luxation et de mettre en évidence d’éventuelles fractures ou 468
lésions ostéochondrales associées (Fig. 15). 469

Traitement 470

Méthode et conduite à tenir 471


Le traitement doit être réalisé rapidement pour permettre la 472
réduction et la stabilisation de la luxation et éviter la compres- 473
sion vasculonerveuse ou la souffrance cutanée majorée par 474
Figure 14. Luxation spatulaire palmaire partielle des trois rayons
l’œdème. 475
médians associée une fracture diaphysaire comminutive de M5.
La réduction peut être obtenue à foyer fermé par simple 476
traction dans l’axe ou par l’utilisation d’un doigtier japonais 477
complétée par une pression manuelle directe sur la base du ou 478
des métacarpiens concernés. Elle est suivie d’une immobilisation 479
459 avec 20° de supination, l’interligne CM5 avec 15° de pronation ; plâtrée si la lésion est stable (plâtre circulaire fendu, poignet en 480
460 l’incidence à 45° de pronation dégage au mieux le prolonge- légère extension, métacarpophalangiennes fléchies à 45°) pour 481
461 ment des lésions en cas de fracture de la base de M4 associée à une durée de 4 à 6 semaines. L’œdème empêchant un modelage 482
462 une luxation de M5. Ces différents clichés permettent de parfait, ce plâtre doit, dès sa résorption, être remplacé par un 483
463 rechercher en outre des fractures parcellaires ou diaphysaires des dispositif en résine. Les contrôles radiologiques sont hebdoma- 484
464 métacarpiens (Fig. 14) ou des arrachements osseux intracar- daires pendant les 3 premières semaines. En cas d’instabilité 485
465 piens. En urgence, une imagerie plus performante n’est habi- résiduelle ou de récidive, un brochage à foyer fermé oblique ou 486
466 tuellement pas à disposition, bien qu’un scanner (si possible en croix est réalisé pour solidariser le ou les métacarpiens luxés 487

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Luxations carpométacarpiennes ¶ 14-046-D-10

nécessaire. En cas de fracture associée, M4 puis M5 doivent être 538


réduits et synthésés par mini-plaque ou brochage multiple [43]. 539
Les broches prennent appui sur la deuxième rangée et la base 540
de M3. Le ligament dorsal CM est réparé si possible. 541
S’il existe des lésions ostéochondrales majeures, l’abord 542
permet d’opter si nécessaire d’emblée pour une arthrodèse qui 543
est sans inconvénient pour M2 et M3 très fixes, alors qu’elle 544
diminue les possibilités de creusement de la paume pour M4 et 545
M5. L’alternative est la résection arthroplastique [44] avec 546
interposition d’une languette d’ECU après stabilisation de M5 : 547
cette languette tendineuse attachée en distal passe dans la base 548
de M5 pour le stabiliser avant d’être interposée dans l’interligne. 549
Luxations spatulaires complètes. Malgré quelques succès 550
rapportés [45] de fixation percutanée, la réduction puis la 551
stabilisation à foyer ouvert par voie dorsale sont indispensables 552
pour la majorité des auteurs [46], notamment pour lever une 553
incarcération ou en cas de retard diagnostique. L’incision 554
dorsale, soit longitudinale unique médiane ou double, soit 555
transversale de la base de M2 à M5, doit permettre le contrôle 556
des quatre articulations, la réduction exacte et le rapprochement 557
Figure 16. Brochage carpométacarpien de M4 et M5. du plan ligamentaire dorsal après fixation. Si les ligaments 558
intermétacarpiens sont intacts, la synthèse des métacarpiens 559
fixes au carpe est recommandée, ou s’ils sont rompus la 560
488 à la deuxième rangée du carpe et/ou au métacarpien sain voisin synthèse des métacarpiens mobiles aux fixes [47]. 561
489 (Fig. 16). Les broches sont retirées à la sixième semaine puis la Luxations columnospatulaires. La réduction à foyer ouvert 562
490 rééducation entreprise. et le brochage sont recommandés pour cette lésion très rare. Les 563
491 La réduction sanglante par voie dorsale suivie d’un embro- associations lésionnelles (traumatisme à haute énergie) sont 564
492 chage n’est indiquée qu’en cas d’irréductibilité de la luxation : fréquentes et peuvent être responsables du retard de traitement 565
493 la voie d’abord est dorsale, volontiers transversale en regard du en cas de polytraumatisme. 566
494 ou des interlignes concernés. Elle permet de supprimer les Évolution et résultats 567
495 interpositions capsulaires, d’enlever d’éventuels petits fragments
496 ostéochondraux et de fixer les fractures associées. Le brochage Toutes méthodes confondues, les lésions correctement traitées 568
497 (systématique) solidarise les métacarpiens luxés aux os du carpe en urgence donnent 80 % d’excellents ou de bons résultats à la 569
498 puis aux métacarpiens voisins. Les ligaments dorsaux sont revue de la littérature [25, 26, 30, 40, 45, 47]. La reprise de travail 570
499 ensuite éventuellement réparés si cela est réalisable, sinon sans retentissement fonctionnel s’effectue en moyenne à 571
500 simplement rapprochés. Une contention plâtrée complémen- 3 mois. L’instabilité ou la récidive doivent être dépistées par une 572
501 taire est conservée jusqu’à l’ablation des broches à la sixième surveillance clinique et radiologique. 573
502 semaine. Douleur, diminution de force de serrage et de mobilité des 574
chaînes digitales, en relation avec la survenue d’une arthrose 575
503 Indications selon le type lésionnel post-traumatique par défaut d’alignement des interlignes CM 576
504 Luxations spatulaires isolées. En cas de luxation dorsale et/ou des métacarpiens entre eux, constituent les principales 577
505 pure de M5 et si la réduction est stable, la contention est complications. 578
506 confiée soit à une simple immobilisation plâtrée soit plus
507 souvent à un brochage percutané. À la moindre instabilité Formes anciennes 579
508 réductionnelle, l’alternative à l’embrochage à foyer fermé est
509 celui à ciel ouvert qui permet de plus de lever une éventuelle Diagnostic 580
510 interposition. Les luxations invétérées sont le plus souvent dues à une 581
511 Dans les luxations palmaires de M5, principalement à dépla- méconnaissance initiale, plus rarement à un défaut de réduction 582
512 cement radial, l’importance des lésions associées capsuloIiga- ou à une récidive de la luxation. 583
513 mentaires et tendineuses rend la réduction orthopédique La principale gêne fonctionnelle lorsqu’elle existe est le 584
514 impossible, imposant l’intervention à ciel ouvert. Pour les rares manque de force de serrage lié principalement à une perte de 585
515 luxations palmaires à déplacement interne, les ligaments CM et verrouillage des quatrième et cinquième rayons. On peut 586
516 intermétacarpiens sont rompus, mais le ligament pisimétacar- constater également des douleurs à l’interligne CM luxé, une 587
517 pien peut être intact : la réduction est alors possible, suivie si marche d’escalier dorsale visible et palpable, une perte de 588
518 elle est instable d’un brochage percutané. mobilité CM en flexion et supination (pour le cinquième 589
519 En cas de fracture-luxation de M5, le traitement est contro- rayon), et/ou un raccourcissement entraînant un défaut 590
520 versé : pour certains, l’immobilisation plâtrée après réduction d’abduction et d’extension de l’auriculaire. La mobilisation 591
521 reste suffisante ; l’instabilité de ce type de lésion conduit comparative de l’interligne CM reproduit la douleur et peut 592
522 d’autres à proposer la fixation percutanée par broches pour déceler un enraidissement du rayon considéré. 593
523 maintenir la réduction, notamment en cas de fracture simple. Le bilan radiographique standard est utilement complété par 594
524 L’abord systématique avec réduction contrôlée à ciel ouvert est un scanner, car celui-ci apporte en pratique la meilleure 595
525 nécessaire, notamment en cas de fragments multiples ou de définition sur les coupes frontales et sagittales en montrant une 596
526 comminution. Parfois, celle-ci est telle que la restauration d’un vue axiale des interlignes CM, et en décelant d’éventuelles 597
527 interligne satisfaisant est impossible à la base de M5 : une lésions carpiennes ou ostéochondrales concomittantes. 598
528 réduction-distraction par double brochage transversal prenant
529 appui sur M4 peut être tentée, sinon une arthrodèse ou une Traitement 599
530 résection arthroplastique peuvent se discuter d’emblée. Au stade de luxation ou de fracture-luxation invétérée et 600
531 Luxations spatulaires partielles. M2 et M3 sont rarement fixée, le traitement est controversé, d’autant que certains 601
532 luxés isolément mais plus volontiers ensemble en dorsal par patients non gênés ne justifient raisonnablement aucun traite- 602
533 traction des muscles radiaux. L’habituelle stabilité après ment particulier. 603
534 réduction autorise à se contenter d’une simple contention La prise en charge des formes négligées mais symptomatiques 604
535 plâtrée pour 6 semaines. En cas de fracture-luxation de M4 et est à l’inverse toujours chirurgicale. L’abord est dorsal, libérant 605
536 M5, ces lésions restent le plus souvent instables après réduction, les différentes structures articulaires du tissu fibreux d’interpo- 606
537 et la fixation à foyer fermé ou mieux à ciel ouvert devient sition. La réduction est souvent difficile et stabilisée par un 607

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14-046-D-10 ¶ Luxations carpométacarpiennes

Figure 17. Arthrodèse carpométacarpienne des quatrième et cin- Figure 19. Arthroplastie stabilisée de M5.
quième rayons.

et permet de recouvrer une force de serrage d’environ 80 %. Des 616


techniques de résection arthroplastique avec interposition 617
tendineuse (ECU) ou de Silastic® ont été proposées dans certains 618
cas. Enfin, une méthode originale d’arthroplastie stabilisée [49] 619
(Fig. 19) permet théoriquement de viser trois objectifs : suppri- 620
mer le conflit par résection de la base de M5, rétablir la 621
longueur de M5 par l’arthrodèse simultanée latérale M4-M5 et 622
surtout conserver une certaine mobilité du cinquième rayon. 623

■ Conclusion 624

Les luxations CM, qu’il s’agisse de la colonne du pouce ou 625


des autres rayons, engagent le pronostic fonctionnel de la main 626
en l’absence de traitement initial parfait. Elles nécessitent un 627
diagnostic précoce (mais peuvent être méconnues en urgence), 628
la recherche d’une fracture fréquemment associée (de type 629
fracture-arrachement) qui en assombrit le pronostic, ainsi 630
qu’une réduction exacte dont la difficulté peut justifier un 631
abord chirurgical direct. 632

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611 vicieux carpométacarpien ou d’arthrose symptomatique, Premier métacarpien flottant avec luxation trapézométacarpienne 656
612 l’arthrodèse avec greffon osseux iliaque (Fig. 17) est idéale pour récidivante chez un sujet hyperlaxe. Rev Chir Orthop 2007;93:725-9. 657
613 les rayons peu mobiles (M2, M3 voire M4). Pour M5, les [10] Wee JY, Chandra D, Satku K. Simultaneous dislocation of the 658
614 indications sont controversées : l’arthrodèse CM du cinquième interphalangeal and carpometacarpal joints of the thumb: a case report. 659
615 rayon [48] (Fig. 18) rétablit la longueur, fait disparaître la douleur J Hand Surg [Am] 1988;13:224-6. 660

10 Appareil locomoteur

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Luxations carpométacarpiennes ¶ 14-046-D-10

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762
763 M. Ebelin (dr.ebelin@wanadoo.fr).
764 Hôpital privé des Peupliers, Unité de chirurgie de la main, 8, place de l’Abbé-Henocque, 75013 Paris, France.
765 M. Soubeyrand, Chef de clinique assistant.
766 Service de chirurgie orthopédique du Professeur Gagey, Centre hospitalo-universitaire de Bicêtre, 78, avenue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin Bicêtre,
767 France.
768 R. Idrissi, Chirurgien assistant.
769 Hôpital privé des Peupliers, Unité de chirurgie de la main, 8, place de l’Abbé-Henocque, 75013 Paris, France.

770 Toute référence à cet article doit porter la mention : Ebelin M., Soubeyrand M., Idrissi R. Luxations carpométacarpiennes. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
771 Appareil locomoteur, 14-046-D-10, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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