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Les tumeurs bénignes des cavités nasales et sinusiennes ont la particularité de présenter une extrême
diversité anatomopathologique tandis que la présentation clinique est souvent plus monomorphe. Elles
sont dominées en fréquence par le papillome inversé. Cliniquement, les tumeurs bénignes
nasosinusiennes peuvent se révéler soit par la présence de signes rhinologiques, soit par des signes
témoignant d’une extension de la tumeur aux os de la face générant ainsi une déformation faciale, soit
par des signes témoignant d’une extension extrasinusienne (orbitaire, méningée). Les deux examens
complémentaires les plus utiles sont l’examen tomodensitométrique et l’examen par résonance
magnétique qui apportent des résultats complémentaires afin de caractériser la tumeur et l’inflammation
qu’elle génère, et d’étudier les extensions tumorales avec précision. La classification OMS des tumeurs
bénignes nasosinusiennes comporte trois chapitres, les tumeurs osseuses et cartilagineuses, les tumeurs
des tissus mous et les tumeurs épithéliales. Les caractéristiques de chaque tumeur sont présentées sur le
plan clinique, radiologique, histologique, évolutif et thérapeutique.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Tumeur ; Cavité nasale ; Sinus paranasaux ; Papillome inversé ; Examen tomodensitométrique ;
Examen par résonance magnétique nucléaire ; Chirurgie endonasale
Plan Tableau 1.
Classification histologique des tumeurs bénignes des cavités nasales et
sinusiennes (Organisation Mondiale de la Santé) [10].
¶ Introduction 1
Tumeurs épithéliales bénignes
¶ Circonstances de découverte des tumeurs bénignes
des cavités nasales et sinusiennes 2 Papillome nasosinusien Papillome inversé
Signes fonctionnels 2 Papillome oncocytaire
Signes physiques 2 Papillome exophytique
Signes radiologiques 2 Adénome de type salivaire Adénome pléomorphe
Signes peropératoires 4 Myoépithéliome
¶ Particularités cliniques et paracliniques en fonction Oncocytome
du diagnostic histologique 4
Tumeurs des tissus mous
Tumeurs de l’os et du cartilage 4
Myxome
Tumeurs des tissus mous 6
Hamartome 8 Léiomyome
Tumeurs épithéliales bénignes 8 Hémangiome
Schwannome
Neurofibrome
Méningiome
■ Introduction
Tumeurs de l’os et du cartilage
Lésion à cellule géante
Tumeur à cellule géante
Les tumeurs bénignes des cavités nasales et sinusiennes ont la
Chondrome
particularité de présenter une extrême diversité anatomopatho-
logique tandis que la présentation clinique est souvent mono- Ostéome
morphe. L’une des plus importantes séries publiées dans la Chondroblastome
littérature sur les tumeurs bénignes et malignes des cavités Fibrome chondromyxoïde
nasosinusiennes rapporte 256 cas diagnostiqués entre 1935 et Ostéochondrome (exostose)
1969 à New York [1-9]. Parmi les 256 tumeurs observées, 156 Ostéome ostéoïde
étaient bénignes (61 %) et 100 étaient malignes (39 %). Le Ostéoblastome
Tableau 1 [10] montre la classification des tumeurs bénignes des Améloblastome
cavités nasosinusiennes selon l’Organisation Mondiale de la
Hamartome nasal chondromésenchymateux
Santé et le Tableau 2 [1-9] montre la répartition des tumeurs
Oto-rhino-laryngologie 1
20-400-A-10 ¶ Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien
2 Oto-rhino-laryngologie
Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien ¶ 20-400-A-10
(quelle qu’en soit l’origine, notamment dentaire, aspergillaire) Les buts de l’imagerie médicale sont de répondre à cinq
se limitent à l’atteinte du sinus maxillaire et/ou de l’ethmoïde questions [13] :
antérieur et/ou du sinus frontal. Il n’y a pas d’atteinte du • la tumeur est-elle bénigne ou maligne ?
sinus ethmoïde postérieur ni du sphénoïde. L’opacité ne • à partir de quelle structure la tumeur s’est-elle développée ?
dépasse pas le plan de la lame basale du cornet nasal moyen • quelle est la topographie de la tumeur et quelles sont ses
et se situe en avant de celle-ci (Fig. 1A, B). Les sinusites extensions intra- et extrasinusiennes ?
postérieures de la face se limitent à l’atteinte du sinus • peut-on différencier la tumeur par rapport au processus
ethmoïde postérieur et/ou du sinus sphénoïdal. Il n’y a pas inflammatoire réactionnel à la présence de la tumeur
d’atteinte du sinus maxillaire, de l’ethmoïde antérieur ou du (Fig. 2) ?
sinus frontal. L’opacité ne dépasse pas le plan de la lame • quelle est la nature de la tumeur, certains éléments sémiolo-
basale du cornet nasal moyen et se situe en arrière de celle- giques et/ou topographiques permettant de suggérer des
ci. Les sinusites localisées sont souvent unilatérales ; elles hypothèses histologiques [14, 15].
peuvent être parfois bilatérales. Les rhinosinusites diffuses Le diagnostic radiologique entre tumeur bénigne et tumeur
sont bilatérales et à peu près symétriques et affectent à la fois maligne, qui se pose essentiellement devant une tumeur
les sinus antérieurs et les sinus postérieurs de la face ; c’est le tissulaire, repose sur un faisceau d’arguments mais ne peut être
cas de la polypose nasosinusienne (Fig. 1C). Ainsi, il n’existe que rarement un diagnostic formel. Les signes à analyser sont
pas de rhinosinusite diffuse unilatérale : toute opacité la présence d’une lyse osseuse, le signal tumoral, le siège de la
atteignant unilatéralement les sinus antérieurs et les sinus tumeur et ses extensions [13]. Des destructions osseuses sont très
postérieurs de la face, sans respect de la lame basale du cornet évocatrices de tumeur maligne des cavités nasosinusiennes ;
nasal moyen, doit faire craindre la présence d’une tumeur néanmoins, ce signe n’est pas pathognomonique. Certaines
(Fig. 1D). Ainsi, un aspect de « polypose nasosinusienne tumeurs bénignes peuvent avoir une apparence très agressive
unilatérale » doit faire évoquer la présence d’une tumeur des vis-à-vis de l’os (Cf. infra). L’analyse du signal tumoral connaît
cavités nasosinusiennes ; des limites à la caractérisation des processus tumoraux. L’exa-
• des extensions extrasinusiennes atypiques. Une rhinosinusite men tomodensitométrique différencie les processus tissulaire,
chronique est usuellement limitée aux cavités nasosinusien- osseux et liquidiens. Il apprécie le caractère homogène de la
nes. La découverte d’une extension extrasinusienne (orbitaire, tumeur et son rehaussement après injection. La présence d’une
endocrânienne, vers les espaces profonds de la face) doit faire image de densité osseuse dans la tumeur peut orienter vers
évoquer le diagnostic de tumeur, qu’elle soit bénigne ou certains diagnostics (par exemple, les calcifications en motte des
maligne. chondrosarcomes). En IRM, que la tumeur soit une tumeur
Lorsque le diagnostic de tumeur bénigne est évoqué, l’étude bénigne ou maligne, le signal tumoral est un hyposignal en
radiologique doit le plus souvent comporter au mieux un séquence pondérée T1 et T2 ; le rehaussement est modéré après
examen tomodensitométrique de la face et une imagerie par injection de produit de contraste [13].
résonance magnétique nucléaire (IRM). Les clichés standards de L’examen par résonance magnétique nucléaire est particuliè-
la face sont inutiles. Si une imagerie par résonance magnétique rement utile car il permet d’analyser de façon plus précise le
n’est pas effectuée, l’étude tomodensitométrique doit être volume et les extensions tumorales et de différencier la tumeur
couplée à une injection de produit de contraste, afin de mieux de l’inflammation péritumorale. Il ne présente pas un grand
dissocier tumeur et inflammation. Elle permet alors d’étudier les intérêt dans le cas des tumeurs osseuses. Le Tableau 3 reprend
structures osseuses (refoulement, destruction) et la topographie les principales caractéristiques des tumeurs bénignes et malignes
des opacités nasosinusiennes. des cavités nasosinusiennes, de la rétention récente ou ancienne
Oto-rhino-laryngologie 3
20-400-A-10 ¶ Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien
Tableau 3.
Signal IRM dans les tumeurs bénignes des cavités nasosinusiennes. lésion. En cas de positivité de cet examen, il est souvent
préférable de ne pas poursuivre l’exérèse, de réveiller le patient,
Séquence T1 Séquence T2 Après injection de programmer un bilan d’imagerie médicale adapté (TDM ±
Tumeur bénigne Hyposignal Hyposignal* Rehaussement IRM) afin de prévoir un traitement chirurgical adapté à la
modéré nature et à l’extension de la tumeur.
Tumeur maligne Hyposignal Hyposignal Rehaussement
modéré
Rétention Hyposignal Hypersignal Pas de ■ Particularités cliniques
récente rehaussement
Rétention Hypersignal Hypo- ou Pas de
et paracliniques en fonction
ancienne isosignal rehaussement du diagnostic histologique
Inflammation Hyposignal Hypersignal Rehaussement
réactionnelle important L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) regroupe les
tumeurs bénignes des cavités nasales et sinusiennes en trois
* environ 5% des tumeurs bénignes ont un hypersignal en séquence pondérée
T2 comme les tumeurs des glandes salivaires accessoires, quelques schwannomes, groupes principaux : les tumeurs osseuses et cartilagineuses, les
les rares hémangiomes et un petit sous-groupe de papillomes inversés. tumeurs des tissus mous et les tumeurs épithéliales [10]. En
outre, une remarquable étude clinique et histologique des
tumeurs bénignes des cavités nasosinusiennes a été publiée sur
liée au volume tumoral et de l’inflammation muqueuse réac- une période d’une dizaine d’années dans plusieurs numéros de
tionnelle. Cette différenciation entre tumeur et inflammation la revue « Cancer » par Perzin et al. [1-9, 16-18].
ou rétention permet de planifier au mieux l’intervention
chirurgicale et en particulier la voie d’abord. Tumeurs de l’os et du cartilage
Ostéome
Signes peropératoires
L’ostéome est la plus fréquente des tumeurs bénignes des
La découverte d’une tumeur bénigne des cavités nasosinu- cavités nasosinusiennes [19-24]. C’est une tumeur mésenchyma-
siennes peut résulter de la visualisation d’une tumeur, lors d’un teuse ostéoblastique bénigne formée d’os mature avec une
geste de chirurgie endoscopique programmé pour le traitement structure à prédominance lamellaire [10]. Rares sont les séries
d’une rhinosinusite chronique. Un examen histologique extem- d’ostéomes publiées dans la littérature, la plupart des publica-
porané doit être effectué afin de confirmer la nature de la tions rapportent soit des cas se manifestant par des signes
4 Oto-rhino-laryngologie
Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien ¶ 20-400-A-10
Oto-rhino-laryngologie 5
20-400-A-10 ¶ Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien
une sclérose et la densité de l’os est très élevée. Enfin, dans les
formes mixtes (40 à 50 % des cas), l’os est épaissi et contient
en proportion variable des zones ossifiées, des zones kystiques
radiotransparentes et des zones d’os néoformé. Lors de la
croissance de la dysplasie, le développement est le plus souvent
unilatéral et asymétrique. La dégénérescence est exceptionnelle.
Le syndrome de McCune-Albright associe une forme dissémi-
née de dysplasie fibreuse, une maturation précoce des os et des
anomalies de la pigmentation cutanée [58, 59].
Le traitement de la dysplasie fibreuse nasosinusienne est
chirurgical. L’indication chirurgicale dépend de l’importance des
déformations (et des désirs esthétiques du patient) et des
complications secondaires au développement de la maladie.
L’abstention chirurgicale est le plus souvent proposée lorsque les
signes fonctionnels sont pauvres. Une chirurgie limitée peut être
proposée afin de reperméabiliser un sinus dont la voie de
drainage est obturée par la dysplasie fibreuse, ou devant des
complications neurologiques ou ophtalmologiques [60, 61].
Améloblastome
L’améloblastome est la plus fréquente des tumeurs d’origine
dentaire. Elle est développée aux dépens des tissus du bourgeon
dentaire. Elle représente 1 % des tumeurs du maxillaire (20 %
des cas d’améloblastome) ou de la mandibule (80 % des cas).
Les cas d’améloblastome des cavités nasosinusiennes décrits
dans la littérature sont très rares, la plus importante série
rapporte 24 cas observés dans l’armée américaine de 1956 à
1996 [62-64]. L’âge de découverte moyen est voisin de 60 ans et
il existe une nette prédominance masculine. Le sinus atteint est
le sinus maxillaire et la tumeur se manifeste par un effet de
masse avec de fréquentes surinfections et des épistaxis. La
croissance est lente. Le traitement est chirurgical, il consiste à
réaliser une exérèse large sans fragmentation, mais la récidive
est fréquente et souvent rattachée à une exérèse initiale
incomplète [64].
6 Oto-rhino-laryngologie
Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien ¶ 20-400-A-10
la tête et du cou (38 % à 45 % des schwannomes) mais les Quatrièmement, les méningiomes extracrâniens peuvent être
schwannomes des cavités nasosinusiennes sont rares (moins de isolés et sans lien direct avec un foramen de la base du crâne
4 % des schwannomes de la tête et du cou) [10, 76, 77]. Une ou un nerf crânien.
centaine de cas ont été décrits dans la littérature dont quelques Les méningiomes sont des tumeurs susceptibles d’être poly-
exceptionnelles séries de moins de six cas [78-86]. Les localisa- morphes et de très nombreuses variétés ont été décrites. L’OMS
tions préférentielles sont le sinus ethmoïde, puis le sinus reconnaît 13 sous-types différents dont les plus fréquents sont
maxillaire. Les autres formes (le sphénoïde, la cavité nasale les types fibroblastique, méningothélial et transitionnel.
notamment le septum) sont exceptionnelles. L’origine nerveuse Plusieurs sous-types peuvent coexister au sein de la même
de la tumeur est le nerf trigéminal et les nerfs sensitifs de la tumeur [93]. Le profil histologique des méningiomes extracrâ-
muqueuse respiratoire. niens ne diffère pas de celui des méningiomes intracrâniens [91].
L’âge de découverte varie de l’adolescence à plus de 75 ans L’âge moyen de découverte des méningiomes extracrâniens
mais le plus souvent entre 30 et 50 ans. Le sex-ratio est voisin est d’environ 45 ans et le sex-ratio est de 1/1,2. Les signes
de 1 [10]. Les symptômes révélateurs sont semblables à ceux révélateurs sont communs avec les autres tumeurs bénignes des
rencontrés usuellement dans les tumeurs bénignes nasosinu- cavités nasosinusiennes [91]. La durée moyenne entre le début
siennes, sans aucun signe spécifique. Cliniquement, la tumeur des signes cliniques et le diagnostic est d’environ 30 mois [91].
est régulière, bien limitée. Il n’est pas cliniquement possible Par ordre de fréquence, les localisations sont à la fois nasales et
d’établir un diagnostic de schwannome. L’association d’un sinusiennes (dans près de 50 % des cas), exclusivement nasales
examen tomodensitométrique et d’un examen par résonance (environ 20 %), les formes affectant seulement un sinus sont
magnétique permet de réaliser un diagnostic topographique de plus rares. La plupart des cas décrits sont situés du côté
la lésion et de préciser ses extensions faciales et crâniennes. gauche [10]. L’association d’un examen tomodensitométrique et
Le traitement est chirurgical, le plus souvent réalisé par voie d’un examen par résonance magnétique permet de réaliser un
endoscopique, ou parfois par voie externe en fonction de la diagnostic topographique de la lésion et de préciser ses exten-
topographie de l’atteinte. La récidive est rare si l’exérèse est sions faciales et crâniennes.
complète [78-86] . La dégénérescence maligne est Le traitement est chirurgical et la voie d’abord varie considé-
exceptionnelle [10]. rablement en fonction du site de développement et de l’exten-
sion éventuelle vers la base du crâne et l’endocrâne. Le taux de
Neurofibrome survie à 5 et 10 ans est estimé à 82 % et 78 % [91]. L’exérèse
complète est souvent difficile et le taux de récidive publié est
Le neurofibrome est une tumeur bénigne des nerfs périphéri- voisin de 30 % [10]. Aucun cas de forme maligne n’a été décrit
ques, exceptionnelle dans les cavités nasosinusiennes [87-89]. La dans la littérature [10, 91].
tumeur se développe généralement sur la branche maxillaire ou La neurofibromatose de type II (NF2) est une pathologie
ophtalmique du nerf trigéminal, et elle est découverte le plus héréditaire à transmission autosomique dominante dont la
souvent dans le sinus maxillaire ou ethmoïde [10]. Des cas ont prévalence est estimée à 1/210 000. Elle associe généralement
été décrits dans la neurofibromatose de type I. Le traitement est un schwannome bilatéral vestibulaire, des méningiomes intra-
chirurgical, la récidive est rare et la dégénérescence maligne est crâniens et spinaux, des épendymomes, des gliomes, et des
très rare [10]. schwannomes périphériques, spinaux, ou des nerfs crâniens. Des
tumeurs cutanées sont le plus souvent des schwannomes mais
Méningiome des neurofibromes périphériques peuvent être observés bien
qu’ils soient plus fréquents dans la neurofibromatose de type I.
Les méningiomes sont des tumeurs de croissance lente Il peut également exister des taches cutanées café-au-lait
attachées à la dure-mère et constituées de cellules arachnoïdien- (généralement moins de six) bien que ces taches existent plus
nes tumorales. Ils représentent 20 % des tumeurs primitives du fréquemment dans la neurofibromatose de type I. La NF2 est
système nerveux central et affectent traditionnellement les due à la mutation du gène suppresseur tumoral NF2 sur le
femmes après la ménopause. À côté des classiques méningiomes chromosome 22 [92].
intracrâniens, les méningiomes extracrâniens de localisation
nasosinusienne sont rares [10, 90-94]. Ils représentent moins de Myxome
0,5 % des tumeurs non épithéliales des cavités nasales et
sinusiennes [10]. Les myxomes sont de rares tumeurs des cavités nasosinusien-
Les cellules arachnoïdiennes, issues des crêtes neurales, nes. Seuls quelques cas cliniques isolés ont été rapportés.
tapissent la face interne de l’arachnoïde et les villosités arach- L’extension intraosseuse est fréquente et peut poser des problè-
noïdiennes. Néanmoins, de telles cellules peuvent être à la base mes de résection. Le traitement est chirurgical [95, 96].
de la formation de méningiomes extracrâniens ; la présence des
cellules arachnoïdiennes de siège extracrânien pourrait être Léiomyome
expliquée par diverses hypothèses [91]. Des cellules arachnoï-
diennes sont présentes dans les gaines des vaisseaux et nerfs Le léiomyome (léiomyoblastome, angioléiomyome, léio-
issus de l’endocrâne et peuvent traverser la base du crâne. Des myome vasculaire) des cavités nasosinusiennes est une tumeur
cellules arachnoïdiennes peuvent être enclavées dans la face bénigne dérivée du muscle lisse et localisée dans la sous-
après un traumatisme crânien. Ainsi, les méningiomes extracrâ- muqueuse. C’est une tumeur exceptionnelle survenant après
niens peuvent être divisés en quatre groupes [91]. Premièrement, 60 ans avec une prédominance féminine (ratio 3,5/1). La
les méningiomes extracrâniens peuvent résulter d’une extension localisation préférentielle est turbinale et le symptôme révéla-
directe d’un méningiome intracrânien à travers une brèche de teur le plus fréquent est l’obstruction nasale. Le traitement est
la base du crâne spontanée ou postopératoire. De tels ménin- chirurgical [10, 97].
giomes sont à distinguer des méningiomes extracrâniens isolés
qui posent des problèmes thérapeutiques différents [94]. Environ Hémangiome
20 % des méningiomes intracrâniens ont une extension extra-
crânienne (surtout orbitaire, sous-cutanée et temporale) mais les L’hémangiome est une tumeur vasculaire des cavités nasosi-
extensions nasosinusiennes sont rares (moins de 1 % des nusiennes. La localisation nasosinusienne représente 10 % des
méningiomes) [91]. Deuxièmement, les méningiomes extracrâ- localisations cervicofaciales [10]. Tous les âges sont atteints avec
niens peuvent être des métastases de méningiomes intracrâ- une prédominance chez l’enfant et l’adolescent mâle. Les
niens. Troisièmement, les méningiomes extracrâniens peuvent hémangiomes caverneux affectent surtout les hommes après
provenir de cellules arachnoïdiennes présentes dans les gaines 50 ans. La localisation septale est la plus fréquente, notamment
des vaisseaux et nerfs issus de l’endocrâne et traversant la base dans la moitié antérieure du septum. Des cas ont été décrits
du crâne, notamment à travers la lame criblée de l’ethmoïde. dans tous les sinus [98-100] . Des localisations turbinales et
Oto-rhino-laryngologie 7
20-400-A-10 ¶ Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien
Hamartome
Le terme « hamartome », introduit en 1904 par Albrecht,
signifie erreur (hamartia = erreur). Les hamartomes sont des
pseudotumeurs. Il s’agit de malformations apparues dans le
développement cellulaire de certains tissus et caractérisées par la
présence anormale et ectopique de certains tissus en divers
endroits de l’organisme. Ces malformations congénitales ne
sont composées que de cellules dérivées du tissu local. Par
opposition avec les tumeurs, les hamartomes ne sont pas doués Figure 5. Aspect microscopique de l’hamartome adénomatoïde : la
de propriétés de développement et de croissance permanentes, tumeur présente, sous un épithélium cylindrique cilié, de nombreux tubes
leur développement semble s’autolimiter à partir d’un certain glandulaires de taille variable, constitués d’une double couche de cellules
stade [102-114]. cylindriques ciliées et dont la lumière contient un peu de substance
Les mécanismes à l’origine du développement de l’hamar- muqueuse. L’ensemble des tubes se trouve dans un stroma conjonctif peu
tome restent inconnus, et certains auteurs pensent que des états cellulaire [102] (avec l’aimable autorisation de la Revue de Laryngologie,
inflammatoires répétés pourraient favoriser son apparition. Bordeaux) (Cliché : Dr Tchao Meatchi, Hôpital Européen Georges
L’aspect histologique de l’hamartome adénomatoïde est proche Pompidou, Paris).
de l’aspect observé dans la polypose nasosinusienne. À partir de
ce constat, certains auteurs émettent l’hypothèse selon laquelle
l’hamartome se développerait secondairement à une pathologie rares. Sur l’examen tomodensitométrique, la tumeur apparaît
inflammatoire chronique, et serait peut-être même induit par les comme une masse bien limitée et pouvant engendrer des
remaniements provoqués par l’inflammation chronique. Leur destructions osseuses de voisinage. Sur l’IRM, la lésion apparaît
présentation clinique, leur traitement et leur mode évolutif généralement hypo-intense sur les séquences pondérées T1,
similaires sont autant d’arguments supplémentaires en faveur de hyperintense hétérogène sur les séquences pondérées T2 avec
cette hypothèse. un rehaussement hétérogène après injection de gadolinium
Eichel et Hallberg se sont attachés à différencier l’hamartome (Fig. 6). Le traitement est chirurgical, le plus souvent réalisé par
des tératomes et des kystes dermoïdes [114]. Ces derniers sont des voie endoscopique. Il n’y a pas de récidive si l’exérèse est
tumeurs embryonnaires kystiques d’origine ectoblastique, complète [102-114].
parfois mésodermique. Le terme « tératome » implique le
développement spontané et autonomisé d’une masse composée
des trois lignées embryonnaires, totalement étrangère au tissu Tumeurs épithéliales bénignes
sur lequel elle se développe.
Les hamartomes des fosses nasales et des sinus restent Papillomes nasosinusiens
relativement rares. Une seule étude dans l’armée américaine
Papillome inversé
rapporte plusieurs cas [110] (31 cas répertoriés entre 1988 et
1994). Les autres études rapportent rarement plus d’un cas. Généralités et étiologie. Le papillome inversé est la plus
Histologiquement, l’hamartome adénomatoïde présente, sous fréquente des tumeurs des cavités nasales et sinusiennes [40]. La
un épithélium cylindrique cilié, de nombreux tubes glandulaires première description clinique a été publiée en 1854 par
de taille variable, constitués d’une double couche de cellules Ward [115] mais il fallut attendre Ringertz (1935) pour avoir une
cylindriques ciliées et dont la lumière contient un peu de description histologique de la lésion [116]. Hyams publia en
substance muqueuse. L’ensemble des tubes se trouve dans un 1971 la première importante série (315 cas) et divisa les
stroma conjonctif peu cellulaire (Fig. 5). Les diagnostics papillomes inversés en trois types : inversé, fongiforme et à
différentiels principaux de l’hamartome adénomatoïde des cellule cylindrique [117, 118]. L’incidence du papillome inversé est
fosses nasales sont le papillome inversé et l’adénocarcinome. de 0,2 à 0,6 cas pour 100 000 personnes [119, 120]. Il représente
Dans toutes les études, l’accent est mis sur l’importance de bien entre 0,5 % et 4 % des tumeurs primitives des cavités nasosinu-
différencier l’hamartome de l’adénocarcinome. En cas de doute siennes [121]. Il a été estimé que pour 100 patients consultant
diagnostique, un dosage immunohistochimique du MIB-1 pour des polypes dans les fosses nasales, on trouve quatre
(Ki-67) permet d’aider à différencier l’hamartome de l’adénocar- papillomes inversés [122]. Le sex-ratio est de 3/1. L’âge moyen de
cinome. En effet, le dosage du MIB-1 est le plus souvent très découverte est 55 ans [40].
fortement positif dans l’adénocarcinome, au contraire de Le papillome inversé dérive de la membrane schneiderienne
l’hamartome [102-114]. dans laquelle il s’invagine et prolifère dans le stroma sous-
Les signes cliniques révélant la tumeur sont ceux des tumeurs jacent. Ses synonymes sont le papillome schneiderien et la
bénignes des cavités nasales et sinusiennes, sans aucune papillomatose [10].
particularité. Les localisations préférentielles sont la cavité Bien que le papillome inversé soit une tumeur bénigne, trois
nasale, en particulier la partie postérieure du septum nasal, la caractères en font une tumeur bénigne particulière : l’agressivité
paroi latérale de la cavité nasale, le méat moyen et le cornet locale de la tumeur, le risque de dégénérescence et le risque
nasal inférieur. Les autres formes endosinusiennes sont plus élevé de récidive. L’agressivité locale de la tumeur apparaît
8 Oto-rhino-laryngologie
Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien ¶ 20-400-A-10
souvent lors de la réalisation du bilan radiologique préopéra- utilisant des techniques d’hydridation in situ, ce virus n’a pas
toire lors de la découverte de lyses osseuses et d’extensions pu être mis en évidence dans les tumeurs suggérant que la
orbitaire ou endocrânienne. Le risque de dégénérescence est positivité de la PCR puisse résulter de la présence de lymphocy-
estimé dans la littérature entre 5 % et 15 % [123]. Lors de l’étude tes EBV-positifs dans le tissu étudié [10].
anatomopathologique, il est important de faire préciser l’impor- Étude clinique. Les signes révélateurs sont semblables à ceux
tance et le degré de dysplasie présent dans le papillome inversé. révélant les autres tumeurs bénignes des cavités nasosinusien-
Le risque de récidive après exérèse est décrit depuis des décen- nes [135, 136]. Parmi les plus importantes séries de la littérature,
nies. Quelques cas de papillomes inversés multifocaux ont été on retrouve des signes révélateurs dominés par l’obstruction
décrits mais la récidive est le plus souvent liée à une résection nasale unilatérale (58 % des cas) ou bilatérale (12 %), les
incomplète de la tumeur bien que la biologie propre de la épistaxis (17 %), la rhinorrhée (14 %) [137]. La durée moyenne
tumeur puisse expliquer certaines récidives [40]. entre l’apparition des symptômes et le diagnostic varie de 27 à
L’étiologie du papillome inversé est mal connue [40, 124, 125]. 66 mois [121, 138]. Macroscopiquement, la tumeur prend un
Certains facteurs ont été éliminés des possibles facteurs étiopa- aspect exophytique et polypoïde, de couleur grise à rose. Elle
thogéniques : l’allergie, le tabac, l’alcool, les infections nasosi- peut être masquée par un polype sentinelle. Il n’existe pas de
nusiennes répétées, les facteurs environnementaux et côté de prédilection et la plupart des cas décrits sont unilaté-
notamment la poussière de bois. Une étiologie virale a été raux. Les papillomes inversés bilatéraux représenteraient 4 à 5 %
recherchée devant la fréquente association des papillomes des patients [139].
communs et du papillomavirus humain. Les études en micros- L’examen radiographique doit comporter un examen tomo-
copie électronique n’ont pas permis de retrouver des inclusions densitométrique et un examen par résonance magnétique
virales dans le papillome inversé [126, 127]. En outre, les techni- nucléaire. Les deux examens sont complémentaires (Fig. 7).
ques d’immunohistochimie n’ont pas permis de retrouver des L’examen tomodensitométrique permet d’apprécier l’anatomie
antigènes viraux dans la tumeur [128, 129] . En utilisant des osseuse. L’os au voisinage de la tumeur peut être refoulé ou
techniques d’hybridation in situ, de l’acide désoxyribonucléique détruit. Ces érosions osseuses sont fréquentes et témoignent de
(ADN) de papillomavirus humain a été mis en évidence dans les l’agressivité de la lésion. Une telle atteinte est fréquente (estimée
papillomes inversés ; cet ADN était similaire à celui des papillo- entre 7 % et 50 %) au niveau de la cloison intersinusonasale et
mavirus de type 6 et 11 [130, 131], parfois de type 16 et 18, au niveau de la lame orbitaire de l’ethmoïde [140]. L’atteinte
exceptionnellement le type 57 [10]. Néanmoins, cette découverte osseuse basicrânienne doit être parfaitement analysée tant ses
ne suffit pas à affirmer l’origine virale de la tumeur. Les diverses conséquences thérapeutiques sont importantes. Les destructions
études sur l’association papillome inversé et papillomavirus osseuses ne sont pas synonymes de transformation maligne ;
humain chiffrent l’association probable dans un tiers des elles ont été observées avec une fréquence très variable dans les
tumeurs étudiées, avec des extrêmes allant de 0 % à 86 % [10, papillomes inversés malins, dans 0 % à 100 % des cas [141, 142].
132-134]. L’ADN du virus Epstein-Barr a été identifié dans 65 % L’examen tomodensitométrique avec injection permet de noter
des papillomes inversés en utilisant une technique de PCR un léger rehaussement de la tumeur. Des calcifications peuvent
(polymerase chain reaction), suggérant que ce virus pourrait être être présentes. Le papillome inversé et l’esthésioneuroblastome
impliqué dans la genèse de cette tumeur [10]. Néanmoins, en sont les deux tumeurs nasosinusiennes étant le plus souvent
Oto-rhino-laryngologie 9
20-400-A-10 ¶ Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien
associées à des calcifications intratumorales [143]. L’intérêt de papillome inversé ayant une extension extranasale ou extrasi-
l’IRM est de différencier la tumeur de l’inflammation ou de la nusienne pouvant affecter l’orbite, l’endocrâne, et la fosse
rétention qu’elle engendre. La tumeur est hypodense à isodense ptérygomaxillaire. Les tumeurs associées à des signes de mali-
en séquence pondérée T1, et isodense à hyperdense en séquence gnité sont systématiquement de stade IV.
pondérée T2. Après injection, la tumeur se rehausse modéré- L’examen histologique (Fig. 8) est caractéristique. L’épithé-
ment et apparaît inhomogène. Les lésions inflammatoires lium du papillome inversé est différent de la muqueuse respira-
entourant la tumeur apparaissent hyperintenses en séquence toire des cavités nasosinusiennes. Cet épithélium est épaissi et
pondérée T2 [143, 144]. Les deux examens permettent de préciser ne possède pas de cellules sécrétant du mucus et des éosinophi-
la topographie du papillome inversé. Les localisations préféren- les. Le rapport nucléocytoplasmique est normal et il y a peu de
tielles des papillomes inversés sont la paroi latérale de la cavité mitoses. Une métaplasie peut survenir et certaines cellules
nasale (82 % des cas), le sinus maxillaire (54 %), le sinus peuvent devenir hyperkératosiques. À faible grossissement, la
ethmoïde (32 %), le septum (10 %), le sinus frontal (6 %), le nature inversée de l’épithélium apparaît clairement. Les cellules
sphénoïde (4 %) [139, 145]. Dans le suivi d’un patient opéré d’un épithéliales s’invaginent dans le stroma sous-jacent. La mem-
papillome inversé, l’IRM est l’examen clé [146]. brane basale est totalement respectée.
Krouse [147] a développé une classification des papillomes Traitement chirurgical. Le traitement du papillome inversé
inversés en quatre stades. Le stade I correspond à un papillome est exclusivement chirurgical [148-150]. Trois types de techniques
inversé sans signe de malignité et limité à la cavité nasale, sans ont été successivement développées : les voies d’abord externes
extension sinusienne, ni basicrânienne. Le stade II correspond et limitées (type intervention de Caldwell-Luc), les voies d’abord
à une tumeur sans signe de malignité du complexe ostioméatal, externes larges (type rhinotomie latérale), et plus récemment les
du sinus ethmoïdal, de la paroi médiale ou supérieure du sinus voies endoscopiques.
maxillaire, avec ou sans extension dans la cavité nasale. Le La première approche de l’étude du traitement chirurgical
stade III correspond à une tumeur sans signe de malignité se consiste à analyser les résultats obtenus technique par techni-
développant sur les parois latérale, inférieure, antérieure ou que, sans prendre en compte des spécificités de telle ou telle
postérieure du sinus maxillaire, éventuellement le sinus sphé- localisation. Dans ce sens, plusieurs articles de revue ou de
noïde, le sinus frontal, la paroi médiale du sinus maxillaire, le méta-analyse ont récemment fait le point sur le traitement du
sinus ethmoïde et la cavité nasale. Le stade IV correspond à un papillome inversé (Tableau 4) [151]. L’analyse d’une quinzaine de
10 Oto-rhino-laryngologie
Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien ¶ 20-400-A-10
Tableau 4.
Analyse de la littérature du traitement du papillome inversé [151].
Voie Voie
transfaciale endoscopique
Années 1970-1972
Nombre d’articles 13 0
Nombre de cas 692 0
Recul d’analyse moyen 79 mois
% moyen de récidive 19 %
Extrêmes % récidive 2 % - 36 %
% moyen de cancérisation 8%
Extrêmes % cancérisation 0 % - 26 %
Années 1992-2006
Nombre d’articles 13 31
Nombre de cas 346 714
Recul d’analyse moyen 44 mois 44 mois
% moyen de récidive 20 % 12 %
Extrêmes % récidive 0 % - 37 % 0 – 36 %
% moyen de cancérisation 5% 5%
Extrêmes % cancérisation 0 – 12 % 0 – 12 %
Oto-rhino-laryngologie 11
20-400-A-10 ¶ Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Bonfils P. Tumeurs bénignes du nez et des sinus. Le papillome inversé nasosinusien. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-400-A-10, 2007.
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