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Obésité
C. Ciangura, S. Czernichow, J.-M. Oppert
L’obésité est une maladie chronique qui correspond à un excès de masse grasse ayant des conséquences
néfastes sur la santé. Les facteurs en cause dans le développement de l’obésité sont multiples et intriqués :
densité calorique de l’alimentation, sédentarité, facteurs psychologiques, rôle de l’hérédité, contexte
socioéconomique. Sa définition repose sur le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC = poids/taille2 :
poids en kg et taille en m). Un IMC ≥ 30 kg/m2 définit l’obésité dans les deux sexes pour l’adulte. L’obésité
est fréquente. Elle touche 12,4 % de la population adulte en France, soit près de 6 millions de personnes ;
0,8 % de la population présente une obésité massive (IMC ≥ 40 kg/m2). L’obésité est associée à de
nombreuses complications somatiques (respiratoires, mécaniques, cardiovasculaires, métaboliques) mais
aussi psychologiques et sociales. L’obésité abdominale, estimée par une élévation du tour de taille,
indique un risque de complications métaboliques (diabète de type 2) et cardiovasculaires. L’objectif de la
prise en charge thérapeutique de l’obésité n’est pas seulement pondéral, mais vise la prévention, le
traitement des complications et l’amélioration de la qualité de vie à long terme. La prescription est
individualisée et repose d’abord sur les conseils alimentaires, associés chaque fois que possible à la
pratique d’une activité physique régulière, et sur le soutien psychologique. Il s’agit d’une prise en charge à
long terme. Les traitements médicamenteux ou chirurgical sont de deuxième intention et correspondent à
des indications précises.
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Plan ■ Introduction
L’obésité est un problème de santé publique majeur : préva-
¶ Introduction 1 lence en nette augmentation, complications potentiellement
¶ Définition 1 sévères, retentissement socioéconomique. Les formes les plus
¶ Épidémiologie 2 graves et les plus compliquées progressent particulièrement.
Tout médecin sera confronté à la prise en charge de patients
¶ Physiopathologie 2 obèses. La compréhension de la demande du patient, l’identifi-
¶ Prise en charge 3 cation et le traitement des complications médicales et du
Comprendre le motif de consultation et l’attente du patient 3 retentissement psychologique, la gestion des polymédications, le
Reconstituer l’histoire pondérale (courbe de poids) 3 respect du contexte de vie et le suivi au long terme représentent
Évaluer les habitudes alimentaires 3 les principaux défis de la prise en charge de l’obésité. Les
Évaluer le niveau de pratique d’activité physique 4 moyens thérapeutiques sont multiples, centrés dans tous les cas
Préciser la situation psychologique et sociale 4 sur les changements de comportement, mais également évolu-
Évaluer cliniquement la surcharge pondérale (cf. supra) 4 tifs avec notamment les traitements médicamenteux et
Rechercher une cause d’obésité secondaire 4 chirurgicaux.
Dépister les complications (cf. infra) 4
¶ Principales complications 4 ■ Définition
Cardiovasculaires 5 L’obésité correspond à « un excès de masse grasse entraînant
Respiratoires 5 des conséquences néfastes pour la santé ». L’obésité est définie
Rhumatologiques 5 comme maladie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
Métaboliques 5 depuis 1997, du fait de sa dimension épidémique et de son
Cancers 5 retentissement somatique, psychologique et socioéconomi-
Psychologiques et sociales 6 que [1]. Chez l’adulte jeune en bonne santé, la masse grasse
Autres complications 6 corporelle représente 10 à 15 % du poids chez l’homme et 20 à
25 % chez la femme. Cette masse grasse a des fonctions
¶ Attitude thérapeutique 6
physiologiquement indispensables comme organe de stockage
Moyens thérapeutiques 6
énergétique (indispensable pour permettre une grossesse par
Stratégies de prise en charge : quels moyens pour quels patients ? 8 exemple), protection mécanique (comme au talon), thermoré-
¶ Conclusion 8 gulation, etc. Les différentes méthodes de mesure de la compo-
sition corporelle pour déterminer cette proportion de masse
Risque ■ Épidémiologie
élevé La dernière enquête nationale (Obepi 2006, portant sur un
Risque échantillon de 20 000 foyers volontaires représentatifs de la
modéré population française, autodéclarant les mesures anthropométri-
Risque ques) rapporte que 12,4 % de la population adulte en France est
faible obèse, soit près de 6 millions de personnes : cette prévalence est
en augmentation [3]. L’augmentation la plus importante
25 30 40 IMC (kg/m²) concerne l’obésité massive qui représente aujourd’hui 0,8 % de
Figure 1. Relation entre indice de masse corporelle (IMC) et mortalité. la population, contre 0,3 % en 1997. La prévalence de l’obésité
est variable suivant : l’âge (elle augmente avec l’âge), le sexe
(13 % pour les femmes, 11,8 % pour les hommes), les facteurs
géographiques (gradient nord-sud : 18 % versus 12 %) et le
Tableau 1.
niveau socioéconomique (la prévalence est trois fois plus
Classification en fonction de l’indice de masse corporelle (IMC).
importante dans les familles dont les revenus sont les plus
IMC (kg/m2) Classification (adulte, homme ou femme) faibles par rapport à ceux de revenu élevé, 19 % versus 5 %).
< 18,5 Maigreur
La seconde enquête Étude nationale nutrition santé 2006
(ENNS), portant sur plus de 3 000 adultes et 1 500 enfants tirés
18,5 - 24,9 Poids de référence
au sort, indique que 41 % des hommes et 23,8 % des femmes
25-29,9 Surpoids sont en surpoids. La prévalence de l’obésité est estimée à 17 %,
≥ 30 Obésité de façon comparable chez les hommes et les femmes. L’obésité
35 à 39,9 Obésité sévère massive touche 0,7 % des hommes et 1,1 % des femmes. En
≥ 40 Obésité massive ou morbide utilisant les courbes IOTF 25 et IOTF 30, la prévalence de
l’obésité chez l’enfant est de 3,5 % ; la prévalence du surpoids
et de l’obésité est de 18 %.
La France se situe dans la moyenne européenne, tant en
grasse ne sont pas d’usage clinique courant. En pratique, le
termes de chiffres que de progression. Aux États-Unis, la
statut pondéral est défini à partir de l’indice de masse corporelle
prévalence de l’obésité atteint 30 % de la population adulte.
(IMC ou indice de Quetelet, en anglais body mass index, BMI)
L’obésité occasionne des coûts directs par les pathologies qu’elle
qui est le rapport du poids (kg) sur le carré de la taille (m). À
entraîne (au premier rang desquelles diabète et maladies
l’échelle des populations, il est bien corrélé au pourcentage de
cardiovasculaires), et des coûts indirects par les conséquences
masse grasse. À l’échelle d’un individu, il est indispensable
sociales (arrêt de travail, invalidité...). En 2002, les estimations
d’avoir un regard critique sur cet IMC et d’observer si une
concluaient que l’obésité était responsable de 1,5 à 4,6 % des
corpulence élevée est en effet liée à un excès de masse grasse ou
dépenses de santé en France. Les dépenses de santé pour un
non (exemple du sportif qui présente un IMC élevé du fait
individu obèse étaient doubles par rapport à un sujet non
d’une importante masse musculaire).
obèse [4].
Les différents seuils d’IMC ont été définis par le niveau de
risque en termes de morbimortalité correspondant à chaque
tranche d’IMC à l’échelle d’une population (Fig. 1).
Les seuils qui définissent l’obésité chez l’adulte (> 18 ans)
sont les mêmes quels que soient le sexe et l’âge jusqu’à 60 ans :
“ À retenir
IMC ≥ 30 kg/m2. La définition des différentes classes d’obésité
en fonction de l’IMC est donnée dans le Tableau 1. Définition de l’obésité
L’IMC est un indicateur d’adiposité globale. L’appréciation de • excès de masse grasse ayant des conséquences
la répartition du tissu adipeux est une notion supplémentaire négatives pour la santé
importante. Un risque de mortalité cardiovasculaire et par • maladie fréquente : 12,4 % des adultes en France
cancer est en effet associé à la localisation abdominale de la • responsable de 1,5 à 4,6 % des dépenses de santé
surcharge adipeuse (répartition androïde). Un tour de taille
• repose sur le calcul de l’IMC = poids/taille2 (kg/m2)
augmenté (mesuré à mi-hauteur entre la crête iliaque et la
dernière côte sur la ligne médioaxillaire) témoigne d’un excès de ≥ 30 kg/m2
masse grasse abdominale. La mesure du tour de taille a surtout • nécessité de garder un œil critique à l’examen du
un intérêt quand l’IMC est inférieur à 35 kg/m2. Au-delà, il est patient : l’IMC traduit bien un excès de masse grasse ?
quasi systématiquement augmenté. Un regard clinique peut Mesurer le tour de taille pour apprécier la répartition du
néanmoins apprécier si la surcharge adipeuse est plutôt tissu adipeux.
androïde ou gynoïde (répartition glutéofémorale).
Les seuils sont différents chez l’homme et chez la femme :
• ≥ 80 cm chez la femme, ≥ 94 cm chez l’homme : niveau 1 ;
• ≥ 88 cm chez la femme, ≥ 102 cm chez l’homme : niveau 2.
■ Physiopathologie [5, 6]
Chez l’enfant, l’IMC varie au cours de la croissance : après une L’obésité est une maladie chronique. Elle évolue en plusieurs
augmentation dans la première année de vie, l’IMC diminue pour phases sous-tendues par des physiopathologies variables dans le
atteindre un nadir vers 4-6 ans. La réascension de l’IMC qui temps. Lors de la phase de prise de poids, le déséquilibre de la
intervient ensuite est appelée « rebond d’adiposité ». Plus le balance énergétique est avant tout lié à des facteurs comporte-
rebond est précoce, plus le risque d’obésité à l’âge adulte est mentaux et environnementaux : activité physique insuffisante
élevé. La définition internationale (International Obesity Task (sédentarité accrue liée aux transports modernes, aux activités
Force, IOTF) correspond aux centiles qui passent à l’âge de 18 ans type télévision et ordinateurs, à l’automatisation des tâches
par les valeurs d’IMC de 25 (IOTF 25) et 30 kg/m2 (IOTF 30) domestiques et professionnelles...) et/ou excès d’apport énergé-
utilisées pour la définition du surpoids et de l’obésité chez tique via la disponibilité et la palatabilité des aliments, la taille
l’adulte [2]. En France, il existe également des courbes nationales des portions, la densité calorique, les stimuli sensoriels alimen-
d’évolution de l’IMC en fonction de l’âge (téléchargeables sur le taires, la convivialité, les habitudes culturelles et sollicitations
site http://www.inpes.sante.fr/50000/pdf/courbes_enfants.pdf). professionnelles, les troubles du comportement alimentaire...
L’obésité est définie par un IMC ≥ au 97e percentile de la courbe de Lors de cette phase de constitution, les adipocytes se chargent
référence française. L’obésité selon la définition française en triglycérides. Point important, la masse maigre augmente
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aussi, ce qui entraîne une augmentation de la dépense énergé- familial ou médical par exemple, ce qui positionne le patient
tique. Des situations de stress intense sont associées à des prises dans une situation différente. Les objectifs peuvent être très
de poids sans hyperphagie systématique et font suspecter un différents d’un patient à l’autre (perte de poids, gain de
rôle du stress dans la régulation de l’équilibre énergétique. mobilité, équilibre d’un diabète, esthétique, pression profes-
Lors de la stabilisation du poids chez l’individu devenu obèse, sionnelle...), parfois extrêmement précis (demande de chirurgie
le bilan d’énergie est équilibré. Le nouvel équilibre pondéral est bariatrique par un patient très renseigné) ou inaccessibles
alors défendu par des facteurs biologiques puissants qui mettent (retour au poids de 20 ans).
en échec les mesures pour faire perdre du poids. Au fil du temps Il est essentiel d’écouter le patient, de guider l’entretien par
se constitue une pathologie d’organe avec de profonds remanie- des questions ouvertes en lui redonnant systématiquement la
ments anatomiques, biologiques et fonctionnels qui concernent parole, afin de comprendre la demande réelle (parfois masquée),
l’ensemble des cellules du tissu adipeux (hypertrophie puis et la fonction du poids dans la vie du patient et ses relations
hyperplasie des adipocytes, infiltration par des cellules inflam- aux autres (parfois utilisée comme une défense).
matoires, fibrose, sécrétions autocrine et paracrine...). Il en
résulte de profondes altérations du dialogue physiologique entre Reconstituer l’histoire pondérale
tissu adipeux et le reste de l’organisme.
Concernant les aspects génétiques, la majorité des obésités
(courbe de poids)
résulte d’une prédisposition (gènes de susceptibilité de meilleure L’anamnèse pondérale est reconstituée avec précision et peut
efficacité métabolique, contrôlant le métabolisme de base, la être résumée sur une courbe de poids à l’aide de repères tels
répartition du tissu adipeux, etc.) s’exprimant dans un environ- que : carnet de santé, documents de médecine scolaire ou du
nement favorisant. Il s’agit d’une hérédité polygénique en travail, consultations et/ou traitements motivés par des problè-
interaction avec des facteurs de comportement ou d’environne- mes pondéraux, poids lors de certains événements remarquables
ment, en premier lieu le niveau d’activité physique ou le type (service militaire, mariage, grossesses, etc.), évolution récente du
d’apports alimentaires. Dans de rares situations, il est possible poids (phase ascendante, descendante ou stable). Ces éléments
d’identifier une anomalie génétique spécifique (obésités mono- permettent de caractériser l’obésité, en particulier l’âge de début
géniques), correspondant en général à des situations où l’obésité et l’ancienneté, le poids précédant les poussées pondérales, le
est massive et a débuté précocement dans l’enfance. Elle est caractère statique ou dynamique du poids actuel, l’impact des
fréquemment associée à des anomalies morphologiques (des interventions thérapeutiques antérieures (phénomène de
yeux, oreilles, extrémités), endocriniennes (hypogonadisme), « yoyo » souvent associé à des régimes très restrictifs itératifs),
neurosensorielles (rétinite, surdité), impulsivité alimentaire ou le poids maximal et le poids de forme. Dans les situations
retard mental. d’obésité ancienne, évoluant depuis l’enfance, avec antécédents
familiaux, on parle d’obésité constitutionnelle.
Les circonstances les plus fréquentes de prise de poids à
“ À retenir
rechercher sont : modification du statut hormonal (puberté,
grossesse, ménopause) ; choc émotionnel (dépression, deuil) ;
changement d’environnement familial (mariage, divorce) ou
professionnel (perte d’emploi) ; sevrage tabagique ; arrêt du
Critères d’orientation pour une obésité génétique sport ; intervention chirurgicale imposant une immobilisation
(rare) prolongée ; médicaments (antidépresseurs tricycliques, neuro-
• obésité massive leptiques, thymorégulateurs, glucocorticoïdes, insuline, stimula-
• acquise précocement dans l’enfance tion hormonale) ; exceptionnellement : traumatisme crânien,
• impulsivité alimentaire chirurgie de la région hypothalamohypophysaire, hypothyroïdie
• retard mental profonde.
• troubles endocriniens (hypogonadisme) Les antécédents familiaux d’obésité sont importants à noter
et informent sur la susceptibilité génétique et les facteurs
• anomalies morphologiques (yeux, oreilles, extrémités)
environnementaux. Les antécédents familiaux cardiométaboli-
• anomalies sensorielles (difficulté de la vision ques (diabète, dyslipidémies, hypertension artérielle [HTA]) et de
crépusculaire liée à une rétinite, surdité) cancer sont également à rechercher puisqu’ils augmentent le
risque auquel est déjà exposé le patient du fait de l’obésité.
• Les compulsions alimentaires sont des impulsions soudaines Préciser la situation psychologique
à consommer un aliment donné, survenant entre les repas,
souvent en fin de journée, avec envie de manger un aliment
et sociale
spécifique. Grignotage et compulsions, parfois associés, L’existence d’une dépression, d’une anxiété ou d’un autre
peuvent correspondre à une défense comportementale contre trouble psychologique est fréquente mais non spécifique. Par
l’anxiété. ailleurs, de nombreux traitements psychotropes peuvent entraî-
• Le BED correspond à des compulsions graves répétées avec ner une prise de poids.
perte du contrôle, une forte culpabilité au décours et sans Connaître l’environnement social est essentiel pour la prise
stratégie de contrôle du poids. L’aliment est consommé en charge : difficultés financières qui conditionnent les conseils
rapidement et en grande quantité. diététiques, type de logement (escaliers, ascenseurs, existence
• Le NES associe une impulsivité alimentaire en période d’une cuisine et possibilités de stockage des aliments...) par
exemple.
nocturne, une absence d’appétit matinale, des anomalies du
sommeil et parfois des troubles de l’humeur. Il ne faut pas
confondre ces prises alimentaires avec celles des sujets Évaluer cliniquement la surcharge
insomniaques qui mangent parce qu’ils n’arrivent pas à pondérale (cf. supra)
dormir. • L’importance de l’obésité est estimée par l’IMC. Certaines
• L’hyperphagie prandiale peut être associée à une exagération prises de poids ne sont pas liées à une augmentation de
de la faim et/ou de l’appétit, à un recul ou à l’absence du masse grasse et doivent être reconnues : syndrome œdéma-
rassasiement, voire un dépassement de la satiété. Elle peut teux généralisé (anasarque), augmentation importante de
être caractérisée par une tachyphagie (durée des repas infé- masse musculaire (sportifs de haut niveau).
rieure à 20 minutes), par la survenue de prises alimentaires • La répartition du tissu adipeux est estimée par la mesure du
impulsives à tel ou tel moment du repas, par une convivialité tour de taille.
importante.
• La restriction cognitive est une « tentative, réussie ou non, de Rechercher une cause d’obésité secondaire
réduire sa consommation alimentaire dans le but d’obtenir
Même si ces étiologies sont exceptionnelles, il faut savoir
un poids inférieur au poids spontané » [9]. Cette restriction est
évoquer une hypothyroïdie, un hypercorticisme (obésité facio-
dite cognitive car elle n’aboutit pas forcément à une réduc-
tronculaire associée à des signes de catabolisme ; à noter que la
tion effective des apports énergétiques. Ce comportement,
présence de vergetures, même pourpres, est banale surtout dans
source d’insatisfaction chronique, est souvent suivi d’une les obésités de constitution rapide ou après plusieurs pertes de
levée de la restriction (désinhibition) avec présence de poids massives suivies de reprises pondérales), une tumeur
compulsions alimentaires qui engendrent une prise de poids. hypothalamique ou hypophysaire (impulsivité alimentaire,
La distinction des troubles du comportement alimentaire déficits endocriniens hypophysaires, syndrome polyuropolydip-
secondaires à des difficultés psychologiques des troubles sique, troubles visuels) ou encore un syndrome génétique rare
réactionnels suite à une restriction et des régimes antérieurs est avec obésité (histoire familiale, obésité précoce associée à un
importante : les propositions thérapeutiques sont différentes, syndrome malformatif).
centrées sur l’approche psychologique pour les premières et
diététique pour les secondes.
l’autre, limitation de la capacité physique, difficultés d’accès, L’obésité, par ses nombreuses complications, influe sur le
comorbidités invalidantes...). Les expériences antérieures sont pronostic fonctionnel et vital, notamment dans les situations
informatives sur les représentations du patient vis-à-vis de d’obésité massive. La détermination des seuils d’IMC pour
l’activité physique. caractériser l’obésité a d’ailleurs été établie sur les courbes de
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Tableau 3.
Indications et contre-indications à la chirurgie bariatrique.
Indications Contre-indications
• IMC ≥ 40 kg/m2, ou IMC ≥ 35 kg/m2 avec comorbidités menaçant • Troubles psychiatriques non stabilisés
le pronostic vital ou fonctionnel • Alcoolisme et toxicomanie
• Obésité stable ou s’aggravant • Impossibilité du suivi médical, absence de compliance
• Malgré une prise en charge spécialisée préalable et échec des traitements • Troubles du comportement alimentaire graves
conventionnels en associant des approches complémentaires
• Obésité de cause curable
• Pathologie menaçant le pronostic vital à court terme (anesthésie, cancers...)
IMC : indice de masse corporelle.
“ À retenir
Podomètre
• ne pas fixer d’objectif de nombre de pas sans évaluation
préalable de l’activité spontanée
• une progression du nombre de pas de 10 % par
semaine est réaliste
• 30 minutes de marche rapide associée à l’activité
habituelle correspondent à 10 000 pas/j
• un patient très sédentaire marche 3 000 pas/j
• le nombre de pas recommandé pour le maintien d’une
perte de poids est de 12 000 à 15 000 pas/j Figure 2. Anneau ajustable (d’après [15]).
Tableau 4.
Moyens thérapeutiques utilisables dans la prise en charge de l’obésité en fonction de l’indice de masse corporelle (IMC).
IMC (kg/m2) 25-27 27-30 30-35 35-40 ≥ 40
Conseils alimentaires, activité physique, soutien psychologique + + + + +
Médicaments si comorbidités + + +
Chirurgie bariatrique si comorbidités +
Traitements spécifiques + + + + +
des complications
Le by-pass gastrique est une intervention restrictive et dans l’obésité récente, les modifications de comportement sont
malabsorptive. L’estomac est sectionné pour créer une petite essentielles et s’inscrivent volontiers dans des programmes
poche supérieure, qui est anastomosée au jéjunum, en court- d’éducation thérapeutique. À la phase de stabilisation dans
circuitant le reste de l’estomac et le duodénum. Cette techni- l’obésité ancienne, l’objectif est souvent une stabilisation du
que, irréversible, également réalisée par voie cœlioscopique, est poids et la prise en charge spécifique des complications est
plus efficace puisqu’elle permet de perdre en moyenne 26 % du souvent au premier plan. La discussion de traitements médica-
poids à 15 ans [16]. menteux ou de chirurgie trouve ici toute sa place. Dans tous les
L’intervention doit être réalisée par une équipe chirurgicale et cas, les objectifs de traitement doivent être individualisés en
d’anesthésistes entraînés. tenant compte de la demande du patient, et ne se réduisent pas
La chirurgie bariatrique a montré son efficacité dans la au contrôle du poids. Il est indispensable de traiter les compli-
réduction de la survenue de certaines complications comme le cations spécifiquement (par exemple antihypertenseurs, hypoli-
diabète de type 2, et l’évolution favorable des comorbidités pémiants, antidiabétiques oraux ou insuline, pression positive
telles que le diabète, le syndrome d’apnées du sommeil, la nocturne, continuous positive airway pressure (CPAP), chirurgie des
qualité de vie. Elle est associée à une réduction de la mortalité
hanches ou des genoux), sans attendre la perte de poids.
évaluée à 10 ans de l’ordre de 30 % par rapport aux sujets
Même si elles sont rares, certaines situations urgentes doivent
obèses non opérés. Cette réduction de la mortalité correspond
à une diminution des événements cardiovasculaires, des cancers être identifiées (complications neurologiques, décompensation
et de la mortalité liée au diabète [16]. d’un diabète, complications de la chirurgie bariatrique).
Même si les bénéfices sont nets, il faut noter l’existence d’un La prescription repose d’abord sur les conseils alimentaires,
risque opératoire, avec une mortalité périopératoire estimée à associés chaque fois que possible à la pratique d’une activité
0,1 % pour l’anneau et surtout à 0,5 % pour le by-pass. Les physique régulière et sur le soutien psychologique. Elle est
complications sont importantes et nécessitent un suivi postopé- interdisciplinaire (Tableau 4). Avec la prise en charge médicale
ratoire chirurgical, nutritionnel [17] et psychologique. Pour et nutritionnelle, une perte de poids de l’ordre de 5-10 % du
l’anneau ajustable, les principales complications mécaniques poids maximal est considérée comme réaliste et permettant une
sont les vomissements et l’intolérance alimentaire avec possibi- amélioration significative des complications (métaboliques,
lité de déplacement de l’anneau induisant une dilatation de la respiratoires, cardiovasculaires, rhumatologiques). L’indication
poche, voire de l’œsophage. Les complications du by-pass sont d’une chirurgie bariatrique doit rester exceptionnelle, réservée
surtout le dumping syndrome et la possibilité de carences aux cas les plus graves, après évaluation des bénéfices et risques
(martiales, vitaminiques), voire de dénutrition, avec des consé- potentiels, au sein d’équipes spécialisées.
quences parfois gravissimes notamment au plan neurologique
(encéphalopathie de Gayet-Wernicke, neuropathie périphérique,
etc.). Le résultat pondéral est conditionné par l’expérience du
chirurgien, l’adhésion aux conseils diététiques et la reprise d’une
activité physique [18].
Les interventions de type chirurgie plastique ou réparatrice
“ À retenir
(exemple, lipectomie) visant surtout l’excision de la peau Intérêt du suivi après chirurgie bariatrique
excédentaire après amaigrissement (exemple, tablier abdominal) • adaptation diététique (diversification alimentaire,
peuvent être pratiquées après réduction puis stabilisation du fractionnement, mastication)
poids.
• supplémentation systématique, dépistage et correction
des déficits vitaminiques (fer, calcium, vitamine D, B1, B9,
Stratégies de prise en charge : B12)
quels moyens pour quels patients ? • surveillance de la perte de poids et poursuite de
L’obésité est une maladie chronique : la prise en charge est l’éducation dans le maintien du poids (place de l’activité
sur le long terme, elle impose un suivi et de ne pas répéter les physique)
échecs. En pratique, c’est l’objectif à long terme qui est priori- • dépistage des complications mécaniques des montages
taire : maintien du poids perdu, stabilisation ou prévention de (transit œso-gastro-duodénal)
la reprise de poids, dépistage et traitement des complications et • suivi psychologique si besoin
amélioration de la qualité de vie. Elle nécessite donc un suivi
• programmation des grossesses, chirurgie réparatrice
régulier en consultation qui permet l’adaptation du traitement
à l’efficacité et la tolérance du sujet, l’accompagnement dans les
changements de comportement. Il s’agit d’une progression à
petits pas, visant des micro-objectifs fixés avec le patient. Une
hospitalisation en milieu spécialisé peut être proposée en cas de ■ Conclusion
complication somatique nécessitant des explorations et/ou un
traitement urgent, dans l’obésité massive multicompliquée, pour La prise en charge des patients obèses est un exercice com-
prise en charge multidisciplinaire avant et après chirurgie plexe : elle aborde de multiples aspects de la pratique médicale,
bariatrique. nécessite une approche multidisciplinaire et implique une
L’obésité est une maladie évolutive dont chaque phase considération permanente de la demande du patient. Ses
répond à des mécanismes et déterminants différents : il est objectifs sont multiples, allant du contrôle du poids au dépis-
important de reconnaître pour chaque patient quels sont les tage et traitement des complications et à l’amélioration de la
facteurs déclenchants, les mécanismes prédominants et ceux qualité de vie. Les mesures préventives, non abordées ici, sont
accessibles au traitement. Ainsi à la phase de constitution et essentielles à l’amélioration de ce problème de santé publique.
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Obésité ¶ 3-0780
[7] Czernichow S, Ciangura C, Oppert JM. Obesity in the adult. Rev Prat
C. Ciangura (cecile.ciangura@psl.aphp.fr).
Centre de recherche en nutrition humaine Île-de-France, Service de nutrition (professeur Basdevant), Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de
l’Hôpital, 75013 Paris, France, Université Pierre et Marie Curie-Paris 6, France.
S. Czernichow.
Unité de recherche en épidémiologie nutritionnelle Inserm U557/INRA U1125/CNAM/UP13 ; Centre de recherche en nutrition humaine Île-de-France ;
Département de santé publique, Hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France.
J.-M. Oppert.
Centre de recherche en nutrition humaine Île-de-France, Service de nutrition (professeur Basdevant), Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de
l’Hôpital, 75013 Paris, France, Université Pierre et Marie Curie-Paris 6, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ciangura C., Czernichow S., Oppert J.-M. Obésité. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine
Akos, 3-0780, 2009.
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