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 25-030-D-60

Pendaison
K. Tazarourte, E. Cesaréo, J.-P. Tourtier

La pendaison est un acte le plus souvent suicidaire à très forte létalité. Les mécanismes physiopatho-
logiques en cause impliquent de manière intriquée, sans ordre distinct, une réaction vagale brutale
responsable d’un arrêt cardiaque réflexe, une compression des vaisseaux du cou responsable d’une isché-
mie cérébrale immédiate et une compression des voies aériennes responsable d’une asphyxie. Les lésions
oto-rhino-pharyngologiques, cervicales et vasculaires concernent 5 % des patients vivants à la prise en
charge. L’immobilisation du rachis cervical et une imagerie par scanner sont obligatoires chez tous les
patients non asymptomatiques. La recherche systématique d’une dissection carotidienne est probable-
ment nécessaire. Le score de Glasgow à la prise en charge est le critère pronostic principal. Un trouble
de la conscience persistant traduit soit une hypertension intracrânienne causée par un œdème cérébral
soit un état de mal épileptique postanoxique. La prise en charge de ces patients est symptomatique et
non spécifique. L’hospitalisation des patients asymptomatiques doit être la règle. Le suivi psychiatrique
est impératif en raison du risque de récidive très élevé.
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Mots clés : Pendaison ; Suicide ; Lésions cervicales ; Hypertension intracrânienne ; Doppler transcrânien ;
Préhospitalier

Plan le supplicié est projeté d’une hauteur égale à au moins une fois
sa taille, et les pendaisons circonstancielles qu’elles soient volon-
■ Introduction 1 taires (suicidaires, autoérotiques) ou accidentelles (exemple de
l’accident de toboggan chez l’enfant). Ces pendaisons circonstan-
■ Épidémiologie 1 cielles sont complètes (la totalité du corps est suspendue par le
■ Mécanismes physiopathologiques 2 lien cervical) ou incomplètes (une partie du corps reste en contact
■ Lésions observées 2 avec le sol) et parfois non létales (near hanging). Les pendaisons

circonstancielles nécessitent des particularités de prise en charge
Facteurs pronostiques 3
qui font l’objet de cet article. Le suicide est l’étiologie dominante
Temps de pendaison 3
lors d’une pendaison circonstancielle [2–4] .
Arrêt cardiaque (AC) 3
Score de Glasgow 3
Lésions cérébrales 3
■ Prise en charge d’un patient victime d’une pendaison 3  Épidémiologie
Sur les lieux de la pendaison 3
À l’hôpital 4 La pendaison est un mode de suicide fréquent. Aux États-Unis
■ Conclusion 4 l’incidence du geste a augmenté de 2,5/100 000 habitants en 1990
à 8/100 000 habitants en 2002 [1] . Cette augmentation s’observe
dans tous les pays développés et dans toutes les classes d’âge, y
compris chez les femmes, toutefois la prédominance masculine
 Introduction reste la règle. La facilité et la rapidité apparente du geste sont
probablement la raison de cette augmentation de fréquence [5] .
La pendaison est définie comme une force circulaire appliquée La majorité des pendaisons s’effectuent au domicile ou sur le
autour du cou (strangulation) associée à la force gravitationnelle lieu de travail des victimes, moins de 10 % d’entre elles concer-
inerte du poids du corps (en totalité ou en partie, selon que les nent le milieu carcéral où la pendaison est le mode de suicide
pieds sont en contact ou non avec le sol) [1] . La littérature médi- prédominant. Un dispositif d’usage quotidien (ceinture, lacets,
cale distingue classiquement la pendaison dite de justice, toujours draps, pantalon) attaché à une poutre, une poignée de porte, une
suivie de décès, pour laquelle une fois la strangulation appliquée tringle à rideaux est utilisé pour la plupart des passages à l’acte.

EMC - Médecine d’urgence 1


Volume 7 > n◦ 2 > juin 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1959-5182(12)48870-5
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25-030-D-60  Pendaison

En France, la moitié des 13 000 décès annuels par suicide est le que d’une asphyxie par compression des VAS. Après le début de
fait d’une pendaison [6] . C’est une modalité particulièrement effi- la pendaison, la survenue d’une perte de connaissance survenait
cace : 80 % des patients sont déclarés décédés sur les lieux avec ou en moins de 20 secondes, suivie par une crise tonicoclonique
sans manœuvres de réanimation [1, 7] . Dans l’étude de la Natio- brève (< 20 secondes) puis des mouvements de décérébration et
nal Trauma Data Bank nord-américaine incluant 655 patients une perte de tonus musculaire moins de 1,30 minute après le
victimes de pendaison et admis vivants à l’hôpital, la morta- début de l’acte [9] . L’arrêt de la pendaison (jeux autoérotiques)
lité globale était de 33 % : 92/655 (14 %) décédaient à l’accueil moins de trois minutes après l’acte permettait une restitution
et 119/655 (18 %) au cours de leur hospitalisation [4] . La récupé- « ad integrum » immédiate des fonctions motrices et supérieures :
ration neurologique était complète chez 80 % des patients qui aucun stigmate respiratoire était observé [9] . Il n’existait pas de
sortaient de l’hôpital [4] . Le profil des victimes est très fréquem- différence constatée selon que la pendaison soit complète ou
ment associé à des antécédents psychiatriques lourds : mélancolie, incomplète.
maladie bipolaire ou schizophrénie pour plus de 50 % des patients Ces trois mécanismes physiopathologiques participent à la
dans l’étude de Boots et al. qui incluait la totalité des victimes cause du décès et ne peuvent être opposés. Une perte de
rescapées de pendaison admises dans cinq hôpitaux entre 1991 connaissance rapide liée à un phénomène vagal et une compres-
et 2000 (n = 161) [2] . La prise concomitante de toxiques était sion vasculaire veineuse et artérielle cervicale est suivie d’une
très souvent associée [2, 3] . L’absence de témoins est constante et crise tonicoclonique majorant les phénomènes hypoxiques.
l’individu une fois pendu peut difficilement arrêter son geste. Le relâchement musculaire plus tardif facilite alors les phé-
Ce qui explique l’évolution fatale d’un certain nombre de pen- nomènes de compression des voies aériennes supérieures
daisons volontaires à but non suicidaires (érotique solitaire en expliquant ainsi la survenue d’une anoxie cérébrale et du
particulier) [8] . décès [8, 9] .
Les conséquences lésionnelles d’une pendaison ont fait l’objet
de travaux chez l’animal et de nombreuses études autopsiques.
Plus récemment des études observationnelles de vidéos amateurs
filmant des autopendaisons, dont certaines d’évolution fatale  Lésions observées
imprévue, ont permis de mieux appréhender les mécanismes
lésionnels d’une pendaison et leurs conséquences physiopatho- Historiquement les premières études humaines ont été autop-
logiques [8, 9] . siques. Dans ces études la plupart des corps présentaient des
lésions à type de fracture du massif pharyngolaryngite et des
vertèbres cervicales. Des lésions vasculaires, en particulier arté-
 Mécanismes rielles, étaient retrouvées chez 20 % des décédés autopsiés [14] .
Plusieurs études cliniques descriptives consacrées aux patients
physiopathologiques victimes de pendaison et admis à l’hôpital ont été publiées
dans la littérature : ces études rétrospectives concernant un total
Au décours d’une pendaison de justice la mort est la de 1 061 patients objectivaient que les lésions du rachis cer-
conséquence d’une section médullaire parfois associée à une vical et du massif laryngé étaient rares [1, 2, 4, 15, 16] . La cohorte
fracture de C2 et une hémorragie méningée cataclysmique des 655 patients de la National Trauma Data Bank objectivait
ou d’une atteinte des artères vertébrales [10] . Les pendaisons 13/655 (2 %) patients victimes d’atteinte médullaire, 26/655 (4 %)
circonstancielles impliquent des mécanismes physiopatholo- patients victimes de fractures des vertèbres cervicales (C2-C3 en
giques différents [8, 9] . On peut les résumer en trois catégories : majorité) et 45/655 (7 %) victimes d’une entorse cervicale non
une obstruction des voies aériennes supérieures (VAS) res- compliquée [4] . Les lésions vasculaires à type de dissection caro-
ponsable d’une asphyxie, une compression des vaisseaux du tidiennes concernaient 2 % des patients. Les lésions veineuses
cou responsable d’une hypoxie cérébrale et une constric- (veines jugulaires) concernaient moins de 1 % des patients [4] . Des
tion des glomis carotidiens responsable d’une hyperstimulation lésions graves du larynx ou de la trachée étaient observées chez
vagale. 1 % des patients. Un œdème cérébral initial puis des plages céré-
L’obstruction des VAS, longtemps considérée comme seule res- brales d’ischémie étaient décrits chez tous les patients au pronostic
ponsable du décès, a été récemment réévaluée : plusieurs études péjoratif.
chez des animaux trachéotomisés et soumis à une pendaison Des lésions pulmonaires (œdème aigu de poumon), thoraciques
ont démontré que l’obstruction des VAS était réelle mais souvent (pneumothorax), abdominales (pneumopéritoine, rupture œso-
partielle, se résumant à une compression de l’hypopharynx et phagienne) étaient exceptionnellement décrites [4] .
une réduction du calibre trachéal, le plus fréquemment insuffi- La discordance de fréquence des lésions retrouvées entre études
sante pour provoquer une asphyxie immédiate [11] . Ces travaux autopsiques et études cliniques s’explique probablement par le
ont été renforcés par la publication d’un cas clinique rappor- fait que le décès est consécutif à une pendaison suffisamment
tant le décès après pendaison volontaire d’une femme porteuse violente pour engendrer des dégâts anatomiques. Il est logique
d’une canule rigide de trachéotomie [12] . Enfin, le passage d’air de penser que la survie à une pendaison dépend de la présence
à travers les VAS était clairement audible sans stridor longtemps de témoins potentiels mais aussi d’une faible cinétique de chute.
après la perte de connaissance du sujet dans plusieurs cas filmés Dans l’étude de Boots et al. (n = 166 patients), 50 % des pendai-
d’autopendaison [9] . sons s’effectuaient d’une hauteur inférieure à 30 cm et 85 % d’une
Des expériences datant de 1943 effectuées chez des prisonniers hauteur inférieure à 90 cm [2] .
volontaires sains chez qui on provoquait une compression des VAS Il n’a pas été décrit de corrélation entre le type de lésion et le
ou des vaisseaux du cou par inflation d’un garrot pneumatique type de nœud utilisé, la position du nœud, le caractère complet ou
cervical ont permis de montrer que la pression d’occlusion était non de la pendaison. La constatation d’un sillon cervical cutané,
de deux kilos pour les veines jugulaires, cinq kilos pour les artères d’une congestion ou de pétéchies de la face atteste de la stran-
carotides et 15 kilos pour les VAS [13] . À cinq kilos de pression gulation et de l’hyperpression veineuse mais n’a pas de caractère
de strangulation la perte de connaissance était immédiate suivie prédictif de gravité [2, 14] .
d’une crise convulsive [13] . Ces niveaux de pression d’occlusion Bien qu’il s’agisse rarement d’un homicide l’aspect médicolé-
sont très facilement atteints. Cela explique la capacité létale des gal ne doit jamais être négligé. La constatation d’une fracture
pendaisons incomplètes. du cricoïde semble être un excellent critère clinique devant faire
La compression des glomis carotidiens jouerait également un suspecter une strangulation par homicide déguisée en pendai-
rôle important en entraînant une bradycardie extrême et immé- son volontaire : une méta-analyse comparant les études incluant
diate pouvant générer un arrêt cardiaque réflexe [11, 13] . L’analyse 2 700 patients examinés par des médecins légistes pour suicide
de 14 cas d’autopendaisons filmés (cinq suicides, neuf jeux auto- par pendaison à une petite série de strangulation par homicide
érotiques) apporte des éléments d’observation clinique dont la (n = 56), constatait une fréquence de 20 % de fracture du cri-
chronologie pourrait être en faveur d’un mécanisme compressif coïde lors d’un homicide versus 0 % dans les pendaisons par
immédiat des vaisseaux du cou et/ou des glomis carotidiens plutôt suicide [17] .

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Pendaison  25-030-D-60

 Facteurs pronostiques  Prise en charge d’un patient


Le pronostic des patients victimes d’une pendaison est lié victime d’une pendaison
au risque d’ischémie cérébrale. Celle-ci est secondaire à un bas
débit cérébral soit par occlusion des artères carotides ou arrêt
Sur les lieux de la pendaison
cardiaque (AC) asphyxique, soit par un œdème cérébral post Si le décès est avéré (patient en AC depuis plus de trente
anoxique responsable d’une hypertension intracrânienne (HTIC) minutes, patient en rigidité cadavérique) aucune manœuvre de
sévère. L’hypotension artérielle et l’hypoxie sont les principales et réanimation n’est nécessaire et il faut éviter toute destruction
plus fréquentes des causes d’aggravation de l’ischémie cérébrale ou perte d’indices susceptibles d’entraver l’enquête ultérieure.
secondaire. Le corps ne sera alors pas dépendu avant l’arrivée de la police
judiciaire.
Dans les autres situations, y compris devant un patient en
Temps de pendaison AC pour lequel il n’y a pas d’horaire précis de pendaison, la
prise en charge secouriste et médicale doit être immédiate et
La durée de la pendaison est toujours très difficile à préciser sans hésitation. La dépendaison du patient doit s’effectuer rapi-
et se résume le plus souvent à une approximation grossière liée dement sans majorer d’éventuelles lésions cervicales et en évitant
au dernier contact visuel et/ou verbal avec un témoin [2] . Il s’agit la chute du corps source potentielles de traumatismes secondaires
pourtant d’un facteur pronostic essentiel. Lorsque la durée estimée graves. Il faut d’abord soutenir le corps puis desserrer et couper le
de pendaison est inférieure à cinq minutes, tous les cas publiés nœud.
ont montré que les patients sortaient vivants et sans séquelle
neurologique majeure de l’hôpital, y compris en présence d’un Patient conscient
AC à la prise en charge initiale [2, 4, 18] . Lorsque la durée estimée Chez un patient conscient l’absence de douleur ou de limi-
de pendaison était supérieure à 30 minutes, 100 % des patients tation de la mobilité du rachis cervical permet d’éliminer une
décédaient [18] . Entre les deux, il existe une zone d’incertitude lésion osseuse [19] . A contrario lors de l’existence d’une dou-
où toutes les évolutions sont possibles, ce qui justifie une atti- leur même projetée à distance du rachis ou d’un trouble de
tude thérapeutique initiale agressive y compris en présence d’un la conscience l’atteinte rachidienne doit être systématiquement
AC [2, 18] . suspectée et impose d’immobiliser le rachis afin de ne pas entraî-
ner ou aggraver d’éventuelles lésions médullaires. L’existence
de stigmate de pendaison sera recherchée (sillon cervical, pété-
Arrêt cardiaque (AC) chies conjonctivales.). Les lésions anatomiques ORL sont rares
(1 %), le plus souvent représentées par une fracture du larynx,
Les patients découverts en arrêt cardiaque (AC) pour lesquels et n’ont que rarement un impact péjoratif sur la gestion
une réanimation est entreprise ont une mortalité de 90 %, à des voies aériennes [2, 3] . Elles doivent être suspectées devant
l’exception du sous-groupe des patients pris en charge dans les l’existence d’un enrouement, une dysphonie, un stridor, la pré-
cinq premières minutes suivant la pendaison où le taux de sur- sence d’un emphysème cervical ou d’une hémoptysie. Aucun
vie semble excellent [18] . Toutefois la qualité méthodologique des traitement hormis les antalgiques ne s’impose à ce stade. Il
études peut faire penser qu’il s’agissait plutôt de bradycardie n’y a pas d’indication reconnue à l’administration de corti-
extrême que d’AC. coïdes [2] . Une hospitalisation est systématiquement indiquée,
y compris en l’absence de stigmate physique, pour dépister
une intoxication associée et évaluer le risque suicidaire de
Score de Glasgow l’individu [5] .

Le score de Glasgow à la prise en charge est le critère pronostic Patient avec un GCS < 15
le plus important. Dans l’étude de la National Trauma Data Bank Le risque d’atteinte vertébromédullaire du rachis cervical est
la mortalité des patients admis après pendaison avec un Glasgow estimé entre 3 % et 5 % [2, 4] . Tout patient présentant un trouble de
coma sale (GCS 15) était de 1,5 % versus 29 % pour les patients conscience doit bénéficier d’une immobilisation du rachis cervi-
avec un GCS < 15 (p < 0,01, odds ratio [OR] 16) [4] . Dans cette cal et de l’ensemble du rachis pour ne pas aggraver d’éventuelles
étude 23 % des patients avaient à l’admission un GCS compris lésions préexistantes. La conférence d’experts française a retenu
entre 13 % et 15 % et 60 % un GCS < 8 [4] . La constatation d’un le collier cervical rigide (plastique ou mousse) avec appuis
GCS < 15 traduit le plus souvent un bas débit cérébral soit immé- mentonnier, occipital et sternal en association avec une immo-
diat par compression des artères carotides soit secondaire à une bilisation générale par matelas à dépression [20] . La mobilisation
hypertension intracrânienne. Il peut également s’agir d’un état des patients doit s’effectuer en maintenant strictement l’axe
de mal épileptique infraclinique [4] . Dans ce cas le GCS n’a pas de rachidien (« monobloc strict »). Le transport nécessite impéra-
valeur pronostique. Il en est de même pour les patients qui ont tivement un matelas à dépression (« matelas coquille »), afin
ingéré des toxiques (50 % des patients dans les séries) [3, 4] . Ceci d’éviter tout mouvement de flexion-extension ou de rotation du
explique que 30 % à 58 % des patients pris en charge avec un rachis.
GCS 3 survivent et peuvent quitter l’hôpital. Toutefois la moitié La pendaison ne semble pas être un facteur prédictif de diffi-
d’entre eux souffriront de séquelles neurologiques plus ou moins culté du geste de l’intubation trachéale, à la condition de disposer
sévères [2] . d’un mandrin d’Eischman et de techniques alternatives à la laryn-
goscopie (en particulier un kit de cricotomie) [21] . L’intubation
trachéale s’effectue sous laryngoscopie directe après une anesthé-
Lésions cérébrales sie par induction à séquence rapide en utilisant la technique de
stabilisation manuelle en ligne du rachis cervical [22] . Le monito-
La tomodensitométrie cérébrale (TDMc) initiale sous-estime rage continu par capnographe a pour objectif le maintien d’une
l’importance des lésions ischémiques. Sa réalisation précoce a valeur de dioxyde de carbone (CO2 ) expiré aux alentours de
pour but de détecter d’éventuelles lésions hémorragiques neuro- 35 mmHg. Le maintien d’une pression artérielle moyenne supé-
chirurgicales consécutives par exemple à un traumatisme crânien rieure à 80 mmHg, au besoin par l’usage de vasoconstricteurs type
secondaire à la dépendaison. Toutefois les lésions caractéris- noradrénaline, et d’une saturation percutanée en dioxygène (O2 )
tiques d’anoxie cérébrale observées sur une TDMc de contrôle supérieure à 95 % sont des objectifs prioritaires. L’examen régu-
à 48 heures sont prédictives d’un mauvais pronostic fonc- lier des pupilles cherchera l’apparition d’une mydriase aréactive
tionnel [2, 16] . La constatation d’une HTIC avec une pression uni ou bilatérale qui imposerait l’administration en urgence d’une
intracrânienne élevée traduit également un mauvais pronostic osmothérapie intraveineuse par 250 ml (2 ml/kg) de Mannitol
fonctionnel [2, 4] . 20 % associé à un remplissage par un litre de sérum physiologique

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isotonique ou bien de 125 ml de sérum salé hypertonique immédiate et une réduction du calibre des voies aériennes
7 % [23] . Le Doppler transcrânien (DTC) permet l’évaluation de pouvant générer une asphyxie. Les lésions ORL, cervicales et
l’hémodynamique cérébrale. En effet, l’association de valeurs vasculaires sont rares mais doivent être détectées. La prise en
basses de vélocités diastoliques et d’un index de pulsatilité charge de ces patients est symptomatique et non spécifique.
élevé est le signe d’une augmentation anormale des résistances L’hospitalisation des patients asymptomatiques doit être la règle.
artérielles cérébrales signant, une hypertension intracrânienne Le suivi psychiatrique est impératif en raison du risque de récidive
dangereuse [24] . Une étude récente montre que l’évaluation très élevé.
de l’hémodynamique cérébrale par DTC d’un patient en
préhospitalier est possible et peut apporter des informations pré-
cieuses [24] . Dans cette étude le DTC permettait de détecter très  Références
précocement des patients à haut risque d’ischémie et d’adapter
la thérapeutique. L’usage de plus en plus fréquent d’échographe [1] Gunnel D, Bennewith O, Hawton K, Simkin S, Kapur N. The epide-
en préhospitalier devrait permettre d’encourager la pratique miology and prevention of suicide by hanging: a systematic review. Int
du DTC. J Epidemiol 2005;34:433–42.
[2] Boots RJ, Joyce C, Mullany DV, Anstey C, Blackwell N, Garrett
Patient en arrêt cardiaque PM, et al. Near-hanging as presenting to hospitals in Queens-
land: recommendations for practice. Anaesth Intensive Care 2006;34:
La réanimation de l’AC au décours d’une pendaison n’a pas
736–45.
de spécificité hormis la nécessité d’entreprendre immédiatement
[3] Penney DJ, Stewart AH, Parr MJ. Prognostic outcome indicators fol-
une immobilisation du rachis cervical. L’origine de l’AC n’est pas lowing hanging injuries. Resuscitation 2002;54:27–9.
toujours hypoxique. Il faut en premier lieu installer un défi- [4] Martin MJ, Weng J, Demetriades D, Salim A. Patterns of injury and
brillateur qui permettrait un choc électrique en présence d’une functional outcome after hanging: analysis of the National Trauma
éventuelle fibrillation ventriculaire. Data Bank. Am J Surg 2005;190:838–43.
[5] Biddle L, Donovan J, Owen-Smith A, Potokar J, Longson D, Haw-
ton K, et al. Factors influencing the decision to use hanging as
À l’hôpital a method of suicide: qualitative study. Br J Psychiatry 2010;197:
Chez le patient conscient et asymptomatique une hospitali- 320–5.
[6] Mouquet MC, Bellamy V, Carasco V. Suicides et tentatives de suicide
sation en unité de courte durée pour surveillance somatique et
en France. Direction de la Recherche des Etudes de l’Evaluation et des
avis psychiatrique est obligatoire. Une recherche de toxiques doit
Statistiques (DREES). Ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et
être réalisée (alcool, psychotropes, etc.) ainsi que l’enregistrement du logement. Ministère de la santé et des solidarités. Mai 2006 ; no 488.
d’un électrocardiogramme à la recherche d’un trouble du rythme http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er488/er488.pdf.
ou de la conduction secondaire à une intoxication médica- ´
[7] Runeson B, Tidemalm D, Dahlin M, Lichtenstein P, Långstrom N.
menteuse volontaire. L’exploration systématique des vaisseaux
Method of attempted suicide as predictor of subsequent success-
carotidiens et vertébraux par TDM ou IRM est proposée par cer- ful suicide: national long term cohort study. Br Med J 2010;340:
tains auteurs pour dépister des lésions de dissections artérielles c3222.
asymptomatiques [2, 4] . Le risque de récidive est majeur lorsque [8] Sauvageau A. Agonal sequences in four filmed hangings: analysis of
l’acte est à but suicidaire : dans une étude incluant une cohorte respiratory and movement responses to asphyxia by hanging. J Forensic
de patients ayant fait une première tentative de suicide, le Sci 2009;54:192–4.
risque de récidive était estimé six fois supérieur chez les patients [9] Sauvageau A, Laharpe R, King D, Dowling G, Andrews S, Kelly S,
ayant fait une tentative de pendaison comparée à ceux qui et al., The group of human asphyxia. Agonal sequences in 14 filmed
avaient ingéré des psychotropes [7] . Dans cette étude la moi- hanging with comments the role of the type of suspension, ischemic
tié des « primosuicidant » par tentative de pendaison effectuait habituation, ethanol intoxication on the timing of agonal responses.
dans l’année suivant leur geste une nouvelle tentative, le plus Am J Forensic Med Pathol 2011;32:104–7.
souvent une nouvelle pendaison, avec un taux de létalité très [10] Wallace SK, Cohen WA, Stern EJ, Reay DT. Judicial hanging: post-
élevé [7] . Pour tous les patients ayant un trouble de la consci- mortem radiographic, CT, and MR imaging features with autopsy
ence ou une détresse respiratoire, la prise en charge a pour but de confirmation. Radiology 1994;193:263–7.
lutter contre le risque d’ischémie cérébrale et de détecter préco- [11] Boghossian E, Clément R, Redpath M, Sauvageau A. Respiratory, cir-
cement des atteintes lésionnelles ORL ou cervicales. L’admission culatory and neurological responses to hanging: a review of animal
en réanimation s’effectue pour stabiliser les fonctions vitales et models. J Forensic Sci 2010;55:1272–7.
[12] Cooke CT, Cadden GA, Hilton JM. Unusual hanging deaths. Am J
évaluer l’hémodynamique cérébrale (DTC). L’examen TDM initial
Forensic Med Pathol 1988;9:277–82.
va concerner l’étage cérébral à la recherche de signes hémorra- [13] Clément R, Redpath M, Sauvageau A. Mechanism of death in hanging:
giques ou de lésions ischémiques précoce, le rachis cervical en a historical review of the evolution of pathophysiological hypotheses.
portant une attention extrême aux charnières CO-C1 et C7-D1, J Forensic Sci 2010;55:1268–71.
la sphère ORL. Il ne faudra pas omettre un temps d’injection arté- [14] Suarez-Peňaranda JM, Alvarez T, Miguéns X, Rodriguez-Calvo MS,
riel et veineux pour analyser les vaisseaux du cou, carotides et Lopez de Abajo B, Cortesao M, et al. Characterization of lesions in
jugulaires. hanging deaths. J Forensic Sci 2008;53:720–3.
Une hypothermie thérapeutique protectrice est instaurée pour [15] Salim A, Martin M, Sangthong B, Brown C, Rhee P, Demetriades
les patients admis à l’hôpital après récupération d’un rythme car- D. Near-hanging injuries: a 10-year experience. Injury 2006;37:
diaque spontané post-AC [25] . 435–9.
La gestion d’une éventuelle HTIC et d’un coma postanoxique [16] Nichols S, McCarthy MC, Ekeh AP, Woods RJ, Walusimbi MS,
répond aux principes généraux et n’a pas de spécificité. La pres- Saxe JM. Outcome of cervical near-hanging injuries. J Trauma
cription d’une hypothermie thérapeutique systématique chez 2009;66:174–8.
tout patient comateux au décours d’une pendaison a été pro- [17] Godin A, Kremer C, Sauvageau A. Fracture of the cricoids as a potential
posée récemment mais nécessite une validation à plus large pointer to homicide: A 6 year retrospective study of neck structures
échelle [26] . fractures in hanging victims. Am J Forensic Med Pathol 2010 Feb 25
[Epub ahead of print].
[18] Matsuyama T, Okuchi K, Seki T, Murao Y. Prognostic factors in han-
ging injuries. Am J Emerg Med 2004;22:207–10.
 Conclusion [19] Gonzalez RP, Cummings GR, Phelan HA, Bosarge PL, Rodning CB.
Clinical examination in complement with computed tomography scan:
La pendaison est un acte le plus souvent suicidaire à très an effective method for identification of cervical spine injury. J Trauma
forte létalité. Les mécanismes physiopathologiques en cause sont 2009;67:1297–304.
intriqués et correspondent sans ordre distinct à une réaction [20] Edouard A. Prise en charge d’un blessé adulte présentant un trau-
vagale brutale responsable d’arrêt cardiaque réflexe, une compres- matisme vertébro-médullaire. Conférence d’experts de la Société
sion des vaisseaux du cou responsable d’une ischémie cérébrale française d’anesthésie réanimation, 2003.

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Pendaison  25-030-D-60

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K. Tazarourte (karim.tazarourte@ch-melun.fr).
E. Cesaréo.
Hôpital Marc-Jacquet, 2 rue Fréteau-de-Peny,77000 Melun, France.
J.-P. Tourtier, Praticien hospitalier, Pôle Samu-Smur-Urgence-Réanimation polyvalente.
Hôpital instruction des Armées Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, BP 100446 Armées, 75005 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Tazarourte K, Cesaréo E, Tourtier JP. Pendaison. EMC - Médecine d’urgence 2012;7(2):1-5 [Article
25-030-D-60].

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