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4ème Année Médecine FMOS Année Universitaire 2022-2023

EMBOLIE PULMONAIRE

Dr Mamadou TOURE
MC Cardiologie

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4ème Année Médecine FMOS Année Universitaire 2022-2023

Objectifs

1. Définir l’embolie pulmonaire (EP)


2. Expliquer 2 signes fonctionnels de l’EP
3. Décrire la douleur caractéristique de l’EP
4. Décrire 3 signes paracliniques de l’EP
5. Discuter 3 diagnostics différentiels de l’EP
6. Enoncer les principes du traitement de l’EP fibrino-cruorique

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1. Généralités
1.1. Définition
L’embolie pulmonaire (EP) est une obstruction brutale partielle ou totale de
l’artère pulmonaire (AP)et ou d’une de ses branches par un corp étranger
circulant le plus souvent fibrino-cruorique, thrombus.
Il s’agit d’une URGENCE MEDICALE
1.2. Intérêt
❑ Epidémiologique :
M’BAYE, Dakar 2016, 1,4% hospitalisation
60,9% MTEV en 2016 COULIBALY, Bamako
Abidjan 2016, 25,6% des MTEV, KONIN
❑ Diagnostique :
➢ Le diagnostic clinique est difficile à cause de la diversité de
présentation clinique d’où l’élaboration de scores de probabilité
clinique, GENEVE révisé et de WELLS
➢ Angio TDM thoracique est la clé du diagnostic.
❑ Thérapeutique : le traitement a été innové grâce à l’avènement des
thrombolytiques et récemment par les Anticoagulants Oraux Directs
(AOD).
❑ Pronostique : Affection grave avec une morbi-mortalité élevée
lorsqu’une prise en charge adéquate n’est entreprise.
1.3. Etiopathogénie :
La formation du caillot responsable de l’embolie pulmonaire relève de 3
mécanismes souvent intrigués appelé la triade de VIRCHOW

STASE SANGUINE
ALITEMENT
CHIRURGIE
GROSSESSE
OBESITE

LESIONS SASTROUBLE DE
PARIETALES LA COAGULATION
VEINEUSES THROMBUS DEFICIT EN
CATHETER PROTEINE C
INFLAMMATION PROTEINE S
INFECTION VIH ANTITHROMBINE III

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Le thrombus provient le plus souvent d’une veine du membre inférieur mais


aussi provenir de toute autre veine.
Cet embole cruorique migre et fini par s’enclaver dans la circulation pulmonaire
à l’origine des conséquences locales, d’amont (hémodynamique) et d’aval
(pulmonaire).
1.4. Physiopathologie
Il est noté que les conséquences cliniques sont le plus souvent proportionnelles à
l’importance du territoire vasculaire amputé.
❑ Conséquences locales :il se produit une réaction inflammation, avec
atteinte pleurale et constitution d’infarctus pulmonaires, responsable de la
douleur et de la fièvre.
❑ En amont (Conséquences hémodynamiques) :
L’obstruction artérielle pulmonaire est responsable d’un hypertension artérielle
pulmonaire précapillaire qui peut être aggravée par la libération de substance
vasoconstrictrices (sérotonine, prostaglandines). Cette HTAP précapillaire
constitue un barrage à l’éjection du ventricule droit (augmentation de la post
charge) responsable de la distension du ventricule droit et l’élévation des
pressions dans les cavités droites, d’où les signes d’insuffisance cardiaque droite
aigue notamment le gros foie cardiaque, turgescence de jugulaire, reflux hépato-
jugulaire et œdème des membres inférieurs.
Par ailleurs l’augmentation de la pression dans les cavités droites peut entrainer
la réouverture du foramen ovale et être responsable d’embolies systémiques
paradoxales.
❑ En aval (Conséquences pulmonaires) :
Effet espace mort : zones ventilées mais non perfusées
Effet Shunt : dans les territoires non embolisés il se produit une baisse du
rapport ventilation/perfusion (on assiste à une redistribution flux sanguin vers
les territoires perfusés avec accélération de la Vitesse de circulation dans les
capillaires) responsable de l’hypoxémie responsable de la dyspnée.
en plus dans les territoires embolisés, il se produit une bronchoconstriction
secondaire à la libération de facteurs humoraux (PDF, histamine, sérotonine,
prostaglandines, thrombine) et hypocapnie.

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Par ailleurs l’hypoxémie entraine une hyperventilation alvéolaire responsable de


l’hypocapnie et l’alcalose respiratoire.
Cette hypoxémie peut être aggravée par la diminution de la sécrétion du
surfactant pulmonaire responsable d’un collapsus alvéolaire, voire atélectasie à
l’origine un infarctus pulmonaire avec réaction pleurale, d’où la douleur
thoracique et la toux. Plus tard cet infarctus va se déterger dans une bronche
donc responsable de l’hémoptysie.
Une baisse du débit cardiaque voire choc cardiogénique par baisse du volume
d’éjection du ventricule droit et la compression des cavités gauches suite à des
cavités droites dilatées.
2. Signes
2.1. TDD :
Embolie pulmonaire cruorique symptomatique non compliquée
❑ Signes fonctionnels
➢ Douleur thoracique :
▪ Brutale, violente à coup de poignard, basithoracique,
▪ Prolongée, peu ou pas irradiant,
▪ Aggravée par l’inspiration, pas position antalgique
▪ Accompagnée sueur
➢ Dyspnée : à type de polypnée superficielle, majorant la douleur thoracique
➢ Toux : sèche irritative au départ
➢ Hémoptysie : inconstant, aérée au début puis noirâtre « queue
d’hémoptysie »
➢ Malaise : lipothymie, syncope
❑ Signes généraux
➢ Fébricule :37,5° à 38° c
➢ Pouls paradoxal de Mahler
➢ Désaturation en O2 <90% AA
➢ Angoisse
❑ Signes physiques
➢ Au niveau cardiaque
▪ Inspection : signes de lutte respiratoire (battement des ailes du nez,
tirage sus claviculaire et inter costal), turgescence des jugulaires
▪ Palpation : signe de Harzer (perception des battements cardiaques
au creux épigastrique),
▪ Percussion : aire de matité cardiaque normale

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▪ Auscultation : tachycardie, signe de Carvalho (souffle


systolique d’insuffisance tricuspidienne à renforcement
inspiratoire)
➢ Au niveau pulmonaire : râles crépitants unilatéraux coté douleur
➢ Au niveau abdominal : foie cardiaque (gros foie, douloureux, surface
lisse, bord inférieur émoussé, accompagné de reflux hépato-jugulaire)
➢ Au niveau membre inférieur : signes de thrombophlébite (grosse jambe
unilatérale, augmentation de la chaleur locale, diminution du
ballotement du mollet, signe de ≥Homans positif).
Compte tenu de la diversité dans la présentation clinique des scores ont été
élaborés et acceptés dont le plus utilisé dans notre milieu est celui de Genève
révisé
Points
AGE > 65 +1
Probabilités Scores
Antécédant TVP OU EP +3
cliniques
Chirurgie ou fracture < 1 mois +2
Faible 3
Cancer actif ou rémission +2
Douleur spontanée du mollet +3
Moyenne 4 – 10
Hémoptysie +2
F C = 95BPM +5
Forte ≥ 11
FC 75-94BPM +3
Douleur provoquée et OMI +4

❑ Signes paracliniques
➢ Biologie :
▪ D-dimères > 0,5mg/l
▪ Gazométrie : hypoxémie PaO2 < 60mmHg
▪ Hypocapnie PaCO2 < 35mmHg
▪ Effet shunt : PaO2 + PaCO2 < 120mmHg
▪ Troponine : élevée en cas d’EP massive à cause de l’ischémie
myocardique ou du choc hémodynamique.
▪ BNP ou NT-Pro BNP : augmentées au cours de l’EP
massive.
❑ Radiographie pulmonaire de face :

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▪ Signe de Zweifel: Surélévation de l’hémi coupole diaphragmatique du


côté de l’EP
▪ Atélectasies planes en bandes basales
▪ Signe de Hampton : Opacité triangulaire à base périphérique et à
sommet hilaire (infarctus pulmonaire)
▪ Signe de Fleischner : grosse artère pulmonaire
▪ Opacité basale pleurale ou comblement du cul de sac costo-
diaphragmatique homolatéral
▪ Signes de Westermarck : Hyper clarté lobaire ou pulmonaire du côté
atteint
❑ ECG : tachycardie sinusale ou non, aspect S1Q3, BBD,
❑ Echocardiographie doppler :
▪ Dilatation cavités droites (VD/VG>=0,6), sans HVD
▪ Hypertension artérielle pulmonaire (PAPs 50mmHg)
▪ Visualisation du thrombus rarement visualisé
➢ Angioscanner des artères pulmonaires :
▪ Visualisation des signes directs du thrombus sous forme de lacune
endoluminale
▪ Les signes indirects : HTAP, Dilatation cavités droites
➢ Autres examens paracliniques : échographie doppler veineux du
membre inférieur (signe indirect : visualisation d’un caillot, insuffisance
veineuse), la scintigraphie pulmonaire de ventilation-perfusion en de
contre-indication de l’angioscanner.
❑ Evolution :
Favorable si le diagnostic est précoce et le traitement approprié
Non traité ou tardivement, l’évolution se fait vers des complications : mort
subite, chronicité (CPC) et les récidives.
2-2-Autres formes
❑ Formes selon la nature de l’obstacle
➢ Cholesterol : embolie lipidique
➢ Calcification : embolie calcique
➢ Moelle osseuse : embolie graisseuse (fracture os long)
➢ Cellules tumorales : embolie métastatique
➢ Infectieuse : bactérienne (embolie septique), virale (COVID-19)
➢ Air : embolie gazeuse

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➢ Liquide amniotique : embolie amniotique


❑ Formes compliquées :
➢ Choc cardiogénique :
▪ PAS < 90mmHg ou une baisse de la PAS de 40mmHg en
15minimutes, extrémités froides.
▪ Augmentation des enzymes cardiaque (Troponine, NT-pro-BNP,
BNP).
▪ Echocœur Doppler, aspect de CPA (dilatation VD, hypokinésie VD,
septum paradoxal, HTAP)
➢ CPC post embolique
❑ Femme enceinte : EP est la première cause non obstétricale

3-Diagnostic
3-1-Positif
❑ Evoqué : triade de VIRCHOW, douleur basithoracique, dyspnée, toux
hémoptysie
❑ Etayé : signes de cœur pulmonaire aigu, D-dimères 500UI/L, RxP
(dilatation de AP, surélévation hémi coupole, atélectasie basale, ECG
(tachycardie, aspect S1Q3), l’échocardiographie doppler (dilation des
cavités droites sans hypertrophie du VD, HTAP)
❑ Confirmé :
➢ Angio-tomodensitométrie thoracique (visualisation de lacune
endoluminale).
➢ Echocardiographie : visualisation d’un thrombus dans les cavités droites
➢ TVP dans contexte évocateur + signes cliniques.

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❑ Gravité : Score pronostic de gravite Pulmonary Embolism Severity


Index simplifié (sPESI)
Points
Age > 80 ANS +1
Saturation O2 AA < 90 % +1
PAS < 100mm +1

Hg
FC >110 BPM +1
IC droite +1
Cancer +1
TOTAL = 0 (BAS RISQUE) TOTAL ≥ 1 (HAUT
RISQUE)

❑ Stratification du risque – critères de gravité de l’EP


EP non sévère (= bien tolérée EP sévère
hémodynamiquement
Risque faible Risque intermédiaire Risque élevé (mortalité
(mortalité <1%) (mortalité 3 - 15%) >15%)
• ETT : pas de • Signes ETT de Etat de choc :
signes de Cœur Cœur • PAS < 90mmHg
Pulmonaire aigu Pulmonaire Ou
• Troponine et aigu : dilatation • Baisse PAS ≥
BNP normaux VD, hypokinésie 40mmHg pendant
• Score de PESIs à VD, septum 15 minutes
0 paradoxal, HTAP
• Elévation
troponine T ou I
et ou BNP ou NT-
pro-BNP
• Score de PESIs ≥
1

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3-2-Différentiel :
❑ PERICARDITE AIGUE
Douleur thoracique de siège rétrosternal, irradiation diffuse, aggravée par
l’inspiration forcée, calmée par la position penchée en avant. Echo cœur permet
de retrouver un péricarde inflammatoire avec sous sans épanchement.
❑ SCA
Douleur thoracique de siège rétrosternale, constrictif, brutale, violente, sans
position antalgique, irradiation ascendante bras gauche mâchoire inférieure,
résistante à la trinitrine. L’ECG anomalie du segment ST au moins dans 2
dérivations contiguës. L’Echocœur, trouble de la cinétique segmentaire.
Troponine élevée.

❑ DISSECTION AORTIQUE
Douleur de siège rétrosternale, migratrice, irradiation descendante suit le trajet
de l’aorte. Angio-tomodensitométrie permet voire le vrai et le faux chenal.
❑ PNEUMOTHORAX
Douleur thoracique et toux surtout positionnelle. Syndrome d’épanchement
pleural gazeux. A la Rx pulmonaire nous retrouvons une hyperclarté diffuse
avec moignon du poumon collabé autour du hile.
❑ PLEURESIE
Douleur thoracique et toux surtout positionnelle. Syndrome d’épanchement
pleural liquidien. A la Rx pulmonaire, image de pleurésie
❑ Pneumonie franche lobaire aigue
Toux aigue avec expectoration plus ou moins purulente, douleur à type de point
de côté, dyspnée, fièvre. Syndrome de condensation pulmonaire. A la RxP,
opacité dense homogène avec bronchogramme aérien. ECBC permet d’identifier
les germes.
4-Traitement
4-1-CURATIF
❑ BUTS
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➢ Réduire la morbi-mortalité
➢ Lyser le caillot
➢ Traiter et prévenir les complications
➢ Eviter les récidives
❑ Moyens et méthodes
➢ Non médicamenteux :
Hospitalisation aux soins intensifs
Voie veineuse
Oxygénothérapie en fonction de la saturation
Monitoring : FC, FR, PA, ECG
➢ Médicamenteux :
✓ Anticoagulants : ils empêchent le caillot de grossir, la formation de
nouveaux caillots et permettent la lyse physiologique.

Anticoagulants Présentations Posologie Effets secondaires


injectables

Héparines Non Ampoules de : 500UI/kg/jour Hémorragie


Fractionnée (HNF)
5ml IV Thrombopénie
(25000UI) induite par
l’héparine
2ml
(10000UI),
1ml (5000UI)

Héparines de bas Seringues 0,01ml/kg/jour Idem


poids moléculaires préremplies
S/C
(HBPM) de : 0,2 ; 0,3 ;
0,4 ; 0,6 ; 0,8 ;
Enoxaparine
1ml

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Anticoagulants oraux Présentations Posologie Effets


secondaires

Antivitamines k (AVK) Comprimés Dose fonction de Hémorragie


l’INR
Acénocoumarol 1 ; 4mg
Warfarine

Anticoagulants oraux Comprimés : 15 ; 15mg x 2/jour pdt Hémorragie


directs (AOD) 20mg 21 jours
Rivaroxaban 20mg soir pdt 3 –
6mois

✓ Thrombolytiques : ils permettent la lyse du caillot

Thrombolytiques Présentations Posologie Effets secondaires

Streptokinase Flacon : 1 500 000 UI Hémorragie


jour
250000UI Allergie
750000UI
1500000UI

Alteplase Flacon : 20mg 10mg en bolus Hémorragie


50mg Puis
90mg en 2heurs

Les amines vasopressives : sont responsable d’une vasoconstriction permettant


une augmentation de la pression artérielle.

Amines vasopressives Présentations Posologie Effets


secondaires

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Dobutamine 5 -20 Tachycardie


gamma kilo
par heure

Dopamine 5- 20 Idem
gamma kilo
par heure

➢ Instrumentaux : filtre cave D’ADAMS DE WEESE OU GREENFIELD,


bas DE compression
➢ Chirurgicaux : embolectomie ou thrombectomie

❑ Indications :
➢ Traitement non médicamenteux pour tout embolie pulmonaire
➢ Traitement anticoagulant pour les EP à faible risque : bithérapie de courte
durée (5jours) HNF et AVK ou HBPM et AVK puis AVK seul pendant 3
– 6 mois. Ou AOD seul si clairance créatinine > à 30ml/min, pendant 3 -6
mois.
➢ Thrombolyse : EP grave avec instabilité hémodynamique (choc
cardiogénique)
➢ Filtre cave en cas de récidive d’EP ou de caillot menaçant, contre-
indication aux anti coagulants.
➢ Embolectomie : si instabilité hémodynamique et échec de la thrombolyse.
❑ Surveillance :
Clinique : symptômes (douleur thoracique, dyspnée, saignement), constantes
(FC, PA, Sat O2, FR).
Paraclinique : INR, TCA, plaquettes, échocardiographie doppler.
4-2-Préventif :
❑ Primaire : lever précoce, prophylaxie anticoagulante, bas de
compression.
❑ Secondaire : anticoagulation curative à vie en cas de récidive ou de
déficit en protéines S, C et en antithrombine III
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Conclusion
❑ L’embolie pulmonaire est une urgence médicale grave dont la prévalence
est en progression constante dans les pays en développement.
❑ La prise en charge urgente et correcte améliore le pronostic des patients.
❑ Le risque de complication et de récidive est toujours présent malgré un
traitement adapté d’où l'intérêt d’une prévention systématique dans tout
contexte à risque.

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