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« Le meilleur moyen d'agir, c'est bien de comprendre ». Ce propos d'un historien pourrait à lui
seul justifier la place occupée par l'analyse stratégique. Dans les périodes de forte incertitude
que nous traversons, marquées par l'absence de visibilité à moyen terme, le développement
tous azimuts des technologies, l'effondrement des grandes idéologies, les directions des
entreprises ont perdu leurs repères, ceux-là mêmes qu'elles avaient construits dans les années
de croissance stable et régulière d'après-guerre. A l'époque, les raisonnements stratégiques
pouvaient aisément se limiter à la prise en compte des variables marketing et finance : Le
marché est-il attrayant, comment l'entreprise va-t-elle se procurer les moyens de sa politique de
développement, dans quel type d'activité est-il souhaitable d'investir ses excédents de
liquidité ? Bien sûr, de telles questions se posent aujourd'hui de manière à peu près identique ;
ce qui a changé, c’est la difficulté croissante à trouver des réponses appropriées. D'abord parce
que le choix de manœuvres stratégiques suppose la prise en compte d'un nombre de plus en
plus élevé de variables sur lesquelles l'entreprise a peu de moyens d’action ; nous faisons
référence ici à la complexité de l'environnement économique, technique, socioculturel,
politique, institutionnel... Ensuite parce que ces variables multiples évoluent à un rythme
accéléré et pas nécessairement de manière prévisible ; on parlera alors de dynamisme ou
turbulence de l'environnement. Enfin parce que, dans un tel contexte, les organisations elles-
mêmes se sont transformées : tendance à la décentralisation des structures, à l'autonomie des
divisions, à la flexibilité, à la transversalité... Leur pilotage en est devenu plus complexe. Ce que
l'on va donc attendre, du manager-stratège, ce n'est plus seulement d'être un bon gestionnaire,
rationnel et maîtrisant bien son domaine d’activité. Il doit en plus savoir repérer les tendances,
s'y adapter instantanément, exploiter les moindres opportunités d'une analyse permanente des
mutations technologiques, concurrentielles, sociétales, politiques, culturelles, qu'il s'agisse de
sa propre sphère d'activité ou de domaines connexes. Il devient dès lors évident que l'analyse
stratégique revêt une importance capitale dans la définition de la politique générale de
l'entreprise et qu'elle ne peut être entendue que comme un examen systématique de
l'ensemble des variables l'influençant, directement ou indirectement.
Dans les années 50, le concept de stratégie d'entreprise est apparu dans la littérature de gestion
américaine. Avant cette époque, le terme "stratégie" était exclusivement une préoccupation
militaire et signifiait, selon la formule de CLAUSEWITZ, "l'art d'employer les forces militaires
pour atteindre les objectifs fixés par la politique". L'étymologie du mot "stratège" rappelle
également ses origines militaires : en grec ancien, Stratos signifie "armée" et Agos "je conduis".
I. L’école de créativité
Connue sous le nom d'école du positionnement, a dominé la création stratégique dans les
années 80. C'est Michael Porter, le célèbre professeur de Harvard, qui lui a donné son élan en
1980, dans la foulée d'autres travaux réalisés sur le thème du positionnement stratégique, tant
dans le monde universitaire que dans celui du conseil (notamment par le Boston Consulting
Group et le projet PIMS), tout cela précédé par une abondante littérature consacrée à la
stratégie militaire depuis 400 avant J.-C., sans oublier les écrits de Sun-Tzu, l'auteur chinois de «
L'Art de la guerre ». Pour cette école, la stratégie se réduit à un certain nombre de positions
génériques, choisies par le biais d'une analyse formelle des situations. Les membres du «
planning stratégique » se sont donc transformés en analystes. Une situation particulièrement
lucrative pour les consultants comme pour les universitaires, qui pouvaient mordre à belles
dents dans des informations concrètes et promouvoir ainsi leurs « vérités scientifiques » aux
entreprises et aux revues. Cette littérature s'est développée dans toutes les directions,
englobant les groupes stratégiques, les chaînes de valeur, la théorie des jeux et d'autres encore,
mais toujours avec une tendance analytique.
Dans cette école, comme vous auriez pu le deviner, définir une stratégie, c’est avant tout se
positionner dans un contexte concurrentiel. Vous comprenez dès lors que la logique qui domine
ici est celle de la loi du plus fort. On est constamment dans un rapport de force avec ses
concurrents : Ce qui pourrait à mon sens, desservir à long terme la filière dans laquelle se
trouve votre entreprise, surtout si les stratégies adoptées par les uns et les autres sont des
stratégies de pénétration avec des prix prédateurs. Ce type de stratégie contraint chacun à
réduire ses marges et si l’entreprise n’est pas capable de baisser ses coûts de production et/ou
d’approvisionnement, de monter en gamme, ou de se diversifier, elle aura du mal à être
pérenne sur son marché.
L'école du positionnement avec ses influences militaires et économiques voit empiriquement le
jour avec l'apparition des consultants et des chercheurs en stratégie qui mettront en place une
panoplie d'outils. Ces outils analytiques ainsi que des techniques d’analyse de la bonne stratégie
à adopter au niveau du secteur qui sont issus de l’école du positionnement vont alors eux aussi
voir le jour. Même si ça reste simpliste et d’une vision synoptique, ils font parties des outils des
plus connues en matière de stratégie. Parmi ces outils on en trouve la matrice croissance-part
de marche du Boston Consulting Group qui présente les quatre situations type mentionnant les
implications financières propre à chaque situation (en fonction de l’attrait du secteur) et les
options stratégiques envisageables. Ces quatre situations qui se rapprochent des „„blocs de
constructions‟ de Carl Von Clausewitz retiennent deux indicateurs d’une part l’attrait du secteur
et d’autre part la position concurrentielle (part de marche). Ce dernier indicateur retenu repose
sur leur théorie des effets d’expérience qui stipule que les coûts ajustés diminuent à mesure
que la production cumulée augmente (Koenig, 2004). De là l’idée de l’importance d’accroitre les
parts de marché qui accroit la taille de l’entreprise par conséquent et ainsi l’augmentation de sa
productivité cumulée et tout ceci c’est pour en profiter d’un avantage de coût. Dans ce sens le
cabinet Profit Impact of Marketé Stratégies vient par la suite renforcer cette idée en
s’intéressant à la méta-base de données et à la loi de marché pour mesurer l’impact des
investissements et des parts de marché sur le taux de rentabilité. Ces apports entrent dans
l’extrême schématisme et la volonté d’aboutir à la meilleure stratégie au meilleur contexte.
Selon Henri Mintzberg l’école du positionnement a été façonné par trois vagues : les écrits
militaires, les impératifs de conseil (BCG & PIMS) et les propositions empiriques (Michael
Porter). Ces trois vagues ont fait de cette école, l’école scientifique par excellence raisonnant au
niveau du secteur d’activité et considérant l’élaboration de la stratégie un processus analytique
où le dirigent en trouverait la recette magique qui donnera la possibilité à l’entreprise
d’améliorer son positionnement stratégique.