Gestion vol. 39 no 4 | Hiver 2015 | revuegestion.

ca

Article général

Mesurer les résultats de la

gestion des ressources humaines :
principes, état des lieux et défis
à surmonter pour les professionnels RH
Par Michel Cossette, Cédric Lépine et Marie Raedecker

Résumé
La fonction ressources humaines a suivi une évolution constante à travers le temps.
Son prochain stade de développement : être en mesure de démontrer la valeur ajou-
tée de la fonction ressources humaines par le suivi d’indicateurs clés de performance.
L’objectif de l’article est triple : présenter les principes de mesure en ressources
humaines et les types d’indicateurs, dresser un portrait des pratiques de mesures au
Québec chez les professionnels RH et donner un aperçu des défis tout en suggérant
des recommandations aux professionnels RH quant aux façons de faire en mesure afin
d’élaborer des indicateurs pertinents.

Michel Cossette est professeur à HEC Montréal,

michel.cossette@hec.ca.
Cédric Lépine est conseiller, section stratégies de sélection
et information de gestion, division dotation et planification
de la main-d’œuvre à la Société de transport de Montréal,
cedric.lepine@stm.info.
Marie Raedecker est agente de gestion du personnel au Centre
hospitalier de l’Université de Montréal,
44 marie.raedecker@gmail.com.

Dans une économie de plus en plus axée sur le savoir,
l’innovation, la qualité, la rapidité et l’importance du ser-
vice à la clientèle, les organisations dépendent davantage
des compétences et des habiletés de leurs employés1. Un tel
contexte suscite des pressions importantes sur la fonction
ressources humaines (RH). D’une part, les professionnels de
la gestion des ressources humaines (PRH) voient leurs rôles
traditionnels prendre davantage d’importance pour leur
organisation (assurer la dotation, gérer la formation, assurer
le respect du cadre juridique, etc.). D’autre part, de nouveaux
rôles de nature plus stratégique s’ajoutent, notamment celui
de partenaires d’affaires. Ce rôle implique de comprendre la
chaîne de valeurs de l’organisation afin de mettre en place
un système RH aligné avec la stratégie d’affaires et dont les
pratiques RH sont cohérentes entre elles; ce double aligne-
ment favorise des retombées positives sur la performance
organisationnelle2. De tels rôles nécessitent chez les PRH
la maîtrise de nombreuses compétences, lesquelles ont une
incidence importante sur la performance organisationnelle3.
Ces rôles sous-tendent aussi une capacité des PRH à démon-
trer les résultats des interventions en gestion des ressources
humaines (GRH)4.
Si les hauts dirigeants exigent que chaque fonction de
gestion contribue à l’atteinte des objectifs d’affaires afin de
favoriser la pérennité organisationnelle, la fonction RH
n’échappe pas à cette nécessité. Plusieurs directeurs et vice-
présidents RH sont ainsi appelés à fournir des preuves de la
contribution de la gestion des ressources humaines (GRH)
au succès de l’organisation5. Ces demandes requièrent
le développement d’indicateurs de mesures6. Ce virage
« mesure des résultats RH » est devenu un incontournable,
mais il en cache un second, tout aussi important sinon plus
que le premier : l’analytique RH (HR Analytic). L’analytique
RH reconnaît l’importance de mesurer les résultats à partir
d’indicateurs, mais indique surtout que l’action de mesurer
demeure nettement insuffisante. Le but ultime de la mesure
n’est pas de quantifier un phénomène RH, mais d’apprécier
les résultats obtenus en fonction de cibles déterminées, de
relier les résultats de différents indicateurs entre eux afin
d’en comprendre le sens, et d’identifier les leviers d’action
(ex. : relier les résultats quantifiant le niveau de compétences
des employés de différentes équipes à la performance des
équipes). Pour ce faire, l’élaboration d’indicateurs ciblés et
valides, la cueillette de données et leur analyse doivent per-
mettre d’alimenter rigoureusement le processus de prise de
décisions7. Ceci peut sembler une évidence; pourtant, bon
nombre de PRH s’en tiennent à fournir des chiffres sans aller
plus loin que ceux-ci8.
Nous disposons de bien peu d’informations quant à
l’état de la pratique de l’analytique RH au Québec. L’article
a donc pour but de donner un compte rendu de certaines
de nos données, observations et réflexions sur le domaine.
Plus précisément, l’article souhaite amener des éléments de
réponses aux questions que se posent les PRH. Ces question-
nements formeront la structure de l’article. Dans la première
partie, nous présentons brièvement les principes de base à
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connaître en mesure des résultats. Cette partie présente les
fondements de la mesure RH, notamment les types d’indica-
teurs et répond aussi à une question fréquente que se posent
les PRH : quels sont les indicateurs essentiels en GRH ? Cette
question n’a pas une réponse absolue, c’est pourquoi nous
proposons un aperçu des domaines de mesure possibles en
GRH. La deuxième partie trace un portrait quant à l’état de
la pratique dans certaines entreprises au Québec (ce que
mesurent les PRH et les utilisations qu’ils font des indica-
teurs). Finalement, nous abordons dans la troisième partie
quelques défis auxquels les PRH qui souhaitent se lancer
dans des projets de mesures RH sont confrontés et propo-
sons certaines recommandations pour y faire face.
Fondements de la mesure RH :
passer de l’incantation
à la gestion par les preuves
La mesure en gestion des ressources humaines s’inscrit
dans un courant de gestion appelé « gestion par les preuves »
(Evidence Based Management en anglais ou EBM). L’essence
de l’EBM consiste à décider d’un plan d’action sur la base
d’informations valides, lesquelles sont recueillies à l’aide
d’un processus d’observation systématique9. Un tel processus
de collecte de données caractérise la méthode scientifique et
constitue une assise plus robuste à l’action que ne peuvent
l’être l’intuition ou les anecdotes isolées10. En effet, l’accès à de
l’information crédible, notamment par l’entremise des résul-
tats provenant de différents indicateurs, offre aux profes-
sionnels une compréhension plus juste et plus complète de la
situation. L’objectif de cette collecte d’informations consiste
donc à mettre en lumière les faits pertinents aux probléma-
tiques que l’on souhaite étudier. Mais avant d’en arriver à une
compréhension systémique, bon nombre de PRH ne savent
pas par quoi ni par où commencer. Les prochaines sections
permettent de donner un aperçu général des domaines de
mesures en RH.
Comment structurer un projet de mesure RH
Que doit-on mesurer en GRH ? Tout d’abord, mesurer
consiste à assigner une valeur numérique ou une quantité
à des concepts en se basant sur des règles arithmétiques11.
Ensuite, il faut reconnaître que les concepts à mesurer en
GRH sont multiples, rendant l’exercice de quantification
complexe. Il est plutôt courant de voir des PRH souhaitant
démarrer un projet de mesure RH figer devant l’étendue des
possibilités de mesure, pendant que d’autres font preuve
d’hyperactivité et se lancent dans d’innombrables mesures
sans savoir quels sont les enjeux auxquels doivent répondre
les différents indicateurs. Le rôle de partenaire d’affaires est
difficile à exercer sans aucun indicateur, mais il l’est tout
autant si d’innombrables indicateurs ensevelissent les diri-
geants à qui ils sont communiqués. Les PRH doivent ainsi 45
 Gestion vol. 39 no 4 | Hiver 2015 | revuegestion.ca
répondre rigoureusement à plusieurs questions avant de
démarrer un projet de mesure :
• Question 1 : Quels sont les enjeux organisationnels aux-
quels fait face l’organisation ?
• Question 2 : Quels sont les enjeux RH découlant de ces
enjeux d’affaires ?
• Question 3 : Quelles activités RH sont concernées par ces
enjeux RH ?
• Question 4 : Comment déterminer si les activités RH
atteignent leurs objectifs ? En d’autres termes, quels sont
les indicateurs d’efficacité liés à chaque activité RH ?
• Question 5 : Quels sont les coûts associés à ces activités ?
En d’autres termes, quels sont les indicateurs d’efficience
liés à chaque activité RH ?
Que ce soit pour revoir les indicateurs existants ou pour
en développer de nouveaux, les PRH doivent obtenir des
réponses à ces questions, dans l’ordre indiqué ci-dessus, afin
d’avoir un ensemble d’indicateurs pertinents et alignés aux
objectifs ou aux enjeux de l’organisation. En conséquence,
l’identification d’indicateurs précis vient aux questions 4 et
5. Trop de PRH tentent d’identifier les indicateurs à mesurer
ou se servent allègrement dans ceux que leur système d’in-
formation RH (SIRH) leur sert sans avoir réfléchi auparavant
aux besoins de l’organisation. Les SIRH peuvent donner de
bons indicateurs, mais est-ce que ce sont ceux dont les PRH
ont véritablement besoin pour évaluer l’efficacité et l’effi-
cience des activités RH ? En d’autres termes, les PRH doivent
se poser la question à savoir quels indicateurs permettent de
déterminer si les activités de GRH atteignent leurs objectifs
(indicateurs d’efficacité) en utilisant le moins de ressources
possible (indicateurs d’efficience).
Schéma 1
Modèle de l’escalier de la « valeur ajoutée RH »
Résultats RH
• Attitudes
GRH • Comportements
• Politiques RH
• Pratiques RH
Source : adapté de Le Louarn (2008).
46
Afin de structurer les domaines de mesure en GRH,
nous présentons ci-après le modèle de l’escalier de la valeur
ajoutée de Le Louarn (2008). Celui-ci permet d’illustrer les
questions mentionnées précédemment qui devraient dicter
le questionnement des PRH désireux de prendre le virage
« analytique RH ». Ainsi, les prochaines sections donnent un
aperçu des domaines possibles pour la mesure liée aux acti-
vités RH, aux résultats RH et aux résultats organisationnels
(Schéma 1).
Quoi mesurer en gestion des ressources
humaines
La GRH constitue un ensemble d’activités et de déci-
sions très diverses. En conséquence, les éléments présen-
tés ci-dessous ne se veulent pas exhaustifs, mais servent
à illustrer notre propos. Dans cette optique, le modèle de
l’escalier constitue une représentation permettant de lier les
effets des activités RH aux résultats organisationnels. Ces
derniers sont déterminés notamment par les résultats RH,
lesquels découlent des résultats d’activités RH12. Le Schéma
1 représente ce modèle dans son ensemble.
Deux avantages intéressants découlent de ce modèle.
Premièrement, chaque marche de l’escalier renvoie à un
contenu de mesure différent (activités RH, résultats RH
et résultats organisationnels). Deuxièmement, le modèle
illustre de façon compréhensible l’alignement requis entre
les indicateurs des différentes marches selon une logique
causale. En bref, il permet de relier les réponses aux ques-
tions 1 à 3 et d’en décliner des indicateurs pertinents liés aux
questions 4 et 5. Bien qu’il s’agisse d’une illustration simpli-
fiée de la réalité, les PRH ont tout intérêt à aborder la mesure
en GRH de façon à « monter ou descendre les marches une à
une ». Plus spécifiquement, il y a lieu de relier entre eux les
Pérennité à
Résultats long terme
organisationnels
• Opérationnels
• Économiques
• Financiers

indicateurs d’activités RH à des indicateurs de résultats RH
(ex. : les acquis de formation transférés peuvent être reliés à
la performance au travail); ces derniers peuvent ensuite être
reliés à des indicateurs de résultats organisationnels (ex. : la
performance des employés peut ensuite être mise en rela-
tion avec la performance des unités de travail). Ainsi, afin
de mieux documenter l’impact des activités RH, les PRH
ont tout intérêt à mesurer les résultats RH, lesquels consti-
tuent un intermédiaire entre les activités RH et les résultats
organisationnels. Par ailleurs, il est possible que des indi-
cateurs d’un même niveau soient reliés entre eux selon une
chaîne de valeurs. Par exemple, un indicateur documentant
le climat de travail peut être négativement relié à l’intention
de quitter l’emploi, lui-même étant associé à une réduction
du roulement du personnel.
Les prochaines sections décortiquent ce modèle; plus
spécifiquement, nous traitons du recrutement, de la sélec-
tion et de la formation, ainsi que de quatre résultats RH
auxquels nous associons des indicateurs d’efficience, d’effi-
cacité et d’impact.
Les politiques et pratiques RH. Les politiques et pratiques
RH peuvent être analysées séparément afin d’identifier des
indicateurs d’efficacité et d’efficience, lesquels permettent
ensuite de procéder à l’optimisation de la GRH. Prenons
l’exemple de la dotation. Ses activités sont la planification
des besoins, l’analyse de poste, la description de poste,
l’établissement des critères de sélection, le recrutement, la
sélection du personnel, l’embauche ainsi que l’accueil et
l’intégration13. L’évaluation de chaque composante peut se
faire par l’adoption d’indicateurs d’efficience, d’efficacité
et d’impact. Tout d’abord, l’efficience du recrutement se
résume par différentes composantes : la quantité de candi-
dats, la durée nécessaire pour les recruter et les coûts utilisés
pour obtenir des candidatures14. L’efficacité du recrutement
fait référence au fait de fournir un nombre adéquat de
candidatures de qualité à l’organisation15. Les indicateurs
d’impact se réfèrent quant à eux au lien entre ce que font
les ressources humaines en matière de dotation et les effets
tangibles qui peuvent procurer un avantage concurrentiel
à l’organisation16. Prenons comme exemple l’impact positif
du déploiement d’une marque employeur forte (1er indica-
teur d’efficacité) sur la capacité de l’organisation à attirer les
meilleurs talents (2e indicateur d’efficacité).
À la suite des activités de recrutement, plusieurs
imp
méthodes ou outils d’évaluation peuvent être utilisés pour
choisir le meilleur candidat parmi ceux retenus (entrevues,
tests, centres d’évaluation, etc.). Tout comme le recrute-
ment, il est possible de mesurer les résultats de la sélection
par des indicateurs d’efficience, d’efficacité et d’impact.
L’efficience se mesure ici par la durée et les coûts associés
aux différentes étapes et outils de sélection. L’efficacité de
la sélection quant à elle, se mesure par l’atteinte d’objectifs,
tels que la qualité des postulants embauchés17 ou encore le
niveau d’adéquation entre les exigences du poste et les com-
pétences maîtrisées par les titulaires de l’emploi. La qualité
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des candidats embauchés peut être évaluée selon leur per-
formance suite à la période de formation, leur rétention
après un an et par leurs besoins de formation initiale18.
La formation des RH fait référence à des activités d’ap-
prentissage favorisant l’amélioration des compétences des
employés19. Mesurer les résultats de la formation du person-
nel peut aider à prendre des décisions stratégiques en GRH.
L’efficience est ici mesurée par les coûts engendrés pour
réaliser ces programmes. Toutefois, la mesure de l’efficience
peut aussi se faire durant les différentes étapes du proces-
sus de formation, à savoir le temps consacré à l’analyse des
besoins, l’utilité, le temps de conception et l’élaboration
du programme de formation, les jours en formation, le
nombre total d’individus formés par an, etc.20 Pour mesu-
rer l’efficacité d’un programme de formation, le modèle de
Kirkpatrick (1998) est souvent utilisé pour évaluer quatre
types de résultats21 : les réactions des participants suite à la
formation, leurs apprentissages, les changements de leurs
comportements au travail, c’est-à-dire si les personnes for-
mées font mieux leur travail et les améliorations de la per-
formance organisationnelle.
Les résultats RH. Pour les prochains paragraphes, nous nous
déplaçons sur la deuxième marche de l’escalier (Schéma 1).
Les résultats RH représentent une modification quantitative
ou qualitative du capital humain par l’adoption d’attitudes
et de comportements, modification attribuable à l’introduc-
tion ou à la modification d’une activité RH donnée22.
1- La satisfaction au travail fait partie des attitudes RH23.
Mobiliser fait référence à la façon par laquelle les employés
s’engagent envers leurs emplois, leur équipe, leurs gestion-
naires ou leur organisation. Les employés mobilisés se com-
portent différemment de leurs collègues non mobilisés24, et
il en est de même pour les employés satisfaits. L’exercice de
mesure de la mobilisation est similaire à celle de la satis-
faction en ce sens que les PRH doivent s’assurer d’utiliser
un questionnaire qui sera adapté à leur contexte de travail
et d’avoir déterminé, au préalable, les objectifs désirés. Il
est important de mesurer ces attitudes et comportements,
car ceux-ci peuvent affecter de façon importante la perfor-
mance organisationnelle25.
2- L’absentéisme est un comportement qui consiste à ne pas
se présenter au travail selon l’horaire prévu, quelle que soit
la raison26. Les coûts reliés à l’absentéisme sont très élevés27,
ce qui devrait inciter les organisations à les mesurer afin
d’en faire le suivi (indicateur d’efficience). Cependant, les
coûts ne sont pas les seuls indicateurs d’efficience qu’il est
possible de mesurer. En effet, des indicateurs sur la durée
et les raisons des absences ainsi que sur le nombre d’heures
perdues peuvent aussi être mesurés afin de mieux interve-
nir sur cet enjeu RH28.
3- Le roulement du personnel survient lorsqu’un employé
quitte de façon permanente une organisation29. Les départs
peuvent être involontaires (décision prise par l’employeur
contre la volonté de l’employé) ou volontaires (décision prise 47
 Gestion vol. 39 no 4 | Hiver 2015 | revuegestion.ca

par l’employé pour diverses raisons). Par ailleurs, si certains
départs peuvent être bénéfiques pour l’organisation (roule-
ment volontaire fonctionnel), d’autres provoquent une perte
d’expertise se répercutant de façon importante sur la perfor-
mance d’un groupe (roulement volontaire dysfonctionnel).
Finalement, certains départs peuvent être évitables, puisque
les personnes quittent pour des raisons liées à un environ-
nement de travail non satisfaisant. Les départs à la retraite,
ceux pour des raisons de santé ou ceux liés au déménage-
ment d’un conjoint ou d’une conjointe seront quant à eux
considérés comme inévitables. Ces indicateurs constituent
des indicateurs d’efficacité. Les coûts associés au roulement
représentent quant à eux un indicateur d’efficience.
Les accidents de travail font référence à « un événement
imprévu et soudain attribuable à toute cause qui survient
par le fait ou dans l’exercice du travail d’un salarié et qui
entraîne une lésion professionnelle »30. Ce comportement
RH dysfonctionnel mérite donc d’être mesuré, suivi et géré.
Des exemples d’indicateurs sont le nombre total d’accidents
de travail, la fréquence, la gravité et le pourcentage d’ar-
rêts de travail dû aux accidents de travail. En combinant
les types d’indicateurs aux différents domaines de mesure
que sont les activités RH et les résultats RH, on obtient les
exemples présentés dans les schémas 2 et 3.

Schéma 2
Domaines de mesure des activités RH

Développement Gestion
Pratiques Dotation
des compétences de la performance
Impact Performance organisationnelle : productivité, qualité de service, innovations, marque
employeur, etc.
Efficacité % des postes occupés Réactions des personnes Performance individuelle
Qualité des recrues formées et des gestionnaires Satisfaction des parties
Complexité

Satisfaction des Niveau de compétences prenantes (gestionnaires,

gestionnaires et des recrues développées employés et PRH)
Qualité de l'expérience Transfert des compétences
candidat Performance individuelle
Efficience Coûts : annonces, outils de Coûts des programmes Coûts du programme :
sélection, salaire des acteurs Durée: analyse des besoins, salaire des acteurs
impliqués, etc. conception, implantation, impliqués, administration,
Délai d'embauches administration, etc. documents, etc.
Durée globale de la dotation Délai pour atteindre Temps des acteurs
vs durée de chaque étape les objectifs impliqués

Exemples d'activités RH

Schéma 3
Domaines de mesure des résultats RH

Satisfaction Absentéisme
Pratiques Accidents
et mobilisation et roulement
Impact Performance organisationnelle : productivité, qualité de service, innovations, marque
employeur, etc.
Efficacité Score de satisfaction Taux d'absentéisme Nombre
Complexité

(mobilisation) Taux de roulement Gravité

Bénéfices du programme
de mobilisation
Données de références
Efficience Coûts du programme de
satisfaction (mobilisation)
48
Bénéfices des interventions
liées aux absences et au
roulement
Coûts des absences et des
départs
Temps consacré à la gestion
des absences et des départs
Exemples de résultats RH
Données de référence
Coûts des accidents, des
programmes de préventions
et autres interventions
Temps consacré aux
programmes

Portrait de la mesure
au Québec
Que mesurent les PRH ?
Le nombre d’ouvrages portant sur l’analytique RH aug-
mente sans cesse. Ces manuels se veulent soit des approches
prescriptives, soit des illustrations de cas d’organisations
mesurant les activités ou les résultats de leurs pratiques de
GRH. À quel point est-ce que les pratiques recommandées
sont appliquées dans les organisations québécoises ? C’est la
question qui nous a guidés dans la diffusion d’un sondage
portant sur la mesure des activités et résultats RH ainsi que
des types d’indicateurs mentionnés ci-dessus. Étant donné
la multitude d’activités et d’indicateurs RH, nous avons
opté pour un recensement d’indicateurs génériques por-
tant sur un nombre ciblé de pratiques RH, soit le recrute-
ment, la sélection, et la formation. Ce choix se justifie par
le fait qu’il s’agit d’activités transversales, c’est-à-dire qu’elles
s’appliquent dans une très grande majorité d’organisations,
peu importe le secteur ou la taille de celles-ci. La structure
du questionnaire suivait essentiellement les domaines de
mesure mentionnés. Les répondants devaient indiquer pour
chacun des indicateurs proposés s’ils les mesuraient, s’ils en
évaluaient les résultats et si les indicateurs servaient à la prise
de décision.
Un total de 186 questionnaires provenant d’autant d’orga-
nisations constitue l’échantillon final. Étant donné l’hétéro-
généité des répondants quant au statut d’emploi, nous avons
isolé les répondants (65 au total) avec un statut de directeur
ou de vice-président RH, lesquels étaient les plus suscep-
tibles d’avoir une vue complète et transversale des indica-
teurs RH. Pour simplifier la présentation, nous utilisons
l’appellation « DRH » pour la suite du texte. Le Tableau 1
présente le pourcentage des DRH affirmant mesurer certains
types d’indicateurs.
Globalement, les résultats suggèrent que les indicateurs
d’efficience liés aux coûts des pratiques RH (recrutement,
sélection et formation) sont beaucoup plus présents dans
Tableau 1
Pourcentage des DRH mesurant l’efficience,
l’efficacité ou l’impact des pratiques RH
Efficience en termes
Pratiques
de coûts
Recrutement 44 %
Sélection 27 %
Formation* 77 %
*Indicateurs supplémentaires de l’efficacité de la formation : la satisfaction à l’égard de la formation est mesurée par 77 % des répondants,
le niveau d’apprentissage par 33 % et le niveau de transfert par 30 % des répondants.
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les organisations que les indicateurs d’efficacité, ces derniers
visant à positionner les résultats obtenus par rapport à une
cible externe ou interne à l’organisation. Les organisations,
et plus particulièrement les contrôleurs en gestion, ont effec-
tivement développé un savoir-faire en matière de calcul
de coûts, ce qui peut expliquer la tendance observée dans
notre étude et dans celle de Lawler et al. (2004). Toutefois,
il importe d’examiner d’autres indicateurs pour obtenir un
portrait plus précis de l’apport de la GRH.
À mi-chemin entre l’efficience et l’efficacité, nous avons
aussi demandé aux DRH s’ils mesurent le rapport coûts/
bénéfices. Ce type d’indicateur implique la considération de
la notion de « bénéfices », laquelle suppose une réflexion et
une quantification en termes d’efficacité. Cette quantification
est ensuite mise en relation avec les coûts, un indicateur d’ef-
ficience. Malgré l’importance que les bénéfices peuvent avoir
lorsqu’on évalue les pratiques RH, ils sont rarement mesurés
par les répondants comparativement aux coûts (entre 11 %
et 17 %). Ceci s’explique, car si la plupart des coûts s’avèrent
plus facilement identifiables à l’aide de l’information comp-
table, il en va autrement des bénéfices. Il faut les estimer
et cela pose certains défis. D’une part, plusieurs bénéfices
en RH sont de nature qualitative et, conséquemment, sont
difficilement transformables en « signes de dollar ». Par
exemple, on peut facilement calculer les coûts associés à un
programme de reconnaissance financière (coûts des primes,
des cadeaux, temps passé par un professionnel RH à déve-
lopper et à gérer le programme, etc.), mais dégager l’impact
financier d’une hausse de la motivation qui se rattache à ce
programme devient plus complexe. Pour ce faire, il faudrait
notamment mesurer la motivation avant et après l’implan-
tation du programme, attribuer la hausse de la motivation à
ce programme spécifique et non à d’autres événements qui
peuvent avoir eu lieu simultanément à l’implantation du pro-
gramme, associer le différentiel de la motivation à un indica-
teur financier (combien vaut la hausse de la motivation), etc.
D’autre part et en lien avec la conversion financière, lorsque
la transposition en dollars est possible, elle est souvent basée
sur des estimations et des approximations, lesquelles posent
des problèmes de fiabilité des données et donc, de crédibilité.
Nous n’affirmons pas qu’il est impossible de le faire. Notre
point est plutôt de soulever que les PRH doivent développer
Efficacité, soit l’atteinte Impact sur la performance
d’une « cible » organisationnelle
29 % 20 %
18 % 14 %
21 % 23 %
49
 Gestion vol. 39 no 4 | Hiver 2015 | revuegestion.ca
des compétences métriques et méthodologiques pour ce
faire.
En ce qui concerne les indicateurs liés au domaine de la
formation, 77 % des répondants affirment mesurer les coûts
de la formation, ce qui en fait l’indicateur le plus fréquem-
ment mesuré chez les DRH répondants. Les obligations
d’investissement en formation liées à la Loi sur le dévelop-
pement et la reconnaissance de la main-d’œuvre au Québec
expliquent sans doute pourquoi cet indicateur est aussi fré-
quent. En effet, les organisations ayant plus d’un million de
dollars de masse salariale ont l’obligation de verser 1 % de
cette masse salariale dans des activités liées au développe-
ment des compétences.
Toujours dans le domaine de la formation, un modèle
incontournable en évaluation de l’efficacité de la forma-
tion existe depuis plusieurs dizaines d’années, soit celui
de Kirkpatrick. À partir de ce modèle d’évaluation, 77 %
des DRH répondants affirment mesurer la satisfaction
des personnes formées. Or, ces réactions « à chaud » face à
la formation ne constituent pas le niveau d’analyse le plus
convaincant de l’efficacité d’une formation comparative-
ment aux mesures d’acquis de formation ou de transfert de
ces acquis31. En effet, le but premier d’une formation n’est
pas en soi d’améliorer les attitudes face à la formation, mais
bien de développer les compétences des personnes formées.
Or, les DRH sont beaucoup moins nombreux à mesurer les
acquis de formations (33 %) et leur transfert dans le travail
(30 %). En ce qui concerne le dernier niveau du modèle de
Kirkpatrick, l’impact de la formation sur l’efficacité organi-
sationnelle, ce type d’indicateur est mesuré par environ le
quart des répondants (24 %). En somme, bien que plusieurs
des organisations investissent en formation, bon nombre
d’entre elles n’ont aucune idée si les activités atteignent leurs
objectifs et encore moins si ces activités exercent les effets
positifs attendus. On peut certes faire l’hypothèse que l’in-
vestissement vaut la peine, mais en l’absence d’indicateurs
Schéma 4
Modèle d’utilisation de la mesure en GRH
MESURER ÉVALUER
•Prendre des •Porter un jugement
informations sur les résultats
• Recueillir des obtenus
données
50
d’efficacité et d’impact, on en fait un acte de foi plutôt qu’une
démonstration crédible.
Étant donnée la nature du poste de directeur RH, on
pourrait penser que les répondants sont davantage préoccu-
pés par les résultats RH (2e marche de l’escalier du schéma 1),
soit les attitudes et les comportements du personnel, que
par les résultats liés aux activités RH. Nous avons demandé
aux répondants d’indiquer si les indicateurs qu’ils mesurent
portent sur les attitudes et les comportements des employés.
Plus spécifiquement, on peut déterminer l’efficacité de la
GRH à l’aide des taux de satisfaction, de roulement du per-
sonnel et d’absentéisme. Ces indicateurs sont mesurés par
respectivement 44 %, 44 % et 52 % des DRH. Si ces pourcen-
tages sont nettement plus élevés que pour les mesures d’effi-
cacité des activités RH, il n’en demeure pas moins que près
de la majorité des DRH ne mesurent pas ces résultats selon
notre sondage. En ce qui concerne les mesures d’efficience,
les coûts associés aux accidents du travail sont mesurés par
56 % des DRH répondants. Encore une fois, le contexte
juridique peut expliquer ce pourcentage plus élevé que les
autres résultats RH. Les coûts liés à l’absentéisme sont aussi
mesurés par 42 % des DRH. Par contre, en ce qui concerne
les coûts des programmes de mobilisation ou de satisfaction
et les coûts associés au roulement du personnel, ils ne sont
mesurés que par 10 à 15 % des DRH seulement.
Que font les PRH avec leurs mesures ?
Comme nous l’avons déjà mentionné, l’acte de mesure ne
constitue pas une fin en soi, mais une étape vers la prise de
décision en matière de GRH. Plus spécifiquement, en s’ins-
pirant de Le Louarn (2008), on peut affirmer que l’évaluation
de la GRH est un processus qui inclut plusieurs étapes : l’acte
de mesurer, l’analyse ainsi que l’évaluation des résultats obte-
nus et la prise de décision. Le schéma 4 présente ces étapes
le long d’un continuum, lequel pourrait représenter ce qui
constitue une utilisation optimale des indicateurs de GRH.
DÉCIDER
•Annoncer une
action

Nous avons voulu déterminer auprès des DRH si ces
étapes sont bel et bien exécutées dans les organisations pour
différentes pratiques et différents résultats RH. Ainsi, les
répondants ayant répondu qu’ils mesuraient un indicateur
donné devaient ensuite indiquer s’ils évaluaient cet indica-
teur, c’est-à-dire s’ils portaient un jugement sur les résultats
obtenus, et s’ils basaient leurs décisions sur cet indicateur.
Deux constats émergent des réponses transmises par les
DRH répondants. Le premier est que 67 % des DRH qui
mesurent portent un jugement sur les résultats obtenus. Ces
DRH qui mesurent ne se contentent donc pas des chiffres,
mais analysent et évaluent les résultats obtenus. Toutefois,
près du tiers des DRH qui mesurent ne font rien de plus que
mesurer. Le deuxième constat concerne la prise de décision.
Selon l’indicateur mesuré, c’est seulement entre 50 % et 67 %
des DRH qui se servent des indicateurs dans leur prise de
décisions. Ces résultats soulèvent deux interprétations pos-
sibles : certains DRH suivent la mode des indicateurs et
mesurent sans aller plus loin dans l’analytique RH, mais il est
aussi possible que les décisions n’appartiennent pas au DRH,
mais à la haute direction. Ainsi, si l’on représente les pour-
centages de DRH qui mesurent, évaluent et décident sur la
base des résultats obtenus aux indicateurs, seulement 15 %
à 30 % des DRH répondants au sondage ont des réponses
positives sur les trois composantes du continuum.
Le faible pourcentage de DRH utilisant de façon opti-
male les indicateurs RH s’interprète d’au moins deux façons.
Premièrement, il est possible que l’échantillon soit composé
essentiellement de DRH intéressés par la mesure, mais néo-
phytes en la matière. En contrepartie, les DRH déjà équipés
en tableaux de bord n’ont peut-être pas vu la pertinence de
répondre au sondage. Ces deux éléments nous amèneraient
donc à sous-estimer le pourcentage de DRH utilisant la
mesure RH dans leur quotidien. Deuxièmement, il est pos-
sible que ces pourcentages se généralisent à l’ensemble des
DRH au Québec. Certains indices nous laissent pencher
vers cette interprétation. En effet, nos résultats rejoignent
les résultats de l’étude de Lawler et al. (2004) qui rapporte
que les indicateurs d’efficience sont davantage mesurés pour
les activités RH que les indicateurs d’efficacité et d’impact.
L’échantillon de cette étude est plus grand et provient d’orga-
nisations américaines. Il importe donc que les DRH se dotent
ou maintiennent des indicateurs d’efficience pour leurs pra-
tiques RH, mais aussi qu’ils complètent leur tableau de bord
à l’aide d’indicateurs d’efficacité et d’impact. Partant de ces
résultats, la prochaine section se penche sur nos recomman-
dations aux PRH intéressés par l’analytique RH.
Gestion vol. 39 no 4 | Hiver 2015 | revuegestion.ca
PRH,
ce n’est que le début
de l’analytique RH
La mesure des résultats en GRH pose plusieurs défis. Les
prochaines sections font état de ces défis, auxquels nous pro-
posons certaines recommandations aux PRH.
Réfléchir d’abord, mesurer ensuite
Le premier défi qui se pose aux PRH concerne la prépa-
ration du projet de mesure. Mesurer les résultats RH et la
contribution aux résultats organisationnels peut s’avérer un
exercice périlleux pour les néophytes en mesure. Ces PRH
doivent donc d’abord se faire la main quant à l’exercice de
mesure. À notre avis, les mesures d’efficience des activités RH
ainsi que les mesures d’efficacité des activités peuvent contri-
buer à développer les compétences des PRH en mesure. En
effet, les activités RH sont en général faciles à délimiter, ce
qui a comme conséquence de simplifier l’objet de mesure.
Par exemple, des PRH souhaitant se doter d’indicateurs liés
à un programme de formation peuvent très bien cibler l’en-
semble des coûts qui se rattachent à ce programme, déter-
miner les objectifs d’apprentissage des différents modules
de formation, et prévoir les répercussions sur le travail des
personnes formées. Partant de cet exercice de délimita-
tion de l’activité de formation, les indicateurs deviennent
ensuite plus faciles à identifier. Par ailleurs, plus cet exercice
de réflexion est fait avec rigueur, plus les indicateurs qui en
découlent deviennent faciles à identifier. En outre, le fait de
bien réfléchir aux différentes dimensions du programme de
formation (la signification de l’efficience de la formation et
de son efficacité) permet ensuite de bien choisir l’ensemble
des indicateurs nécessaires pour appréhender tout ce qu’on
souhaite obtenir à propos du phénomène à mesurer (les
coûts, le niveau d’apprentissage ou de transfert).
Articuler le lien entre les résultats
organisationnels et les résultats RH
Le deuxième défi qui se pose aux PRH plus aguerris
en mesures et désireux de démontrer la contribution de la
GRH aux résultats organisationnels est de bien maîtriser les
composantes de la stratégie organisationnelle et celles de la
stratégie RH. Plus précisément, les PRH qui se lancent dans
la mesure des résultats RH doivent avoir une idée claire
des résultats organisationnels à atteindre et avoir une idée
précise des résultats RH qui devraient être en lien avec ces
résultats organisationnels. Ces éléments font référence à la
capacité de modélisation des PRH, une compétence très
importante pour quiconque se lance dans la mesure RH.
Pour s’aider, les PRH peuvent appliquer le modèle de l’esca-
lier présenté précédemment pour structurer leur réflexion
quant à l’alignement entre la stratégie d’affaires et la stratégie 51
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RH d’une part, et entre les résultats organisationnels et les
résultats RH d’autre part. En partant du haut de l’escalier,
les PRH peuvent identifier les résultats organisationnels à
atteindre, descendre d’une marche et identifier les résultats
RH pertinents pour les résultats organisationnels, et finale-
ment, identifier les activités RH qui permettent d’atteindre
les résultats RH.
Par exemple, si une entreprise souhaite fidéliser davan-
tage ses clients (résultats organisationnels), les comporte-
ments adoptés par les employés envers les clients devraient
faire l’objet d’un suivi à l’aide d’indicateurs, tels que des
mesures de la courtoisie, de l’empathie, de l’identification des
besoins des clients, etc. (résultats RH). Il pourrait être sou-
haitable de mesurer l’ensemble de ces comportements à l’aide
d’une échelle de fréquence et d’en faire un score aggloméré
ou de faire autant d’indicateurs que de dimensions selon le
niveau de précision souhaité par les PRH. Afin de mainte-
nir ou de rehausser la fréquence de ces comportements, les
activités RH doivent ensuite s’aligner sur l’atteinte de ces
résultats RH. La dotation et la formation constituent deux
exemples saillants d’activités qui peuvent favoriser l’atteinte
de ces résultats comportementaux chez les employés. En ce
qui concerne la dotation, des indicateurs liés aux comporte-
ments attendus peuvent faire l’objet de mesures à partir des-
quelles les PRH pourront sélectionner les candidats. Pour la
formation, les activités devraient viser à développer les capa-
cités des employés à adopter les comportements souhaités.
Ainsi, si l’on arrive à sélectionner les candidats démontrant
les comportements attendus (l’indicateur d’efficacité serait
ici la moyenne des scores obtenus aux outils de sélection
mesurant ces comportements) et que la formation permet de
rehausser davantage ces comportements (indicateurs d’effi-
cacité en termes d’apprentissages), les indicateurs de cour-
toisie, d’empathie et de réponse aux besoins devraient être
rehaussés. Une hausse de ces indicateurs devrait prédire à
son tour le niveau de satisfaction de la clientèle. Cet exemple
permet d’illustrer le modèle de l’escalier, lequel permet d’ar-
ticuler de façon logique une chaîne de valeurs au sein de
l’organisation. Ainsi, il importe pour les PRH de bien maîtri-
ser l’ensemble des éléments qui affectent la performance des
programmes RH et de bien comprendre ce qui conditionne
les résultats organisationnels.
Instaurer une culture de la mesure RH
Un troisième défi à relever par les PRH concerne le déve-
loppement d’une culture de mesure au sein de la fonction
RH. Celle-ci doit être caractérisée par une ouverture face
aux principes de l’EBM, par une rigueur de travail, par la
transparence et par l’implication des différents acteurs tels
que les gestionnaires, les contrôleurs de gestion, les respon-
sables du marketing ou des finances, etc. Si l’on reprend
l’exemple du service à la clientèle, les PRH doivent collabo-
rer avec plusieurs acteurs : les gestionnaires des opérations
pour identifier les comportements attendus envers la clien-
tèle, les responsables du marketing pour obtenir les résultats
52 des sondages de satisfaction des clients, et les conseillers RH
pour mesurer les activités RH. Ainsi, les PRH responsables
d’un projet de mesure doivent être ouverts à l’idée de ces col-
laborations multidisciplinaires, lesquelles ne se limitent bien
sûr pas à celles données ici en guise d’exemples.
Outre le développement de la multidisciplinarité, le déve-
loppement d’une culture de mesure RH nécessite de la part
des PRH de faire preuve d’ouverture et d’humilité. En effet,
si les résultats sont positifs, les PRH peuvent gagner en cré-
dibilité aux yeux des acteurs organisationnels. Dans le cas
contraire, leur vision d’amélioration continue sera mise à
rude épreuve et il sera alors tentant d’abandonner les pro-
jets de mesure pour éviter ou limiter les critiques. Or, ce
qui guide l’effort de mesure chez les PRH ne doit pas être
la volonté de démontrer au « monde entier » à quel point ils
sont excellents pour développer des programmes RH, mais
plutôt être orienté par un désir d’améliorer les pratiques de
GRH ainsi que leur mise en œuvre. Devant cette imputabi-
lité nouvelle, les PRH doivent donc se préparer et se prému-
nir contre des réflexes naturels d’autoprotection.
La mesure RH comme vecteur de changement
Le quatrième défi est lié au précédent. Pour assurer le
développement des organisations à l’aide du suivi d’indica-
teurs RH, les PRH doivent sensibiliser les personnes impac-
tées par le système de mesures. Ainsi, il faudra assurément
consulter tous les niveaux RH (conseillers juniors et seniors)
dans le but d’élaborer les mesures les plus adaptées, d’aug-
menter le taux d’appropriation des indicateurs et de facili-
ter la gestion du changement. Dans le même sens, lorsque
la mesure implique les collaborations multidisciplinaires,
il importe d’impliquer ces partenaires tout au long du pro-
cessus de réflexion du projet de mesure et lors de sa mise
en œuvre. La transparence est essentielle quant aux objec-
tifs poursuivis. Cette transparence est tout aussi importante
lors de la communication des résultats, puisqu’elle permet de
maximiser les impacts de la mesure. Une telle démarche est
assurément délicate; si elle est mal exécutée, elle peut nuire
à la crédibilité de la fonction RH, laquelle sera difficile à
rebâtir par la suite. À l’inverse, une bonne mise en œuvre de
l’ensemble du projet de mesure permet de gagner en crédibi-
lité aux yeux des acteurs organisationnels. Pour ce faire, il est
indispensable que les indicateurs soient pertinents aux yeux
de tous, que les résultats soient fiables et qu’ils favorisent
la prise de bonnes décisions. Les indicateurs ont pour but
de montrer l’évolution des programmes, des résultats et des
décisions prises en matière RH. En ce sens, les indicateurs
développés devront disposer d’une périodicité de mesure.
En outre, il faut réévaluer systématiquement les indicateurs
que l’on a identifiés comme pertinents afin de continuelle-
ment attester de leur alignement avec les objectifs organisa-
tionnels, lesquels peuvent être appelés à changer.
Se doter d’une infrastructure de données
Non seulement il s’avère essentiel que les PRH se ques-
tionnent sur ce qu’ils veulent ou doivent mesurer, mais il
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faut également déterminer ce qu’ils peuvent mesurer. Or, un l’obligation de justifier leurs actions et d’offrir aux hauts diri-
défi auquel font face les PRH concerne les outils de mesure. geants un raisonnement crédible basé sur des faits.
Selon Raedecker et Cossette (2013), 19 % des PRH utilisent
Les données dont nous disposons laissent toutefois un
les dossiers papier en guise de sources de données, 72 % uti-
bilan mitigé par rapport à cet enjeu crucial pour le dévelop-
lisent les dossiers électroniques et 70 % utilisent Excel. Bien
pement de la profession en RH. Nos observations pointent
que ces sources soient utiles, elles sont d’une utilité limi-
vers une tendance lourde envers l’imputabilité des PRH
tée lorsque l’organisation est moyennement complexe (une
dans leurs prises de décisions. Les PRH doivent adopter une
entreprise de moyenne ou de grande taille compilera rapi-
démarche rigoureuse afin de pouvoir expliquer en quoi leurs
dement de multiples données). Toujours selon ce sondage,
actions affectent le succès organisationnel. L’examen de nos
seuls 50 % des répondants disposent de systèmes intégrés de
données, observations, interventions et discussions avec des
GRH permettant le cumul de données en grande quantité.
spécialistes du domaine suggère que les PRH au Québec
Bref, les données doivent être disponibles au sein de l’organi-
accusent un certain retard au sujet de la mesure liée à la fonc-
sation et facilement utilisables.
tion RH. Très peu d’organisations possèdent une architecture
de mesure dynamique leur permettant de suivre l’évolution
de la performance de leur service RH de façon aussi détail-
Conclusion lée que celui de leur département finance. Pourtant, il n’y a
pas si longtemps, le département finances n’était pas aussi
stratégique qu’il l’est maintenant ! Si le virage mesure et ana-
Étant donné le contexte économique, les nouveaux rôles lyse a opéré avec succès en finances, il y a donc de l’espoir
de la fonction RH et les préoccupations des hauts dirigeants, pour les PRH. Lorsque les PRH manieront avec compétence
il nous apparaît impératif que la fonction RH développe des les indicateurs et les résultats qui en découlent, il y a fort
moyens de mesurer et, surtout, d’utiliser des indicateurs à parier qu’il s’ensuivra une plus grande reconnaissance de
d’efficience, d’efficacité et d’impact en portant une attention l’apport stratégique de cette discipline. Plus spécifiquement,
rigoureuse aux indicateurs contribuant à la performance l’adoption et la bonne maîtrise des pratiques de mesure par
organisationnelle. De tels indicateurs se présentent comme les PRH pourraient conduire à la pleine reconnaissance de
étant essentiels afin d’attester de la compétitivité des services leur statut de partenaire stratégique au sein de l’organisation.
offerts par la fonction RH et d’en justifier l’existence. L’apport En ce sens, la transition vers ce que l’on appelle l’Evidence-
le plus important de la mesure RH consiste sans aucun Based Management (EBM) devient indiscutable.
doute à motiver les gestionnaires et les employés à implan-
ter avec succès la stratégie d’affaires. Plus spécifiquement, les
organisations qui transposent leurs stratégies en une série
d’indicateurs de mesures sont mieux outillées pour la mettre
en œuvre, puisqu’elles peuvent communiquer des objectifs
et des cibles à atteindre. Ces objectifs et cibles permettent
ensuite d’aligner les investissements, les initiatives et les
actions sur les objectifs stratégiques. La mesure RH devient
donc un puissant outil lorsqu’elle aligne les objectifs RH à
ceux de l’organisation, et ajoute de la valeur lorsqu’elle motive
les actions et permet de justifier les décisions. L’alignement
stratégique facilité par la mise en place d’une architecture de
mesures rigoureusement élaborée pourrait bien représen-
ter une excellente façon d’acquérir un avantage compétitif
durable32. En effet, l’intangibilité et l’unicité d’une telle archi-
tecture rendraient l’organisation pratiquement inimitable et
favoriseraient un pilotage optimal de la fonction RH.
Il est maintenant temps pour les PRH de s’attarder sur ce
qui importe vraiment : l’optimisation et la création de valeur
pour l’organisation et ses acteurs. Si les PRH étaient jadis les
spectateurs de la performance organisationnelle, plusieurs
sont d’avis qu’ils doivent en devenir les acteurs, non pas à
l’aide d’une rhétorique, mais plutôt à l’aide de preuves basées
sur des évidences. Fitz-Enz (2010) mentionne avec justesse
que « Sans données, nous avons seulement des opinions ».
Les PRH d’aujourd’hui doivent s’en remettre davantage à des
évidences, des faits et des informations valides pour gui-
der leurs décisions. Ces professionnels ont de plus en plus 53
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Notes

1. Becker et al. (2001). 17. Le Louarn (2008).

2. Dyer et Holder (1988), Jiang et al. (2012). 18. Bourhis (2013).
3. Ulrich et al. (2008). 19. St-Onge et al. (2009 : 140).
4. Mignacca (2012). 20. Le Louarn (2008).
5. Raedecker et Cossette (2013). 21. Le Louarn (2008).
6. Lawler et al. (2004). 22. Le Louarn (2008).
7. Cascio et Boudreau (2008), Le Louarn (2008). 23. Le Louarn (2008).
8. Mignacca (2012). 24. Tremblay et Wils (2005).
9. Locke (2009). 25. Cascio et Boudreau (2008).
10. Pease et al. (2013). 26. Cascio et Boudreau (2008).
11. Becker et al. (2001). 27. Cascio et Boudreau (2008), Le Louarn (2008).
12. Le Louarn (2008). 28. Le Louarn (2008).
13. Bourhis (2013). 29. Cascio et Boudreau (2008).
14. Le Louarn(2008). 30. St-Onge et al. (2009 : 346).
15. Le Louarn (2008). 31. Bouteiller et Cossette (2007).
16. Lawler et al. (2004). 32. Barney (1991).

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